Interprétation

Retour à l'article
 
. 51. Abandon d'un emploi

Allégation d'une rechute, récidive ou aggravation

Lorsque le travailleur exerce un emploi convenable, il arrive que la CNESST traite le dossier sous l’angle de l’admissibilité d’une rechute, récidive ou aggravation (RRA). Si la preuve soumise le permet ou si le travailleur allègue l’impossibilité d’exercer cet emploi et qu’il l’a abandonné, la jurisprudence considère que le Tribunal peut procéder à l’analyse du dossier en vertu de l’article 51.

Vallée et Erection Béton limitée, [1997] C.A.L.P. 302.

La CSST traite la réclamation du travailleur comme une demande d'indemnisation en raison d'une RRA et elle rejette la réclamation. Le bureau de révision, en plus de confirmer cette décision, conclut que le travailleur ne peut pas bénéficier des dispositions de l'article 51. Le travailleur demande à la CALP d'appliquer les dispositions de l'article 51 et de déclarer qu'il n'est pas en mesure d'occuper l'emploi convenable. Le tribunal conclut qu’il a non seulement la compétence pour se prononcer sur cette question, mais qu’il a le devoir de le faire, puisque le travailleur n'a jamais prétendu que son état s'était aggravé. Ce dernier a plutôt indiqué dans sa réclamation que son travail était trop exigeant compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Ainsi, le tribunal est d’avis que la CSST a, par erreur, traité le dossier comme une RRA et c'est à bon droit que le bureau de révision a vérifié l'applicabilité de l'article 51.

 

Suivi :

Révision pour cause rejetée, C.A.L.P. 75721-62-9512, 20 août 1997, R. Brassard.

Auger et Jeno Neuman & Fils inc., C.L.P. 110873-64-9902, 14 juillet 1999, L. Couture.

Le Tribunal a compétence pour se prononcer sur l'article 51 même si la décision dont elle est saisie ne traite que d'un refus de réclamation pour RRA. Il serait non approprié de retourner le dossier à la CSST puisqu'elle avait tout en main pour en décider lors de l'examen de la réclamation. 

 

Grenier et Grands travaux Soter inc., C.L.P., 150478-01B-0011, 14 janvier 2003, L. Desbois.

Selon l'article 377, le tribunal doit rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être rendue en premier lieu. Par conséquent, elle a compétence pour se prononcer sur la question d'abandon d'emploi convenable même si la CSST ne l'a pas fait, puisqu'elle était en mesure de le faire et aurait dû le faire.

 

Larivière et Produits d'acier Hason inc., C.L.P. 142509-63-0007, 30 avril 2003, L. Nadeau (décision rejetant la requête en révision).

Le Tribunal doit vérifier si l'article 51 peut recevoir application.

 

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Joliette, 705-17-000660-033, 23 février 2004, j. Borenstein.

Beaurivage et Agence can. d’inspection aliments, C.L.P. 378986-31-0905, 9 novembre 2010, M.-A. Jobidon.

Les litiges doivent être analysés à la lumière de l'article 51, lorsqu'un travailleur a abandonné l'emploi convenable déterminé. En effet, en vertu de l'article 377, le tribunal possède la compétence pour procéder à cette analyse même si la CSST ne l'a pas fait initialement et que le litige concerne l'admissibilité d'une RRA.

 

Venne et Albert Dumais inc., 2012 QCCLP 7092.

Le Tribunal soulève d’office l’application possible de l’article 51 et invite les parties à soumettre leurs représentations à cet égard.

 

Bouchard et Rocoto limitée, 2014 QCCLP 3610.

Quant à l'application de l'article 51, le tribunal peut se saisir de cette question même si le litige concerne la survenance d'une RRA, et ce, en vertu de l'article 377 lequel prévoit que la CLP peut rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.

 

Voir cependant :

St-Pierre et Meubles BDM + inc., 2013 QCCLP 4987.

La travailleuse demande de déclarer qu’elle a subi une RRA ou à défaut elle demande l’application de l’article 51. Le tribunal constate que la CSST ne s’est jamais prononcée sur l’application de l’article 51. En conséquence, en vertu de l’article 377 de la loi, le tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu d’en disposer.

 

Occuper à temps plein un emploi convenable

L’expression « occuper à plein temps » n’a été interprétée que dans quelques décisions.

Denis et Sears Canada inc., C.A.L.P. 43843-03-9210, 12 avril 1994, C. Bérubé.

Le travailleur n'a pas occupé à temps plein un emploi convenable au sens de cet article. Il ne détient pas de contrat de travail, il n’y a pas d'entente verbale ni écrite avec l'employeur et le travailleur ne peut préciser les conditions de travail. Dans ce contexte, il s’agit plutôt d'une « démarche à l'essai ». De plus, le travailleur a quitté de sa propre initiative après quatre heures de travail. Puis, ce n’est que six jours plus tard qu’il a consulté un médecin qui n’a fait que constater les dires du travailleur.

 

Kalaydjian et 130578 Canada inc. (fermé), C.A.L.P. 72779-60-9509, 25 juin 1997, A. Leydet.

Certes, le travailleur a occupé son emploi convenable que deux journées et demie avant d’abandonner celui-ci, mais il avait été engagé sur la base d'un horaire hebdomadaire régulier de 36 heures. Ainsi, le travailleur exerçait un emploi convenable à temps plein lors de son arrêt de travail.

 

Bernard et Services Matrec inc., C.L.P. 293578-62-0607, 17 mars 2008, H. Marchand.

Le Tribunal conclut que le travailleur n’a pas occupé à plein temps l'emploi convenable déterminé, puisqu’il a arrêté de travailler après deux heures de travail en alléguant une douleur au dos. Au surplus, d’autres éléments et circonstances entourant l’abandon de l’emploi convenable sont mentionnés par le Tribunal, lesquels démontrent que le travailleur n'a pas fait une tentative sérieuse pour exercer cet emploi à temps plein et que l’abandon était tout à fait prévisible.

 

Abandonner l'emploi convenable dans les deux ans suivant le début d'exercice

La condition personnelle

La jurisprudence retient qu’il n’est pas nécessaire que les problèmes de santé justifiant l'abandon de l'emploi convenable soient en relation avec la lésion professionnelle du moment que cette condition personnelle existait avant que l’emploi convenable ne soit déterminé.

Plante et Garage Léo-Paul Côté inc., [1992] C.A.L.P. 986.

Le législateur ne limite aucunement la source de l'incapacité du travailleur ou du danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique à celle ou celui directement généré par l'emploi convenable en regard des seules séquelles de la lésion professionnelle du travailleur. La nature de la source d’incapacité ou du danger, donnant ouverture à abandonner l'emploi convenable, ne doit pas nécessairement être reliée à la lésion professionnelle. Une condition personnelle peut empêcher le travailleur d'être raisonnablement en mesure d'occuper un emploi convenable, mais cette condition personnelle doit être préexistante lors de la détermination de l’emploi convenable.

 

Cloutier et Prévost Car inc. (Division Gabtech Nova), [2006] C.L.P. 1265.

En exigeant que le travailleur ne soit pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable « du fait de sa lésion », la politique adoptée par la CSST ajoute au texte de l’article 51 un prérequis que le législateur n’a pas jugé bon d’y incorporer. Par conséquent, la cause de l'abandon de l'emploi convenable ne doit pas nécessairement être reliée à la lésion professionnelle. L’abandon de cet emploi peut résulter d'une condition personnelle pourvu que celle-ci préexiste à la détermination de l'emploi convenable.

 

Dumas et Construction R. Deslauriers inc., C.L.P. 386640-64-0908, 14 octobre 2010, M. Montplaisir.

Si la cause de l'abandon de l'emploi convenable est une condition personnelle, elle doit préexister lors de la détermination de l’emploi convenable.

 

Voir cependant :

Godbout et Ministère des Transports, 2011 QCCLP 5753.

L'évolution naturelle d'une condition personnelle préexistante peut être une source d'incapacité d'exercer un emploi convenable, mais elle ne permet pas de récupérer le droit à l'IRR en vertu de l'article 51. Cette disposition de la loi n'est pas une assurance pour tous les événements qui sont de nature à rendre le travailleur incapable d'exercer l'emploi convenable déterminé.

 

Interruption de la période de deux ans

Bouchard et Rocoto limitée, 2014 QCCLP 3610.

Pendant la période des deux ans au cours de laquelle le travailleur occupe à plein temps son emploi convenable, il subit une RRA acceptée par la CSST. Le tribunal conclut qu'il y a eu interruption de la période de deux ans prévue à l'article 51, car le travailleur était alors dans l'incapacité d'exercer l'emploi convenable en raison de cette RRA. Le tribunal estime qu’il y a eu interruption de la même façon qu'il y a suspension du droit du travailleur de recevoir une IRR pour recherche d'emploi lorsqu'il subit une RRA et que l'année de recherche d'emploi n'est pas terminée. Selon le tribunal, cette interprétation est en harmonie avec l'article 1, lequel prévoit que la loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent. De plus, elle s'accorde avec l'article 351. En outre, le caractère social de la loi justifie une interprétation large et libérale de ces dispositions conformément à l'article 41 de la Loi d'interprétation.

 

Abandonner l'emploi convenable selon l'avis du médecin qui a charge

Moment où l'avis du médecin qui a charge doit être émis

Selon la jurisprudence, il est généralement établi que l’avis du médecin doit être antérieur à l’abandon de l’emploi convenable pour que le tribunal puisse conclure que le travailleur a abandonné cet emploi en raison de cet avis.

CSST et Mondoux, [1993] C.A.L.P. 165 (décision accueillant la requête en révision).

L’avis du médecin qui a charge a été émis plus de neuf mois après que la travailleuse ait eu abandonné son emploi convenable. Le tribunal pose la question suivante : comment le droit de recevoir l’IRR peut-il naître si l'obligation imposée à la travailleuse n'est pas remplie? L’avis du médecin doit précéder l’abandon de l’emploi convenable. Selon le tribunal, cet article doit être interprété tel que rédigé parce qu'il est créateur d’un droit.

 

Dufresne et Parkway Pontiac Buick inc., C.L.P. 188730-62C-0208, 12 février 2003, V. Bergeron.

Compte tenu du libellé de l’article 51, le tribunal estime que l’avis du médecin qui a charge doit précéder l’abandon de l’emploi par le travailleur. En d’autres termes, l’abandon de l’emploi doit être justifié par le médecin. Dans l’expression "devoir abandonner", le tribunal y voit une obligation pour le travailleur de cesser de travailler compte tenu de l’avis de son médecin. De plus, le tribunal considère que le libellé de l’article 51 ne comporte aucun effet rétroactif donnant droit à l’IRR lorsque le médecin qui a charge émet un avis après que le travailleur eût abandonné son emploi de son propre chef.

 

Rémillard et Centre de Camions Cambec Diesel inc., 2012 QCCLP 1854.

La preuve démontre que le travailleur a démissionné de sa propre initiative le 7 juillet 2010 et elle démontre que l’abandon n’est pas relié aux difficultés physiques à effectuer les tâches de l’emploi convenable mais qu’il est plutôt en lien avec des problèmes personnels. Puis, le travailleur a abandonné l’emploi une semaine avant d’avoir consulté son médecin. En effet, l’avis médical n’est émis que le 13 juillet 2010. Le tribunal ne peut pas conclure que le travailleur a abandonné l’emploi en raison de cet avis. En plus d’être tardif, le tribunal souligne que l’avis médical n’est pas probant ni motivé; car il est essentiellement basé sur les allégations du travailleur, sur une méconnaissance des antécédents du travailleur et de ses limitations fonctionnelles.

 

Voir également :

Lacharité et Pantapil Ltée, C.A.L.P. 48869-62-9302, 5 juillet 1995, Y. Tardif.

Kalaydjian et 130578 Canada inc. (fermé), C.A.L.P. 72779-60-9509, 25 juin 1997, A. Leydet.

Grenier et Grands Travaux Soter inc., C.L.P. 150478-01B-0011-C, 14 janvier 2003, L. Desbois.

Transport F. Boisvert Div. Bergeron et Chamberland, C.L.P. 357216-08-0809, 24 novembre 2009, P. Prégent.

Toutefois, dans certains cas, le Tribunal conclut que le travailleur récupère son droit à l’IRR même si le médecin qui a charge du travailleur produit l’avis médical après l’abandon de l’emploi convenable.

Vallée et Erection Béton limitée, [1997] C.A.L.P. 302..

Le travailleur abandonne son emploi convenable en octobre 1994 et l’avis médical est daté du 29 mars 1995. Toutefois, la preuve non contredite démontre clairement que l’emploi convenable ne respectait pas les limitations fonctionnelles du travailleur. Le travailleur récupère son droit à l’IRR qu’à partir de la date de l’avis, soit le 29 mars 1995.

 

Suivi :

Requête en révision pour cause rejetée, C.A.L.P. 75721-62-9512, 20 août 1997, R. Brassard.

Vallée et Construction & Rénovation M. Dubeau inc., C.A.L.P. 240032-03B-0407, 5 novembre 2004, C. Lavigne.

Le Tribunal indique que l’attestation ou la recommandation écrite du médecin qui a charge soit postérieure à l’abandon du travail, ne change pas la teneur de celle-ci ni les effets juridiques qu’elle entraîne, puisque l’écrit du médecin, daté du 27 janvier 2004, ne faisait que concrétiser une recommandation donnée au travailleur deux mois auparavant voulant qu’il doive abandonner son emploi en raison du risque d’aggravation de sa condition liée à sa lésion professionnelle. Le travailleur récupère son droit à l’IRR à partir de la date de l’abandon, soit le 19 décembre 2003.

 

Cloutier et Prévost Car inc. (Division Fabtech Nova), [2006] C.L.P. 1265.

L’attestation écrite datée du 3 juin 2004 est postérieure à la date d’abandon de l’emploi convenable survenu le 26 mai 2004. Cependant, l'attestation est reconnue par le tribunal, car la preuve démontre que le jour de l'abandon, le médecin traitant du travailleur lui a prescrit verbalement et de manière non équivoque un arrêt immédiat de travail. Le travailleur n'était plus en mesure d'occuper l'emploi convenable. De plus, l'opinion de ce médecin est soutenue par d'autres éléments de preuve, dont l'opinion du chef de la firme de courtage, l'avis exprimé par une psychiatre et le bilan dressé par le psychologue traitant.

 

Boucher et Goodyear Canada inc., 2015 QCCLP 1765.

Le travailleur cesse d’occuper son emploi convenable le 6 janvier 2014 et l’avis du médecin qui a charge est daté du 12 mai 2014. Néanmoins, le tribunal conclut qu’il y a quand même lieu d’appliquer l’article 51, car la preuve démontre que le travailleur n’a pu rencontrer son médecin avant cette date, son rendez-vous ayant été remis. Le travailleur récupère son droit à l’IRR à partir de la date de l’abandon, soit le 6 janvier 2014. D’autres décideurs considèrent que l’avis du médecin qui a charge du travailleur puisse être postérieur à l’arrêt de travail, s’il est émis de façon contemporaine à la date d’abandon.

 

D'autres décideurs considèrent que l'avis du médecin qui a charge du travailleur puisse être postérieur à l'arrêt de travail, s'il est émis de façon contemporaine à la date d'abandon.

Rocchi et Peintres & décoration,C.L.P. 182454-72-0204, 22 novembre 2002, D. Lévesque.

C’est seulement plus de six mois après l’arrêt de travail du travailleur qu’un avis est émis par un médecin eu égard aux motifs de l’abandon. Entre temps, aucun des médecins consultés n’émet un avis conformément à l'article 51. Étant donné qu’aucun avis n'a été émis de façon contemporaine à l'abandon de l'emploi convenable par le travailleur, les conditions d’application de l’article 51 ne sont pas remplies.

 

Danis et Cedhar Gestion inc.,2014 QCCLP 6581.

Dans cette affaire, l’avis du médecin qui a charge du travailleur est daté de quelques jours après que le travailleur ait cessé de travailler. Le tribunal est d’avis que l’article 51 n’exige pas que l’avis du médecin soit préalable à l’abandon. Si l’emploi présente un danger pour la santé ou la sécurité du travailleur, il serait illogique d’exiger du travailleur qu’il continue à l’exercer jusqu’à ce qu’il puisse avoir un rendez-vous avec son médecin, au risque de compromettre sa santé ou sa sécurité. Il est suffisant que l’avis du médecin soit contemporain à la cessation du travail.

 

L'abandon doit être spécifique à l'emploi convenable

La jurisprudence mentionne que l’abandon doit être lié à une incapacité d’exercer raisonnablement l’emploi convenable ou l’emploi convenable doit comporter un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.

Succession de feu Raymond Laramée et Ville de Montréal, C.A.L.P. 68007-62-9503, 13 mai 1997, J.-Y. Desjardins.

L'article 51 ne s'applique pas lorsque le travailleur est assigné à de nouvelles tâches qui entraînent une augmentation de la symptomatologie. Ce n'est pas l'emploi convenable déterminé qui comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur. Le travailleur ne peut donc pas récupérer son droit à l'IRR.

 

Cauchon et Inspecteur général des institutions financières, C.L.P. 86181-03A-9702, 5 octobre 1998, R. Chartier.

L'avis médical doit porter sur l’abandon de l'emploi convenable par le travailleur et non sur un arrêt de travail pour lui permettre de recevoir les soins nécessaires afin d'atteindre la consolidation de sa lésion.

 

Dufresne et Parkway Pontiac Buick inc., C.L.P. 188730-62C-0208, 12 février 2003, V. Bergeron.

L’abandon doit être relié à l’emploi convenable et non découler de la survenance d’une RRA.

 

Le travailleur n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper l'emploi convenable ou que celui-ci comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique

L'avis du médecin qui a charge doit être motivé

La jurisprudence exige que le médecin qui a charge du travailleur motive son avis en fournissant les informations sur lesquelles il fonde sa recommandation d’abandonner l’emploi convenable. La simple allégation d’incapacité du travailleur est insuffisante.

Cauchon et Inspecteur général des institutions financières, C.L.P. 86181-03A-9702, 5 octobre 1998, R. Chartier.

Rien dans la preuve n’indique que le médecin qui a charge connaissait adéquatement les exigences des tâches, du genre d’efforts et de sollicitations requises pour les accomplir et s’il y avait un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique de la travailleuse.

 

Auger et Jeno Neuman & Fils inc., C.L.P. 110873-64-9902, 14 juillet 1999, L. Couture.

Le seul fait d’alléguer que l’emploi convenable ne respecte pas les limitations fonctionnelles sans davantage de justification est une motivation insuffisante.

 

Larivière et Produits d'acier Hason inc., C.L.P. 142509-63-0007, 30 avril 2003, L. Nadeau (décision rejetant la requête en révision).

Sans faire preuve de formalisme et sans avoir à reprendre les termes exacts de l'article 51, lorsque le médecin émet un avis sur la capacité d'exercer l'emploi convenable, le tribunal doit être en mesure de comprendre de cet avis qu'il connaît l’emploi et ses exigences ainsi que les motifs sur lesquels repose sa recommandation au travailleur d'abandonner l'emploi convenable.

 

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Joliette, 705-17-000660-033, 23 février 2004, j. Borenstein.

Beaurivage et Agence can. d’inspection aliments, C.L.P. 378986-31-0905, 9 novembre 2010, M.-A. Jobidon.

L'avis du médecin doit reposer sur une connaissance des antécédents médicaux et des limitations fonctionnelles de son patient ainsi que sur la connaissance des exigences de l'emploi convenable exercé. Son avis sera dès lors « motivé » au sens de l'article 51 et sa recommandation sera faite en toute connaissance de cause.

 

Danis et Cedhar Gestion inc., 2014 QCCLP 6581.

L’article 51 a pour but d’offrir un recours au travailleur, quand dans les faits, il n’est pas raisonnablement en mesure d'occuper l’emploi convenable déterminé notamment lorsque le tribunal constate que certaines tâches accessoires à l’emploi n’ont pas été évaluées ou que cet emploi comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. Le tribunal souligne qu’il est en preuve que le médecin qui a charge connaissait les limitations fonctionnelles du travailleur, les exigences du travail et les tâches problématiques.

 

Voir également :

Métro Richelieu 2000 inc. et Tremblay, C.L.P. 239383-71-0407, 14 décembre 2005, A. Suicco.

Godbout et Ministère des Transports, 2011 QCCLP 5753.

Venne et Albert Dumais inc., 2012 QCCLP 7092.

C. H. Université de Montréal et Royer, 2013 QCCLP 2882.

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 566.

Force probante de l'avis émis par le médecin qui a charge

Pour le Tribunal, l’opinion du médecin qui a charge aura une force probante d’autant plus grande si elle est corroborée par une preuve médicale ou testimoniale largement prépondérante.

Grenier et Grands Travaux Soter inc., C.L.P. 150478-01B-0011, 14 janvier 2003, L. Desbois.

Le Tribunal conclut que le travailleur ne peut pas récupérer son droit à une IRR, car aucune preuve prépondérante ne démontre que le travailleur a abandonné son emploi sur un avis motivé du médecin. L'avis requis à l'article 51 doit reposer sur des constatations et des données objectives, ce qui en permet une certaine appréciation.

 

Gadbois et Décorations Lemieux & Lemieux Ltée, C.L.P. 279517-62B-0601, 21 juin 2006, M. D. Lampron.

L’avis du médecin voulant que l’emploi convenable représente un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur et que ce dernier ne soit pas raisonnablement en mesure d’exercer cet emploi est motivé et probant, notamment parce qu’il est corroboré par un examen physique, que la description des tâches et des exigences physiques de l’emploi sont confirmées par le témoignage de l’employeur et par le contenu de la rubrique « Organisation du travail » dans Repères. De plus, le tribunal souligne qu’aucun avis médical n’est en sens contraire.

 

Laflamme et Somavrac inc., C.L.P. 399330-04-1001, 2 novembre 2010, J. A. Tremblay.

Le médecin ne mentionne pas, quelles limitations fonctionnelles de l’emploi de préposé aux véhicules, le travailleur ne peut pas respecter. De plus, son opinion n’est pas appuyée d’un examen objectif. L’absence d’examen objectif ne permet pas au tribunal de vérifier le bien-fondé de son opinion.

 

Air canada et Korbiak, 2011 QCCLP 6322.

Le Tribunal constate que les propos tenus par le médecin qui a charge dans ses avis médicaux ne font allusion qu'au propos que la travailleuse a bien voulu lui laisser entendre. Le tribunal ne retrouve aucune autre motivation ni conclusion basée sur des données objectives, sur une visite du poste de travail ou sur d'autres informations provenant d'une autre source que celle de la travailleuse. D'ailleurs, c’est également ce qu'a admis le médecin qui a charge lors de son témoignage. Le tribunal ne peut simplement se contenter d'un simple rapport des allégations d'incapacité d’une travailleuse pour appliquer l’article 51.

 

L'avis du médecin qui a charge constitue une preuve prima facie de l'incapacité

La jurisprudence considère que l’avis du médecin qui a charge recommandant l’abandon de l’emploi convenable ne peut être traité par la CNESST comme un avis susceptible d’être contesté selon la procédure d’évaluation médicale. Cet avis ne constitue qu’une preuve prima facie de l'incapacité du travailleur à exercer l'emploi convenable. Cette opinion peut donc être contredite par une preuve contraire prépondérante.

Perpignan et Paris Star Knitting Mills inc., C.A.L.P. 05536-60-8711, 27 mars 1992, Marie Lamarre.

L’avis émis par le médecin traitant ne porte pas sur une question d’ordre médical prévue à l’article 212. Par conséquent, le processus d’arbitrage médical est inapplicable dans la contestation de l’application de l’article 51. Toutefois, cet avis du médecin qui a charge constitue une preuve prima facie que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’exercer un emploi convenable. Cet avis peut donc être contredit par toute preuve prépondérante contraire sur la capacité d'un travailleur d'occuper raisonnablement l’emploi convenable. En l'espèce, l'avis du médecin ayant été contredit, le travailleur n'a pas droit à l'IRR.

 

Jean et Canadien Pacifique Ltée, C.A.L.P. 42171-61-9207, 14 février 1995, Marie Lamarre.

L'avis du médecin traitant constitue une preuve prima facie portant sur une question de fait concernant la capacité du travailleur d'exercer raisonnablement un emploi convenable. Cet avis peut être contredit par toute preuve prépondérante à l’effet contraire. En l’espèce, des rapports médicaux ainsi que des résultats d’examen objectif et de laboratoire (radiographie et tomographie) constituent une preuve prépondérante que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable.

 

Kalaydjian et 130578 Canada inc. (fermé), C.A.L.P. 72779-60-9509, 25 juin 1997, A. Leydet.

L'avis du médecin, émis dans le cadre de l'article 51, ne constitue qu'une preuve prima facie quant à la capacité du travailleur à exercer l'emploi convenable.

 

Auger et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 110873-64-9902, 14 juillet 1999, L. Couture.

En ce qui a trait à l’opinion du médecin qui a charge sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable, il faut tenir compte de deux choses. Premièrement, la CSST peut demander l'avis du Bureau d’évaluation médicale sur cette question même s'il ne s'agit pas d'une situation prévue à l'article 212 de la loi. Mais, dans un tel cas, l'avis obtenu n'a pas un caractère liant pour la CSST au sens de l'article 224.1 de la loi. Cet avis ne constituerait qu’une opinion de plus à apprécier. Deuxièmement, l'opinion du médecin qui a charge ne constitue qu’une preuve prima facie de l'incapacité à exercer l'emploi convenable. Cette opinion peut donc faire l’objet d’une preuve contraire. L’article 51 n’établit pas une présomption d’incapacité à exercer l’emploi convenable déjà déterminé, à partir de la simple opinion du médecin qui a charge.