Énumération non limitative
La jurisprudence établit que la liste des mesures que peut comprendre un programme de réadaptation sociale n’est pas exhaustive. L’emploi de l’expression « peut comprendre notamment » indique que cet article ne se limite pas aux seules mesures énoncées.
- Mathieu et Désourdy-Duranceau ent. inc.,C.L.P. 112847-62A-9903, 14 septembre 1999, J. Landry.
L’emploi de l’expression « peut comprendre notamment » indique que l’article 152 ne se limite pas aux seules mesures qui y sont énoncées. Par ailleurs, la combinaison des articles 145, 151, 152 et 184, par. 5 permet d’envisager une mesure sociale qui n’est pas spécifiquement énumérée à la loi, mais qui répond à l’objectif visé par la réadaptation sociale.
- Julien et Const. Nationair inc.,C.L.P. 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif.
L’énumération apparaissant à l’article 152 n’est pas limitative puisque chaque cas est un cas d’espèce et qu’il faut pouvoir adapter le programme de réadaptation sociale à chaque situation particulière.
- Sheink et Lab Société en Commandite Bell,C.L.P. 312310-03B-0703, 18 janvier 2008, C. Lavigne.
L’expression « peut comprendre notamment » ne se limite pas à l’énumération précitée à l’article 152 et peut comprendre d’autres mesures si celles-ci contribuent à surmonter les conséquences personnelles et sociales qui découlent de la lésion professionnelle.
- Huberdeau et Centre hospitalier de l'Université de Montréal,2012 QCCLP 618 .
L’utilisation du terme « notamment » à la première ligne de l’article 152, signifie que le législateur avait pour intention de ne pas limiter ni restreindre les mesures de réadaptation sociale aux seules mesures qui y sont énumérées.
- Proulx et Convoyeur Continental & Usinage, 2014 QCCLP 4404.
Le terme « notamment » utilisé à cet article fait en sorte que la liste reproduite n’est pas exhaustive. Dans la confection d’une loi, le législateur ne peut tout prévoir. C’est principalement pour cette raison qu’il utilise certains mots afin de pouvoir inclure des situations qui n’étaient pas prévisibles ou envisageables au moment de sa rédaction.
Voir également :
Lefebvre et Carborundum Canada inc., C.L.P. 219710-04-0311, 26 mars 2004, S. Sénéchal.
Letendre et Relizon Canada inc., [2004] C.L.P. 1769.
Fleury et Boulangerie Gadoua ltée, [2008] C.L.P. 696.
Picard et Abitibi Consol Scierie des Outardes, 2011 QCCLP 5070.
Procurer au travailleur un domicile ou un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle
L'objectif de la loi énoncé à l'article 152 (2) consiste à procurer à un travailleur un domicile ou un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle, dans le but notamment de surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle.
La jurisprudence récente précise que la notion de "procurer" que l'on trouve à l'article 152 (2) permet d'élargir la portée de cet article par rapport aux articles 153 et 155 qui sont davantage des dispositions d'application visant l'adaptation d'un domicile ou d'un véhicule.
Ainsi, dans certains cas, le Tribunal doit déterminer le droit du travailleur au remboursement des coûts d'achat ou de location d'un domicile ou d'un véhicule déjà adaptés à ses besoins et non pas déterminer le droit au remboursement des coûts engendrés pour leur adaptation. Il utilise alors l'article 152(2) qui précise qu'un programme de réadaptation sociale comprend la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile ou un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle.
- Succession Fernand Lessard, C.L.P. 368191-62-0901, 9 décembre 2009, R. L. Beaudoin.
Le travailleur souffrait d'une amiantose et était porteur d'un cancer d'origine professionnelle. La succession du travailleur demande le remboursement des frais d'hébergement dans une résidence spécialisée et les frais de service de câblodistribution et de téléphonie. Au second paragraphe de l'article 152, on trouve l'expression « procurer au travailleur un domicile [...] adaptés à sa capacité résiduelle ». Cette notion de « procurer » est différente de celle d'« adapter » que l'on retrouve aux articles 153 et 155. Or, le retour à domicile du travailleur était compromis, de l'avis d'une travailleuse sociale spécialiste dans ce domaine et la compagne du travailleur n'était plus en mesure de lui procurer de l'assistance. Par ailleurs, le travailleur n'était pas admis dans une institution offrant des soins palliatifs, compte tenu du fait que son espérance de vie dépassait à peine trois mois. La réadaptation sociale du travailleur, dans le but de l'aider à surmonter les conséquences sociales de sa lésion professionnelle, consistait à lui procurer un domicile à la mesure des besoins évalués par la travailleuse sociale.
- D... H... et Compagnie A, 2014 QCCLP 6203.
L’objectif de la loi n’est pas d’adapter un véhicule, mais de faire en sorte que le travailleur puisse bénéficier d’un véhicule adapté à ses besoins, qui découlent de sa lésion, afin de surmonter, dans la mesure du possible, les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle. En ce qui a trait au droit de faire adapter un véhicule, les articles 155, 156 et 157 sont des dispositions d’application alors que l’article 152 établit le principe entre la réadaptation et l’adaptation d’un véhicule et demeure beaucoup plus large quant à sa portée. Le paragraphe 2 de cet article démontre toute la flexibilité souhaitée par le législateur afin d’atteindre l’objectif d’ajustement aux besoins découlant de la lésion professionnelle. Les modalités d’application ne doivent pas restreindre l’objectif visé par la réadaptation sociale. Le travailleur a droit au remboursement d'un véhicule récréatif soit un véhicule adapté à ses besoins.
- Deguire et Société des alcools du Québec, 2015 QCCLP 1759.
Si le domicile de la travailleuse n'est pas adaptable, elle a droit à l'application de l'article 152. Cet article prévoit que la CSST a l'obligation de mettre en oeuvre des moyens visant à procurer à la travailleuse un domicile adapté à ses besoins. La mise en oeuvre de ces moyens ne se limite pas à la seule option d'une construction neuve. Rien n'empêche la CSST d'examiner la possibilité que la travailleuse achète une maison usagée comprenant déjà un certain nombre des adaptations requises puis de terminer les adaptations selon ses besoins si le nouveau domicile ne les possède pas. Les seules restrictions à cette solution sont exposées à l'article 181, qui indique que la CSST supporte le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché. L'obligation de la CSST se limite à la réparation des conséquences de la lésion professionnelle et à ce qui est nécessaire pour procurer à la travailleuse un domicile adapté à ses besoins.
Politiques de la CNESST en matière d'équipements de loisirs
Selon la politique de la CNESST, les frais d'adaptation d'équipements de loisirs qu'elle assume ne peuvent excéder 1000 $, et ce, pour l'ensemble des équipements de loisirs qu'utilisait le travailleur avant la lésion.
Or, le Tribunal n'est pas lié par les limites monétaires fixées par la CNESST dans une politique. De plus, la jurisprudence établit qu'il n'y a aucune disposition législative ou réglementaire qui exige que le travailleur possède déjà l'équipement de loisir qu'il désire faire adapter compte tenu de sa lésion professionnelle.
Toutefois, la jurisprudence reconnaît qu'il est parfois justifié d'exiger que le travailleur possède l'équipement de loisir à adapter, étant donné qu'il s'agit d'une mesure de réadaptation permettant au travailleur de redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
Voir :
Article 151, rubrique Interprétation.
Aucune limite monétaire
- Marenger et Uniboard Canada (Division Mont-Laurier),C.L.P. 245371-64-0410, 21 avril 2006, J.-F. Martel.
La CSST a certes le pouvoir d’adopter une politique interne prévoyant le remboursement des frais d’adaptation d’équipements de loisirs et les modalités applicables à un tel remboursement. Toutefois, l’exigence de la limite de 1 000 $ fixée par la politique interne ne correspond à aucune exigence législative. Lorsque le législateur a voulu limiter le montant de frais payables au prestataire, il l’a expressément prévu à la loi, comme aux articles 154 et 160 par exemple. Le tribunal n’est pas lié par des limites ou modalités prévues dans une politique interne de la CSST qui ne trouvent pas assise dans une disposition législative ou réglementaire.
- Fortier et Structures Ultatec inc.,C.L.P. 323601-03B-0707, 7 avril 2008, M. Cusson.
La CLP n’est pas liée par la limite monétaire prévue par la CSST dans sa politique interne relative aux frais d’adaptation d’équipements de loisirs, cette politique ne trouvant pas assise dans une disposition législative ou réglementaire.
- Lacharité et Metalus inc.,2011 QCCLP 4121.
Le Tribunal n’est pas lié par une politique de la CSST qui prévoit une limite monétaire quant aux frais de réadaptation reliés à des activités sportives. En effet, il n'existe aucun règlement sur le sujet et il s'agit d’une politique interne de la CSST qui ne lie aucunement le tribunal.
- Huberdeau et Centre hospitalier de l’Université de Montréal,2012 QCCLP 618.
Le Tribunal n’est pas lié par la limite de 1 000 $ pour l’adaptation d’équipements de loisirs à laquelle réfère la CSST dans son recueil de politiques, une telle politique n’ayant par ailleurs aucune base légale ou réglementaire.
Voir cependant :
- Rioux et Abitibi-Consolidated Inc.,C.L.P. 179171-04-0202, 10 juin 2002, J.-F. Clément.
En tant qu’organisme chargé d’appliquer la loi, la CSST peut procéder à l’élaboration de politiques. Cependant, de telles politiques ne lient pas le tribunal, surtout si elles s’écartent de la lettre ou de l’esprit de la loi ou encore si elles paraissent arbitraires ou déraisonnables. Il peut toutefois appliquer celles qui sont conformes à la loi. La limite de 1 000 $ qui est inscrite dans la politique en matière de frais de réadaptation n’apparaît pas déraisonnable et va dans le sens de certaines dispositions législatives limitant l’étendue de la réparation à laquelle a droit un travailleur.
Aucune obligation de posséder antérieurement à la lésion l'équipement de loisir à adapter
- Letendre et Relizon Canada inc.,[2004] C.L.P. 1769.
Le Tribunal ne nie pas le pouvoir de la CSST d’adopter des politiques d’application de la loi. Toutefois, il ne peut être lié par une politique lorsque celle-ci impose des critères d’admissibilité à une mesure de réadaptation qui ne sont pas prévus par la loi ni par un règlement adopté en vertu de la loi et qui vont au-delà de ce qu’exige la loi. L’exigence d’une atteinte permanente grave qui nécessite l’adaptation du véhicule ou du domicile ou le port d’une prothèse ou d’une orthèse va au-delà de la loi et n’apparaît pas justifiée. La nécessité d’adapter les équipements de loisirs en raison des limitations fonctionnelles constitue toutefois une exigence conforme à la loi. La politique exige également que le travailleur accomplissait les activités de loisir avant la lésion et qu’il possédait les équipements qu’il désire faire adapter. Le tribunal estime que cette exigence permet de démontrer que la demande est faite dans le but de rendre le travailleur autonome dans l’accomplissement d’une activité habituelle, tel que le prévoit l’article 151. La CLP estime que l'achat d'une arbalète équivaut en l'espèce à l'adaptation d'un équipement de loisir.
- Desgagné et Art-Dem inc.,C.L.P. 409461-31-1005, 27 août 2010, J.-M. Dubois.
La CSST estime qu’il s’agit d’une demande d’acquisition d’un nouvel équipement de loisir, soit un vélo de type pédalier manuel et non de l’adaptation d’équipements possédés avant la lésion et qu’un tel remboursement n’est pas prévu selon ses orientations. Le tribunal s’explique mal l’application d’une telle orientation dans le présent cas puisqu’il apparaît évident qu’un tel vélo ne pouvait être en possession du travailleur avant qu’il ne se fasse amputer la jambe gauche.
- Huberdeau et Centre hospitalier de l’Université de Montréal,2012 QCCLP 618.
Bien que la politique de la CSST exige que la travailleuse possède déjà avant la lésion les équipements à adapter, l’acquisition d’un vélo à mains constitue dans les circonstances le seul moyen pour la travailleuse de surmonter les conséquences personnelles et sociales de la lésion, de s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et de redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.
Voir également :
Fournier et C.J. Picard, C.L.P. 342717-03B-0803, 31 août 2009, G. Marquis.