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. 51. Abandon d'un emploi

Le travailleur récupère son droit à l'IRR

Une condition personnelle peut être à l’origine de l’abandon de l’emploi convenable

Guénette et Produits forestiers DG ltée, C.L.P. 122479-03B-9908, 10 février 2000, P. Brazeau.

Le travailleur est affecté d'une condition athérosclérotique qui provoque des crises d'angine ainsi que d'une condition diabétique. Ces deux conditions personnelles étaient préexistantes à la détermination de l'emploi convenable de gardien de sécurité. Selon le médecin ayant charge du travailleur, le caractère stressant et solitaire de l'emploi de gardien de sécurité travaillant la nuit associé aux risques qu'il entre en hypoglycémie ou soit victime d'une crise d'angine, alors qu'il est seul à son travail, constituent un danger pour sa santé et sa sécurité ce qui l’oblige à abandonner cet emploi.

 

L’avis médical est émis postérieurement à l’abandon

Gadbois et Décorations Lemieux & Lemieux Ltée, C.L.P. 279517-62B-0601, 21 juin 2006, M. D. Lampron.

En janvier 2000, le travailleur a subi une lésion professionnelle, soit une hernie discale dans la région lombaire. Cette lésion a été consolidée avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sévères de classe III. En avril 2005, le travailleur commence à exercer son emploi convenable d'estimateur en projet de construction pour le compte d'une entreprise spécialisée dans le domaine de la peinture. La réalité de ce travail va au-delà du travail de bureau. Cet emploi exige la présence de l’estimateur sur certains chantiers de construction. Ces visites en chantier peuvent durer de trois à quatre heures. L'estimateur doit rester debout durant toute la durée de la visite, soit pendant trois à quatre heures et il doit se déplacer sur les différentes surfaces du chantier, lesquelles peuvent être instables et variées. L'estimateur peut être appelé à grimper dans un escabeau ou dans des échelles et adopter des positions qui peuvent être contraignantes pour le dos. L’employeur témoigne qu’après une première visite de chantier, il a constaté que le travailleur avait de la difficulté à se déplacer, semblait avoir de la douleur et être plus fatigué. Le vendredi 22 avril, l’employeur a indiqué au travailleur qu'il pouvait rester chez lui quelques jours la semaine suivante. C’est dans ce contexte que le travailleur a quitté les lieux de son travail croyant être en mesure de rentrer au travail la semaine suivante. En raison, de l'augmentation de ses douleurs, il a rencontré son médecin le 29 avril suivant. Dans cette affaire bien que l’avis médical succède au dernier jour travaillé, soit le vendredi 22 avril, la preuve démontre que le travailleur n’a pas abandonné de lui-même son emploi convenable. C’est à la suite de l’avis écrit de son médecin, lequel a été émis le 29 avril, que le travailleur n’est pas retourné au travail.

 

L’avis est motivé au sens de l’article 51

Helpin et Services de gestion Quantum ltée, C.L.P. 246819-71-0410, 1er juin 2005, L. Landriault.

L’avis du médecin qui a charge du travailleur respecte l’article 51, puisqu’il connaît l’emploi, soit celui de « nettoyer des pièces au jet de sable », ses exigences et il exprime les raisons sur lesquelles repose sa recommandation au travailleur d’abandonner cet emploi convenable. De même, le tribunal est en mesure de comprendre de cet avis que le travailleur a des difficultés à travailler au jet de sable, qu’il ne peut pas faire cette tâche assis, qu’il n’a pas reçu la chaise pour faire ce travail, qu’il le fait debout, ce qui ne respecte pas les limitations fonctionnelles du travailleur. En outre, cet avis du médecin qui a charge correspond à la preuve présentée au tribunal, à savoir que le travailleur est incapable d’exécuter le travail au jet de sable sur de longues périodes, debout, avec une légère flexion antérieure du tronc, puisque cela contrevient à ses limitations fonctionnelles et comporte un danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

 

Rivest et Ministère des Transports, C.L.P. 311816-08-0703 et 324708-08-0707, 18 février 2008, P. Prégent.

L’avis du médecin qui a charge du travailleur explique les motifs de l’incapacité du travailleur à exercer son emploi convenable, notamment en précisant que les limitations fonctionnelles retenues pour le travailleur sont incompatibles avec le travail exécuté, puisque ce travail ne respecte pas le fait d’éviter de subir des vibrations de basse fréquence et des contrecoups à la colonne vertébrale. Le médecin ajoute sur son avis que le siège ergonomique n’est pas convenable, que le véhicule n’est équipé que d’une suspension rigide et que l’état des routes sur lesquelles le travailleur doit circuler sont cahoteuses, souvent non asphaltées ou gravelées avec de nombreux nids de poule. Enfin, il est mentionné que l’emploi convenable constitue un danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. Le travailleur doit donc récupérer son droit à l'IRR, et ce, à compter de la date à laquelle l’avis motivé a été émis par le médecin qui a charge.

 

L’avis est corroboré par une preuve médicale largement prépondérante

Cloutier et Prévost Car inc. (Division Fabtech Nova), [2006] C.L.P. 1265.

Le travailleur ayant subi une lésion professionnelle, un emploi convenable d'agent d'assurances est déterminé. En septembre 2003, le travailleur est embauché dans une firme de courtage en assurances générales. Peu à peu, divers symptômes se manifestent, notamment de l'insomnie, des troubles somatoformes et de l'anxiété. En mai 2004, le médecin prescrit un arrêt immédiat de travail, de même qu'un antidépresseur et un somnifère. Le 3 juin 2004, le médecin qui a charge signe une attestation médicale mentionnant une dépression secondaire à une incompatibilité du travail avec le travailleur. L'opinion du médecin qui a charge est soutenue par d'autres éléments de preuve, dont l'opinion du chef de la firme de courtage, l'avis exprimé par une psychiatre et le bilan dressé par le psychologue traitant. L’avis médical répond aux exigences de l’article 51.

 

Beaurivage et Agence can. d’inspection aliments, C.L.P. 378986-31-0905, 9 novembre 2010, M.-A. Jobidon.

L’avis requis par l’article 51 a été signé par le médecin qui suivait la travailleuse depuis plusieurs années pour une rhinite allergique d’origine professionnelle et d’asthme également d’origine professionnelle. Le médecin qui a charge a indiqué qu’il y a eu décompensation en raison d’une exposition nocive lors de l’inspection des aliments et il a suggéré un meilleur contrôle environnemental pour la travailleuse. Cet avis a été corroboré et étayé par un autre médecin dans un rapport d’évaluation médicale, par un oto-rhino-laryngologiste qui a effectué une expertise pour la travailleuse et par un spécialiste en médecine du travail.

 

Le travailleur ne peut pas récupérer son droit à l'IRR

L’avis n’est pas suffisamment motivé au sens de l’article 51

Grenier et Grands Travaux Soter inc., C.L.P. 150478-01B-0011, 14 janvier 2003, L. Desbois.

Le Tribunal conclut que le travailleur ne peut pas récupérer son droit à une IRR, car les conditions d’application de l’article 51 ne sont pas remplies. Aucune preuve prépondérante ne démontre que le travailleur a abandonné son emploi sur un avis motivé du médecin démontrant qu’il n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable ou que celui-ci comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.

 

Métro Richelieu 2000 inc. et Tremblay, C.L.P. 239383-71-0407, 14 décembre 2005, A. Suicco.

Pour bénéficier de l'application de l'article 51, un travailleur doit produire un avis d'un médecin qui permet d'apprécier de façon raisonnable le respect des critères qui sont établis à cet article. Cet avis doit être motivé entre autres sur la base des antécédents médicaux et des limitations fonctionnelles du travailleur, de même que des tâches et des exigences physiques de l'emploi qui est remis en cause. Il ne peut s'agir d'un simple rapport des allégations d'incapacité du travailleur. En l'espèce, le rapport médical émis par le médecin indique seulement que « le travail est mal adapté pour ce patient, qu'il est trop taxant pour son problème lombaire ». D'une part, le rapport médical a été émis après que le travailleur eut cessé d'occuper son emploi et il est fondé sur de simples allégations d'incapacité du travailleur; aucune analyse de l'emploi n'est rapportée par le médecin. Il est donc impossible de comprendre les raisons pour lesquelles le médecin conclut de cette façon. Ce type de rapport ne satisfait pas les critères établis par la jurisprudence eu égard à l'interprétation de l'article 51. Cet article ne trouve donc pas application.

 

Godbout et Ministère des Transports, 2011 QCCLP 5753.

Le Tribunal estime que l'avis du médecin qui a charge ne satisfait pas aux exigences de l'article 51. En effet, pour justifier l'invalidité du travailleur l'avis du médecin ne repose que sur l'existence d'une limitation fonctionnelle et sur les douleurs chroniques qui affectent le travailleur. Or, cette limitation fonctionnelle était déjà connue par la CSST au moment de décider de la capacité du travailleur à exercer l'emploi convenable. Par ailleurs, cette limitation fonctionnelle n'empêche pas le travailleur d'occuper l'emploi d’autant plus que la preuve démontre que l'employeur peut s'accommoder de cette limitation fonctionnelle. Il n'a pas non plus été démontré que cet emploi contrevient aux autres limitations fonctionnelles ou qu'il comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur. Le tribunal rappelle qu’il doit ressortir de l’avis médical que le médecin qui a charge connait les antécédents médicaux du travailleur et ses limitations fonctionnelles, qu’il sait de quel emploi il est question et qu’il connait les tâches et les exigences physiques de cet emploi.

 

Venne et Albert Dumais inc., 2012 QCCLP 7092.

Un avis médical qui se limite à mentionner que la travailleuse doit cesser son travail puisqu’elle n’est pas en mesure d’accomplir les travaux qui lui sont assignés est une allégation beaucoup trop vague quant à l’incapacité de la travailleuse. Il ne s’agit pas d’une véritable opinion médicale, car cet avis ne démontre pas une connaissance des tâches et des exigences physiques de l’emploi. De plus, la note de consultation médicale relative à cette visite n’est pas plus détaillée.

 

L’avis n’est pas corroboré par une preuve médicale largement prépondérante

C. H. Université de Montréal et Royer, 2013 QCCLP 2882.

L’avis du médecin qui a charge prescrit un arrêt de travail, mais il ne fait pas état des résultats d'un examen physique objectif et il ne précise pas les tâches de l’emploi convenable en cause ni les limitations fonctionnelles. Cet avis ne respecte donc pas les exigences qu'impose l'article 51. Ce n'est que par la suite que le médecin qui a charge a indiqué pourquoi le travail n'était pas adéquat, se basant à cet égard sur les allégations de la travailleuse. Quant au rapport de l'ergothérapeute mandatée par la CSST, elle n'est ni le médecin ni le médecin qui a charge. Son rapport traite de risques et non de dangers, et il n'est pas objectivé. Il ne peut donc servir dans le contexte de l'application de l'article 51.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 566.