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. 68. Travailleur saisonnier ou sur appel

TRAVAILLEUR SAISONNIER

Le législateur n’a pas défini la notion de « travailleur saisonnier », mais la jurisprudence du Tribunal est constante quant à cette définition. Ainsi, la caractéristique du travail saisonnier découle de sa nature répétitive, régulière et d'une durée limitée à certaines périodes précises en raison de contraintes climatiques, d'ordre social ou administratif ou encore, à cause de la disponibilité de la matière première.

De plus, la notion de « travailleur saisonnier » ne se rattache pas à la personne, mais plutôt au type d'emploi exercé.

Boulanger et Pêches Nordiques inc., [1986] C.A.L.P. 278.

Pour définir « travail saisonnier », le tribunal retient les définitions incluses à divers dictionnaires voulant que la caractéristique de ce qui est saisonnier découle de sa nature répétitive, régulière et d'une durée limitée à certaines périodes précises en raison de contraintes climatiques, d'ordre social ou administratif ou encore à cause de la disponibilité de la matière première. Le tribunal précise que ce qui, traditionnellement, pouvait être considéré comme un travail saisonnier, peut changer en raison de l'évolution technologique qui permet à une entreprise d'opérer à l'année. Il ne faut donc pas généraliser puisque chaque cas est un cas d'espèce. Concernant l'industrie de la pêche au Québec, elle est considérée traditionnellement comme étant de nature saisonnière, à cause notamment de la disponibilité de la ressource, des conditions climatiques et surtout de la taille et du type d'embarcations normalement utilisées. Cependant, le caractère saisonnier de cette industrie peut être modifié par l'utilisation d'une technologie moderne qui permet d'éliminer ces contraintes traditionnelles. En l'espèce, le travailleur n'est pas un travailleur saisonnier, car le bateau sur lequel il travaillait avait un équipement qui lui permettait d'opérer à l'année et de pêcher différentes espèces.

 

Lapointe et Industries James McLaren inc., [1996] C.A.L.P. 162.

Dans cette affaire, le tribunal déclare que le travail de bûcheron ou d'opérateur de débusqueuse constitue un travail saisonnier. En effet, malgré que la technologie permette d'exécuter ce travail 12 mois par année, dans les faits, il est exécuté en moyenne 30 semaines par année.

 

Les Entreprises Kiewit ltée et Duguay, C.L.P. 111516-72-9902, 22 juillet 1999, L. Couture.

L'emploi de chauffeur de camion dans le domaine de la construction de routes n'est pas un travail saisonnier au sens de l'article 68 même si le travailleur a été embauché seulement pour l'été. La notion de « travailleur saisonnier » ne se rattache pas à la personne du travailleur, mais plutôt au type d'emploi exercé.

 

Pépin et Import-Export RV inc., C.L.P. 226809-61-0402, 1er septembre 2004, G. Morin.

Le travail de technicien d’entretien de véhicules récréatifs n’est pas un emploi saisonnier au sens de l’article 68. La notion de travailleur saisonnier énoncée à cet article se rattache non pas à la personne du travailleur, mais plutôt au type d'emploi exercé. La caractéristique d’un emploi saisonnier découle de sa nature répétitive, régulière et d’une durée limitée à certaines périodes précises de l’année en raison de contraintes climatiques ou de la disponibilité de la matière première. Or, le tribunal est d’avis que la preuve ne démontre pas que de telles contraintes font en sorte que cet emploi s'exerce exclusivement au cours d’une certaine période de l’année. Il s’agit plutôt d’un emploi qui peut s’exercer durant toute l’année, mais la saison estivale étant plus achalandée, elle a simplement pour effet d’augmenter le besoin de ce type de main-d’œuvre.

 

Vallée et Aménagement B.J.S. inc., [2006] C.L.P. 620.

Dans cette affaire, le tribunal rappelle que le concept de « travailleur saisonnier » n’est pas défini dans la loi, mais selon la jurisprudence « bien établie » de la CALP et de la CLP, il s'agit d'un travail dont la nature est répétitive, régulière et d'une durée limitée à certaines périodes précises en raison de contraintes climatiques, d'ordre social ou administratif ou encore de la disponibilité de la matière première. En l’espèce, en regard de cette définition, le tribunal conclut que l'emploi d'ouvrier sylvicole, lequel s’exerce tous les ans de juin à octobre, est un emploi saisonnier, notamment en raison des contraintes climatiques. Par conséquent, l'article 68 s'applique.

 

Joncas et Entr. Gaston Morin (1979) ltée, 2011 QCCLP 446.

Le déneigement d'une route est un travail saisonnier, c'est-à-dire, une activité dont la durée est limitée à une période précise de l'année, soit la saison hivernale. Il s'agit d'un travail relié directement aux conditions climatiques qui prévalent au Québec. La notion de « travailleur saisonnier » n'est pas rattachée à la personne, mais plutôt au type d'emploi exercé.

 

Compagnie A et J... G..., 2014 QCCLP 557.

La LATMP ne précise pas ce qu'est un travail saisonnier. Toutefois, la jurisprudence du tribunal a défini ce concept comme étant un travail dont la « nature est répétitive, régulière et d'une durée limitée à certaines périodes précises en raison de contraintes climatiques, d'ordre social ou administratif ou encore de la disponibilité de la matière première ».

 

Un travailleur de la construction n’est pas un travailleur saisonnier

Selon la jurisprudence, le caractère cyclique d’une industrie, telle l’industrie de la construction, n’en fait pas pour autant une industrie saisonnière.

Bouchard et Maçonnerie Godbout inc., [1988] C.A.L.P. 636.

S’il est vrai que l'industrie de la construction présente un caractère cyclique, rien ne permet de conclure que ce caractère cyclique relève d'une nature répétitive, régulière et d'une durée limitée à certaines périodes en raison des contraintes climatiques, d'ordre social ou administratif, ou encore à cause de la disponibilité de la matière première. Étant donné les différences au niveau de l'effet des saisons sur les différents secteurs de l'industrie de la construction et étant donné que les statistiques ne révèlent pas une tendance au niveau de l'établissement d'une période de travail précise, il est difficile de conclure que l'industrie de la construction est une industrie saisonnière. En fait, ce sont des facteurs spécifiques, tels le statut professionnel, la nature du travail exercé, la région d'origine des salariés, leur mobilité et la conjoncture économique qui ont une incidence réelle sur l'emploi dans l'industrie de la construction. Le tribunal conclut donc que le travailleur œuvrant dans la construction n'est pas un travailleur saisonnier au sens de l'article 68. Le travailleur n’est pas non plus un travailleur sur appel au sens de la loi.

 

Suivi :

Requête en évocation rejetée, [1989] C.A.L.P. 242 (C.S.), appel rejeté, [1999] C.L.P. 720 (C.A.).

Dorion et Forlini Démolition Québec Ltée, [1999] C.L.P. 910.

Eu égard à la jurisprudence, le Tribunal est d’avis que le travailleur de la construction n'est pas un travailleur saisonnier. Même si le manœuvre spécialisé, comme dans le cas présent, peut ne pas travailler 12 mois par année, ses prestations de travail dépendent davantage du marché et des contrats que de la régularité des saisons. Il peut être appelé à travailler en toute saison, même si, à certaines périodes de l'année, il peut y avoir des ralentissements dans l'industrie. De plus, le tribunal ajoute que ce n'est pas parce qu'on a un contrat à durée déterminée qu'on est automatiquement en présence de travail saisonnier. Il n'est pas important de savoir s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée puisque le législateur n'a pas prévu cette distinction.

 

Structures universelles inc. (Les) et Leclerc, C.L.P. 248778-04B-0411, 8 mars 2005, D. Lajoie.

Un travailleur de la construction n'est pas un travailleur saisonnier ni un travailleur sur appel au sens de l'article 68 de la loi.

 

TRAVAILLEUR SUR APPEL

La notion de travailleur sur appel n’est pas définie à la LATMP, mais selon la jurisprudence, il s’agit d’une personne qui est liée par un contrat de travail à un employeur et qui assure à ce dernier une disponibilité afin de réaliser une prestation de travail qui comporte, en alternance, des périodes de travail et des périodes sans travail, irrégulières et imprévisibles. Souvent, le nom du travailleur figure sur une liste de rappel.

Bouchard et Maçonnerie Godbout inc., [1988] C.A.L.P. 636.

Un travailleur sur appel est un travailleur qui est lié à un employeur par un contrat de travail dont la particularité essentielle est que le travailleur assure l'employeur de sa disponibilité pour accomplir une prestation de travail qui comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées irrégulières et imprévisibles. En l’espèce, il s’agit d’un travailleur de la construction. Bien que le caractère de son emploi soit occasionnel et temporaire, le travailleur n'est pas un travailleur sur appel au sens de la loi.

 

Suivi :

Requête en évocation rejetée, [1989] C.A.L.P. 242 (C.S.), appel rejeté, [1999] C.L.P. 720 (C.A.).

Boudreault et Arbo Service inc., [1997] C.A.L.P. 1218.

Le caractère occasionnel et temporaire d'un emploi, de même que le chômage intermittent, ne signifient pas que le travailleur, un arboriculteur, doit être considéré comme un travailleur sur appel.

 

C.S. Brooks Canada inc. et Lussier, [2004] C.L.P. 267.

Selon la convention collective, la travailleuse a le statut de « réserviste », c’est-à-dire qu’elle ne bénéficie pas d’un emploi régulier et permanent. Elle est mise à pied de façon temporaire régulièrement selon les besoins de l’entreprise et se voit attribuer des tâches selon les besoins de main-d’œuvre. La travailleuse correspond à la notion de « travailleur sur appel ». Celle-ci est interprétée par le tribunal comme étant une personne qui est liée, par un contrat de travail, à un employeur et qui assure à ce dernier une disponibilité pour accomplir une prestation de travail qui comporte, en alternance, des périodes de travail et des périodes sans travail, irrégulières et imprévisibles.

 

Moreau Industriel et Dubois, C.L.P. 272732-08-0509, 31 mai 2006, J. Landry.

Les conditions de travail du travailleur s'apparentent à celles d'un travailleur sur appel. En effet, selon la jurisprudence, un travailleur doit être qualifié de travailleur sur appel lorsque son contrat de travail a comme particularité essentielle d'assurer à l'employeur sa disponibilité pour accomplir une prestation de travail et comporte une alternance de périodes de travail et de périodes sans travail, irrégulières et imprévisibles. Dans cette affaire, le travailleur admet qu'il n'a pas d'autres emplois, qu'il se tient disponible pour l'employeur et qu'il ne travaille pas « à l'année ». Le travailleur étant un travailleur sur appel, son revenu annuel brut doit être déterminé non pas selon la règle générale énoncée à l'article 67 LATMP, mais plutôt selon les règles particulières édictées à l'article 68 qui prescrit un mode d'établissement du revenu brut propre au travailleur sur appel.

 

CALCUL DU REVENU BRUT

Non-annualisation du salaire du travailleur saisonnier ou sur appel

La jurisprudence est désormais constante à reconnaître que le salaire d'un travailleur saisonnier et sur appel n’est pas reporté sur une base annuelle. En effet, l’annualisation ne reflèterait pas la réalité de ces travailleurs et aurait pour effet de constituer une indemnisation hors de proportion avec le revenu normalement gagné.

Charbonneau et Ministère des Forêts, C.A.L.P. 52708-04-9307, 3 avril 1995, R. Ouellet.

La travailleuse exerce un emploi d'aide sylvicole et doit être considérée comme un « travailleur saisonnier ». On ne peut pas annualiser son salaire hebdomadaire puisqu'il en résulterait une indemnisation hors de proportion avec le revenu qu'elle aurait normalement touché.

 

Lapointe et Industries James McLaren inc., [1996] C.A.L.P. 162.

Le revenu brut d'un travailleur saisonnier ne doit pas être annualisé puisque l'IRR vise à compenser la perte de capacité de gagner un revenu. Au surplus, si un tel revenu était annualisé, la distinction établie par le législateur entre un travailleur saisonnier et un travailleur régulier s'avérerait inutile, car dans tous les cas, le revenu serait calculé sur une période de référence de 12 mois.

 

Fiorino et Paysagiste A & G Porco, C.L.P. 122365-71-9908, 15 février 2000, Anne Vaillancourt.

Le travailleur est un journalier travaillant du printemps jusqu’à la fin de l’automne qui retire de l’assurance-emploi pendant la période hivernale. Il s'agit donc d'un travailleur saisonnier dont le revenu doit être déterminé en vertu de l'article 68. Selon le tribunal, en l'absence de données plus précises quant au revenu gagné par des travailleurs de même catégorie, il y a lieu de tenir compte des revenus réellement gagnés du travailleur et de ne pas les annualiser. En effet, cette approche cadre mieux avec le but visé par l'article 68 qui est d'indemniser le travailleur selon un mode particulier qui correspond mieux au genre de travail occupé. Enfin, le tribunal mentionne que la jurisprudence reconnaît la possibilité d'inclure les prestations d'assurance-emploi dans le calcul du revenu brut du travailleur saisonnier en application du second alinéa de l’article 68 qui réfère à l’article 67.

 

C.S. Brooks Canada inc. et Lussier, [2004] C.L.P. 267.

Comme la travailleuse ne bénéficie pas d'un emploi régulier et permanent, mais bien d'un statut de réserviste qui correspond à la notion de travailleur sur appel, la CSST ne pouvait annualiser le revenu prévu à son contrat de travail. En vertu de l'article 68, le revenu brut pour cet emploi sur appel est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, à moins que la travailleuse n'établisse un revenu brut plus élevé. Au même titre, la CSST ne pouvait pas annualiser le salaire prévu de l'emploi convenable puisque cet emploi constitue également un poste sur appel.

 

Després et Services Sani Pro, C.L.P. 230988-63-0402, 21 janvier 2005, F. Mercure.

Le travailleur demande au tribunal d'annualiser son salaire hebdomadaire saisonnier. Or, la loi vise à compenser la perte de revenus d'une manière réaliste et à faire en sorte que l'IRR soit la plus représentative de la réalité financière du travailleur. Ainsi, le tribunal ne peut annualiser un salaire hebdomadaire d'un travailleur saisonnier puisqu'il en résulterait une indemnisation hors de proportion avec le revenu que le travailleur aurait normalement gagné.

 

Directeur général des élections du Québec et Lanoue, C.L.P. 330313-61-0710, 18 juin 2008, Monique Lamarre.

L’article 68 ne prévoit aucunement qu’il doit y avoir annualisation du revenu brut du travailleur sur appel ou saisonnier. Le tribunal réfère à d’autres affaires et retient que le revenu ne doit pas être annualisé pour éviter que l’IRR versée au travailleur soit hors de proportion avec le salaire réellement gagné. Le tribunal ajoute que cette assertion se confirme d’autant plus que, comme dans le présent cas, le travailleur a été embauché comme agent réviseur sur appel en vertu de laLoi électorale, dont le contrat de travail est à durée déterminée pour une très courte période, au maximum trois semaines. En l’espèce, l’annualisation du salaire n’a pas de corrélation avec la réalité, et ce, conformément aux enseignements de la Cour d’appel dans Héroux c. Groupe Forage Major.

 

Berthiaume et Valport Maritime Service inc., C.L.P. 349391-62C-0805, 16 décembre 2008, C. Burdett.

Le travailleur est débardeur. Il est rappelé au travail chaque printemps, toujours à la même période et il est mis à pied vers la fin de l’automne en même temps que ses collègues de travail. Toutefois, il arrive qu’il soit rappelé pour des besoins spécifiques après la période de mises à pied; le travailleur est alors sur appel. Le travailleur n'a jamais effectué une année complète de travail pour l’employeur. Le tribunal estime qu'il effectue un travail saisonnier et qu’il ne peut pas bénéficier de l’annualisation de son revenu. En effet, l'annualisation de son salaire ne refléterait pas sa situation réelle et c’est pourquoi cette méthode n’est pas prévue dans le cas de travailleurs visés à l’article 68. Le travailleur allègue qu’il aurait travaillé tout l’hiver, soit pour l’employeur ou ailleurs sur le marché du travail, n’eût été ses lésions professionnelles. Or, selon la preuve, le travailleur n'a jamais effectué une année complète de travail pour l’employeur et rien ne permet de présumer que la situation aurait été différente en 2008. L’article 68 est clair et le tribunal doit limiter son analyse aux 12 mois précédant l’incapacité et non pas aux 12 mois suivant l’incapacité. Il y a donc lieu de s'en remettre au salaire réellement gagné au cours des 12 derniers mois. Si ce revenu est moindre que le salaire minimum annuel assurable, il y a lieu d’appliquer l’article 65.

 

Ministère de l'Environnement (Affaires aux travaux publics) et Champion, C.L.P. 352232-03B-0806, 13 mars 2009, R. Savard.

Le travailleur subit une lésion professionnelle en août 2007 chez l’employeur pour qui il travaille depuis 1996. Il effectue à la Réserve faunique des Laurentides, l’entretien et la maintenance des barrages du ministère. Chaque année, son contrat de travail est renouvelé pour une période d’environ 26 semaines, soit des mois de mai à novembre de la même année. Par la suite, il perçoit des prestations d’assurance-emploi. Le tribunal conclut que le travailleur possède le statut de « travailleur saisonnier » et par conséquent, l’article 68 s’applique et le revenu brut d’emploi ne doit pas être annualisé. Cependant, et ce, conformément au deuxième alinéa de l’article 67 auquel réfère l’article 68, le travailleur a démontré qu’il a aussi reçu des prestations d’assurance-emploi en 2006, ce qui permet d’augmenter son revenu brut annuel d’emploi.

 

Sanchez-Castillo et Légumière Y. C. inc. (La), [2009] C.L.P. 34.

Il y a lieu de retenir comme base salariale annuelle brute devant servir au calcul de l'IRR du travailleur saisonnier faisant partie d'une entente fédérale Canada-Mexique, le montant du salaire minimum, soit 16 684,80 $. Annualiser le salaire brut du travailleur qui ne travaille que quelques mois par année au Canada ne tiendrait pas compte de sa réalité et de l’objectif de la loi qui est de remplacer le revenu d’un travailleur de manière réaliste. De plus, cela aurait pour effet d'avantager un groupe de travailleurs saisonniers par rapport aux autres qui sont régis par l’article 68.

 

Bouchard et Entreprises Jacques Maltais inc., C.L.P. 409159-02-1004, 11 novembre 2010, R. Bernard.

Aux fins de déterminer le revenu brut annuel pour établir le montant de l’IRR, l'article 68 renvoie au deuxième alinéa de l'article 67. Eu égard aux dispositions de l’article 67, la Cour d'appel a établi, dans Héroux c. Groupe Forage Major  ainsi que dans Simon c. Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois qu'une interprétation favorable au travailleur doit être retenue de façon à compenser sa perte de gains futurs, laquelle doit toutefois prendre assise dans la réalité. Le tribunal considère que ces principes sont aussi applicables à l'article 68, lequel poursuit le même objectif, soit d'établir le montant du revenu brut devant servir de base au calcul de l'IRR. Selon le libellé de l'article 68, l’objectif est d'écarter le principe de l'annualisation, lequel ne correspond pas à la réalité d'un travailleur saisonnier.

 

Boulay et Fruits de Mer de l'Est du Québec 1998 ltée, 2015 QCCLP 5125.

L’article 68 a précisément pour but d'écarter l'annualisation du salaire d'un travailleur saisonnier, car le législateur savait d'emblée que cela ne correspondait pas à sa réalité.

 

Roussy et Ministère des Transports, 2016 QCTAT 3356.

L'article 68 a pour but d'écarter l'annualisation du salaire d'un travailleur saisonnier dans le cas où le législateur savait d'emblée que cela ne correspondait pas à sa réalité.

 

Travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région

Différentes sources

La jurisprudence mentionne que le revenu brut d’un travailleur doit être déterminé en le comparant à celui de travailleurs œuvrant dans la même région de travail et non à celui de travailleurs résidant dans la même région. En regard de la jurisprudence, pour établir une preuve de revenu brut de travailleurs de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, différentes sources peuvent être retenues selon les faits du dossier, notamment les statistiques d'Emploi-Québec ou selon un rapport réalisé par une conseillère en orientation et développement de carrière.

Danis et Aménagement Myr inc., C.L.P. 223843-07-0312, 24 février 2006, M. Langlois.

L'article 68 édicte que le revenu brut du travailleur saisonnier est déterminé par comparaison avec, premièrement, « un travailleur de même catégorie », deuxièmement, « occupant un emploi semblable » et troisièmement, « dans la même région ». En l'espèce, la CSST conclut que le revenu brut devant être retenu est celui d'un débroussailleur de la région où le travailleur réside et qui gagne environ 16 900 $, soit 650 $ brut par semaine pendant une période de 26 semaines. Les deux premiers critères sont satisfaits. Cependant, le troisième critère « dans la même région » pose un problème. Dans le contexte de l'application de l'article 68, ce critère fait référence à la région qui permet de comparer des situations de travail afin de déterminer le revenu brut d'un travailleur saisonnier. Ainsi, la situation de travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle doit être comparée à celle de travailleurs œuvrant dans la même région de travail et non à celle de travailleurs résidant dans la même région. Au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, le travailleur exerce ses fonctions dans une autre région que celle de sa résidence. Or, le salaire moyen d'un débroussailleur œuvrant dans la même région que le travailleur, selon les données du site d’Emploi-Québec, est plus élevé que celui exerçant ses fonctions dans la région où habite le travailleur.

 

Suivi : 

Révision accueillie en partie sur un autre point, 6 mars 2007, B. Lemay.

Bruneau et Paysagiste Solarco inc. (marq. lign.), 2011 QCCLP 5874 (décision accueillant la requête en révision).

Dans cette affaire, pour démontrer le revenu brut d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, le travailleur dépose en preuve un rapport réalisé par une conseillère en orientation et développement de carrière sur le revenu d’un emploi semblable dans la même région. De plus, le travailleur a déposé des offres d’emploi du même type que le sien, soit de traceur de lignes.

 

Leduc et 7160453 Canada Inc., 2013 QCCLP 2001.

Le travailleur est un artisan dans le domaine des effets spéciaux pour le cinéma. Le tribunal confirme qu'il effectue un travail sur appel au sens de l'article 68. Concernant la détermination du revenu brut annuel, il tente de démontrer que le revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région est supérieur à la base retenue par la CSST, soit le salaire minimum. Eu égard à cette preuve, le tribunal est d’avis qu’il n'y a pas lieu de retenir, à ce titre, les revenus gagnés par son supérieur immédiat chez l'employeur, puisque les déclarations de revenus de ce dernier portent sur des revenus gagnés en 2011, alors que la lésion professionnelle du travailleur est survenue en 2010. De plus, cette personne déclare simultanément des revenus d'emploi, d'entreprise et de travail hors province. Selon le tribunal, il ne s'agit donc pas de revenus provenant d'un emploi semblable. De même, il n'y a pas lieu de retenir que les revenus gagnés en 2010 par un maquilleur pigiste chez l'employeur sont comparables, ceux-ci provenant d'un emploi et de son entreprise. Quant aux statistiques d'Emploi-Québec pour les travailleurs exerçant au Québec des tâches similaires à celles du travailleur, le tribunal indique qu’il ne s'agit pas d'une preuve démontrant le revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. Par conséquent, le travailleur n'a pu établir que le revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région est supérieur à la base salariale retenue par la CSST ou fournir une preuve d'un revenu plus élevé dans les 12 mois ayant précédé l'incapacité. Le tribunal maintient donc que le travailleur doit être indemnisé sur la base du salaire minimum.

 

Carle et Signa + inc., 2016 QCTAT 6548.

Le travailleur exerce un emploi saisonnier de signaleur routier. Pour démontrer le revenu d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, le travailleur a soumis un rapport réalisé par une conseillère en orientation de carrière qui a notamment consulté cinq entreprises ayant des postes de signaleur routier sur les chantiers de construction.

 

Travailleur chez le même employeur

Étant donné qu’il peut être difficile de faire la démonstration du revenu brut d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, le revenu brut peut aussi être déterminé sur la base du revenu brut d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable chez l’employeur du travailleur en tenant compte notamment de l’expérience, des qualifications professionnelles, de l’ancienneté, de la disponibilité du travailleur, etc.

Lavoie et Société de l'assurance automobile du Québec, [1994] C.A.L.P. 1481.

Le revenu brut du travailleur, un employé occasionnel sur appel, est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. En l'espèce, la preuve établit que la personne dont le nom figure au rang suivant celui du travailleur sur la liste de rappel a effectué les heures de travail qui auraient été assignées à celui-ci s'il n'avait pas subi un accident du travail. Les gains accumulés par cette personne sur une période d'un an constituent le revenu brut.

 

CSSS de Gatineau et Labelle, C.L.P. 276335-07-0511, 12 novembre 2007, M. Langlois.

La travailleuse, une préposée aux bénéficiaires, a été embauchée sur appel; l'article 68 s'applique et il faut déterminer le salaire annuel « d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région ». Or, celle-ci a accepté un horaire de travail équivalant à trois jours par semaine malgré les besoins plus grands de l'employeur. Ainsi, n'eût été son accident du travail, la travailleuse aurait, selon toute probabilité, continué à accepter des horaires hebdomadaires de trois jours. Selon la preuve retenue par le tribunal, au sein de cette même organisation, une travailleuse ayant le même d'emploi, une ancienneté comparable et un horaire de trois jours/semaine aurait perçu un salaire annuel de 18 526 $. Quant à la travailleuse, elle a gagné 15 331 $ brut dans les 12 mois précédant l'accident du travail. Or, ce montant est inférieur à celui établi pour « un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région ». Le revenu brut annuel à partir duquel la CSST doit calculer l’IRR de la travailleuse est donc établi à 18 526 $. Ce revenu représente une projection défendable de la situation de la travailleuse dans l'avenir et reflète sa réalité d'emploi.

 

Lapointe et CSSS de Papineau, C.L.P. 296034-07-0607, 21 décembre 2007, S. Séguin.

La travailleuse est une infirmière auxiliaire sur appel. En vertu de l’article 68, le revenu brut devant servir au calcul de son IRR est celui d'une autre travailleuse occupant le même emploi et qui est la suivante sur la liste de rappel chez l'employeur, car cette base salariale prend appui sur la réalité d’emploi de la travailleuse et sur une projection défendable de sa situation dans l’avenir. L’employeur prétend qu’il faut tenir compte des revenus gagnés au cours des 12 mois précédant l’incapacité de la travailleuse et tenir compte des absences prolongées de la travailleuse, notamment pour des raisons de santé. Le tribunal est d’avis que le deuxième mode de calcul prévu à l’article 68 a pour but de démontrer que la travailleuse a tiré un revenu brut plus élevé et non l'inverse. Au surplus, le tribunal indique que le profil d'absentéisme de la travailleuse est comparable à celui de la travailleuse qui la suit sur la liste de rappel.

 

Directeur général des élections du Québec et Lanoue, C.L.P. 330313-61-0710, 18 juin 2008, Monique Lamarre.

Étant donné que le travailleur est un agent réviseur sur appel, en vertu de l’article 68, son revenu brut se détermine sur la base d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, à moins que le travailleur démontre qu’il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu’il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité. Selon la Loi électorale, les agents réviseurs travaillent obligatoirement en équipe de deux personnes. Dans le présent cas, monsieur Chouinard, faisant équipe avec le travailleur, correspond à ce travailleur de même catégorie puisqu’il occupait le même emploi que le travailleur et dans la même région. Ainsi, n’eût été la survenance de sa lésion professionnelle, le travailleur aurait travaillé le même nombre d’heures que monsieur Chouinard, soit 88,50 heures au taux horaire de 15,58 $ pour un revenu brut de 1378,83 $. Par contre, la preuve démontre de façon prépondérante que dans l’année précédant le début de son incapacité, le travailleur a tiré un revenu brut plus élevé que celui du travailleur de même catégorie.

 

Nadeau et Rénovation Pro-Expert inc., 2012 QCCLP 4425.

Le travailleur est manœuvre en toitures dans le secteur résidentiel et non de la construction. Le recouvrement de toitures est un travail effectué habituellement de la fin mars au début décembre, interrompu durant l'hiver. Il s’agit donc d’un emploi saisonnier. L’article 68 s’applique pour établir le revenu brut annuel du travailleur aux fins de déterminer l’IRR. La preuve n’est pas très élaborée en ce qui concerne le revenu pouvant être tiré d’un emploi de manœuvre en toitures dans la région de Québec. Comme il s’agit d’une industrie qui n’est pas régie par un décret, le salaire fait l’objet d’une négociation individuelle entre les travailleurs et leur employeur. Étant donné que l'employeur exerce ses activités depuis longtemps (1972) dans ce secteur et que, pour demeurer compétitif, il doit nécessairement offrir des salaires comparables à ceux offerts par ses compétiteurs, le tribunal indique qu’il est raisonnable de présumer, en l'absence de preuve contraire, que le salaire payé au travailleur est représentatif de celui versé aux autres personnes occupant un emploi semblable dans la région de Québec. À cet égard, selon la preuve, le salaire hebdomadaire du travailleur est de 600 $. Le tribunal reporte ce salaire sur une base saisonnière de neuf mois et conclut que le revenu d'un travailleur saisonnier occupant un emploi semblable dans la région est d'environ 21 600 $. Toutefois, ce revenu est inférieur à celui que le travailleur a effectivement tiré de tous les emplois qu'il a occupés dans les 12 mois précédant sa lésion. Par conséquent, le tribunal retient ce dernier mode de calcul.

 

Dubé et C.S.S.S. de la Vieille-Capitale, 2015 QCCLP 4912.

Le travailleur a été embauché comme préposé à l’entretien ménager et a le statut de « travailleur sur appel ». Le montant de son IRR a été calculé en se basant sur le revenu annuel brut qu’il a retiré au cours des 12 derniers mois, soit 22 727 $. Le travailleur demande de retenir un revenu brut annuel plus élevé en considérant celui gagné par deux autres travailleurs de même catégorie, occupant un même poste que lui et ayant la même ancienneté. Ceux-ci ont gagné respectivement 25 307 $ et 28 096 $ depuis leur embauche. Par ailleurs, le travailleur effectue en moyenne 22,5 heures par semaine au taux horaire de 17,67 $, ce qui correspond à un revenu annuel brut de 20 749,56 $. Bien qu’il s’agisse de travailleurs de même catégorie, occupant un emploi semblable chez l’employeur ou encore dans la même région et ayant la même ancienneté, il y a lieu de tenir compte également de l’expérience de travail, des qualifications professionnelles et des disponibilités de chacun. Aux fins du calcul de l’IRR, le tribunal maintient le revenu annuel brut de 22 727 $, car ce montant apparaît être une projection davantage conforme à la réalité du travailleur.

 

Pinard et Arrondissement Ahuntsic/Cartierville, 2016 QCTAT 3288.

De 2008 à 2011, le travailleur refusait d'effectuer la collecte des matières recyclables, n'y étant pas obligé. C'est à tort qu'il allègue que depuis la lettre d'entente intervenue entre son syndicat et l'employeur, il ne peut plus refuser de faire cette collecte et que son contrat de travail est, par conséquent, de 36 heures par semaine. En effet, le Tribunal constate que le fait de devoir maintenir son nom sur la liste de disponibilité de la collecte de matières recyclables et d'être exposé à des mesures disciplinaires en cas de refus non justifié ne change pas le statut du travailleur, qui demeure un employé auxiliaire sur appel qui travaille selon les besoins opérationnels de l'employeur et à qui aucune garantie d'heures de travail n'est faite. Son statut d’auxiliaire sur appel et l'obligation de maintenir son nom sur une liste de disponibilité ne garantissent pas au travailleur d’être appelé ni de travailler à temps plein, soit 36 heures par semaine. D’ailleurs la preuve démontre que le travailleur n'effectue pas ce nombre d'heures par semaine. S’il est vrai que selon la jurisprudence, l'IRR vise à compenser l'incapacité à exercer l'emploi et une perte de gains futurs, il n’en demeure pas moins que le concept de revenu annuel brut servant de base au calcul de l'IRR doit trouver une corrélation dans la réalité. Par ailleurs, le travailleur demande que son revenu brut soit établi en tenant compte de celui d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. En fait, le travailleur prétend que n'eût été son accident du travail, son revenu serait similaire à celui d'un collègue dont la situation est comparable à la sienne. Le Tribunal constate que deux auxiliaires ayant les mêmes compétences et exerçant les mêmes fonctions de base peuvent aussi postuler pour d’autres fonctions. En l'espèce, les choix du travailleur et de son collègue diffèrent. Ce dernier postule à un nombre plus élevé de fonctions, il se rend plus disponible et il effectue plus d'heures supplémentaires, ce qui explique des revenus plus élevés que ceux du travailleur. Ces variables rendent difficile la comparaison. Le Tribunal est d’avis qu’il n'y a pas suffisamment de similitudes entre la réalité factuelle du travailleur et celle de son collègue pour que la comparaison soit valable. 

 

Ajout de l’assurance-emploi au revenu brut d’un travailleur de même catégorie

Lorsque la première méthode de calcul est retenue et que la jurisprudence est désormais bien établie, il y a lieu d’ajouter les prestations d’assurance-emploi reçues par un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région.

Vallée et Aménagement B.J.S. inc., [2006] C.L.P. 620.

L’approche de la CSST voulant qu’elle ignore le revenu annuel provenant de l'assurance-emploi pour établir le revenu de référence d’un autre travailleur saisonnier exerçant le même emploi dans la même région ne peut pas être retenue, puisque cela revient à nier la réalité de ces travailleurs dont le revenu brut annuel n'est constitué qu'en partie d'un revenu d'emploi. Le tribunal estime donc qu’il est déraisonnable de se limiter au seul revenu d’emploi pour établir le revenu brut d’un travailleur saisonnier et, par le fait même, le montant de son IRR, car cela ne correspond pas du tout à la réalité de ces travailleurs. Aux fins de l'application de l'article 68, le tribunal retient en l’espèce, comme revenu brut d'un travailleur saisonnier exerçant l'emploi d'ouvrier sylvicole en Gaspésie, la somme de 25 640 $, soit le salaire et les prestations d’assurance-emploi.

 

Raymond et Gazon Manderley Corp, C.L.P. 298308-62-0609, 3 novembre 2008, É. Ouellet.

L'article 68 vise le cas des travailleurs saisonniers. Il a été établi que la saison des camionneurs débutait habituellement vers le 1er mai de chaque année pour se terminer vers la fin de novembre, soit une saison d'une durée de 29 semaines. Afin d'établir le revenu d'un travailleur de même catégorie, au sens de l'article 68, une attention particulière a été portée aux camionneurs de nuit travaillant chez l'employeur, car le travailleur avait été engagé comme camionneur de nuit et ceux-ci ne sont pas rémunérés de la même façon que les camionneurs de jour. Seuls deux autres travailleurs ont été dans une situation comparable à celle du travailleur et l'un d'eux a travaillé 10 semaines avant de démissionner, alors que l'autre a travaillé pendant les 29 semaines qu'a duré la saison. Ce dernier a touché une rémunération hebdomadaire moyenne de 774 $. Aussi, dans ses offres d'emploi, l'employeur indiquait que ses chauffeurs à temps plein gagnaient entre 600 $ et 1000 $ par semaine. Il convient de retenir le montant de 800 $ suggéré par le travailleur à titre de projection, auquel il faut ajouter les prestations d'assurance-emploi. Le montant de l'IRR du travailleur doit par conséquent être établi en tenant compte du revenu qu'un travailleur comparable a gagné et des prestations d'assurance-emploi, sur la base du revenu annuel de 32 880 $.

 

Joncas et Entr. Gaston Morin (1979) ltée, 2011 QCCLP 446.

Le Tribunal réfère à Cyr et Francofor inc. et mentionne que les prestations d’assurance-emploi doivent être incluses dans la base salariale d’un travailleur saisonnier, puisqu’il est de l’essence même du travail saisonnier de donner droit à des prestations d’assurance-emploi pendant la saison morte. De plus, le tribunal réitère qu’il est logique d’inclure le montant des prestations d’assurance-emploi que reçoit chaque année un travailleur saisonnier, car il s’agit là du vécu normal et des conditions de travail normales auxquelles il fait face. Pareille inclusion a pour effet d’entraîner une réparation juste des lésions professionnelles en tenant compte de la réalité.

 

Boulay et Fruits de Mer de l'Est du Québec 1998 ltée, 2015 QCCLP 5125.

Le tribunal estime que les prestations d’assurance-emploi doivent être incluses lors du calcul du revenu brut total d’un travailleur saisonnier, puisqu’il est de l’essence même du travail saisonnier d’ajouter au revenu d’emploi les prestations d’assurance-emploi. Le tribunal fait siens les enseignements contenus dans l’affaire Cyr et Francofor inc.

 

Roussy et Ministère des Transports, 2016 QCTAT 3356.

Le Tribunal constate que deux modes de calcul du revenu brut sont prévus à l’article 68 et c'est celui menant au revenu le plus élevé qui doit être retenu : 1) retenir le revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région; ou 2) retenir le revenu brut de tout emploi que le travailleur a exercé pendant les 12 mois ayant précédé le début de son incapacité, auquel doivent s'ajouter, le cas échéant, les revenus énumérés au deuxième alinéa de l'article 67. Le premier mode de calcul fait référence au revenu brut, sans autre précision. Quant au second mode de calcul, il est question du revenu brut d'emploi auquel il est précisé que peuvent être ajoutées d'autres sources de revenus, dont des prestations d'assurance-emploi. Or, par essence, le revenu brut de tout travailleur saisonnier est constitué d'un revenu d'emploi et de prestations d'assurance-emploi, ce qui signifie, selon le Tribunal, qu'il faut nécessairement prendre en considération ces deux sources de revenus, tant pour le premier mode de calcul prévu à l'article 68 que pour le second mode.

 

Voir également :

Carle et Signa + inc., 2016 QCTAT 6548.

Revenu brut plus élevé de tout emploi que le travailleur a exercé

Le travailleur saisonnier et le travailleur sur appel peuvent démontrer qu’ils ont tiré pendant les 12 mois précédant le début de leur incapacité, un revenu brut plus élevé de tout emploi que le revenu d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. Il en est de même lorsque la preuve est insuffisante pour démontrer le revenu brut d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. 

À ce revenu peuvent également s'ajouter les autres sources de revenus et avantages prévus à l'article 64.

Berthiaume et Valport Maritime Service inc., C.L.P. 349391-62C-0805, 16 décembre 2008, C. Burdett.

Le Tribunal estime que le travailleur qui exerce le métier de débardeur effectue un travail saisonnier au sens de l’article 68. Il y a donc lieu de s'en remettre au salaire réellement gagné au cours des 12 derniers mois, lequel a été réajusté selon le revenu brut annuel minimum, et ce, conformément à l’article 65, puisque le travailleur n’a soumis aucune preuve permettant d’établir qu’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable au sien dans la même région, gagne un revenu supérieur à celui retenu par la CSST. Le tribunal mentionne que le travailleur savait qu’il avait le fardeau de soumettre une telle preuve depuis la décision de la CSST rendue à la suite d’une révision administrative, car le réviseur prend soin d’exposer tous les éléments requis par la loi dans la détermination du revenu d’un travailleur saisonnier.

 

Thibodeau et Thibodeau, C.L.P. 337992-62A-0801, 23 janvier 2009, M. Auclair.

En l'espèce, le Tribunal note que le travailleur n'a offert aucune preuve de revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. Par ailleurs, en ce qui concerne les revenus d'emploi du travailleur au cours des 12 mois précédant le début de son incapacité, conformément à l'article 65, le tribunal retient le salaire minimum en vigueur au moment de la survenance de la lésion professionnelle comme revenu brut annuel aux fins de déterminer l'IRR du travailleur.

 

Bernier et Verreault Navigation inc., C.L.P. 365664-01A-0812, 6 juillet 2009, M. Auclair.

Le travailleur est soudeur et assembleur chez l’employeur. En raison de la nature des opérations de ce dernier, il est mis à pied quelques fois par année pour des périodes indéterminées. Lorsque l'employeur rappelle un employé, celui-ci doit se présenter dans les heures qui suivent, sinon il s’expose à un avis disciplinaire. Ce mode de fonctionnement fait en sorte que si le travailleur occupe un autre emploi au moment du rappel, il doit quitter cet emploi et retourner immédiatement à son travail régulier. À la suite d’un accident du travail, la CSST procède au calcul de l’IRR en se basant sur les revenus bruts gagnés au cours des 12 derniers mois, considérant qu’il s’agit d’un emploi sur appel. Le travailleur allègue notamment que son revenu brut doit être déterminé selon la règle générale libellée à l'article 67 LATMP d’une part parce qu’il est un employé régulier au sens de la convention collective et d’autre part, parce qu'il se doit de retourner au travail dès qu'il est rappelé s'il veut conserver son lien d'emploi. Le travailleur établit son revenu brut annuel à 40 425 $ plutôt que 21 227 $, et ce, après avoir procédé à l’annualisation. Le tribunal est d’avis que les modalités particulières de l’emploi occupé par le travailleur correspondent à celles d’un travailleur sur appel. Or, l’article 68 prévoit spécifiquement comment établir le revenu brut d'un travailleur sur appel. Cette disposition est une exception à la règle générale de l’article 67. Par contre, en l’espèce, la CSST n'ayant pas pu établir le revenu brut du travailleur en se basant sur le revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, elle était donc justifiée de tenir compte de tous les revenus que le travailleur a touchés pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité. Toutefois, le tribunal est d’avis qu’il faut faire droit à la prétention du travailleur en ajoutant au revenu de 21 227 $ établi par la CSST le salaire brut de 1222 $ perdu par le travailleur en raison d'une autre lésion professionnelle également survenue au cours de ces 12 mois.

 

Compagnie A et J... G..., 2014 QCCLP 557.

Le travailleur exerce un travail saisonnier au Nunavut, puisque la nature de son travail consiste à installer dans l'eau des barrières de turbidité, ce qui ne peut s'effectuer que pendant la période de dégel. Ainsi, il travaille de 22 à 24 semaines par année et reçoit des prestations d'assurance-emploi pendant 28 ou 30 semaines. Le travailleur a subi un accident du travail au mois d’octobre 2010. Pour déterminer le montant de l’IRR auquel il a droit, l'article 68 prévoit deux modes de calcul pour établir le revenu brut d'un travailleur saisonnier. En l’espèce, puisque la preuve du revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région est insuffisante, voire inexistante, il faut se rapporter au second mode de calcul, soit tenir compte du salaire véritablement gagné et des prestations d’assurance emploi reçues par le travailleur dans les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

Les prestations d’assurance-emploi

La jurisprudence confirme que le travailleur saisonnier ou sur appel qui entend établir un revenu brut plus élevé peut le faire en incluant notamment les prestations d'assurance-emploi qu'il a reçues, et ce, en application du second alinéa de l’article 68.

Petelle et Logistec Arrimage inc., [1993] C.A.L.P. 1096.

Pour établir un revenu brut plus élevé aux fins de l'article 68, il faut inclure la somme de tous les revenus, tirés de tous les emplois exercés, ainsi que les prestations d'assurance-chômage reçues.

 

Bélanger et Normick Perron inc. (Div. La Sarre), C.L.P. 391176-08-0910, 10 mars 2010, F. Aubé.

Le travailleur œuvre comme travailleur forestier environ neuf mois par année. Il occupe un emploi saisonnier au sens de l’article 68. Lorsqu'il ne travaille pas, il retire des prestations d'assurance-emploi. Pour la période de référence de 12 mois précédant son incapacité, la CSST a retenu un revenu brut de 32 994 $. Le travailleur allègue que cette période de 12 mois n'est pas représentative des revenus qu'il retire normalement. En effet, l'hiver précédant la lésion professionnelle, il a dû s'absenter du pays pour des raisons familiales, ce qui est inhabituel, voire exceptionnel, dans son cas. En raison de cette absence, il n'a pas pu percevoir de prestations d'assurance-emploi durant une période de 11 semaines, et ce, en tenant compte du délai de carence de deux semaines, ce qui représente des revenus de 4543 $. Selon la preuve, le Tribunal est d’avis que le revenu brut total qui doit être retenu aux fins du calcul des IRR est plutôt de 40 239 $. Cette somme est obtenue selon le calcul suivant : 35 696 $ (et non 32 994 $) plus 4543 $ = 40 239 $. Le tribunal mentionne que les revenus qui doivent être retenus par la CSST aux fins du calcul doivent refléter ceux que le travailleur gagne normalement. En l’espèce, il faut donc tenir compte de la raison particulière expliquant le fait que le travailleur n’a pas eu les mêmes revenus au cours des derniers mois que ceux des dernières années.

 

Prestations versées par la Régie des rentes du Québec

Selon une décision, aux fins d’établir le revenu brut annuel, les sommes versées par la Régie des rentes du Québec ne doivent pas être ajoutées.

Charest et CDC Export, 2012 QCCLP 804.

Aux fins d’établir le revenu brut que la travailleuse sur appel a tiré de tout emploi qu’elle a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité, le tribunal tient compte des prestations perçues en vertu de laLoi sur l’assurance parentale et de la Loi sur l’assurance-emploi. Toutefois, il ne peut pas tenir compte des sommes versées par la Régie des rentes du Québec, puisque ce ne sont pas des revenus visés par la loi.

 

Prestations pour lésion professionnelle antérieure

Selon la jurisprudence, aux fins d’établir le revenu brut annuel, les indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur en raison d'une autre lésion professionnelle ne sont pas prises en compte, car ces indemnités ne sont pas mentionnées à l’article 67 et il ne s’agit pas d’un revenu tiré en contrepartie d’une prestation de travail.

Durand et Les Forestiers St-Michel inc., C.L.P. 158139-63-0104, 4 janvier 2002, R.-M. Pelletier.

Dans les 12 mois précédant la survenance de la lésion professionnelle actuelle, le travailleur a reçu des revenus d’emploi, des prestations d’assurance-emploi et des IRR, et ce, en raison d’une lésion professionnelle antérieure. Lors de la détermination du revenu annuel brut du travailleur, les prestations d’assurance-emploi peuvent être ajoutées au revenu d’emploi, mais non les IRR. En effet, ces dernières sont exclues du calcul parce que d’une part, elles ne sont pas mentionnées à l’article 67 comme faisant partie des revenus qui peuvent être ajoutés à un revenu d’emploi pour démontrer un revenu plus élevé et d’autre part, les IRR ne constituent pas des revenus d’emploi.

 

Gilles Morin et Coop forestière autochtone Outaouais, C.L.P. 164718-07-0106, 22 janvier 2002, Marie Langlois.

Le Tribunal rappelle qu’il ne faut pas inclure dans le calcul du revenu annuel brut l'IRR qu'un travailleur a reçue pour une lésion professionnelle antérieure. Une telle indemnité ne peut être assimilée à un revenu d'emploi.

 

Després et Services Sani Pro, C.L.P. 230988-63-0402, 21 janvier 2005, F. Mercure.

Pour établir le revenu brut annuel d’emploi aux fins de déterminer l’IRR payable au travailleur, le deuxième mode de calcul prévu à l’article 68 est de retenir le revenu brut de tout emploi exercé par le travailleur pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité. En l’espèce, pendant cette période de référence, le travailleur a reçu du salaire, des prestations d’assurance-emploi et également une IRR en raison d’une autre lésion professionnelle. Le tribunal mentionne que pour établir le revenu brut annuel, il y a lieu d'ajouter au salaire reçu par le travailleur chez l'employeur, les prestations en assurance-emploi, mais il ne peut pas y ajouter l’IRR qu’il a reçue.

 

Boucher et Pomerleau Les Bateaux inc., 2011 QCCLP 7357.

Le travailleur subit un accident du travail le 15 septembre 2010 alors qu’il exerce sur une base saisonnière un emploi de préposé à la finition esthétique dans une entreprise de vente et de réparation de bateaux. Aux fins du calcul du revenu brut annuel, le tribunal est d’avis qu’il ne peut pas inclure dans ce calcul l’IRR reçue par le travailleur pour une autre lésion professionnelle survenue antérieurement chez un autre employeur, car une telle indemnité ne peut pas être assimilée à un revenu d’emploi.

 

Levac et Girafe Santé inc., 2013 QCCLP 2003.

La travailleuse sur appel subit un accident du travail le 23 janvier 2012. Aux fins d’établir un revenu brut plus élevé pour le calcul de l’IRR, elle demande de tenir compte des prestations qui lui ont été versées par la CSST pour une lésion professionnelle antérieure survenue en janvier 2011, soit pendant la période de référence de 12 mois mentionnée à l’article 68. Le tribunal rejette cette demande de la travailleuse et conclut que ces prestations de la CSST ne peuvent pas être ajoutées au revenu gagné. En effet, selon les dispositions de l'article 68, le revenu tiré au cours des 12 mois précédant l’incapacité doit provenir d'un emploi et non de prestations ou d'indemnités. De plus, même si l'article 68 stipule que le second alinéa de l'article 67 s'applique aux fins d'établir un revenu brut plus élevé, le tribunal constate que les prestations ou indemnités versées par la CSST ne sont pas mentionnées et qu’en plus, les sommes mentionnées à cette disposition sont de la nature d'un revenu tiré en contrepartie d'une prestation de travail.

 

Ducasse et Carrières Ducharme inc., 2013 QCCLP 6859.

Le travailleur occupe un emploi saisonnier de pileur de pierre. La nature même de son travail fait en sorte qu'il ne peut travailler l'hiver, soit de décembre à mars ou avril. Durant cette période, il reçoit normalement des prestations d’assurance-emploi. Le travailleur a subi un accident du travail le 15 juillet 2011 et est retourné au travail le 7 mai 2012. Pendant ce temps, il a reçu des IRR. Puis, entre le 7 mai 2012 et le 15 novembre 2012, il a travaillé sauf les cinq semaines où il a reçu des prestations d’assurance parentale. Le 15 novembre 2012, il est victime d’un autre accident du travail. Aux fins de déterminer son revenu brut annuel sur lequel doivent être établies ses IRR, les dispositions de l’article 68 s’appliquent. Pour démontrer qu’il a tiré un revenu brut plus élevé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité, le travailleur ne peut pas ajouter à son revenu d’emploi les IRR qu’il a reçues, tout comme il ne peut pas convertir les sommes reçues à titre d’IRR en salaire brut annuel pour ajouter ce montant au revenu d’emploi et aux prestations d’assurance parentale. En effet, cette méthode de calcul s'écarte de la réalité de gains du travailleur, puisque durant les mois d'hiver, ce dernier n'aurait pas travaillé, mais aurait reçu des prestations d'assurance-emploi. Par contre, n'eût été sa lésion de 2011, le travailleur aurait reçu des prestations d'assurance-emploi au cours de ces 12 mois précédant son incapacité. Il faut donc prendre en considération ces sommes qu'il aurait effectivement reçues en assurance-emploi, car bien qu’il ne faille pas accorder au travailleur un revenu supérieur à sa réalité de gain, il ne faut pas pour autant le pénaliser.

 

Voir également :

Commission de la santé et de la sécurité du travail et Mallette Québec inc., C.A.L.P. 40348-01-9206, 4 août 1995, J.-G. Roy.

Gauthier et Caron, Bélanger & ass. syndic, C.A.L.P. 38201-64-9203, 19 février 1996, M. Duranceau.

Leblanc et Les entreprises forestières MBR inc., C.L.P. 130970-01A-0002, 9 mars 2001, H. Thériault.

Kyourk et Carrosserie FB inc., 2014 QCCLP 3068.

Salaire qu'aurait gagné le travailleur pendant la période où il a reçu de l'IRR

Selon certains décideurs, lorsque vient le moment d’établir le montant du revenu brut annuel, il y a lieu de tenir compte du revenu que le travailleur aurait gagné pendant la période où il a reçu des indemnités de remplacement du revenu, puisque le fait d’ignorer la perte de revenus pendant cette période pénalise le travailleur.

Bergeron et 30904221 Québec inc., C.L.P. 119024-31-9906, 14 juin 2000, M. Beaudoin.

Le revenu annuel brut du travailleur doit être déterminé en vertu de l'article 68 puisqu'il travaille comme éboueur sur appel, du mois d’avril au mois de novembre. Le tribunal mentionne qu’il faut donc retenir le même revenu que celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, à moins qu'il ne démontre avoir gagné un montant plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité, soit en août 1996. Or, la preuve a démontré qu'au cours de ces 12 mois, il avait reçu une IRR en relation avec une autre lésion professionnelle. Le tribunal est d’avis qu’il doit en tenir compte. Étant donné que le travailleur a été éboueur pendant deux ans et demi avant la survenance de sa lésion d'août 1996, soit en 1994 et en 1995, et qu'il occupait un emploi semblable à celui qu'il exerçait au moment de la lésion en août 1996, son revenu brut, au cours des 12 mois précédant le début de son incapacité, doit être celui qui figure aux rapports d’impôt de 1994 et 1995, à savoir 20 000 $. Il s'agit là de la base salariale sur laquelle doit être établie son IRR.

 

Lafond et Carrières Québec  Inc., C.L.P. 218126-32-0310, 23 juin 2004, C. Lessard.

L'établissement du revenu brut annuel d'un travailleur saisonnier doit totaliser non seulement les prestations d'assurance-emploi reçues, mais également les prestations d'assurance-salaire. Lorsqu'on transpose ce raisonnement au cas du travailleur, on doit conclure que la CSST était injustifiée d'ignorer la période pendant laquelle le travailleur était en arrêt de travail en raison d'un accident du travail. Le fait d'ignorer la perte de revenu pendant cette même période pénalise le travailleur lorsque vient le moment d'établir le montant du revenu brut annuel. Le calcul effectué par la CSST est donc manifestement inéquitable. L'article 68 prévoit que le revenu brut d'un travailleur saisonnier est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région. La preuve au dossier démontre cependant qu'un tel exercice n'a pu être effectué. La CSST a plutôt procédé sur la base des revenus des 12 mois précédant la lésion professionnelle. Le revenu brut annuel du travailleur doit s'établir conformément à l'article 67, en considérant le montant auquel il aurait eu droit en vertu de son contrat de travail au cours des 12 derniers mois s'il avait travaillé et en y ajoutant les montants visés au deuxième alinéa de l'article 67. N'eût été l'accident du travail, le travailleur aurait normalement complété six autres semaines de travail en plus de celles déclarées au rapport d'impôt 2002. Par conséquent, le travailleur a droit à l'ajustement du revenu brut qui a été retenu pour calculer l'IRR.

 

Thibault et Municipalité de Saint-Ulric, C.L.P. 322801-01A-0707, 1er avril 2008, N. Michaud.

Le revenu d'un travailleur saisonnier doit être celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, à moins qu'il ne démontre avoir gagné un montant plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité. Pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité, le travailleur a été victime d'une autre lésion professionnelle donnant droit à une IRR dont le montant n'a pas été considéré dans l'établissement de son revenu brut. La CSST aurait dû prendre en considération le salaire qu'il aurait gagné pendant la période où il a reçu de l'IRR. Cette méthode de calcul aurait mieux reflété la réalité du travailleur.

 

Bernier et Verreault Navigation inc., C.L.P. 365664-01A-0812, 6 juillet 2009, M. Auclair.

Le travailleur sur appel a subi une lésion professionnelle le 15 juillet 2008. Le tribunal doit établir le revenu annuel brut devant servir aux fins du calcul de l’IRR. Pour ce faire, le tribunal doit déterminer si le salaire brut perdu par le travailleur en raison d'une autre lésion professionnelle, soit celle survenue le 15 janvier 2008, doit être considéré pour établir le revenu brut total gagné au cours de la période des 12 mois précédant l’incapacité du travail causée, cette fois, par la lésion subie le 15 juillet 2008. Le tribunal est d’avis qu’il faut faire droit à la prétention du travailleur en incluant le salaire brut de 1222 $ perdu par le travailleur en raison de la lésion professionnelle survenue le 15 janvier. Par conséquent, le revenu brut total est de 22 449 $, soit celui de 21 227 $ établi par la CSST auquel s'ajoute 1222 $.

 

Roussy et Ministère des Transports, 2016 QCTAT 3356.

Pour déterminer le revenu brut annuel assurable qui doit servir au calcul de l’IRR, l’un des modes de calcul est de retenir les revenus gagnés par le travailleur pendant les 12 mois précédant son incapacité à la suite de la lésion professionnelle en cause, soit en l’espèce celle survenue le 15 avril 2015. Or, pendant cette période de référence, le travailleur a reçu des IRR en raison d’une précédente lésion professionnelle subie le 6 janvier 2014. La CSST a procédé selon ce mode de calcul en omettant de pallier le fait que le travailleur n’a reçu qu’une IRR du 6 janvier au 20 novembre 2014. Cela signifie que la CSST a retenu le salaire minimum comme base de calcul de l’IRR pour la lésion professionnelle d’avril 2015 alors que le travailleur a un revenu moyen annuel brut de plus de 39 000$ depuis des années, excluant évidemment l’année 2014, et qu’il n’y avait aucunement lieu de croire qu’il en irait autrement au cours de l’année, voire des années à venir. Le Tribunal conclut donc que la CSST a commis une erreur, laquelle a pour conséquence de pénaliser très sévèrement le travailleur. Enfin, en l'espèce, n'eût été une précédente lésion professionnelle, durant la période de référence, le travailleur saisonnier aurait eu un revenu brut de 36 560 $, soit un revenu d'emploi et des prestations d'assurance-emploi, tout comme les autres travailleurs exerçant un emploi semblable de conducteur de chasse-neige chez le même employeur. À ce revenu s'ajoutent 1465 $ correspondant au revenu moyen de son emploi chez un autre employeur qu'il aurait été en mesure d'exercer, n'eût été la précédente lésion professionnelle.

 

Par contre, la jurisprudence est claire : il n’y a pas lieu de tenir compte de revenus d’emploi hypothétiques.

Berthiaume et Valport Maritime Service inc., C.L.P. 349391-62C-0805, 16 décembre 2008, C. Burdett.

Le travailleur allègue qu’il aurait travaillé tout l’hiver, soit pour l’employeur ou ailleurs, sur le marché du travail n’eût été ses lésions professionnelles des 6 juillet et 1er décembre 2007. Or, le tribunal mentionne que selon la preuve, le travailleur n'a jamais effectué une année complète de travail pour l’employeur et rien ne permet de présumer que la situation aurait été différente en 2008. De plus, le tribunal est d’avis que l’article 68 est clair. Le tribunal doit limiter son analyse aux 12 mois précédant l’incapacité et non pas aux 12 mois suivant l’incapacité.

 

Boucher et Pomerleau Les Bateaux inc., 2011 QCCLP 7357.

Aux fins du calcul du revenu brut annuel, le tribunal ne peut pas tenir compte d'un revenu hypothétique d'un éventuel emploi ou des prestations d'assurance-emploi que le travailleur aurait peut-être reçues si la lésion professionnelle actuelle n'était pas survenue. L'article 68 ne permet pas de tenir compte d'un revenu éventuel dont le travailleur serait de façon hypothétique privé. Le tribunal ne peut tenir compte que d’un revenu d’emploi perçu par le travailleur dans les 12 mois précédant le début de son incapacité.

 

Frais de subsistance (repas et hébergement) et « autres frais »

La jurisprudence considère qu’aux fins d’établir le revenu brut annuel, les frais de subsistance ne doivent pas être ajoutés.

Gauthier et Caron, Bélanger & ass. syndic, C.A.L.P. 38201-64-9203, 19 février 1996, M. Duranceau.

En l'absence d'emploi semblable dans la même région (spécialiste de l'érection de serres), il faut se référer aux conditions de travail établies chez l'employeur. Le travailleur, un bûcheron qui occupe un travail saisonnier, ne peut ajouter à son revenu une indemnité représentant 4 % de son revenu brut pour l'usage de sa scie.

 

Directeur général des élections du Québec et Lanoue, C.L.P. 330313-61-0710, 18 juin 2008, Monique Lamarre.

L’article 68 prévoit que le deuxième alinéa de l'article 67 s'applique aux fins d'établir que dans l'année précédant le début de son incapacité, le travailleur a tiré un revenu plus élevé que celui du travailleur de même catégorie. Dans cette affaire, le tribunal retourne donc le dossier à la CSST afin qu'elle effectue ce calcul. Pour ce faire, outre les revenus d'emploi que le travailleur a réellement gagnés et les prestations d’assurance-emploi, le tribunal ajoute que la CSST devra tenir compte de la valeur en espèces de l'utilisation d'une automobile ou tout autre revenu décrit au deuxième alinéa de l'article 67.

 

Bouchard et Entreprises Jacques Maltais inc., C.L.P. 409159-02-1004, 11 novembre 2010, R. Bernard.

Durant la période où il exerce son travail saisonnier, le travailleur réside au camp forestier pendant la semaine. Son employeur défraie directement le coût de l’hébergement et de la nourriture. Le travailleur n’encourt aucune de ces dépenses et l’employeur ne lui accorde, en conséquence, aucun remboursement. Il en coûte à l’employeur environ 200 $ par semaine pour chaque employé. Le tribunal est d’avis que ces frais de subsistance, soit un montant de 6 800 $ (34 semaines x 200 $) défrayé par l'employeur, ne peuvent pas être inclus dans le calcul du revenu brut annuel servant à établir l’IRR. D’une part, ces dépenses n’étant pas assumées par le travailleur, en les excluant du calcul du revenu brut, ce dernier n’est pas privé d’une portion du salaire qu’il aurait réellement gagné, et d’autre part, ces frais de subsistance ne peuvent pas être assimilés à un boni ou une prime, tel que libellé dans le deuxième alinéa de l’article 67, puisqu'il ne s'agit pas d'une somme obtenue en contrepartie d'une prestation de travail.

 

Joncas et Entr. Gaston Morin (1979) ltée, 2011 QCCLP 446.

Le travailleur exerce un travail saisonnier, soit le déneigement d'une route. Les revenus bruts annuels doivent donc être établis selon l’article 68 de la loi. En l’espèce, le travailleur bénéficie des repas fournis par l’employeur dans le cadre de son travail. Toutefois, selon les conclusions du tribunal, cet avantage ne change rien au calcul de ce revenu, car il n’est pas prévu au deuxième alinéa de l’article 67 et au surplus, la preuve ne permet pas de fixer la valeur monétaire de cet avantage.

 

Revenu brut ne peut pas être inférieur au salaire minimum

Bien que certaines décisions rapportent encore l'existence de deux courants, la jurisprudence est maintenant unanime. Qu'il s'agisse d'un travailleur sur appel, d'un travailleur saisonnier ou d'un travailleur à temps partiel, le revenu brut annuel de ces travailleurs à partir duquel est calculée l'IRR ne doit pas être inférieur au salaire minimum annuel calculé selon la Loi sur les normes du travail.

Voir article 65.

Autres modes de calcul du revenu brut

Selon la jurisprudence, pour certains travailleurs saisonniers ou sur appel, il n’y a pas lieu de retenir le revenu brut d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région ni le salaire gagné au cours des 12 mois précédant le début de l’incapacité du travailleur, mais plutôt un autre mode de calcul se collant davantage à la réalité du travailleur. 

Bouchard et Entreprises Jacques Maltais inc., C.L.P. 409159-02-1004, 11 novembre 2010, R. Bernard.

Le travailleur exerce un travail saisonnier. L'article 68 prévoit deux modes de calcul du revenu brut pour ce type de travailleur, le plus élevé devant être retenu : le revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région ou le revenu brut de tout emploi exercé par le travailleur pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité. Aux fins d'établir ce calcul, l'article 68 renvoie au second alinéa de l'article 67. En ce qui concerne l’article 67, la Cour d'appel a établi, dans Héroux c. Groupe Forage major  ainsi que dans Simon c. Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois qu'une interprétation favorable au travailleur doit être retenue de façon à compenser sa perte de gains futurs, laquelle doit toutefois prendre assise dans la réalité. Le tribunal considère que ces principes sont aussi applicables à l'article 68, lequel poursuit le même objectif, soit d'établir le montant du revenu brut devant servir de base au calcul de l'IRR. Par ailleurs, l'article 68 a pour objectif d'écarter le principe de l'annualisation, lequel est étranger à la réalité d'un travailleur saisonnier. Dans cette affaire, aucune preuve n’a été déposée concernant le revenu brut d’un travailleur de même catégorie, occupant un emploi semblable dans la même région. Le travailleur a plutôt établi que n'eût été sa lésion professionnelle, il aurait touché un revenu de travail de 42 347 $, incluant les primes de nuit et de vacances. À ce revenu doivent s'ajouter les prestations d'assurance-emploi qu'il aurait reçues, conformément au deuxième alinéa de l'article 67. 

 

Dona et Hôpital Douglas, 2011 QCCLP 5789.

La travailleuse est une préposée aux bénéficiaires sur appel. En présence d'un emploi sur appel, le tribunal indique que dans la détermination de ce qu'est un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, il est important de tenir compte du genre de travail et de la disponibilité du travailleur en fonction des exigences du marché. Alors que l’employeur a un grand nombre d’employés sur appel à son service occupant le même genre de travail, la preuve n'a pas été faite du revenu d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable chez l'employeur. Le tribunal indique qu’il y a donc lieu de considérer être face à une catégorie d'employés comportant une seule personne. Eu égard au deuxième mode de calcul prévu à l’article 68, la preuve démontre que pendant les 12 mois précédant son accident du travail, il y a eu une période où la travailleuse n’acceptait pas toutes les offres faites par l’employeur, parce qu’elle occupait plus d’un emploi sur appel. Toutefois, au cours de ces 12 mois, la travailleuse a cessé de travailler sur appel chez un autre employeur et à la date de son accident, elle s'était rendue disponible à temps plein chez l'employeur, son intention étant d'accepter toutes ses sollicitations afin de travailler à temps plein chez ce dernier. Or, lorsque la travailleuse est retournée au travail après son accident, elle a été mise en assignation temporaire et a fait un retour progressif pendant environ 10 mois, au cours desquels elle a effectivement travaillé à temps plein. Selon le tribunal des arrêts Héroux c. Groupe Forage Major  et Simon c. Commission scolaire de l'Or-et-des-Bois,  il découle un principe de base voulant que l'IRR soit destinée à compenser la perte de gains futurs d'un travailleur accidenté et l'incapacité pour celui-ci d'exercer un emploi en raison de son accident. Le tribunal ajoute que la Cour d’appel a également rappelé que la loi doit s'interpréter de manière à permettre une indemnisation qui tient compte de la capacité de gain d'un travailleur tout en répondant à une projection réaliste de sa situation dans l'avenir. Ainsi, le tribunal recourt aux dispositions prévues à l'article 75, lequel permet de déroger aux règles de calcul énoncées aux articles 67 à 74 et retient un revenu brut annuel de 32 483,10 $, soit celui d’une préposée aux bénéficiaires travaillant à temps plein. Le tribunal est d’avis que cette somme représente « la perte de gains futurs » et reflète mieux la réalité économique de la travailleuse.

 

Synagri et Clément, 2012 QCCLP 3492.

Le travailleur effectue un travail de nature saisonnière au sens de l'article 68. Selon le tribunal, la façon de procéder de la CSST, soit additionner le revenu d'emploi de l'année précédant sa lésion professionnelle, laquelle est survenue le 16 mai 2011, et les prestations d'assurance-emploi reçues, lèse le travailleur. En effet, le tribunal est d’avis que l’article 75 réfère à l’esprit et à ce qui doit guider l’interprétation des dispositions concernant le calcul de l’IRR. Ainsi, il faut, dans l’interprétation des dispositions applicables au calcul de l'IRR, rechercher celle qui correspond le mieux à l’esprit et à l’objectif du législateur, soit d’établir le plus équitablement le revenu brut de référence du travailleur et, par conséquent, le montant de son IRR. Il y a donc lieu, selon le tribunal, de tenir compte qu’en 2011, le salaire du travailleur est passé de 12 $ à 14,50 $ l'heure et du fait qu'il est désormais rappelé en février plutôt qu'en avril, étant donné qu'il est chef d'équipe. Par conséquent, il faut prendre en considération la rémunération que le travailleur aurait reçue pour la période de février à avril en tenant compte de ce nouveau taux horaire. De plus, aucune preuve n'indique que la proportion du travail au taux des heures supplémentaires aurait été inférieure en 2011, par rapport à 2010, puisque le travail en heures supplémentaires fait partie intégrante de la charge de travail normale du travailleur. Enfin, les prestations d'assurance-emploi doivent s'ajouter au revenu tiré de l’emploi. Toutefois, la somme versée l'année précédente pour la période de mise à pied ne peut être retenue, car cette période est plus courte pour un chef d'équipe. Le tribunal conclut que le revenu annuel brut prévisible est de 27 885 $ plutôt que 26 101 $, ce qui correspond davantage à ce que le travailleur aurait reçu n'eût été la survenance de sa lésion professionnelle.

 

Boulay et Fruits de Mer de l'Est du Québec 1998 ltée, 2015 QCCLP 5125.

La travailleuse a été victime d’une maladie professionnelle au mois de mai 2007 alors qu’elle exerçait des tâches dans une usine de crevettes. L'emploi occupé est de type saisonnier, car il est d'une durée limitée, s'exerce à certaines périodes précises et dépend de la disponibilité de la matière première, en l'occurrence les crevettes. Le tribunal mentionne d’une part que les prestations d'assurance-emploi doivent être incluses dans la base salariale d'un travailleur saisonnier et d’autre part, que l’article 68 a précisément pour but d'écarter l'annualisation du salaire d'un travailleur saisonnier, car le législateur savait d'emblée que cela ne correspondait pas à sa réalité. En l'espèce, la preuve est déficiente pour ce qui est du revenu brut d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable. Par contre, le tribunal ne retient pas les revenus bruts perçus par la travailleuse dans les 12 mois précédant la survenance de sa lésion professionnelle, puisqu’elle a été plusieurs semaines en arrêt de travail pour une maladie d’ordre personnel durant cette période de référence. En effet, n’eût été son absence pour maladie, la travailleuse aurait tiré un revenu plus élevé. Or, selon les enseignements de la Cour d'appel dans Héroux c. Groupe Forage major  et Simon c. Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois, il faut retenir une interprétation des dispositions pertinentes qui soit généralement favorable à la travailleuse et qui permette de compenser sa perte de gains futurs tout en se collant le plus possible à sa réalité. Il y a donc lieu d'examiner les données qui trouvent une corrélation dans la réalité de la travailleuse. Ainsi, pour les années 2001 à 2006 inclusivement, la moyenne des revenus de la travailleuse s'élève à 21 902 $. Le tribunal conclut qu’il est plus juste et favorable pour la travailleuse de l'indemniser sur la base de son revenu annuel de 2005, soit 22 064 $, car ce montant correspond davantage à sa réalité et constitue une balise plus réaliste si on le compare à la moyenne de 21 902 $.

 

Voir également :

Ménard et Imprimerie Québécor Montréal, [1997] C.A.L.P. 1539.

Suivi :

Révision rejetée, C.A.L.P. 84515-60-9612, 27 mars 1998, M. Cuddihy.

Boyer et CHSLD de la Rivière du Nord, C.L.P. 280800-63-0601, 18 février 2008, D. Besse.