Interprétation

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. 9. Pouvoir du Tribunal

Le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence

La détermination de l'objet du litige

Dans l'exercice de sa compétence, le TAT possède les pouvoirs nécessaires pour déterminer la portée de la contestation d'une partie et l'objet du litige dont il est saisi.

Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque,[1993] 1 R.C.S. 471.

Un tribunal spécialisé tel que la CLP, a le pouvoir de déterminer le cadre du litige. Il doit identifier les questions qu'il doit résoudre et décider des éléments de preuve qui sont pertinents pour rendre sa décision.

 

Rousseau et Demathieu & Bard-Cogerco, s.e.n.c.,C.L.P. 312245-05-0703, 15 mars 2010, L. Boucher.

Les pouvoirs prévus par l'article 377 LATMP permettent à la CLP de déterminer la portée de la contestation des parties et d’identifier les questions qu’elle doit résoudre pour décider de l’affaire qui lui est soumise.

 

Martin et Commission de la santé et de la sécurité du travail,2014 QCCLP 3142.

La CLP a toute la latitude requise pour établir l'objet de la contestation qui lui est soumise. Elle possède, comme tout autre tribunal administratif, le pouvoir de déterminer l'objet du litige dont elle est saisie. La lecture du formulaire de contestation rempli par le travailleur, lequel alléguait souffrir de séquelles de sa lésion professionnelle initiale et précisait qu'il n'avait jamais été indemnisé à cet égard, permet de constater que la détermination de l'objet de la contestation que la première juge administrative a faite lui est fidèle. Il y a lieu de distinguer la substance même du litige du véhicule emprunté pour la faire apparaître. Bien que la CSST ait traité le cas comme une réclamation pour RRA, cela n'empêchait pas pour autant la CLP de considérer le fond du véritable problème soulevé par la contestation du travailleur et d'analyser la situation dans une perspective globale.

 

Canadelle, s.e.c. et Commission de la santé et de la sécurité du travail,2014 QCCLP 6290.

Le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence et de rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui aurait dû être rendu en premier lieu. Il a aussi les pouvoirs d'un commissaire-enquêteur nommé en vertu de la LCE et celui de rendre toute ordonnance propre à sauvegarder les droits des parties. Ce sont de larges pouvoirs qui permettent au tribunal non seulement d'actualiser le dossier aux fins de rendre une décision, mais également de déterminer la portée de la contestation des parties et d'identifier les questions qu'il doit résoudre pour trancher l'affaire, dans le cadre de sa compétence.

 

Suivi : 

Pourvois en contrôle judiciaire rejetés, 2016 QCCS 2806.

Gauthier et Produits de Marque Liberté,2015 QCCLP 6858.

Le litige portait uniquement sur la question de la capacité de la travailleuse à exercer son emploi prélésionnel et aucune décision de la CSST n'avait été rendue sur la réadaptation. L’emploi prélésionnel est un emploi convenable à la suite d'une lésion professionnelle antérieure survenue chez le même employeur. La CLP pouvait se saisir de la question du droit à la réadaptation puisque celle-ci était intrinsèquement liée à la capacité de travail de la travailleuse. Le tribunal a toute la latitude requise pour identifier le véritable objet de la contestation qui lui est soumise et ne doit pas adopter une interprétation trop restrictive de ses pouvoirs.

 

Mazhar et Résidence Navarro, s.e.c.,2016 QCTAT 1260.

Le premier juge administratif a confondu ou assimilé compétence d’attribution et détermination de l’objet du litige mu par la travailleuse. En se servant de la notion de compétence seule, il a également tranché sur l’étendue du litige alors qu’il s’agit de questions différentes qui doivent l’une et l’autre être réglées afin de résoudre le moyen préliminaire. En d’autres termes, ce n’est pas tout de constater que le Tribunal a compétence sur la contestation, il faut déterminer quelle est l’étendue de celle-ci. En l’espèce, il s’agissait de déterminer si la travailleuse pouvait, au moyen de la contestation qu’elle a produite, remettre en cause le refus initial de la CSST de reconnaître le diagnostic de dépression re alors qu’il n’a pas fait l’objet de la décision qu’elle conteste.

 

Yargeau et Ressource en entretien ménager,2016 QCTAT 4502.

La qualification de ce qui constitue l’objet du litige fait partie des pouvoirs du Tribunal qui doit non seulement cerner les questions en litige, mais aussi identifier celles qui ont déjà été décidées de façon finale et irrévocable et qu’il ne peut remettre en question.

 

Perreault et CSN employeur,2017 QCTAT 1467.

Dans le cadre de l’exercice de sa compétence, le Tribunal a toute la latitude nécessaire afin d’identifier la portée de la contestation et le véritable objet du litige dont il est saisi. Lorsqu’il délimite le cadre du litige et lorsqu’il en dispose, le Tribunal ne rend pas une décision sur l’existence de sa compétence à l’égard d’une matière couverte par l’article 6 de la LITAT, mais une décision qui vise à cerner sur quelle question portera sa décision finale. Ce faisant, il exerce les pouvoirs qui lui sont dévolus par la LATMP et la LITAT. La jurisprudence favorise une interprétation large de ce qui constitue la portée d’une contestation, de manière à permettre au Tribunal d’exercer pleinement les pouvoirs que lui a confiés le législateur et qui visent à mettre fin au débat avec célérité et à éviter les retours de dossiers à la Commission, favorisant ainsi une saine administration de la justice.

 

Harvey et Gestions Éric Melançon inc. (Les),2017 QCTAT 1818.

L’exercice même de la compétence du Tribunal lui donne les pouvoirs de déterminer la portée de la contestation qui lui est soumise et d’identifier les questions de droit qu’il est appelé à résoudre pour décider de l’affaire.

 

Voir également : 

Gestion SGH inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2012 QCCLP 3638.

Deschênes et CHSLD Providence N-D-de-Lourdes, 2015 QCCLP 3090.

Le Tribunal ne peut élargir l’objet du litige au point d’inclure un sujet dont la décision ne traite pas.

Harvey et Gestions Éric Melançon inc. (Les),2017 QCTAT 1818.

La loi ne permet pas au Tribunal du travail d’élargir l’objet d’une contestation au point d’inclure un sujet dont la décision contestée ne traite pas, ce qui équivaudrait à porter en appel ce sujet avant même qu’une juridiction de première instance ne se soit d’abord prononcée à cet égard.

 

Coopérative forestière Haut Plan Vert et Côté,2019 QCTAT 5751.

Bien qu’il soit possible de restreindre l’objet d’une contestation, on ne peut élargir les débats au point d’inclure un sujet qui n’est pas traité dans la décision contestée devant le Tribunal. Ceci équivaudrait à porter un litige devant le tribunal d’appel avant qu’aucune juridiction de première instance ne l’ait d’abord tranché. Ce faisant, le Tribunal se substituerait au premier palier décisionnel désigné par le législateur, court-circuitant ainsi le processus décisionnel.

 

Une partie peut contester la décision rendue à la suite d’une révision administrative même si elle n’a pas demandé la révision de la décision initiale

Une partie peut contester la décision rendue par la CNESST, à la suite d'une révision administrative, même si elle n'avait pas au préalable contesté la décision initiale de la CNESST.

Timmons et Sport Maska inc.,2012 QCCLP 1691.

Lorsque le Tribunal est valablement saisi d'une contestation, il doit se saisir du litige dont avait été saisie la révision administrative, et ce, peu importe qui avait initié la contestation à la révision administrative et qui initie la contestation à la CLP. La CLP doit se saisir de l'objet dont était saisie la révision administrative puisqu'aucune preuve n'a établi que la partie requérante avait circonscrit le débat devant la révision administrative. Il importe peu, dans cette situation, de savoir si la partie requérante à la CLP avait valablement contesté la décision initiale de la CSST.

 

Hôpital Maisonneuve-Rosemont et Marcoux,2014 QCCLP 6448.

Il s'agit de déterminer le droit d'une partie de contester une décision rendue à la suite d'une révision administrative alors qu'elle n'avait pas contesté la décision initialement rendue par la CSST. Chaque nouvelle décision entraîne de nouveaux droits de contestation pour toutes les parties. Lorsqu'un sujet continue de faire l'objet d'une contestation au fil des différents paliers, peu importe qui l'a engagée, ce sujet n'a pas acquis un caractère de finalité et la CLP a le pouvoir de s'en saisir.

 

Innocent et Résidence Saint-Raphaël Île Bizard,2014 QCCLP 6945.

L'employeur a contesté la décision de la CSST portant sur l'emploi convenable et la date de la capacité de la travailleuse à exercer son emploi. Il contestait la date de la capacité à exercer l'emploi retenue. La révision administrative s’est prononcée non seulement sur la contestation de l'employeur, mais sur l'objet du litige global. La CLP considère que la révision administrative n’a pas à limiter la portée de sa compétence uniquement sur les arguments de l'employeur. La contestation de la travailleuse est pleinement recevable sur tous les sujets, même si l'employeur contestait seulement un aspect lors de sa contestation à la révision administrative.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 3018.

Le Tribunal est limité par l’objet du litige tel que circonscrit par la partie qui conteste

Selon le courant jurisprudentiel fortement majoritaire, la partie intéressée ne peut se servir de la contestation de la partie requérante pour remettre en question un sujet autre que celui qui fait l’objet de la contestation.

Les tenants de ce courant sont d’avis que le pouvoir de novo n’est pas attributif de compétence et ne permet pas d’élargir le débat à une question qui ne fait pas l’objet d’une contestation.

Par contre, à partir du moment où un sujet fait l’objet d’une contestation valablement produite par une partie requérante, la partie intéressée peut faire valoir ses propres arguments sur le sujet contesté.

Circonscrit par le biais de l’actif introductif ou à l’audience

Mercille et Hewitt Équipement ltée,[2004] C.L.P. 1311.

Lorsque la partie requérante détermine l’objet de sa contestation, la partie intéressée peut faire valoir ses prétentions sur l’objet du litige seulement. La CLP ne peut se prononcer sur un sujet autre que celui visé, à la fois par les décisions rendues par l’instance de révision et par le recours formé par la partie requérante devant elle.

 

Hôpital Maisonneuve-Rosemont et Akadji,2011 QCCLP 2735.

Une partie ne peut revendiquer de façon indirecte un droit échu, mais peut faire des représentations sur l’objet de contestation de la partie qui a contesté la première décision dans les délais.

 

Bowater pâtes et papier (Gatineau) et Kehoe,2011 QCCLP 3636.

Une partie ne peut se servir de la contestation de l’autre partie pour faire renaître un droit qu’elle n’a pas valablement exercé, bien qu’elle puisse profiter de la contestation de l’autre pour faire valoir ses propres arguments à propos du sujet en litige. C’est la contestation de la partie insatisfaite de la décision rendue par l’instance de révision de la CSST qui circonscrit le litige sur lequel elle est appelée à se prononcer. Le tribunal doit donc s’en tenir exclusivement au cadre déterminé, à la fois par le recours dont il est saisi et par la décision contestée.

 

Société des traversiers du Québec et Javaux,2012 QCCLP 2353.

La CLP a le pouvoir et même le devoir de rendre sa décision en fonction de toute la preuve présentée devant elle. Elle n’est pas limitée aux prétentions avancées par la partie requérante. Les prétentions de la partie intéressée sur l'objet du litige font partie de la preuve et doivent être analysées. Comme la contestation de l'employeur porte sur les cinq sujets médicaux de l'avis du BEM, le travailleur pouvait faire des représentations sur le diagnostic et la date de consolidation et la CLP devait en tenir compte dans son analyse de la preuve.

 

Soucy et Groupe GBL,2019 QCTAT 19.

Une partie ne peut se servir de la contestation de l’autre partie pour faire renaître un droit qu’elle n’a pas valablement exercé, bien qu’elle puisse profiter de la contestation de l’autre pour faire valoir ses propres arguments à propos du sujet en litige. Même si le Tribunal jouit de vastes pouvoirs et tient une audience de novo, c’est la contestation de la partie insatisfaite de la décision rendue par l’instance de révision qui circonscrit le litige sur lequel il est appelé à se prononcer. Le Tribunal doit donc s’en tenir exclusivement au cadre déterminé à la fois par le recours dont il est saisi et la décision contestée.

 

Transport Logi-Pro inc. et Émond,2019 QCTAT 4014.

De manière générale, la jurisprudence a établi qu’une partie qui n’a pas contesté une décision ne peut se servir de la contestation de l’autre partie pour remettre en question un autre sujet que celui qui fait l’objet de la contestation. Il peut seulement faire valoir son point de vue et ses arguments sur un sujet qui est valablement contesté par l’autre partie et demander au Tribunal de modifier à son avantage cet aspect de la décision.

 

Société en commandite Floréa et Jean-Charles,2019 QCTAT 5242.

À partir du moment où un sujet fait I’objet d’une contestation valablement produite par la partie requérante, Ia partie intéressée peut faire valoir ses propres arguments sur le sujet contesté.

 

Voir également :

Centre hospitalier de l'Université de Montréal - Pavillon Mailloux et Chartrand, 2013 QCCLP 3713.

Suivi :

Désistement de la requête en révision, 31 octobre 2016.

Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec et Germain, 2018 QCTAT 4064.

Selon une position minoritaire, le Tribunal peut se prononcer sur toute question traitée initialement par la CNESST, même si la partie requérante a circonscrit la portée de sa contestation devant le Tribunal.

Dumais et CSSS de la Vieille Capitale,C.L.P. 299163-31-0609, 14 février 2008, M. Beaudoin.

La décision de la CSST rendue à la suite d’un avis du membre du BEM précise le diagnostic, les soins ou traitements, l’atteinte permanente, les limitations fonctionnelles et la date de consolidation relativement à la lésion professionnelle alléguée. Tenant compte de ces précisions, la CSST conclut que la travailleuse n’a pas été victime d’une lésion professionnelle. La travailleuse fait valoir que le Tribunal doit retenir les deux diagnostics discutés par le BEM parce qu’elle ne les remet pas en cause. La CLP croit plutôt qu’elle tire sa compétence de la Loi et qu’elle n’est pas limitée aux seules demandes de la travailleuse. Dans l’exercice de ces pouvoirs, la CLP doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Elle exerce une compétence « de novo », ce qui l’autorise à actualiser le dossier et plus particulièrement en l’espèce, à apprécier si, selon la prépondérance de la preuve, les deux diagnostics doivent être retenus. Ce n’est qu’après avoir décidé de cette question qu’elle pourra déterminer si le ou les diagnostics traduisent la survenance de lésions professionnelles.

 

Orellana et Fabricville Co.,C.L.P. 374074-71-0903, 25 août 2010, R. Goyette.

La CLP n’est pas limitée aux seules demandes de la partie qui conteste une décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative ou, autrement dit, le tribunal n’est pas limité par l’objet de la contestation. Dans la présente instance, la compétence de la Commission des lésions professionnelle prend sa source dans la décision initialement rendue le 21 janvier 2009 par la CSST à la suite de l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale, qui s’est prononcé sur les cinq questions médicales prévues à l’article 212 de la Loi, y incluant le diagnostic, laquelle a d’ailleurs été confirmée par la décision rendue le 20 mars 2009 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

 

Circonscrit à la CNESST, lors d’une révision administrative

Le même principe s’applique à la décision rendue par la CNESST, à la suite d’une révision administrative. Lorsque cette instance ne s’est pas prononcée sur un sujet énoncé dans la décision initiale parce que la partie demandant la révision ne l’a pas contesté, le Tribunal ne peut davantage s’en saisir.

Boucher et Bacon international Inc.,C.L.P. 158687-04B-0104, 2 mai 2002, F. Mercure.

La CLP est d’avis que la révision administrative de la CSST s’est prononcée ultra-petita lorsqu’elle s’est prononcée sur les cinq questions prévues par l’article 212 de la Loi, alors que seule la date de consolidation était contestée par la travailleuse. En conséquence, la CLP conclut qu’elle n’a compétence que pour se prononcer sur la question de la date de consolidation.

 

Deraîche et Groupe Aecon ltée,C.L.P. 190384-72-0209, 7 mai 2003, F. Juteau.

Comme l’employeur a limité l’objet de sa demande de révision à la date de consolidation, la CSST a excédé sa compétence en se prononçant sur les autres questions prévues par l’article 212 de la Loi. La décision rendue sur ces questions ne peut conférer compétence à la CLP pour s’en saisir à son tour, puisque la décision sur ces aspects a été irrégulièrement rendue. Le pouvoir de procéder De novo ne permet ni d’élargir ni de restreindre l’étendue du cadre dans lequel peut s’exercer la compétence du Tribunal.  Il s’agit essentiellement d’une procédure qui peut être utilisé à l’intérieur d’une compétence donnée.

 

Ameublements Québéko inc. et Contant,C.L.P. 173817-64-0111, 10 mars 2004, J-F Martel.

Permettre à toutes les parties intéressées de remettre en question toutes et chacune des multiples facettes d’un dossier, à chaque palier, sans même exiger qu’elles manifestent formellement leur désaccord avec une décision rendue reviendrait à nier le principe de la stabilité des décisions. Dans un tel système, travailleurs comme employeurs ne sauraient à quoi s’en tenir quant à leurs droits respectifs puisque, à tout moment, un recours pourrait venir chambarder ce qu’à juste titre ils considéraient acquis, sans même avoir été annoncé en temps utile. Le principe qu’il faut dès lors appliquer est le suivant : la CLP ne peut se prononcer sur un sujet autre que celui - ou ceux - visé(s), à la fois, par la décision rendue à la suite de la révision administrative et par le recours effectivement formé par la partie requérante devant elle.

 

Fields et Réparations Richard Cloutier inc.,2015 QCCLP 5205.

La CSST rend une décision en révision administrative par laquelle elle rejette la demande de révision de l’employeur et confirme que le travailleur a subi une lésion professionnelle. La CSST ajoute qu'elle ne se prononce pas sur le refus de la hernie cervicale, puisque cette conclusion ne fait pas partie de l'objet de la contestation de l'employeur. Le Tribunal estime que la contestation du travailleur à l'encontre de cette décision ne lui permet pas de contester le refus par la CSST de reconnaître le diagnostic de hernie cervicale à titre de lésion professionnelle. Une partie ne peut utiliser le véhicule procédural d'une autre partie pour faire renaître un droit qu'elle n'a pas valablement exercé.

 

Autobus Deux-Montagnes (1983) inc. et Nile,2016 QCTAT 4716.

La réviseure ne se prononce pas sur la relation entre la déchirure de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et l'événement, car l'employeur n'est pas lésé par cette portion de la décision, qu'il n'a pas intérêt à en demander la révision et que le travailleur ne l'a pas contestée. Puisque la décision rendue par la réviseure ne porte pas sur cette question, le travailleur ne pouvait se servir de son recours à l'encontre de cette décision pour contester le refus de reconnaître la déchirure de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche à titre de lésion professionnelle.

 

Duchesne et Restaurant Franciska enr.,2017 QCTAT 2546.

L’assise juridique du Tribunal est la décision de la Commission rendue le 29 mars 2016, à la suite d’une révision administrative qui a été valablement contestée par la travailleuse. Or, une simple lecture de cette décision confirme qu’elle portait uniquement sur les modalités de remboursement des frais relatifs aux travaux d’entretien courant du domicile, conformément à l’objet de la contestation que la travailleuse avait limité à cette question. Au surplus, devant la présente instance, la ravailleuse a réitéré qu’elle ne remettait pas en question le refus de remboursement des frais de certains travaux d’entretien courant du domicile, mais uniquement l’exigence de la Commission de fournir deux soumissions d’entrepreneurs détenteurs de numéros de TPS et TVQ. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que le premier juge administratif ne pouvait se prononcer sur le refus de la Commission de rembourser certains frais relatifs aux travaux d’entretien courant du domicile, en l’absence de contestation.

 

 Selon une position minoritaire, le Tribunal peut se prononcer sur toute question traitée initialement par la CNESST, même si la partie requérante a circonscrit la portée de sa contestation devant la révision administrative.

Marché Bel-Air inc. et Desrochers,C.L.P. 90831-63-9708, 13 mai 1999, D. Beauregard.

La CLP constate que la décision du Bureau de révision apprécie une preuve essentiellement basée sur la date de consolidation de la lésion. Toutefois, cette décision, dans son dispositif, maintient la décision de la Commission du 18 décembre 1996 sans en exclure aucun aspect. En ce sens, la CLP est d’avis que le Bureau de révision s’est saisi implicitement de l’ensemble de la décision de la Commission. Même si le Bureau de révision ne s’en était pas saisi par omission, la CLP peut s’en saisir. La compétence de novo de la CLP signifie qu’elle peut prendre en considération toute preuve pertinente, analyser tous les faits et apprécier tous les motifs d’une décision, même si cette preuve ou ces motifs n’ont pas été soulevés ou analysés pour en arriver à la décision portée en appel. 

 

Industries Canatal inc. (usine) et Syndicat Industries Canatal,C.L.P. 318485-03B-0705, 4 octobre 2007, R. Jolicoeur.

La compétence de novo de la CLP signifie qu’elle peut considérer toute preuve pertinente, analyser tous les faits et apprécier tous les motifs d’une décision, même si cette preuve ou ces motifs n’ont pas fait l’objet d’une analyse ou n’ont pas été soulevés pour en arriver à une décision contestée. Cette compétence ne lui permet toutefois pas de réviser l’ensemble du dossier. Bref, la compétence de la CLP lui permet de revoir l’ensemble de la décision initiale contestée même si la révision administrative ne touche qu’un aspect de cette décision.

 

Questions indissociables

Le Tribunal peut exceptionnellement se prononcer sur une question qui est indissociable de l’objet du recours dont il est saisi, même si cette question ne fait pas l’objet du recours exercé.

Ameublements Québéko inc. et Contant,C.L.P. 173817-64-0111, 10 mars 2004, J.-F. Martel.

La CLP ne peut se prononcer sur un sujet autre que celui visé, à la fois par la décision rendue à la suite de la révision administrative et par le recours effectivement formé par la partie requérante devant elle. La jurisprudence du tribunal et de son prédécesseur reconnaît cependant une exception à cette règle, celle de la question indissociable. La CLP peut se prononcer sur une question qui, bien qu’elle ne fasse pas l’objet du recours dont elle est saisie, en est indissociable.

 

D. B. et École secondaire A,2012 QCCLP 370.

Lorsque le tribunal est valablement saisi d'une contestation, il doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Cela implique que tous les aspects indissociables à l'objet du litige peuvent être examinés de nouveau. 

 

Berthiaume et M.C. Rainville inc.,2015 QCCLP 2239.

Une partie ne peut se servir de la contestation de l’autre partie pour saisir le tribunal d’une question si elle n’a pas déposé elle-même de contestation sur cette même question puisque cet aspect ne fait pas l’objet du recours formé devant le tribunal. La jurisprudence reconnaît cependant que la CLP peut exceptionnellement se prononcer sur une question qui est indissociable de l'objet du recours dont elle est saisie.

 

Verret et 2962-0341 Québec inc. (Peinture Inotech),2016 QCTAT 524.

La compétence du Tribunal est limitée par l’objet du litige déterminé par la partie requérante. Ainsi, une autre partie ne peut se saisir de cette contestation pour élargir la portée du débat, sans avoir contesté elle-même la décision. Toutefois, il y a une exception à cette règle. Elle concerne une question qui, bien que ne faisant pas l’objet du litige dont est saisi le Tribunal, en est indissociable.

 

Auberge Aux Trois Pignons inc. et Ouellet,2018 QCTAT 3795.

Comme l’employeur a choisi de limiter sa contestation à certains objets de la décision en cause, la compétence du Tribunal est alors limitée à ces seuls objets. Il s’agit d’une sorte d’amendement apporté à la contestation de l’employeur afin de la préciser, de l’étoffer, et de cerner l’objet du litige. C’est cette contestation amendée qui circonscrit la compétence du Tribunal, un tel amendement ayant pour effet ni plus ni moins que de constituer un désistement partiel quant aux sujets apparemment contestés par la requête initiale.

 

Le Tribunal n’est pas lié par les prétentions des parties lorsqu’il doit rendre sa décision sur les sujets contestés

Aux fins de rendre sa décision sur un sujet valablement contesté, le Tribunal n’est pas limité à déterminer le droit additionnel de la partie requérante au-delà de la décision rendue par la CNESST sur cette question. Il doit rendre la décision qui aurait dû être rendue et en ce sens, il n’est pas lié aux prétentions des parties.

Bénard et Montacier inc.,[2003] C.L.P. 29.

Le Tribunal en arrive à la conclusion de droit que sa compétence juridictionnelle ne s’en limite pas, dans le présent cas, à « bonifier » ou non ce que le travailleur a déjà obtenu à la suite de la révision administrative quant à la date de consolidation de sa lésion et quant aux soins et traitements justifiés.  Il a pleine latitude pour se prononcer sur ces sujets et rendre la décision qu’il juge appropriée à la lumière de la preuve légalement offerte ; une démarche d’analyse qu’il convient maintenant d’amorcer.

 

M.B.I. Corexcel inc. et Larocque,C.L.P. 287167-02-0604, 6 septembre 2007, J-F Clément.

Le Tribunal possède le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu de sorte qu’il peut fixer les limitations fonctionnelles qu’il estime appropriées, tout comme il peut n’en fixer aucune si c’est vers cette solution que l’amène la preuve. Ce pouvoir s’exerce indépendamment des prétentions des parties. Le Tribunal n’est aucunement limité par les demandes ou les arguments des parties sur la question en litige, de sorte que son rôle ne se limite pas à disposer simplement du bien-fondé de la décision contestée. Ainsi, la compétence du Tribunal ne se limite donc pas à seulement confirmer ou diminuer les limitations fonctionnelles octroyées par le Bureau d’évaluation médicale, mais il peut également les augmenter, comme le demande le travailleur.

 

Lafrance et Rénovation Guy Lord inc.,C.L.P. 324698-04-0708, 8 avril 2008, J-F Clément.

La compétence de la CLP ne se limite pas à bonifier ou non ce qu’un requérant a déjà obtenu, dans le cas sous espèce quant à la date de consolidation, puisque le tribunal a pleine latitude pour se prononcer sur les sujets dont il est saisi afin de rendre la décision la plus appropriée à la lumière de la preuve.

 

Verdon et The Gazette,C.L.P. 321906-64-0706, 26 juin 2008, D. Armand.

Le pouvoir du Tribunal ne se limite pas à confirmer la date de consolidation retenue par le membre du BEM et la CSST ou à retenir une date ultérieure de consolidation.  Le Tribunal étant saisi de la question de la consolidation, il a pleine latitude sur ce sujet et peut rendre la décision qu’il juge appropriée à la lumière de la preuve offerte.

 

Commonwealth Plywood ltée et Murphy,C.L.P. 363622-64-0811, 15 juillet 2009. J-P Arsenault.

Le rôle du tribunal administratif chargé de trancher les litiges découlant d’une loi qui relève de sa compétence, est celui de rechercher la vérité afin de voir à sa juste application. Il doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. En sa qualité de gardien de l'application d'une loi d'indemnisation à caractère social, il n'est pas lié par les prétentions des deux protagonistes principaux que sont le travailleur et l'employeur, non plus que par celles de la CSST ou du BEM. Ainsi, sa compétence juridictionnelle ne se limite pas à « bonifier » ou non le processus de réparation offert à la personne qui a été victime d’une lésion professionnelle. Il a pleine latitude pour se prononcer sur cet aspect et les questions qui en découlent et rendre la décision qu’il juge appropriée selon la preuve qui lui est légalement soumise.

 

Côté et Hôpital Rivière-des-Prairies,2013 QCCLP 856.

En prétendant que la requête présentée au Tribunal ne peut concerner que l’évaluation de limitations fonctionnelles dont l’existence doit être prise pour acquise, la travailleuse va à l’encontre du principe selon lequel le Tribunal n’est pas limité à déterminer le droit additionnel d’un appelant au-delà de la décision de la CSST sur cette question mais qu’il peut la remettre en cause ab origine, comme l’enseigne la Cour d’appel du Québec.

 

 Suivi :

Désistement de la requête en révision, 13 janvier 2014.

Récupération Thériault inc. et Trempe,2020 QCTAT 729.

Le Tribunal doit rendre sa décision en fonction de toute Ia preuve présentée devant lui. Il n’est pas limité aux prétentions avancées par Ia partie requérante. Les prétentions de Ia partie intéressée sur l’objet du litige font aussi partie de Ia preuve et doivent être analysées.

 

Voir également :

Brière c. Laberge, [1985] R.D.J. 599 (C.A.).

Suivi :

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 19601.

Précision du diagnostic

La plupart des décideurs acceptent de préciser le diagnostic contesté devant eux lorsque la preuve médicale soutient une telle conclusion.

Réal Grandmaison inc. et Provost,2014 QCCLP 2921.

En référant à la condition arthrosique du travailleur, le médecin traitant souligne que cette pathologie a influé dans la genèse de la déchirure méniscale. Comme le litige porte sur l’admissibilité de cette nouvelle lésion, le Tribunal n’entend pas départager la part contributoire de la condition personnelle et du fait accidentel dans la production de la lésion professionnelle. Cela fera l’objet d’un autre débat lors d’une éventuelle demande de partage de coûts. Le Tribunal peut cependant préciser le diagnostic de la lésion professionnelle lorsque la preuve médicale permet d’éclaircir cette question. En l’instance, le diagnostic de la lésion professionnelle est une aggravation d’une déchirure au ménisque interne du genou gauche sur une ostéoarthrose sous-jacente. Ce diagnostic se concilie avec l’opinion du médecin traitant, sauvegarde tous les droits du travailleur et rend justice à l’employeur.

 

Voir également :

Sears Canada inc. et Bourassa, 2015 QCCLP 6857.

Coopérative forestière Haut Plan Vert et Michaud, 2016 QCTAT 6239.

Lemire et CSSS du Témiscamingue, 2019 QCTAT 3337.

Goulet et Produits forestiers Temrex, 2020 QCTAT 436.

Protomach inc. et Lépine, 2020 QCTAT 810.

Acier d'Armature 2000 inc. et Turner, 2021 QCTAT 2676.

À l'opposé, d'autres refuseront, surtout lorsque la demande vise à bonifier une demande de partage des coûts. Ces décideurs sont d'avis qu'une telle précision (aggravation) n'apporte rien, puisque le Tribunal n’est pas lié par une décision antérieure déclarant qu’une lésion professionnelle s’est manifestée sur une condition personnelle préexistante.

Roger Foster et Fils inc. et Hovington,2018 QCTAT 2919.

L’employeur ne conteste pas la relation entre le diagnostic de hernie discale L3-L4 gauche et la lésion professionnelle, mais demande au Tribunal de déclarer qu’il survient sur une condition personnelle préexistante aggravée lors de l’événement. L’employeur n’a pas précisé l’objectif poursuivi par sa demande, mais le Tribunal en déduit que cette démarche vise à préparer une éventuelle demande de partage d’imputation. Toutefois, il ne s’agit pas de l’objet du présent litige. Dans la mesure où aucun litige n’existe entre les parties au sujet de la reconnaissance d’une hernie discale L3-L4 gauche, le Tribunal considère sans objet la demande de l’employeur. En effet, la demande de l’employeur n’a aucun impact sur les droits du travailleur et ne lui est d’aucune utilité, dans la mesure où le Tribunal ne sera pas lié par les conclusions de la présente décision dans le cadre d’une demande de partage des coûts. Il n’y a pas donc lieu d’actualiser le dossier.

 

Voir également :

Petit-Homme et Résidence Biermans, 2018 QCTAT 4126.

Service de pneus Lavoie Outaouais et Miller, 2019 QCTAT 5572.

Costco-Brossard – Division Entrepôt et Fortin, 2020 QCTAT 2816.

Moyen d’irrecevabilité fondé sur l’existence d’une transaction ou d’un accord, ou la validité d’un désistement

L’existence d’un accord ou d’une transaction

Le Tribunal possède les pouvoirs nécessaires pour statuer sur toutes questions incidentes dont un moyen d’irrecevabilité fondé sur l’existence d’une transaction ou d’un accord.

Zambito et Joseph Ribkoff inc.,[2004] C.L.P. 824.

Les articles 349, 369 et 377 relatifs à la compétence et à l’étendue des pouvoirs de la CLP permettent au tribunal de disposer de toute question incidente au fond d’un litige, dont un moyen d’irrecevabilité fondé sur l’existence d’une transaction ou la validité d’un désistement.

 

Compagnie Commonwealth Plywood ltée c. Commission des lésions professionnelles,2007 QCCS 475.

La CLP a le pouvoir de statuer sur des questions de droit ou de fait nécessaires à l’exercice de sa compétence, dont la question de la présence ou non d’une transaction intervenue entre les parties. Pour décider s’il y a véritablement transaction et rencontre des volontés à la suite d’un échange de consentement libre et éclairé, la CLP doit faire appel à l’interprétation de la preuve soumise devant elle.

 

Louise Thomas et Villa Médica inc., C.L.P. 324171-71-0707, 12 septembre 2008, D. Lévesque.

La CLP peut se prononcer sur l'existence d'une transaction au sens de l'article 2631 du Code civil du Québec, sur la validité d'un désistement ou d'un accord.

 

Corbeil et Emplois Compétences inc.,2013 QCCLP 568.

La jurisprudence reconnaît que la CLP a le pouvoir de déterminer si elle est saisie ou non d'une contestation et notamment, de décider s'il y a eu désistement de la part de la partie requérante. Ce pouvoir existe indépendamment de la production ou non d'un désistement écrit.

 

Vidakovic et Pavillon Argyll,2014 QCCLP 866.

La jurisprudence a statué à plusieurs reprises que le Tribunal peut, en vertu de l'article 377 LATMP, se prononcer par l'entremise d'un moyen préalable, sur l'existence ou non d'une transaction et, conséquemment, sur la validité d'un désistement.

 

Suivis : 

Révision rejetée, 2014 QCCLP 4285.

Révision judiciaire rejetée, 2015 QCCS 227.

Daigneault et François Dupuis inc.,2015 QCCLP 4746.

La CLP peut décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence. Elle peut également décider de toute question incidente au fond d’un litige qui règle le sort de la contestation, dont un moyen préliminaire d’irrecevabilité fondé sur l’existence d’une transaction ou la validité d’un accord ou d’un désistement. De plus, les tribunaux judiciaires ont également déterminé qu’un tribunal administratif possède la compétence pour décider de toute question qui règle le sort de la contestation.

 

Sylvestre et Olymel Saint-Henri (Salaisons Brochu),2019 QCTAT 2653.

La LITAT établit la compétence du Tribunal pour décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence et lui permet de décider de toute question qui règle le sort de la contestation ; dont une procédure fondée sur l'existence d'une transaction ou la validité d'un désistement.

 

Via Rail Canada inc. et Yaskiw,2020 QCTAT 805.

Le Tribunal doit déterminer si une entente, soit un accord et une transaction, est bel et bien intervenue entre les parties dans le cadre de la contestation qui lui est soumise. À ce sujet, il y a d’abord lieu de mentionner que les dispositions de l’article 9 de la LITAT prévoient que le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence. Une abondante jurisprudence reconnaît que ce pouvoir permet notamment au Tribunal de décider de l’existence ou non d’un accord ou d’une transaction.

 

Voir également : 

Sécurité Préembarquement Garda inc. et Ferrante, 2012 QCCLP 2141.

Grenier et Olymel St-Henri (Salaisons Brochu), 2013 QCCLP 370.

Labissière et Canlyte inc., 2014 QCCLP 97.

Le fardeau de preuve

La jurisprudence unanime édicte qu’il appartient à la partie qui oppose l’existence d’une entente d’en faire la preuve en y établissant son existence et son contenu.

Il appartient ensuite à la partie qui en nie la validité de prouver le vice de consentement.

Lupien et Orica Canada inc.,[2004] C.L.P. 200.

Tout comme en droit civil, il appartient à la partie qui oppose l’existence d’une transaction, à titre d’objection à la recevabilité d’un recours en droit administratif, d’en faire la preuve et ce, de manière prépondérante. De même, une fois l’existence d’une transaction établie, il appartient à la partie qui veut la faire déclarer invalide de prouver au moyen d’une preuve prépondérante le vice de consentement.

 

Bain Magique et Horkavy Leger,C.L.P. 358982-64-0809, 12 janvier 2010, S. Moreau.

Quant au fardeau de preuve, il appartient à la partie qui oppose l’existence d’un accord ou d’une transaction à la recevabilité d’un recours d’en faire la preuve de manière prépondérante et à celle qui en nie la validité de démontrer de façon prépondérante un vice de consentement.

 

Mc Graw et Centre jeunesse et famille Batshaw,2014 QCCLP 5342.

Il appartient à la partie qui oppose l’existence d’une transaction, à titre d’objection à la recevabilité d’un recours, d’en faire la preuve probante. L’employeur a donc en l’espèce le fardeau de la preuve. Toutefois, s’il établit l’existence d’une transaction valable, ce sera alors au travailleur qui veut la faire déclarer invalide de démontrer, par une preuve probante, un vice de consentement.

 

Gagné et Centre de santé et de services sociaux de Dorval-Lachine-Lasalle,2017 QCTAT 1612.

Il appartient à la partie qui oppose l’existence d’un accord ou d’une transaction mettant fin au litige d’en faire la preuve. Si cette démonstration est faite par l’employeur, alors c’est à l’autre partie, en l’espèce la travailleuse, de démontrer l’invalidité de l’accord ou de la transaction en raison d’un vice de consentement.

 

Voir également :

Lamothe et Intermarché Lagoria, 2012 QCCLP 5723.

Les conditions d’existence d’une transaction

L’article 2631 du CCQ énonce que la transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

La transaction est donc un contrat assujetti aux règles de formation des contrats prévues aux articles 1385 et suivants du CCQ.

La transaction est indivisible quant à son objet.

CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal/Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis c. Tribunal administratif du travail - Division de la santé et de la sécurité du travail,2018 QCCS 4836.

La transaction est composée de plusieurs désistements, incluant celles devant le TAT. Elle prévoit aussi une quittance mutuelle des parties. Chacun de ces actes juridiques sert un objet commun, soit le règlement global du conflit opposant les parties. L’indivisibilité de la transaction empêche que les désistements, indissociables de l’entente, ne soient annulés sans que les autres composantes de la transaction ne le soient également. Le principe de l’indivisibilité prohibe l’annulation partielle de la transaction, par conséquent, la seule annulation des désistements. Dès que le TAT constate l’existence de la transaction entre les parties, dont l’annulation ne lui est pas demandée, il doit arrêter là son analyse en raison du caractère indivisible de l’entente. Autrement, par l’annulation des désistements, le TAT prononce l’annulation partielle de la transaction ce qui entraîne sa nullité complète, vu son indivisibilité. Ce faisant, le TAT se prononce indirectement sur une demande qui ne lui est pas soumise et la décision conduit à un résultat qui met en péril la sécurité et la stabilité des rapports juridiques entre les parties, réglés par la transaction. Par conséquent, en acceptant d’examiner la validité des désistements et en prononçant leur annulation au terme de son analyse, le TAT rend une décision qui ne fait pas partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit applicable.

 

Suivi :

Appel rejeté, 2020 QCCA 278.

Requête pour permission de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 39128.

La transaction n’est soumise à aucune forme particulière. Elle est valide même en l’absence d’écrit ou de la signature des parties, par la seule rencontre des volontés des parties.

Lupien et Orica Canada inc.,[2004] C.L.P. 200.

Conformément aux dispositions des articles 2631 et 1385 du CCQ, la transaction est un contrat dont la formation est valide par le seul échange de consentement entre les parties.

 

Entrepôt Non-Périssable (Mtl) et Tardif,C.L.P. 312905-71-0703, 12 novembre 2008, D. Lévesque.

La jurisprudence majoritaire reconnaît qu’un accord verbal et une transaction verbale sont valides par la simple rencontre de la volonté des parties même si ces documents n’ont pas été signés, puisque la signature d’une des parties n’est pas nécessaire pour donner pleine valeur à une entente verbale. Cette jurisprudence a déterminé que c’était en conformité avec les règles de droit civil en matière contractuelle qu’elle analysait la présence d’un consentement à l’accord ainsi qu’à une transaction pour conclure à leur validité. Le CCQ prévoit en effet que la transaction est valide même en l’absence d’un écrit par le seul échange de consentement libre et éclairé entre les parties.

 

Bain Magique et Horkavy Leger, C.L.P. 358982-64-0809, 12 janvier 2010, S. Moreau.

Il ressort des articles 1385 et 1386 du CCQ que la transaction peut être valide, et ce, même en l’absence d’un écrit, car il y a formation d’un contrat par le simple échange d’un consentement, soit par la manifestation expresse ou tacite de la volonté d’une personne d’accepter l’offre faite par une autre personne.

 

Labissière et Canlyte inc.,2014 QCCLP 97.

Un tel contrat est formé dès qu’il y a un échange de consentement, soit la manifestation expresse ou tacite de la volonté d’une partie d’accepter l’offre que lui fait l’autre partie. C’est cette condition de formation du contrat qui est en litige dans le présent dossier. En effet, les parties ne remettent pas en cause la capacité de contracter des personnes impliquées, la cause ou l’objet du contrat.

 

Sears Canada inc. et Otete,2014 QCCLP 1349.

La CLP partage entièrement cette position de l’employeur quant au principe voulant qu’il y ait formation d’un contrat par le simple échange de consentement. La rédaction et la signature du contrat ne constituent alors qu’un moyen de preuve dont disposent les parties. Ainsi, un accord pourrait être simplement verbal et sa signature ne serait pas nécessaire pour lui donner sa pleine valeur, en autant qu’il y ait, bien sûr, un consentement libre et éclairé des deux parties.

 

Gagné et Ressource intermédiaire Bella,2018 QCTAT 433.

Quatre conditions sont nécessaires pour la formation du contrat de transaction : le consentement des parties, la capacité légale de contracter, une cause et un objet. De même, l’entente peut être verbale et survient dès qu’il y a échange de consentements. La transaction n’est soumise à aucune formalité particulière.

 

Sylvestre et Olymel Saint-Henri (Salaisons Brochu),2019 QCTAT 2653.

C’est en conformité avec les règles de droit civil, en matière contractuelle, qu’elle analyse la présence d’un consentement à l’accord ou à une transaction pour conclure leur validité. À ce sujet, le CCQ prévoit qu’une transaction est valide par le seul échange de consentement libre et éclairé entre les parties.

 

Golf Hillsdale inc. et Papineau,2019 QCTAT 5756.

Même si quelqu’un n’appose pas sa signature dans le texte d’un accord ou d’une transaction qui lui est soumis, l’entente a néanmoins pleine valeur dès le moment de sa conclusion. Une transaction ou un accord intervient dès qu’il y a accord de volonté des parties même si aucun écrit n’est signé. Ce qui importe est d’avoir une démonstration probante de l’accord de volonté intervenu.

 

Versacold Services Logistiques et Momo,2020 QCTAT 384.

Un contrat se forme par le seul échange de consentements entre les personnes capables de contracter. Cet échange de consentements se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d’une personne d’accepter l’offre de contracter que lui fait une autre personne. L’accord, toute comme le contrat, résulte donc du seul échange de volonté entre les parties qui y participent.

 

La renonciation d’une partie à des droits nés et actuels

Les parties qui transigent peuvent renoncer à certains droits, pour autant que ceux-ci soient nés et actuels.

Barrette-Chapais Ltée et Béland,C.L.P. 223596-02-0312, 29 juin 2004, J-F. Clément.

Le caractère d’ordre public de la Loi ne signifie cependant pas qu’il est interdit à une partie de renoncer, dans certaines circonstances, aux avantages qui en découlent. Le Tribunal comprend difficilement comment une personne pour qui des droits ont été prévus ne pourrait pas décider d’y renoncer en toute connaissance de cause, une fois son droit ouvert. Il s’agirait alors de la négation de la faculté pour un bénéficiaire de décider ce qu’il veut faire de son droit, lequel n’appartient qu’à lui. De plus, s’il n’en était pas ainsi, il serait impossible de concilier tout dossier relevant sur la Loi, de la LNT, ou de toute autre loi d’ordre public.

 

Éthier et Aplix Fasterners Inc.,C.L.P. 343734-07-0803, 24 avril 2009, S. Séguin.

Les parties peuvent transiger sur des droits et obligations qui découlent d’une loi d’ordre public pourvu que le droit sur lequel porte la transaction soit né et actuel.

 

Gosselin et Surface Design inc.,C.L.P. 372763-64-0903, 10 juillet 2009, J-F. Clément.

Il est vrai que la Loi est d’ordre public. Toutefois, cela ne fait pas en sorte qu’une partie ne peut renoncer aux droits qui lui sont conférés par celle-ci. Dans le cadre d’une loi d’ordre public, on peut transiger sur un droit pourvu qu’il soit né et actuel. Or, lorsque le travailleur a signé le document en novembre 2008, sa réclamation avait été déposée et il avait même reçu une décision de refus de la CSST. Son droit était donc né et actuel. Il pouvait y renoncer.

 

Bomongo et 5N Plus inc.,C.L.P. 363329-71-0811, 2 février 2009, F. Juteau.

Même si la LATMP est une loi d’ordre public, les parties peuvent transiger sur les droits ou obligations qui leur sont échus en vertu de celle-ci, pour autant que le droit soit déjà ouvert, né et actuel. Une personne ne peut renoncer à l’avance à l’application des dispositions de la LATMP mais une fois que le droit est né et actuel, une personne peut décider d’y renoncer. Il appert que la transaction a été signée par le travailleur alors que la CSST avait déjà rendu une décision concernant le rapport d’intervention de l’inspecteur de la CSST. Le droit du travailleur à cet égard était donc bien né et actuel.

 

Meilleur et Kruger, s.e.c. (Gatineau),2015 QCCLP 3487.

Le caractère d’ordre public de la Loi ne signifie pas qu’il est interdit à une partie de renoncer aux avantages qui en découlent. Une personne pour qui des droits ont été prévus à la Loi peut décider d’y renoncer en toute connaissance de cause, une fois son droit ouvert, puisqu’elle a la faculté de décider ce qu’elle veut faire de ce droit, lequel n’appartient qu’à elle.

 

Romero et Citoxlab Amérique du Nord inc.,2017 QCTAT 1644.

Le 8 août 2016, la travailleuse signe une lettre de congédiement, une transaction et une quittance, laquelle prévoit qu’elle s’engage à libérer l’employeur « de toute demande ou réclamation, action, cause d’action, engagement, contrat, poursuite, procédure légale, grief, dommage, coût ou perte de quelque nature que ce soit, présent ou futur provenant ou lié à mon emploi avec l’un ou l’autre des Libérés ou à la cessation de mon emploi et des bénéfices ». Le 7 octobre 2016, elle dépose une réclamation pour un événement allégué du 8 août 2016. Le Tribunal est d’avis que les droits de la travailleuse étaient nés et actuels lorsqu’elle a signé la quittance. En effet, elle invoque au soutien de sa réclamation une série d’incidents survenus depuis le mois de novembre 2010. Pour le Tribunal, il est certainement question d’une quittance finale et totale en échange de la renonciation à des recours potentiels qui découlent d’un droit qui a existé antérieurement à la signature.

 

Viandes Giroux 1997 inc. et 9271-5622 Québec inc.,2019 QCTAT 646.

Malgré que l’article 4 de la Loi énonce que celle-ci soit d’ordre public, il demeure loisible pour un travailleur de renoncer à un droit issu d’une telle loi si, lorsqu’il le fait, il a acquis ce droit. Compte tenu de la trame factuelle révélée par la preuve documentaire, au moment de signer l’entente, le travailleur avait acquis le droit de produire une réclamation à la Commission et celui de déposer une plainte en vertu de l’article 32 de la Loi pour congédiement illégal. Il pouvait donc y renoncer.

 

Fortin et Ville de Gatineau, 2020 QCTAT 4822.

Le travailleur allègue que l’entente est illégale puisqu’en vertu de l’article 4 de la Loi, il ne pouvait conclure une entente qui ne soit pas plus avantageuse que ce que lui accorde la Loi. Il est vrai que la Loi est d’ordre public et de ce fait, on ne peut y déroger par une entente ou autrement. Cependant, il est bien établi qu’un travailleur peut renoncer à un droit qui est né et actuel, et ce, même dans le cadre d’une loi d’ordre public. Dans le cas contraire, il serait impossible d’effectuer toute conciliation ou toute entente dans un dossier relevant de la Loi.  Ainsi, l’entente respecte l’article 4 de la Loi, puisque le travailleur pouvait négocier et transiger sur les questions faisant l’objet de la plainte déposée en vertu de l’article 32 de la Loi.

 

Voir également :

Perron Ringuet et Solutions Mieux-être LifeWorks, 2022 QCTAT 3989.

Deux courants se dégagent quant à la portée d’ententes où la renonciation est rédigée en des termes généraux. Selon un premier courant, cela s’avère suffisant pour conclure qu’un travailleur renonce à un droit ou un ensemble de droits.

Lessard et Produits miniers Stewart inc.,C.L.P. 88727-08-9705, 16 juin 1998, M. Denis.

Le Tribunal s'est penché sur l'intention des parties relativement au contenu de ce contrat et il ressort que les parties ont voulu rompre définitivement toute forme de lien entre elles. La terminologie utilisée dans la rédaction du contrat ne laisse planer aucun doute sur leurs intentions à l'effet que la travailleuse renonce à tout recours, quel qu'il soit, pouvant affecter les droits de l'employeur. Le Tribunal précise que le terme « réclamation » englobe sûrement une réclamation à la CSST, et forcer les parties à énumérer l'ensemble des organismes pouvant être impliqués imposerait un fardeau irréaliste.

 

Suivi :

Révision rejetée.

Révision judiciaire rejetée, [1999] C.L.P. 825.

Gagné et Cegerco inc.,2018 QCTAT 1842.

La transaction donne quittance mutuelle et réciproque aux parties de toute réclamation pouvant être liée à l’emploi exercé par le travailleur chez l’employeur dont la considération est un règlement d’un litige important entre les parties portant sur l’emploi que le travailleur a exercé chez l’employeur. Elle est claire et ne porte pas à interprétation. Il est tout à fait régulier que les parties, en mettant fin à ce litige par l’entremise d’une transaction, veuillent mettre un point final à toute question pouvant découler du lien d’emploi, ce qui est l’essence même d’une transaction. C’est ainsi que le terme réclamation englobe toute réclamation qui peut découler de l’emploi du travailleur exercé chez l’employeur, incluant une réclamation produite à la Commission. Prétendre que cette réclamation ne découle pas du lien d’emploi que le travailleur avait avec l’employeur serait une absurdité puisque, afin d’avoir droit à des prestations émanant de la Loi, le travailleur doit avoir un contrat de travail avec l’employeur au moment de la survenance de l’accident du travail. De la même façon, par cette réclamation à la Commission, l’employeur voit sa responsabilité engagée, notamment au niveau du système d’imputation des coûts reliés aux lésions professionnelles.

 

 Voir également :

Romero et Citoxlab Amérique du Nord inc., 2017 QCTAT 1644.

Pour les tenants du second courant, cette renonciation doit passer par une clause rédigée en termes précis avec une référence claire à ce ou ces droits.

Lévesque et Escompte Coiffe,C.L.P. 237525-31-0406, 8 septembre 2004, P. Simard.

En matière de renonciation de droit et recours, il convient d’être prudent et d’exiger que la prépondérance de preuve démontre clairement l’intention des parties quant à l’objet des ententes et des transactions auxquelles elles acquiescent.

 

Lenseigne et Aliments Sardo,C.L.P. 219847-63-0311, 11 mars 2005, L. Nadeau.

Comme le signalait la CLP dans une autre affaire, il faut rencontrer un niveau de certitude suffisant avant de reconnaître qu’une entente provoque l’extinction de droits importants. En l’instance, le libellé en termes très généraux apparaissant au deuxième paragraphe de la quittance n’apparaît pas suffisant pour conclure que le travailleur a renoncé à la reconnaissance de sa lésion professionnelle.

 

Boto et Bio-K Plus international inc.,C.L.P. 340788-61-0802, 14 juillet 2008, G. Morin.

Pour prétendre à bon droit qu’une transaction emporte désistement d’un recours, il faut que celui-ci y soit prévu en des termes clairs. Le recours auquel on veut mettre fin par ce moyen doit donc être clairement et précisément identifié. Or, la transaction ne fait aucunement état, de manière explicite ou implicite, d’un engagement de la part de la travailleuse à se désister de sa demande de révision de la décision de la CSST refusant de reconnaître sa lésion professionnelle. Le litige relatif à l’existence de cette lésion professionnelle était né au moment où la transaction est intervenue, de sorte que, si telle était son intention, l’employeur pouvait réclamer que l’entente soit conclue en contrepartie d’un engagement à mettre fin à tous les litiges nés de tous les recours entrepris par la travailleuse, incluant celui visant la reconnaissance d’une lésion professionnelle, ce qu’il n’a cependant pas fait.

 

Viandes Giroux 1997 inc. et 9271-5622 Québec inc.,2019 QCTAT 646.

Comme on peut le constater, deux courants se dégagent quant à la portée d’ententes rédigées en termes généraux. Pour certains, cela s’avère suffisant pour conclure qu’un travailleur renonce à un droit ou un ensemble de droits. Alors que pour d’autres, cette renonciation doit passer par une clause rédigée en termes précis avec une référence claire à ce ou ces droits. Le Tribunal se range du côté du second courant. Cela principalement du fait qu’il s’agit ici de la renonciation d’un droit issu de la Loi, une loi d’ordre public édictée en faveur et dans l’intérêt des travailleurs, la partie la plus faible des deux contractants. Ainsi, il n’est que justice d’exiger qu’une renonciation à un droit soit exprimée en termes clairs et ce droit clairement identifié.

 

Malenfant et Équipement Max-Atlas International inc.,2019 QCTAT 1792.

Le préambule de l’entente ne fait pas référence à la réclamation ou à la demande de révision administrative du travailleur. Il n’y a aucune mention sur la reconnaissance ou non d’une lésion professionnelle de façon spécifique à l’entente. Il est donc difficile pour le Tribunal de conclure que le travailleur a consenti de manière éclairée à la portée de l’entente visant l’exercice d’un recours devant la révision administrative et le Tribunal ainsi qu’à la renonciation à la recevabilité de sa réclamation. Le Tribunal doit disposer d’un niveau de certitude suffisant quant à la qualité du consentement du travailleur avant de reconnaître que l’entente a une portée plus large que celle du règlement du grief relatif au congédiement. Compte tenu du libellé de l’entente et du témoignage du travailleur, le Tribunal est d’avis que le bénéfice du doute doit pencher en faveur du travailleur relativement à son recours et à la recevabilité de sa réclamation. De l’avis du Tribunal, le travailleur ne saisit pas la portée de l’entente lorsqu’il signe.

 

Fortin et Collège Ahuntsic, 2021 QCTAT 3080.

Bien qu'un travailleur puisse renoncer à l’exercice d’un droit, encore faut-il que ce droit soit né et actuel et que cette renonciation soit exprimée clairement. En l'espèce, la travailleuse, qui a signé une transaction concernant une plainte déposée en vertu de l’article 32 de la Loi et des griefs, n’a pas renoncé, par la quittance générale, à contester la décision refusant la réclamation pour lésion professionnelle. En absence d’un désistement de la travailleuse, le Tribunal demeure saisi de la contestation de celle-ci.

 

Voir également :

J.T. et Compagnie A, 2018 QCTAT 31.

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 4226.

Le Tribunal ne peut annuler ou modifier une transaction

Le Tribunal n'a ni les pouvoirs ni la compétence pour annuler ou modifier une transaction. Il ne peut qu’en constater l’existence.

Lelièvre et Constructions LJP inc.,C.L.P. 283543-64-0602, 2 septembre 2008, R. Daniel.

Le rôle du Tribunal est de constater, dans un premier temps, s’il y a l’existence prima facie d’une entente ou d’une transaction, de vérifier, si un travailleur ou un employeur a donné un consentement à cette entente ou cette transaction et si ces consentements sont libres et éclairés.  Pour ce, le Tribunal aura à s’assurer de l’existence d’une transaction ayant force de chose jugée et de ses conditions de formation. Le Tribunal ne dispose cependant pas du pouvoir d’annuler une telle transaction qui relève des tribunaux de droit commun.

 

Gélinas et Marley Canadian Cooling Towers,C.L.P. 157952-04-0104, 6 mars 2009, D. Lajoie.

La demande du travailleur constitue une requête en annulation de désistements, dont le Tribunal peut se saisir conformément aux dispositions des articles 349 et 377 LATMP. Selon la jurisprudence, la CLP n'a pas compétence pour annuler une transaction conclue en vertu du CCQ. Ce pouvoir appartient aux tribunaux civils. Toutefois, elle est compétente pour constater l'existence d'une transaction et analyser la validité des désistements qui y sont prévus.

 

Labissière et Canlyte inc.,2014 QCCLP 97.

Le pouvoir de la CLP de statuer sur des questions de droit ou de fait nécessaires à l'exercice de sa compétence inclut celui de se prononcer sur l'existence ou non d'une transaction. Le tribunal doit donc interpréter la preuve pour vérifier l'existence d'une transaction ayant force de chose jugée et les conditions de formation de celle-ci, mais il n'a pas le pouvoir d'annuler une transaction puisque ce pouvoir relève des tribunaux de droit commun. Le pouvoir de la CLP se limite à constater l'existence ou non d'une entente entre les parties et les conséquences de cette dernière sur le litige dont elle est saisie, incluant un désistement.

 

Mc Graw et Centre jeunesse et famille Batshaw,2014 QCCLP 5342.

Il n’appartient pas finalement à la CLP d’annuler une transaction, d’en prendre acte, de la modifier ou de la déclarer exécutoire. Son pouvoir se limite à constater l’existence ou non d’une entente entre les parties et les conséquences de celle-ci sur le litige dont elle est saisie.

 

Sully et Red Light After Hour,2016 QCTAT 3953.

Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’annuler une transaction, celle-ci relevant plutôt des pouvoirs des tribunaux de droit commun. Cependant, il a tout de même le pouvoir d’analyser la validité des désistements qui s’y rattachent.

 

Guérin et Temac Machines inc.,2017 QCTAT 4580.

Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’annuler une transaction puisque ce pouvoir relève des tribunaux de droit commun; ainsi son pouvoir se limite à constater l’existence ou non d’une entente entre les parties et les conséquences de cette dernière sur le litige dont elle est saisie, incluant un désistement. Elle ne peut prendre acte d’une transaction, la modifier ou la déclarer exécutoire.

 

Brisebois et Aéroport de Montréal,2017 QCTAT 5142.

La jurisprudence du Tribunal reconnaît qu’il appartient à la partie qui prétend à l’existence d’une transaction d’en établir l’existence et le contenu, et ce, de façon prépondérante. Cette partie doit notamment démontrer que l’autre partie a donné son consentement de façon libre et éclairé. Le contrat est alors formé au moment où celui qui fait l’offre reçoit le consentement de l’autre partie. Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’annuler une transaction puisque ce pouvoir relève des tribunaux de droit commun. Le pouvoir du Tribunal se limite à constater l’existence d’une transaction entre les parties et les conséquences qu’elle a sur le litige dont il est saisi, incluant un désistement.

 

Riopel et Caisse Desjardins de Saint-Martin de Laval, 2021 QCTAT 1844.

Il n’appartient pas au Tribunal d’annuler une transaction, d’en prendre acte, de la modifier ou de la déclarer exécutoire. Son pouvoir se limite à constater l’existence ou non d’une entente entre les parties et les conséquences de celle-ci sur le litige dont il est saisi.

 

Giroux et Cité de la santé de Laval, 2021 QCTAT 4656.

Le pouvoir de révision ou révocation dont est investi le Tribunal se limite à l’examen de la décision rendue par TAT-1 en regard des critères énoncés à l’article 49 de la Loi. Il y a lieu de rappeler que cette décision entérine un accord de conciliation qui reconnaît la survenance de la lésion professionnelle que ne conteste d’ailleurs pas le travailleur. Le pouvoir de révision ou révocation ne peut avoir pour objet de modifier une transaction intervenue entre les parties. Le Tribunal n’a donc pas le pouvoir de se prononcer comme le souhaite le travailleur dans le but de corriger les conséquences que la transaction a entraînées à l’endroit de sa rente ni d’accorder une compensation monétaire pour le préjudice allégué. Au surplus, il est établi que le Tribunal peut confirmer l’existence d’une transaction au sens du CCQ, mais ne peut l’annuler, ce pouvoir étant dévolu aux tribunaux judiciaires.

 

Voir cependant :

Jolifils et Réseau de transport Métropolitain,2019 QCTAT 5482.

Contrairement aux prétentions du procureur de l’employeur, le Tribunal détient les pouvoirs pour vérifier la validité d’une transaction, voire l’annuler si celle-ci ne remplit pas l’une des quatre conditions prévues à la formation d’un contrat, soit des parties ayant la capacité de contracter qui s’entendent sur l’objet du contrat et sur sa cause.

 

Suivi :

Désistement de la requête en révision. 

La validité d’un désistement

Le Tribunal peut décider s’il est toujours saisi du recours exercé par une partie ou si celle-ci s’en est désistée. Il peut trancher toute question incidente au fond d’un litige, tel un moyen d’irrecevabilité fondé sur la validité d’un désistement produit ou sur l’existence d’un tel désistement convenu ou non dans le cadre d’une entente. Il n’est pas nécessaire que le désistement ait été produit ou signé.

Laframboise et Produits MGD inc.,C.L.P. 380266-64-0906, 1er décembre 2009, D. Armand.

La CLP a le pouvoir de décider si elle est toujours saisie du recours exercé par un travailleur ou si celui-ci s’en est désisté.  Elle peut disposer de toute question incidente au fond d’un litige, tel un moyen d’irrecevabilité fondé sur l’existence d’une transaction ou la validité d’un désistement.

 

Lamothe et Intermarché Lagoria,2012 QCCLP 5723.

Selon la jurisprudence élaborée par la CLP, le Tribunal a le pouvoir de décider s’il est toujours saisi d’une contestation ou si, au contraire, il y a eu désistement de la part de la partie requérante. Le Tribunal conserve ce pouvoir même si aucun désistement n’a été produit.

 

Un désistement peut être déclaré invalide si le consentement à celui-ci n’a pas été donné de façon libre et éclairé.

Major et Chandelles Tradition ltée,C.L.P. 284173-64-0603, 13 février 2008, M. Montplaisir.

La jurisprudence de la CALP et de la CLP reconnaît qu'un désistement peut être déclaré invalide lorsqu'il y a absence de consentement ou que le consentement de la partie qui se désiste est entaché. Ce consentement doit avoir été donné de façon libre, éclairée et volontaire. Les circonstances suivantes ont été reconnues comme viciant le consentement donné par une partie lors du désistement : lorsque le désistement est produit à l'insu d'une partie, lorsque le désistement résulte d'une erreur de fait, lorsque le désistement est obtenu à la suite de menaces ou sous l'effet de la contrainte, lorsque le désistement est donné par une personne qui est dans un état dépressif ou sous l'effet d'une médication qui altère son jugement au point où celle-ci n'a pas la capacité de comprendre la portée de son acte.

 

Laframboise et Produits MGD inc.,C.L.P. 380266-64-0906, 1er décembre 2009, D. Armand.

La jurisprudence reconnaît qu'un désistement peut être annulé lorsqu'il est invalide en raison d'un vice de consentement.  C'est le cas lorsqu'il est établi que le consentement n'a pas été donné de manière libre et volontaire ou qu'il est le fruit d'une erreur ou encore, si le désistement a été produit à l'insu de la partie concernée.

 

Boissonneault et CSSS Trois-Rivières,2018 QCTAT 1161.

La jurisprudence permet de retirer aux conditions suivantes un désistement déposé par une partie ou son représentant : 1) la partie doit d’abord agir avec diligence et demander le retrait du désistement à l’intérieur d’un délai raisonnable qui correspond à celui alloué pour déposer la contestation initiale, c'est-à-dire ici 45 jours, et 2) la partie doit ensuite démontrer que le désistement a été transmis sans son consentement libre et éclairé. Il y va par exemple d’un consentement donné sans explication suffisante ou sous la contrainte, ou d’une partie placée devant un fait accompli ou d’un désistement déposé à son insu. N’a pas été reconnu comme des vices de consentement susceptibles d’invalider un désistement le simple fait de changer d’idée ou de réaliser avoir fait un mauvais choix après coup ou avoir mal évalué les conséquences légales du retrait de sa contestation.

 

Le vice de consentement

L’article 1399 du CCQ prévoit que le consentement doit être libre et éclairé. Il peut être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion.

Une partie donne un consentement libre et éclairé lorsqu’elle détient l’information nécessaire pour lui permettre de bien saisir les éléments essentiels de l’entente, d’en comprendre les termes ainsi que les conséquences qu’entraînent celui-ci sur ses droits.

Touze et Olymel St-Esprit (Viandes Ultra),2011 QCCLP 6128.

La notion de consentement libre et éclairé implique que le travailleur possédait toute l’information nécessaire pour lui permettre de bien juger des éléments essentiels de l’offre de transaction soumise. Il ressort de son témoignage qu’il connaissait les conditions de la transaction. En toutes probabilités, il a donné son accord sans s’interroger sur la suite des choses. Les questions sont venues par la suite lorsque le texte de la transaction lui a été présenté pour signature. Toutefois, cette remise en question ne fait pas de son consentement un geste non éclairé puisqu’il a manqué à son obligation élémentaire de s’enquérir au préalable des renseignements pertinents.

 

Versacold Services Logistiques et Momo,2020 QCTAT 384.

Ce consentement doit être libre et éclairé et il doit être donné par une personne apte à s’obliger envers une autre. Il peut être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion. Par conséquent, lorsqu’il évalue le consentement des parties à l’accord, le Tribunal doit vérifier si les informations qu’elles ont reçues sont appropriées et si les explications concernant le contenu de l’accord, incluant celles relatives aux conséquences qu’il entraîne sur leurs droits respectifs, ont été données.

 

Interprétation de la Charte et de la CCDL

Le pouvoir du Tribunal

Le Tribunal a le pouvoir d'interpréter les dispositions de la Charte et de la CCDL.

Lapointe et Service correctionnel du Canada,[1991] C.A.L.P. 1185.

La CALP, comme la Cour suprême l’a décidé, a compétence pour interpréter les dispositions de la CCDL.

 

 Suivi : 

Requête en évocation rejetée, [1992] C.A.L.P. 792.

Appel rejeté, [1995] C.A.L.P. 1319.

Paul c. Colombie-Britannique (Forest Appeals Commission),2003 CSC 55.

Pour décider si un tribunal administratif peut appliquer la Constitution, il s'agit essentiellement de savoir si la loi habilitante accorde implicitement ou expressément au tribunal administratif le pouvoir d'examiner ou de trancher toute question de droit. Dans l'affirmative, ce tribunal est présumé posséder le pouvoir concomitant d'examiner ou de trancher cette question à la lumière de toute disposition constitutionnelle pertinente. Cette présomption ne peut être réfutée que par la preuve que le législateur avait manifestement l'intention de soustraire les questions relatives à la CCDL à la compétence de ce tribunal.

 

Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées),2006 CSC 14.

Les tribunaux administratifs créés par une loi qui sont investis du pouvoir de trancher les questions de droit sont présumés avoir le pouvoir d'aller au-delà de leurs lois habilitantes pour appliquer l'ensemble du droit à une affaire dont ils sont dûment saisis.

 

Gauthier c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys,2007 QCCA 1433.

Le législateur aurait pu confier à un seul tribunal spécialisé le soin de trancher les questions de Charte, mais il semble plutôt qu'il ait favorisé la multiplication des forums afin de favoriser l’accès à la protection de la Charte en toutes circonstances. La CLP qui est compétente pour traiter toute question de droit, peut et doit trancher celles relatives à la Charte.

 

Poissant et CH Le Gardeur,[2008] C.L.P. 815.

La Loi autorise le Tribunal à décider de toute question de droit nécessaire à l’exercice de sa compétence. Selon la Cour suprême du Canada, « l’attribution expresse du pouvoir d’examiner ou de trancher les questions de droit découlant de l’application d’une disposition législative est présumée conférer également le pouvoir de se prononcer sur la constitutionnalité de cette disposition ». La CLP statuera donc sur la validité de l’article 42.1 de la LSST.

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Caron,2015 QCCA 1048.

La Cour suprême a affirmé que les tribunaux administratifs ayant une compétence pour trancher les questions de droit sont présumés avoir le pouvoir concomitant de trancher les questions qui relèvent de l’application de la Charte et de la CCDL. Il n’y a aucune disposition dans la LATMP démontrant une intention claire du législateur de s'y soustraire.

 

Suivi :

Pourvoi à la Cour suprême rejeté, 2018 CSC 3.

Bergeron et Groupe Pro-B inc.,2020 QCTAT 949.

En vertu de l’article 9 de la LITAT, le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence. La Cour suprême du Canada s’est prononcée sur la compétence des tribunaux administratifs en matière d’application de la CCDL. Il en ressort que si un tribunal administratif a la compétence expresse ou implicite pour examiner et trancher les questions de droit découlant de l’application d’une disposition législative, comme c’est le cas du présent Tribunal, il est présumé avoir le pouvoir concomitant de statuer sur cette question à la lumière de la Charte. Puisque le Tribunal possède cette compétence en vertu de l’article 9 de la LITAT et considérant que le législateur n’a fourni aucune indication à l’effet qu’il voulait soustraire à l’exercice de sa compétence une question de chartes, il peut se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions qu’il a pour mission d’appliquer.

 

Voir également :

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Autobus Jacquart inc., [2000] C.L.P. 825.

Suivi : 

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 28047.

Mueller Canada inc. c. Ouellette, [2004] C.L.P. 237 (C.A).

Suivi : 

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 30435.

Les avocats et les notaires de l'État québécois (LANEQ) et Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, 2019 QCTAT 3647 (Division RT).

Disposition contraire à la Charte

Le Tribunal a le pouvoir de déclarer invalide ou inopérante une disposition contraire à la Charte. Une partie qui prévoit remettre en cause la validité d’une disposition législative doit en aviser le procureur général du Québec, conformément à l’article 76 du Code de procédure civile.

Gauthier c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys,2007 QCCA 1433.

La CLP a le pouvoir de déclarer inopérante ou invalide une disposition contraire à la Charte même si elle ne dispose pas du pouvoir d’imposer quelque autre mesure de réparation, tel un accommodement raisonnable.

 

Poissant et C.H. Le Gardeur,[2008] C.L.P. 815.

La CLP a le pouvoir de statuer sur la validité de l'article 42 LSST. S'il contrevient à une Charte, la CLP peut déclarer l'article inopérant.

 

Recours en dommages et intérêts

Le Tribunal ne peut pas se saisir d'un recours en dommages et intérêts découlant d'une violation de la Charte.

Légaré et J.B. Deschamps (Impressions Piché),C.L.P. 125917-32-9911, 13 décembre 2000, C. Lessard.

Le législateur a prévu dans la LATMP un régime sans faute contrairement aux poursuites civiles. Ainsi, un travailleur qui obtient gain de cause devant la CLP ne peut bénéficier du droit d'être remboursé pour les frais engagés pour sa représentation.

 

Puisatiers Lapointe inc. et Lavoie,[2005] C.L.P. 216.

Étant donné la compétence stricto sensu de la CLP, elle n'a pas le pouvoir d'ordonner à l'employeur de verser un montant pour des dommages subis par le travailleur.

 

Suivi :

Révision rejetée, 9 novembre 2005.

Popescu et Emploi et Développement social Canada,2020 QCTAT 2637.

Les articles que le Tribunal est chargé d’appliquer ne prévoient pas l’octroi de dommages punitifs ou moraux. Par ailleurs, la Loi prévoit que les droits qu’elle confère le sont sans égard à la responsabilité de quiconque. En conséquence, le Tribunal ne peut ordonner à la Commission de verser à la travailleuse une somme à titre de dommages moraux.

 

Voir également :

Roy et Casino de Hull, C.L.P. 103022-04B-9807, 27 juin 2000, R. Savard.

L’accommodement raisonnable

Selon les enseignements de la Cour suprême du Canada, la CNESST et le Tribunal doivent vérifier, lors de la détermination d'un emploi convenable, si l'employeur a tenté d'accommoder raisonnablement le travailleur dans le but de lui trouver un emploi au sein de son entreprise.

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Caron,2015 QCCA 1048.

La Cour d'appel mentionne que le régime de la LATMP n'impose aucune obligation expresse à l'employeur de modifier les tâches afférentes à un poste existant en vue d'accommoder un employé. Puis, la Cour dresse un portrait de la jurisprudence de la Cour suprême concernant la notion de handicap au sens de la Charte et la création de l'obligation d'accommodement. Elle conclut que le droit d'un travailleur porteur d'un handicap d'être accommodé ne fait plus aucun doute, que le devoir d'accommodement est en quelque sorte une norme prééminente qui transcende la loi, le contrat de travail et même la convention collective. Puisque le pouvoir des tribunaux administratifs d'appliquer les lois relatives aux droits de la personne est maintenant bien établi, elle déclare que la CSST et la CLP doivent vérifier si l'employeur est en mesure d'accommoder le travailleur, que ce soit avant ou après l'identification d'un emploi convenable. Il ne s'agit pas, selon la Cour, de créer un régime d'indemnisation parallèle, mais d'intégrer les dispositions de la Charte à la LATMP. En conclusion, lorsque saisie de la contestation d'une décision de la CSST qui porte sur la détermination d'un emploi convenable chez l'employeur, la CLP doit d'abord décider si le travailleur a été victime de discrimination fondée sur son handicap et si l'employeur, dans la recherche d'un emploi convenable, a tenté d'accommoder ce travailleur

 

Suivi : 

Pourvoi à la Cour suprême rejeté, 2018 CSC 3.

La position de la Cour suprême du Canada infirme la position qui prévalait jusqu’alors au Tribunal, selon laquelle il ne pouvait imposer un accommodement raisonnable à l’employeur.

Lizotte et R.S.S.S. Municipalité régionale de comté Maskinongé,[2003] C.L.P. 463.

L'obligation d'accommodement découle de la Charte sans y être expressément prévue. Elle échoit à l'employeur et consiste à pallier les conséquences discriminatoires d'une norme qu'il a adoptée. L'employeur peut se soustraire à cette obligation d'accommodement s'il démontre que la norme adoptée constitue une exigence professionnelle justifiée selon le test. Cette obligation d'accommodement fut développée et appliquée dans des contextes bien différents de ceux de la LATMP, laquelle a justement comme objet principal de pallier les conséquences d'une lésion professionnelle selon un processus légal bien structuré. L'une des pierres d'assise de ce processus est la réadaptation, dont l'application se fait par l'entremise de décisions rendues par la CSST et non en vertu de normes adoptées par l'employeur. En raison de ce contexte particulier, la CLP estime difficile, voire impossible, d'intégrer l'obligation d'accommodement. Cette difficulté à intégrer l'obligation d'accommodement et la méthode en trois étapes préconisée par la Cour suprême découlent peut-être également du fait que la réadaptation, qui comprend toute une série de mesures physiques, sociales et professionnelles, est en quelque sorte une procédure d'accommodement légale mise en place par le législateur.

 

Voir également : 

Mueller Canada inc. c. Ouellette, [2004] C.L.P. 237.

Suivi : 

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 30435.

Blouin et A.F.G. Industries Ltée, [2007] C.L.P. 114.

Gauthier c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2007 QCCA 1433.

Tremblay et Automobiles Chicoutimi (1986) inc., 2015 QCCLP 2278.

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 6751.

Application des lois provinciale et fédérale

Le Tribunal doit interpréter les dispositions législatives lorsque la situation l’exige

Le Tribunal peut également interpréter des lois provinciales et on lui reprochera de ne pas exercer sa compétence s’il refuse de le faire dans une situation où l'objet du litige l'exige.

Trinh et Les Distributions H.P.M. inc.,[1999] C.L.P. 383.

Le choix du recours pour la personne qui désire contester la décision conjointe des deux organismes (CSST et SAAQ) est prévu à l'article 450. Ainsi, cet article confère compétence à la CLP pour entendre le présent cas. Une fois le recours choisi par le requérant, la loi applicable pour trancher les questions en litige sera déterminée par l'événement à l'origine de la lésion. En l'espèce, ces questions découlent d'un accident d'automobile. Pour en décider, on doit interpréter les dispositions de la Loi sur l’assurance automobile (LAA). Ainsi, l'analyse des dispositions de la LAA est nécessaire à l'exercice, par la CLP, de la compétence qui lui est dévolue par l'article 450. La CLP estime donc avoir plein pouvoir pour appliquer une autre loi que sa loi constitutive, étant donné les termes de l'article 377.

 

Delarosbil c. Commission des lésions professionnelles,2007 QCCS 6092.

En refusant notamment d'interpréter l'article 18 de la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d'œuvre dans l'industrie de la construction, la CLP a commis une erreur manifestement déraisonnable qui l’a empêchée de pouvoir statuer correctement sur le sens et la portée de cet article, refusant ainsi d’exercer sa compétence. Elle a également omis de considérer l’article 4 du Règlement sur la délivrance des certificats de compétence pour vérifier si le travailleur, outre son certificat d’apprenti charpentier-menuisier, devait et pouvait détenir un certificat de compétence occupation. Cette omission équivaut à un défaut d’exercer sa compétence et fait en sorte qu’elle ne pouvait arriver à une décision correcte pour décider si les conditions requises pour que le travailleur puisse occuper l’emploi convenable proposé en regard des impératifs de la législation pertinente dans le domaine de la construction, étaient satisfaites.

 

Le Tribunal peut appliquer les dispositions du CCQ de manière supplétive

La jurisprudence majoritaire du Tribunal énonce que la Loi crée un régime d’indemnisation qui s’applique à l’exclusion du CCQ.  Dans ce contexte, le CCQ peut certes servir de source d’inspiration lorsque la Loi qui nous occupe est muette sur un sujet, mais il ne peut prévaloir sur celle-ci.

Hubert et Atelier Lucky-Tech inc.,[2003] C.L.P. 1550.

Le CCQ régit les droits civils des personnes morales et physiques, que ces droits se trouvent dans le code lui-même ou dans une autre loi, et ne constitue ni plus ni moins que le droit commun applicable à tous et même aux litiges découlant de la LATMP. La théorie de l’abus de droit est appliquée depuis longtemps par les tribunaux. Le tribunal a non seulement le pouvoir, mais le devoir de vérifier si des dispositions aussi importantes que les articles 6 et 7 du CCQ sont respectées en l’instance. Dans d’autres cas, la CALP et la CLP ont référé aux principes de droit civil et les tribunaux ont de plus, reconnu que dans le domaine du droit du travail, le droit civil du Québec fait figure de droit commun, ou à tout le moins, de droit supplétif. La Cour supérieure rappelle également qu’à moins de dispositions particulières d’une loi statutaire spécifique, le CCQ s’applique à tous les citoyens et peut être invoqué pour régler tout problème juridique. Comme la LATMP ne contient aucune disposition de la nature des articles 6 et 7 du CCQ, ces articles trouvent donc application en l'espèce.

 

Trépanier et Larouche Construction enr.,C.L.P. 340231-08-0802, 28 août 2008, P. Prégent.

La jurisprudence de la CLP considère que pour interpréter les dispositions de la LATMP, le recours au droit commun est utile s'il permet de solutionner un litige. Il y a donc lieu de référer aux dispositions pertinentes du CCQ.

 

Charron et Marché André Martel inc.,[2010] C.L.P. 219.

Le CCQ  peut servir à interpréter, voire compléter, tous les textes législatifs et administratifs applicables au Québec. Il existe maintenant une lacune juridique qui concerne spécifiquement la question du délai pour réclamer certaines prestations d’aide à domicile. La prescription du CCQ s’applique donc à titre supplétif.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2011 QCCLP 5854.

Révision judiciaire rejetée, 2012 QCCS 6958.

Dionne c. Commission des  lésions professionnelles,2010 QCCS 1550.

L'interprétation des dispositions pertinentes du CCQ, pour décider de l'existence d'un contrat de travail, est étroitement liée au mandat de la CLP et elle en a une connaissance approfondie. Même s'il s'agit d'un concept de droit civil, la CLP devait néanmoins l'interpréter pour l'appliquer dans son domaine spécialisé, puisque la définition de « travailleur » y fait expressément référence.

 

Suivi :

Appel rejeté avec dissidence, 2012 QCCA 609.

Pourvoi à la Cour suprême accueilli sur un autre point, 2014 CSC 33.

STM et Bouchard,2011 QCCLP 2324.

Le CCQ est la codification du droit commun et le fondement des autres lois au Québec. Il peut être de mise d'y recourir pour interpréter les dispositions d'une loi ou pour y suppléer. Même si les dispositions du CCQrelatives à la prescription s'appliquaient à titre supplétif, le tribunal en viendrait à la conclusion que le recours de l'employeur n'est pas prescrit. Le temps écoulé est majoritairement attribuable à la CSST, qui a manqué à ses devoirs en omettant de rendre une décision. De plus, la demande initiale de l'employeur est assimilable à une action qui suspend le délai de prescription. La prescription extinctive prévue à l'article 2925 du CCQn'est pas opposable à l'employeur, car elle ne serait pas acquise si elle était applicable.

 

Sinclair c. Commission des lésions professionnelles,2011 QCCS 3637.

Une demande d'aide personnelle à domicile, déposée 13 ans après la lésion professionnelle du travailleur, est déclarée irrecevable par la CLP en raison du délai de prescription de trois ans de l'article 2925 du CCQ. Même si elle est fondée sur un article du CCQ, la question en litige entre dans le champ d'expertise de la CLP. En l'absence d'une disposition claire dans la loi quant au délai pour produire une telle demande, il est raisonnable que la CLP applique cette prescription, à titre supplétif. C'est à bon droit qu'elle retient qu'il doit y avoir une date butoir pour la présentation d'une telle demande.

 

Promenades Ste-Anne inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail,2015 QCCLP 1947.

La CLP applique les règles prévues au CCQ lorsqu'elles peuvent être utiles pour interpréter les dispositions de la loi ou même pour y suppléer en cas de silence. Elle n'hésite pas à appliquer le délai de prescription de trois ans prévu à l'article 2925 du CCQ à l'occasion de diverses réclamations produites par des travailleurs afin de réclamer des prestations prévues par les dispositions de la loi, notamment pour l'aide personnelle à domicile, pour les travaux d'entretien courant du domicile, pour des frais d'assistance médicale, pour des frais reliés à un déménagement ou encore pour le remboursement de vêtements endommagés en raison du port d'une orthèse,

 

Suivi : 

Révision judiciaire rejetée, 2016 QCCS 2036.

Papineau et 2418-7437 Québec inc.,2016 QCTAT 5951.

Force est de constater que la Loi est silencieuse à propos du délai visant à réclamer une indemnité réduite de remplacement du revenu. Face à une lacune législative ou encore à un vide juridique, le Tribunal doit faire appel au droit commun tel qu’exprimé dans le CCQ.

 

Bertrand et Produits papier Sanitation JM Canada (Fermée),2018 QCTAT 6273.

Il est reconnu que le CCQ  agit à titre de droit supplétif à la Loi lorsque nécessaire et en faisant les ajustements requis. Le CCQ  est une législation d’application générale alors que la Loi elle-même administre un régime spécifique. Dans les cas de silence dans la Loi, il est possible que le CCQ  soit utilisé à combler certains besoins.

 

Guérin c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST),2018 QCCS 1650.

Force est de constater que la LATMP est silencieuse quant au délai visant à réclamer une IRR. Dans les circonstances, le TAT peut faire appel au droit commun, tel qu’exprimé dans le CCQ.

 

Suivi :

Permission d’appeler rejetée, 2018 QCCA 1321.

Filiatreault c. Tribunal administratif du travail,2019 QCCS 2622.

La Cour supérieure retient que le TAT fait état de la jurisprudence reconnaissant que le droit à une indemnité pour une mesure de réadaptation sociale peut rétroagir à la date de la lésion, selon les circonstances, pour autant que le demandeur démontre que le besoin d’aide personnelle était présent durant la période en cause. Ensuite, face au silence de la loi, le TAT choisit d’appliquer à ce type de réclamation la prescription triennale à titre supplétif, comme l’ont fait les tribunaux à certaines occasions. Certes, la LATMP prévoit un régime d’indemnisation des accidentés du travail qui est complet en soi. Il est en outre établi que la Loi ne contient pas de délai de prescription applicable à la demande d’aide personnelle à domicile. Serait-ce donc dire, comme le plaide le demandeur, que ce type de demande est imprescriptible et que le TAT ne pouvait faire appel au CCQ dans le cadre de son analyse? Le Tribunal ne le croit pas. D’une part, comme en atteste sa disposition préliminaire, le CCQ constitue le fondement des autres lois. D’ailleurs, l’un des objectifs du deuxième alinéa de la disposition préliminaire « est de favoriser […] le recours à ses dispositions [C.c.Q.] pour interpréter et appliquer les autres lois et en combler les lacunes […] ». D’ailleurs, la jurisprudence des tribunaux supérieurs reconnaît le recours aux dispositions du CCQ en la matière. Le Tribunal est d’avis qu’il était raisonnable pour le TAT de suivre ce courant jurisprudentiel et de recourir, de façon supplétive, à la prescription triennale de droit commun afin de trancher la question.

 

Suivi :

Permission d’appeler accueillie, 2019 QCCA 1458.

Voir également :

Kraft General Foods Canada Inc. c. Kolodny,  [1999] C.L.P. 59 (C.A.).

Bertrand et Manoir St-Sauveur,  C.L.P. 202126-64-0303, 15 juin 2005, M. Langlois.

Ouellet et Entretien de voies ferrées Coyle, C.L.P. 307336-02-0701, 11 juillet 2007, J.-M. Hamel.

Validité constitutionnelle

Le Tribunal a le pouvoir de se prononcer sur la validité constitutionnelle d'une loi qu'il a à appliquer puisqu'il peut disposer de toute question de droit.

Douglas College c. Douglas/Kwantlen Faculty Association,[1990] 3 R.C.S. 570.

La pratique qui consiste à soumettre à un tribunal une question constitutionnelle plutôt que de demander initialement le contrôle judiciaire est assez naturelle dans le contexte d'aujourd'hui et ne contrevient pas au concept du partage des pouvoirs. Même si les pratiques informelles d'un tribunal peuvent ne pas être tout à fait adaptées aux questions constitutionnelles, la pratique comporte des avantages évidents. D'abord, la Constitution doit être respectée et tout citoyen, lorsqu'il comparaît devant des organismes décisionnels établis pour se prononcer quant à ses droits et à ses devoirs, devrait pouvoir faire valoir les droits et libertés garantis par la Constitution. De plus, un tribunal spécialisé peut, d'une façon expéditive et peu coûteuse, faire le tri des faits et établir un dossier au bénéfice d'un tribunal d'appel. Cette compétence spécialisée peut s'avérer une aide inestimable en matière d'interprétation constitutionnelle.

 

Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin,2003 CSC 54.

Lorsque des tribunaux ayant une compétence d'attribution sont valablement saisis d'un litige, ils ont le pouvoir de se prononcer sur la validité constitutionnelle d'une loi qu'ils sont appelés à appliquer pourvu qu'ils aient le pouvoir de disposer de toute question de droit.

 

Poissant et C.H. Le Gardeur,[2008] C.L.P. 815.

L’article 377 autorise le tribunal à décider de toute question de droit nécessaire à l’exercice de sa compétence. Selon la Cour suprême du Canada, l’attribution expresse du pouvoir d’examiner ou de trancher les questions de droit découlant de l’application d’une disposition législative est présumée conférer également le pouvoir de se prononcer sur la constitutionnalité de cette disposition. La CLP peut donc statuer sur la validité de l’article 42.1 de la LSST.

 

Desrosiers et Chez Henri Majeau & Fils inc.,2016 QCTAT 3665.

Le premier juge administratif devait notamment analyser la portée de l’article 67 de la Loi qui réfère spécifiquement à la Loi sur les impôts. De ce simple fait, il avait le pouvoir requis pour se prononcer à ce niveau. Au surplus, plusieurs décisions rendues par les tribunaux supérieurs ont rappelé les pouvoirs dont disposent les tribunaux administratifs à l’égard de lois autres que leur loi habilitante. Dans l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin, la Cour du Canada s’est notamment prononcée sur la compétence du Tribunal d’appliquer la CCDL. La Cour retient que les tribunaux administratifs qui ont une compétence expresse ou implicite pour trancher les questions de droit découlant de l’application d’une disposition législative sont présumés avoir le pouvoir concomitant de statuer sur la constitutionnalité de cette disposition. Appliquant ces enseignements à la présente affaire, le Tribunal constate qu’il a le pouvoir de trancher toute question de fait ou de droit, lequel lui est notamment attribué par l’article 9 de la LITAT. Par conséquent, s’il a la capacité de se prononcer à l’égard des chartes, il l’a également à l’égard de toute autre loi, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une loi à laquelle il est fait référence dans la loi habilitante comme c’est le cas de la Loi sur les impôts.

 

Popescu et Emploi et Développement social Canada,2020 QCTAT 2637.

La travailleuse soumet que le Tribunal peut et doit se prononcer sur la validité constitutionnelle des 358 à 358.5 de la Loi, et ce, conformément aux enseignements de la Cour suprême du Canada. À cet égard, les enseignements de la Cour suprême du Canada se résument ainsi : Le Tribunal a le pouvoir de se prononcer sur la constitutionnalité d’une disposition législative, mais uniquement lorsqu’il est chargé d’examiner ou de trancher des questions de droit qui découlent de celle-ci. Il ne peut agir ainsi que dans le cadre d’une contestation déposée en vertu de l’article 6 de la LITAT. De plus, les réparations constitutionnelles qu’il peut octroyer sont limitées, et n’incluent pas les déclarations générales d’invalidité. Si le Tribunal constate qu’une disposition législative qu’il est chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, est inconstitutionnelle, il devra trancher le litige dont il est saisi comme si elle n’était pas en vigueur. De plus, ce constat n’aura aucune autorité contraignante, outre le cas dont il est saisi, et ne liera pas les autres décideurs.

 

Recevabilité d'une preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits fondamentaux

Le pouvoir du Tribunal

Le Tribunal a le pouvoir de statuer sur la recevabilité d'une preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits fondamentaux.

Gatineau (Ville de) et Ménard,2012 QCCLP 4879.

Lors de la première journée d’audience, le Tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité de la preuve vidéo et des rapports d’enquête, et ce, malgré l’absence d’objection de la part de la travailleuse. Ces éléments de preuve sont déposés sous réserve d’une décision à cet égard et un délai est consenti aux procureurs pour le dépôt d’une argumentation écrite sur cette question. Les dossiers sont mis en délibéré le 27 juin 2012, date à laquelle le Tribunal a pris connaissance de l’argumentation écrite de l’employeur portant sur la recevabilité de la preuve vidéo et la réponse de la travailleuse. Mais, avant de disposer de cette question, le Tribunal doit analyser la recevabilité de la preuve constituée d’un enregistrement vidéo et de rapports d’enquête qu’a déposé l’employeur à l’audience et qui a été prise sous réserve par le tribunal. Rappelons que, tel que l’a admis l’employeur, même en l’absence d’une objection de la part de la travailleuse, le Tribunal doit se prononcer sur cette question en raison de l’article 2858 du CCQ.

 

STM (Réseau des autobus) et Chabot,2016 QCTAT 5066.

Le Tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité de la filature. En effet, l’article 2858 du CCQ lui permet de le faire en prévoyant qu’un décideur doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions pouvant porter atteinte à un droit fondamental et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Tout en reconnaissant que le Tribunal n’est pas lié par les règles de preuve des tribunaux judiciaires, la soussignée est d’avis à l’instar d’autres décideurs qu’il peut s’en inspirer. En outre, l’article 11 de la LJA est sensiblement au même effet. La soussignée est donc d’avis qu’il lui revenait de soulever d’office la question de la recevabilité de la filature.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 5201.

L’authenticité

Avant d’admettre en preuve une filature, le Tribunal doit s’assurer du caractère authentique de la vidéo.

Ainsi, la partie qui souhaite produire sa preuve doit faire la démonstration de l’identité des « locuteurs », que la preuve est parfaitement authentique, intégrale, inaltérée et fiable, puis que les propos sont suffisamment « audibles » et intelligibles.

Bérubé et Doncar Dionne Soter Mécanique inc.,C.L.P. 300831-63-0610, 8 mai 2008, I. Piché.

La Cour d’appel dans l’affaire Cadieux et Le Service de gaz naturel Laval inc. développe certains critères en matière de recevabilité d’enregistrement mécanique. On y mentionne l’identité des locuteurs, l’authenticité, l’intégralité et la fiabilité du document qui ne doivent pas être altérés et dont les propos doivent être suffisamment audibles et intelligibles. Bien qu’il soit possible pour le tribunal de s’inspirer de ces balises, il faut toutefois les utiliser avec circonspection et souplesse puisque ce jugement traite d’une infraction en matière criminelle alors qu’un prévenu a droit à la présomption d’innocence, qu’il est en droit de ne pas s’auto incriminer et que le fardeau de la démonstration des éléments essentiels de l’infraction appartient à la partie poursuivante hors de tout doute raisonnable. Ces différents principes ne trouvent pas écho en matière administrative.

 

CHSLD Vigi Reine Élisabeth et Therrien,C.L.P. 292022-63-0606, 18 décembre 2008, L. Crochetière.

Dans Cadieux et Le Service de gaz naturel Laval inc., la Cour d’appel énonce les critères à appliquer pour la recevabilité d’une preuve technique dont l’authenticité est établie par la preuve de l’identité des « locuteurs », le fait qu’elle soit parfaitement authentique, intégrale, inaltérée et fiable et le fait et que les propos soient suffisamment « audibles » et intelligibles. L’adaptation de ces principes doit être faite lorsqu’il s’agit de captation d’images. En l’instance, l’identité de la personne que l’on voit sur ces images est bien celle de la travailleuse, sauf une autre dame en pantalon carrelé rouge qui n’est pas la travailleuse. Le témoignage des enquêteurs démontre que les images qu’ils ont filmées ont été transférées en intégralité en format numérique, par un employé de la même firme, pour faciliter le dépôt en preuve. Enfin, ces images sont claires et parfaitement intelligibles.

 

Résidence Angelica inc. et Desforges,2012 QCCLP 487.

Même si l’aspect technique de la recevabilité des DVD n’a pas été soulevé par la travailleuse, le Tribunal constate que la preuve est admissible. L’identité de la travailleuse sur les images captées ne fait aucun doute. Celle-ci s’est présentée à la première audience et elle est facilement reconnaissable sur les DVD. Personne n’a soulevé un problème d’identité. Les enquêteurs ont témoigné, expliqué la procédure de la filature, déposé les rapports d’enquête et témoigné de l’authenticité et de la non-altération des images transférées par leur firme sur les DVD déposés en preuve.

 

CHSLD Juif de Montréal et Guerra,2019 QCTAT 4996.

L’employeur qui veut introduire une preuve de filature a d’abord le fardeau de prouver que la personne soumise à la mesure de surveillance est bien la travailleuse. Il doit ensuite prouver que la preuve matérielle est authentique, intégrale, inaltérée et fiable. Si cette preuve n’est pas faite, la preuve matérielle, ici un CD, est jugée irrecevable. En effet, le Tribunal doit s’assurer du caractère authentique de toute preuve matérielle. Cette preuve d’authenticité est distincte et préalable à la détermination de l’admissibilité d’une preuve matérielle, et ce, tel que le prévoit l’article 2855 du CCQ.

 

Voir également :

Cadieux c. Service de gaz naturel Laval inc., [1991] R.J.Q. 2490 (C.A.).

Fournitures de Bureau Denis inc. et Gagnon, C.L.P. 368905-61-0902, 4 février 2010, G. Morin.

Rive-Sud Chrysler Dodge inc. et Hamed, 2021 QCTAT 66.

Les conditions

Une preuve sera déclarée inadmissible si 1) elle a été obtenue en violation d’un droit fondamental et 2) elle est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

Les décisions des tribunaux judiciaires ainsi que la jurisprudence majoritaire du Tribunal rappellent que l’irrecevabilité de la preuve est conditionnelle à ce que les deux conditions soient remplies.

Lessard et Meubles Canadel inc.,[2003] C.L.P. 1260.

Si le décideur conclut qu’il y a atteinte aux droits et libertés fondamentaux et que l’utilisation de l’élément de preuve serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, l’élément de preuve sera déclaré irrecevable. Par contre, s’il conclut que les conditions dans lesquelles l’élément de preuve a été obtenu portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux mais que l’utilisation de cette preuve n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, l’élément de preuve sera déclaré recevable.  Il y a donc deux étapes à franchir et chacune d’elle comporte ses propres critères d’analyse.

 

Bellefeuille c. Morisset,2007 QCCA 535.

Les deux conditions de rejet sont cumulatives : non seulement l’élément de preuve doit-il avoir été obtenu dans des conditions portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux, mais son utilisation doit en outre être de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

 

Résidence Angelica inc. et Desforges,2012 QCCLP 487.

L’utilisation de la locution « et » implique que les deux critères doivent être rencontrés pour que la preuve soit rejetée. Lorsque l’analyse démontre que la preuve n’a pas été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux, elle est recevable et l’étude du second critère n’est pas requise. Lorsque la preuve est obtenue dans des conditions qui portent atteinte à des droits et libertés fondamentaux, elle peut être recevable, lorsque jugée pertinente, si son utilisation ne déconsidère pas l’administration de la justice.

 

Entreprises PA Électrique inc. et Charron,2013 QCCLP 6581.

Il ressort de ces dispositions que la détermination de la recevabilité en preuve d’une vidéo se fait en deux étapes soit, d'une part, de déterminer si les conditions dans lesquelles l’élément de preuve a été obtenu portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et, dans l'affirmative, de déterminer si l’utilisation de cette preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Lorsque la preuve est obtenue dans des conditions qui portent atteinte à des droits et libertés fondamentaux, elle peut être recevable, lorsque jugée pertinente, si son utilisation ne déconsidère pas l'administration de la justice.

 

Viandes Or-Fil international inc. et Bazile,2013 QCCLP 5287.

Si le décideur conclut qu’il y a atteinte aux droits et libertés fondamentaux et que l’utilisation de l’élément de preuve serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, l’élément de preuve sera déclaré irrecevable. Par contre, s’il conclut que les conditions dans lesquelles l’élément de preuve a été obtenu portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux mais que l’utilisation de cette preuve n’est pas susceptible de déconsidérer l’administrative de la justice, l’élément de preuve sera déclaré recevable. Il y a donc deux étapes à franchir et chacune d’elle comporte ses propres critères.

 

Tremcar inc. c. Commission des lésions professionnelles,2017 QCCS 5993.

Au soutien de sa décision, la juge administrative retient « le courant minoritaire de jurisprudence », soit qu’une preuve obtenue sans motif sérieux constitue « en soi » une déconsidération de l’administration de la justice et doit être exclue, car la violation du droit au respect de la vie privée du travailleur est « plus importante » que la recherche de la vérité. Le Tribunal croit utile de faire quelques commentaires sur la question, en l’espèce, de la déconsidération de l’administration de la justice. Les motifs de la juge administrative, semblent dire que la déconsidération est automatique, selon un soi-disant courant minoritaire, dont l’existence est inconnue de ce Tribunal. Avec égard, cette thèse est contraire à l’enseignement de la Cour d’appel dans Bridgestone, voulant que la partie qui demande l’exclusion d’une preuve assume le fardeau de démonstration à cet égard. Ces deux conditions de l’article 2858 du CCQ  sont distinctes et cumulatives.

 

Syndicat des travailleurs et travailleuses du CSSS Vallée-de-la-Gatineau (CSN) c. Centre de santé et des services sociaux de la Vallée-de-la-Gatineau,2019 QCCA 1669.

Pour déterminer si un élément de preuve doit être rejeté lorsque les droits fondamentaux sont en jeu, l’analyse est en deux temps : il faut d’abord décider s’il a été « obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux puis, si son « utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Ce n’est pas un choix : le décideur doit impérativement conclure que les deux critères de l’article sont satisfaits. Un décideur qui passe outre à cette exigence et qui ne procède qu’à l’une ou l’autre des deux facettes de l’analyse ne respecte pas une règle impérative et sa décision ne peut être qualifiée de raisonnable.

 

Voir également :

Centre de services scolaire de Montréal (Commission scolaire de Montréal) c. Alliance des professeures et professeurs de Montréal (FAE), 2021 QCCA 1095.

Un courant minoritaire considère qu’une preuve obtenue en violation d’un droit fondamental déconsidère automatiquement l’administration de la justice.

MEP Technologies inc. et Paez,C.L.P. 288240-61-0605, 23 août 2006, B. Lemay.

L’idée que l’employeur, l’auteur actuel de la violation au respect de la vie privée du travailleur, puisse ici utiliser cette preuve qui découle de cette violation est manifestement de nature à déconsidérer l’administration de la justice. Permettre en effet la recevabilité de cette preuve serait envoyer un bien mauvais message à tous les employeurs qu’il leur est désormais possible, en l’absence d’un intérêt juridique, d’une motivation et d’une finalité sérieuse, de filmer leurs employés à leur insu dans le but de découvrir un éventuel manque de loyauté ou d’honnêteté et venir, par la suite, justifier la filature ou la surveillance par son résultat. Cela heurte le bon sens.

 

Gestion Hunt Groupe Synergie inc. et Pimparé,2012 QCCLP 719.

Le Tribunal trouve pour le moins paradoxal que l’on mette dans la balance le critère de la déconsidération de l’administration de la justice avec celui de la recherche de la vérité et la pertinence de la preuve découverte malgré la violation des droits du travailleur. Le paradoxe vient du fait que pour évaluer ces deux critères, le Tribunal doit prendre connaissance de la preuve obtenue en violation des droits. Cela revient au principe de justifier une illégalité par son résultat. Le Tribunal est d’opinion que la preuve obtenue sans que la CSST n’ait eu des motifs raisonnables pour entreprendre son enquête et qui porte atteinte au droit à la vie privée du travailleur déconsidère l’administration de la justice et la recherche de la vérité ne peut se justifier après coup et ne peut servir de fondement à une telle violation des droits fondamentaux d’une personne. Admettre une telle preuve enverrait un message pour le moins cynique aux employeurs ou à la CSST.

 

Première condition : preuve obtenue en violation d’un droit fondamental

Toute surveillance en dehors des lieux du travail n’est pas nécessairement illicite. Bien qu’à première vue, une telle surveillance puisse constituer une atteinte à la vie privée, elle pourra être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et qu’elle est conduite par des moyens raisonnables.

Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau,[1999] R.J.Q. 2229.

En substance, bien qu’elle comporte une atteinte apparente au droit à la vie privée, la surveillance à l’extérieur de l’établissement peut être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables, comme l’exige l’article 9.1 de la Charte. Ainsi, il faut d’abord que l’on retrouve un lien entre la mesure prise par l’employeur et les exigences du bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’établissement en cause. Il ne saurait s’agir d’une décision purement arbitraire et appliquée au hasard. L’employeur doit déjà posséder des motifs raisonnables avant de décider de soumettre son salarié à une surveillance. Il ne saurait les créer a posteriori, après avoir effectué la surveillance en litige.

 

Transport TFI 22, s.e.c. et Bourgeois,2015 QCCLP 1114.

Toute surveillance effectuée par un employeur en dehors des lieux du travail n’est pas nécessairement illicite. Bien qu’à première vue, une telle surveillance puisse constituer une atteinte à la vie privée, elle pourra être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et si elle est conduite par des moyens raisonnables, et ce, en conformité avec la Charte. Cependant, de tel motifs rationnels doivent exister avant même que ne débute la filature.

 

CHSLD Juif de Montréal et Guerra,2019 QCTAT 4996.

Lorsque l’atteinte à la vie privée est justifiée en vertu de l’article 9.1 de la Charte, donc que la preuve démontre que la mesure de surveillance est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables, l’atteinte au droit à la vie privée est justifiée et la preuve par filature est admissible, sous réserve de sa pertinence. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de passer au deuxième volet de l’analyse, soit de déterminer si l’utilisation de cette preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Dans le cas contraire, si l’atteinte au droit n’est pas justifiée, le Tribunal passe à la dernière étape de son analyse qui vise à déterminer si l’utilisation de la preuve obtenue dans des conditions qui portent atteinte à un droit fondamental est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, tel que le prévoit l’article 2858 du CCQ.

 

Voir également :

Fonderie Shellcast et Alvarado, C.L.P. 212798-71-0307, 16 février 2007, A. Vaillancourt.

Motifs rationnels

L’employeur, ou la CNESST, doit démontrer qu’il avait des motifs rationnels, raisonnables et sérieux au moment de prendre la décision de procéder à la filature. Les motifs invoqués ne doivent pas relever d’un simple doute, mais bien d’éléments précis et objectifs.

Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau,[1999] R.J.Q. 2229.

On peut concéder qu’un employeur a un intérêt sérieux à s’assurer de la loyauté et de l’exécution correcte par le salarié de ses obligations, lorsque celui-ci recourt au régime de protection contre les lésions professionnelles. Avant d’employer cette méthode, il faut cependant qu’il ait des motifs sérieux qui lui permettent de mettre en doute l’honnêteté du comportement de l’employé.

 

Securitas Transport Aviation Security Ltd. et Diaz,2014 QCCLP 3087.

Il ne suffit pas d’avoir des contradictions ou incohérences d’ordres médical ou factuel pour procéder à une surveillance par filature en dehors du milieu de travail. Il faut que ces contradictions et incohérences, par leur importance, leur nature et par la fiabilité des sources d’information, soient suffisamment sérieuses pour mettre en doute l'honnêteté du comportement du travailleur.

 

CSSS Jardins-Roussillon et Tremblay,2017 QCTAT 4826.

La jurisprudence de la CLP et du Tribunal enseigne que de simples doutes, de vagues soupçons, des rumeurs ou une intuition sont des motifs insuffisants pour procéder à une surveillance par filature. Les motifs doivent être raisonnables et sérieux. Dans l’affaire Ville de Sherbrooke c. Turcotte, la Cour supérieure, saisie d’une requête en révision judiciaire d’une sentence arbitrale, définit comme suit le caractère sérieux et raisonnable qui doit caractériser les motifs invoqués par l’employeur afin de conclure la présence de motifs rationnels : « Ce n'est pas n'importe quel soupçon qui peut justifier une filature. La Cour d'appel parle de motifs sérieux et raisonnables. Un motif raisonnable est un motif qui s'appuie sur la raison plutôt que sur le préjugé, la première impression, les idées reçues ou une simple rumeur. C'est un motif susceptible d'objectivation. Un motif sérieux est un motif qui dénote une importance, qui n'est pas léger, frivole ou superficiel ».

 

Suivi :

Révision rejetée, 2020 QCTAT 639.

CHSLD Juif de Montréal et Guerra,2019 QCTAT 4996.

Tel qu’établi dans l’affaire Bridgestone, l’employeur doit avoir un motif rationnel, c’est-à-dire un motif sérieux et raisonnable qui l’amène à douter de l’honnêteté du comportement de la travailleuse avant de prendre la décision de la soumettre à une surveillance. Ce motif ne peut en aucun cas se justifier par le résultat même de l’enquête, il doit exister avant. Un motif sérieux et raisonnable n’est pas un simple doute, de vagues soupçons ou des rumeurs. Il s’appuie sur la raison plutôt que sur le préjugé, la première impression ou les idées reçues. C’est un motif susceptible d’objectivation. S’il s’agit de contradictions ou d’incohérences d’ordre médical ou factuel, elles doivent, par leur importance, leur nature et par la fiabilité des sources d’information, être suffisamment sérieuses pour mettre en doute l’honnêteté du comportement de la travailleuse. Il ne doit jamais s'agir d'une décision purement arbitraire et appliquée au hasard.

 

Moyens raisonnables

Au niveau du choix des moyens, il faut que la mesure de surveillance, notamment la filature, apparaisse comme nécessaire pour la vérification du comportement du salarié et que, par ailleurs, elle soit menée de la façon la moins intrusive possible. Lorsque ces conditions sont réunies, l’employeur a le droit de recourir à des procédures de surveillance, qui doivent être aussi limitées que possible.

Syndicat des travailleuses et travailleurs de Bridgestone/Firestone de Joliette (C.S.N.) c. Trudeau,[1999] R.J.Q. 2229.

Au niveau du choix des moyens, il faut que la mesure de surveillance, notamment la filature, apparaisse comme nécessaire pour la vérification du comportement du salarié et que, par ailleurs, elle soit menée de la façon la moins intrusive possible. Lorsque ces conditions sont réunies, l’employeur a le droit de recourir à des procédures de surveillance, qui doivent être aussi limitées que possible.

 

Veilleux et Compagnie d'assurance-vie Penncorp,2008 QCCA 257.

Quant aux moyens, il faut que « la mesure de surveillance, notamment la filature, apparaisse comme nécessaire pour la vérification du comportement du salarié et que, par ailleurs, elle soit menée de la façon la moins intrusive possible. ». Ainsi, en premier lieu, dans « le test de la proportionnalité, il existe l'obligation d'utiliser d'autres moyens moins attentatoires. Aussi, avant de recourir à un moyen extrême, tel la filature, un employeur peut vérifier l'état de santé d'une personne salariée par d'autres moyens. Il ressort de la revue de la jurisprudence que c’est généralement la surveillance des lieux publics qui est « menée de la façon la moins intrusive. La jurisprudence arbitrale a rejeté l’argument voulant qu’épier un employé absent pour des raisons de maladie dans les lieux publics porterait atteinte à son droit au respect de la vie privée. En effet, un employé ne peut s’attendre au même degré de protection de sa vie privée en circulant dans la rue ou dans le stationnement d’un centre commercial que s’il se trouvait dans sa résidence privée. La surveillance à partir de l’extérieur du domicile a également été admise, puisqu’il s’agissait d’un « moyen de preuve de ce qu’aurait vu toute personne déambulant à proximité de l’endroit où l’employé en question aurait commis les gestes qui lui sont reprochés ».

 

CSSS Jardins-Roussillon et Tremblay,2017 QCTAT 4826.

En ce qui a trait au critère de la conduite par des moyens raisonnables, il ressort de la jurisprudence que la filature doit s’avérer nécessaire et être utilisée en dernier recours. En outre, un employeur dispose d’autres moyens que la filature pour vérifier et valider l’état de santé de l’un de ses travailleurs. Si la filature s’avère nécessaire, elle doit être mise en œuvre de la manière la moins intrusive possible et ne pas porter atteinte à la dignité. Ainsi, la surveillance doit être ponctuelle plutôt que systématique et les images doivent être captées dans des lieux où un travailleur peut être observé de façon immédiate par le public et non pas en violation de l’intimité de sa résidence ou de tout autre endroit où le public n’a normalement pas accès.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2020 QCTAT 639.

CHSLD Juif de Montréal et Guerra,2019 QCTAT 4996.

Comme il est établi dans l’affaire Bridgestone précitée, la mesure de surveillance, notamment la filature, doit être nécessaire pour la vérification du comportement de la travailleuse et elle doit menée de la façon la moins intrusive possible, dans des conditions qui ne portent pas atteinte à la dignité de la travailleuse : elle doit être ponctuelle et permettre de capter les activités dans des lieux où la travailleuse peut être observée de façon immédiate par le public, comme dans des lieux publics et à l’extérieur de son domicile. Aussi, les procédures de surveillance doivent être aussi limitées que possible. Lorsque ces conditions sont réunies, l’employeur a le droit de recourir à la surveillance d’une travailleuse.

 

Deuxième condition : déconsidération de l’administration de la justice

Lorsque le Tribunal conclut que la preuve n’est pas justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables, il doit ensuite se demander si l’admission de la preuve déconsidère l’administration de la justice. Il faut examiner la gravité de la violation puis faire un exercice de pondération entre la protection des droits fondamentaux et la recherche de la vérité.

Mascouche (Ville) c. Houle,[1999] R.J.Q. 1894 (C.A.).

Le juge du procès civil est convié à un exercice de proportionnalité entre deux valeurs : le respect des droits fondamentaux, d'une part, et la recherche de la vérité, d'autre part. Il lui faudra donc répondre à la question suivante : La gravité de la violation aux droits fondamentaux, tant en raison de sa nature, de son objet, de la motivation et de l'intérêt juridique de l'auteur de la contravention que des modalités de sa réalisation, est-elle telle qu'il serait inacceptable qu'une cour de justice autorise la partie qui l'a obtenue de s'en servir pour faire valoir ses intérêts privés? Exercice difficile s'il en est, qui doit prendre appui sur les faits du dossier. Chaque cas doit donc être envisagé individuellement. Mais, en dernière analyse, si le juge se convainc que la preuve obtenue en contravention aux droits fondamentaux constitue un abus du système de justice parce que sans justification juridique véritable et suffisante, il devrait rejeter la preuve.

 

World Color Press (Corporatif) et Middleton,2011 QCCLP 2776.

Lorsque l’article 2858 du CCQ trouve application, la partie qui réclame l’exclusion d’une preuve en raison d’une violation de la vie privée a le fardeau de démontrer que l’admission de cette preuve serait de nature à déconsidérer l’administration de la justice. Il s’agit d’un passage obligé qui implique d’évaluer la gravité de l’atteinte à la vie privée et de déterminer entre deux valeurs qui s’opposent, à savoir la protection des droits fondamentaux et la recherche de la vérité, laquelle doit avoir priorité compte tenu des faits particuliers de l’espèce.

 

Résidence Angelica inc. et Desforges,2012 QCCLP 487.

Le Tribunal doit apprécier s’il s’agit d’une preuve pertinente en fonction du litige dont il est saisi et se demander si le respect du droit à la vie privée l’emporte sur le devoir qui incombe au tribunal de rechercher la vérité afin d’être en mesure de répondre aux questions qui lui sont soumises. Le critère de la personne raisonnable, normalement informée peut être utilisé pour tester si l’administration de la justice serait ou non déconsidérée par l’admission ou le rejet d’une telle preuve.

 

Arcelormittal Mines Canada inc. et Lavoie,2015 QCCLP 175.

Il convient de prendre en compte le rôle du Tribunal qui consiste en la recherche de la vérité, afin que chaque travailleur reçoive du régime public d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles ce à quoi il a droit, ni plus ni moins. C’est à cette fin que le législateur a cru bon de doter la CLP d’un pouvoir d’enquête étendu. Pareille recherche légitime et encadrée de la vérité ne saurait avoir pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.

 

Voir également :

Pinsonnault et Agence MD Santé inc., 2014 QCCLP 2842.

Securitas Transport Aviation Security Ltd. et Diaz, 2014 QCCLP 3087.

Remboursement des honoraires de représentation ou d’expertise

Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’ordonner le paiement ou le remboursement d’honoraires de représentation ou d’expertise.

Malboeuf et Manoir le Sapinois inc.,2011 QCCLP 3484.

Le Tribunal évalue d’abord la demande de remboursement de la travailleuse en regard des frais afférents au litige ayant mené à la décision de la CLP. Il s’agit de frais d’avocats encourus avant cette audience, des frais d’expertise médicale et des frais reliés à des correspondances rédigées par son médecin. Or, une partie doit assumer les frais relatifs à sa défense. La Loi ne prévoit pas le remboursement de ces frais, peu importe l’issue du litige. Le Tribunal ne peut donc accorder à la travailleuse les frais qu’elle réclame.

 

Adams et Ambulances 0911 inc.,2011 QCCLP 5333.

Le régime de droit québécois fait en sorte que chaque partie assume les frais de son avocat et de ses experts. Une exception existe devant les tribunaux civils puisque le législateur prévoit qu’un mémoire de frais peut être préparé pour réclamer certains coûts. Pareille disposition n’existe cependant pas dans la Loi. Ainsi, le législateur a prévu qu’un travailleur avait droit aux frais d’assistance médicale, à l’IRR, à l’indemnité pour préjudice corporel, etc. Il n’a cependant rien prévu en matière de remboursement de frais d’avocat ou de frais d’expertise déposés devant la CLP pour défendre ses droits. La jurisprudence unanime du Tribunal confirme ces principes. Le Tribunal ajoute que le travailleur avait le choix de se représenter seul, de se faire représenter par un avocat, par un consultant, un représentant de son choix ou son représentant syndical. Il a choisi de retenir les services d’un avocat pour mettre toutes les chances de son côté. C’est lui qui doit assumer les frais de cet avocat et l’expertise soumise pour convaincre le Tribunal du bien-fondé de ses prétentions.

 

Gagné et Construction Prestige,2013 QCCLP 2864.

Le Tribunal ne peut faire droit à la demande du travailleur. En effet, rien n’existe dans la Loi permet­tant le remboursement des coûts encourus pour la défense des droits des parties devant la CLP. La jurisprudence unanime de la CLP con­firme d’ailleurs ce principe. Par ailleurs, même si le travailleur affirme que l’agente de la CSST qui a traité son dossier a commis une faute en refusant sa réclamation, l’obligeant ainsi à débourser les honoraires de son avocat, le présent Tribunal ne constitue pas le forum approprié pour débattre de telles questions

 

Requête pour être mis hors de cause

Le Tribunal peut accueillir la demande d’une partie qui souhaite être mise hors de cause, lorsque la preuve démontre qu’elle est étrangère au débat ou qu’elle n’est pas une personne intéressée par celui-ci.

L'Authion et Aumont,2018 QCTAT 5683.

La preuve démontre que le travailleur n’a pas été exposé à de tels produits chez l’employeur Corneille. Ainsi, il n’a pas accompli chez cet employeur du travail susceptible d’avoir engendré sa maladie pulmonaire. Y a-t-il lieu d’obliger l’employeur Corneille à demeurer partie intéressée jusqu’à résolution finale du litige, en dépit de la preuve qui le met clairement hors de cause ? Le Tribunal considère que maintenir l’employeur Corneille impliqué dans le présent litige, alors qu’il n’a rien à avoir avec les circonstances ayant donné ouverture à la réclamation, n’atteindrait pas les objectifs de célérité et d’accessibilité inscrits à l’article 1 de la LJA. En effet, cet employeur ne peut contribuer au débat puisqu’il ne dispose d’aucun élément de preuve susceptible de mener à la résolution du litige ni d’aucun argument que l’employeur Authion ne saurait lui-même faire valoir. En réalité, sa présence au dossier ne ferait qu’alourdir le processus décisionnel. La mise hors de cause de cet employeur ne causerait aucun préjudice aux parties intéressées au litige et ne les priverait aucunement de faire valoir leurs moyens sur le fond. Le droit d’être pleinement entendu comporte assurément celui d’être exclus, dès que possible, d’un débat auquel on est étranger. L’objectif d’accessibilité à la justice administrative réclame qu’une partie interpelée puisse obtenir une telle détermination le plus rapidement possible et à moindres frais. Le Tribunal conclut que l’employeur Corneille n’est pas une partie intéressée au présent litige.