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. 10. Pouvoirs et immunités

Rôle actif dans la recherche de la vérité

Carrier et S.E.C.A.L., [1995] C.A.L.P. 1242.

Le commissaire est maître de la procédure qu'il adopte lors de l'audience et il a tous les pouvoirs pour obtenir les renseignements nécessaires et apprécier la problématique qui lui est soumise. En l'espèce, la problématique médicale était complexe et l'hypothèse de travail mise au point par l'expert médical de l'employeur, relativement tortueuse. Le commissaire a choisi de permettre à son assesseur médical de pousser le témoin de l'employeur à la limite de ses connaissances afin d'être en mesure d'apprécier sa bonne foi, la base scientifique de ses affirmations et la raisonnabilité de son hypothèse. C'est une procédure à caractère inquisitoire qu'il adopte alors et, désirant orienter le débat pour obtenir les précisions qui lui apparaissent essentielles, il autorise une intervention agressive de l'assesseur médical. On ne peut cependant conclure de la perception qu'a eue l'employeur d'être victime de préjugés et que le commissaire a été partial. Il est impossible de lui reprocher d'avoir adopté une méthode de travail qui lui permettait de dégager un certain nombre de critères pour adjuger sur les situations complexes dont il a été saisi puisque ce sont les parties qui l'ont invité à ce faire. Quant à savoir s'il y a eu partialité, il faut tenir compte des principes applicables à la compétence de la CALP. Or, il ressort de la référence faite par le législateur aux pouvoirs d'un commissaire nommé en vertu de la LCE, de la doctrine et de la jurisprudence que la procédure inquisitoire peut être adoptée par un tribunal administratif pourvu que les principes de justice naturelle soient respectés.

 

Gariépy et Société canadienne des postes, [2004] C.L.P. 727.

L’écoute de l’audience démontre une certaine incompréhension de la part du procureur de l’employeur à l'égard de la tâche, des pouvoirs et des devoirs du commissaire. Par exemple, en droit administratif, le décideur n’est pas lié par les règles de preuve de droit civil. La Loi, ainsi que les règles de preuve, lui permettent d’accepter tout mode de preuve qu’il juge utile pour servir les fins de la justice. Le rôle du commissaire lui permet de gérer le déroulement de l’audience et d'intervenir durant un interrogatoire. Il est maître de la procédure et a tous les pouvoirs pour obtenir les renseignements nécessaires et apprécier la problématique qui lui est soumise. Selon les pouvoirs d’un commissaire nommé en vertu de la LCE, la procédure inquisitoire peut être adoptée pourvu que les principes de justice naturelle soient respectés.

 

J.T. et Commission scolaire A, 2011 QCCLP 7928.

En cours d’audience, le premier juge administratif intervient, à chaque fois avec doigté et patience, pour faire avancer le débat tout en respectant les droits des parties À la fin de l’audience, il souligne à la travailleuse que l’argumentation doit porter sur les faits prouvés. Il n’y a pas eu de manquement aux règles de justice naturelle. La travailleuse n’a jamais été empêchée de faire sa preuve. Selon la jurisprudence, l’objectif du législateur impose au Tribunal un rôle actif dans la recherche de la vérité. Ainsi, il va de soi que dans l’exercice de ces pouvoirs, un juge administratif paraîtra parfois plus interventionniste que dans d’autres tribunaux. Ainsi, le juge administratif avait certes la faculté d’intervenir pour mener le débat, et au surplus, dans les circonstances particulières de cette affaire, tenant compte des prétentions de l’employeur, il avait le devoir d’encadrer la travailleuse et de s’assurer que la preuve qu’elle entendait présenter était nécessaire et utile pour trancher le litige eu égard aux dispositions pertinentes de la Loi. La travailleuse a fait entendre les témoins qu’elle avait assignés et elle a déposé bon nombre de documents. Elle n’a peut-être pas posé toutes les questions qu’elle avait préparées, mais il ne fait pas de doute dans l’esprit de la soussignée que le premier juge administratif a mené le débat de manière à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction. Rappelons par ailleurs, que le juge administratif peut refuser de recevoir une preuve lorsqu’il l’estime non pertinente ou inutilement répétitive. On ne peut rien reprocher au premier juge administratif. Il a agi de manière à assurer une saine gestion des débats.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 1266.

Pelletier et Équipements Guillet inc., 2012 QCCLP 2613.

Dans sa requête en récusation, le travailleur semble reprocher à la commissaire son rôle actif, ses interventions et son implication dans le déroulement de l’audience. Sur ce point, le Tribunal rappelle qu’il est de l’essence même d’un tribunal administratif, investi des pouvoirs spécifiques qui lui sont dévolus par le législateur, d’avoir précisément ce rôle actif dans la gestion générale des audiences. La CLP et ses commissaires sont également investis du pouvoir des commissaires nommés en vertu de la LCE, ce qui leur permet de rechercher la vérité selon les termes de l’article 6 de cette loi. Ces pouvoirs s’inscrivent parfaitement dans le contexte de la mission d’ordre public du tribunal qui veut qu’un bénéficiaire visé par la Loi obtienne ce à quoi il a droit, ni plus ni moins. Il va de soi qu’un commissaire qui agit comme commissaire-enquêteur dans une affaire sera et paraîtra parfois plus interventionniste que dans d’autres tribunaux mais le législateur a voulu que la procédure devant le Tribunal puisse avoir un aspect inquisitoire.

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Commission des lésions professionnelles, 2014 QCCS 3456.

La CLP étant investie des pouvoirs et de l'immunité des juges administratifs nommés en vertu de la LCE, elle a comme mission de découvrir la vérité, par tous moyens légaux qu'elle juge les meilleurs. Puisque c'est à la demande même du premier juge qui a procédé d'office que la preuve d'un document médical qu'il jugeait pertinent relativement au litige qu'il devait trancher a été introduite, il n'y avait pas lieu de se formaliser avec une demande de réouverture d'enquête du travailleur. On ne saurait reprocher au premier juge d'avoir joué un rôle actif dans la recherche de la vérité.

 

Parent et CISSS de Laval, 2015 QCCLP 4806.

Les pouvoirs dévolus à la CLP démontrent le rôle actif qu'elle doit jouer dans la recherche de l'exactitude des faits servant de fondement à l'exercice d'un droit. Cette recherche de la vérité suppose nécessairement une appréciation de la crédibilité des témoins. Ainsi, en matière d'administration de la preuve, la CLP possède les pouvoirs nécessaires pour recevoir en preuve des déclarations, même si l'employeur les qualifie de confidentielles.

 

Laroche et Commission scolaire des Affluents, 2016 QCTAT 3020.

Dans ce cadre législatif précis, où la recherche de la vérité est au cœur de la mission du Tribunal, la soussignée est d’opinion qu’elle est habileté, sans équivoque, à demander le dépôt de documents pertinents.

 

 

Lacunes dans la preuve

Tremblay et Cegelec Entreprises 1991 ltée (Fermé)2014 QCCLP 2125.

Lorsque la première juge administrative apprécie la preuve, elle n’a pas à aviser les parties du fait qu’elle est satisfaite ou non de la preuve soumise. Un tel raisonnement obligerait le décideur à devoir indiquer aux parties que la preuve ne lui apparait pas prépondérante pour qu’ils puissent la compléter ou la bonifier.

 

Petit-Homme et Centre hospitalier de l'Université de Montréal, 2020 QCTAT 1018.

La travailleuse soutient que TAT-1 avait l’obligation de prendre note du fait qu’elle était en attente d’une chirurgie et aurait dû remettre l’audience de sa propre initiative ou signaler le manque d’information en débutant. Le Tribunal ne retient pas cette prétention qui revient à imposer au Tribunal de lui souligner la lacune dans sa preuve. Le même genre de prétention a récemment été écarté par la Cour supérieure. Bien que l’article 10 de la LITAT indique que le Tribunal et ses membres sont investis des pouvoirs des commissaires nommés en vertu de la LCE, la responsabilité de rencontrer leur fardeau de preuve appartient aux parties. L’article 35 de la LITAT prévoit qu’avant de rendre sa décision, le Tribunal permet aux parties de se faire entendre par tout moyen de prévu à ses règles de preuve et de procédure. L’article 39 précise qu’une partie qui désire faire entendre des témoins et produire des documents procède en la manière prévue à ces règles. Les articles 24 à 27 des RPPTAT encadrent la demande de remise. Si la travailleuse considérait que les informations liées à la chirurgie à venir ou une expertise étaient nécessaires, il lui appartenait de présenter une demande de remise ou encore de demander un délai pour leur production.

 

Grégoire et Rio Tinto Fer et Titane, 2020 QCTAT 1650.

Le travailleur reproche à TAT-1 de lui avoir indiqué avant l’audience qu’il comprend le sens des admissions faites et que son témoignage n’est donc pas nécessaire. En d’autres mots, le travailleur soulève que TAT-1 l’aurait induit en erreur par des commentaires qui lui sont apparus favorables à ses prétentions. Comme le mentionne monsieur Nadeau, il ressort du court entretien tenu avec TAT-1 qu’il a « une très forte impression favorable ».  Avant de rendre sa décision, TAT-1 devait-il souligner au travailleur que les admissions de faits versées au dossier sont insuffisantes, donc de lui souligner une lacune dans sa preuve? La décision récente rendue dans l’affaire Desruisseaux répond à cette première question et précise qu’un juge n’est pas obligé, avant de rendre jugement, de donner à la partie en question l’occasion de reprendre sa preuve intégralement ni même simplement de la bonifier jusqu’à ce que la balance penche de son côté. Comme le mentionne la Cour d’appel dans l’arrêt Genest c. Bélisle, « la partie qui n’a pas seulement omis, mais qui est plutôt incapable de présenter, sur tel ou tel point, une preuve satisfaisante, ne peut se plaindre de ce que le juge ne lui aurait pas signalé d’avance et ne lui aurait pas permis de tenter de faire mieux ».

 

Aluminart Architectural inc., 2020 QCTAT 2104.

Il n’y a rien dans les dispositions de la LJA applicables à la fonction juridictionnelle qui prévoit que le Tribunal doive signaler les lacunes de sa preuve à une partie, ce qu’il pourrait difficilement faire, tout en demeurant ou apparaissant demeurer neutre à l’égard des autres parties au litige. Ces règles sont complétées par la Loi applicable. En vertu de l’article 35 de la LITAT, avant de rendre une décision, le Tribunal permet aux parties de se faire entendre par tout moyen prévu à ses règles de preuve et de procédure. Il peut toutefois procéder sur dossier s'il le juge approprié et si les parties y consentent. Dans le présent cas, convoqué à une audience sur le mérite du dossier, l’employeur a renoncé à sa tenue. Pour ces raisons, le Tribunal n’a pas l’obligation de signaler à l’employeur les lacunes de sa preuve. Tout récemment, la Cour supérieure a conclu que le Tribunal n’avait pas cette obligation. Bien que l’article 10 de la LITAT stipule que le Tribunal et ses membres sont investis des pouvoirs des commissaires nommés en vertu de la LCE, la responsabilité de satisfaire son fardeau de preuve revient à l’employeur, ce n’est pas le fardeau de preuve du Tribunal.

 

 

Ordonnance pour avoir accès à des documents médicaux

Desjardins et Régie Interne de Police de Joliette, [2006] C.L.P. 627.

L'employeur demande à la psychologue de soumettre les deux tests passés par le travailleur ainsi que les notes cliniques. Le travailleur s'oppose au dépôt de ces documents. L’article 378 octroie les pouvoirs nécessaires au tribunal pour accorder l’ordonnance recherchée. D’abord, la CLP doit s'assurer que la transmission de l'information s'effectue dans le respect des droits fondamentaux des parties. Les documents demandés bénéficient de la protection de confidentialité. Cette protection doit être analysée dans le contexte du respect d'un autre droit fondamental, soit une défense pleine et entière. La CLP considère que le travailleur a renoncé à la protection de confidentialité en soumettant une réclamation pour une lésion professionnelle psychique et en produisant une preuve à cet effet. La preuve demandée est pertinente puisque la psychologue, lors de son témoignage, explique les deux tests effectués par le travailleur. Le tribunal ordonne le dépôt d’une copie des notes cliniques et une copie des deux questionnaires administrés incluant les résultats.

 

Ville A et M.M., C.L.P. 313488-04-0703, 21 avril 2008, D. Lajoie.

L’employeur a déposé une demande de partage des coûts. Sans l’accès au dossier médical psychologique du travailleur, il est privé d’éléments de preuve qui sont essentiels. L’employeur demande à la CLP d’ordonner le dépôt du dossier médical. Les parties ne contestent pas le pouvoir du tribunal de rendre une telle ordonnance. Le droit à la confidentialité, au respect du secret professionnel et à la vie privée n’est pas absolu. Une personne qui invoque son état de santé pour avoir droit à un bénéfice d’une loi renonce implicitement à la confidentialité de son dossier médical et au respect de sa vie privée. Les documents demandés par l’employeur sont pertinents au litige. Le tribunal doit veiller à la protection du droit fondamental d’être entendu et présenter une défense pleine et entière. Il est ordonné au travailleur de fournir la liste complète des établissements de santé, cliniques médicales, médecins et professionnels de la santé qu’il a consultés concernant tout problème de nature psychologique et ordonné à ces derniers de donner accès à l’employeur à toutes les informations et à tous les documents portant sur un problème de nature psychologique.

 

Ébénisterie Multi-Laques inc. et Biello, 2012 QCCLP 2266.

Pour prouver que le travailleur était déjà atteint d’un handicap lors de la survenance de sa lésion, l’employeur demande au tribunal d’ordonner que la CSST lui transmette tous les dossiers CSST antérieurs du travailleur. Le droit fondamental d’être entendu de l’employeur rejoint celui du travailleur concernant la protection de sa vie privée puisque les informations contenues dans les dossiers CSST antérieurs sont confidentielles. La CLP doit donc soupeser les intérêts divergents des deux parties à la lumière de ses pouvoirs. Il s’agit d’un exercice en deux volets. La demande ne doit d’abord pas être faite à l’aveuglette et ensuite, la pertinence des éléments de preuve doit être démontrée par un lien de connexité se rattachant à l’objet du litige. Les antécédents du travailleur au même site anatomique sont pertinents pour répondre à la demande de partage d’imputation de l’employeur. L’accès au dossier du travailleur est permis.

 

Compagnie A, 2012 QCCLP 4551.

L’employeur demande que lui soit transmis une copie du dossier complet de la travailleuse (notes, rapports, etc.) détenu auprès de sa psychologue. Le Tribunal a le pouvoir de rendre le type d’ordonnance recherché en l’espèce afin de permettre à l’employeur de faire valoir pleinement tous ses moyens de preuve. En l’espèce, la travailleuse a renoncé à la confidentialité de son dossier médical au moment où elle a déposé sa réclamation à la CSST. La jurisprudence reconnaît que ce principe s’applique également à une demande de partage de coûts comme c’est le cas en l’espèce. En outre, les documents sont pertinents puisqu’ils permettront à l’employeur d’être entendu et de produire une preuve pleine et entière dans le cadre de sa demande de partage de coûts dans laquelle il prétend que la travailleuse est porteuse d’une condition personnelle.

 

Hallcon Corporation et Soucy, 2019 QCTAT 4081.

Puisque le travailleur allègue sa condition médicale pour obtenir réparation, on devra permettre à l’employeur d’avoir accès au dossier médical pour qu’il puisse assurer sa défense. Toutefois, l’employeur n’a pas un droit d’accès illimité au dossier du travailleur, mais uniquement aux éléments apparaissant pertinents pour la solution du litige. Par les termes employés dans la citation à comparaître qu’il a expédiée au médecin traitant, « l’ensemble des renseignements et documents […] relativement à toutes les blessures et pathologies ayant affligé le rachis dorsolombaire, la région inguinale et de nature psychique, […] quelle qu’en soit la cause, la nature ou l’époque », il semble que ce que recherche l’employeur est beaucoup plus large que d’obtenir les informations médicales pertinentes au litige. Or, le but d’obtenir les informations contenues au dossier est de permettre à l’employeur d’assurer sa défense pleine et entière en ce qui concerne les dossiers dont le Tribunal est saisi et non de documenter une éventuelle demande de partage de coûts. Ainsi, l’employeur n’a droit d’accès au dossier médical du travailleur en ce qui concerne la région dorsolombaire, la région inguinale et son état psychique qu’à compter de la survenance de la lésion professionnelle.

 

Groupe d'embouteillage Pepsi (Canada) et Borealis, 2022 QCTAT 2829.

TAT-1 ne commet pas d'erreur en refusant de lever le scellé sur les documents confidentiels transmis par la RAMQ. En effet, il retient le bon principe en matière d’admissibilité de la preuve, soit celui de la pertinence. TAT-1 ne porte pas non plus atteinte au droit d’être entendu de l’employeur. D’une part, l'étendue temporelle de la demande de l'employeur, qui vise une période de 26 ans, est trop large. D'autre part, il demande l’accès aux relevés de la RAMQ concernant des visites médicales pour l’ensemble des membres supérieurs. Or, la preuve ne révèle pas d'antécédents à ces sites lésionnels, et ne démontre pas en quoi une consultation médicale à un site autre que les épaules aurait pu avoir sur la lésion professionnelle. La requête est rejetée.

 

Landry et Centre de services scolaire de Montréal, 2022 QCTAT 3295.

L'employeur demande accès à différents dossiers médicaux. Dans le cadre de son analyse, le Tribunal doit s’assurer que la demande ne constitue pas une expédition de pêche et que la preuve convoitée est pertinente au litige. Pour déterminer si la demande d’accès de l’employeur constitue une expédition de pêche, le Tribunal doit notamment considérer les facteurs suivants 1) la demande d’accès doit être bien circonscrite dans le temps, 2) la demande d’accès doit viser un site lésionnel précis, 3) la présence, dans le dossier dont est saisi le Tribunal, d’indices suffisants permettant d’inférer que des informations pertinentes au litige se retrouvent dans d’autres dossiers protégés par des privilèges de confidentialité.

 

Oliva Del Cid et 9008-1951 Québec inc., 2023 QCTAT 3286.

L'employeur s'oppose à la décision du Tribunal de procéder d'office à une réouverture d’enquête et d'émettre une ordonnance visant l’obtention d'un dossier médical. Le Tribunal rappelle que son pouvoir de réouverture d'enquête découle de la LITAT et qu'il n'est subordonné à aucune condition d’exercice. De plus, l’objectif visé par une réouverture d’enquête est de prendre connaissance d’informations pertinentes aux litiges qui sont absentes du dossier et qui peuvent jouer un rôle dans la décision à rendre par le Tribunal. L'objection est rejetée. Les parties pourront cependant requérir la présentation d’une preuve additionnelle si les nouvelles informations obtenues le justifient.

 

Ordonnance enjoignant une partie à déposer un document

Faustin et Laboratoires Confab inc., C.L.P. 296651-61-0806, 25 avril 2008, L. Nadeau.

Le travailleur veut obtenir de l’employeur la liste des contaminants ou agents toxicogènes présents dans le milieu du travail. La CLP a les pouvoirs de rendre l’ordonnance recherchée par le travailleur. Le diagnostic retenu par les médecins au dossier est suffisant pour justifier l’ordonnance. Il est utile et pertinent de savoir si le travailleur a été exposé à des contaminants qui peuvent avoir causé sa maladie pulmonaire professionnelle. La requête est accueillie en partie et il est ordonné à l’employeur de fournir la liste des produits contenant du zinc puisque le travailleur prétend qu’il y a été exposé.

 

Pellerin et Commission Scolaire de Portneuf, 2013 QCCLP 192.

Service correctionnel du Canada, un des employeurs au dossier, s’oppose fermement à la production de documents demandés par la travailleuse. La procureure de cet employeur mentionne que cette question de sécurité et d’intérêt public doit être tranchée par la Cour supérieure ou fédérale. La CLP considère que dans le cadre de ses pouvoirs, elle doit seulement décider de la pertinence des documents demandés en regard de la question en litige qui lui est soumise. La CLP recherche la vérité et dans cette optique, elle doit bénéficier d’un éclairage complet de la preuve. La travailleuse allègue qu’il y a des particules dans son milieu de travail qui seraient transportées par le système de ventilation et qui la rendent malade. Il apparaît donc que les plans du système de ventilation, de même que les plans attestant du mode de fonctionnement du système de ventilation, constituent une preuve pertinente et utile pour disposer du litige dont il est saisi. Il ne s’agit pas d’une partie de pêche. La CLP ordonne au Service correctionnel du Canada de transmettre les documents sous pli scellé et confidentiel ainsi que la non-publication des documents transmis au juge administratif soussigné.

 

Suivi :

Désistement de la requête en révision judiciaire, 9 mai 2014, 200-05-019699-136.

Roy et Hydro-Québec (SALC) (QC1), 2014 QCCLP 3600.

Le Tribunal a le pouvoir nécessaire à l’exercice de sa compétence, dont celui d’ordonner à une partie de déposer une pièce ou un élément de preuve. Par contre, la partie qui demande à voir une telle preuve ne peut entreprendre une expédition de pêche, sans au moins savoir ce qu’impliquent en partie les documents demandés. De plus, il doit apparaître les documents sont pertinents au litige. Dans le présent dossier, le travailleur a rapporté dans sa réclamation les évènements qu’il considère avoir causé sa lésion. Le rapport dont il demande de recevoir copie précise les réponses et les commentaires du prétendu harceleur ainsi que ceux des différents collègues de travail. Ce rapport est donc un élément de preuve pertinent. Certes, certains de ses collègues témoigneront à l’audience et d’autres non. Si ce rapport n’a pas d’effet de lier le tribunal de quelque manière, la transparence exige sa production. De plus, nous considérons que la protection de la confidentialité promise par l’employeur auprès de ses salariés ne peut lier le Tribunal. Dans ce cas, en mettant en balance les droits du travailleur à la présentation de la preuve pleine et entière et la protection de la confidentialité, une preuve pleine et entière doit primer. Le tribunal considère que cette preuve permettrait à chacune des parties de bien se préparer dans le respect des règles de justice naturelle. C’est pour ces raisons que le tribunal est d’avis qu’il doit accueillir la demande du travailleur et ordonner à l’employeur de déposer au dossier le rapport d’enquête complet concernant la plainte de harcèlement.

 

Jones et Commission scolaire Eastern Shores, 2016 QCTAT 1535.

Mis à part la question de la pertinence du document litigieux, lorsque les parties plaident la confidentialité des échanges intervenus lors de la confection d’un rapport d’enquête pour s’opposer à la production d’une preuve, les tribunaux administratifs se disent non liés par les engagements qu’un employeur ou un enquêteur a pris envers certaines personnes, compte tenu du droit à une défense pleine et entière. Le Tribunal ajoute que cette conclusion s’applique dans le cas présent d’autant plus que l’employeur lui-même fait référence au rapport en question dans sa lettre de congédiement, levant par le fait même son engagement de confidentialité. En l’espèce, considérant que la divulgation du rapport d’enquête pourrait permettre à chaque partie de bien se préparer dans le respect des règles de justice naturelle, le Tribunal, qui possède le pouvoir de contraindre en vertu de la LITAT, rejette la requête en cassation d’assignation à comparaître avec demande pour produire un document. Restera au Tribunal à statuer sur la pertinence effective de ce document, si l’objection de l’employeur est maintenue au stade de l’audience au fond.

 

Poulin et Commission scolaire du Fer, 2016 QCTAT 3058.

Le Tribunal possède les pouvoirs lui permettant d’exiger la communication d’éléments de preuve pertinents, tels des rapports d’enquête, afin de trancher le litige dont il est saisi. La pertinence d'un élément de preuve doit être évaluée selon les circonstances de chaque affaire. La partie qui désire déposer une preuve a le fardeau de démontrer qu'elle est pertinente au litige et doit donc être susceptible d'en influencer l'issue. En l’espèce, Le travailleur demande la production d'une plainte de harcèlement déposée à l'encontre d'un collègue de travail ainsi que le rapport d'enquête relatif à cette plainte. Or, le Tribunal ne peut conclure à la pertinence prima facie entre le rapport d'enquête visant le comportement d'un tiers dans la période précédant l'évènement allégué par le travailleur sur l'issue du présent litige. Puisque la plainte déposée à l'encontre d'un tiers ne concerne pas le travailleur et que le rapport d'enquête réalisé postérieurement à l'événement concerne un climat nocif que le travailleur semblait ignorer, le Tribunal ne peut conclure que ces documents sont pertinents. Le Tribunal conclut que la requête incidente du travailleur est prématurée. Il est d'avis qu'il serait primordial d'entendre la preuve relative à la survenance de la lésion alléguée ainsi que les circonstances et la nature de l'enquête en question avant de déterminer la façon définitive de la pertinence du dépôt des documents.

 

Archambault et Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, 2017 QCTAT 1978.

Le Tribunal considère que la plainte déposée par l’employeur à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à l’encontre du collègue de la travailleuse est irrecevable en preuve. D’une part, le Code des professions prévoit qu’une plainte à l’encontre d’un professionnel auprès d’un syndic demeure confidentielle jusqu’au moment où celle-ci est signifiée au professionnel faisant l’objet de cette plainte dans le cas où le dossier est transmis au Conseil de discipline de son ordre professionnel. Le Tribunal considère qu’il doit respecter le plus possible l’étanchéité du processus disciplinaire professionnel québécois afin d’assurer la protection du public et la confiance du public en celui-ci. D’autre part, cette plainte et l’enquête entreprise par l’Ordre visent à sanctionner, le cas échéant, une faute déontologique. L’employeur ayant admis les gestes posés par le collègue de la travailleuse, le Tribunal considère que la plainte formulée par l’employeur n’est pas pertinente aux fins du litige puisque le Tribunal doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle, et ce, sans égard à la responsabilité de quiconque. Ainsi, la plainte, bien que connexe à la question que doit trancher le Tribunal, n’est pas nécessaire pour dénouer la question en litige qui est de déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle.

 

Demers et Université de Montréal, 2019 QCTAT 5190.

Comme le Tribunal doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle de nature psychologique, il doit pouvoir utiliser tous les droits qui lui sont conférés par la loi afin d’analyser les éléments de preuve pertinents à la solution du présent litige, dont le rapport d’enquête, et ce, dans le respect du droit des parties. Ce rapport d’enquête est de nature à éclairer le Tribunal dans sa quête de rendre une décision juste et équitable et peut certes exercer une influence directe et réelle sur le fond du litige. Le Tribunal ordonne à l’employeur de produire en preuve le rapport d’enquête avec copie à la travailleuse afin de lui permettre une préparation pleine et entière de son dossier, le tout devenant obsolète en cas d’entente entre les parties.

 

Guimond et Powerflow Canada inc., 2023 QCTAT 528.

Dans le cadre d'un dossier joint, le travailleur demande d’ordonner le dépôt du rapport d’enquête rédigé par l’enquêtrice de la CNESST suivant sa plainte pour harcèlement psychologique. Bien qu’il ne soit pas lié par les conclusions du rapport, le Tribunal estime que celui-ci est pertinent quant à l’appréciation de la crédibilité des témoins. Sa valeur probante devra toutefois être analysée à la lumière de la preuve. En outre, le Tribunal conclut que l’enquêtrice n’est pas contraignable à venir témoigner selon les dispositions de la LNT, et que le témoignage du directeur des opérations n’est pas pertinent aux litiges.

 

 

Ordonnance enjoignant le travailleur à se soumettre à une expertise médicale

R.S. et Compagnie A, 2011 QCCLP 5829.

Le soussigné est d’avis que la Loi ne permet pas à la CLP d’ordonner à un travailleur de se soumettre à une expertise médicale à l’extérieur du cadre de la procédure d’évaluation médicale lorsque ce dernier fait valablement valoir son droit à l’inviolabilité de la personne garantie à la Charte. Le seul fait de présenter une réclamation pour lésion professionnelle ne constitue pas automatiquement une renonciation à ce droit. Dans le présent dossier, la CLP conclut que le travailleur a renoncé lui-même à la garantie portant sur l’inviolabilité de sa personne en se soumettant lui-même à une expertise médicale qu’il a déposée auprès du Tribunal. Ainsi, la CLP a, eu égard à ses pouvoirs généraux en matière d’administration de la preuve, celui de rendre ladite ordonnance afin de préserver l’équité procédurale. Advenant le défaut du travailleur de se présenter lors de l’évaluation, la CLP n’aura d’autre alternative que de refuser d’admettre en preuve le rapport d’expertise du travailleur, puisqu’émettre une telle preuve aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.

 

Roy et Hydro-Québec (SALC) (QC1), 2014 QCCLP 3600.

Les tribunaux supérieurs ont confirmé le deuxième courant qui reconnaissait au Tribunal le pouvoir d’émettre des ordonnances visant à obliger le travailleur à se soumettre à un examen médical. En l’espèce, il appert que le travailleur a initialement été convoqué pour une expertise couvrant deux absences, dont celle concernée par le présent dossier. Or, une fois ce mandat donné, le médecin expert a exigé sa modification afin de se prononcer uniquement sur la dernière absence, de nature personnelle, ce qu’a accepté l’employeur. Cette décision lui appartenait et il n’est pas au travailleur d’en subir les conséquences. Le Tribunal est d’avis il n’y a pas lieu d’accueillir la requête de l’employeur. Le travailleur ne doit pas subir de nouveau un empiètement au droit à l’intégrité ainsi qu’à l’inviolabilité de la personne à cause des choix de l’employeur dans la gestion du présent dossier. De plus, le Tribunal considère qu’il y a d’autres moyens de preuve permettant à l’employeur d’étayer sa preuve et de la soumettre au Tribunal. Vu les objectifs exprimés par l’employeur, il n’est pas dans l’intérêt de la justice qu’une deuxième expertise soit ordonnée. De plus, la règle audi alteram partem sera respectée. En effet, une deuxième expertise n’est ni nécessaire ni pertinente pour l’employeur puisqu’il a déjà fait subir au travailleur une évaluation médicale qui se prononce sur des questions qu’il veut soumettre de nouveau à un autre expert.

 

Marceau et Cuisines gaspésiennes de Matane, 2016 QCTAT 3165.

La Commission soutient qu’elle a le droit de faire examiner la travailleuse par un médecin expert de son choix afin de réfuter la preuve émanant du rapport d'expertise de la docteure Dudon, principalement au regard des limitations fonctionnelles suggérées, sujet qu'il identifie comme étant au « cœur du débat ». À l'instar de la travailleuse, le Tribunal constate que l'opinion exprimée par la docteure Dudon au sujet des limitations fonctionnelles ne constitue pas un élément de preuve « inédit ». Son rapport d'expertise n'amène aucun élément médical véritablement nouveau sur le sujet. Le même constat vaut pour les autres sujets médicaux qui y sont traités. Du reste, rien n'empêche la Commission d'obtenir une opinion sur dossier par un médecin de son choix si elle désire bonifier sa preuve. Elle peut aussi se faire accompagner par un tel médecin lors de l'audience sur le fond si elle le souhaite. Cela peut cependant se faire sans contraindre la travailleuse à subir, contre son gré, un nouvel examen médical. Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières du présent dossier, d'exiger de la travailleuse qu'elle se soumette au nouvel examen médical requis par la Commission.

 

D.G. Caisse Desjardins Pierre -Le Gardeur, 2021 QCTAT 5209.

La travailleuse soutient que son état de santé et ses limitations ne lui permettent pas de se rendre sur l’île de Montréal pour se présenter à l’expertise médicale de l’employeur. Ce dernier a donc obtenu le consentement du médecin spécialiste pour que l’examen se fasse par visioconférence. Le Tribunal accueillle la demande d’ordonnance de l’employeur pour forcer la travailleuse à se soumettre à une expertise médicale par visioconférence.

 

Requête en cassation de citation à comparaître

C.B. et Compagnie A, 2017 QCTAT 738.

La présence du président-directeur général de l’employeur est non nécessaire à la prise d’une décision au fond sur la demande de la travailleuse. Il n’y a aucune indication que monsieur L... ait été témoin de faits pertinents au litige entre la travailleuse et son employeur, ni qu’il ait été impliqué dans la prise de décisions des supérieurs de la travailleuse. Pour la bonne marche et le déroulement de la continuation de l’affaire, le Tribunal considère qu’il est nécessaire de contrôler l’exercice du droit de la travailleuse de signifier des citations à comparaître. La requête en cassation est accueillie.

 

Christie et Commission scolaire Riverside, 2017 QCTAT 4308.

La citation à comparaître enjoint à une personne qui n’est pas la détentrice de documents de produire ces derniers. Les documents demandés émanent de l’employeur, partie au dossier. Monsieur Boyer n’a joué aucun rôle dans le dossier de la travailleuse et n’a la garde d’aucun document pertinent à la solution du litige soumis au Tribunal. C’est à l’employeur, détenteur des documents demandés, s’ils existent, que la travailleuse doit s’adresser pour en obtenir copie. La demande en cassation de citation doit être accueillie.

 

Bernard et SME inc. (F), 2021 QCTAT 4329.

Le travailleur cite à comparaître le docteur Aubé qui a agi à titre de membre du Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Le Tribunal rappelle que dans l’affaire Tremcar, la CLP n’a pas autorisé le témoignage du docteur Maurais, membre du BEM, puisque son témoignage aurait été susceptible de mettre en péril le rôle de neutralité, d’indépendance et d’impartialité dévolu aux membres du BEM. Cela aurait également eu pour effet de porter atteinte à la crédibilité de cette institution publique et de miner la confiance du public à son égard. Pour le Tribunal, permettre le témoignage du docteur Aubé aurait les mêmes conséquences néfastes. Le Tribunal décide donc qu’il n’est pas contraignable et accueille la demande de cassation de la citation à comparaître.

 

Garcia Joseph et Expertech Bâtisseur de réseaux inc., 2023 QCTAT 4287.

La règle ultime à suivre en matière d’admissibilité d’une preuve est sa pertinence au litige. Or, les documents demandés, soit « toute la correspondance courriel au cours de ses relations de travail avec Bell Canada » et « toute autre preuve, courriel ou note relatifs, y compris les offres, demandes, ou incitatifs au départ volontaire » représente une quantité énorme de documents. Le Tribunal comprend que le travailleur cherche des éléments qui l'aideront dans ses litiges. Cette démarche s’apparente davantage à une expédition de pêche qu’à une demande d’éléments de preuve précis. De plus, le Tribunal n’a pas eu la preuve que ces documents étaient pertinents aux litiges dont il est saisi. Les citations à comparaître sont cassées.