Réduction de l'IRR du travailleur à compter de son 65e anniversaire de naissance
La jurisprudence établit que cette disposition ne laisse place à aucune interprétation quant à son application car elle est claire et ne comporte aucune exception.
- Plourde et Centre hospitalier Ste-Jeanne-D'Arc, C.L.P. 127953-71-9912, 26 juillet 2000, M. Langlois.
Le premier alinéa de l'article 56 impose la diminution de l'IRR par étape, à compter du 65e anniversaire de naissance du travailleur. Il n'existe aucune exception à l'application de cette disposition. Par ailleurs, même si le travailleur avait démontré que la CSST lui avait promis, lors de la signature d'une entente, que son indemnité ne serait pas diminuée avant son 68e anniversaire, ce serait contraire à la loi et à l'entente entérinée par la CALP, laquelle prévoyait que le travailleur devait recevoir « l'indemnité à laquelle il a droit ».
Réduction de l'IRR pour une victime d'une lésion professionnelle alors qu'elle est âgée d'au moins 64 ans
Selon la jurisprudence, le deuxième alinéa de l’article 56 s'applique seulement lorsqu’une lésion professionnelle rend le travailleur incapable d'exercer son emploi. S'il était déjà incapable d'exercer son emploi avant la lésion professionnelle ou s'il devait abandonner un emploi convenable dans le délai prévu par l'article 51, le deuxième alinéa de l'article 56 ne pourra s'appliquer.
- Gagnon et (T.A.) Gilles Audet Excavation ltée, C.L.P. 337111-03B-0801, 31 juillet 2008, G. Marquis.
La CSST a maintenu le droit du travailleur retraité à l'IRR jusqu'à son 68e anniversaire de naissance, tout en réduisant par étape cette indemnité à compter de son 65e anniversaire, conformément aux prescriptions de l'article 56. Lorsque le travailleur a produit une nouvelle réclamation, il était non seulement retraité mais aussi âgé de 69 ans. Il ne pouvait alors bénéficier du droit à l'IRR. Les articles 56 et 57 énoncent le principe général selon lequel l'IRR doit être réduite par étape jusqu'à son extinction prévue à l'âge de 68 ans. La décision ayant déclaré que le travailleur n'avait pas droit à l'IRR est donc bien fondée.
- Fortin et General Motors du Canada ltée, C.L.P. 331064-64-0710, 11 août 2008, L. Morissette.
Le travailleur n'a pas droit au versement complet de l'IRR en raison de sa nouvelle lésion professionnelle, soit une RRA, puisque la preuve ne démontre pas qu'il était capable de travailler avant celle-ci. Comme le travailleur avait plus de 65 ans au moment de cette RRA, il a droit à une indemnité réduite en vertu de l'article 56 comme la CSST l'a déterminé lors d'une lésion professionnelle antérieure.
- Dumas et Sapa Canada inc., 2015 QCCLP 2329.
Le travailleur est âgé de 64 ans lors de la survenance de la lésion professionnelle le 5 mars 2012. Il bénéficie du 5 mars 2012 au 5 mars 2013 d'une pleine IRR, laquelle est réduite de 25 % à compter de la deuxième année. Quand il commence à exercer un emploi convenable, le 10 juin 2013, il reçoit une IRR déjà réduite. Lorsqu'il quitte ce travail, le 12 juin, il bénéficie de l'application de l'article 51 en ce qu'il récupère son droit à l'IRR, c'est-à-dire qu'il reprend son droit après l'avoir perdu pendant quelques jours. Ce droit à l'IRR est nécessairement le même que celui qui lui avait été retiré en raison de l'exercice de l'emploi convenable. Le deuxième alinéa de l'article 56 couvre une situation légale très différente. Il vise une situation où un travailleur âgé d'au moins 64 ans subit une lésion professionnelle. En l'espèce, le travailleur n'a pas subi une lésion professionnelle mais a simplement été dans l'obligation d'abandonner son emploi convenable suivant les recommandations de son médecin. Il ne faut pas confondre le droit à l'IRR et celui de recevoir une IRR non réduite. L'exception prévue à l'article 56, bien qu'elle module le principe général voulant que l'IRR doive être réduite par étape jusqu'à son extinction lorsque le travailleur atteint l'âge de 68 ans, ne fait pas échec à celui-ci. L'IRR du travailleur devait être réduite de 25 % à compter du 5 mars 2013 et de 50 % à compter du 5 mars 2014.
Méthode de calcul
La jurisprudence précise que c'est l'IRR versée au travailleur avant son 65e anniversaire qui est réduite chaque année.
Le point de départ du calcul des réductions de l'IRR prévues au deuxième alinéa de l'article 56, soit de 25 %, 50 % et de 75 %, est la date du début de l'incapacité engendrée par la lésion professionnelle et non la date de la survenance de cette lésion.
- Rodrigues et Victoria Précision (fermé), 2011 QCCLP 5432.
Le travailleur prétend qu’en vertu de l’article 56 la réduction de son IRR doit se calculer de la manière suivante : à chacun de ses anniversaires de naissance, à partir de 66 ans, ce n'est pas une coupure de 25 % du montant initial qui doit être faite, mais plutôt une coupure de 25 % du montant précédent chaque coupure. Cette méthode ne respecte pas le texte de l'article 56 et vient en contradiction avec ce qui est prévu à l’alinéa 3 de l’article 57, à savoir que l'IRR cesse à 68 ans. Il y a lieu de retenir la méthode de calcul utilisée par la CSST, à savoir que c'est l'IRR établie et versée au travailleur avant son 65e anniversaire de naissance qui est réduite chaque année, et non pas l'IRR résiduelle ou qui précède la coupure qui est réduite les deuxième et troisième années.
- Harper et Limocar Roussillon inc., 2016 QCTAT 546.
Le point de départ du calcul des réductions prévues à l’article 56, à savoir 25 %, 50 % et enfin celle de 75 %, n’est pas la date de la lésion professionnelle, mais bien la date du début de l’incapacité engendrée par cette lésion. Cette interprétation respecte à la lettre les prescriptions du législateur et elle s’harmonise avec les autres dispositions traitant du versement de l’IRR, notamment avec l’article 57, paragraphe 3. Bien que la lésion professionnelle soit survenue le 17 janvier 2013, la première réduction de 25 % de l’IRR doit avoir lieu à compter de la deuxième année suivant le 22 août 2014, date à laquelle la travailleuse subira une chirurgie à l’épaule et à partir de laquelle elle cessera d’exercer son emploi. En effet, le 22 août correspond à la date du début de son incapacité. Puis, la réduction de 50 % de l’IRR doit survenir à compter de la troisième année suivant cette date, et celle de 75 %, à compter de la quatrième année suivant cette date.
N’est pas discriminatoire le deuxième alinéa de l'article 56
La Cour d'appel ayant établi dans l'affaire Côté c. CSST que l'article 56 n'est pas discriminatoire au sens de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne et de l'article 15 de la Charte canadienne, le Tribunal applique cet article tel qu'édicté par la législateur. Le tribunal rejette donc les allégations de discrimination des travailleurs en se référant aux enseignements de la Cour d'appel.
- Côté c. Commission de la santé et de la sécurité du travail,2012 QCCA 1146.
Si du strict point de vue de la sémantique on peut admettre qu'un texte législatif qui identifie un groupe de personnes selon son âge crée ainsi une distinction entre ce groupe et les autres membres de la société, il n'est cependant pas permis pour cette seule raison de présumer que la loi à sa face même contient une distinction préjudiciable fondée sur l'âge. En l’espèce, il faut déterminer si le deuxième alinéa de l’article 56 contient une distinction préjudiciable fondée sur l’âge. En d’autres termes, l’article 56 contrevient-il à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne et à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés? Le deuxième alinéa de l'article 56 ne crée pas de discrimination. Pour prouver la discrimination, le travailleur doit démontrer deux éléments, à savoir que la disposition attaquée crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue à ceux prévus à la Charte des droits et libertés de la personne et que la distinction crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes. Le travailleur n’a pas fait cette démonstration.
Le deuxième alinéa de l’article 56 ne contrevient pas à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne qui autorise une disposition législative à opérer un traitement différent fondé sur l’âge, dans la mesure où la loi le prévoit. C'est le cas en l’espèce.
Par ailleurs, l'analyse comparative de la situation des deux groupes de travailleurs montre bien qu'il n'existe entre eux aucun véritable désavantage. Bien plus, si le travailleur âgé d'au moins 64 ans subit une lésion à quelque moment que ce soit durant sa 64e année, l'indemnisation à laquelle il a droit se prolongera pour la même durée au-delà du jour de son 68e anniversaire de naissance. Un plus jeune travailleur ne peut espérer un tel traitement, la durée de son indemnité devant se terminer le jour de son 68e anniversaire. Les deux groupes de travailleurs ont droit à la même indemnité, équivalant à 90 % du revenu net tiré annuellement de leur emploi, la fin de la période d'indemnisation s'étale sur trois ans et est diminuée progressivement, selon les mêmes proportions, et tous se verront appliquer la même norme quant à l'âge présumé de la retraite. Ce n'est pas parce que la loi tente de concilier l'intérêt de différents groupes de travailleurs qu'il faut nécessairement y voir une distinction préjudiciable. Ainsi, à sa face même ou par son effet apparent, le deuxième alinéa de l'article 56 ne prive pas le travailleur des avantages accordés aux autres bénéficiaires du régime.