Interprétation

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. 61. Salaire malgré l'absence

Absence du travailleur pendant les heures de travail

Selon la jurisprudence, l’article 61 s’applique lorsque l’examen médical, les soins ou les traitements ont lieu pendant les heures de travail et non lors d’une journée de congé ou pendant le temps personnel du travailleur.

Marchessault et Société canadienne des postes,[1990] C.A.L.P. 6.

Le travailleur est convoqué pour être examiné par l'arbitre médical le 11 novembre. Le travailleur n’est pas affecté au travail lors de cette journée, car elle correspond à un congé férié à la Société canadienne des postes. Le but de l'article est d'assurer au travailleur de ne pas subir de perte de salaire lorsqu’il doit s’absenter pour recevoir des soins ou subir des examens médicaux relativement à sa lésion professionnelle. Ainsi, si le travailleur est en congé férié payé par l'employeur au moment de l'examen médical, il n'a pas subi de perte de salaire. Il n'a pas droit à l’indemnité additionnelle prévue à l’article 61. 

 

Bousquet Puits # 2 et Dubois,C.L.P. 127840-08-9911, 28 décembre 2000, J.-M. Duranceau.

L'article 61 prévoit l'obligation de verser le salaire uniquement quand il y a absence du travail. Ainsi, un travailleur qui doit se rendre à un examen médical exigé par l'employeur pendant son temps personnel ne peut être remboursé pour ce temps. 

 

Selon la jurisprudence, le travailleur ne doit pas subir de perte de salaire lorsqu’il doit quitter plus tôt, pendant son quart de travail, pour recevoir des soins ou subir un examen médical, car il doit bénéficier d'une période suffisante pour rentrer chez lui, faire sa toilette et se reposer.

Beaumont et S. Huot inc.,C.L.P. 346901-31-0804, 13 janvier 2010, P. Simard.

Le travailleur a subi une coupure salariale reliée à un examen médical qu'il devait passer dans le contexte de sa lésion professionnelle. Le but de l'article 61 est d'assurer au travailleur le paiement de son salaire malgré son absence, lorsque son absence est rendue nécessaire pour qu'il subisse des examens médicaux relativement à sa lésion. Conformément à l'esprit de la loi, l'employé ne doit pas subir une perte salariale lorsqu'il doit ainsi s'absenter. Il peut y avoir un problème lorsque ces examens médicaux ou traitements surviennent avant ou après le quart de travail. Lorsque le travailleur se présente à son examen médical, il devrait le faire dans les meilleures conditions possibles, en tenant compte d'une période de repos suffisante, d'une bonne alimentation et de soins hygiéniques ou corporels adéquats, tout en tenant compte des temps de déplacement. Ainsi, lorsque le travailleur termine son quart de travail, particulièrement lorsque ces quarts s'appliquent le soir ou la nuit, il doit pouvoir bénéficier d'une période suffisante pour se déplacer afin de retourner chez lui, s'alimenter, bénéficier de soins corporels et d'une période de repos raisonnable.

 

L’employeur ne peut pas invoquer une entente voulant que le travailleur doive s’absenter en dehors des heures de travail pour recevoir des soins ou des traitements ou subir un examen médical en lien avec sa lésion professionnelle. Toutefois, une politique administrative allouant une période de temps de travail rémunéré pour aller consulter un médecin ou recevoir des soins ou des traitements et qui reprend essentiellement le contenu de l’article 61 en apportant des précisions n’est pas déraisonnable.

Smurfit-MBI (St-Laurent) et Savignac, C.L.P. 148530-63-0010, 12 mai 2004, J.-P. Arsenault.

Une politique administrative de l'employeur alloue quatre heures de temps de travail rémunéré lors d’une absence pour aller consulter un professionnel de la santé ou pour recevoir des soins ou des traitements médicaux et, lorsque la durée excède quatre heures, exige que le travailleur fournisse une preuve justificative afin d’être rémunéré pour toute la durée réelle de son absence au travail. Une telle politique prévoit essentiellement la même chose que l'article 61, en y apportant quelques précisions. L’exigence d’une preuve justificative en cas de dépassement du temps prévu à la politique n’est pas déraisonnable. Ainsi, le refus de l'employeur de payer les trois heures et demie au-delà de la durée d'absence prévue par la politique administrative pour ce genre d'absence ne peut être assimilé à une sanction au sens de l'article 32, car il a démontré que son refus est motivé par une cause juste et suffisante étrangère au fait que le travailleur a subi une lésion professionnelle ou exercé un droit que lui confère la loi.

 

Bisson et S.T.C.U.M.,C.L.P. 217666-61-0310, 10 mars 2005, S. Di Pasquale.

Après le retour au travail de la travailleuse elle a besoin d'un suivi psychothérapeutique afin de favoriser sa réintégration et la maintenir en emploi. L’employeur ne peut pas invoquer une entente survenue entre lui et la travailleuse, voulant que cette dernière prenne ses rendez-vous de psychothérapie en dehors des heures de travail, pour se soustraire de son obligation de verser à la travailleuse son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où elle doit s’absenter pour recevoir les soins prescrits par son médecin traitant. Tel que stipulé à l'article 4, la LATMP est une loi d'ordre public et une entente ne peut prévoir que des dispositions plus avantageuses pour un travailleur que celles prévues à la loi. Par conséquent, conformément à l'article 61, l'employeur doit verser à la travailleuse l’indemnité à cette fin. L'employeur pourra par la suite obtenir de la CSST un remboursement du salaire ainsi versé.

 

La jurisprudence considère que l’employeur doit être informé de l'absence d’un travailleur afin de pouvoir remplir les obligations prévues à l’article 61.

Bilodeau et Goodyear Canada inc. (division Québec),C.L.P. 281738-31-0602, 26 septembre 2006, P. Simard.

La gestion de l’application de l’article 61 implique que l’employeur doit être informé des absences au travail d’un travailleur pour que ce dernier puisse recevoir les soins ou traitements médicaux requis à la suite de sa lésion professionnelle et afin qu’il puisse être remboursé des salaires payés lors de ces absences, conformément au second alinéa de l’article 61.

 

Calcul du salaire net

Voir : Article 62.

Remboursement par la CNESST à l’employeur

La jurisprudence mentionne que le salaire versé à un travailleur pour chaque jour ou partie du jour où il doit s'absenter pour recevoir des soins, des traitements ou subir des examens médicaux est assimilable à une IRR. Par conséquent, la CNESST ne peut pas réclamer au travailleur le salaire qui lui a été versé si une décision finale déclare qu’il n'a pas subi de lésion professionnelle.

Par ailleurs, l’employeur a droit au remboursement lorsque la CNESST accepte une réclamation pour une lésion professionnelle, laquelle sera postérieurement refusée et, que dans l’intervalle, l’employeur a effectué des versements de salaire au travailleur qui s’est absenté pour recevoir des soins ou des traitements.

De plus, l’employeur a droit au remboursement lorsque la CNESST ne s’est pas encore prononcée quant à l’admissibilité d’une réclamation au moment où il verse un salaire au travailleur qui s’absente pour recevoir des soins ou des traitements et qu’ultimement la réclamation est refusée.

Martin et Ville de Windsor, C.L.P. 171029-05-0110, 13 mai 2002, M.-C. Gagnon.

Une décision de la CSST reconnaît d’abord la lésion professionnelle et l’admissibilité de celle-ci est confirmée par une décision rendue à la suite d’une révision administrative. Toutefois, cette décision est infirmée par la CLP qui entérine un accord, déclarant que le travailleur n’a pas été victime d’une lésion professionnelle. C’est à la suite de cet accord que la CSST rend une décision réclamant le salaire versé au travailleur durant ses absences pour recevoir des soins ou des traitements. Or, il y a lieu de considérer que le salaire versé à un travailleur pour chaque jour ou partie du jour où il doit s'absenter pour recevoir des soins est assimilable à une IRR que la CSST ne peut recouvrer à la suite du refus de la CLP de reconnaître l'existence d'une lésion professionnelle, et ce, conformément à l’article 363.

 

Ville de Montréal et Cimon, 2011 QCCLP 5390.

L’événement accidentel est survenu le 3 mars 2009. Il n’y a jamais eu d’arrêt de travail, hormis le fait qu’à partir du 4 mai, la travailleuse s’est absentée pour recevoir des traitements de physiothérapie en raison de sa lésion professionnelle. Le 8 mai, la CSST déclare la réclamation de la travailleuse admissible. Toutefois, le 19 novembre, l'instance de révision administrative de la CSST infirme la décision et elle rejette la réclamation de la travailleuse. Pendant cette période, l’employeur verse à la travailleuse directement son salaire, lorsque cette dernière s’absente pour recevoir des traitements. Étant donné la décision finale concluant à l’absence de lésion professionnelle, l’employeur compense le salaire versé à la travailleuse, en déduisant de ses banques de maladie et de vacances les heures où elle s'est absentée de son travail pour obtenir des traitements de physiothérapie. Or, il s’agit d’une sanction au sens de l’article 32. Au moment où la travailleuse s’absente pour recevoir des soins ou traitements, ceux ci sont prodigués relativement à une lésion qui est alors considérée comme étant professionnelle. Ceci fait en sorte que l’article 61 est alors applicable et l’employeur peut demander à la CSST le remboursement du salaire qu’il a ainsi payé. Le fait que la lésion professionnelle soit subséquemment refusée ne change pas la nature du salaire au moment où celui ci est versé et il est assimilable à une IRR. Le fait que l’employeur n’ait pas demandé à la CSST le remboursement du salaire qu’il a versé à la travailleuse durant ces périodes, conformément à l’article 61, ne saurait lui permettre de le lui réclamer directement.

 

 

Station Mont Tremblant (Hôtel) et Quesnel,2015 QCCLP 4346.

L’événement accidentel survient le 14 août 2014. Pendant la période où la travailleuse est en assignation temporaire et que l’employeur lui verse directement son salaire, la travailleuse s’absente entre le 31 août et le 16 septembre pour recevoir des traitements de physiothérapie en raison de sa lésion professionnelle. Le 8 septembre, la CSST rejette la réclamation de la travailleuse. Ensuite, le 19 décembre, la CSST refuse la demande de remboursement de l'employeur pour le salaire versé à la travailleuse pendant ses absences. Or, il y a plutôt lieu de conclure que la CSST doit rembourser à l’employeur le salaire net qu’il a versé à la travailleuse lors des périodes où la travailleuse s’est absentée pour suivre des traitements de physiothérapie, et ce, même si une décision subséquente de la CSST refuse de reconnaître qu'elle a subi une lésion professionnelle. D’une part, ce salaire versé doit être assimilé à une IRR. D’autre part, il faut se placer à l'époque où la travailleuse recevait des traitements. Durant cette période, la réclamation de la travailleuse était à l'étude et l'employeur avait l'obligation de lui verser son salaire. En outre, l’alinéa 2 de l’article 61 ne fait aucune mention concernant l'admissibilité ou le refus de la réclamation comme conditions préalables nécessaires au remboursement.

 

Suivi :

Révision pendante.

Investissements BSA inc. et Zahiri, 2015 QCCLP 5450 (décision rejetant la requête en révision).

Pendant la période d'assignation temporaire du travailleur, l’employeur lui verse directement son salaire, lorsque ce dernier s’absente quelques heures par jour pour recevoir des soins et des traitements en lien avec sa lésion professionnelle. Plus tard, la CSST rejette la réclamation du travailleur et elle refuse la demande de remboursement de l'employeur pour le salaire versé au travailleur pendant ses absences pour recevoir des traitements au motif que l'admissibilité de la réclamation constitue une condition préalable à l'application de l'article 61. Le premier juge est d'avis que même si la réclamation du travailleur est refusée, l’employeur a droit au remboursement du salaire versé au travailleur lors de ses absences pour recevoir des soins et des traitements. Il arrive à cette conclusion en  considérant l’objectif de l’article 61 qui est d'« assurer au travailleur son salaire s'il s'absente de son travail pour recevoir des soins rendus nécessaires par sa lésion professionnelle ». Il retient également le fait que ce salaire versé peut être assimilé à une IRR et l'importance de prendre en compte  le moment où le travailleur s'est absenté pour recevoir des soins et traitements afin de déterminer les obligations de l'employeur imposés par la loi. Au moment où le travailleur s’est absenté pour recevoir des soins ou des traitements, ceux-ci étaient autorisés par la CSST, à tout le moins implicitement, et ce, même si cette dernière ne s'était pas encore prononcée sur l'admissibilité de la lésion professionnelle. Dans ce contexte, l'employeur avait donc l'obligation de rembourser au travailleur le salaire relié aux absences pour recevoir des soins ou traitements, sans quoi il pouvait notamment s'exposer à une plainte en vertu de l'article 32. Le tribunal ne constate aucune erreur de la part du premier juge administratif. La requête en révision est en conséquence rejetée.

 

Remboursement par la CNESST directement au travailleur

La jurisprudence mentionne qu’étant donné que l'article 61 ne constitue qu'une modalité de paiement du salaire du travailleur, dans certaines circonstances, pour atteindre les objectifs de déjudiciarisation, de célérité et d’équité, la CSST peut effectuer le remboursement directement au travailleur.

Beauchamp et Marché Denigil 1984 inc., C.L.P. 188225-64-0207, 17 janvier 2003, C. A. Ducharme.

La CSST doit rembourser au travailleur le salaire net pour les jours où il a dû s'absenter de son travail pour suivre des traitements de chiropractie qu'elle a autorisés. Ces traitements sont reliés à la lésion professionnelle et ils ont été autorisés comme mesure de réadaptation pour son maintien en emploi. L'obligation imposée à l'employeur par l'article 61 ne constitue qu'une modalité de paiement du salaire dû au travailleur et il est plus équitable, en l'espèce, que la CSST rembourse directement le travailleur, afin d'atteindre les objectifs de déjudiciarisation et de célérité du traitement des dossiers poursuivis par la réforme de la justice administrative.

 

Bélanger et Arrondissement Plateau Mont-Royal, 2013 QCCLP 6993.

Le travailleur occupe deux emplois. À la suite de son accident du travail, le travailleur ne peut pas reprendre ses activités chez l’employeur où est survenu l’événement accidentel. Cependant, il peut continuer d'occuper à temps plein son deuxième emploi chez l’autre employeur. Il doit cependant s’absenter du travail à quelques reprises pour recevoir des traitements et subir divers examens médicaux en raison de sa lésion professionnelle survenue à son autre emploi. Les deux employeurs du travailleur ont refusé de lui verser le salaire pour les journées où il a dû s’absenter, mais aucun de ces deux employeurs n’étaient contraints de le faire au regard de l’article 61. Les deux employeurs n’ont donc pas exercé à l’endroit du travailleur des mesures contrevenant à l’article 32 de la loi. Dans les circonstances, étant donné qu’aucun des employeurs n'avait à verser au travailleur son salaire, la CSST aurait dû rembourser au travailleur le salaire net pour ces journées d'absence. L'article 61 ne constitue qu'une modalité de paiement et, en toute équité, la CSST peut effectuer directement le paiement au bénéficiaire.