Le Tribunal saisi d'une question peut rendre la décision qu’il juge appropriée à la lumière de la preuve offerte.
- Bénard et Montacier inc.[2003] C.L.P. 29.
Certes, l’effet des articles 359 et 369 de la Loi est que les parties sont maîtres de déterminer l’objet de la contestation dont le tribunal est saisi, le litige qu’il aura à trancher. Mais, c’est l’article 377 qui dicte, sur le plan juridictionnel, comment la CLP disposera de la question qui lui est soumise. De toute évidence, le législateur a voulu préserver au décideur une grande latitude à cet égard et lui a fourni, notamment par le biais de l’article 377, les outils requis pour s’en servir. Les désirs et objectifs des parties, une fois qu’elles ont confié la résolution de leur différend au Tribunal, ne sont plus désormais que des arguments à considérer ; ils ne font plus loi entre elles. On ne saurait, pour en tenir compte, faire abstraction de tout un pan de la preuve, n’en déplaise au requérant. Au surplus, la notion d’ultra petita ne s’impose pas au tribunal administratif chargé d’appliquer des dispositions d’ordre public dépassant largement le cadre étroit des intérêts de parties impliquées dans un litige privé. Le Tribunal en arrive à la conclusion de droit que sa compétence juridictionnelle ne s’en limite pas, dans le présent cas, à « bonifier » ou non ce que le travailleur a déjà obtenu à la suite de la révision administrative quant à la date de consolidation de sa lésion et quant aux soins et traitements justifiés. Le Tribunal a pleine latitude pour se prononcer sur ces sujets et rendre la décision qu’il juge appropriée à la lumière de la preuve légalement offerte ; une démarche d’analyse qu’il convient maintenant d’amorcer.
- MBI Corexcel inc. et Larocque,C.L.P. 287167-02-0604, 6 septembre 2007, J-F Clément.
La compétence juridictionnelle de la CLP ne se limite pas à disposer des prétentions de l’employeur dans le cadre de son recours concernant les limitations fonctionnelles pour les annihiler ou les diminuer, mais elle a pleine latitude pour se prononcer sur ce sujet dans son ensemble et rendre la décision qu’elle juge appropriée à la lumière de la preuve légalement offerte.
- Verdon et The Gazette,C.L.P. 321906-64-0706, 26 juin 2008, D. Armand.
Le pouvoir du Tribunal ne se limite pas à confirmer la date de consolidation retenue par le membre du BEM et la CSST ou à retenir une date ultérieure de consolidation. Le Tribunal étant saisi de la question de la consolidation, il a pleine latitude sur ce sujet et peut rendre la décision qu’il juge appropriée à la lumière de la preuve offerte.
- Transport VA inc.,C.L.P. 332852-03B-0711, 3 juin 2008, J-F Clément.
La CSST reconnaît l’existence d’un handicap ayant prolongé la période de consolidation. Elle décide d’imputer 55 % des coûts de la lésion à l’employeur et le reste aux employeurs de toutes les unités. Le Tribunal est donc saisi de la question de savoir si l’employeur a droit ou non à un partage d’imputation, sujet dans lequel est inclus celui du pourcentage à attribuer. L’existence d’une déficience, sa présence antérieure à la lésion, la déviation par rapport à une norme biomédicale, le lien entre le handicap et la lésion et le pourcentage à octroyer sont donc tous des éléments intrinsèquement présents dans une décision rendue concernant l’article 329 de la Loi. La compétence de la CLP ne se limite pas à bonifier ou non ce que le travailleur ou l’employeur a déjà obtenu mais elle possède la pleine latitude pour se prononcer sur les sujets dont elle est saisie afin de rendre la décision qu’elle juge appropriée à la lumière de la preuve légalement offerte. Il en irait différemment si, dans un même instrument décisionnel, la CSST avait décidé de l’admissibilité d’une lésion et de la question du partage de coûts. Il s’agirait alors de deux sujets distincts pouvant être dissociés. Tel n’est pas le cas puisque le tribunal est saisi de l’ensemble de la question de l’octroi d’un partage de coûts en vertu de l’article 329 de la Loi.
- Guennouni et Hôpital Santa Cabrini,2020 QCTAT 984.
Lorsque le diagnostic demeure imprécis ou obscur, il est important pour le Tribunal d’apprécier la preuve afin de préciser le diagnostic approprié à retenir pour les fins d’une réclamation. En effet, lorsque plusieurs diagnostics sont posés par le médecin qui a charge d’un travailleur et qu’aucun avis n’a été demandé à un membre du BEM, le Tribunal doit apprécier la preuve afin de déterminer le diagnostic qui doit être retenu comme étant en lien avec l’événement d’origine. Il va sans dire que le Tribunal est lié par l’avis du médecin traitant sur les conclusions médicales qu’il ou elle retient à la suite de son examen, en vertu de l’article 224 de la Loi, mais il arrive parfois que l’investigation médicale n’a pas permis, au moment d’une réclamation, d’obtenir un diagnostic précis. De l’avis du soussigné, c’est là que les pouvoirs accordés au Tribunal en vertu de l’article 9 de la LITAT servent de tremplin pour permettre au Tribunal de rendre la décision appropriée afin que la résolution de la contestation soit intelligible et respectueuse des faits.