Illustrations

Retour à l'article
 
. 76. Détermination d'un revenu plus élevé

L'article 76 s'applique

Richard et J.B.L. Transport inc., C.A.L.P. 74151-05-9510, 4 juillet 1997, M. Cuddihy.

Le travailleur est victime d'un accident du travail alors qu'il fait du camionnage pendant une grève chez l'employeur pour qui il exerce habituellement le métier de grutier. Au moment de sa lésion professionnelle, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières que le travailleur a œuvré à titre de camionneur, car n'eût été la grève chez son employeur, il aurait occupé un emploi de grutier, emploi plus rémunérateur que celui de camionneur. Considérant que l'IRR vise à protéger non seulement le revenu du travailleur, mais aussi sa capacité de gains, il y a lieu d'appliquer l'article 76. L'IRR du travailleur doit être établie sur la base du revenu de grutier, et ce, à compter du début de son incapacité qui a duré plus de deux ans.

 

Rivest et Voyages Au Nordest inc., C.L.P. 134493-63-0003, 30 novembre 2000, D. Beauregard.

L'article 76 exige du travailleur qu'il fasse la preuve de deux choses : une incapacité à exercer son emploi pendant plus de deux ans à la suite d'une lésion professionnelle, et qu'il aurait pu exercer un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières. Une fois que les circonstances particulières sont reconnues, on doit se tourner vers le futur et analyser si l'emploi que le travailleur aurait pu occuper est plus rémunérateur. Si tel est le cas, le travailleur doit être indemnisé sur cette base, rétroactivement à la date du début de son incapacité. La preuve démontre que n’eût été de circonstances particulières, à savoir d’un manque de bois, le travailleur aurait exercé un emploi d’ébrancheur plutôt que celui de conducteur de traîneau à chiens à l’occasion duquel il s’est blessé. Par ailleurs, lorsque s’est manifestée sa lésion, soit le 28 décembre 1997, si le travailleur n'avait pas manqué de travail à titre d'ébrancheur, il aurait occupé cet emploi sans toutefois pouvoir l'exécuter en raison du congé férié. Cette interruption des activités ne permet pas de conclure qu'il n'aurait pas pu occuper un emploi plus rémunérateur. La notion « d'occuper un emploi » réfère davantage au fait d'exercer une fonction, d'être employé et non au fait d'accomplir ou de réaliser un travail. C’est donc sur la base du revenu d’emploi d’ébrancheur, auquel s’ajoutent les prestations de l’assurance-emploi, que le travailleur doit être indemnisé et non sur la base des revenus gagnés comme conducteur de traîneau à chiens.

 

Soulières et Tawell Équipements inc., C.L.P. 141331-63-0006, 2 avril 2001, D. Beauregard.

N'eût été une circonstance particulière, soit le report de la période de vacances du directeur du service des travaux publics de la Ville de Berthierville, le travailleur aurait occupé cet emploi plus rémunérateur au moment de la lésion professionnelle survenue chez un autre employeur. La preuve démontre qu’aux étés des deux années précédentes, le travailleur avait exercé cette fonction. De plus, la Ville avait adopté une résolution en vertu de laquelle le travailleur devait remplacer de manière imminente le directeur des travaux publics pendant les vacances de ce dernier. Le fait qu’il aurait occupé cet emploi pour une période de six à huit semaines au taux horaire de 17,35 $, 40 heures par semaine, permet l'application de l'article 76 puisque rien dans la loi n'oblige un travailleur à faire la démonstration qu'il aurait occupé l'emploi plus rémunérateur pour une durée indéterminée. De plus, après ce remplacement, il est plus que probable que le travailleur aurait occupé un poste permanent de journalier mieux rémunéré. Le fait qu’en 1997 (année de la survenance de la lésion professionnelle), il n'ait pas postulé pour ce poste n'est pas déterminant, car au cours des années précédentes, chaque fois, il a postulé et sa candidature était toujours retenue. Le fait que la Ville n’ait pu affirmer à 99,9 % que le travailleur aurait été embauché n’est pas déterminant, car ce niveau de certitude n’est pas exigé par le tribunal. Une preuve probante est suffisante.

 

Bériault et Transport Jean-Louis Allaire et Fils inc., C.L.P. 144182-08-0008, 17 janvier 2002, Monique Lamarre.

Le travailleur se voit offrir un emploi d’opérateur de machinerie lourde au taux horaire de 18 $ avec avantages (logement, camion fourni, etc.). Un contrat de travail intervient verbalement entre cet employeur et le travailleur. Ce dernier aurait commencé ce travail à l’automne 1997, n’eût été le bris de la machinerie qu’il devait opérer. L’employeur a convenu de rappeler le travailleur dès que la machinerie serait réparée. En attendant de pouvoir débuter cet emploi, le travailleur œuvre pour un autre employeur à un salaire moindre lorsqu'il subit un accident du travail. Par conséquent, à la fin de décembre 1997, lors de l’appel l’informant que la machinerie était réparée, le travailleur était dans l’incapacité d’œuvrer pour cet employeur. Le tribunal conclut que le travailleur remplit les conditions d’application de l’article 76, car la preuve démontre qu'il aurait pu occuper un autre emploi plus rémunérateur au moment de la survenance de la lésion professionnelle et qu’il ne s’agissait pas d’une situation purement hypothétique.

 

Chagnon et Aventure Électronique (faillite), C.L.P. 187312-71-0207, 6 février 2003, L. Couture.

La CSST devra déterminer un revenu brut plus élevé, car le travailleur a démontré que les deux conditions de l'article 76 sont remplies. Lors de sa demande de révision du calcul de l'IRR, il était incapable depuis plus de deux ans d'exercer son emploi. Quant aux circonstances particulières pouvant donner ouverture à une réévaluation du revenu brut, la CLP a retenu que l'employeur avait offert au travailleur un emploi de gérant de magasin, offre qu'il avait refusée, car il devait commencer un emploi de représentant incessamment pour un autre employeur. Toutefois, la tempête de verglas l'a empêché d'occuper cet emploi de représentant. N'eût été cette tempête de verglas, le travailleur aurait occupé cet emploi plus rémunérateur au moment de sa lésion. Le tribunal ajoute que la loi n'exige pas la preuve d'un contrat écrit. L’existence d’un contrat verbal, comme celui existant entre le travailleur et l'entreprise, suffit pour établir la preuve d'un revenu brut plus rémunérateur. Par ailleurs, le fait que cette entreprise ait cessé par la suite d'exercer des activités n’a pas d’incidence quant à l'existence d'une entente d'affaires au moment de la survenance de la lésion. Les dispositions de l'article 76 n'exigent nullement que le travailleur démontre que les conditions d'embauche prévalant au moment de la lésion professionnelle auraient perduré durant toute la période d'incapacité due à cette lésion.

 

Pilon et Restaurant Steak Cie, [2004] C.L.P. 803.

La travailleuse a droit à l'application de l'article 76 puisqu'elle a démontré qu'elle aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, soit celui de serveuse cinq jours par semaine chez l’employeur, n’eût été de circonstances particulières, soit la maladie de son fils. L'expression « circonstances particulières » de cet article ne réfère pas exclusivement à une circonstance venant du milieu du travail, mais permet tout autant de référer à une circonstance venant du travailleur et affectant la relation employeur/travailleur.

 

Léonard et Vitrerie Bellefeuille enr. (faillite), C.L.P. 255544-64-0502, 13 octobre 2006, R. Daniel.

Il y a lieu d'appliquer l'article 76, lequel vise à protéger la capacité de gains sur laquelle un travailleur peut compter au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, étant donné un emploi plus rémunérateur qu'il aurait pu occuper et dont il a été privé en raison de circonstances particulières, hors de son contrôle. En l’espèce, en raison de sa charge de travail, l'employeur n'a pu compléter les démarches auprès de la Commission de la construction du Québec afin que le travailleur puisse obtenir une carte de compétence pour exercer le métier de monteur mécanicien-vitrier, et ce, avant que ne survienne la lésion professionnelle. Néanmoins, des éléments de preuve démontrent que ces démarches ne constituent pas simplement une possibilité pour le travailleur d’occuper le métier de monteur mécanicien-vitrier, mais bien une réalité en voie de se concrétiser. En effet, si les démarches avaient abouti, le travailleur aurait bénéficié, à la date de son accident, d’un salaire de monteur mécanicien-vitrier première année. Ainsi, la base salariale à retenir aux fins du calcul de l’IRR doit être modifiée en conséquence et évaluée sur le taux horaire d’un monteur mécanicien-vitrier première année, soit 15,63 $ pour l’année 2002, et ce, rétroactivement à la date de l’incapacité du travailleur à exercer son emploi.

 

Jolin et Pavillons St-Vincent, St- Joseph, Murray, C.L.P. 343951-05-0803, 10 février 2009, F. Ranger.

La travailleuse a un contrat de travail pour un poste de préposée aux bénéficiaires à temps plein, soit cinq jours par semaine, chez son employeur. À la demande de la travailleuse, son employeur lui permet, pour un temps limité, d'occuper son poste à raison de deux jours par semaine. Alors qu'elle travaille selon son horaire de deux jours par semaine, elle se blesse au travail. La CSST calcule son IRR sur la base de revenu de ces deux jours de travail par semaine, en le réajustant sur la base du salaire minimum. En l’espèce, l'article 76 s'applique puisque la travailleuse est devenue incapable d'exercer son emploi pendant plus de deux ans et que n'eût été de circonstances particulières, elle aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle. D’une part, une circonstance est particulière lorsqu'elle concerne spécifiquement quelqu'un. Or, la situation de la travailleuse se distinguait de celle des autres préposés aux bénéficiaires titulaires d'un poste à temps complet, car elle bénéficiait d'une disposition de sa convention collective qui lui permettait de profiter, durant une période de temps limité, d'un congé sans solde partiel. Puis, l’article 76 se limite à faire état de « circonstances particulières » et demander qu’elles soient en plus hors du contrôle de la travailleuse, comme l'exprime la CSST, revient à exiger des conditions que la loi ne prévoit pas. D’autre part, bien que les titres des postes en cause soient identiques, leurs conditions d'exercice sont différentes et permettent de les considérer comme des emplois différents, dont l’un (celui à temps plein) est plus rémunérateur. Enfin, la CLP constate que l’article 76 se limite à faire état de « circonstances particulières ». Demander qu’elles soient en plus hors du contrôle de la travailleuse revient à exiger des conditions que la loi ne prévoit pas.

 

Dion et Commission scolaire des Affluents, 2015 QCCLP 1240.

Depuis 2008, le travailleur œuvre comme formateur à temps partiel/régulier pour l’École du routier professionnel du Québec. Il est également employé par la Commission scolaire des Affluents comme enseignant à temps partiel. À l’été 2010, l’École du routier professionnel du Québec obtient un important contrat de formation auprès de la Société de transport de Montréal (STM). Le programme de formation devait commencer à l'automne 2010, mais la date a été repoussée au début de février 2011. Dans l'intervalle, le 13 janvier 2011, le travailleur est victime d’un grave accident alors qu’il exerce son travail auprès de la Commission scolaire. Cette lésion professionnelle le rend incapable d'exercer tout travail. Pour déterminer l'IRR à laquelle le travailleur a droit, la CSST tient compte uniquement des revenus gagnés auprès de l’employeur où la lésion est survenue. La base salariale retenue est le taux du salaire minimum. Le travailleur demande de bénéficier de l’application de l'article 76. D’une part, il invoque qu’il aurait pu obtenir un emploi plus rémunérateur auprès de l’École du routier professionnel du Québec et d’autre part, qu’il n’a pas pu l’obtenir en raison de « circonstances particulières », à savoir le retard dans l’exécution du contrat avec la STM. En effet, si le contrat avait débuté au moment prévu, les services du travailleur auraient été retenus pour la réalisation de ce contrat et il aurait effectué une prestation de travail à raison de 40 heures par semaine au taux horaire de 19,50 $. Ainsi, au moment de la survenance de la lésion professionnelle, il aurait occupé un emploi plus rémunérateur, car il aurait gagné un revenu brut annuel de 40 675,83 $.

 

L'article 76 ne s'applique pas

Provost et Roll Up Aluminium cie (fermé), C.A.L.P. 67194-05-9503, 30 janvier 1996, S. Di Pasquale.

Le travailleur, un charpentier-menuisier, subit un accident du travail en 1973 et une rechute en 1984, à la suite de laquelle il est déclaré incapable de reprendre son emploi. Il occupe, à compter de 1986, un emploi de commis-vendeur de matériaux. En 1987, le travailleur subit à nouveau une RRA et son IRR est calculée à partir de son revenu de commis-vendeur. Le travailleur demande l'application de l'article 76 en alléguant qu'il aurait pu occuper l'emploi de charpentier-menuisier, n'eût été la lésion subie en 1984. L'emploi de commis-vendeur de matériaux occupé par le travailleur est devenu « son emploi » au sens de l'article 76 et il est incapable de l'exercer depuis plus de deux ans. Par contre, le travailleur allègue qu’il aurait pu occuper l’emploi de charpentier-menuisier, n’eût été la rechute survenue en 1987. Or, il n'a pas démontré qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, n’eût été les « circonstances particulières ». En effet, en employant l’expression « circonstances particulières » contrairement à celle de « lésion professionnelle », le législateur a manifestement choisi de ne pas viser la situation d’un travailleur privé d’un revenu plus rémunérateur en raison de son incapacité à exercer son emploi à la suite d’une lésion professionnelle.

 

Létourneau et Automobile Transport inc., C.L.P. 126297-61-9911, 26 février 2001, G. Morin.

Afin de bénéficier de l'application de l'article 76, le travailleur a fait valoir que d'autres travailleurs qui sont demeurés à l'emploi de l'employeur ont, au cours de l'année 1992 et des années subséquentes, gagné un revenu annuel supérieur à celui qui a été retenu par la CSST. Ce faisant, le travailleur a simplement démontré la progression salariale qu'il aurait pu connaître s'il avait poursuivi l'exercice de son emploi. Or, l'article 76 n'a pas pour but de pallier cette conséquence d'une lésion professionnelle. Il vise plutôt à protéger la capacité de gains sur laquelle le travailleur pouvait concrètement compter au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, étant donné un emploi plus rémunérateur qu'il aurait pu occuper et dont il a été privé en raison de circonstances particulières hors de son contrôle.

 

Boudreault et Établissements de détention Québec, C.L.P. 152376-02-0012, 8 mai 2001, C. Bérubé.

Les circonstances particulières auxquelles fait référence l'article 76 doivent être présentes au moment de la manifestation de la lésion professionnelle et c'est à cette époque que l'on doit se placer pour analyser la possibilité pour le travailleur d'occuper un emploi plus rémunérateur, n'eût été ces circonstances. De plus, il y a une différence entre démontrer la possibilité de détenir un emploi plus rémunérateur et démontrer que l'emploi détenu aurait pu être plus rémunérateur en d'autres circonstances. Or, l'article 76 permet de revoir le montant du revenu brut ayant servi au calcul de l'indemnité lorsque la preuve démontre que, pour des circonstances particulières ayant existé au moment de la lésion, un travailleur, bien qu’en mesure de détenir un emploi plus rémunérateur, n'occupait pas un tel emploi en raison des circonstances particulières démontrées. En l'espèce, la travailleuse n'a pas réussi à faire cette preuve. En effet, bien qu'inscrite dans un processus de formation qui lui aurait permis de détenir un jour un emploi plus rémunérateur, elle n'a pas démontré qu'elle était en mesure de détenir un tel emploi au moment de sa lésion professionnelle.

 

Bédard et Hôpital Général de Québec, C.L.P. 264020-31-0506, 30 novembre 2005, J.-L. Rivard.

Le 2 mai 2000, soit au moment de sa lésion professionnelle, le travailleur, un préposé aux bénéficiaires, occupe un poste permanent à temps partiel, dont l’horaire est de 32 heures et demie par semaine. À compter du 25 mars 2001, il devait être affecté à un poste sur l'équipe volante à raison de 36 heures et quart par semaine et, à compter du 23 février 2003, à un poste régulier à temps complet à raison de 36 heures et quart par semaine. Pour donner ouverture à la détermination d'un revenu plus élevé, conformément à l'article 76, le travailleur doit remplir deux conditions. La première, être demeuré incapable d'exercer son emploi pendant plus de deux ans en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime. Cette condition est satisfaite. Toutefois, la deuxième condition, à savoir qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée la lésion, n'eût été les circonstances particulières, ne l'est pas. L'expression « circonstances particulières » ne vise pas la situation d'un travailleur privé d'un revenu plus rémunérateur dont l'incapacité découle de la lésion professionnelle elle-même. Or, en l'espèce, le travailleur n'a pas démontré de circonstances particulières autres que la lésion professionnelle elle-même. C'est en raison de cette lésion qu'il n’a pas pu obtenir un poste à plein temps avec majoration de son salaire horaire.

 

Suivi :

Révision rejetée, 30 mai 2007, G. Marquis.

Roy et Molson Canada (Québec), C.L.P. 164091-64-0106, 7 février 2006, J.-F. Martel.

Le travailleur invoque que son emploi aurait été mieux rémunéré si la nouvelle convention collective n’avait pas été conclue comme elle l’a été. Or, deux conditions doivent être réalisées pour l'application de l'article 76, soit que le travailleur est incapable d’exercer son emploi pendant plus de deux ans en raison de sa lésion professionnelle, ce qui est le cas, et qu’il soit démontré qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion, n’eût été les circonstances particulières. En l’espèce, il n’a pas démontré que des « circonstances particulières » l’avaient empêché d’occuper un emploi plus rémunérateur. Les circonstances invoquées doivent être « particulières » au travailleur concerné, en ce qu’elles lui sont « personnelles », alors qu’il se plaint des dispositions d’une nouvelle convention collective qui sont applicables à un ensemble de salariés et non pas à lui seul. Il ne s’agit pas là de « circonstances particulières » au sens de l’article 76.

 

Grenier et Manac inc., C.L.P. 275083-04-0511, 14 février 2006, D. Lajoie.

Le travailleur a été incapable, en raison de sa lésion professionnelle, d'exercer son emploi durant plus de deux ans. Afin de bénéficier de l'application de l'article 76, il doit démontrer de plus qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, n'eût été de circonstances particulières. Ces circonstances particulières doivent être présentes au moment de la lésion professionnelle. De plus, ces circonstances ne comprennent pas la survenance de la lésion professionnelle. En l'espèce, le travailleur a pris la décision d'aller travailler chez une tierce entreprise dans la construction, propriété de son beau-frère, comme charpentier-menuisier, peu de temps avant la survenance de sa lésion professionnelle. Cependant, il aurait pu accepter ce travail bien avant cette période et aucune circonstance particulière ne l'en empêchait, si ce n'est son choix personnel de demeurer un employé de cet employeur. Ce n'est que plus tard que le travailleur prend la décision de changer d'emploi. La seule raison qui l'empêche alors d'occuper l'emploi de charpentier-menuisier est la survenance de la lésion professionnelle. Le travailleur n'a pas, par une preuve prépondérante, fait la démonstration qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, lorsque s'est manifestée la lésion professionnelle, n'eût été de circonstances particulières autres que l'accident du travail. De façon subsidiaire, il n'a pas non plus démontré de façon convaincante que l'emploi pressenti de charpentier-menuisier aurait été plus rémunérateur. L'article 76 ne peut trouver application.

 

Suivi :

Révision rejetée, 3 novembre 2006, C.-A. Ducharme.

Sukovic et Scores Sherbrooke, C.L.P. 328892-05-0709, 22 janvier 2008, L. Boudreault.

Au moment de la lésion professionnelle, le travailleur occupe un emploi sur appel selon son rang d'ancienneté. Le fait qu'avec le temps, son ancienneté augmentant, le travailleur aurait été appelé à faire plus d'heures et ainsi obtenir une rémunération supérieure ne constitue pas une circonstance particulière au sens de l'article 76. En effet, si le travailleur n'a pas pu faire plus d'heures de travail en 2004 (année où est survenue sa lésion professionnelle) et dans les années suivantes, c'est en raison de sa lésion professionnelle et non pas en raison de circonstances particulières. En fait, il se trouve dans la même situation que les travailleurs qui, en raison d’une lésion professionnelle, doivent cesser d’exercer leur emploi et ne peuvent tirer profit, pendant leur période d’incapacité, des différents changements aux conditions de travail et salaire ou rémunération qui se produisent pendant cette période d'incapacité.

 

Mailhot et 29572773 Québec inc. (fermée), C.L.P. 335905-63-0712, 17 décembre 2008, L. Morissette.

La deuxième condition prévue à l'article 76 n'est pas satisfaite. En effet, les « circonstances particulières » doivent être présentes au moment de la survenance de la lésion professionnelle. En l'espèce, à la fin de janvier 1998, une entente a été conclue entre l’employeur et le travailleur prévoyant une hausse salariale à compter du mois de mai 1998. Le 17 avril 1998, le travailleur a été victime d’un accident du travail. Ainsi, bien que l’entente prévoyant un revenu plus élevé ait été conclue avant la survenance de la lésion professionnelle, elle ne s’est jamais concrétisée parce que le travailleur a subi sa lésion avant qu’elle ne soit entrée en vigueur. En fait, la hausse salariale n’a pu être réalisée à cause de la survenance de la lésion professionnelle. Essentiellement, les circonstances particulières auxquelles réfère le travailleur ont trait à la lésion professionnelle.

 

Tokessy et Polymed Chirurgical inc., C.L.P. 350337-62C-0809, 31 mars 2010, I. Therrien.

Le travailleur a demandé l'application des dispositions de l'article 76. Il respecte la première condition, soit de n'avoir pu exercer son emploi pendant plus de deux ans. Il a été blessé à 22 ans et n'a pu réintégrer le marché du travail. Cela constitue une perte énorme pour lui, mais ne peut être considéré comme étant une circonstance exceptionnelle au sens de l'article 76. Pour se prévaloir de cette disposition, le travailleur doit démontrer qu'il aurait occupé un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières. Ce dernier prétend que n'eût été l'accident dont il a été victime et de la RRA qu'il a subie par la suite, il aurait conservé son emploi et obtenu des augmentations au fil des années lui procurant ainsi un revenu plus élevé. Aucune preuve n'a cependant été administrée à cet égard. Par ailleurs, l'article 76 ne vise pas à compenser la perte de progression salariale.

 

Turcotte et Aliments Lesters ltée, C.L.P. 412896-61-1006, 22 décembre 2010, C.-A. Ducharme.

Il n'y a pas lieu de modifier le revenu brut pour la détermination de l'IRR du travailleur, car ce dernier n'a pas pu prouver qu'une circonstance exceptionnelle l'a privé d'un emploi plus rémunérateur. Au moment de la survenance de sa lésion, le travailleur a alors un statut de salarié sur la liste de disponibilité, puisqu'il est en période de probation pour 60 jours pour le poste de préposé à l'assainissement. Ce n'est qu'ultérieurement, soit à la fin de cette période, qu'il aurait pu acquérir un tel statut, dont le salaire horaire aurait été de 14,75 $ au lieu de 9,90 $. Le tribunal ne retient pas l'argument selon lequel le salaire horaire de 14,75 $ faisait partie de la capacité de gain « acquise » du travailleur au moment de sa lésion professionnelle, puisqu’il demeurait toujours possible que l’employeur ne retienne pas ses services tout comme des événements de nature personnelle pouvaient faire en sorte qu’il ne termine pas sa période de probation. Cependant, mis à part ces hypothèses, le tribunal mentionne que la seule raison ayant privé le travailleur d'avoir accès au statut de salarié sur la liste de disponibilité chez l'employeur et au salaire y correspondant, est son incapacité résultant de sa lésion professionnelle. Or, selon la jurisprudence, cette situation n'est pas couverte par l'expression « circonstances particulières » édictée à l'article 76.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2011 QCCLP 6783.

Deblois et Teck Air Climatisation inc., 2011 QCCLP 6666.

Le travailleur invoque qu’au moment de sa lésion professionnelle, soit le 18 juillet 2008, il aurait pu être classé apprenti 4e année et ainsi occuper un autre emploi plus rémunérateur. Toutefois, il n’a rien fait pour régulariser sa situation même s’il répondait déjà aux conditions de la Commission de la construction du Québec (en ayant suffisamment d’heures de travail accumulées lui permettant d’être classé à un niveau supérieur) depuis juillet 2007. Le travailleur explique ne pas avoir fait les démarches puisque, selon sa perception, un employeur aurait pu préférer embaucher un travailleur plus jeune et qu’il était « plus vendeur » auprès d’un employeur de ne pas être trop exigeant sur le plan salarial. Néanmoins, il mentionne qu’il était de son intention de régulariser sa situation pendant les vacances de la construction. Le tribunal conclut que le travailleur ne peut pas bénéficier des dispositions prévues à l’article 76, car d’une part, il est d’avis que la perception du travailleur n’a pas été prouvée et d’autre part, ce n’est pas ce qu’entend le législateur par « circonstances particulières ». En effet, le travailleur a exercé un choix personnel de ne pas requérir sa classe 4, bien qu’il réponde aux conditions depuis plusieurs mois. En plus, il connaissait la procédure à suivre puisqu’il l’avait déjà effectuée à deux reprises antérieurement.

 

Gagnon et Fermes du Soleil inc., 2014 QCCLP 2191.

Pour appliquer l'article 76, la preuve doit démontrer que l'exercice d'un emploi plus rémunérateur au moment de la lésion était une réalité en voie de se concrétiser, une éventualité ou une situation qui n'a pu se réaliser étant donné des circonstances particulières. Il ne doit pas s'agir d'une situation purement hypothétique. Il faut se replacer au moment de la survenance de la lésion pour analyser si un autre emploi plus rémunérateur aurait alors pu être occupé. Il faut que cette condition ait existé à ce moment précis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet, le travailleur allègue que n'eussent été tous les problèmes entourant la prise de possession de sa nouvelle résidence, il aurait pu chercher et occuper un emploi plus tôt et aurait ainsi pu gagner davantage de revenus pendant les 12 mois précédant sa lésion professionnelle. Or, ce n'est pas ce que vise l'article 76 et l'on ne saurait lui donner une interprétation aussi libérale. Les termes utilisés par le législateur sont clairs : il est permis de revoir la base salariale après deux ans d'incapacité si un travailleur démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur au moment où s'est manifestée sa lésion professionnelle et non qu'il aurait pu gagner davantage pendant la période de référence de 12 mois précédant sa lésion professionnelle.

 

Bénard et Hôpital Sacré-Coeur de Montréal-Qvt, 2014 QCCLP 6470.

La travailleuse a obtenu un poste d’infirmière à temps partiel à six jours par deux semaines. Elle souligne qu’elle avait pris la décision avec son conjoint de demeurer dans ce type d’emploi (à temps partiel) jusqu’au moment où son deuxième enfant irait à la maternelle. Toutefois, dans les faits, la travailleuse n’a jamais occupé d’emploi d’infirmière à temps plein avant la survenance de sa lésion professionnelle, soit le 9 janvier 2002. La travailleuse invoque que la décision de ne pas travailler à temps plein avant la survenance de sa lésion professionnelle constitue une condition exceptionnelle et n’eût été la survenance de la lésion professionnelle, elle aurait commencé à travailler à temps plein lorsque son deuxième enfant aurait atteint l’âge d’être inscrit à la maternelle. Le tribunal conclut que la deuxième condition de l’article 76 n’est pas satisfaite. La travailleuse n’a pas démontré l’existence d’un engagement ou d’une entente formelle avec l’employeur qui aurait fait en sorte qu’elle aurait obtenu un emploi à temps plein plus rémunérateur au moment où elle aurait choisi de l’occuper. La situation invoquée par la travailleuse demeure hypothétique et plusieurs facteurs pouvaient influencer ladite décision au fil du temps. Or, l’article 76 vise à protéger la capacité de gains sur laquelle un travailleur peut concrètement compter au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.

 

Baril et Entreprise S. Mathieu, 2015 QCCLP 2979.

En septembre 2010, sachant qu’à la suite d'une éventuelle condamnation au criminel pour conduite en état d'ébriété son permis de conduire sera révoqué et pour éviter d'entacher son dossier professionnel, le travailleur préfère démissionner de son poste de mécanicien industriel qu'il exerce depuis 2007 et dont le revenu annuel est d'au moins 42 556 $. À compter du mois d'octobre 2010, le travailleur occupe un nouvel emploi, dont le revenu annuel brut retenu par la CSST est de 24 982 $. Le travailleur allègue que n'eût été ces circonstances particulières, il n'aurait pas démissionné de son emploi de mécanicien industriel. Il aurait ainsi pu exercer cet emploi mieux rémunéré lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle en janvier 2012. Le tribunal conclut qu’il ne peut appliquer l’article 76, puisque la deuxième condition n’est pas satisfaite. En effet, au moment où se manifeste sa lésion professionnelle, le travailleur n'a plus aucun lien d'emploi avec l'employeur chez lequel il a œuvré comme mécanicien industriel et n'a démontré aucun engagement ni aucune entente formelle avec cet ancien employeur, ni même avec un nouvel employeur, attestant qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur en janvier 2012. Or, la condition suivant laquelle le travailleur aurait pu exercer un emploi plus rémunérateur doit prévaloir au moment précis où survient sa lésion professionnelle. Il ne peut s'agir d'une situation hypothétique, voire de la spéculation, comme celle invoquée par le travailleur. En l’espèce, au moment où se manifeste la lésion professionnelle, il ne s’agit pas d’une réalité en voie de se concrétiser ou d’une situation n’ayant pu se réaliser en raison de circonstances particulières. Ces dernières doivent correspondre à la réalité qui prévaut au moment où se manifeste la lésion professionnelle.

 

Torchenaud et Service d'aide domestique enr.,2016 QCTAT 2440.

En juillet 2010, la travailleuse subit une lésion professionnelle alors que le taux horaire de son emploi est de 12,07 $. En raison des limitations fonctionnelles qu'elle conserve, la travailleuse n'est plus en mesure d'exercer son emploi prélésionnel et, dans les faits, elle n'est jamais retournée au travail. La travailleuse demande de faire ajuster sa base salariale en vertu de l'article 76. Elle allègue qu'en vertu d'une décision de la Commission des relations du travail (CRT) rendue en 2011 visant à déterminer qui est le véritable employeur, d'une fusion d'établissements et d'une entente portant sur les modalités d'intégration du groupe de salariés dont elle faisait partie, elle aurait pu obtenir un emploi en 2010 au taux horaire de 18,05 $. Puis, ce salaire aurait été de 20,14 $ si elle avait pu réintégrer son emploi en 2013, n'eût été sa lésion professionnelle.

En l'espèce, la travailleuse n'identifie pas de circonstances particulières qui lui sont propres et la concernent de façon particulière. Les modalités découlant de l'entente intervenue entre les parties à la suite de la décision de la CRT et permettant aux travailleurs une réintégration en emploi et une meilleure rémunération pour le même emploi, maintenant doté d'un nouveau titre d'emploi, s'appliquent à tous les travailleurs visés par cette entente. Or, des circonstances s'appliquant à tous les travailleurs visés par une entente ou une convention collective ne constituent pas des conditions particulières au sens de l'article 76. Le tribunal ajoute que même s'il avait conclu être en présence de circonstances particulières, celles-ci n'étaient pas présentes au moment de la survenance de la lésion professionnelle de la travailleuse comme le requiert le législateur. En effet, la décision rendue par la CRT et l'entente intervenue par la suite n'ont pas d'effets rétroactifs. Elles concernent les travailleurs en poste au moment du dépôt de la requête, soit le 15 mars 2011, et les conditions ne rétroagissent pas pour l'année 2010.