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. 166. But de la réadaptation professionnelle

Capacité à exercer son emploi lorsqu'un emploi convenable a déjà été déterminé dans le passé

Le Tribunal doit régulièrement déterminer la capacité d'un travailleur à exercer son emploi lorsqu'il a déjà bénéficié d'un programme de réadaptation professionnelle et qu'un emploi convenable a alors été déterminé. Selon la jurisprudence, il est d'abord important de circonscrire l'objet du litige qui doit être décidé dans ce type de dossier, soit la détermination de la capacité d'un travailleur à exercer son emploi.

Bourdage et Maison de réhabilitation L'Exode inc., C.L.P. 377438-71-0905, 5 août 2010, J.-F. Martel.

Le litige porte sur la décision de la CSST de déclarer la travailleuse capable d’exercer un emploi qui avait déjà été déterminé pour elle, à titre d’emploi convenable, à la suite d’une lésion professionnelle antérieure. Le tribunal remarque la dualité de cette décision, en ce qu’elle se prononce à la fois sur la capacité de la travailleuse à exercer un emploi et sur la cessation du versement de l’IRR. Or, qu’il s’agisse de déterminer si la travailleuse a droit à une IRR en vertu des articles 44 et suivants, ou qu’il s’agisse de déterminer si elle a droit à la réadaptation en vue de sa réinsertion professionnelle en vertu des articles 145 et suivants, la démarche d’analyse doit toujours être amorcée, en premier lieu, par l’évaluation de sa capacité à exercer son emploi, soit celui qu’elle occupe lorsque se manifeste sa lésion professionnelle.

Tapp et E. Forêt inc., 2015 QCCLP 4205.

La décision contestée statue uniquement sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déterminé antérieurement et sur la fin du droit à l’IRR. L’objet du litige n'est pas de déterminer s'il a droit à la réadaptation professionnelle ou si l’emploi convenable déjà déterminé constitue un emploi convenable au sens de l’article 2. L’évaluation de la capacité à exercer cet emploi constitue la première étape permettant de décider s'il conserve ou non son droit à l’IRR.

Allard et Aliments J.-Claude Croteau enr., 2016 QCTAT 1824.

Le Tribunal n’est pas saisi de la question du droit à la réadaptation ni de la détermination d’un emploi convenable, mais celle d’établir si le travailleur est capable d’exercer "son emploi". 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 2966.

Plante et Aliments Gallina ltée, 2016 QCTAT 5366.

Le tribunal n'est pas saisi de la question du droit à la réadaptation ni de la détermination d'un emploi convenable, mais celle d'établir si la travailleuse est capable d'exercer "son emploi". Il ne s'agit donc pas d'établir si l'emploi est toujours convenable pour la travailleuse, mais d'évaluer si elle est capable de l'exercer comme si elle l'avait exercé au moment de subir sa RRA.

Voir également :

Binette et Construction Bernard Gagnon & fils, 2013 QCCLP 1939.

Cependant, certains juges sont d'avis que lorsque la CNESST statue sur la capacité d'un travailleur à exercer l'emploi convenable déterminé lors d'une lésion professionnelle antérieure, l'objet de leur litige consiste à déterminer si cet emploi est convenable.

Fontaine et C.L.S.C. de la région-Sherbrookoise, C.L.P. 151636-05-0012, 27 mars 2003, L. Boudreault.

Suivi :

Révision accueillie, [2003] C.L.P. 692.

Révision judiciaire accueillie, [2004] C.L.P. 213 (C.S.).

Appel rejeté, [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

Morin et J. S. Redpath ltée, C.L.P. 284493-08-0603, 27 avril 2006, J.-P. Arsenault.

La détermination de "son emploi"

La jurisprudence reconnaît que c'est l'appréciation des faits qui permet d'identifier pour le travailleur "son emploi".

Selon la jurisprudence, lorsque le travailleur occupe un emploi au moment d'une nouvelle lésion professionnelle, qu'il s'agisse de l'emploi convenable antérieurement déterminé, de l'emploi prélésionnel ou de tout autre emploi, c'est cet emploi qui doit servir à analyser sa capacité à exercer son emploi. Il faut prendre en considération l'emploi réellement exercé au moment de la nouvelle lésion professionnelle, indépendamment des décisions antérieures ayant déterminé un emploi convenable.

Par ailleurs, la jurisprudence établit que si le travailleur n'a occupé aucun emploi depuis sa lésion professionnelle initiale, l'emploi convenable précédemment déterminé sera celui utilisé pour l'analyse de la capacité du travailleur à reprendre son emploi. Cet emploi devient l'emploi occupé habituellement au sens de l'article 44 alinéa 2, s'agissant du dernier emploi qu'il a été jugé capable d'exercer.

Or, si ce travailleur, qui est sans emploi au moment de la nouvelle lésion professionnelle, a occupé un autre emploi que l'emploi convenable déterminé antérieurement, et ce, de façon significative, cet emploi peut être considéré comme l'emploi occupé habituellement.

Le travailleur occupe un emploi lors de la nouvelle lésion

Bourboin et Transport Lys inc., C.L.P. 322371-31-0707, 14 février 2008, P. Simard.

Les termes "la réintégration du travailleur dans son emploi" utilisés à l'article 166 réfèrent à l'emploi prélésionnel réellement occupé. En l'espèce, le travailleur exerçait l'emploi de chauffeur-livreur lors de la lésion professionnelle initiale et un emploi de préposé aux stationnements a été déterminé. Lors d'une nouvelle lésion professionnelle le travailleur exerçait l'emploi de chauffeur-livreur. La CSST devait décider si, à la suite de cette nouvelle lésion, il était en mesure d'occuper son emploi prélésionnel. Elle ne pouvait pas s'abstenir de considérer l'emploi de chauffeur-livreur pour le motif qu'il n'avait pas la capacité d'exercer cet emploi à la suite de la lésion initiale. Lorsqu'un travailleur, préalablement à une lésion professionnelle, occupe un emploi, indépendamment des décisions antérieures, c'est cet emploi qui doit être considéré comme étant l'emploi prélésionnel puisqu'il correspond à sa réalité.

Vitabile et Les piscines Val-Morin inc., C.L.P. 358326-63-0809, 13 mai 2009, I. Piché.

Au moment de la RRA, le travailleur occupe l’emploi convenable déterminé lors de la lésion initiale. Cet emploi constitue "son emploi" et la capacité du travailleur doit être évaluée en fonction de cet emploi.

Voir également :

Bourdage et Maison de réhabilitation L’Exode inc., C.L.P. 377438-71-0905, 5 août 2010, J.-F. Martel.

Dubois et Béton 34 inc., 2017 QCTAT 2807.

Le travailleur est sans emploi lors de la nouvelle lésion

Bourboin et Transport Lys inc., C.L.P. 322371-31-0707, 14 février 2008, P. Simard.

Les termes "la réintégration du travailleur dans son emploi" utilisés à l'article 166 réfèrent à l'emploi prélésionnel réellement occupé. Dans l'hypothèse où le travailleur n'occupe pas d'emploi lors de la survenance de sa lésion professionnelle, l'emploi prélésionnel est l'emploi qu'il occupe habituellement. Selon le cas, dans l'hypothèse où le travailleur aurait subi une lésion professionnelle antérieure engendrant la détermination d'un emploi convenable, emploi qu'il n'aurait jamais occupé, cet emploi serait considéré comme étant l'emploi prélésionnel. Dans une autre hypothèse, si ce même travailleur a occupé un autre emploi que l'emploi convenable prédéterminé, emploi qu'il aurait occupé pour une période significative, ce nouvel emploi (malgré une période chômée) serait l'emploi prélésionnel.

Y... D... et Compagnie A, C.L.P. 336871-31-0712, 5 juin 2008, M.-A. Jobidon.

Si un travailleur est sans emploi au moment de la RRA, mais qu’un emploi convenable a été déterminé lors d’une lésion professionnelle initiale, cet emploi convenable est présumé être l’emploi qu’il occupait habituellement au sens de l’article 44 alinéa 2.

St-Arnaud et Transport GS inc., 2011 QCCLP 2161.

Lorsqu'un travailleur ayant subi une première lésion professionnelle qui a mené à la détermination d'un emploi convenable est sans emploi lors d'une nouvelle lésion, l'emploi de référence peut consister à l'emploi convenable déterminé si cela correspond à la réalité du travailleur. Il faut analyser les faits propres à chaque dossier. Par ailleurs, lorsqu’un travailleur décide d’occuper un autre emploi que l’emploi convenable préalablement déterminé et qu’il se blesse au travail, c’est l’emploi qu’il occupe alors qui devient l’emploi de référence, et ce, indépendamment du titre de l’emploi convenable retenu initialement. Il faut analyser la réalité propre pour chaque travailleur.

En l'espèce, à la suite de sa lésion professionnelle initiale, le travailleur n'a jamais exercé l'emploi convenable d'agent de sécurité. Il a plutôt repris un emploi de camionneur sans manutention de charge. C'est dans l'exercice de cet emploi qu'il a subi une nouvelle lésion professionnelle. Une fois cette lésion consolidée, il a repris son travail, mais a dû cesser de l'exercer en raison des douleurs. Il a alors occupé pour une courte période l'emploi de journalier. Bien qu'il n'exerçait pas d'emploi lors de sa RRA, c'est en raison de ses douleurs et difficultés engendrées par sa lésion professionnelle qu'il n'exerçait plus l'emploi de camionneur. Cet emploi qu'occupait le travailleur lors de la lésion à l'origine des limitations fonctionnelles est l'emploi de référence pour apprécier la capacité de travail.

St-Pierre et Famille Gregheur inc., 2011 QCCLP 4255.

L’expression "son emploi" renvoie à l’emploi convenable préalablement déterminé lors d’une précédente lésion professionnelle, lorsqu’aucun emploi n’est occupé au moment de la RRA.

Aubé et IAMGOLD – Mine Doyon, 2011 QCCLP 7035.

Lorsqu’un travailleur n’a jamais occupé l’emploi convenable déterminé lors d’une lésion professionnelle antérieure et qu’il est sans emploi au moment de la RRA, cet emploi convenable devient, par analogie, l’emploi qu’il occupait habituellement au sens de l’article 44.

Ouellet et Construction Dumais & Pelletier inc., 2012 QCCLP 782.

Lorsqu’un travailleur n’occupe pas d’emploi lors de sa RRA et qu’il n’a pas exercé d’emploi depuis la détermination d’un emploi convenable en lien avec sa lésion initiale, cet emploi convenable doit servir de base à l’analyse de la capacité. Cette façon de faire est conforme au deuxième alinéa de l’article 44 de la loi qui prévoit que le travailleur qui n’a pas d’emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à une IRR s’il devient incapable d’exercer son emploi habituel. Dans de telles circonstances, l’emploi habituel est assimilé, par analogie, à l’emploi convenable préalablement déterminé.

Binette et Construction Bernard Gagnon & fils, 2013 QCCLP 1939.

Lorsqu’un travailleur occupe un emploi lors d’une nouvelle lésion professionnelle, l’analyse de son droit à l’IRR et à la réadaptation professionnelle s’effectue en fonction de l’emploi réellement occupé. Ainsi, le travailleur n'ayant jamais exercé l'emploi convenable déterminé antérieurement, mais ayant occupé de façon significative un autre emploi, le tribunal estime qu'il doit analyser sa capacité à exercer cet emploi.

En l'espèce, à la suite de la lésion professionnelle initiale et d'une RRA, la CSST a déterminé un emploi convenable d'inspecteur en bâtiment que le travailleur n'a jamais exercé. Il a plutôt occupé un emploi de commis-vendeur dans un commerce et il est devenu propriétaire de ce commerce. La preuve démontre qu'un an avant la nouvelle RRA, il exerçait toujours cet emploi. Or, au moment de cette nouvelle RRA, il est sans emploi. Le travailleur n'ayant jamais exercé l'emploi convenable, mais ayant occupé "de façon significative" l'emploi de commis-vendeur, sa capacité doit être analysée à l'égard de cet emploi puisqu'il s'agit de l'emploi qu'il occupait réellement.

Renaud et L’environnement du Nord ltée, 2014 QCCLP 4824.

L'expression "son emploi" utilisée aux articles 44 et 57 fait référence à l'emploi qu'un travailleur occupe au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle. C'est la capacité d'un travailleur d'exercer cet emploi que la CSST doit d'abord évaluer afin de déterminer s'il a droit à l'IRR. Ce droit prend fin lorsqu’il redevient capable d'exercer "son emploi". Lorsqu'un travailleur subit une nouvelle lésion professionnelle après avoir bénéficié d'un programme de réadaptation au terme duquel la CSST lui a déterminé un emploi convenable, l'analyse de sa capacité de travail doit commencer par l'examen de l'emploi occupé au moment de la manifestation de cette lésion. Lorsqu’il n'occupe pas d'emploi à ce moment, il faut établir celui qu'il occupait habituellement. Si un emploi convenable a déjà été déterminé, le droit à l'IRR est établi en fonction de sa capacité à exercer cet emploi, lequel devient l'emploi occupé habituellement au sens du deuxième alinéa de l'article 44.

Guénette et 9141-6669 Québec inc., 2015 QCCLP 2917.

L’analyse de la capacité d’un travailleur à exercer l’emploi qu’il occupait habituellement à la suite d’une RRA s’évalue, s’il est sans emploi, en fonction de l’emploi convenable déjà déterminé.

Plante et Aliments Gallina ltée, 2016 QCTAT 5366.

Les termes "son emploi" font généralement référence à l'emploi occupé au moment de la survenance de la lésion professionnelle. Lorsqu'un emploi convenable a déjà été déterminé par le passé et que la travailleuse subit une RRA alors qu'elle est sans emploi et n'a jamais occupé l'emploi convenable, sa capacité de travail doit s'analyser en fonction de cet emploi convenable.

En l'espèce, la travailleuse n'est jamais retournée sur le marché du travail depuis qu'elle a été déclarée capable d'occuper l'emploi convenable de technicienne de production manufacturière par une décision de la CSST non contestée. Cet emploi constitue donc "son emploi" et il s'agit de déterminer si elle est capable d'exercer cet emploi.

Dubois et Béton 34 inc., 2017 QCTAT 2807. 

La capacité de travail doit s'analyser en fonction de l'emploi convenable déjà déterminé si le travailleur est sans emploi au moment de subir sa RRA.

Voir également :

Vill et C.S.S.S. de Rimouski-Neigette, C.P.L. 327915-01A-0709, 13 juin 2008, Monique Lamarre.

Guzman et As de la construction inc., C.L.P. 303507-62-0611, 17 août 2009, J. Landry.

Urquhart et Collège CDI, 2012 QCCLP 5629.

Lacharité, 2015 QCCLP 6808.

Gendron, 2016 QCTAT 2195. 

Malette et Transport ultra, 2017 QCTAT 2761.

Évaluation de la capacité du travailleur à exercer son emploi à la suite d'une nouvelle lésion professionnelle

Dans la mesure où "son emploi" correspond à l'emploi convenable déterminé antérieurement, l'étape suivante consiste à déterminer s'il est capable d'exercer cet emploi.

Atteinte permanente supplémentaire avec ou sans nouvelles limitations fonctionnelles

Lorsqu'un travailleur subit une nouvelle lésion professionnelle qui entraîne une augmentation de son atteinte permanente et des limitations fonctionnelles additionnelles, plusieurs approches se dégagent de la jurisprudence quant à l'analyse des droits du travailleur.

La première approche consiste à analyser seulement les nouvelles limitations fonctionnelles afin de déterminer s'il est capable d'exercer son emploi (soit l'emploi convenable déterminé antérieurement).

Pour ces décideurs, il n'est pas possible de remettre en question l'emploi convenable déjà déterminé puisqu'il a fait l'objet d'une décision ayant acquis un caractère final, les critères de l'emploi convenable ayant été évalués lors de sa lésion professionnelle.

Cette approche permet d'adopter la même façon de faire que pour une lésion professionnelle initiale. Les droits dont peut bénéficier un travailleur sont les mêmes, qu'il s'agisse d'une première ou d'une seconde lésion. 

Par ailleurs, devant les circonstances particulières d'un dossier, certains juges précisent devoir aller au-delà de la simple analyse des nouvelles limitations fonctionnelles et considérer d'autres facteurs pertinents, notamment les limitations fonctionnelles déjà existantes, la prise de médicaments et leurs effets secondaires, l'évolution du marché de l'emploi, l'évolution de l'emploi, etc. Selon eux, il ne faut pas interpréter trop restrictivement la notion de limitations fonctionnelles et prendre aussi en considération d'autres conditions qui affectent le travailleur.

La seconde approche consiste à analyser la condition globale du travailleur afin de déterminer s'il a la capacité d'exercer son emploi, soit l'emploi convenable déterminé antérieurement.

Pour ces décideurs, cette façon de faire est plus conforme à la lettre et à l'esprit de la loi et permet de réparer intégralement les conséquences en lien avec la nouvelle lésion professionnelle. Il s'agit alors d'examiner la situation globale du travailleur et ainsi, s'assurer que l'emploi convenable déjà déterminé répond aux critères de la définition d'emploi convenable.

Par ailleurs, quelques décideurs adhérant à cette approche sont d'avis que même en l'absence de nouvelles limitations fonctionnelles, alors que le travailleur conserve une atteinte permanente de la nouvelle lésion professionnelle, il faut analyser l'état global du travailleur à la suite de la nouvelle lésion professionnelle pour déterminer si sa capacité résiduelle s'est détériorée.

Analyse des nouvelles limitations fonctionnelles pour évaluer la capacité (première approche)
Reynaud et Groupe Dynamite inc., C.L.P. 246791-71-0410, 3 septembre 2007, L. Landriault.

Lorsqu'un emploi convenable a déjà été déterminé pour un travailleur qui ne l'a toutefois pas occupé (ni un autre emploi), et que celui-ci subit une RRA qui le laisse avec des séquelles permanentes supplémentaires, il faut décider si ces limitations l'empêchent d'exercer l'emploi convenable préalablement déterminé. Il n'y a pas lieu d'analyser l'ensemble des critères prévus à la définition d'emploi convenable pour décider de sa capacité à exercer cet emploi. En effet, un travailleur qui subit une lésion professionnelle, qu'il s'agisse d'une lésion initiale ou d'une RRA — dont il conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique —, a droit à la réadaptation. Or, cela ne donne pas nécessairement droit à la détermination d'un emploi convenable. Ce n'est que si les limitations fonctionnelles supplémentaires rendent le travailleur incapable d'exercer l'emploi convenable préalablement déterminé que la CSST doit déterminer si une mesure de réadaptation peut être nécessaire et, si ce n'est pas possible, déterminer un emploi convenable. En l'espèce, la CLP n'a pas à analyser l'ensemble des critères prévus à la définition d'emploi convenable, dont le caractère "approprié" de l'emploi, pour décider si le travailleur est capable d'exercer l'emploi convenable préalablement déterminé de superviseur des conducteurs.

Suivi :

Révision rejetée, 31 janvier 2008, M. Carignan.

Y... D... et Compagnie A, C.L.P. 336871-31-0712, 5 juin 2008, M.-A. Jobidon. 

L'emploi convenable identifié de façon finale à la suite de la lésion initiale ne peut faire l'objet d'une remise en question lors d'un litige portant sur la capacité à l'exercer à la suite d'une RRA. Il s'agit d'analyser uniquement l'état physique du travailleur, et ce, en regard des nouvelles limitations fonctionnelles découlant de la RRA concernée. Le tribunal ne peut revoir les critères ayant servi à la détermination de l'emploi convenable qui ont mené à la décision antérieurement rendue à ce sujet, laquelle n'a jamais été contestée par le travailleur.

Vitabile et Les piscines Val-Morin inc., C.L.P. 358326-63-0809, 13 mai 2009, I. Piché. 

Au moment de la RRA, le travailleur occupe l’emploi convenable déterminé lors de la lésion initiale. Cet emploi constitue "son emploi" et la capacité du travailleur doit être évaluée en fonction de cet emploi (devenu son emploi). À ce stade, il ne s'agit pas de revoir le processus de détermination d'un emploi convenable.

Ouellet et Construction Dumais & Pelletier inc., 2012 QCCLP 782. 

Le tribunal doit limiter son analyse en fonction des limitations fonctionnelles supplémentaires découlant de la RRA. Ce n'est que dans l'éventualité où le travailleur n'est pas apte à exercer son emploi en raison de ses limitations fonctionnelles que l'analyse devra aller plus loin conformément aux articles 169 et suivants. À ce stade, il sera possible de considérer la situation globale du travailleur et vérifier si l'emploi satisfait les critères de la définition d'emploi convenable. Lors d'une lésion initiale, on s'interroge d'abord sur la compatibilité ou non des limitations fonctionnelles que cette dernière a laissées au travailleur avec l'emploi qu'il exerçait lorsqu'il en a été victime. On ne tient pas compte des autres facteurs à cette étape. Ce n'est qu'après avoir conclu à l'incompatibilité des limitations avec l'emploi prélésionnel et lors de la détermination d'un emploi convenable, que d'autres facteurs doivent être considérés. La même approche doit être adoptée lors d'une RRA.

Renaud et L'Environnement du Nord ltée, 2014 QCCLP 4824. 

La question de la capacité du travailleur doit être abordée par le biais des articles 44 et 57 en analysant la compatibilité des nouvelles limitations fonctionnelles avec les tâches de l’emploi occupé. La CSST n’a pas à se prononcer de nouveau sur chacun des critères de l’emploi convenable. Si les limitations fonctionnelles rendent le travailleur incapable d’exercer son emploi, il va conserver son droit à l’IRR tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi. L’analyse de sa capacité doit suivre ce cheminement et l’article 47 doit être lu en parallèle avec les dispositions sur la réadaptation. La CSST a l’obligation de procéder d’abord à l’analyse de la capacité du travailleur à exercer "son emploi" en fonction des limitations fonctionnelles qu’il garde de sa lésion professionnelle. Lorsque aucune mesure de réadaptation ne lui permet de reprendre son emploi, elle doit vérifier auprès de l’employeur s’il a un emploi convenable de disponible et dans la négative, déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. Si la CSST déterminait d’abord le caractère convenable de l’emploi convenable préalablement déterminé, elle court-circuiterait le processus mis en place, sautant l’étape d’analyser la capacité d’exercer son emploi en fonction des nouvelles limitations fonctionnelles. Le fait de réexaminer les limitations fonctionnelles antérieures aurait pour effet de permettre à la travailleuse de faire indirectement ce qu’elle ne peut faire directement, soit de remettre en question le caractère convenable de l’emploi antérieurement déterminé.

Tapp et E. Forêt inc., 2015 QCCLP 4205.

Il faut analyser uniquement les nouvelles limitations fonctionnelles afin de déterminer la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà déterminé, et ce, avant de recourir aux dispositions de la réadaptation professionnelle. Le fait qu’une RRA entraîne une augmentation de l’atteinte permanente ne donne pas automatiquement droit à la réadaptation professionnelle, ce dernier étant conditionnel à ce que "requiert" son état. La décision contestée statue uniquement sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déterminé antérieurement et sur la fin du droit à l’IRR. L’objet du litige n'est pas de déterminer si le travailleur a droit à la réadaptation professionnelle ou si l’emploi convenable déjà déterminé constitue un emploi convenable au sens de l’article 2. L’évaluation de la capacité à exercer cet emploi constitue la première étape permettant de décider si le travailleur conserve ou non son droit à l’IRR. La loi prévoit que le travailleur a droit au versement de l’IRR s’il est incapable d’exercer son emploi en raison d’une lésion professionnelle (article 44). Elle ne crée aucune distinction entre une lésion initiale ou une RRA. Ce droit prend fin notamment lorsqu’il redevient capable d’exercer son emploi (article 57). En vertu de l’article 47, le travailleur a droit à la poursuite du versement de son IRR, tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi. Les dispositions sur la réadaptation professionnelle s’appliquent alors.

En l'espèce, le travailleur a subi une lésion professionnelle à la suite de laquelle un emploi convenable de préposé à la billetterie a été déterminé. Étant sans emploi au moment de sa RRA et n'ayant occupé aucun emploi depuis la détermination de l'emploi convenable, le dernier emploi qu'il a été jugé capable d'exercer est celui de préposé à la billetterie. Il faut donc décider s'il est toujours capable d'exercer cet emploi étant donné l'aggravation des limitations fonctionnelles découlant de sa RRA. Or, ces dernières ne le rendent pas incapable d'exercer son emploi et il n'a plus droit à l'IRR.

Gendron, 2016 QCTAT 2195. 

Le travailleur étant sans emploi au moment de sa RRA, il s'agit de déterminer s'il a la capacité d'exerce l'emploi convenable déterminé lors de sa lésion initiale. Il n'y a pas lieu de revoir l'emploi convenable qui n'a pas été contesté, mais plutôt d'établir s'il a la capacité d'exercer l'emploi convenable déterminé par le passé en tenant compte des changements survenus dans sa condition à la suite de sa lésion professionnelle. Conformément à l'article 169, il faut évaluer sa capacité en fonction des seules limitations qui découlent de la nouvelle lésion. Cette interprétation est tout aussi conforme à l'esprit de l'article 1 qui définit l'objet de la loi, soit la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

Dans un premier temps, il s'agit de se demander si, à la suite de sa RRA, il y a des limitations fonctionnelles additionnelles à celles ayant servi à déterminer l'emploi convenable initialement. Si la réponse est négative, il faut conclure que le travailleur a la capacité d'exercer cet emploi. Si le travailleur conserve de nouvelles limitations fonctionnelles, il s'agit alors de se demander si elles l'empêchent d'occuper son emploi prélésionnel. Si la réponse est négative, il faut conclure qu'il est capable d'exercer son emploi. Si la réponse est positive, il s'agit de déterminer un nouvel emploi convenable et de tenir compte de la globalité du travailleur.

Plante et Aliments Gallina ltée, 2016 QCTAT 5366.

Le Tribunal doit décider si, à la suite de sa RRA, la travailleuse est capable d'exercer son emploi, soit l'emploi convenable déterminé antérieurement. Le Tribunal n'entend pas réévaluer les critères prévus à la loi afin de décider si cet emploi constitue un emploi convenable. Cette question a déjà été décidée par une décision non contestée et établie en fonction des limitations fonctionnelles octroyées à l'époque. Il y a lieu d'analyser uniquement si les nouvelles limitations fonctionnelles découlant de la RRA rendent la travailleuse incapable d'exercer l'emploi convenable déjà déterminé. Le Tribunal n'est pas saisi de la question du droit à la réadaptation ni de la détermination d'un emploi convenable, mais celle d'établir si la travailleuse est capable d'exercer "son emploi". Il ne s'agit donc pas d'établir si l'emploi est toujours convenable pour la travailleuse, mais d'évaluer si elle est capable de l'exercer comme si elle l'avait exercé au moment de subir sa RRA.

Bélanger et Isolation Val-Mers ltée, 2016 QCTAT 7198.

La CNESST devait se demander si le travailleur était capable d'exercer l'emploi qu'il occupait au moment de sa RRA et considérant qu'il était sans emploi, il s'agit de déterminer s'il est capable d'occuper son emploi habituel. Puisqu'il n'a pas réintégré le marché du travail depuis la lésion professionnelle initiale, il faut seulement se demander s'il est capable d'exercer l'emploi convenable déterminé auparavant, étant donné ses nouvelles limitations fonctionnelles. Il n'y a pas lieu de tenir compte de facteurs externes à la RRA, y compris des conditions personnelles propres au travailleur ou de maladie personnelle intercurrente.

En l'espèce, le travailleur qui exerçait le métier de calorifugeur pour l'employeur, a subi une lésion professionnelle et un emploi convenable de chauffeur-livreur de petit colis a été déterminé. Il n'a jamais exercé cet emploi puisque durant son année de recherche d'emploi, il a subi une RRA pour laquelle il a conservé une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sur le plan psychologique. C'est avec raison que la CNESST s'est limitée à analyser si les nouvelles limitations fonctionnelles découlant de la RRA étaient respectées dans l'exercice de l'emploi convenable qui avait auparavant été déterminé. Le travailleur est capable d'exercer cet emploi et un nouveau processus de réadaptation n'a pas à être amorcé.

Suivi :

Révision rejetée, 2017 QCTAT 2671.

Voir également :

Claveau et Orlando Corporation, C.L.P. 312947-62C-0703, 13 août 2008, M. Lamarre.

St-Pierre et Famille Gregheur inc., 2011 QCCLP 4255.

Urquhart et Collège CDI, 2012 QCCLP 5629.

Malette et Transport ultra, 2017 QCTAT 2761.

Analyse des nouvelles limitations fonctionnelles et circonstances particulières pour évaluer la capacité (première approche)
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine, [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

La Cour d'appel énonce que la décision de CLP-1 qui ne suit pas le courant majoritaire de l'époque n'est pas nécessairement la seule puisque d'autres décisions, quoique peu nombreuses, se démarquent elles aussi de cette interprétation. Toutefois, aux yeux de la Cour d'appel, ces décisions illustrent le même problème, soit " [...] un long et pénible parcours de complications médicales, accompagnées d'une détérioration progressive de l'état de santé physique et, souvent aussi, psychique, du travailleur. Dans la plupart de ces cas, le processus se prolonge pendant plusieurs années entre la détermination d'un emploi convenable et la décision déclarant le travailleur de nouveau apte à l'exercer." Cette interprétation est tout aussi compatible avec la loi et il est justifié que selon les circonstances particulières d'un dossier, une nouvelle analyse du caractère convenable d'un emploi soit faite afin de rendre une décision équitable, selon le mérite réel et la justice du cas conformément à l'article 351.

L'interprétation des textes de loi doit nécessairement se faire à la lumière des circonstances précises de l'espèce. Ces circonstances sont les suivantes, soit que le contexte qui prévalait lors de la détermination de l'emploi convenable, en 1997, était totalement différent de celui présent lors de l'analyse de la capacité en 2000. La travailleuse a subi une chirurgie qui s'est avérée un échec, son DAP a augmenté de 20 % et ses limitations fonctionnelles ont été légèrement modifiées. Sa vie personnelle, psychique et médicale a changé de façon significative. Ces éléments sont autant de faits susceptibles de jeter une lumière autre sur la jurisprudence constante de la CLP. CLP-1 a jugé qu'une accumulation de facteurs présentant une gravité suffisante justifiait que la question de l'emploi convenable soit réexaminée et soit tranchée en faveur de l'intimée. CLP-1 a ainsi sensiblement nuancé sa position face à la jurisprudence qui analysait uniquement les nouvelles limitations fonctionnelles. Ainsi, confrontée à des faits difficiles, une interprétation qu'on croyait reçue fait voir ses faiblesses et fait obstacle à la détermination de la solution appropriée au cas.

Bourque et Agence de Personnel Mcmel inc., C.L.P. 263106-72-0505, 12 décembre 2005, Anne Vaillancourt.

Le tribunal précise privilégier l’approche qui analyse seulement les nouvelles limitations fonctionnelles. Toutefois, après une étude approfondie des motifs de la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Fontaine, en regard des faits particuliers du dossier, le tribunal conclut qu’une interprétation restrictive de la capacité de travail en la réduisant à la seule adéquation avec les limitations fonctionnelles conduit dans ce cas à un résultat quelque peu absurde et certainement contraire aux buts recherchés par la loi. La question de la médication doit être considérée dans l’évaluation puisqu’elle est en lien direct avec la condition médicale reconnue à titre de RRA. Ainsi, dans le contexte, de n’examiner la capacité que sous l’angle des seules limitations fonctionnelles équivaudrait à escamoter la question des conséquences réelles de la RRA sur la capacité du travailleur et conduirait à un résultat absurde. Il ne s’agit pas d’analyser tous les critères de l’emploi convenable, mais de favoriser une interprétation globale et non restrictive de la notion de capacité à exercer son emploi. En l'espèce, le travailleur a fait la preuve que la médication qu'il prend en lien avec sa lésion professionnelle initiale nuit à sa concentration et affecte sans aucun doute sa capacité de travail à temps plein. Ainsi, l'emploi convenable d'assembleur de matériel électronique respecte ses limitations fonctionnelles, mais il n'a pas la capacité de l'occuper en raison de sa médication.

Venne et Transports Serge Roy inc., C.L.P. 275530-64-0510, 3 avril 2008, R. Daniel.

Le tribunal estime devoir actualiser les conditions d'exercice de l'emploi convenable déterminé antérieurement (en 1995) de commis-caissier de station libre-service. Il faut tenir compte de la situation réelle de cet emploi sur le marché en 2008 puisqu'il ressort de la preuve que ces stations sont maintenant associées à un dépanneur à grande surface. Les tâches actuelles exigent davantage que simplement activer les pompes à essence et collecter les espèces auprès de la clientèle. Ces tâches ne respectent pas les limitations fonctionnelles émises à la suite de la RRA de 2005.

M… L… et Ressource A, C.L.P. 289790-71-0605, 28 mai 2008, M. Zigby.

Des circonstances particulières peuvent justifier de déroger à l'approche voulant que seules les nouvelles limitations fonctionnelles soient analysées pour évaluer la capacité du travailleur a exercer l'emploi convenable déterminé antérieurement et permettent, pour des raisons de justice et d’équité, d’évaluer la capacité du travailleur en fonction des nouvelles limitations fonctionnelles et de celles déjà existantes. En l’espèce, lors de la détermination initiale de l’emploi convenable, la Commission n’a pas analysé les tâches de cet emploi en fonction des limitations fonctionnelles du travailleur. Le travailleur a été déclaré capable d’exercer un emploi convenable d’inspecteur alors que cet emploi ne respectait pas l’une de ses limitations fonctionnelles. Le tribunal conclut donc que le travailleur, à la suite de sa RRA, est incapable d’exercer son emploi d’inspecteur (l’emploi convenable antérieurement déterminé), en raison de ses limitations fonctionnelles, même si la limitation fonctionnelle qui n’est pas respectée existait déjà au moment de la détermination de l’emploi convenable. Le tribunal ajoute ne pas pouvoir ignorer le fait que cet emploi était un emploi disponible chez l’employeur, qui a toutefois cessé ses activités depuis.

Decoster et MG Transport Canada inc., C.L.P. 323339-63-0707, 18 juillet 2008, S. Di Pasquale.

Le tribunal, conformément à l’article 169, doit déterminer si les limitations fonctionnelles qui découlent de la nouvelle lésion professionnelle rendent le travailleur incapable d’exercer l'emploi convenable déterminé lors d'une autre lésion psychologique. La capacité s’évalue en fonction des seules limitations qui découlent de la nouvelle lésion. Dans certaines circonstances particulières, le tribunal peut être justifié de s’écarter de ce principe et de considérer d’autres facteurs pertinents. En l’espèce, ce n’est pas le cas puisque la maladie personnelle dont le travailleur veut que le tribunal considère n’est pas nouvelle. Elle était présente lors de la détermination de l’emploi convenable et la CSST en était informée.

Aubé et Iamgold-Mine Doyon, 2011 QCCLP 7035.

Le tribunal se rallie au courant jurisprudentiel selon lequel seule la capacité physique du travailleur doit être analysée en regard de nouvelles limitations fonctionnelles découlant de la RRA. Toutefois, sans revoir tous les critères de l’emploi de caissier de station libre-service, il faut examiner sa capacité en fonction des limitations fonctionnelles additionnelles du travailleur et en actualisant les conditions d’exercice à la situation réelle de ce type d’emploi sur le marché du travail. Selon la Cour d’appel dans l’affaire Fontaine , il est préférable de ne pas être trop intransigeant dans l’application d’une norme jurisprudentielle, afin d’éviter de faire obstacle à la recherche d’une meilleure solution. Confrontée à des faits difficiles, une interprétation qu’on croyait reçue fait voir ses faiblesses. En l’espèce, les tâches et exigences de l’emploi convenable déterminé en 1996 ont été augmentées pour l’année 2009 selon ce que révèle REPÈRES. Les nouvelles exigences résultent des changements dans le secteur des stations d’essence libre-service, lesquels incluent fréquemment un dépanneur. Les limitations fonctionnelles additionnelles du travailleur ne lui permettent pas de répondre de façon sécuritaire à ces nouvelles exigences. Dans ces circonstances, le travailleur n’a donc pas la capacité d’exercer l’emploi convenable de caissier de station-service et le dossier est retourné à la CSST pour qu’elle reprenne le processus de réadaptation professionnelle.

Royer et Transcam composites inc. - Acton Vale, 2012 QCCLP 6813.

À moins de circonstances particulières, l’analyse doit se limiter à déterminer si le travailleur a toujours la capacité d’exercer l’emploi convenable déjà déterminé, et ce, en tenant compte des nouvelles limitations fonctionnelles reconnues à la suite d’une RRA. En l'espèce, la preuve administrée ne démontre pas de manière prépondérante l'existence d'une nouvelle situation ou l'apparition de quelconques particularités qui nécessiteraient la reprise complète ou partielle de l'analyse initiale effectuée par la CSST en regard de l'emploi convenable déterminé antérieurement.

Tremblay et Guay inc., 2016 QCTAT 695.

Le Tribunal adhère à l'interprétation voulant que la capacité d'un travailleur à exercer un emploi convenable préalablement déterminé doit être évaluée en tenant compte uniquement des nouvelles limitations fonctionnelles établies à la suite de la RRA. Toutefois, il faut aussi considérer les effets secondaires des médicaments. Ces médicaments doivent avoir été prescrits relativement à la lésion, après la détermination de l’emploi convenable. Le travailleur doit les prendre sur une base permanente et la preuve doit démontrer la présence d’effets secondaires qui affectent la capacité de travail du travailleur en regard de l’emploi convenable antérieurement déterminé.

Analyse globale - avec nouvelles limitations fonctionnelles - pour évaluer la capacité (deuxième approche)
Labelle et Blondin, C.L.P. 324093-64-0707, 5 octobre 2009, E. Malo.

Dans la mesure où la RRA entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, cette lésion est créatrice de droit et donne ouverture aux dispositions prévues au chapitre de la réadaptation. La CSST ne peut se contenter de vérifier si l'emploi convenable respecte les nouvelles limitations fonctionnelles. Elle doit tenir compte de la situation globale et s'assurer que cet emploi respecte toujours les critères de l'emploi convenable.

Thibeault et Iamgold - Mine Doyon, 2011 QCCLP 786.

Le tribunal retient le courant qui analyse si l'emploi convenable déjà déterminé répond à chacun des critères prévus à la loi et qui détermine la capacité en tenant compte de la situation globale du travailleur. Cette approche permet de réparer intégralement les conséquences de la nouvelle lésion professionnelle et s'avère conforme à l'objet de la loi. Elle permet également d'assurer que le droit de retour au travail ne soit pas illusoire. Les conditions personnelles affectant un travailleur sont alors examinées dans l'analyse de la capacité à exercer son emploi. L'autre courant jurisprudentiel est trop restrictif et élude l'évolution du marché de l'emploi, les changements survenus dans la condition globale du travailleur et l'effet cumulatif des limitations fonctionnelles antérieures avec celles découlant de la nouvelle lésion. En l'espèce, la preuve démontre que le travailleur n'a pas la capacité d'exercer l'emploi convenable déjà déterminé de caissier de station libre-service. La capacité résiduelle du travailleur est grandement affectée par les limitations fonctionnelles en lien avec la nouvelle lésion. De plus, l'augmentation des symptômes de sa maladie personnelle est également incompatible avec un emploi qui exige de la manipulation d'argent puisqu'il doit éviter les activités exigeant une dextérité fine des deux mains.

Fauchon et Bisson, 2011 QCCLP 2191.

Dans le cadre de l'analyse de l'emploi convenable déterminé antérieurement, il y a lieu d'examiner à nouveau si cet emploi répond à chacun des critères prévus à la loi et l'analyse de la capacité doit être faite en tenant compte de la situation globale du travailleur.

En l'espèce, le travailleur n'ayant pas contesté la décision initiale concernant sa capacité à exercer l'emploi convenable d'assembleur-finisseur et contrôleur de produits de plastique, il a reconnu qu'il était capable d'exercer cet emploi, même s'il ne l'a pas occupé. Puisque la nouvelle lésion entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, il a droit à la réadaptation que requiert son état. Dans le cadre de l'analyse de l'emploi convenable, le tribunal doit déterminer si cet emploi correspond à chacun des critères prévus par la loi et analyser la capacité du travailleur en tenant compte de sa situation globale. Il est manifeste que les exigences de l'emploi vont en contradiction directe avec les limitations fonctionnelles particulières retenues. Au surplus, il prend une médication importante pour calmer ses douleurs. Cet élément s'ajoute aux restrictions relatives à sa capacité résiduelle. Ainsi, cet emploi ne constitue par un emploi convenable. Le dossier est retourné à la CSST afin qu'elle procède à une nouvelle analyse de la capacité du travailleur à exercer un emploi convenable en tenant compte des paramètres de la loi et de ses limitations fonctionnelles. 

Gagnon et Uniboard Canada inc. - Division Surface, 2012 QCCLP 7475.

Le tribunal adhère au courant jurisprudentiel qui précise que la CSST doit analyser la question de l'emploi convenable dans son ensemble et en revoir toutes les facettes afin d'analyser la capacité du travailleur à exercer l'emploi convenable déjà déterminé. Cette approche est conforme à l'objet de la loi et permet de réparer réellement les conséquences d'une nouvelle lésion professionnelle. L'approche qui analyse uniquement les nouvelles limitations fonctionnelles est trop restrictive. Elle ne prend pas en considération l'évolution du marché de l'emploi, les changements survenus dans la condition globale du travailleur et l'effet cumulatif des limitations fonctionnelles antérieures avec celles découlant de la nouvelle lésion professionnelle. En l'espèce, le travailleur n'est plus en mesure d'occuper l'emploi convenable d'opérateur d'équipement de production puisqu'il ne respecte pas non plus une possibilité raisonnable d'embauche.

Cloutier et Service de personnel Riverain, 2015 QCCLP 832.

Lorsqu’une nouvelle lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente, le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état. Il faut déterminer s’il est toujours capable, à la suite de sa nouvelle lésion, d’exercer l’emploi convenable déjà déterminé pour lequel il a été reconnu capable d’exercer à la suite de la lésion initiale. Il faut généralement se demander si la nouvelle lésion est venue compromettre sa capacité d’exercer cet emploi ou son caractère convenable. Le travailleur a le droit d'être indemnisé pour les conséquences de chacune des lésions professionnelles qu'il subit, mais il ne peut remettre en cause le caractère convenable d'un tel emploi du seul fait qu'il a subi une nouvelle lésion. Il importe de circonscrire les conséquences de la nouvelle lésion et le besoin de réadaptation qui en découle. Les qualifications professionnelles d'un travailleur ne peuvent être remises en question puisqu’elles n'ont pas été affectées par la dernière lésion. Il faut tenir pour acquis qu'elles sont adéquates puisque l'emploi a été jugé convenable en tenant compte de celles-ci. Une nouvelle lésion ne fait pas revivre des droits de contestation éteints, mais l'ensemble de ses conséquences doit être évalué afin de déterminer si de nouveaux besoins de réadaptation en résultent. Il faut prendre en considération la définition d'un "emploi convenable" afin de déterminer si la nouvelle condition résiduelle du travailleur est toujours compatible avec l'emploi auparavant jugé convenable. Il faut vérifier la compatibilité entre les nouvelles limitations fonctionnelles et les exigences physiques de l'emploi, réévaluer la possibilité raisonnable d'embauche du travailleur dans cet emploi, à la lumière des nouvelles limitations fonctionnelles et du profil qu'il présente maintenant pour un employeur potentiel et s'assurer que les conditions d'exercice de cet emploi ne comportent pas de danger. En l'espèce, le travailleur est incapable d'exercer l'emploi de préposé à l'accueil ZEC à la lumière de ses nouvelles limitations fonctionnelles. Cet emploi comporte un danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité et ne présente plus de possibilité raisonnable d'embauche.

Lalancette et Entreprise d'excavation Gaétan Girard enr., 2015 QCCLP 6236.

Le tribunal souscrit au courant qui réévalue la capacité globale d'un travailleur lorsqu'il s'agit de se prononcer sur sa capacité à exercer un emploi convenable déjà déterminé, estimant qu'il y a lieu de prendre en considération les circonstances qui sont propres à chaque cas. L'article 145 ne fait pas de distinction entre les droits découlant d'une première lésion professionnelle et ceux résultant d'une seconde lésion. Cette interprétation s'harmonise avec l'article 1 de la loi, qui "a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires". Elle s'accorde également avec l'article 351 qui prévoit que la "Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas". L'article 41 de la Loi d'interprétationpermet également une telle interprétation large et libérale de ces dispositions, et ce, considérant le caractère social de la loi. Le tribunal considère que l'emploi de chauffeur-livreur n'est pas un emploi convenable pour le travailleur puisqu'il ne remplit pas l'ensemble des critères établis par l'article 2.

Voir également :

Gagnon et Xerox Canada ltée, 2013 QCCLP 6970.

Analyse globale - sans nouvelles limitations fonctionnelles - pour évaluer la capacité (deuxième approche)
Morin et J. S. Redpath ltée, C.L.P. 284493-08-0603, 27 avril 2006, J.-P. Arsenault.

Bien que les limitations fonctionnelles n'aient pas augmenté à la suite de la RRA, la CSST devait analyser la question de la capacité du travailleur à exercer l'emploi convenable déjà déterminé dans son ensemble. La capacité résiduelle s'évalue en fonction des limitations fonctionnelles résultant d'une lésion professionnelle et des pathologies qui affectent la condition du travailleur. Au moment où la CSST a évalué la capacité du travailleur à exercer l'emploi convenable déjà déterminé, il n'était plus en mesure d'obtenir le certificat médical qui atteste sa capacité, et ce, en raison de sa condition cardiaque personnelle. Cet emploi ne présente donc plus de possibilité raisonnable d'embauche en raison de son état de santé et ses conditions d'exercice comportent des dangers pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.

Paul et Fibres Scarabée inc., C.L.P. 268901-63-0508, 10 mai 2006, M. Gauthier.

Le travailleur a subi un RRA qui l'a laissé avec une augmentation de son atteinte permanente, mais sans limitations fonctionnelles additionnelles. Le tribunal n'est pas d'accord avec la position voulant que, dans les cas où il n'y a pas d'augmentation des limitations fonctionnelles, il faille conclure automatiquement qu'un travailleur est capable d'exercer l'emploi convenable déjà retenu sans une nouvelle analyse de l'ensemble de sa condition, tant sur le plan physique que professionnel. Même si les limitations fonctionnelles sont les mêmes, il faut analyser l'état global du travailleur à la suite de sa nouvelle lésion professionnelle pour déterminer si sa capacité résiduelle s'est détériorée.

Lanoie et Lilianne Lingerie, C.L.P. 390461-62B-0909, 23 avril 2010, M. Watkins.

L'obligation pour la CSST d'analyser la validité d'un emploi convenable déjà déterminé pour un travailleur n'est pas limitée à la seule présence de limitations fonctionnelles additionnelles découlant de la RRA. La présence d'une atteinte permanente additionnelle, à la suite d'une RRA, entraîne la même obligation pour la CSST.

Voir également :

Brousseau et Roulottes et Camping Beaux Sables (fermée), 2015 QCCLP 1949.

Un certain courant jurisprudentiel empêche un travailleur de contester un emploi convenable déjà déterminé lorsque les limitations fonctionnelles qu’il conserve à la suite de l’aggravation de sa lésion professionnelle ne le rendent pas incapable d’exercer cet emploi. Lorsque l’aggravation n’entraîne aucune limitation fonctionnelle additionnelle, ce principe s’impose davantage et le travailleur n’a donc pas droit à un nouveau processus de réadaptation. Le tribunal est d’accord avec les principes élaborés par ce courant, mais il ne croit pas qu’ils s’appliquent lorsque l’aggravation résulte d’une pathologie psychologique dont les symptômes diffèrent totalement de ceux reliés à la lésion professionnelle initiale et influent directement sur la capacité d’un travailleur à exercer l’emploi convenable déjà déterminé. En l’espèce, la lésion psychique a altéré le comportement social et l’humeur de la travailleuse et ces nouveaux symptômes se distinguent substantiellement des problèmes d’ankylose et d’épisodes de blocage lombaire ayant servi à déterminer l’emploi convenable. Ainsi, les symptômes associés à l'atteinte permanente résultant de la condition psychique (même si cette lésion n'a pas entraîné de nouvelles limitations fonctionnelles) doivent être analysés au même titre que les limitations fonctionnelles. Ces nouveaux symptômes constituent des circonstances nouvelles fondant à revoir la question de l'emploi convenable dans son ensemble.

Absence d'atteinte permanente supplémentaire et absence de nouvelles limitations fonctionnelles

De manière générale, la jurisprudence établit qu'à la suite d'une nouvelle lésion professionnelle, la seule augmentation de l'atteinte permanente n'entraîne pas automatiquement le droit à la réadaptation professionnelle lorsque les limitations fonctionnelles n'ont pas été modifiées. C'est d'abord l'incapacité d'un travailleur à exercer son emploi en raison d'une nouvelle limitation fonctionnelle qui lui permet de bénéficier de la réadaptation professionnelle.

Ainsi, lorsque les limitations fonctionnelles déterminées à la suite d'une nouvelle lésion sont les mêmes que celles qui ont servi à déterminer initialement l'emploi convenable, la jurisprudence reconnaît que le travailleur a généralement la capacité d'exercer cet emploi et il n'a pas droit à des mesures de réadaptation professionnelle.

Toutefois, quelques décideurs sont d'avis, dans certaines circonstances particulières, que bien qu'à la suite d'une nouvelle lésion professionnelle l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles d'un travailleur soient les mêmes que celles qui ont permis de déterminer initialement l'emploi convenable, il conserve néanmoins le droit à la réadaptation. Ainsi, l'absence d'un DAP et de limitations fonctionnelles additionnels découlant d'une nouvelle lésion ne suffisent pas pour conclure qu'un travailleur a la capacité d'exercer l'emploi convenable antérieurement déterminé.

Bellerose et Manufacture de Vêtements St-Félix, 2011 QCCLP 1008.

Le tribunal est d’avis que si à la suite d’une RRA, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles qu’un travailleur conserve sont les mêmes que celles qui ont permis de déterminer l’emploi convenable initialement, ce dernier a droit à la réadaptation. En subordonnant le droit à la réadaptation à l’augmentation du DAP ou des limitations fonctionnelles, la CSST ajoute une condition d’admissibilité à la réadaptation qui n’est pas prévue à la loi. La CSST doit réapprécier la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable déterminé antérieurement en prenant en considération la condition globale du travailleur, tant physique et professionnelle. En l’espèce, cette obligation est d’autant plus justifiée étant donné les caractéristiques propres au présent dossier. L’emploi convenable a été déterminé en 1993 et le travailleur a suivi une formation pour exercer cet emploi au début des années 1990, mais il ne l’a jamais occupé. De plus, il a subi quatre RRA depuis sa lésion initiale et dans le cadre de sa dernière RRA, il a subi deux opérations et la période de consolidation de cette lésion a été d’environ sept ans. Dans un tel contexte, il a droit à la réadaptation et la CSST devait réapprécier l’emploi convenable déterminé en 1993 à l’égard notamment de la capacité résiduelle et des qualifications professionnelles du travailleur. L'emploi d'intervenant auprès de personnes âgées ne constitue pas un emploi convenable puisqu'il ne satisfait pas à l'ensemble des critères établis par l'article 2. En ce qui a trait aux qualifications professionnelles, la formation reçue en 1990 ne correspond plus à la réalité du marché du travail. Il faut également tenir compte du fait que le travailleur n'a jamais occupé l'emploi. Le corollaire d'une formation qui n'est pas actualisée est que l'emploi n'offre pas une possibilité raisonnable d'embauche pour le travailleur. Enfin, ce dernier n'a pas la capacité résiduelle nécessaire pour l'exercer.

Suivi :

Révision accueillie, 2011 QCCLP 8196.

Révision accueillie, 2012 QCCLP 3569 (rétablie la décision initiale).

Gauthier et Produits de marque Liberté inc. (Les), 2015 QCCLP 489.

Le tribunal doit déterminer si la travailleuse a la capacité de reprendre son emploi prélésionnel, soit un emploi convenable chez l’employeur et créé sur mesure pour elle lors de la lésion initiale. Toutefois, l’employeur a modifié cet emploi après la survenance de la RRA, de sorte que désormais, la travailleuse n’est plus en mesure de l’occuper. Par ailleurs, il y a absence de nouvelle atteinte permanente ou limitations fonctionnelles à la suite de la RRA. S’appuyant sur les pouvoirs que lui accordent les articles 377 et 378, le tribunal estime qu’il peut se saisir de la question du droit à la réadaptation, celle-ci étant intrinsèquement reliée à la capacité de travail de la travailleuse. Bien que la décision initiale déterminant l’emploi convenable soit finale et que la CSST ne se soit jamais prononcée sur l’application du deuxième alinéa de l’article 146, le plan de réadaptation peut être modifié en raison de l’aspect "sur mesure" ou "créé de toute part" de l’emploi convenable. L’augmentation des exigences de l’employeur faisant en sorte que la travailleuse ne peut plus reprendre son emploi convenable sur mesure constitue une circonstance nouvelle donnant lieu à une modification de plan et à la détermination d’un nouvel emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. De plus, s’appuyant sur l’affaire Bellerose, le tribunal est d’avis que l’évaluation de la capacité de travail de la travailleuse doit se faire de façon globale, en tenant compte tant de sa réalité physique que professionnelle. La décision de l’employeur de hausser les exigences du poste au-delà des capacités de la travailleuse et de ne pas la reprendre à son emploi représente un changement touchant directement la réalité professionnelle de la travailleuse lui donnant droit à la réadaptation. Ainsi, les circonstances de la présente affaire permettent de déclarer que la travailleuse n’est plus capable de reprendre son emploi, qu’elle a droit à la réadaptation et que le plan individualisé de réadaptation doit être modifié.

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 6858.

L. Bilodeau & Fils ltée et Prud’homme, 2016 QCTAT 1099 (décision sur requête en révision).

CLP-1 a décidé que le travailleur conserve la même atteinte permanente à son intégrité physique et les mêmes limitations fonctionnelles que celles retenues lors de sa lésion initiale. Pour CLP-1, le fait que le travailleur n’ait pas droit à une indemnité pour dommages corporels suite à sa nouvelle lésion ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas conservé une atteinte permanente. Par analogie, le travailleur qui conserve de sa lésion professionnelle un DAP évalué à 0 % selon le Règlement sur le barème des dommages corporels conserve néanmoins une atteinte permanente à son intégrité physique lui donnant droit à la réadaptation professionnelle si des limitations fonctionnelles découlent de sa lésion. Il devait donc décider de la capacité du travailleur à exercer son emploi convenable préalablement déterminé puisque le travailleur n'était pas en mesure d'exercer son emploi prélésionnel. CLP-2 est d’avis que généralement, en l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou de limitations fonctionnelles, le travailleur n’a aucun droit à la réadaptation en vertu de l’article 145. Le droit à l’IRR prend alors habituellement fin à la date de la consolidation de la lésion professionnelle. Toutefois, selon quelques décisions rendues dans la foulée de l’affaire Bellerose, le Tribunal est d’avis qu’il peut réexaminer l’ensemble des critères de l’emploi convenable, et ce, même en l’absence d’atteinte permanente supplémentaire ou compensable ou de nouvelles limitations fonctionnelles, en autant d’avoir la preuve de "circonstances particulières".

Voir également :

Boulay et Marobi inc., 2011 QCCLP 700.

Roy et Meubles JC Perreault inc., 2017 QCTAT 1864.

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 2248.

Détermination d'un emploi convenable

Lorsque le travailleur est incapable d'exercer son emploi (l'emploi convenable déterminé antérieurement) et qu'aucune mesure de réadaptation ne peut l'en rendre capable, la jurisprudence est d'avis que la CNESST doit alors lui déterminer un emploi convenable. L'analyse du caractère convenable de l'emploi doit se faire en en tenant compte de l'ensemble des critères prévus à l'article 2.

Par ailleurs, si le travailleur est considéré incapable d'exercer un emploi autre que l'emploi convenable déjà déterminé, il y a lieu, à cette étape, de s'interroger sur le caractère liant de cet emploi convenable déterminé antérieurement. Selon la jurisprudence, à la suite de la nouvelle lésion, la CNESST peut, dans un premier temps, évaluer la capacité d'exercer l'emploi convenable préalablement déterminé avant d'entreprendre la détermination d'un autre emploi convenable, et ce, dans un souci d'économie, tel que l'article 181 le permet. Toutefois, la CNESST n'a pas l'obligation de considérer l'emploi convenable déjà déterminé.

Cette analyse doit également tenir compte de l'ensemble des critères de l'emploi convenable. Il ne s'agit pas de vérifier uniquement la compatibilité des nouvelles limitations fonctionnelles avec un emploi convenable déjà déterminé.

Bourque et Cam-Nord St-Félix inc., C.L.P. 274936-64-0511, 31 mai 2006, M. Montplaisir.

Lorsque des mesures de réadaptation ont déjà été mises en oeuvre pour rendre un travailleur capable d'exercer un emploi convenable à la suite d'une lésion professionnelle antérieure et que ce travailleur a de nouveau droit à la réadaptation puisqu'il a subi une atteinte permanente à la suite d'une nouvelle lésion professionnelle, la CSST doit alors évaluer la capacité de ce travailleur à exercer l'emploi convenable préalablement déterminé avant d'entreprendre des mesures pour déterminer un nouvel emploi convenable. L'article 181 alinéa 2 prévoit que la CSST assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché. Tel que le stipule l'article 145, l'objectif de la réadaptation est de permettre la réinsertion sociale et professionnelle d'un travailleur. Ainsi, si le travailleur est capable d'exercer l'emploi convenable antérieurement déterminé et qu'il correspond toujours à la notion d'emploi convenable, cette solution sera appropriée et la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif visé. L'analyse de la CSST ne doit pas alors se limiter à déterminer si l'emploi est convenable en ce qui a trait uniquement à la capacité résiduelle du travailleur, mais doit s'assurer que l'ensemble des critères de l'emploi convenable est respecté.

Lamy et Northgate Industries ltd, [2008] C.L.P. 213. 

En vertu de l’article 145, le travailleur a droit à la réadaptation "que requiert son état" puisqu’il conserve de sa nouvelle lésion professionnelle une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Dans un premier temps, il faut déterminer si le travailleur est capable d’exercer son emploi, soit en l’espèce l’emploi de journalier qu’il exerçait au moment de sa lésion professionnelle. C’est ce qu’a fait la CSST en considérant que le travailleur n’était pas capable d’exercer cet emploi étant donné les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle. Puis, elle a constaté qu’aucun emploi convenable n’était disponible chez l’employeur. Cependant, pour déterminer un emploi convenable, la CSST s’est limitée à référer à un emploi convenable antérieurement déterminé et à vérifier si cet emploi respectait les nouvelles limitations fonctionnelles. Cette façon de procéder ne respecte pas les dispositions de la loi. En présence d’une nouvelle lésion professionnelle, le travailleur a le droit à la réadaptation et ce nouveau processus de réadaptation doit être fait conformément à la loi même si le travailleur a bénéficié dans le passé d’une autre démarche de réadaptation. Il doit donc y avoir une évaluation de l’ensemble des critères permettant de déterminer si un emploi est convenable. La CSST ne peut se limiter à vérifier uniquement la compatibilité des nouvelles limitations fonctionnelles avec un emploi convenable déjà déterminé. Elle peut, par ailleurs, analyser, à nouveau, un emploi convenable qu’elle a déjà retenu, mais elle doit alors le faire en tenant compte de l’ensemble des critères prévus à la loi.

Bouchard et Express Girard Transport inc., C.L.P. 349727-02-0805, 1er octobre 2008, M. Racine.

À la suite d'une lésion professionnelle, la CSST a déterminé au travailleur un emploi convenable de conseiller à la vente de véhicules automobiles. Il a ensuite occupé un emploi d'émondeur de pommiers et a progressivement repris son travail prélésionnel de chauffeur de camion. Il a alors subi une nouvelle lésion professionnelle entraînant une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles additionnelles et il a été déclaré capable d'exercer l'emploi convenable de conseiller à la vente de véhicules automobiles, les nouvelles limitations fonctionnelles étant respectées. Lors de sa nouvelle lésion, le travailleur exerçait l'emploi de conducteur de camion de longue distance et c'est donc en fonction de cet emploi que sa capacité de travail doit être analysée de même que son droit à la réadaptation professionnelle. Or, les nouvelles limitations fonctionnelles font en sorte qu'il ne peut exercer son emploi de conducteur de camion de longue distance, puisqu'il doit notamment éviter de garder la même posture plus de 60 minutes à la fois. La CSST a escamoté le processus de réadaptation en ce qu'elle s'est limitée à vérifier la compatibilité des nouvelles limitations fonctionnelles avec l'emploi convenable déjà déterminé. Elle devait tenir compte de l'ensemble des critères énoncés à la définition d'emploi convenable, d'autant plus que l'emploi de conseiller à la vente de véhicules automobiles n'a jamais été exercé réellement par le travailleur et que les conditions d'exercice de cet emploi sont susceptibles d'avoir changé depuis sa détermination. D'ailleurs, cet emploi ne respecte pas les critères d'un emploi convenable établis à l'article 2. En conséquence, le dossier est retourné à la CSST afin qu'elle reprenne le processus de réadaptation professionnelle.

Laroche et Viandes Olympia & Taillefer, C.L.P. 293661-05-0607, 15 décembre 2008, F. Juteau.

Le travailleur a subi une première lésion professionnelle en 1982 et à la suite de nombreuses RRA, la CSST a déterminé l'emploi de commis-comptable informatisé. Or, ce dernier a plutôt commencé à exercer, en 2001, un emploi de livreur d'eau. Il a subi une RRA de cette lésion en juin 2005, laquelle a été consolidée avec un DAP supplémentaire et des limitations fonctionnelles additionnelles. Dans la démarche de réadaptation, il y a donc lieu de déterminer, en premier lieu, si le travailleur est capable d'exercer l'emploi qu'il occupait au moment de sa lésion professionnelle. En l'espèce, la CSST a considéré, à juste titre, qu'il n'était pas en mesure d'exercer l'emploi de livreur d'eau en raison de ses limitations fonctionnelles. La CSST a alors évalué les possibilités professionnelles du travailleur en vue de lui déterminer un emploi convenable, mais elle s'est limitée à voir si les nouvelles limitations fonctionnelles découlant de la nouvelle lésion professionnelle lui permettaient d'occuper l'emploi convenable de commis-comptable informatisé déjà retenu. La CSST doit donc procéder à déterminer un emploi convenable pour le travailleur et pour ce faire, elle doit analyser tous les critères de l'emploi convenable. La CSST pouvait analyser à nouveau l'emploi convenable retenu à la suite d'une première lésion professionnelle, mais cette analyse devait se faire en prenant en considération l'ensemble des critères prévus par la loi et en procédant à une actualisation des données ayant servi à la détermination de l'emploi convenable initial afin de s'assurer qu'il constitue toujours un emploi convenable. En l'espèce, le travailleur n'a jamais exercé l'emploi de commis-comptable informatisé et il n'a donc acquis aucune expérience. Ses connaissances acquises à l'occasion de la formation reçue en 2000 ne sont plus à jour. Par ailleurs, à l'époque de la détermination de l'emploi convenable, la CSST avait retenu que le travailleur possédait un diplôme d'études secondaires.Or, lorsqu'elle a analysé à nouveau la capacité du travailleur à exercer cet emploi, elle a constaté qu'il n'avait fait qu'une quatrième année du secondaire. Pourtant, le diplôme d'études secondaires est obligatoire pour occuper l'emploi. La CSST aurait dû réagir lorsqu'elle a constaté l'erreur quant à la formation académique du travailleur, car ce dernier ne possédant pas une scolarité suffisante, l'emploi ne présente pas une possibilité raisonnable d'embauche pour lui. Ces éléments permettent de conclure que l'emploi de commis-comptable informatisé ne constitue pas un emploi convenable pour le travailleur. Le dossier doit être retourné à la CSST afin que le processus de réadaptation soit repris.

L. Bilodeau & Fils ltée et Prud'homme, 2015 QCCLP 1315. 

La première chose que la CSSTdoit déterminer lorsqu’un travailleur conserve une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles, c’est sa capacité à occuper son emploi prélésionnelle. En l’espèce, c'est l’emploi occupé par le travailleur lors de sa RRA, soit celui qu’il exerçait au moment de sa lésion initiale et qu’il avait été déclaré incapable d’exercer, il est donc toujours incapable de l’occuper. Toutefois, même si les limitations fonctionnelles qui résultent de la nouvelle lésion sont superposables à celles déterminées à la suite de la lésion initiale, cela n'empêche pas la CSST, à cette étape, de reprendre le processus d'analyse complet de l'emploi convenable. En raison de ses séquelles, le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état, dans la mesure où il ne peut reprendre son emploi prélésionnel. La CSST doit alors vérifier si l'emploi convenable précédemment déterminé est toujours convenable. Le dossier est donc retourné à la CSST afin qu’elle reprenne le processus de détermination d’un emploi convenable.

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 1099.

Côté et Le Club de golf Memphrémagog, S.E.C., 2017 QCTAT 2129.

En l'espèce, à la suite de la lésion subie en 2008, il a été déterminé que le travailleur ne pouvait exercer son emploi de mécanicien industriel et un emploi convenable d'agent de centre d'appels a été déterminé, emploi qu'il n'a jamais occupé. Il a plutôt occupé un emploi de préposé à la maintenance d'un terrain de golf, qu'il exerçait lors de la survenance de la lésion professionnelle, en juin 2014. La CNESST a déterminé qu'il n'était plus capable d'exercer cet emploi étant donné ses limitations fonctionnelles. Il a donc droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion professionnelle. L'employeur n'ayant aucun emploi convenable à offrir au travailleur, la CNESST devait déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, que le travailleur serait en mesure d'exercer. Un exercice pouvant mener à la détermination, à titre d'emploi convenable, de celui qui avait été préalablement retenu à la suite de la lésion professionnelle antérieure ou encore d'un emploi différent. La CNESST a décidé de vérifier si l'emploi d'agent de centre d'appels constituait toujours un emploi convenable, et ce, en vérifiant uniquement si les nouvelles limitations fonctionnelles retenues étaient compatibles avec l'exercice de cet emploi. Une telle démarche ne doit pas se limiter à la seule vérification de la compatibilité de l'emploi convenable préalablement déterminé avec les limitations fonctionnelles, mais comprendre l'analyse de tous les critères qui se trouvent dans la définition d'emploi convenable. L'emploi d'agent de centre d'appels ne constitue pas un emploi convenable que le travailleur est capable d'exercer et le dossier est retourné à la CNESST afin qu'elle mette en place un nouveau programme de réadaptation professionnelle pour le travailleur.

Voir également :

Tremblay et Gestion Pierre-Deux inc., 2011 QCCLP 6529.

Desaulniers et Plomberie Jalain inc., 2014 QCCLP 3129.

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 2244.