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. 9. Pouvoir du Tribunal

Le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à exercice de sa compétence

Questions indissociables

Le délai de réclamation

Selon la jurisprudence fortement majoritaire, la recevabilité et l’admissibilité d’une réclamation constituent des questions indissociables.

Powley et Commission scolaire New Frontiers, C.L.P. 338549-62C-0801, 30 octobre 2008, C. Burdett.

Lorsque la CSST ou la CLP doit traiter de l’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle, certaines conditions préalables sont essentielles à l’application de la Loi. Pour que le droit à la réparation puisse se réaliser, il faut d’abord que la personne qui revendique ce droit soit un travailleur au sens de la Loi et qu’il travaille pour un employeur possédant un établissement visé par la Loi. Le travailleur peut alors produire sa réclamation dans le délai imparti. Ainsi, le Tribunal est d’avis qu’une contestation sur l’admissibilité d’une réclamation entraîne la possibilité d’étudier à nouveau chacune des conditions essentielles, lesquelles sont indissociables de la recevabilité de la réclamation.

 

Riopel et 30879449 Québec inc., 2011 QCCLP 1436.

Au cours des dernières années, un courant de jurisprudence s'est développé voulant que la question de délai, tant celle concernant une demande de révision que celle concernant le délai de réclamation, soit indissociable du fond du litige. Ainsi, une partie n'a pas besoin de soumettre un recours distinct pour que le tribunal puisse se saisir d'une question de délai. Exiger un recours distinct irait à l'encontre des principes d'accessibilité de la justice administrative et alourdirait inutilement le processus judiciaire.

 

D.B. et École secondaire A, 2012 QCCLP 370.

Lorsque le Tribunal est valablement saisi d'une contestation, il doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Cela implique que tous les aspects incidents à l'objet en litige peuvent être examinés de nouveau, y compris la recevabilité de la réclamation puisqu'il s'agit d'une question indissociable de l'admissibilité. 

 

Lemay et A. & D. Prévost inc., 2012 QCCLP 2007.

Le Tribunal souscrit au courant de jurisprudence majoritaire voulant que le délai de réclamation ou de contestation soit indissociable du fond du litige. Ainsi, la CLP a le pouvoir de statuer d'office sur la question préliminaire relative à la recevabilité de la réclamation.

 

M'Plast inc. et Lozano, 2013 QCCLP 2969.

La CLP est d'avis que le délai de réclamation ou de contestation est indissociable du fond du litige. Le tribunal estime donc que les articles 377 et 378 de la Loi lui attribuent les pouvoirs nécessaires pour soulever d’office la question préliminaire relative à la recevabilité de la demande de révision administrative déposée par l’employeur.

 

Labrie et Entreprises Denpro inc.2013 QCCLP 5267.

Bien qu’il ait existé une controverse au sein du Tribunal à ce sujet, la jurisprudence est maintenant majoritaire, voire quasi unanime, à considérer que le délai de réclamation est indissociable du fond du litige. Ainsi, la CLP peut se prononcer sur la recevabilité d’une réclamation, même si cette question ne fait pas l’objet de la décision contestée par la travailleuse, qu’elle est soulevée pour la première fois par l’employeur devant la CLP et que celui-ci n’a pas contesté la décision en question.

 

A et Commission de la santé et de la sécurité du travaii, 2014 QCCLP 1372.

La question de la recevabilité de la réclamation a été soulevée pour la première fois devant la CLP. L'article 377 LATMP prévoit que dans l'exercice de sa compétence, la CLP peut rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être rendue en premier lieu. En l'espèce, il s'agit de savoir si la travailleuse a droit aux prestations prévues à la loi. Le tribunal ne doit pas se limiter au contenu du dossier transmis par la CSST ou à l'appréciation de la preuve faite par cet organisme.  La jurisprudence indique que la CLP peut se prononcer sur le fond d'une réclamation même si les instances inférieures n'ont statué que sur des « moyens préliminaires » d'irrecevabilité. Il serait étonnant que l'inverse ne soit pas possible. Le moyen d'irrecevabilité invoqué par l'employeur devant la CLP n'est qu'une « question de droit accessoire » au litige principal. D'ailleurs, dans Légaré c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles où la situation juridique était analogue à celle en l'espèce, la Cour supérieure a décidé que l'instance siégeant en appel de novo « peut demeurer saisie d'une question que l'instance inférieure a omis de [trancher] ». Le tribunal peut donc se prononcer sur la recevabilité de la réclamation.

 

Faille et Pavages Chenail inc., 2015 QCCLP 6305.

Selon la jurisprudence majoritaire, la recevabilité et l’admissibilité d’une réclamation constituent des questions indissociables. Dès lors, la question de la recevabilité d’une réclamation peut être soulevée par une partie à l’audience, même si cette partie n’a pas elle-même contesté la décision de la CSST ou encore même si cette question n’a jamais été soulevée auparavant.

 

Rivard et Service sécurité publique, 2016 QCTAT 6050.

La CSST, en révision administrative, refuse la réclamation du travailleur, d’où la contestation de celui-ci devant le Tribunal. L’employeur n’a pas contesté auprès du Tribunal cette décision. Le Tribunal estime néanmoins que l’employeur n’est pas forclos de soulever la question de la recevabilité de la réclamation du travailleur à titre de question préliminaire. En effet, suivant un courant jurisprudentiel majoritaire, la recevabilité et l’admissibilité d’une réclamation pour une lésion professionnelle sont des questions indissociables et, de ce fait, le Tribunal peut se prononcer sur la recevabilité d’une réclamation présentée à la CSST, même si cette question ne fait pas l’objet de la décision contestée par le travailleur et qu’elle est soulevée pour la première fois par l’employeur devant le Tribunal ou encore même si l’employeur n’a pas contesté la décision en question. Le Tribunal doit donc disposer de la question préliminaire soulevée par la procureure de l’employeur quant à la recevabilité de cette réclamation.

 

Gervais et 9224-7782 Québec inc., 2017 QCTAT 81.

Dans sa décision, la Commission décide, d’une part, que la réclamation du travailleur pour une maladie professionnelle est recevable. D’autre part, elle décide que le travailleur n’a pas subi de telle lésion professionnelle. Force est de conclure que par sa contestation, le travailleur ne s’attaque pas à la partie de la décision déclarant sa réclamation recevable. Par ailleurs, aucun des employeurs convoqués n’a contesté cette décision, ni avant l’audience, ni à l’audience. Il faut donc ici se demander si la question du délai de la réclamation est une question indissociable de celle de l’admissibilité de la lésion. La lecture de la jurisprudence démontre qu’il y a eu divergence d’opinions à ce sujet. Il semble toutefois qu’il s’est développé au fil des ans une tendance majoritaire voulant que la recevabilité et l’admissibilité d’une réclamation soient des questions indissociables. Le Tribunal adhère au courant majoritaire et conclut que le Tribunal peut en l’instance, se saisir de la question de la recevabilité de la réclamation du travailleur.

 

Dupuis et CUSM — Pavillon Hôpital Royal-Victoria, 2018 QCTAT 4599.

Le Tribunal adhère au courant majoritaire selon lequel il est de mise de se questionner à nouveau sur le délai de la réclamation au moment de rendre une décision finale sur l’admissibilité d’une lésion professionnelle afin de s’assurer du respect de la Loi quant au délai pour produire une réclamation. Le présent dossier est une belle illustration de cette nécessité de vérifier à nouveau le délai de réclamation puisque l’analyse de la Commission en révision a été faite sur la base de la recherche du délai de six mois de la prise de connaissance d’une maladie professionnelle comme la travailleuse le réclamait, alors que cette dernière ne réclame plus pour une maladie professionnelle, mais pour un accident du travail. La décision de la Commission en révision aurait possiblement été bien différente si on lui avait demandé d’analyser la question du délai de réclamation sous l’angle d’un accident du travail plutôt que sous l’angle d’une maladie professionnelle puisque les critères servant à vérifier le respect du délai pour la production d’une réclamation diffèrent selon qu’il s’agisse d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Le Tribunal conclut donc que même en l’absence d’une contestation de l’employeur, il peut se saisir de la question du délai de réclamation de madame Dupuis.

 

Fugère et St-Jérôme Chevrolet Buick GMC inc., 2019 QCTAT 2095.

Après avoir réalisé un examen de la jurisprudence récente en la matière, le Tribunal constate que le courant majoritaire actuel considère que le délai de réclamation est indissociable du fond du litige portant sur l’admissibilité et dès lors qu’il est saisi de cette dernière question, il peut se prononcer sur le délai de réclamation. Le Tribunal adhère entièrement aux enseignements retrouvés dans ces décisions et juge qu’ils doivent trouver application en l’espèce, et ce, d’autant plus que l’article 1 de la LITAT, emploie maintenant les termes « affaires découlant de l’application de l’article 359, 359.1, 450 ou 451 de la Loi » plutôt que les mots « recours formés ». Conséquemment, il y a donc lieu de se pencher sur le délai de réclamation en cause.

 

Selon les tenants du courant minoritaire, l’admissibilité et le délai de réclamation sont deux questions distinctes, qui peuvent être traitées isolément l’une de l’autre.

Ameublements Québéko inc. et Contant, C.L.P. 173817-64-0111, 10 mars 2004, J-F Martel.

L’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle, d’une part, et le défaut d’avoir exercé un recours à l’encontre d’une décision rendue dans le délai prescrit par la loi, d’autre part, sont deux questions que l’on peut considérer isolément l’une de l’autre, c’est-à-dire apprécier, étudier, examiner séparément, distinctement, chacune par et pour soi, indépendamment de l’autre. La CLP se rallie au courant jurisprudentiel statuant que la question du non-respect d’un délai imparti par la loi dans l’exercice d’un recours est dissociable et indépendante de celle traitant de l’existence ou non d’une lésion professionnelle.

 

Barbeau et Inventex Distributions inc., C.L.P. 251880-61-0412, 31 mars 2005, S. Di Pasquale.

Le Tribunal privilégie l'interprétation voulant que le « hors délai » et le « fond » du dossier soient des questions indépendantes et dissociables. Dans ce cas, un recours doit être formé à l'encontre des deux sujets. L'employeur n'a pas contesté la décision concernant le « hors délai » et aucun recours n'a été formé à l'encontre de ce sujet. La CLP ne peut donc pas se prononcer sur le « hors délai ».

 

Suivi : 

Révision rejetée,  6 juillet 2005.

Révision rejetée,  4 octobre 2006.

Voir également : 

Lepage et Aliments Dare ltée St-Lambert Plant, C.L.P.  315417-62-0704, 17 décembre 2008, É. Ouellet.

Suivi :

Révision rejetée, 13 décembre 2010.

Chabot et Giguère Portes & Fenêtres inc., C.L.P. 365390-31-0812, 14 juillet 2009, J-L. Rivard.

Recevabilité de la demande de révision

Pour certains décideurs, la question du délai est une question différente et distincte du fond et il s’agit d’une question dissociable. Ainsi, la partie qui veut invoquer la recevabilité de la demande doit produire une contestation à l’encontre de la décision qui relève la partie de son défaut d’avoir respecté le délai prévu à la Loi.

Barbeau et Inventex Distributions inc., C.L.P. 251880-61-0412, 31 mars 2005, S. Di Pasquale.

L’employeur demande que la question de la recevabilité de la demande de révision soit débattue devant la CLP. La travailleuse soumet qu’elle a été relevée de son défaut et que la décision concernant le « hors délai » n'est pas contestée. Le Tribunal privilégie l'interprétation voulant que le « hors délai » et le « fond » du dossier soient des questions indépendantes et dissociables. Dans ce cas, un recours doit être formé à l'encontre des deux sujets. En l'espèce, l'employeur n'a pas contesté la décision concernant le « hors délai » et aucun recours n'a été formé à l'encontre de ce sujet. La CLP ne peut donc se prononcer sur le « hors délai ».

 

Suivi : 

Révision rejetée,  6 juillet 2005.

Révision rejetée,  4 octobre 2006.

Robert et Prévost Car inc. (Division Novabus), C.L.P. 315371-64-0704, 12 février 2009, J. David.

Il convient de distinguer le délai de réclamation du délai pour demander la révision d’une décision. Le premier vise une question de droit substantif relative à l'exercice d'un droit et constitue une prémisse nécessaire à l'application de la Loi, au même titre que le statut du travailleur. En d’autres termes, il s’agit d’une question admissibilité, une prémisse à l’application de la Loi. Par contre, le délai de demande de révision est relatif à l'exercice d'un recours. Ainsi, il est possible qu’une question relative à ce délai se pose indépendamment du droit substantif lié à l’admissibilité d’une réclamation. Qu’il suffise de dire que, dans le cas du délai de réclamation, il n’est pas requis que la partie qui invoque le délai ait elle-même formé un recours suivant l’article 359 de la Loi. Cette question peut donc être soulevée et tranchée par le tribunal conformément aux pouvoirs que lui confère l’article 377 de la Loi.

 

Larouche et Pieux Géodex inc., 2017 QCTAT 5719.

L’employeur conteste la recevabilité de la demande de révision du travailleur. Il note que la Commission en révision a conclu que la demande avait été produite dans le délai compte tenu des délais postaux qui étaient alors de huit jours. Il soutient qu’il lui est possible de soulever cette question préliminaire même s’il n’a pas contesté la décision de la Commission en révision devant le Tribunal. Bien qu’il a déjà été reconnu que la recevabilité et l’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle sont des questions indissociables, il va autrement de la question de la recevabilité d’un recours à l’encontre d’une décision de la Commission et du bien-fondé de cette décision. Le Tribunal estime qu’un délai prescrit par la Loi pour l’exercice d’un recours est différent de celui prescrit pour produire une réclamation visant la reconnaissance d’une lésion professionnelle. Certes, l’employeur n’a pas intérêt à contester la décision rendue par la Commission en révision puisqu’au fond, celle-ci rejette la demande de révision du travailleur. Toutefois, son intérêt à faire valoir ses moyens de droit est né dès que le travailleur a contesté la décision devant le Tribunal.  Par conséquent, en l'absence d'une « affaire formée » à l'encontre de la décision concernant la recevabilité de la demande de révision du travailleur, le Tribunal estime que cette décision est devenue finale et qu'il n'a pas la compétence pour statuer sur cette question. La question préliminaire soulevée par l’employeur est donc rejetée.

 

Pour la plupart des décideurs, le respect du délai pour déposer une demande de révision administrative et le fond du dossier constituent des questions indissociables dont le Tribunal peut se saisir.

Riopel et 30879449 Québec inc., 2011 QCCLP 1436.

Par cette décision, la CSST détermine que la travailleuse a déposé sa demande de révision en dehors du délai et déclare qu’elle a soumis un motif raisonnable lui permettant d’être relevé de son défaut. Sur le fond, la CSST déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle. L’employeur, qui n’a pas contesté cette décision, soulève un moyen préalable quant à la recevabilité de la demande de révision. Le Tribunal considère que cette question du délai de la demande de révision est une question indissociable du fond du litige, soit l’admissibilité de la lésion professionnelle. Certes, il existe deux courants de jurisprudence à la CLP quant à savoir si une question de délai constitue une question indissociable ou non de l’admissibilité d’une lésion professionnelle. Au cours des dernières années, il s’est développé un courant de jurisprudence voulant que cette question de délai, tant celle qui concerne une demande de révision que celle concernant le délai de réclamation, soit indissociable du fond du litige. Le soussigné souscrit à ce courant de jurisprudence et conclut que cette interprétation est conforme aux dispositions de la loi et aux principes de droit administratif.

 

J.D. et Compagnie A, 2014 QCCLP 2655.

Subsidiairement, le Tribunal croit que la demande de révision de la travailleuse est tout aussi irrecevable. Même si elle a été relevée de son défaut par la réviseure de la CSST, cette question demeure devant le présent Tribunal, puisqu’elle est indissociable du fond du dossier, à savoir l’admissibilité de la réclamation de la travailleuse.

 

Suivi :

Révision demandée.

Les questions médicales 

Mercille et Hewitt Équipement ltée, [2004] C.L.P. 1311.

Le tribunal se doit d’écarter l’argument de l’employeur concernant « l’indissociabilité » des aspects médicaux d’une lésion professionnelle. Si cet argument est valable dans le cas où le diagnostic fait partie de la contestation, il ne l’est pas dans le cas inverse. En effet, si le diagnostic est contesté, la détermination de celui-ci aura inévitablement un impact sur les autres aspects médicaux, soit la consolidation, les traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Par contre, si le diagnostic n’est pas contesté, les autres aspects médicaux seront déterminés en fonction de ce diagnostic et n’auront donc aucun impact sur celui-ci.

 

Leblanc et Soins Infirmiers plus, 2012 QCCLP 6631.

Le Tribunal croit que la date de consolidation, la nécessité des soins et traitements ainsi que les séquelles éventuelles sont des questions indissociables du diagnostic de la lésion professionnelle qui demeure encore litigieux. Le tout devra être examiné lorsque cette question sera résolue. Sans présumer du diagnostic final qui sera retenu, il apparait plus respectueux des droits de la travailleuse d’annuler l’avis rendu par le membre du BEM, de rétablir son droit à l’IRR et de retourner le dossier à la CSST pour qu’elle initie une nouvelle procédure d’évaluation médicale, en incluant la question du nouveau diagnostic de lombalgie et sciatalgie gauche avec bombement discal L4-L5 et L5-S1.

 

Transport Logi-Pro inc. et Émond, 2019 QCTAT 4014.

Le Tribunal est saisi d’une contestation déposée par l’employeur à l’encontre d’une décision qui donne suite à l’avis du BEM quant au diagnostic, la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle, les soins et les traitements, l’existence ou l’évaluation d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles. Il précise qu’il ne remet pas en cause la partie de la décision qui traite du diagnostic. La question du diagnostic ne fait donc pas partie des contestations de l’employeur et le travailleur n’a pas contesté la décision dont il est question. Or, de manière générale, la jurisprudence a établi qu’une partie qui n’a pas contesté une décision ne peut se servir de la contestation de l’autre partie pour remettre en question un autre sujet que celui qui fait l’objet de la contestation. Il peut seulement faire valoir son point de vue et ses arguments sur un sujet qui est valablement contesté par l’autre partie et demander au Tribunal de modifier à son avantage cet aspect de la décision. Il est vrai que ce principe connaît une exception. Le Tribunal peut se saisir d’une question lorsque celle-ci est indissociable de celle qui fait l’objet de la contestation. En ce qui concerne la question du diagnostic, s’il n’est pas contesté, il est distinct des autres sujets de nature médicale. Le Tribunal conclut qu’il ne peut se saisir de la question du diagnostic et qu’il est lié par celui retenu par le membre du BEM. Si le travailleur n’était pas d’accord avec ce diagnostic, il devait l’exprimer par la voie d’une contestation, ce qu’il n’a pas fait.

 

Voir également :

Administration Larouche et Le inc. et Skafar, 2020 QCTAT 1476.

 

Statut de travailleur 

Beaudet et EDM Laser, C.L.P. 192373-31-0210, 26 juillet 2004, P. Simard.

Lorsque l’on parle de l’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle, certains sujets particuliers sont indissociables tels que les notions de travailleur et d’employeur, les notions de délai d’introduction ainsi que les notions d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Dès lors, une contestation sur l’admissibilité d’une réclamation entraîne, par le fait, la possibilité pour le tribunal de réétudier tous et chacun des éléments moindres et inclus à la notion d’admissibilité.

 

Powley et Commission scolaire New Frontiers, C.L.P. 338549-62C-0801, 30 octobre 2008, C. Burdett.

Lorsque la CSST ou la CLP doit traiter de l’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle, certaines conditions préalables sont essentielles à l’application de la Loi. Par exemple, une personne physique qui ne correspondrait pas à la notion de travailleur prévue à la Loi, ne saurait être en droit de déposer une réclamation à la CSST et revendiquer le droit à la réparation des conséquences résultant d’une lésion professionnelle. Il en va de même si l’employeur n’a pas d’établissement au sens de la Loi. Au même titre, le délai d’introduction de la réclamation constitue une condition essentielle sous-jacente à l’ouverture du droit à la réparation prévu à la Loi. Ainsi, le Tribunal est d’avis qu’une contestation sur l’admissibilité d’une réclamation entraîne la possibilité d’étudier à nouveau chacune des conditions essentielles. Toutes ces questions sont indissociables de la recevabilité de la réclamation.

 

Association de soccer de NDG et Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2016 QCTAT 4404.

Le Tribunal doit déterminer si les arbitres assignés par l’Association pour arbitrer les parties de soccer de sa ligue récréative sont des travailleurs au sens de la Loi et, le cas échéant, si la rémunération qui leur est versée doit être incluse dans sa masse salariale assurable à titre d’employeur. En l’instance, le Tribunal conclut qu’il y a davantage d’éléments qui militent en faveur de l’existence d’un contrat de service entre les arbitres et l’Association que d’un contrat de travail. Toutefois, même en présence d’un contrat de service, un travailleur autonome peut être reconnu comme un travailleur à l’emploi d’un employeur en vertu de l’article 9 de la Loi. Bien que la décision qui fait l’objet du présent litige ne décide pas précisément de cette question, le Tribunal peut s’en saisir. En effet, le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence et il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contestés et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu. Or, la question du statut d’un travailleur au sens de la Loi est indissociable de la notion de travailleur autonome. Si la CSST avait décidé, après analyse, que les arbitres n’étaient pas des travailleurs selon la définition prévue à l’article 2 de la loi, elle aurait analysé l’application de l’article 9 de la Loi.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2017 QCTAT 4510.

Moyen d’irrecevabilité fondé sur l’existence d’une transaction ou d’un accord, ou la validité d’un désistement

Vice de consentement

L’absence de mandat
Thiboutot et Communauté Agape de Québec, 2011 QCCLP 3722.

Le travailleur n’a jamais eu l’intention de donner un mandat à son procureur de produire un désistement au sens où son dossier serait fermé. Pour celui-ci, c’est le procureur qui se retirait ou qui se désistait du dossier puisque son intention était de poursuivre lui-même ses représentations devant le Tribunal. Le travailleur ignorait le véritable sens du mot « désistement » et il y a manifestement eu une incompréhension entre son procureur et lui visant la production d’un tel désistement au tribunal. Le Tribunal conclut que le travailleur n’a pas donné un consentement éclairé au désistement.

 

Fortress Cellulose spécialisée inc. et Lafleur, 2012 QCCLP 2254.

Fortress allègue que maître Rousse n’est pas son mandataire et que les désistements qu’il a fait parvenir à la CLP ne peuvent lui être opposables. Fortress n’a cependant pas réagi en temps utile et, par son inaction, il a, en quelque sorte, confirmé le mandat de représentation. Le Tribunal estime que Fortress ne peut se cacher derrière un détail de forme afin de ne pas respecter les désistements auxquels il a librement consenti et prétendre qu’il ne pouvait, à cette époque, connaître l’implication de ces désistements et conclut, qu’à toutes fins utiles, Fortress a confirmé le mandat de représentation de maître Rousse et les désistements qu’il a déposés.

 

Labissière et Canlyte inc.2014 QCCLP 97.

Le travailleur allègue que monsieur Carrière n’avait pas le mandat de le représenter et de négocier avec l’employeur un règlement qui concernait ses griefs. Il admet par ailleurs que monsieur Salam détenait un mandat valide de le représenter.  Or, lorsque l’entente globale lui a été présentée au restaurant, le travailleur n’a jamais exprimé de réticences à ce que son dossier de grief soit réglé en même temps que celui de la CSST. La preuve démontre que monsieur Salam a agi selon les volontés clairement exprimées de son client.

 

Sylvestre et Olymel Saint-Henri (Salaisons Brochu), 2019 QCTAT 2653.

Le travailleur prétend ne jamais avoir donné le mandat à son ancien procureur de négocier une fin d’emploi. Il admet s’être questionné sur le montant d’argent que représente une fin d’emploi et un désistement dans les circonstances, sans toutefois avoir demandé de faire des démarches en ce sens auprès de l’employeur. Il ajoute qu’au moment de la signature, il était fatigué, vivait du stress, et avait très hâte que tout se règle. Le Tribunal accorde force probante au témoignage de l’ancien procureur du travailleur, qui est corroboré par celui du conseiller syndical. Ainsi, le Tribunal retient que c’est à l’initiative et à la demande du travailleur que sont négociés une fin d’emploi et un désistement de son recours devant le Tribunal contre le versement d’une somme d’argent par l’employeur. Le Tribunal estime qu’il y a eu échange de consentement.

 

Dupuis et Construction Guy Fagnant inc., 2020 QCTAT 4517.

Le Tribunal considère que le travailleur n’a pas consenti au désistement enregistré par le Tribunal. En effet, ce désistement a été formulé, au terme d’un imbroglio de télécopies et de courriels, par monsieur Brassard alors qu’il ne représentait plus le travailleur. La preuve démontre que monsieur Brassard n’avait pas le mandat du travailleur de se désister et que ce dernier ignorait, jusqu’à ce qu’il reçoive l’accusé de réception du Tribunal, qu’un tel désistement avait été produit. Manifestement, on ne peut conclure que le travailleur a donné un consentement libre, éclairé et volontaire.

 

L’erreur 
CSSS Québec-Nord et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2012 QCCLP 3525.

L’employeur affirme qu’il croyait de désister de sa contestation en lien avec l’atteinte permanente et non celle visant l’imputation des coûts. La preuve démontre qu’il a produit ce désistement par erreur et qu’il ne s’agit pas d’une action traduisant sa négligence. Au contraire, les multiples étapes qu’il devait suivre dans ce dossier au rythme des nombreuses décisions qui ont été rendues le rendaient susceptible de commettre une telle erreur, considérant qu’il s’agit d’un dossier qui s’avère complexe, en définitive. Même si c’est à son libre choix que l’employeur a produit le désistement, il n’en demeure pas moins qu’il l’a produit par erreur. Le Tribunal considère que perpétuer l’effet de l’erreur commise serait susceptible d’avoir un effet irrémédiable sur l’issue de la contestation de l’employeur. Les circonstances exceptionnelles de ce dossier justifient donc l’annulation du désistement.

 

Romero et Citoxlab Amérique du Nord inc., 2017 QCTAT 1644.

La travailleuse n’a présenté aucune preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle elle a été obligée de signer. Il n’y a aucune preuve de quelque contrainte. Au contraire, la preuve prépondérante démontre que la signature a été faite librement, sans contrainte ni lésion. En l’espèce, la travailleuse, bien qu’elle en ait eu l’opportunité, n’a posé aucune question le 8 août 2016 ou dans les jours qui ont suivi. Elle n’a pas demandé un délai avant la signature du document et a choisi de ne pas consulter de professionnels. Pour le Tribunal, l’erreur est, en l’espèce, inexcusable et ne constitue pas un vice de consentement.

 

Lauzon et IAMGOLD-Mine Westwood, 2019 QCTAT 2211.

Le travailleur croyait que le pont n’était pas visé dans les traitements prévus au plan dentaire. C’est donc quant au contenu même du plan dentaire qu’il se méprend et non pas quant aux effets juridiques de son désistement ou de la transaction. Cette erreur n’en est pas une de droit mais de fait. Le consentement du travailleur a donc été vicié par cette erreur sauf si celle-ci est inexcusable. La notion d’erreur inexcusable équivaut à la faute lourde et doit s’interpréter restrictivement afin d’assurer une protection adéquate du consentement puisqu’il s’agit d’une exception à la nullité pour erreur. Le caractère grossier ou inexcusable d’une erreur doit être évalué en fonction des circonstances particulières de chaque dossier. En l’espèce, le travailleur a demandé l’assistance d’un conciliateur, il a lu la transaction et aucune indication ne lui permettait de comprendre que le pont qu’il réclame à la Commission était visé par celle-ci. L’erreur en cause n’est pas inexcusable dans les circonstances. Le Tribunal conclut que le consentement du travailleur quant à son désistement a été vicié par son erreur quant à l’objet même du litige couvert par sa contestation. 

 

Errajraji et SNC-Lavalin inc., 2020 QCTAT 4273.

Un consentement n’est pas éclairé lorsqu’il est donné par une partie à la suite de son erreur, aussi appelée d’erreur subjective, ou d’une erreur provoquée par le dol de l’autre partie contractante. En cette matière, le législateur prévoit des paramètres précis. L’erreur subjective d'une partie vicie son consentement lorsqu’elle porte notamment sur un « élément essentiel qui a déterminé le consentement ».  Pour être admise comme vice de consentement, non seulement l’erreur doit figurer parmi les formes d’erreurs admises, « mais elle doit aussi avoir joué un rôle primordial sur la volonté » de consentir. En somme, la partie qui invoque l’erreur doit démontrer par une preuve prépondérante qu’elle n’aurait pas contracté ou qu’elle n’aurait pas consenti à l’accord n’eût été cette erreur. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l’article 1400 du CCQ précise que l’erreur « inexcusable » ne constitue pas un vice de consentement. Cependant, l’erreur considérée comme inexcusable perd ce caractère lorsqu’elle découle du comportement dolosif de l’autre partie contractante. Il importe donc de différencier l’erreur excusable de l’erreur inexcusable. 

 

Marc Villeneuve inc. et Lecompte, 2020 QCTAT 4524.

La travailleuse soulève un vice de consentement sur un élément essentiel de l’entente. Il ne devait y avoir aucune conséquence financière pour elle à conclure l’accord avec l’employeur. Or, son comptable l'a informée que dans l’éventualité où l’employeur devait rembourser en son nom des sommes à la Commission, elle devrait assumer un fardeau fiscal plus important. Le fait de conclure un accord pourrait donc lui entraîner des coûts, contrairement à ce qu’elle avait compris lors de son consentement. Il ne s’agit pas d’une erreur inexcusable. Puisqu’il y a vice de consentement, l’accord n’est pas valide et le Tribunal ne saurait l’entériner.

 

Les pressions, menaces ou contraintes
Jolifils et Réseau de transport Métropolitain, 2019 QCTAT 5482.

Le travailleur prétend que la transaction doit être annulée, parce qu’il a subi des pressions pour donner son consentement, tant de la part de la conciliatrice que de l’employeur. Le Tribunal constate qu’il a eu plusieurs occasions pour manifester son désaccord quant à la transaction, ce qu’il n’a pas fait. Il n’y a pas de preuve qu’il ait subi quelque pression que ce soit pour qu’il donne son assentiment à la transaction et qu’il signe le document confirmant le règlement entre les parties. Le jeu de la négociation se termine souvent par une offre finale, laquelle a été acceptée sans contrainte par le travailleur.

 

Suivi :

Désistement de la requête en révision.

Riopel et Caisse Desjardins de Saint-Martin de Laval, 2021 QCTAT 1844.

La travailleuse plaide que la conciliatrice aurait exercé de la pression indue sur elle pour qu'un règlement de l'affaire soit signé rapidement. Or, ressentir de la pression est une chose, faire la preuve réelle de son existence est autre chose. La preuve offerte ne permet pas d’accréditer l’allégation de la travailleuse. En effet, entre les 8 et 17 décembre 2020, il n’y a aucune communication écrite ou verbale par la conciliatrice à l’attention de la travailleuse. C’est plutôt celle-ci qui contacte un membre du personnel du Tribunal pour savoir ce qui se passe, car elle aimerait bien régler son dossier. Comment, dans un tel contexte factuel, peut-on prétendre que la conciliatrice ait exercé de la pression?

 

L'incapacité
Romero et Citoxlab Amérique du Nord inc., 2017 QCTAT 1644.

La travailleuse invoque qu’elle n’avait pas la capacité psychologique pour signer les documents, mais n’a offert aucune preuve à cet effet. Sa simple déclaration n’est pas suffisante. Elle a le fardeau de démontrer son inaptitude par une preuve médicale. Cette opinion médicale doit être probante sur sa capacité de comprendre les conséquences de la signature de documents qu’elle a lus. En l’absence d’une telle preuve, cet argument ne peut être retenu.

 

Les regrets ou le changement d’idée
Hervieux et CSSS de Laval, 2012 QCCLP 6085.

De ces agissements, le Tribunal déduit que la travailleuse a changé d’idée et qu’elle regrettait son consentement. Cependant, le fait de changer d’idée ne peut remettre en question le consentement libre et éclairé que la travailleuse a donné. De plus, le fait de regretter par la suite ne fait pas en sorte que le consentement initialement donné a été vicié.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 4329.

Révision rejetée, 2015 QCCLP 1203.

Martins et Boisé Ste-Thérèse inc.2013 QCCLP 4560.

Que le travailleur ait changé d’idée par la suite, ne change rien au fait qu’il avait bel et bien consenti au règlement qui a été signé par son procureur de l’époque. Un changement d’avis subséquent ne fait nullement échec à la validité dudit règlement.

 

Vidakovic et Pavillon Argyll, 2014 QCCLP 866.

La déception de la travailleuse lorsqu’elle a découvert qu’elle n’aurait pas droit à une rente de la Régie des rentes du Québec ne permet pas de conclure à un consentement non éclairé de sa part, car la transaction ne concernait pas ce sujet mais portait plutôt sur le règlement de ses litiges à la CSST et de ses griefs. De plus, la conciliatrice a mentionné qu’elle n’inclurait aucune clause dans la transaction concernant la Régie des rentes du Québec, puisque cela ne relevait pas de sa compétence. Il importe de rappeler qu’un « changement d’idée » ou un « regret ultérieur » ne peut être assimilable à la notion d’un consentement vicié ou synonyme d’un consentement non éclairé.

 

Suivi : 

Révision rejetée, 2014 QCCLP 4285.

Révision judiciaire rejetée, 2015 QCCS 227.

Manirakiza et Olymel Vallée-Jonction, 2021 QCTAT 1858.

Le Tribunal estime que l'ancien représentant du travailleur peut témoigner et que les échanges de correspondance sont admissibles en preuve. En effet, qu'il s'agisse du respect du secret professionnel ou encore du privilège relatif au litige, les informations révélées par le témoignage du représentant et les correspondances échangées entre les parties sont admissibles puisque le travailleur y a renoncé implicitement. Quant au fond, la preuve prépondérante démontre l'existence d'une entente intervenue entre les parties mettant fin aux litiges. La seule raison invoquée par le travailleur pour refuser de signer le désistement et la transaction est qu'il a changé d'idée après avoir décidé "d'écouter sa conscience et sa raison".

 

Changement de stratégie
Salih et Avicomax inc., 2018 QCTAT 2934.

L’erreur relative aux conséquences réelles d’un désistement ne permet pas l’annulation de celui-ci. En l’espèce, le Tribunal se retrouve face à une situation où il y a vraisemblablement eu un changement de stratégie de la part de la procureure du travailleur. Permettre qu’une partie puisse, sur cette seule base, obtenir l’annulation d’un désistement constituerait, de l’avis du Tribunal, un sérieux accroc au principe de la stabilité des décisions.

 

 

Interprétation des Chartes

Disposition contraire à la Charte

Houle et Fibre de verre moderne (Div. Maax), C.L.P. 235243-03B-0405, 10 juin 2005, G. Tardif.

Le droit à l’intégrité étant protégé aussi bien par la Charte que par la LATMP, le premier commissaire devait évaluer la question de l’existence des limitations fonctionnelles sans opérer de distinction en raison d’un motif prohibé par la Charte, ce qui inclut l’âge du travailleur.

 

Poissant et CH Le Gardeur, [2008] C.L.P. 815.

La CLP déclare que l'article 42.1 LSST ne contrevient pas à l'article 15 (1) de la CCDL ou aux articles 10, 16, et 46 de la Charte. Les travailleuses ont droit au versement de l'IRR jusqu'à la quatrième semaine précédant celle de la date prévue pour l'accouchement. Notamment, elles n'ont pas prouvé qu'une différence de traitement leur est imposée en raison d'une caractéristique personnelle ou en raison d'un motif énuméré à l'article 15 (1) de la CCDL ou analogue à ceux retrouvés à cette disposition législative.

 

 

 

Accommodement raisonnable

Capacité à exercer son emploi

Scalzo et Pavages Chenail inc., 2016 QCTAT 2121.

Le retrait de la tâche de pelletage et la diminution du temps d’assignation proposé à la conduite d’un rouleau compresseur dont le siège est pivotant font en sorte que les limitations fonctionnelles du travailleur sont respectées. Quant aux tâches connexes qu’il sera appelé à faire, le Tribunal comprend qu’il s’agit de tâches normalement déjà exécutées par l’opérateur de rouleau qui respectent aussi les limitations fonctionnelles. La seule différence est que le travailleur va maintenant les exécuter plus souvent. Le travail n’est donc aucunement dénaturé et, dans son essence, reste le même que celui que le travailleur exerçait avant sa lésion professionnelle. Le devoir d’accommodement est en quelque sorte une norme prééminente qui transcende la Loi, le contrat de travail et même la convention collective. L’obligation d’accommodement incombe au premier chef à l’employeur qui doit prendre l’initiative de la recherche d’une solution acceptable pour tous. Étant à la recherche d’un compromis, cette obligation doit aussi être partagée par le syndicat et par les employés qui doivent également rechercher la meilleure solution permettant au travailleur handicapé d’obtenir un emploi adapté à ses limitations, en deçà de la limite de ce qui est convenu d’appeler la contrainte excessive. Cette obligation découle de la Charte et s’ajoute à la Loi, car le législateur n’a pas prévu qu’il en soit autrement. En l’espèce, le Tribunal décide que l’accommodement proposé par l’employeur respecte alors en tous points l’arrêt Caron. L’employeur a aménagé les tâches du travailleur, sans contrainte excessive, pour lui permettre de fournir sa prestation de travail. Il n’a pas modifié de façon fondamentale les conditions de travail du travailleur.

 

Richard et Les Constructions LAD Lessard inc., 2018 QCTAT 1413.

Il s’agit là des caractéristiques de l’emploi occupé par le travailleur au moment de sa lésion professionnelle et auxquelles est lié le Tribunal aux fins de statuer sur la capacité de travail. En regard de la brève durée des travaux d’arrachage, il apparait tout à fait réaliste et vraisemblable que l’employeur délègue du personnel pour effectuer cette corvée. Le Tribunal en est d’autant plus convaincu que l’employeur veut garder le travailleur à son service. Pour cela, il doit alléger ses tâches de travail. Par le passé, l’employeur a toujours accommodé le travailleur en réduisant ses heures de travail à sa demande et en l’assignant sur des chantiers situés à proximité et ne comportant pas de travaux majeurs. De plus, le fils de l’employeur est maintenant disponible en tout temps puisqu’il a terminé ses études. C’est lui qui faisait équipe avec le travailleur jusqu’au moment de l’accident. Sans présumer des intentions du travailleur, il ressort cependant qu’il avait informé l’employeur de son intention de prendre sa retraite à brève échéance. Or, en préservant son lien d’emploi par des mesures d’accommodement, l’employeur réduit les charges à son dossier financier tout en conservant l’expertise du travailleur jusqu’à sa retraite. Cet incitatif d’ordre économique favorable à l’employeur convainc le Tribunal que la solution adoptée par la Commission peut s’appliquer d’ici à ce que le travailleur se retire pour la retraite.

 

Skwarka et Després Laporte inc., 2018 QCTAT 1517.

L’employeur n’a pas démontré qu’il est raisonnablement en position d’adopter les mesures qu’il a proposées à la Commission. À l’audience, il n’a fait entendre personne alors que la travailleuse soutient depuis longtemps qu’elle était régulièrement laissée à elle-même au travail. Étant donné l’impact de la décision pour la travailleuse, le Tribunal ne peut se satisfaire de simples allégations pour convenir que la modification soumise à la Commission est réaliste. En outre, le Tribunal conçoit mal comment le fait de « limiter le nombre de palettes quotidiennes à 8 » peut éviter d’effectuer de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de travailler en position accroupie. À l’inverse d’une palette chargée de gros items, celle comptant de petits objets va nécessairement requérir de s’accroupir beaucoup plus souvent. Or, dans le cadre du travail et des contraintes qu’il comporte, qui va décider que la situation justifie d’« offrir de l’aide à Mme » alors que la plus grande partie de la tâche consiste justement à manutentionner de la marchandise? La proposition retenue par la Commission semble inapplicable par opposition à la solution qui consiste à « fournir à la travailleuse un équipement qui permet de surélever la palette ». À cela s’ajoute le risque réel de récidive et de rechute dans la poursuite du travail de commis à la réception en l’absence de mesures préventives adéquates. Étant incapable de retourner au travail le 2 décembre 2016, il s’ensuit que la travailleuse a conservé le droit à l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 47 de la Loi. 

 

Capacité à exercer un emploi convenable chez l’employeur 

Cheng et Aliments McCain (division Wong Wing), 2015 QCCLP 4823.

La travailleuse invoque de la jurisprudence dans laquelle la CLP a décidé qu’un emploi adapté ou taillé sur mesure ne constitue un emploi convenable tel que défini à l’article 2 de la Loi, car un tel emploi convenable doit exister sur le marché du travail. Le Tribunal retient qu’il s’agit de cas d’espèce dont les faits se distinguent de la présente affaire. Citant l’affaire Caron, le Tribunal retient que la Cour d’appel renverse la jurisprudence constante de la CLP à l’effet que ni elle ni la CSST n’ont le pouvoir d’obliger un employeur à modifier un emploi ou à l’adapter en vertu d’une quelconque obligation d’accommodement. La CSST et la CLP doivent procéder à un examen individualisé de la situation d’un travailleur qui conserve des limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle en tenant compte de l’application de la Charte. Celle-ci étant d’ordre public, l’obligation d’accommodement raisonnable n’est pas assujettie à une demande expresse du travailleur. L’employeur, ainsi que le Tribunal, doivent s’assurer que l’obligation d’accommodement raisonnable est respectée. Le Tribunal conclut que le retrait de la tâche de la vidange des déchets ne constitue pas un emploi adapté ni taillé sur mesure. Le retranchement de cette tâche constitue un accommodement raisonnable de l’emploi de journalière à la fabrication des mini spring rolls afin qu’il respecte les limitations fonctionnelles de la travailleuse.

 

Cyr et Givesco inc., 2016 QCTAT 4622.

Même si le délai prévu pour exercer le droit de retour au travail est expiré, rien n’empêche un employeur d’offrir un emploi convenable à un travailleur. Ceci est d’autant plus vrai depuis le jugement de la Cour d’appel dans l’affaire Caron, alors que les analyses à faire lors de la détermination d’un emploi convenable peuvent maintenant inclure les notions d’accommodement raisonnable. Par contre, ces notions d’accommodement raisonnable visent avant tout, comme objectif ultime, à réintégrer un travailleur dans son milieu de travail antérieur afin qu’il préserve les avantages liés à son emploi par l’élimination de toute possibilité de discrimination fondée sur le handicap associé à une lésion professionnelle. Il est reconnu que la discrimination constitue une distinction intentionnelle ou non qui produit un effet préjudiciable sur un individu ou un groupe d’individus en raison des caractéristiques personnelles. Avec respect pour opinion contraire, l’analyse d’une demande d’accommodement raisonnable doit donc résulter, avant tout, d’une demande de la principale personne concernée par cette discrimination, à savoir le travailleur, lequel peut renoncer à retourner chez son employeur antérieur pour différents motifs. À partir du moment où le droit de retour au travail est expiré et qu’il n’y a aucune disposition d’ordre contractuel qui lie le travailleur à un employeur, le Tribunal ne peut concevoir qu’une telle mesure puisse être imposée au travailleur. Dans l’affaire qui nous intéresse, c’est l’employeur qui a manifesté son intérêt à offrir un emploi convenable à la suite de l’intervention de la CSST. Cependant, le travailleur a renoncé à se prévaloir d’une telle possibilité, puisqu’il voulait prendre sa retraite. Il résulte que dans une telle situation, alors que le travailleur manifeste clairement ne plus vouloir travailler pour l’employeur et vouloir aussi prendre sa retraite, les mesures qui doivent alors être prises sont celles qui visent à établir un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

 

Frenette et Chantier Davie Canada inc., 2017 QCTAT 3775.

Le travailleur fait valoir qu’un emploi adapté ou « taillé sur mesure » ne constitue un emploi convenable puisqu’un tel emploi n’existe pas sur le marché du travail. Or, la Cour d’appel, dans l’affaire Caron, a considérablement modifié la façon dont les intervenants abordent le processus de détermination d’un emploi convenable en introduisant la notion d’« accommodement raisonnable » dans le processus de réadaptation professionnelle. Dorénavant, l’employeur doit tenter de trouver une solution d’accommodement pour le travailleur qui demeure avec des limitations fonctionnelles, en raison d’une lésion professionnelle. Il ne peut plus se limiter à dire qu’il ne possède pas d’emploi convenable dans son entreprise. Selon ce jugement, l’obligation d’accommodement raisonnable signifie, entre autres, l’aménagement des tâches d’un travailleur afin de lui permettre de fournir sa prestation de travail, sous réserve d’une contrainte excessive.  Il est évident que rien n’interdit à un employeur de s’entendre avec un travailleur pour modifier certaines de ses tâches dans le but de respecter ses limitations fonctionnelles. C’est justement ce qui a été fait dans le présent cas, même si personne n’a employé les termes « accommodement raisonnable » durant le processus de réadaptation. Le travailleur a accepté l’offre faite par l’employeur après avoir bénéficié de l’assistance de son syndicat. La Commission était donc justifiée de retenir l’emploi d’ouvrier de production adapté, puisqu’il s’agissait d’une mesure d’accommodement raisonnable et du reflet d’un accord consenti par les parties.

 

Sénécal et 2955-3542 Québec inc., 2017 QCTAT 5414.

Le Tribunal conclut que l’employeur a fait ce qu’il pouvait pour permettre au travailleur d’exercer l’emploi de « nettoyeur de camions ». D’ailleurs, même les conditions d’exercice permises, dont l’horaire débutant à 7 h, constituait déjà un compromis qui pouvait mettre en péril l’atteinte des objectifs poursuivis en créant cet emploi. Demander à l’employeur d’en faire davantage n’est pas ici envisageable sans compromettre les objectifs de l’emploi. La preuve démontre que l’employeur a satisfait à son obligation d’accommodement en mettant tout en œuvre pour favoriser le retour au travail du travailleur, mais sans lui imposer une contrainte excessive. Toutes les possibilités ont été explorées. Malgré tout, l’emploi n’était pas approprié. D’abord, il n’était pas approprié de déterminer pour le travailleur, qui ne détient pas de permis de conduire un emploi qui requiert, même dans un stationnement, d’en être détenteur. De plus, les conditions d’exercice de l’emploi, dont le respect absolu de l’horaire, n’étaient pas appropriées pour le travailleur qui était confronté à des conditions difficiles pour le respecter. Les trajets possibles en transport en commun pour se rendre au lieu de travail faisaient en sorte que des retards fréquents étaient probables même en prenant le transport à l’heure prévue ce qui plaçait le travailleur et l’employeur dans une situation impossible. S’il est souhaitable de tout mettre en œuvre pour déterminer un retour au travail chez l’employeur, lorsque cet objectif n’est pas réalisable, la Commission doit alors déterminer un emploi ailleurs sur le marché du travail, tel que le prévoit l’article 171 de la Loi. 

 

Respect de l’obligation d’accommodement par l’employeur 

Labrecque et Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, 2017 QCTAT 3087.

Le travailleur prétend que l’employeur n’a pas fait l’exercice de tenter de l’accommoder. Or, il ressort de la preuve qu’un exercice a été fait par l’employeur pour vérifier si un emploi convenable était disponible, ce qui n’était pas le cas. De plus, l’employeur maintiendra le lien d’emploi au-delà de la période de deux ans prévue à la Loi et transmettra des offres d’emploi au travailleur dans le but de lui permettre de trouver une nouvelle affectation chez l’employeur ou ailleurs dans la fonction publique. La création d’un poste comportant les tâches effectuées par le travailleur durant l’assignation temporaire a été exclue. De toute façon, la jurisprudence est claire sur le principe que l’obligation d’accommodement n’inclut pas celle de créer un poste sur mesure, ce qui constituerait une contrainte excessive. Bien qu’il n’y ait pas eu de rencontre à laquelle le travailleur a participé avec l’employeur et le syndicat ni de contact direct, le syndicat a été informé de toutes les démarches. De plus, les échanges ont eu lieu par le biais du conseiller en réadaptation. Le Tribunal considère que l’employeur a participé à l’effort de réintégration du travailleur par la recherche d’un accommodement raisonnable. Le Tribunal ne peut considérer qu’aucun exercice de mise en œuvre du droit à l’égalité prévu à la Charte n’a été fait par l’employeur. Suivant l’appréciation globale de la situation du travailleur, le Tribunal conclut que le comportement de l’employeur ne résulte pas d’une atteinte illicite à un droit protégé par la Charte et qu’il a respecté son obligation d’accommodement.

 

Non-respect de l’obligation d’accommodement par l’employeur 

Tremblay et Bell Solutions techniques inc., 2016 QCTAT 1614.

Tout au long de la période d’assignation, l’employeur laisse entendre qu’il a de l’ouverture à offrir cet emploi au travailleur. Lorsque les limitations fonctionnelles sont connues, un rendez-vous est même prévu pour une analyse de poste. Contre toute attente, l’employeur annule cette visite et informe la CSST qu’il n’a plus d’ouverture à créer un poste de magasinier. La seule explication pour expliquer ce revirement de position réside dans la décision de la CSST où elle accepte le partage d’imputation en raison d’un handicap préexistant et détermine que l’employeur ne doit assumer que 10 % du coût des prestations. À partir de ce moment, il y a une nette fracture dans l’attitude de l’employeur en vue d’un retour au travail de son employé. Il se décharge de ses responsabilités et retourne le dossier du travailleur à la CSST. La preuve ne révèle aucunement quels sont les efforts consentis par l’employeur pour accommoder le travailleur en tenant compte de son handicap. Le Tribunal considère qu’il n’y a pas eu d’évaluation par l’employeur en collaboration avec le travailleur et son syndicat concernant l’obligation d’accommodement imposée à l’employeur. C’est pourquoi, le Tribunal juge qu’il y a lieu de retourner le dossier à la Commission afin que cette démarche soit initiée et effectuée. Le Tribunal ne peut disposer de lui-même de cette question puisque la preuve n’est pas complète sur ce sujet. Ainsi, la détermination de l’emploi convenable est prématurée et le travailleur a droit à la reprise du versement de ses prestations jusqu’à ce qu’une nouvelle décision de capacité soit rendue.

 

Suivi :

Pourvoi en contrôle judiciaire demandé, requête pour suspendre l’exécution accueillie, 2016 QCCS 2211. Avis de règlement.

Hôpital général du Lakeshore, 2017 QCTAT 4370.

L’employeur se dit surpris que la Commission procède à une démarche d’exploration professionnelle. Il a demandé une évaluation médicale de la travailleuse au terme de laquelle l’expert a conclu qu’elle n’était pas apte au travail en raison d’un diagnostic de nature personnelle. Ainsi, parce que l’état de santé de la travailleuse l’empêche de participer à la démarche auprès de son employeur au moment où elle le demande, la Commission en conclut que ce dernier n’a rien à offrir, et ce, après seulement deux échanges téléphoniques à ce sujet. Elle ne pose pas plus de questions et ne fait pas davantage de démarches. Elle réoriente plutôt le dossier afin de trouver un emploi ailleurs sur le marché du travail pour la travailleuse. Contrairement à ce que la loi prévoit, la Commission n’a donc pas réellement vérifié auprès de l’employeur s’il avait un emploi équivalent ou un emploi convenable disponible. Une telle démarche doit être effectuée de manière concrète et globale, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut qu’il était prématuré de procéder à la détermination d’un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

 

Retour au travail progressif 

St-Pierre et Fortress Specialty Cellulose inc., 2015 QCCLP 4954.

Le Tribunal estime que l’employeur ne peut s’abriter derrière son pouvoir discrétionnaire d’assigner temporairement un travailleur pour se soustraire aux obligations qui lui incombent en vertu de la Charte. Comme le mentionne la Cour d’appel dans l’affaire Caron, « rien n’empêche que l’employeur puisse être contraint de tenter de trouver une mesure d’accommodement » et « le caractère supralégislatif de la Charte commande que l’employeur soit soumis à cette obligation et que la CSST puisse vérifier si cet exercice a été réalisé ». L’obligation d’accommodement doit être analysée lorsqu’un travailleur est victime de discrimination sur un des motifs protégés par la Charte. Donc, la CLP concluant que le refus par l’employeur de réintégrer progressivement un travailleur peut faire l’objet d’une plainte selon l’article 32 de la Loi, il y a lieu de convoquer les parties sur le fond du litige afin d’analyser le bien-fondé de cette plainte, si le travailleur a été victime de discrimination fondée sur le handicap en vertu de la Charte et si l’employeur a tenté d’accommoder le travailleur.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2019 QCTAT 281.

 

Fin du lien d’emploi 

Audy et CSSS de l’Énergie, 2016 QCTAT 1962.

La travailleuse soumet que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation d’accommodement raisonnable et qu’il n’a pas fait la démonstration que tout a été mis en œuvre pour lui proposer un emploi convenable disponible dans son organisation. Or, si la travailleuse voulait soulever la question du devoir d’accommodement de l’employeur, elle devait le faire clairement en audience, afin que les autres parties puissent choisir ou non de présenter une preuve. De plus, au moment où l’employeur avise la travailleuse de la fin de son lien d’emploi en raison de son incapacité à exercer son emploi ou un autre emploi dans l’organisation, ni cette dernière ni le syndicat ne s’y opposent et aucune procédure de contestation en vertu de la convention collective ou de la Loi n’est entreprise par la suite. Tel que le suggère l’employeur, par le biais de sa contestation, il semble que la travailleuse tente de contester indirectement la fin de son lien d’emploi. Considérant que la travailleuse ne s’y est pas opposée en temps utile, il deviendrait théorique pour le Tribunal de se saisir du mérite de la question de l’obligation d’accommodement raisonnable puisque dans les faits, plus aucun lien d’emploi ne subsiste entre les parties. Le Tribunal administratif du travail n’a pas, en l’espèce, la juridiction pour intervenir dans cette décision de l’employeur, qui est maintenant opposable à la travailleuse et aucune réparation ne pourrait être accordée considérant cet état de fait irrévocable. Considérant que la travailleuse ne peut retourner chez l’employeur et puisque la CSST était justifiée de procéder à l’analyse de sa capacité à exercer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, il est alors opportun d’évaluer si l’emploi déterminé par la CSST répond aux conditions prévues par la Loi.

 

Le Tribunal doit interpréter les dispositions législatives lorsque la situation l’exige

S.G. et Déf. Nat. Secteur A, 2012 QCCLP 5211.

La Loi sur l'indemnisation des agents de l'État (LIAE) ne s'applique pas aux membres de la force régulière des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada. Pour établir si le travailleur est admissible à la LIAE, la CLP doit interpréter les articles 14 et 15 de la Loi sur la défense nationale qui donne une définition d'un membre de la force régulière.

9179-8892 Québec inc. c. Commission des lésions professionnelles, 2012 QCCS 5867.

Ce n'est pas à la Cour supérieure de statuer sur le litige même si une loi fédérale est en cause. La CLP est habilitée à interpréter la LATMP, mais aussi la Loi sur la faillite et l'insolvabilité lorsque cela est nécessaire pour exercer sa compétence.

 

Pièces d'autos Ste-Geneviève (Jonquière) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2013 QCCLP 3535.

La CLP interprète des articles du Code canadien du travail pour déterminer si l'inspecteur de la CSST pouvait émettre le rapport d'intervention comme il l'a fait.

 

 

 

 

Le Tribunal peut appliquer les dispositions du CCQ de manière supplétive

Définition de domicile (art. 75 à 78 CCQ)

Laul et Transport Xline inc., C.L.P. 326682-62-0708, 5 novembre 2009, D. Lévesque.

Le législateur n'a donné aucune définition de domicile tant à l’article 8 qu’aux autres dispositions de la Loi. Dans un tel cas, la jurisprudence a déjà déterminé qu’on pouvait appliquer, à titre supplétif, les dispositions du Code civil du Bas Canada (C.C.B.C.), ayant fait l’objet depuis d’une réforme pour devenir leCCQ, pour analyser ces concepts de domicile et de résidence. Bien qu’il s’agisse de concepts avoisinants, ils sont toutefois bien différents en droit. Une confusion entre les concepts de résidence et de domicile peut, dans certains cas, aller à l’encontre des intérêts des parties impliquées.

 

Kamano et Cavalia inc., 2019 QCTAT 1893.

La jurisprudence s’est prononcée à quelques reprises sur les dispositions de l’article 8 de la Loi, établissant la différence entre un domicile et une résidence et référant aux articles du CCQ sur la notion de domicile.

 

Mignault et Scotiablast Ltd., 2020 QCTAT 146.

Puisque la notion de domicile n'est pas définie à la Loi, il y a lieu d'appliquer, à titre supplétif, la notion de domicile énoncée au CCQ. Il s’agit donc du lieu, pour le travailleur, de son principal établissement quant à l’exercice de ses droits civils.

 

Transaction (art. 1385, 1386 CCQ) et vice de consentement (art. 1399, 1400 CCQ

Grenier et Olymel St-Henri (Salaisons Brochu), 2013 QCCLP 370.

La transaction constitue un contrat et, à cette fin, elle est assujettie aux règles générales de formation du contrat de même qu’aux causes de nullité de celui-ci prévues au CCQ. Le Tribunal croit donc utile de référer aux principales dispositions législatives pertinentes avant de les appliquer au présent dossier.

 

Joly et Maax Bath inc. (Lachine), 2014 QCCLP 5969.

Il n’appartient pas à la CLP d’annuler une transaction, d’en prendre acte, de la modifier ou de la déclarer exécutoire. Son pouvoir se limite à constater l’existence ou non d’une entente entre les parties et les conséquences de celle-ci sur le litige dont elle est saisie. Afin de déterminer s’il y a existence d’une transaction entre les parties, il faut se référer aux dispositions du CCQ. Selon les articles 2631 et 2635 du CCQ, une transaction est un contrat qui est assujetti aux règles de formation des contrats prévues aux articles 1385 et suivants du CCQ. La transaction doit donc émaner de parties ayant la capacité de contracter, résulter d’un échange de consentements et avoir une cause et un objet. De plus, les exigences propres aux transactions requièrent l’existence d'une contestation née ou à naître, la renonciation à un recours juridictionnel et la présence de concessions réciproques de la part des parties. Selon les règles de droit civil en matière contractuelle, une transaction n'a pas à être constatée par écrit pour être réputée valable.

 

Murphy et A. & D. Prévost (portes et fenêtres) inc., 2017 QCTAT 369.

En vertu de l’article 9 de la LITAT, le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence. Il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et, s'il y a lieu, rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être rendue en premier lieu. Il peut entériner un accord, s'il est conforme à la Loi. Il a donc le pouvoir de décider si la transaction déposée au dossier met fin au litige en l’espèce. À ce titre, les règles prévues au CCQ établissent le droit commun en toutes matières auxquelles se rapportent la lettre, l’esprit ou l’objet de ses dispositions. En ces matières, il constitue le fondement des autres lois qui peuvent elles-mêmes ajouter au code ou y déroger.

 

CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal/Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis c. Tribunal administratif du travail - Division de la santé et de la sécurité du travail, 2018 QCCS 4836.

Le TAT dispose du pouvoir de déterminer s’il y a ou non existence d’une transaction entre les parties dans le cadre du ou des dossiers dont il est saisi et d’examiner la portée de cette transaction, même s’il doit, pour ce faire, appliquer des notions de droit civil telles que celles d’erreur ou de vice de consentement. En effet, le TAT, à l’instar d’autres décideurs spécialisés, peut interpréter et appliquer des principes de droit civil dans l’exercice de sa compétence, et ce notamment lors de l’appréciation de la preuve visant à déterminer si une transaction est intervenue entre les parties. Pour ce faire, il doit vérifier la présence des conditions d’existence d’une transaction prévues au CCQ.

 

Suivi :

Appel rejeté, 2020 QCCA 278.

Requête pour permission de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 39128.

Définition du contrat de travail (art. 2085, 2098, 2099 CCQ)

Rénovation R.D.R. Drolet inc., 2017 QCTAT 4244.

Puisque le contrat de travail et le contrat d’entreprise ou de services ne sont pas quant à eux définis à la loi, il faut recourir à titre supplétif aux définitions du CCQ.

 

À votre service!, 2019 QCTAT 4189.

La Loi définit un travailleur comme une personne physique qui exécute un travail pour l’employeur, moyennant rémunération, en vertu d’un contrat de travail ou d’apprentissage. Toujours selon la Loi, un travailleur autonome est une personne physique qui fait affaire pour son propre compte, seule ou en société, et qui n’a pas de travailleur à son emploi. Ainsi, la distinction entre la notion de travailleur et celle de travailleur autonome réside essentiellement dans l’existence d’un contrat de travail ou non. C’est un tel contrat qui caractérise la relation travailleur-employeur. Comme la Loi ne définit pas la notion de contrat de travail, le Tribunal peut se référer, à titre supplétif, au CCQ, qui définit le contrat de travail.

 

 

Mandat (art. 2130 CCQ

Grenier et Olymel St-Henri (Salaisons Brochu), 2013 QCCLP 370.

Le Tribunal retient de la preuve offerte que, bien que monsieur Guay était convaincu qu’il s’agissait de la meilleure option possible et qu’il n’avait pas l’intention de perdre devant la CLP en raison des faiblesses du dossier en litige, le travailleur n’a jamais consenti à ce règlement. En l’absence de consentement libre et éclairé de la part du travailleur, monsieur Guay n’était pas valablement mandaté pour accepter l’offre formulée par l'employeur. À cette fin, il apparaît utile au Tribunal de référer aux dispositions du CCQ relatives au mandat et plus particulièrement à l’article 2130.

 

Prescription triennale (art. 2925 CCQ

Pouliot et Coopérative forestière du Nord-Ouest, 2013 QCCLP 4546.

La CLP doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais des travaux d'entretien courant du domicile qu'il réclame, et ce, pour les années 1991 à 2010.  Bien que la CSST n'ait pas pleinement joué le rôle auquel la convie l'article 146 de la Loi lors de l'élaboration du plan de réadaptation, cette situation ne saurait toutefois justifier qu'un travailleur puisse réclamer de manière rétroactive, sans limite de temps, le remboursement des frais prévus à l'article 165 de la Loi. D’abord, par les termes mêmes de l'article 146 de la Loi, le travailleur est invité à jouer un rôle dans sa réadaptation. Il ne fait donc pas preuve de diligence en ne s’informant pas de son droit d'être remboursé des frais d'un travail d'entretien courant de son domicile lorsqu'il réalise qu'il ne peut plus accomplir lui-même ce travail en raison des conséquences de sa lésion professionnelle. De plus, l'existence d'un long délai rend difficile la preuve des frais encourus puisqu'il n'y a généralement pas de pièces justificatives contemporaines. Cela n'apparaît pas très conciliable avec une saine administration de la justice. Le Tribunal estime que l’approche retenant un délai de prescription de trois ans doit être suivie.

 

Turanco Construction inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2013 QCCLP 7157.

Dans le cas de l’article 316 de la Loi, il peut être utile de référer aux dispositions du CCQ, à titre supplétif. Le Tribunal est d’avis que si la CSST trouve utile de référer aux dispositions du CCQ pour refuser de rembourser des frais à un travailleur, elle ne peut pas refuser d’appliquer le même principe, lorsqu’il s’agit d’un recours en vertu de l’article 316 de la Loi contre un employeur. Le Tribunal ne voit rien dans la Loi qui permette d’avoir un raisonnement différent selon qu’il s’agit d’un recours d’un travailleur à l’encontre de la CSST ou d’un recours de la CSST contre un employeur. Le Tribunal est donc d’avis qu’il peut utiliser les règles de la prescription prévues au CCQ, à titre supplétif.

 

Labonté et Fonderie industrielle Laforo inc., 2013 QCCLP 7454.

Le Tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement de traitements de psychologie et des frais de déplacement associés, étant donné qu’il n’a pas respecté le délai prescrit pour le faire. Le Tribunal est d’avis que le délai de prescription de trois ans prévu au CCQ s’applique en l’espèce. Le travailleur n’a pas respecté ce délai, puisqu’il a soumis sa demande en 2012, alors que depuis le 1er avril 2004, il avait droit au remboursement de ces frais. Il s’agit d’un délai de plus de huit ans, ce qui n’est certainement pas un délai que l’on peut qualifier de raisonnable. Le travailleur étant absent à l’audience, il n’a pas faire valoir un motif raisonnable permettant d’être relevé de son défaut.

 

Bertrand et Produits papier Sanitation JM Canada (Fermée), 2018 QCTAT 6273.

La Loi est silencieuse sur la question du délai de réclamation de frais médicaux. À plusieurs reprises, le Tribunal a conclu que le délai de prescription de l’article 2925 du CCQ opérait pour le remboursement de certains frais reliés à l’état du travailleur. Quant aux frais reliés au remboursement de médicaments, la jurisprudence du Tribunal mentionne qu’il faut d’abord que les médicaments soient autorisés par la Commission que ceux-ci soient aussi présentés dans un délai de trois ans de leur achat. Dans la décision Poulin et Dist. athlétique & nutrition DAN inc., il a été déterminé que cette prescription extinctive de trois ans s’appliquait aux demandes de réclamation pour frais de médicaments autorisés. Le Tribunal est d’avis que l’issue du présent dossier doit également se résoudre de cette façon.

 

Guérin c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), 2018 QCCS 1650.

Le TAT peut, à bon droit, partager le courant jurisprudentiel voulant qu’une aide personnelle à domicile puisse être accordée rétroactivement, comme en l’espèce et qu’en raison de l’absence de disposition claire, la prescription de trois ans prévue à l’article 2925 CCQ s’applique. En effet, ce droit tombe dans la catégorie des droits personnels et le CCQ s’applique à titre supplétif.

 

Suivi :

Permission d’appeler rejetée, 2018 QCCA 1321.

Succession de Juneau, 2019 QCTAT 2927.

La jurisprudence reconnaît qu’il est possible d’accorder une aide personnelle à domicile de façon rétroactive, dans la mesure où la preuve démontre que ce besoin est objectivable dans la période concernée. De plus, le législateur n’ayant pas encadré dans le temps ce droit à l’aide personnelle à domicile, le délai de prescription de trois ans  prévu au CCQ s’applique.

 

Gagné et BSF/Home lavage de vitres inc., 2020 QCTAT 489.

Pour le Tribunal, le droit personnel prévu au troisième alinéa de l’article 80 de la Loi consistant à obtenir pour le travailleur une révision à la hausse du montant de l’IRR qui lui est payable, est également soumis au régime de la prescription triennale du CCQ. Sans cela, le travailleur pourrait attendre plusieurs années avant de présenter une demande de révision à la hausse de son IRR à la Commission et obtenir un versement rétroactif de cette indemnité avec intérêts de surcroît. Ce n’est sûrement pas ce que le législateur avait en tête lorsqu’il a pris l’initiative d’accorder à un travailleur étudiant le droit de demander, à compter de 21 ans, une révision à la hausse du montant de son IRR. De façon logique, on devrait s’attendre à ce que ce type de demande soit formulée rapidement à la suite de l’atteinte de l’âge déterminé et non qu’elle puisse rester en suspend durant plusieurs années. Pour le Tribunal, il n’est pas injuste ou inéquitable qu’un individu soit sanctionné pour sa négligence de ne pas avoir exercé un droit en temps opportun. Ici, le travailleur a attendu plus de 14 ans avant de demander une révision à la hausse du montant de l’IRR qui lui est payable aux 14 jours. Il s’agit d’un parfait exemple illustrant pourquoi le concept de la prescription extinctive doit exister. La non-utilisation du droit prévu au troisième alinéa de l’article de la Loi par le travailleur se doit donc d’être sanctionnée par l’application de la prescription extinctive triennale de l’article 2925 du CCQ.

 

Guerreiro et Services environnementaux Delsan-AIM inc., 2020 QCTAT 550.

TAT-1 a conclu que le droit du travailleur à une indemnité pour préjudice corporel ainsi que son droit à la réadaptation et celui à l’IRR en découlant sont tous nés en juin 1996 lorsque son médecin a produit un rapport médical final. TAT-1 a ensuite conclu que ces droits se sont éteints par non-usage pendant près de vingt ans. En l’espèce, la prescription appliquée par TAT-1 empêche que l’absence et l’inaction prolongée du travailleur aient autrement un impact important et négatif, voire injuste et incompatible tant avec l’esprit de la Loi que du CCQ. En effet, la Commission devrait autrement tenter d’évaluer, en 2016, le préjudice corporel résultant strictement de la lésion professionnelle consolidée près de vingt ans plus tôt et elle devrait en outre tenter d’établir un plan individualisé de réadaptation, notamment professionnelle, pour un homme de 61 ans plutôt que pour un homme de 41 ans. Le fait, pour TAT-1, d’avoir interprété les dispositions du CCQ de la manière qu’il l’a fait ne peut être considéré comme une erreur grave, manifeste et déterminante, soit un vice de fond invalidant sa décision et justifiant l’intervention du Tribunal.

 

Voir cependant :

Chambly Mazda, 2019 QCTAT 133.

La Commission refuse de désimputer le coût des prestations versées après le 6 février 2013, et ce, malgré la décision qu’elle a rendue par laquelle elle déclare que le travailleur n’a plus droit à l’IRR à compter de cette date puisque sa lésion professionnelle est consolidée sans limitation fonctionnelle et que le travailleur est capable de réintégrer son emploi. Plutôt que d’exécuter ses propres décisions, la Commission déclare que le retrait du coût des prestations demandé par l’employeur est prescrit, suivant l’article 2925 du CCQ. Il est vrai que la Commission ainsi que le Tribunal peuvent s’inspirer des règles tirées du CCQen l’absence de délai prévu à la Loi. Cependant, il est difficile, voire impossible, pour le Tribunal de conclure que par son inaction à exécuter sa propre décision, la Commission pourrait maintenant bénéficier de la prescription extinctive de droit de trois ans, et ce, d’autant plus qu’elle reconnaît, au moins à deux occasions, qu’elle aurait dû procéder à l’exécution de sa décision sans que l’employeur ait à le demander. Opposer à l’employeur une prescription extinctive de droit, dans ces circonstances, revient à invoquer, pour la Commission, sa propre turpitude. Le Tribunal estime que la demande de l’employeur est recevable et qu’il y a lieu d’ordonner à la Commission de s’exécuter et de désimputer la totalité du coût des prestations versées et imputées après le 6 février 2013.

 

Recevabilité d’une preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits fondamentaux

Authenticité

Lavoie et Construction Hors-Pair inc., [2006] C.L.P. 953.

Faute de pouvoir en identifier les auteurs et certains autres paramètres, le Tribunal n’est pas en mesure de s’assurer que ces documents sont authentiques, reproduits dans leur intégralité, exacts et fiables. Faut-il pour autant acquiescer à la demande du travailleur et déclarer les susdits documents irrecevables et s’en limiter à la preuve qu’il veut bien administrer pour servir de seule base à la décision au fond ?  Le Tribunal considère que non. En mettant tout simplement de côté les documents contestés, le Tribunal ne permettrait pas au travailleur de se livrer à un débat contradictoire quant à leur fondement même : les soupçons de la CSST dont font état les documents déjà versés au dossier reposent-ils sur des faits prouvés ou non ? Le Tribunal n’entend pas adopter « l’attitude passive » que lui recommande le travailleur, mais se doit plutôt de « jouer un rôle de nature inquisitoire » dans sa recherche de la vérité, incluant entre autres une juste appréciation de la crédibilité du travailleur, « ce qui constitue le but ultime d’une saine administration de la justice », le tout « afin de rendre une décision éclairée dans le cadre d’un processus de contestation de novo ».  Il convient dès lors d’ordonner à la CSST de déposer au greffe du tribunal l’exemplaire original complet, non expurgé et exempt de toute rature ou autre moyen ou marque ayant pour effet d’en masquer un quelconque extrait, ou une copie certifiée conforme en tous points audit exemplaire original, de tous les documents dont la recevabilité en preuve a été contestée par le travailleur.

 

Zhang et Lock-Danseurs inc., 2013 QCCLP 2157.

Bien que les règles de preuve civile ne soient pas applicables devant la CLP, le Tribunal estime néanmoins que l’introduction d’un élément matériel doit présenter certaines garanties d’authenticité, d’intégrité, d’inaltération et de fiabilité suffisante pour lui permettre de l’apprécier et de lui accorder une valeur probante nécessaire à son admissibilité. En l’espèce, le Tribunal conclut que l’employeur n’a pas établi, de manière prépondérante, que les images apparaissant sur les extraits des enregistrements audiovisuels ainsi que les enregistrements audiovisuels des spectacles complets correspondaient effectivement aux spectacles des 10, 11 et 15 mai 2012. Dans les circonstances, après examen et considération de l’ensemble de la preuve à l’égard de l’enregistrement des spectacles, du transfert des enregistrements de la caméra au système informatique et par la suite, sur un disque dur externe et la réalisation des extraits déposés en preuve, le Tribunal estime que les enregistrements audiovisuels sont inadmissibles.

 

Jullian et Transport Georges Léger (Fermé), 2013 QCCLP 5213.

L’enquêteur Labrecque a été en mesure d’affirmer solennellement que les images se trouvant sur les DVD représentaient bien les scènes filmées lors des huit journées de filature. De plus, bien que certaines prises de vue puissent avoir été filmées par son collègue, il a été certifié au Tribunal qu’il avait effectué la filature en même temps que celui-ci. Ainsi, peu importe que les images transférées sur les DVD soient les siennes ou celles de son collègue, il s’agit bien de ce que l’enquêteur Labrecque a observé. De plus, la CLP est d’avis que les DVD possèdent le caractère authentique requis en ce que la personne filmée est bien le travailleur qui est présent à l’audience. Par ailleurs, le témoignage de l’enquêteur permet au Tribunal de conclure que les images filmées lors de la filature sont bien celles présentées à l’audience. De plus, elles sont claires et intelligibles. Au surplus, le travailleur n’a nié, à aucun moment lors de son témoignage, ne pas avoir effectué les activités qui sont présentées sur les DVD.

 

Transport TFI 22, s.e.c. et Bourgeois, 2015 QCCLP 1114.

Monsieur Richard Mcginnis, un enquêteur de la firme mandatée, a témoigné à l’audience. Il précise que l’enquête s’est effectuée avec deux enquêteurs. Il explique ensuite les techniques d’enquête, soit le positionnement par rapport au domicile ou lors d’un suivi en voiture. Lorsqu’il constate que le sujet est en action, il le filme. Il tente d’obtenir des images significatives avec le mandat au dossier. Il indique que le travailleur n’a été filmé que dans des lieux publics. Les images se retrouvant sur le DVD associé au rapport écrit correspondent aux images prises par chaque enquêteur. L’intégralité des images captées se retrouvent sur le DVD. Il ajoute que lors de l’observation, chacun consigne ses notes au fur et à mesure. Des notes sont également prises lors d’observations directes par l’un des enquêteurs lorsque le travailleur ne peut être filmé. À la fin de la journée, les enquêteurs mettent en commun leurs observations. Une fois ces notes retranscrites au rapport, chaque enquêteur authentifie que le contenu est conforme aux observations. La preuve se révèle authentique, puisqu’elle respecte les critères énoncés par la jurisprudence. De plus, aucune preuve n’est venue démontrer qu’un autre intervenant aurait pu altérer cette preuve. Le témoignage de l’enquêteur est fiable.

 

Forages CCL 1993 inc. (Les) et Dumont, 2017 QCTAT 1358.

Le Tribunal constate que la preuve vidéo est authentique en ce qui concerne les personnes filmées puisqu’il s’agit bien du travailleur qui est présent à l’audience. Par ailleurs, deux des enquêteurs ayant procédé à la filature et à la prise des images ont livré leur témoignage à l’audience. Ces témoignages permettent donc au Tribunal de conclure que les images filmées lors des filatures sont bien celles présentées à l’audience. Par ailleurs, elles sont claires et intelligibles.

 

Voir également :

Rive-Sud Chrysler Dodge inc. et Hamed, 2021 QCTAT 66.

 

Motifs rationnels 

Scierie Parent inc. et Duguay, C.L.P. 271310-04-0509, 27 septembre 2006, S. Sénéchal.

L’employeur a des motifs rationnels pour justifier qu’une preuve par filature soit entreprise. Plusieurs indices sérieux sont réunis pour l’amener à mandater un enquêteur. En effet, alors que le travailleur est en convalescence depuis plusieurs mois, un nouveau diagnostic de névrite cubital apparaît. Aussi, l’employeur reçoit des informations laissant croire que le travailleur aurait des activités incompatibles avec sa condition. Ces informations sont livrées par un contremaître et un parent dont l’enfant fréquente la même école de karaté que le travailleur. Tous ces éléments engendrent un doute sérieux chez l’employeur et c’est dans ce contexte qu’il décide de demander une enquête. Pour le Tribunal, il ne s’agit pas d’un cas où l’employeur décide sans plus de formalités d’initier une enquête sur l’un de ses travailleurs.  Il s’agit plutôt d’un cas où il a des éléments provenant de différentes sources qui lui font douter de l’honnêteté du comportement du travailleur. L’employeur possède des motifs rationnels avant de décider de soumettre le travailleur à une surveillance.  Il ne crée pas de tels motifs une fois la surveillance effectuée.

 

Suivi :

Révision rejetée.

Coffrages CCC ltée et Raymond, C.L.P. 351868-62-0806, 22 avril 2009, D. Lévesque.

Le témoignage de la responsable des dossiers de CSST chez l’employeur est crédible lorsqu’elle affirme qu’il est survenu à la suite de l’accident du travail une série de faits qui ont amené des soupçons chez l’employeur quant à la véritable capacité physique du travailleur. C’est à partir de ces faits qu’elle a décidé d’enclencher une filature. Le premier résulte des propos du docteur Des Marchais qui a mentionné la présence de callosités aux mains du travailleur alors que ce dernier est en arrêt de travail depuis de nombreux mois. Le deuxième fait résulte du rapport du médecin du BEM qui a aussi noté la présence « d’une activité physique intense dernièrement ». Compte tenu que l’employeur a reçu des informations voulant que le travailleur s’adonnait à des activités physiques qui semblaient incompatibles avec ses limitations fonctionnelles et que la CSST versait de l’IRR au travailleur au motif ses limitations fonctionnelles l’empêchaient d’occuper son emploi pré lésionnel, la filature devenait, dès lors, un moyen raisonnable de vérifier la véritable situation relative à la capacité physique du travailleur.

 

Commission scolaire au Cœur-des-Vallées et Roy, C.L.P. 342024-07-0803, 18 février 2010, P. Sincennes.

Le Tribunal reconnaît que le recours à la filature peut constituer une atteinte à la vie privée. Toutefois, la preuve démontre que le moyen utilisé par l’employeur pouvait être nécessaire en vue de colliger les informations relatives à la capacité fonctionnelle du travailleur en lien avec sa réclamation pour lésion professionnelle. Cette démarche était justifiée par la constatation de discordance ressortant de l’examen médical effectué par le médecin désigné par l’employeur, soit des signes importants, selon ce dernier, de non-organicité. À cet égard, la preuve démontre que l’employeur possédait des motifs raisonnables pour justifier sa démarche.

 

Suivi :

Désistement de la requête en révision, 10 novembre 2011.

Luma et CHSLD Vigi Reine Élisabeth, 2016 QCTAT 2498.

Parmi les motifs invoqués par l’employeur, le Tribunal estime qu’à lui seul, l’argument relatif à l’examen médical de la travailleuse auprès de la docteure Hamel, justifie amplement la demande de filature. La docteure Hamel conclut à « une disproportion importante entre la subjectivité de madame et le bilan paraclinique. En fait, lors de l’examen chez la docteure Hamel, il y a carrément eu une simulation de la travailleuse. Comment expliquer autrement une flexion antérieure à zéro ?  Une extension à zéro ? Des flexions latérales à zéro ? Des rotations à zéro ?  Le tout, chez une travailleuse qui est bien loin d’une paralysie, qui est en mesure de s’occuper de son hygiène personnelle, y compris aller aux toilettes seule, sans besoin d’aide ?  En effet, à la docteure Hamel, sur ses activités quotidiennes, la travailleuse rapporte seulement avoir de la difficulté à mettre ses pantalons, ses bas et ses bottes.  Comment croire alors que, par exemple, la flexion antérieure à zéro est réelle et véridique ?  On ne peut le croire. En conséquence, le Tribunal estime que le rapport d’évaluation par la docteure Hamel permettait à l’employeur d’avoir bien davantage que de simples doutes sur la crédibilité et, surtout, l’honnêteté de la travailleuse.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 108.

Groupe Hexagone et Fortier, 2016 QCTAT 4128.

Lorsque madame Lalonde visionne la vidéo Facebook sur laquelle le travailleur apparaît à son avis non souffrant, cela suffit pour qu’elle doute de l’honnêteté de son comportement et ainsi constituer un motif rationnel de commander une filature. D’autant que quelques semaines plus tôt, toute assignation temporaire avait cessé alors que durant plusieurs mois le travailleur avait été en mesure d’en occuper une. Il existe entre ce qui peut être vu sur la vidéo Facebook et les prétentions du travailleur des contradictions ou des incohérences suffisamment importantes pour déclarer que l’employeur avait des motifs rationnels pour commander la surveillance et la filature. En outre, le Tribunal ne peut faire fi des notes évolutives de la CSST selon lesquelles le travailleur aurait prétendu que l’employeur n’avait plus de travaux légers à lui offrir, ce que ce dernier a nié. À l’étape de décider de l’admissibilité de la filature, cela suffit à déclarer que l’employeur avait un motif raisonnable de douter de l’honnêteté du comportement du travailleur.

 

Supermétal Construction inc. et Therrien-Savard, 2017 QCTAT 1140.

L’évolution du dossier ainsi que les multiples contradictions et incohérences entre les rapports médicaux et les prétentions du travailleur concernant ses limitations fonctionnelles et sa capacité de travailler ainsi que les conséquences de celles-ci sur ses activités quotidiennes sont suffisamment importantes pour que l’employeur s’interroge sur les activités du travailleur. Plus particulièrement, les contradictions entre les différentes versions du travailleur relativement à la survenance de son accident de motoneige ainsi que son intention exprimée sur son compte « Facebook » de participer à une compétition d’accélération de motoneiges représentent des motifs rationnels et raisonnables pour justifier que l’employeur commande la surveillance et la filature du travailleur. En effet, le Tribunal est d’avis que l’employeur avait un motif raisonnable de remettre en question les prétentions du travailleur, et par ce fait, sa crédibilité.

 

Sani-Marc inc. et Filteau, 2022 QCTAT 2072.

Le Tribunal doit déterminer la date de capacité du travailleur à exercer son emploi. À l'audience, l’employeur et la Commission souhaitent déposer en preuve les vidéos des filatures qu’ils ont obtenues. Le Tribunal retient que l'analyse des motifs rationnels et des moyens raisonnables doit s'effectuer séparément pour chaque filature, puisque la preuve ne démontre pas que l’employeur et la Commission aient mis en commun les informations basant leur décision de procéder à une surveillance par filature. Suivant son analyse, le Tribunal déclare recevables en preuve les deux vidéos de filature.

 

Absence de motifs rationnels 

Raymond et Entreprise sanitaire FA ltée, C.L.P. 379359-61-0905, 22 novembre 2010, L. Nadeau.

L’employeur soumet que les activités démontrées sur la vidéo sont incompatibles avec les incapacités alléguées par le travailleur. On ne peut pas, après coup, justifier la surveillance; les motifs doivent exister avant de prendre cette décision. L’employeur n’a donc pas démontré de motifs raisonnables justifiant de soumettre le travailleur à une surveillance. Contrairement à d’autres dossiers, il n’y a pas en l’espèce la preuve d’un manque de collaboration du travailleur, d’une évolution atypique du tableau clinique, d’éléments soulevant des doutes sur l’honnêteté du travailleur. On n’a pas ici une preuve de nombreuses contradictions entre les résultats des examens effectués par le médecin de l’employeur et le comportement du travailleur. Il y a donc eu atteinte à la vie privée et le Tribunal doit maintenant se demander si l’utilisation de l’enregistrement vidéo est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

Groupe Adonis inc. et Terga, 2015 QCCLP 6811.

La CLP estime que les motifs de l’employeur ne sont ni sérieux ni rationnels. Ses doutes quant à l’origine professionnelle de l’invalidité du travailleur ne sont pas suffisants; ils sont, en partie, fondés sur des soupçons ou des rumeurs, sans plus. D’ailleurs, l’employeur admet n’avoir jamais songé à faire filer le travailleur avant que le docteur Gravel ne le propose. L’employeur soulève aussi des contradictions au sein des évaluations médicales du travailleur : la CLP constate que ces évaluations ne sont contradictoires qu’avec l’avis du docteur Gravel. Les autres médecins n’émettent aucun commentaire particulier permettant de douter du comportement, de la collaboration ou de la bonne foi du travailleur, et ce, malgré des examens certes difficiles à réaliser, compte tenu des symptômes douloureux allégués par celui-ci. Finalement, le motif financier amenant l’employeur à vouloir minimiser les coûts du dossier est éloquent et ne constitue pas un motif sérieux et rationnel permettant de douter du comportement du travailleur et justifiant une filature à son insu.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 3625.

Forages CCL 1993 inc. (Les) et Dumont, 2017 QCTAT 1358.

Le Tribunal est d’avis que l’employeur n’a pas démontré qu’il avait des motifs rationnels de demander une filature lorsqu’il confie ce mandat à la firme externe d’enquêteurs, et ce, tant lors de la première demande, que pour le complément d’enquête. Les signes de non-organicités ne constituent pas nécessairement en soi un test assimilable à un détecteur de mensonge, mais représentent des observations du comportement humain face à la maladie, bien qu’ils doivent effectivement être pris en considération. Il ne suffit donc pas d’avoir des contradictions ou incohérences d’ordre médical pour procéder à une surveillance. La kératose notée est au surplus moins déterminante en l’espèce puisque le travailleur n’a cessé de travailler qu’environ trois semaines auparavant. De plus, la seule dénonciation reçue, laquelle est anonyme, est de l’avis de la soussignée une source d’information peu fiable. Quant aux éléments décrits relativement à l’événement accidentel en soi, et au non-respect de la procédure de déclaration d’accidents chez l’employeur; ces éléments ne sont pas des plus révélateurs pour constituer des motifs rationnels permettant de procéder à une surveillance par filature. En réalité, l’employeur a peu d’éléments fiables, importants et sérieux pour demander qu’une enquête soit réalisée. Il appert beaucoup plus qu’il s’agit de doutes ou d’incohérences qui se concrétiseront par la suite des choses.

 

RTI-Claro inc. et Haider, 2017 QCTAT 2168.

Le Tribunal veut bien convenir avec l’employeur qu’à lui seul, le rapport du docteur Koniouchine puisse comporter des éléments d’ordre médical objectifs permettant de soulever des doutes sur l’incapacité réelle du travailleur et ainsi justifier une filature pour les confirmer ou les dissiper. Mais il ne faut pas confondre discordances, signes de non-organicité ou signes de Waddell avec malhonnêteté. D’ailleurs, l’avis du docteur Labelle vient relativiser les conclusions de son collègue et l’employeur aurait donc dû avoir des réserves au lieu de se conforter dans la seule opinion du docteur Koniouchine avant de recourir à de la filature. Il ne s’agit pas en l’instance d’un cas où le travailleur aurait été soumis à de nombreux examens médicaux faisant état d’une inconstance des signes et des symptômes, d’une discordance entre les plaintes subjectives et les trouvailles de l’examen objectif ou de signes de Waddell. L’employeur n’avait dans l’ensemble que des impressions et non pas de motifs raisonnables ou rationnels pour entreprendre une filature.

 

IAMGOLD - Mine Westwood et Le Riche, 2017 QCTAT 3107.

La décision de demander une filature est prise 16 jours après la survenance de l’évènement allégué. L’employeur n’a alors en mains que quelques attestations médicales. Il a décidé d’envoyer le travailleur en expertise, mais ce n’est pas encore fait, et il n’a toujours pas le dossier médico-administratif du travailleur à la Commission. Tout ce qui peut le justifier à ce moment, c’est l’ampleur des symptômes allégués par le travailleur, et sa conclusion qu’ils sont invraisemblables et exagérés, après discussion avec les deux infirmières et après des recherches sur Internet aux sujets des symptômes allégués par le travailleur. Pourtant, des attestations médicales posent des diagnostics précis. De l’avis du Tribunal, si l’employeur voulait « être éclairé sur l’état physique du travailleur », c’est à un médecin qu’il fallait le demander d’abord, et non à deux enquêteurs.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 2784.

Voir également :

Rive-Sud Chrysler Dodge inc. et Hamed, 2021 QCTAT 66.

Moyens raisonnables 

Goudreau Labrèche et Hôpital Charles-Lemoyne, 2012 QCCLP 5793.

La CLP estime que la filature a été conduite par des moyens raisonnables puisqu’il appert des rapports d’enquête que celle-ci a été limitée dans le temps puisqu’elle a été effectuée sur quatre jours. La filature n’a également pas été faite de façon intrusive puisque le travailleur a été filmé dans des lieux publics ou à l’avant de son domicile.

 

Z.C. et Compagnie A, 2015 QCCLP 1306.

Personne n’a suggéré que l’employeur disposait d’un autre moyen permettant de vérifier le comportement du travailleur. À l’évidence, le moyen retenu était nécessaire pour obtenir une réponse fiable à la question de savoir si le travailleur cherchait à tirer un avantage indu du système public d’indemnisation des lésions professionnelles. L’enquête et la filature ont-elles été mises en œuvre de la façon la moins intrusive possible ? Le Tribunal est d’avis que oui. En effet, la prise en filature du travailleur à partir de son domicile connu était incontournable, d’abord pour vérifier s’il sortait de chez lui, contrairement à ses prétentions voulant qu’il passe ses journées à « ne rien faire ». L’important, au regard de la protection du droit à la vie privée, est que les séquences filmées ne l’aient été que dans des lieux publics, et non pas en violation de l’intimité de son foyer ou de quelque autre endroit où le public n’aurait normalement pas accès. Il n’a pas été allégué que le public aurait eu connaissance que le travailleur était suivi et filmé, de telle sorte que sa réputation ait pu en souffrir de quelconque façon. Il y a donc lieu de conclure que le critère de proportionnalité a, lui aussi, été entièrement respecté.

 

Groupe Hexagone et Fortier, 2016 QCTAT 4128.

Avant d’utiliser la filature, il y a lieu d’évaluer si d’autres moyens pouvaient être entrepris pour atteindre le but recherché par la personne qui souhaite commander une telle surveillance et filature, celle-ci apparaissant comme étant « de dernier recours ».  En l’espèce, il y a absence de commentaires des différents médecins selon lesquels le travailleur n’aurait pas pleinement collaboré aux différents examens. Cela étant dit, l’employeur a fait examiner celui-ci à deux reprises par son propre médecin et ce dernier a conclu les deux fois à un examen normal. Une procédure d’évaluation médicale a aussi été initiée. On ne peut ainsi prétendre que l’employeur n’a pas exercé l’un des moyens que la Loi met à sa disposition pour contester les avis du médecin en charge du travailleur. Par ailleurs, au moment où il est mis en arrêt de travail, il devient difficile pour l’employeur de vérifier la condition réelle du travailleur. Ainsi, lorsque l’employeur visionne la vidéo Facebook, il est en droit de s'interroger sur l’honnêteté du comportement du travailleur. De l’avis du Tribunal, il n’avait pas d’autres moyens moins intrusifs que la surveillance de ce dernier pour s’en assurer. D’autant que la majorité de la surveillance a été faite dans des lieux publics donc de la manière la moins intrusive possible dans les circonstances.

 

Supermétal Construction inc. et Therrien-Savard, 2017 QCTAT 1140.

Pour déterminer si la surveillance était conduite par des moyens raisonnables, il y a lieu d’évaluer si d’autres moyens pouvaient être entrepris pour atteindre le but recherché par la personne qui commande une surveillance ou une filature. En l’espèce, le Tribunal retient que l’employeur a fait examiner le travailleur par un médecin désigné, que la CSST a procédé à une évaluation et qu’un avis du BEM a été obtenu avant qu’il ne décide de procéder à une filature. Ces évaluations ont toutes conclu que le travailleur a subi une blessure à l’œil, laquelle était consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Le Tribunal constate qu’il était difficile pour l’employeur de vérifier la condition médicale réelle du travailleur, puisque celui-ci ne bénéficiait d’aucun traitement actif. Le Tribunal est donc d’avis que l’employeur n’avait pas de moyens moins intrusifs que la surveillance et la filature pour éclairer le Tribunal relativement aux activités du travailleur. D’autant plus que la surveillance a été faite dans des endroits publics, c’est-à-dire : « de la manière la moins intrusive possible dans les circonstance ». Le Tribunal est d’avis que bien qu’il y ait eu atteinte à la vie privée du travailleur, cette atteinte était justifiée puisque l’employeur avait des motifs raisonnables et sérieux de remettre en question des allégations du travailleur relativement aux conséquences de sa lésion.

 

Absence de moyens raisonnables 

Cournoyer et Compagnie Martin-Brower du Canada, C.L.P. 159969-63-0105, 25 février 2002, D. Beauregard.

Le travailleur soutient que l’enquêteur était sur son terrain privé lors de la prise de certaines images. Toutefois, il convient qu’il ne l’était peut-être pas lors des activités de coupe d’arbres à la tronçonneuse puisqu’il pouvait se placer sur un muret situé sur la ligne mitoyenne. Sans faire un long débat sur une preuve de propriété qui oppose le témoignage du travailleur et celui de l’inspecteur qui croit et soutient avoir agi à l’extérieur du terrain du travailleur, la CLP estime que seules les images relatives à la coupe des arbres sur son terrain et aux activités à l’écurie Bastien seront acceptées en preuve. Ces images à la bande vidéo sont pertinentes au litige même si l’objectif poursuivi par l’employeur visait les relations de travail puisqu’elles illustrent la capacité du travailleur à accomplir des activités susceptibles d’altérer sa condition et permettent d’évaluer sa crédibilité relative à ses déclarations sur sa capacité et son emploi du temps.

 

Zein et Banque Toronto-Dominion, 2017 QCTAT 4321.

Quant à savoir si l’enquête a été menée de la manière la moins intrusive possible, aucun élément factuel ne pouvait justifier ici le recours à une enquête spéciale. Rappelons que par le biais d’une enquête spéciale, la Commission a procédé à trois jours de filature, a eu accès durant une période de près d’un an aux transactions du compte bancaire et aux relevés de carte de crédit. La Commission a choisi des moyens particulièrement intrusifs pour vérifier de simples contradictions ou des perceptions, ce qui n’apparaît ici nullement justifié. En l’espèce, le recours à la filature et l’obtention des relevés de transactions bancaires ou de cartes de crédit, apparaissent disproportionnés. La Commission a choisi de recourir aux moyens les plus intrusifs, de manière prématurée, et sans aucune autre vérification, pour résoudre des questionnements ou des doutes qu’elle aurait pu autrement résoudre.

 

 

La preuve ne déconsidère pas l’administration de la justice 

D.R. et Compagnie A, C.L.P. 283693-63-0602, 4 mai 2009, M. Juteau.

Le rapport de filature et l’enregistrement ont été obtenus en contravention avec le droit à la vie privée de la travailleuse. Toutefois, cette conclusion n’emporte pas leur rejet automatiquement comme le souhaiterait la travailleuse. Une preuve même obtenue en violation avec un droit fondamental peut être recevable si son utilisation ne déconsidère pas l’administration de la justice, ce qui est le cas en l’espèce. L’assureur a agi de bonne foi. Il n’est pas en preuve que son intention était de nuire à la travailleuse ou de lui tendre un piège. Par ailleurs, l’atteinte à la vie privée a été minime puisque la surveillance a eu lieu dans des lieux publics et qu’elle a porté sur les gestes observables par toute personne présente dans ces lieux. Il faut aussi considérer que l’utilisation en preuve du rapport de filature et de l’enregistrement des images peuvent renseigner le Tribunal sur les activités que la travailleuse accomplit malgré les limitations fonctionnelles alléguées. Comme l’a déjà énoncé la Cour d’appel, la CLP recherche la vérité. Elle doit voir à ce que la travailleuse soit correctement indemnisée et à ce que, par ailleurs, soit exclue toute réparation qui ne satisfait pas les critères établis par le législateur. La preuve à laquelle la travailleuse s’oppose fournit une information utile à la détermination du droit aux prestations prévues par la loi. En ce sens, elle est susceptible de servir la vérité. Il ne serait pas de bon aloi pour la bonne administration de la justice d’exclure cette preuve d’autant qu’en l’espèce l’assureur est de bonne foi et l’atteinte à la vie privée est minime.

 

Z.C. et Compagnie A, 2015 QCCLP 1306.

Enfin, il convient de prendre en compte le rôle du Tribunal qui consiste en la recherche de la vérité, afin que chaque travailleur reçoive du régime public d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles ce à quoi il a droit, ni plus ni moins. C’est à cette fin que le législateur a cru bon de doter la CLP d’un pouvoir d’enquête étendu. Pareille recherche légitime et encadrée de la vérité ne saurait avoir pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.

 

Forages CCL 1993 inc. (Les) et Dumont, 2017 QCTAT 1358.

Le Tribunal estime qu’écarter la preuve par filature déconsidérerait à coup sûr l’administration de la justice; la recherche de la vérité devant primer dans les circonstances. En effet, la preuve est à l’effet que le travailleur a, à maintes reprises lors du suivi du dossier, cherché à amplifier sa symptomatologie et exagérer sa condition médicale et cet état de faits est rapporté à plus d’une occasion. La crédibilité du travailleur est grandement affectée, et ce, en regard de sa capacité réelle à réaliser certains mouvements, gestes et même dans l’accomplissement de certaines de ses activités. Ce dernier a même livré de fausses informations à la CNESST et confronté avec des faits incontestables, il maintient à plus d’une occasion sa première version des faits, en essayant de minimiser ses gestes ou encore en se trouvant des excuses. Devant le Tribunal, il reproduit le même comportement lorsque questionné sur ces éléments. Ainsi, la preuve présentée par l’employeur est plus que pertinente dans la recherche de la vérité pour trancher les litiges dont le Tribunal est saisi et en ce sens, la production de la filature, dans ce contexte, ne déconsidère pas l’administration de la justice. L’exercice de pondération réalisé en l’espèce permet au Tribunal de favoriser la recherche de la vérité, d’autant plus que le comportement du travailleur a nécessairement des effets sur son droit à des indemnités de remplacement du revenu. Le Tribunal considère qu’il n’a d’autre choix que d’admettre en preuve les éléments recueillis lors de la filature du travailleur.

 

Télécon inc. (siège social) et Cabana, 2021 QCTAT 3572.

Le Tribunal conclut que la filature, qui se déroule sur une période de 13 mois et inclut 8 journées de surveillance, n'était pas justifiée par des motifs rationnels ni conduite par des moyens raisonnables. Toutefois, le Tribunal estime que son utilisation ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. La preuve par filature permet effectivement de constater, de façon flagrante, une incompatibilité entre les plaintes du travailleur et ses activités professionnelles. Le Tribunal retient que la balance penche en faveur de la recherche de la vérité plutôt que la protection du droit à la vie privée du travailleur. Accueillir l’objection quant au dépôt donnerait l’impression que le Tribunal ferme les yeux sur la situation d’un travailleur indemnisé pour des limitations qui n’existent manifestement pas, ce qui serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

La preuve déconsidère l'administration de la justice 

Zein et Banque Toronto-Dominion, 2017 QCTAT 4321.

La recherche de la vérité n’est ici nullement servie par le dépôt de la preuve par enquête spéciale. Certes, comme en témoigne l’évolution lente constatée par les professionnels de la santé au dossier et certains questionnements ou contradictions émanant des affirmations de la travailleuse, il est justement du ressort du Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances et d’en tirer les conclusions eu égard à l’ensemble de la preuve comme il est de son devoir de le faire. La recherche de la vérité ne peut justifier cette atteinte grave à la vie privée de la travailleuse, et ce, d’autant plus que la preuve par enquête spéciale est alors beaucoup plus intrusive qu’une filature. Le seul critère de la pertinence n’est pas en soi suffisant pour justifier ici une enquête spéciale prématurée, dont l’objet ne répond pas aux motifs invoqués initialement et dont les résultats sont utilisés après coup pour en justifier la pertinence ou l’utilité. Il s’agit d’une preuve obtenue en violation du droit à la vie privée de la travailleuse qui déconsidère l’administration de la justice et doit donc être rejetée.

 

Profil Facebook : preuve admissible 

Landry et Provigo Québec inc. (Maxi & Cie), 2011 QCCLP 1802.

La CLP retient que chaque commentaire écrit sur Facebook est fait à titre personnel et ne peut engager aucune autre personne que celle qui émet ce commentaire. Il faut cependant distinguer le caractère personnel d’un commentaire de son caractère privé. Une personne qui détient un compte Facebook permet à ses amis et aux amis de ses amis de prendre connaissance de ses commentaires. Cette personne peut contrôler la liste de ses amis, mais il devient plus difficile de contrôler l’accès à son profil aux amis de ses amis, liste qui peut s’allonger presque à l’infini. Nous sommes donc loin du caractère privé du profil de cette personne et des commentaires qu’elle émet. La CLP retient que ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé compte tenu de la multitude de personnes qui peuvent avoir accès à ce compte. La preuve Facebook déposée par la travailleuse ne constitue donc pas une atteinte à la vie privée de tierces personnes. La CLP déclare recevable la preuve Facebook. La pertinence et la force probante de cette preuve seront discutées lorsque la CLP devra décider du fond de la requête.

 

N.D. et Commission scolaire A, 2013 QCCLP 2138.

En l’espèce, rien ne suggère que l’accès au contenu privé du compte Facebook de la travailleuse résulte de manœuvres frauduleuses, de subterfuges ou d’autres moyens détournés. En réalité, la preuve n’a pas permis de déterminer comment les extraits reproduits au dossier ont été portés à la connaissance des intervenants de la CSST. En l’absence d’une telle preuve, l’on ne peut conclure que les extraits ont été obtenus de façon illicite par la CSST. Par ailleurs, l’information émanant d’un compte Facebook obtenue légalement ne constitue pas une atteinte à la vie privée. Du reste, en tenant compte des litiges, l’information émanant du compte Facebook de la travailleuse présente une certaine pertinence, en ce qu’elle comporte certains éléments pouvant être soupesés lors de la recherche des causes de la pathologie psychique constatée à compter de la fin avril 2011. Le Tribunal considère que les extraits du compte Facebook sont admissibles en preuve.

 

Tardif et Béton Trio inc., 2015 QCCLP 4302.

La preuve obtenue par l’employeur à partir du compte Facebook du travailleur, preuve obtenue à partir d’un compte « public », c’est-à-dire non protégé par le travailleur par un code d’accès et sans subterfuge de la part de l’employeur, est admissible, sous réserve de sa pertinence et de sa force probante. Le Tribunal partage l’opinion émise dans l’affaire Landry et Provigo Québec inc., voulant que ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fasse pas partie du domaine privé et que l’obtention par l’employeur d’information qui s’y trouve, sans subterfuge aucun de sa part, ne constitue pas une atteinte à la vie privée du travailleur. Dans ce contexte, le soussigné est d’avis que les critères élaborés dans l’affaire Bridgestone/Firestone ne trouvent application qu’en présence d’une situation d’atteinte à la vie privée d’un travailleur, qu’il s’agisse de l’obtention d’une preuve à la suite d’une filature d’un travailleur ou encore lors d’un accès illégal à son compte Facebook, mais non, comme en l’espèce, lorsque cet accès par l’employeur au compte Facebook ne peut être qualifié d’illégal. Aussi, il n’est pas requis de s’interroger sur la notion de « motif raisonnable » que pouvait avoir l’employeur d’aller consulter le compte Facebook du travailleur.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 5668.

Parc Omega inc. et Ivall, 2017 QCTAT 915.

En ce qui concerne l’argument principal de l’employeur, l’atteinte à la vie privée, le Tribunal considère qu’une telle atteinte n’existe pas dans les situations où une expectative de vie privée ne peut être entretenue et il s’agit en l’espèce d’une telle situation. Le Tribunal retient que seule l’insouciance de madame Roy a permis à la travailleuse d’avoir accès, sur sa propre tablette, au compte Facebook de cette dernière. L’employeur semble confondre une interception illégale avec une interception qu’il juge malhonnête. Or, la travailleuse n’a utilisé aucun stratagème ni commis aucune infraction pour avoir accès au compte Facebook de madame Roy. Il ne revient pas au Tribunal de juger de la moralité ou non de cette interception, comme il l’a rappelé aux parties à l’audience. Compte tenu du témoignage de madame Roy, le Tribunal ne peut que conclure que celle-ci ne pouvait entretenir une expectative de vie privée en utilisant l’application Facebook, de surcroît lorsqu’elle ouvre son compte Facebook sur la tablette de la travailleuse et sans prendre les moyens nécessaires pour le fermer de façon sécuritaire. Le Tribunal considère que les conversations Facebook ne font pas partie du domaine privé.  Ainsi, l’une ou l’autre des destinataires des messages litigieux de madame Roy aurait pu partager lesdits messages avec toute autre personne, incluant la travailleuse, et ce, à l’insu de madame Roy.

 

Supermétal Construction inc. et Therrien-Savard, 2017 QCTAT 1140.

Considérant que le Tribunal n’a pas en preuve que le travailleur avait choisi des paramètres privés limitant l’accès à son compte « Facebook », les informations publiées sur celui-ci ne peuvent être considérées comme étant privées. Ces informations sont ainsi de domaine public et présentent une certaine pertinence dans le présent dossier, car elles pourraient donner un éclairage relativement au comportement à première vue contradictoire, du travailleur durant sa période de convalescence. Par extension, cette preuve pourrait également servir au Tribunal pour évaluer la véracité de certaines prétentions du travailleur, et de ce fait, sa crédibilité. Par conséquent, le Tribunal rejette l’objection de la représentante du travailleur et autorise le dépôt d’une copie des inscriptions publiées sur le compte « Facebook » du travailleur.

 

CSSS Jardins-Roussillon et Tremblay, 2017 QCTAT 4826.

Selon la jurisprudence, les informations émanant de Facebook font partie du domaine public. Les règles qui gouvernent ce réseau social sont telles que l’expectative raisonnable de vie privée de ses utilisateurs est grandement atténuée et modulée en fonction des paramètres individuels de leur compte et du nombre « d’amis » qu’ils ont. Il n’y a donc pas, a priori, intrusion à la vie privée lorsqu’un employeur consulte le compte Facebook de l’un de ses employés, à moins qu’il y ait eu accès par subterfuge ou par un moyen illicite en usurpant l’identité d’une autre personne ou en se forgeant une fausse identité par exemple. Ce n’est que dans ces dernières situations que le test élaboré par la Cour d’appel dans l’affaire Bridgestone pourrait s’avérer utile.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2020 QCTAT 639.

Bell Solutions techniques inc. et Racine, 2019 QCTAT 1453.

Le travailleur n’a pas subi d’atteinte à sa vie privée. D’abord, les informations relatives au spectacle ont été publiées sur son compte Facebook. Comme il s’agit d’une page publique accessible à tous les utilisateurs, le travailleur ne peut prétendre à une atteinte à sa vie privée. L’employeur n’utilise pas de subterfuge ou de moyens détournés pour avoir accès au compte Facebook du travailleur. Quant à la vidéo elle-même, elle ne dure que le temps du spectacle. L’enquêteur s’est présenté à la salle de spectacle et s’est procuré un billet sur place pour assister au concert. Une fois la prestation terminée, il a quitté les lieux. Il n’y a eu qu’une captation d’images ponctuelle lors du spectacle, sans filature ni surveillance comme telle. L’expectative de vie privée est pratiquement nulle lorsqu’une personne se produit en spectacle. Les personnes sur place étaient justement présentes pour observer sa prestation musicale. L’attente de vie privée pendant le spectacle est inexistante.  Le rapport de surveillance et les pièces qu’il contient, soit les photos, le mandat de surveillance donné à la firme d’enquêteurs, les pages Facebook et la vidéo de filature sont recevables.

 

Signature sur le Saint-Laurent construction et Filion, 2023 QCTAT 344.

À l’audience, l’employeur souhaite déposer en preuve une vidéo provenant du compte de la travailleuse sur le réseau social Facebook. Le Tribunal est d'avis que la travailleuse ne peut prétendre à une atteinte à sa vie privée puisqu'il s’agit d’une page publique accessible à tous les utilisateurs. De plus, l’employeur n’a pas utilisé de subterfuge ou de moyens détournés pour avoir accès à son compte Facebook. Le Tribunal conclut que la travailleuse n’a pas démontré d’atteinte à sa vie privée, et déclare recevable l’extrait vidéo provenant de son compte Facebook ou Tik Tok.

 

Profil Facebook : preuve inadmissible 

Campeau et Services alimentaires Delta Dailyfood Canada inc., 2012 QCCLP 7666.

Le Tribunal est d’avis que d’admettre la preuve du profil Facebook de la travailleuse aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice. La preuve démontre que l’employeur a usé de subterfuge et de moyens détournés afin de devenir « l’ami » de la travailleuse sur le réseau social. La preuve Facebook présentée par l’employeur a donc été obtenue grâce à des moyens frauduleux. Il s’agit d’une incursion sans retenue dans la vie privée de la travailleuse. On ne peut donner carte blanche aux employeurs afin d’espionner leurs employés dans leur vie privée sans s’attendre à des utilisations abusives. Avant d’entreprendre sa démarche, la représentante de l’employeur n’avait aucune indication voulant qu’une situation frauduleuse se tramait par la travailleuse. D'ailleurs, le résultat de cette fouille n’en démontre aucune. La seule motivation de la représentante de l’employeur était d’espérer, en allant dans le profil Facebook de la travailleuse, trouver fortuitement une preuve pouvant l’aider. Comme cette preuve a été déposée sous réserve, le Tribunal a pu constater que sur une période d’un an, on retrouve quelques déclarations laconiques de la travailleuse ayant une certaine pertinence, toutes prises hors contexte et qui n’infirment aucun aspect du témoignage de la travailleuse. Ainsi, il n’y a aucune raison de faire primer cette preuve sur le respect du droit à la vie privée bien au contraire. Conclure autrement, donnerait à tous les employeurs le champ libre afin de fouiller, au hasard, dans la vie privée de leurs employées. Eu égard à tout ce qui précède, le tribunal est d’avis que la preuve tirée du profil Facebook de la travailleuse est irrecevable en l’espèce.

 

Maison St-Patrice inc. et Cusson, 2016 QCTAT 482.

La preuve révèle que l’employeur a obtenu la preuve Facebook de la travailleuse par un subterfuge, via un tiers qui demeure inconnu. La preuve non contredite de la travailleuse démontre d’ailleurs que l’employeur n’en est pas à ses premiers pas dans ce genre de subterfuge, puisqu’elle-même a déjà fait l’objet d’une demande de son employeur, pour qu’elle lui divulgue le contenu du profil Facebook d’une collègue de travail. Le moyen frauduleux, utilisé par l’employeur pour obtenir les informations Facebook de la travailleuse, fait présumer que ce dernier ne pouvait pas avoir accès à ces informations par d’autres moyens plus légitimes. Il y a donc présomption de fait, puisque l’employeur a utilisé la même façon de faire qu’il a déjà utilisé, pour obtenir les informations Facebook de la travailleuse. Ces faits sont graves, précis et concordants.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2017 QCTAT 1650.

Requête pour être mis hors de cause

Demandes accordées

Ouellette et Environnement Canada, C.L.P. 258648-07-0504, 10 avril 2007, S. Séguin.

Il appert de la jurisprudence que la CLP refuse de statuer sur une demande faite par un employeur voulant être mis hors de cause au stade de l’admissibilité de la réclamation lorsque celui-ci fait valoir qu’il n’est pas concerné par la maladie dont est atteint le travailleur, car le travail effectué chez lui n’a pu causer la maladie professionnelle. Ces demandes ont été déclarées prématurées puisqu’elles visaient l’imputation du coût de la maladie professionnelle. Ceci se distingue de la requête de Dare Human Resources qui vise le statut même d’employeur au stade de l’admissibilité de la réclamation. En l’espèce, la requête ayant été entendue avant l’audience sur l’admissibilité de la réclamation, Dare Human Resources a un intérêt réel à être mis hors de cause afin d’éviter, notamment, des frais de représentation lors de l’audition au fond. Par contre, à l’étape de l’audition au fond, alors que des frais sont déjà engagés, la CLP considère que Dare Human Resources n’aurait pas d’intérêt réel à présenter cette requête incidente et qu’elle devrait faire valoir ultérieurement ses prétentions au stade de l’imputation du coût de la maladie professionnelle, s’il y a lieu. Dès lors, la CLP estime qu’il relève de sa compétence de statuer, à ce stade-ci, sur la requête Dare Human Resources pour être mis hors de cause.

 

Pelletier et Hilton Lac Leamy, C.L.P. 295990-07-0607, 13 mai 2009, P. Sincennes.

La CLP doit déterminer si les employeurs de l’Ontario, convoqués à la présente audience, possèdent un intérêt suffisant pour intervenir au présent litige en regard de la réclamation de la travailleuse fondée sur l’existence d’une maladie professionnelle. Le Tribunal en vient à la conclusion que les articles 7 et 8 de la LATMP ne peuvent s’appliquer à cesdits employeurs, ces derniers ne possédant aucun établissement dans la province de Québec. De plus, il ressort de l’analyse du document entente interprovinciale pour l’indemnisation des travailleurs que les dispositions de l’article 7 de ladite entente, portant sur les mécanismes d’imputation de coûts à un organisme d’indemnisation d’une autre province ne s’appliquent pas à la CSST depuis le 8 février 2005. Dans ce contexte, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause les employeurs ontariens convoqués à la présente audience en l’absence d’intérêt suffisant pour obtenir, au sens de la LATMP, le statut de partie intéressée dans la présente affaire.

 

Paré et Forestiers Paré Boily inc.,2013 QCCLP 1899.

Préalablement à l’audience, l’employeur Barrette-Chapais a déposé une requête incidente où il demande à être mis hors de cause, puisque le travailleur n’a jamais été à son emploi. À l’appui de sa demande, il dépose une déclaration assermentée du travailleur dans laquelle on peut y lire que ce dernier n’a jamais été un salarié à son emploi, mais plutôt un sous-contractant de celui-ci dans le cadre d’un contrat de coupe de bois. Lors de l’audience, le travailleur ne s’oppose pas à la requête incidente de l’employeur Barrette-Chapais. Compte tenu de la preuve, il y a lieu de déclarer que l’employeur Barrette-Chapais ne fait pas partie des employeurs concernés par la réclamation du travailleur et qu’en conséquence, ce dernier doit être mis hors de cause.

 

Demandes refusées

Lévesque et Bertrand Boulanger Construction inc.[2005] C.L.P. 417.

L’imputation du coût des prestations à un ou plusieurs employeurs répond pour sa part à d’autres critères : la nature du travail exercé pour le compte de chaque employeur ainsi que la proportion relative de la durée de travail et de l’importance du danger que présentait ce travail chez chacun d’entre eux, notamment.  Elle est soumise aux règles énoncées aux articles 326 et suivants de la Loi, particulièrement celles contenues à l’article 328 pour les cas de maladie professionnelle. L’un des principes sous-jacents à ces dispositions est que la CSST doit statuer à cet égard, en premier lieu, ce qu’elle n’a pas encore eu l’occasion de faire, dans le présent dossier. L’objet du présent recours, soit l’admissibilité d’une réclamation pour lésion professionnelle, est donc distinct de celui visant à déterminer l’imputabilité financière respective de chacun des employeurs concernés par une lésion professionnelle reconnue chez un travailleur dont ils se sont successivement partagé les services au fil des ans.  Le mécanisme de résolution de tout litige survenant à l’occasion du débat portant sur l’imputation est différent de celui entretenu à l’égard de l’indemnisation de la victime.  Les dispositions législatives pertinentes à l’un et l’autre recours sont différentes. Pour ces raisons, il n’est pas opportun pour le Tribunal de se prononcer sur la demande alternative formulée par le procureur de l’employeur.  Il appartiendra à ce dernier d’exercer le recours approprié pour faire valoir sa position sur le sujet.

 

Boucher et Caron Réfrigération inc., C.L.P. 247874-61-0411, 13 décembre 2005, L. Nadeau.

La CLP possède de larges pouvoirs. Elle peut décider de toute question de droit ou de fait. Elle peut rendre les ordonnances nécessaires. Elle doit cependant exercer ses pouvoirs dans le cadre du litige dont elle est saisie. Dans le présent dossier, la CLP est saisie d’un recours formé par le travailleur à l’encontre de la décision refusant sa réclamation pour maladie professionnelle. La CLP doit déterminer si le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle. Or les demandes formulées par R.P. et Lys visent à ce que la CLP se prononce sur leurs contributions respectives à la maladie professionnelle dont est atteint le travailleur. Ceci est une question d’imputation des coûts. La CLP rejette donc la requête soumise par R.P. et la demande formulée par Lys. Il leur appartiendra de faire valoir leurs arguments dans le cadre du débat portant sur l’imputation des coûts de la maladie professionnelle.

 

Coffrages CCC ltée et Ouellet, C.L.P. 261951-01A-0505, 1er décembre 2006, L. Nadeau.

Trois employeurs demandent d’être mis hors de cause en invoquant la courte durée d’emploi du travailleur à leur service respectif. La CLP ne peut faire droit à ces demandes dans le cadre du présent litige. La CLP possède en vertu des articles 377 et 378 de la Loi de larges pouvoirs. Elle peut décider de toute question de droit ou de fait. Elle peut rendre les ordonnances nécessaires. Elle doit cependant exercer ses pouvoirs dans le cadre du litige dont elle est saisie. Dans le présent dossier, la CLP est saisie d’un recours formé par deux employeurs à l’encontre de la décision acceptant la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle. Tel que signalé plus haut, la CLP doit déterminer si le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle eu égard à la loi et à la preuve soumise. Or les demandes formulées par les employeurs visent à ce que la CLP se prononce sur leurs contributions respectives à la maladie professionnelle dont est atteint le travailleur. Ceci est une question d’imputation des coûts. La CLP rejette donc les demandes des employeurs visant à les faire mettre hors de cause quant à la présente réclamation. Il leur appartiendra de faire valoir leurs arguments concernant la durée du travail et l’importance du danger que comportait ce travail chez chacun d’entre eux dans le cadre du débat portant sur l’imputation des coûts de la maladie professionnelle.

 

Guimont et MBI Corexcel inc., 2014 QCCLP 3004.

En ce qui concerne la demande de l’employeur M.B.I. Corexcel inc. d’être mis hors de cause dans ce dossier, le Tribunal ne peut y faire droit, puisque le témoignage du travailleur démontre que les tâches effectuées chez cet employeur comportaient également des facteurs de risque significatifs ayant contribué au développement de sa maladie professionnelle. De plus, le Tribunal estime que dans le cadre des litiges dont il est actuellement saisi, litiges portant exclusivement sur la reconnaissance d’une lésion professionnelle, il n’est pas approprié d’ordonner à la CSST de rendre des décisions d’imputation en fonction  de critères particuliers, telles les heures travaillées inscrites au relevé de la Commission de la Construction du Québec. À cet égard, il appartiendra aux employeurs en cause de faire valoir leurs prétentions auprès de la CSST lorsque celle-ci rendra les décisions d’imputation qu’elle estime justifiées de rendre ou de contester les décisions rendues à cet effet.

 

Entreprises de construction OPCR et Acoustique JCG inc., 2015 QCCLP 925.

Le Tribunal ne peut faire droit à la demande de l’employeur d’être mis hors de cause dans le présent dossier. En effet, bien qu’il soit possible que l’exposition du travailleur aux facteurs de risques ci-haut décrits ait été moindre en raison de l’utilisation, chez l’employeur, d’équipements de transport et de levage, il n’en demeure pas moins que malgré l’utilisation de ceux-ci, des facteurs de risques significatifs demeuraient présents. Il reviendra ainsi à la CSST d’analyser cet élément, soit l’importance du danger, lorsqu’elle procédera à l’imputation des coûts de la maladie professionnelle reconnue entre les employeurs en cause, comme le prévoit l’article 328 de la Loi.