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. 68. Travailleur saisonnier ou sur appel

UN TRAVAILLEUR SAISONNIER

Nadeau et Les Vergers Tougas inc., C.L.P. 187810-62A-0207, 19 décembre 2002, D. Rivard.

Le fait de travailler plus d'une saison durant une même année n'empêche pas de qualifier l'emploi exercé par la travailleuse de « travail saisonnier ».

 

Berthiaume et Valport Maritime Service inc., C.L.P. 349391-62C-0805, 16 décembre 2008, C. Burdett.

Le travailleur est débardeur. C’est principalement durant le printemps et l’été que les bateaux se présentent au port et que l’employeur a besoin de ses services. Le travailleur est rappelé au travail chaque printemps, toujours à la même période, et il est mis à pied vers la fin de l’automne en même temps que ses collègues de travail. Toutefois, il arrive qu’il soit rappelé pour des besoins spécifiques après la période de mises à pied; le travailleur est alors sur appel. Par ailleurs, la raison de départ spécifiée sur les relevés d’emploi émis par l’employeur est celle de baisse de travail et de fin de contrat saisonnier. De plus, le travailleur n'a jamais effectué une année complète de travail pour l’employeur. Le tribunal est donc d’avis que le travailleur effectue un travail saisonnier au sens de l’article 68.

 

Bouchard et Entreprises Jacques Maltais inc., C.L.P. 409159-02-1004, 11 novembre 2010, R. Bernard.

Le travailleur œuvre comme chauffeur de camion dans un camp forestier. Il exerce ses fonctions tous les ans de juin jusqu’à la fin du mois de mars. La durée de la période de travail annuelle serait la même chez les différents employeurs de la région. En effet, il n’y a pas de transport de bois dans les chemins forestiers aux mois d’avril et de mai en raison du dégel. Ce travail est donc interrompu en raison des conditions climatiques et de l'inaccessibilité de la matière première. Le tribunal conclut que le travailleur exerce un travail saisonnier.

 

Compagnie A et J... G..., 2014 QCCLP 557.

Le travailleur travaille comme journalier au Nunavut. La nature de son travail consiste à installer dans l'eau des barrières de turbidité, ce qui ne peut s'effectuer que pendant la période de dégel. D’ailleurs, son contrat débute généralement en juillet pour se terminer en novembre, ce qui correspond essentiellement à la période du dégel. Ainsi, il travaille de 22 à 24 semaines par année et il retire des prestations d'assurance-emploi pendant 28 ou 30 semaines.

 

Roussy et Ministère des Transports, 2016 QCTAT 3356.

L’emploi de conducteur de chasse-neige, que le travailleur exerce tous les ans approximativement d'octobre à avril, est directement relié aux conditions climatiques, ce qui permet au Tribunal de le qualifier de travailleur saisonnier.

 

N’EST PAS UN TRAVAILLEUR SAISONNIER

Naud et Misener Shipping ltée, [1991] C.A.L.P. 715.

Le Tribunal est d'avis qu'il ne s'agit pas de déterminer si tout travailleur employé sur un bateau est un travailleur saisonnier, mais plutôt de déterminer si la travailleuse, dans ce cas-ci, est un travailleur saisonnier ou non. Dans cette affaire, la travailleuse exerce les fonctions de mousse sur un navire pouvant naviguer 12 mois par année sur les eaux internationales et en haute mer. Le tribunal conclut donc que cette travailleuse exerce un emploi permanent et non saisonnier, par opposition à un marin travaillant sur un « laquier » qui est un navire conçu pour les lacs et les eaux intérieures et dont la navigation doit cesser plusieurs mois durant la saison hivernale.

 

Anglehart et Municipalité de Port-Daniel-Gascons, C.L.P. 211624-01C-0307, 22 mars 2004, R. Arseneau.

La notion de « travailleur saisonnier » ne se rattache pas à la personne du travailleur, mais plutôt au type d'emploi exercé. En l'espèce, l'emploi d'inspectrice municipale adjointe n'est pas, par sa nature, un emploi saisonnier. Cet emploi s'exerce à l'année dans d'autres municipalités. C'est seulement en raison du peu d'activités s'effectuant sur le territoire de la municipalité pendant la saison hivernale que la travailleuse occupe son emploi entre le printemps et l'automne. L'article 68 n'est pas applicable à la situation de la travailleuse.

 

Giguère et Les Déménagements Gareau, C.L.P. 282363-71-0602, 13 septembre 2006, F. Juteau.

La notion de travailleur saisonnier ne se rattache pas à la personne du travailleur, mais plutôt au type d'emploi exercé. Un emploi de type saisonnier doit être de nature répétitive, régulière ou d'une durée limitée à certaines périodes précises en raison de contraintes climatiques, d'ordre social ou administratif, ou encore de la disponibilité de la matière première. En l'espèce, bien que l'employeur connaisse une diminution de ses activités de déménagements durant certaines périodes de l'année, cela ne fait pas de ses employés des travailleurs saisonniers. Il ne ferme pas ses portes et ses travailleurs peuvent être affectés à d'autres travaux puisqu'une bonne partie de son chiffre d'affaires est consacrée à la livraison de meubles qui s'effectue sur une base régulière à longueur d'année. Le type d'emploi exercé par le travailleur n'est donc pas saisonnier et les dispositions de l'article 68 ne peuvent s'appliquer.

 

André et Asplundh Canada ULC, 2013 QCCLP 4366.

Au moment de l’accident du travail, le travailleur exerce l'emploi de débroussailleur. Il s’agit d’un travail saisonnier, car il s'exerce pendant une partie de l'année seulement en raison des contraintes climatiques. En effet, il est impossible de l'exercer lorsqu'il y a une quantité importante de neige au sol. Toutefois, pendant la période hivernale, bien que le travailleur ne puisse pas exercer ses fonctions de débroussailleur, il peut demeurer au service de l'employeur pour effectuer d'autres tâches, par exemple l'abattage des arbres, lorsque l’employeur obtient des contrats de la part d'Hydro-Québec. Lorsqu’un travailleur peut être assigné à d’autres travaux au cours de cette période où il ne peut exercer ses fonctions principales, le tribunal est d’avis qu'il n’est pas un travailleur saisonnier. Dans ces circonstances, les dispositions de l'article 68 ne peuvent s'appliquer. Conformément à l’article 67, le revenu annuel brut du travailleur est établi selon ce que prévoit son contrat de travail.

 

Compagnie A et A... G..., 2014 QCCLP 4026.

En novembre 2010, soit au moment de la lésion professionnelle, le travailleur est apprenti-couvreur pour le même employeur depuis 2002. Selon ses heures travaillées durant les différents mois des années 2007, 2008 et 2009, le travailleur travaille durant toute l’année, principalement de mars à décembre, bien que la saison estivale s’échelonnant de mai à juillet soit la période la plus occupée. À l’occasion, selon la température, il travaille en janvier et février. Ses heures de travail sont variables et ses semaines de travail ne correspondent pas toujours à un horaire à temps complet. Le tribunal conclut que le travailleur n'occupe pas un emploi saisonnier puisqu'il travaille durant toute l'année, la saison hivernale n'étant que moins occupée. Par conséquent, le tribunal écarte l'application de l'article 68.

 

Baiod et Gestion de bateaux Anglo-Estern ltée, 2017 QCTAT 1807.

Le travailleur œuvre à bord d’un navire et, selon les contrats, il peut faire du travail de timonier ou de matelot, ce qui peut impliquer aussi du travail de manutention lors des déchargements. Son statut lui donne la possibilité de postuler selon son ancienneté pour obtenir des contrats à durée variable, pouvant aller de 15 jours à trois mois. Le travailleur est à bord du navire durant toute la durée du contrat, sept jours sur sept, 24 heures par jour. Pour postuler sur des contrats, le travailleur se rend au quartier général dans une salle d’embauche où sont affichés sur un tableau les contrats ou les assignations. Les périodes les plus achalandées au courant de l’année sont de mai à novembre, mais bien qu’il y ait moins d’offres, il est toujours possible de travailler durant l’hiver. D’ailleurs, c’est ce que le travailleur a fait à plusieurs reprises dans les années antérieures. Lorsqu’il ne travaille pas, le travailleur a droit à des prestations d’assurance-emploi. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que l’emploi ne peut être qualifié de « saisonnier » au sens de l’article 68.

 

EST UN TRAVAILLEUR SUR APPEL

Blais et 2427-3948 Québec inc., C.L.P. 119883-64-9906, 25 novembre 1999, D. Martin.

En l'espèce, le travailleur est embauché comme chauffeur de camion sur une base temporaire, à titre de remplaçant et sans que lui soit assuré aucun autre remplacement, ou voyage, après son retour du premier voyage. Toutefois, comme il a offert ses services à l'employeur et qu'il s'est déclaré disponible pour effectuer d'autres voyages, il y a lieu de le considérer comme un travailleur sur appel, au sens de l'article 68, plutôt qu'un travailleur n'ayant qu'un contrat à durée déterminée.

 

Bernier et Verreault Navigation inc., C.L.P. 365664-01A-0812, 6 juillet 2009, M. Auclair.

Le travailleur est soudeur et assembleur chez l’employeur. En raison de la nature des opérations de ce dernier, il est mis à pied quelques fois par année pour des périodes indéterminées. Lorsque l'employeur rappelle un employé, celui-ci doit se présenter dans les heures qui suivent, sinon il s’expose à un avis disciplinaire. Ce mode de fonctionnement fait en sorte que si le travailleur occupe un autre emploi au moment du rappel, il doit quitter cet emploi et retourner immédiatement à son travail régulier. Le travailleur prétend que le calcul de son IRR doit être déterminé selon l'article 67 LATMP, car il n’est pas un travailleur sur appel au sens de l’article 68. À ce propos, il allègue d’une part qu’il est un employé régulier au sens de la convention collective et d’autre part, qu'il se doit de retourner au travail dès qu'il est rappelé s'il veut conserver son lien d'emploi. Le tribunal est d’avis que les modalités particulières de l’emploi occupé par le travailleur correspondent précisément à celles d’un travailleur sur appel. En effet, le travailleur sur appel est lié à un employeur par un contrat de travail dont la particularité essentielle est d’être disponible, selon les modalités préétablies, pour accomplir une prestation de travail qui comporte une alternance de périodes travaillées et non travaillées, irrégulières et imprévisibles. Le fait que le travailleur soit un employé régulier au sens de la convention collective ne change rien.

 

Lessard et Déménagement Montréal Express, 2015 QCCLP 491.

Aux fins du calcul de son IRR, le travailleur doit être considéré comme étant un travailleur sur appel avec un horaire variable selon les contrats de déménagement. L’employeur le contacte la veille lorsqu’il a du travail à lui offrir pour le lendemain. Les expériences de travail chez cet employeur démontrent que pendant les mois de novembre à janvier, le travailleur n’est pas appelé à travailler tous les jours, ce qui signifie qu’il peut travailler de 25 à 35 heures environ par semaine. Par contre, pendant la période de l’année la plus occupée, il peut être appelé à travailler de 50 à 60 heures par semaine. Le fait qu’un travailleur travaille certaines semaines à temps plein ne modifie pas son statut de travailleur sur appel. Le tribunal indique qu’il ne faut pas confondre le nombre d'heures travaillées par semaine et le statut d'emploi. Un travailleur sur appel le demeure s’il est lié à un employeur par un contrat de travail dont la particularité essentielle est qu'il assure l'employeur de sa disponibilité pour accomplir des prestations variables, irrégulières et imprévisibles, et ce, même si, dans une industrie comme celle du déménagement, la charge de travail est plus importante pendant une certaine période de l'année. En l’espèce, conformément à l'article 65, il faut retenir le salaire minimum comme revenu brut annuel pour déterminer l'IRR. En effet, le travailleur n'a offert aucune preuve du revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région et il n'a pas démontré qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois ayant précédé le début de son incapacité.

 

N’EST PAS UN TRAVAILLEUR SUR APPEL

Thiro ltée et Charest, C.L.P. 92927-62A-9712, 31 mars 1999, J. Landry.

Le travailleur occupe le poste de monteur de lignes. Il ressort de la preuve que l’employeur a recours aux services du travailleur occasionnellement, selon sa disponibilité et pour des périodes limitées. D’ailleurs, au moment de l’accident du travail, le travailleur a été embauché pour un contrat d’une semaine, et ce, à la suite d’une panne d’électricité survenue aux États-Unis. Selon le tribunal, il ne s’agit pas d’un travailleur sur appel, car il n’a pas été embauché par l’employeur aux conditions d’assurer à ce dernier sa disponibilité et avec l’entente qu’il y aurait des périodes travaillées en alternance avec des périodes non travaillées. Le tribunal rappelle qu’un travailleur employé sporadiquement ne peut être considéré comme un travailleur sur appel.

 

Giguère et Les Déménagements Gareau, C.L.P. 282363-71-0602, 13 septembre 2006, F. Juteau.

Le travailleur n'est pas un travailleur sur appel. Les faits permettent plutôt d'établir qu'il exerçait un emploi régulier, à temps plein, pour l'employeur. En effet, durant le mois de mai 2004, soit ses premières semaines d'embauche chez l'employeur, il continuait à exercer son travail pour son ancien employeur. C'est pourquoi il ne pouvait travailler à temps plein pour l'employeur. Cependant, à compter du mois de juin 2004, il a abandonné son ancien emploi pour occuper l'emploi de chauffeur pour le présent employeur. Il a exercé cet emploi à temps plein, sur une base régulière, effectuant généralement des semaines de 40 heures ou plus, de façon continue pendant plusieurs mois, sans périodes de fluctuations et au taux horaire de 15 $. On ne retrouve pas d'alternance de périodes où le travailleur aurait connu une baisse de ses heures de travail ou un arrêt pour de courtes périodes, même après la période de pointe des déménagements qui se termine vers la mi-juillet. Ces éléments ne correspondent pas à la situation d'un travailleur sur appel qui comporte « des alternances de périodes de travail et de périodes sans travail toujours irrégulières et imprévisibles ». Le travailleur occupait donc un emploi à temps plein pour un contrat de travail à durée indéterminée chez l'employeur et, par conséquent, il y a lieu de retenir les dispositions de l'article 67 pour établir le revenu annuel brut devant servir de base au calcul de son IRR. Suivant ces dispositions, le revenu brut prévu à son contrat de travail à durée indéterminée doit être établi en considération d'un taux horaire de 15 $ pour une semaine normale de travail de 40 heures reportées sur une base annuelle.

 

Diallo et Randstad Interim inc, 2013 QCCLP 4632.

Le travailleur est à l’emploi d'une agence de placement ou de location de personnel. Il est assigné à temps plein à l’entreprise Feralux. Il s’y rend tous les jours de la semaine, et ce, sans recevoir au préalable d’appel téléphonique de l’employeur pour lui confirmer la disponibilité du travail. Il y travaille 40 heures par semaine et parfois plus. Au début, il remplaçait un travailleur, mais après le retour de ce dernier, il est demeuré à cet emploi. Avant que ne survienne son accident du travail, il a même été pressenti pour une embauche permanente. Certes, lors d'une visite de poste, à la suite de son accident, il a été question du caractère temporaire de cet emploi et d'une mise à pied appréhendée, mais le tribunal rappelle que le fait qu’un emploi soit temporaire ne signifie pas que le travailleur soit « sur appel ». En l’espèce, la preuve ne démontre aucunement que le travailleur travaille sur demande, que sa prestation de travail ne soit pas prévue à l’avance et que ses périodes de travail et ses périodes sans travail alternent de façon irrégulière et imprévisible. Le tribunal est donc d’avis qu’il ne s’agit pas d’un travailleur sur appel et par conséquent, son revenu brut annuel doit être établi conformément à l’article 67. 5.  

 

TRAVAILLEURS HYBRIDES (TEMPS PARTIEL ET SUR APPEL)

Marchesseault et Cité de la Santé de Laval, C.L.P. 235736-64-0406, 15 décembre 2005, L. Landriault.

La travailleuse occupe un poste à temps partiel où elle travaille sept jours sur 14, à savoir, une semaine de trois jours et une semaine de quatre jours. De plus, afin de travailler davantage, elle est inscrite sur la liste de rappel. Ainsi, elle travaille jusqu’à 10 jours sur 14. Le 10 janvier 2001, la travailleuse est victime d’une lésion professionnelle. Pour établir le revenu brut devant servir au calcul de l’IRR versée à la travailleuse à la suite de sa lésion professionnelle survenue le 10 janvier 2001, la CSST prend en considération le contrat de travail à temps partiel de la travailleuse, ce qui représente un revenu brut annuel de 20 216 $, incluant les bénéfices marginaux. Étant donné que la CSST ne prend pas en considération le statut sur appel de la travailleuse (trois jours sur 14), elle ne s’interroge pas sur le revenu brut d’un travailleur sur appel de même catégorie, occupant un emploi semblable chez l’employeur (l’hôpital). Toutefois, étant donné que la travailleuse a reçu un salaire de 20 881 $ dans l’année précédant sa lésion professionnelle du 10 janvier 2001, la CSST retient ce montant qui est plus avantageux pour la travailleuse. Eu égard à la détermination du revenu annuel brut devant servir pour le calcul de l’IRR, le tribunal infirme la décision de la CSST et retient plutôt un revenu de 23 492 $. Conformément à l’article 67 de la loi, ce revenu tient compte des montants versés à la travailleuse du 11 janvier 2000 au 10 janvier 2001, soit 22 492 $ (selon les relevés de paye). Toutefois, en octobre 1999, la travailleuse avait déjà subi une lésion professionnelle, dont les conséquences ont été ressenties au cours de l’année 2000, soit durant les 12 mois précédant le 10 janvier 2001. En effet, en raison de sa lésion professionnelle survenue en 1999, pendant environ 12 semaines, la travailleuse n’a pu travailler davantage que sept jours sur 14, mais n’eût été sa lésion professionnelle, elle aurait été disponible pour travailler sur appel trois jours sur 14. Ainsi, en ce qui concerne ces trois jours où la travailleuse est sur appel, le tribunal est d’avis qu’il faut tenir compte de l’article 68. Or, étant donné que la CSST n’a pas considéré cet article, aucune preuve n’a été présentée au tribunal quant au revenu d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. À défaut, le tribunal retient qu’avant que ne survienne en 1999 l’accident du travail, durant les neuf mois où la travailleuse a donné ses disponibilités et travaillé sur appel, en plus de ses sept jours sur 14, elle a gagné environ 3000 $. En répartissant proportionnellement ce montant sur une période de 12 semaines, soit celle au cours de laquelle les activités professionnelles de la travailleuse ont été ralenties, le tribunal obtient le montant de 1000 $. Cette somme de 1000 $ représente le revenu brut d'un préposé aux bénéficiaires sur appel (jusqu'à une possibilité de trois jours/semaine), pour une période de 12 semaines. Donc, à la somme de 22 492 $, il faut ajouter 1000 $ pour un revenu total de 23 492 $. Selon le tribunal, cette solution est équitable et réaliste.

 

Martineau et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu), 2011 QCCLP 4986.

Lorsque'on ne peut établir le revenu brut d’un travailleur occupant le même emploi que celui-ci, eu égard à son statut de « travailleur sur appel » et de ses disponibilités, il faut référer à la réalité de son emploi et faire une projection défendable de son revenu. La travailleuse avait un contrat de travail d'une durée indéterminée de deux jours par semaine, avec la possibilité d'effectuer le remplacement des salariés absents, sur appel. La CLP a considéré qu'il s'agissait d'un statut hybride permettant l'application de l'article 67 LATMP en faisant la moyenne des heures travaillées au cours d'une période représentative de l'époque où la lésion professionnelle (ou la réclamation) était survenue et en l'annualisant. Le présent tribunal considère que ce principe est applicable en l'espèce. L'article 67 est plus approprié que l'article 68 dans la mesure où la travailleuse ne travaille pas uniquement sur appel puisque celle-ci bénéficiait, le 3 janvier 2014, d'un poste à temps partiel lui assurant trois jours de travail par semaine.

 

Rhéault et C.H.U.Q. (Pavillon C.H.U.L.) (SST), 2012 QCCLP 7264.

La travailleuse est embauchée comme préposée aux bénéficiaires le 2 mai 2011. Il s’agit d’un poste dont le statut est « travailleuse à temps partiel occasionnel et sur appel ». Le travail à temps partiel correspond à un horaire de six jours de travail sur 14 jours, puis, elle est appelée par l’employeur les jours où elle se déclare disponible, à savoir, une fin de semaine sur deux ainsi que du lundi au vendredi, tant sur les quarts de jour que de soir. Pendant la période estivale, la travailleuse obtient un poste de remplacement de trois jours par semaine, laquelle est complétée selon les besoins de l’employeur et sa disponibilité. Entre le 2 mai et le 20 septembre 2011, soit la journée où la travailleuse subit un accident du travail, elle a travaillé un total de 645,25 heures pendant 20 semaines, pour un revenu total de 12 399 $. En calculant la moyenne de temps travaillé de la travailleuse, le tribunal obtient 4,45 jours par semaine, soit 32,26 heures à un taux horaire moyen de 19,66 $ de l’heure, ce qui correspond à 89 % pour un horaire à temps complet, dont la semaine de travail est de 36,25 heures à raison de cinq jours de travail. En l’espèce, le tribunal est d’avis qu’il n’est pas équitable de calculer le montant de l’IRR auquel la travailleuse a droit en se basant sur le salaire minimum, puisque cela ne reflète pas la réalité des gains dont elle est privée en raison de la lésion professionnelle qu’elle a subie, en tenant compte que le revenu brut reçu par la travailleuse entre le 2 mai et le 20 septembre correspond à 12 399 $ pour 141 jours au calendrier. Le tribunal transpose ce revenu sur une base annuelle, ce qui correspond à un revenu annuel brut moyen de 32 097 $, lequel, selon le tribunal, reflète davantage la réalité des gains qu’aurait perçus la travailleuse n’eût été sa lésion.

 

Collard-Grenier et CSSS Drummond, 2015 QCCLP 650.

La travailleuse est préposée aux bénéficiaires à temps partiel occasionnel (TPO) et exerce un travail sur appel. Lors d'un premier retrait préventif, conformément à l’article 68, la base de son revenu brut annuel ayant servi au calcul de son IRR est de 34 000 $. Au moment de devoir retourner au travail, la travailleuse prend deux semaines de vacances et, étant de nouveau enceinte, elle bénéficie aussitôt d’un autre retrait préventif. Cette fois, la CSST retient qu’au cours des 12 derniers mois ayant précédé son deuxième retrait préventif, la travailleuse a reçu 19 381 $ de prestations d'assurance parentale ainsi que la somme de 2685 $ pour ses vacances accumulées. Pour le tribunal, puisque la travailleuse exerce un emploi sur appel, c’est l’article 68 qui s’applique. Or, la méthode de calcul utilisée par la CSST est étrangère à ce que prescrit l’article 68. Le revenu brut annuel de base devant servir au calcul de l’IRR est celui d'une autre travailleuse occupant le même emploi, soit un revenu comparable. La preuve présente des salaires comparables, soit ceux de quatre travailleuses occupant un poste de préposée aux bénéficiaires TPO avec approximativement les mêmes disponibilités et une ancienneté soit plus élevée, soit moins élevée que celle de la travailleuse. Le tribunal retient que dans les 12 mois ayant précédé le retrait de la travailleuse, la personne ayant un peu plus d'ancienneté a reçu un salaire de 35 715 $ et celle ayant un peu moins d'ancienneté a reçu 30 350 $. Par conséquent, le tribunal retient la même base salariale que celle retenue pour le premier arrêt de travail, soit 34 000 $, ce qui constitue une solution judicieuse puisque ce montant se situe dans la fourchette de salaires comparables. Cette base de revenu brut annuel prend appui sur une projection défendable de la situation de la travailleuse et elle reflète suffisamment sa réalité d'emploi pour être acceptable. Enfin, cette méthode de calcul s'accorde avec les exigences de l'article 68. 

 

Gouin et CHSLD l'Érable & Ermitage, 2016 QCTAT 3148.

La travailleuse est embauchée comme préposée aux bénéficiaires. Au moment de l’accident du travail, soit le 7 mars, la travailleuse occupe depuis le 25 janvier de la même année, un poste en remplacement intégral lui garantissant un total de 27,5 heures par semaine. Au surplus, la travailleuse effectue des heures supplémentaires sur appel, car elle est disponible sur la liste de rappel. Le tribunal indique partager l’interprétation faite dans l’affaire Martineau et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu) voulant qu’il faille suivre les enseignements de la Cour d’appel dans Héroux c. Groupe Forage Major et Simon c. Commission scolaire de l'Or-et-des-Bois , à savoir, référer à la réalité de l’emploi de la travailleuse et faire une projection défendable de son revenu. Par conséquent, le tribunal estime que le statut de la travailleuse doit être considéré comme hybride et non comme celui d’une travailleuse sur appel. Dans les circonstances, pour établir son revenu brut annuel pour le calcul de l’IRR, il faut appliquer l’article 67 et non l’article 68 de la loi.