Suspension
Selon la jurisprudence, l’article 142 permet la suspension ou la réduction de paiement de l’IRR, mais ne vise pas la suspension du droit à l’IRR. Le paiement peut être repris dès que cesse le défaut reproché.
Cet article doit être interprété de façon restrictive puisqu’il constitue une dérogation au droit du travailleur à l’IRR.
Pour suspendre le versement de l’IRR, il faut être en présence d’un motif sérieux qui soit assimilable à de la négligence ou à de la mauvaise foi de la part du travailleur.
- Genest et 98264 Canada ltée, C.L.P. 85293-08-9701, 3 janvier 2002, P. Prégent.
L’article 142 ne permet pas à la CSST de suspendre le processus de réadaptation déjà amorcé. En outre, selon la jurisprudence, une suspension ne peut durer indéfiniment. En effet, ce n'est pas le droit à l'IRR qui peut être suspendu par l'article 142, mais uniquement le paiement de cette indemnité. Le droit continue de subsister et le paiement peut certes être repris dès que cesse le défaut reproché.
Suivi :
Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Abitibi, 615-05-000809-024, 11 avril 2002, j. St-Julien.
- Manufacture Lingerie Château inc. et Duverglas, C.L.P. 352066-71-0806, 21 juillet 2009, G. Robichaud.
L’article 142 est un article d’ordre pénal qui autorise à « réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité » si un « bénéficiaire » ne suit pas les règles du jeu en tentant de se soustraire à ses obligations ou encore en tentant de s’approprier sans droit, par la simulation ou autrement, des avantages prévus à la loi. Le fardeau est double pour la CSST, car avant de réduire ou suspendre une indemnité, il faut non seulement qu’il y ait la preuve que le travailleur a fait ce qu’il ne devait pas faire, ou omis de faire ce qu’il devait faire, mais il faut de plus que ladite contravention l’ait été « sans raison valable ».
- Barkley et Service Sani-Tri, 2011 QCCLP 2578.
L’article 142 est un moyen de coercition efficace permettant à la CSST d’intervenir lorsqu’un travailleur ne respecte pas ses obligations. Toutefois, il s’agit d’une mesure drastique qui doit être utilisée de façon judicieuse. Le motif doit être sérieux et assimilable à de la mauvaise foi. Les dispositions de l’article 142 existent pour obliger un travailleur à faire face à ses obligations.
- Drakkar Ressources Humaines inc. et Downes, 2012 QCCLP 158.
La jurisprudence enseigne qu’il ne faut pas confondre la suspension du paiement d’une indemnité et la suspension du droit à l’indemnité. L’article 142 ne s’applique qu’au paiement des indemnités de toutes sortes, y compris au paiement de l’IRR, mais ne porte pas sur le droit à ces diverses indemnités. Il ne s’agit pas d’une disposition punitive, mais incitative.
- Vézina et Gil-Ber inc., 2013 QCCLP 2344.
L’article 142 est un moyen de coercition permettant de réduire ou de suspendre le paiement d’une indemnité lorsqu’un travailleur tente de se soustraire à ses obligations en vertu de la loi. La preuve doit alors démontrer que le travailleur a fait ce qu’il ne devait pas faire ou omis de faire ce qu’il devait faire et que la contravention ou l’omission l’a été sans raison valable. La réduction ou la suspension de l’IRR est une mesure draconienne qui doit être utilisée de façon judicieuse. L’article 142 doit donc être interprété de façon restrictive puisque cette mesure constitue une dérogation au droit du travailleur aux indemnités prévues par la loi en raison de sa lésion professionnelle. Pour suspendre le versement de l’IRR, il faut être en présence d’un motif sérieux qui soit assimilable à de la négligence ou à de la mauvaise foi de la part du travailleur.
- Motamedy et Banque Royale du Canada, 2017 QCTAT 5671.
L’application de l’article 142 ne permet que la réduction ou la suspension du paiement de l’IRR et ne constitue pas une suspension du droit à cette indemnité.
Voir également :
Dupont et Via Rail Canada inc., C.L.P. 434064-63-1103, 20 octobre 2011, P. Champagne.
Ulissi et Bétons Préfabriqués Trans-Canada inc., 2014 QCCLP 4628.
Rétroactivité de la suspension
Selon la jurisprudence du Tribunal, la suspension du paiement de l’IRR par la Commission ne peut pas être rétroactive, l’article 142 n’étant pas de nature punitive, mais plutôt incitative.
Toutefois, quelques décideurs considèrent qu’en matière d’assignation temporaire, lorsque le travailleur omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu’il est tenu de le faire conformément à l’article 179, la suspension de l’IRR peut être rétroactive.
La suspension ne peut pas être rétroactive
- Berkline inc. et Hasler, C.L.P. 134590-73-0003, 14 décembre 2000, C.-A. Ducharme.
L'interprétation de l'article 142 ne doit pas être tributaire des pratiques de la CSST, mais doit être effectuée à partir des dispositions qu'il comporte. La suspension du versement de l'IRR ne peut avoir d'effet rétroactif parce que ce concept suppose l'existence d'un versement à faire et s'oppose donc à l'idée de la suspension d'une indemnité déjà versée. De plus, le pouvoir conféré à la CSST par l'article 142 n'est pas de nature punitive, mais a pour but d'inciter le travailleur à remédier à l'une des situations visées par cet article. Cette interprétation doit être retenue même si elle peut conduire à des résultats pratiques peu satisfaisants.
- Laliberté et Corporation Développement récréo-touristique Nautisme Grandes-Piles, C.L.P. 258720-04-0503, 12 juillet 2005, S. Sénéchal.
Il faut distinguer entre le droit à l’IRR et le paiement de cette indemnité. L’article 142 est une mesure de dissuasion et prospective, c’est-à-dire qui vise à amener le travailleur à s’amender pour l’avenir. L’article 142 n’est donc pas une mesure rétroactive, et ce, même si cette interprétation peut, comme mentionné dans l’affaire Berkline, conduire à des résultats pratiques peu satisfaisants. En l’espèce, la CSST ne pouvait pas procéder par le remboursement d'un trop-perçu pour l'IRR déjà versée pour deux journées. En procédant de cette manière, elle en vient ni plus ni moins à conclure que le travailleur a reçu l'IRR sans droit, alors que ce droit existait pour ces deux journées.
- G.P.C. Excavation inc. et Prévost, C.L.P. 257713-03B-0503, 21 septembre 2005, G. Marquis.
Comme l’indique la jurisprudence nettement majoritaire de la CLP, la suspension du versement de l’IRR prend effet à la date de la décision rendue par la CSST. Une telle suspension ne peut être rétroactive puisque le pouvoir conféré à la CSST par l’article 142 se veut de nature incitative et non punitive. Une telle mesure a pour but d’inciter le travailleur à remédier à l’une des situations visées à cet article. Son application rétroactive aurait pour effet d’empêcher le travailleur de remédier à la situation et de mettre fin à la suspension.
- Côté et Robert & Robert (1978) ltée, C.L.P. 269987-05-0508, 27 janvier 2006, M.-C. Gagnon.
Le Tribunal partage la position quant à l’illégalité d’une application rétroactive de l’article 142. En effet, le travailleur à qui l’article 142 est opposé doit avoir le temps de modifier son comportement en connaissant la nature de la mesure qui lui est imposée au début de la période pour laquelle elle s’applique et la mesure ne peut être prise qu’à compter du moment où l’ensemble des explications sont fournies, c'est-à-dire au moment de la décision rendue par la CSST. En outre, le législateur prévoit spécifiquement à l’article 143 le versement rétroactif de l’indemnité réduite ou suspendue lorsque le motif qui a justifié la décision n’existe plus, d’où l’interprétation que cette mesure sert à modifier un comportement d’un travailleur par la suspension du versement de l’IRR pour la période pendant laquelle le travailleur peut avoir une emprise et non pour une période qui précède la décision rendue.
- Drakkar Ressources Humaines inc. et Downes, 2012 QCCLP 158.
La suspension du paiement d’une indemnité est prospective par nature. La CSST ne pourrait pas suspendre un paiement qu’elle a déjà fait dans le passé, sans statuer en même temps sur le droit à cette indemnité. La rétroaction équivaudrait à décider du droit à l’indemnité pour le passé. Or, l’article 142 ne vise pas à décider du droit à une indemnité.
- Boulard et Aéro Mécanique Turcotte inc., 2012 QCCLP 4216.
Le Tribunal estime que la CSST ne peut appliquer rétroactivement les mesures de réduction ou de suspension prévues à l’article 142 puisqu’une telle façon de faire transforme l’article 142 en une mesure punitive plutôt qu’une mesure incitative. En récupérant dans son avis de paiement un trop versé d’IRR, la CSST remet en question le droit du travailleur à l’IRR, ce qu’elle ne peut faire par l’entremise de l’article 142 puisque cet article affecte le paiement de l’indemnité et non pas le droit à celle-ci. De plus, la CSST ne peut pas se servir de cet article pour punir rétroactivement le travailleur, car l’article 142 constitue une mesure incitative.
- Alidousti et Dynamex Canada Ltd, 2013 QCCLP 4738.
La suspension ne peut pas être rétroactive. En effet, il s’agit d’une mesure incitative, et non punitive. Or, une suspension rétroactive prive le travailleur du versement de l’IRR tout en l’empêchant de mettre fin à la contravention de l’article 142 puisque tant qu’une décision n’est pas rendue, le travailleur n’est pas informé des reproches qui lui sont formulés et il ne peut apporter les corrections appropriées. Ainsi, la suspension doit donc débuter au plus tôt à la date de la décision.
- Gauthier et Ville de Saguenay, 2013 QCCLP 6495.
Le Tribunal rappelle qu’en vertu de la jurisprudence, il est bien établi que la sanction prévue à l’article 142 ne peut pas être rétroactive puisque cette disposition est une mesure incitative et que son application rétroactive aurait pour effet d’empêcher le travailleur de pouvoir remédier à la situation. Ainsi, la suspension de l’IRR ne peut pas être antérieure à la décision écrite de la CSST.
- Rheault & Fils ltée et Samson, 2015 QCCLP 2998.
La jurisprudence enseigne que la suspension en vertu de l’article 142 ne peut pas être rétroactive. En effet, il s’agit d’une mesure incitative, et non punitive, qui a pour but de signaler au travailleur une contravention à l’un ou l’autre des paragraphes et alinéas de l’article 142 afin de lui permettre de remédier à la situation et de recouvrer son indemnité. Une suspension rétroactive prive le travailleur du versement de cette indemnité tout en l’empêchant de mettre fin à celle-ci puisque tant qu’une décision n’est pas rendue, le travailleur n’est pas informé des reproches qui lui sont formulés et il ne peut apporter les corrections appropriées. La suspension doit donc débuter, au plus tôt, à la date de la décision qui la prévoit.
- Vachon et Arrondissement Ville-Marie, 2017 QCTAT 2776.
La suspension de l'IRR ne peut être rétroactive. En effet, il s’agit d’une mesure incitative, et non punitive, qui a pour but de signaler une contravention à l’un ou l’autre des paragraphes et alinéas de l’article 142 afin de permettre au travailleur de remédier à la situation identifiée et de recouvrer son indemnité. Or, en l'espèce, une suspension rétroactive prive la travailleuse du versement de cette indemnité tout en l’empêchant de mettre fin à celle-ci puisque tant qu’une décision n’est pas rendue, elle n’est pas informée des reproches qui lui sont formulés et ne peut donc apporter les correctifs appropriés. La suspension doit donc débuter, au plus tôt, à la date de la décision .
La suspension peut être rétroactive
- Rivard et CLSC des Trois Vallées, [1999] C.L.P. 619.
La suspension ou la réduction de l'IRR prévue à l'article 142 peut s'appliquer rétroactivement. En effet, l'assignation temporaire, prévue à l'article 179 revêt un intérêt financier pour l'employeur et le fait pour un travailleur de refuser de l'exécuter, et ce, sans raison valable, prive l'employeur des bénéfices conférés par cet article. Une application différente aurait pour effet de restreindre la portée de ces dispositions.
- Braga et Constructions Louisbourg ltée, C.L.P. 231923-71-0404, 21 avril 2005, R. Langlois.
Plutôt que de recourir à la procédure de contestation de l'assignation temporaire, un travailleur qui s’absente de son propre chef fait fi de la procédure décrite à la loi ainsi qu'à la LSST. Dans ces circonstances particulières, l'application de l'article 142 peut avoir un effet rétroactif. Une décision contraire aurait pour effet de restreindre la portée de l'article 179 alors que l'employeur a un intérêt financier pour assigner le travailleur à un travail allégé et que le travailleur, sans raison valable, le prive de ces bénéfices. Or, l'employeur ne doit pas être tributaire des délais que prend la CSST pour rendre une décision imposant la suspension de l’IRR.
- Bourgeois et Transport TF15, S.E.C., C.L.P. 346127-04B-0804, 5 septembre 2008, M. Watkins.
Le Tribunal adhère à la position mentionnée dans l’affaire Braga et Constructions Louisbourg ltée. La CSST peut donc suspendre rétroactivement l’IRR du travailleur pour les jours où ce dernier s’est absenté de son assignation temporaire sans raison valable.
- Hydro-Québec (Gestion Accident du travail) et Dubé, [2008] C.L.P. 927.
Il n’apparaît pas équitable et efficace de ne pas suspendre le versement de l’indemnité à partir du moment où la travailleuse omet, ou refuse sans raison valable, d’exercer l’assignation temporaire. En l’espèce, son comportement dénote qu’elle n’avait nullement l’intention d’exercer le travail assigné temporairement. Elle n'était pas sans savoir que son médecin la considérait apte à exercer son travail. Or, en inscrivant elle-même une date postérieure sur le formulaire, elle a agi dans son propre intérêt, en toute connaissance de cause, dans le but de profiter des avantages de la loi. Ces circonstances particulières justifient de donner à l’article 142 une portée rétroactive à la suspension du versement de l’IRR.
- Construction Polaris et Robertson, 2013 QCCLP 277.
Refuser d'accorder un effet rétroactif à la suspension de l'IRR lorsqu'il y a refus d'effectuer une assignation temporaire de travail sans que celle-ci ait été contestée conformément à la loi risque de restreindre la portée des dispositions en cause et d'entraîner un préjudice direct pour l'employeur. Le refus ou l'omission du travailleur d'effectuer l'assignation temporaire en dehors de ce qui est prévu à l'article 179 a pour effet d'empêcher l'employeur de l'assigner temporairement et de réduire ses coûts. Le préjudice financier potentiel pour l’employeur est alors encore davantage tributaire du délai que met la CSST à rendre une décision que dans les autres cas de réduction ou de suspension de l'IRR. Dans ce contexte précis, il est possible d'accorder une portée rétroactive à la suspension de l'IRR. La CSST doit donc suspendre l’IRR du travailleur à la date de la demande de l'employeur et non pas à la date de sa décision.
Voir également :
Les Cochonnailles Champenoises et Petit Renaud, 2012 QCCLP 5865.