Interprétation

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. 180. Salaire

Droit au salaire et aux avantages liés à l'emploi

Lorsqu'il est en assignation temporaire, le travailleur bénéficie du salaire et des avantages liés à l'emploi qu'il occupait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle comme s'il continuait à l'exercer.

La jurisprudence considère que l'expression « dont il bénéficierait s'il avait continué de l'exercer » crée une fiction permettant de protéger la réalité des gains du travailleur et maintenir les bénéfices rattachés au poste de travail occupé lors de la lésion professionnelle.

Crown Cork & Seal Canada inc. et Deschamps, [2003] C.L.P. 1593.

L'expression « dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer » crée une fiction. On utilise le conditionnel pour énoncer que le travailleur est rémunéré comme s'il continuait d'exercer son emploi prélésionnel, ce qui n'est évidemment pas le cas. Cette fiction s'analyse à la lumière de l'objectif visé par l'article 180, soit de protéger la réalité des gains du travailleur ou de maintenir les bénéfices rattachés au poste de travail occupé par le travailleur lors de son accident du travail. Il en est ainsi par exemple de la prime de nuit ou du salaire, et on ne peut adopter une interprétation différente pour les heures supplémentaires, malgré leur caractère aléatoire. L'article 180 crée une obligation à l'employeur qui implique nécessairement un coût pour celui-ci. C'est là l'effet de la loi, dont l'objet est de réparer les conséquences qu'entraîne une lésion professionnelle pour un travailleur.

Giroux et Aliments Lesters ltée, [2004] C.L.P. 985.

Comme un travailleur accidenté voit ses capacités fonctionnelles réduites en raison de sa lésion professionnelle et comme ses limitations restreignent sa capacité de travail et l’empêchent de faire des heures supplémentaires, la perte de gains qui en résulte alors est directement reliée à son accident du travail. Puisque le but de l’article 180 doit nécessairement correspondre à l’objet même de la loi tel qu’énoncé à l’article 1, soit la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires, l'employeur doit payer au travailleur les heures supplémentaires et les avantages dont il a été privé durant la période d'assignation temporaire.

Hydro-Québec et Decoste, [2005] C.L.P. 163.

L’interprétation de l'article 180 doit être faite de façon objective, en fonction de toutes les parties qui sont susceptibles de se voir appliquer cette interprétation, et la situation de l’employeur en cause qui fait exécuter à ses travailleurs un grand nombre d'heures supplémentaires ne saurait être prise en compte. Le législateur a voulu, par cette disposition, éviter qu'un travailleur ne s'appauvrisse, en raison de la survenance d'une lésion professionnelle, en recevant, durant la période d'assignation temporaire, un salaire moindre que le salaire rattaché à l'emploi qu'il occupait au moment de la lésion professionnelle ou en étant privé des avantages liés à cet emploi. Par ailleurs, l'interprétation de l'article 180 selon laquelle un travailleur a le droit de recevoir durant la période d'assignation temporaire, en plus du salaire de l'emploi qu'il occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle, la majoration pour les heures supplémentaires qu'il aurait exécutées s'il avait continué à exercer cet emploi n'est pas de la surindemnisation ni de l'enrichissement sans cause mais une juste réparation.

Métro-Richelieu inc. et Smart, C.L.P. 307648-63-0701, 11 mars 2009, M. Juteau.

Le salaire versé au travailleur doit inclure une somme correspondant à la proportion des heures supplémentaires travaillées durant les mois précédant la période d'assignation temporaire. Cette interprétation est davantage conforme à l'objectif premier de la loi qui est la réparation des conséquences qu'entraîne une lésion professionnelle pour un travailleur. Les dispositions de l'article 180 visent à préserver la capacité de gain du travailleur qui est en assignation temporaire. En contrepartie du fait que le travailleur se conforme à cette dernière, l'employeur doit lui payer le même salaire et les mêmes avantages qu'il aurait reçus n'eût été son incapacité. Or, refuser d'inclure la portion habituelle des heures supplémentaires sur une interprétation littérale des mots « le salaire et les avantages liés à l'emploi » revient à renier l'objectif premier de la réparation. Il s'agit ainsi d'assurer au travailleur une juste réparation des conséquences de sa lésion professionnelle.

Morneau et Ville de Terrebonne, C.L.P. 372105-63-0903, 16 février 2010, F. Mercure.

Les dispositions de l'article 180 visent à préserver la capacité de gain du travailleur qui est en assignation temporaire. Ainsi, en contrepartie du fait que le travailleur se conforme à l'assignation temporaire, l'employeur lui paye le même salaire et les mêmes avantages qu'il aurait reçus, n'eût été son incapacité, ce qui assure au travailleur une juste réparation des conséquences de la lésion professionnelle. Par conséquent, le travailleur a droit de recevoir une compensation pour les heures supplémentaires qu'il aurait effectuées n'eût été de sa lésion professionnelle car ses capacités fonctionnelles réduites en raison de sa lésion professionnelle l’empêchent de faire des heures supplémentaires. La perte de gains qui en résulte est directement reliée à son accident du travail.

Martel et R.T.C. Garage, 2013 QCCLP 1693.

La jurisprudence bien établie de la CLP reconnaît que l'expression « le salaire et les avantages liés à l'emploi » qui se trouve à l'article 180 inclut la rémunération pour les heures supplémentaires qu'un travailleur aurait en toute probabilité effectuées s'il avait continué à exercer l'emploi qu'il occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle.

 Hydro-Québec (Gestion Acc. Trav.) et Bérubé, 2014 QCCLP 6461.

Pour le tribunal, la sauvegarde du salaire et des avantages liés à l'emploi constitue un moyen de soutenir et d'encourager le travailleur qui accepte d'être assigné temporairement pendant la période où il est incapable d'exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle. Il s'agit donc de préserver le statu quo ante. Ainsi dans la détermination des avantages dont le travailleur aurait bénéficié s’il avait continué d’exercer son emploi, le tribunal analyser les conditions de travail prévues dans l’emploi occupé au moment de la lésion, et non pas les conditions encadrant l’assignation temporaire.

Boni ou prime 

Selon la jurisprudence, un  boni ou une prime font partie des avantages qu'un travailleur peut recevoir de son employeur en plus de son salaire. Ainsi, quand le travailleur subit une lésion professionnelle et est en assignation temporaire, il a droit de recevoir tout boni ou prime comme s'il exerçait son emploi prélésionnel alors qu'il occupe un autre poste en assignation temporaire.

F.F.Soucy inc. et Gaudreault, [1991] C.A.L.P. 174.

Le travailleur a été affecté temporairement à un travail, en vertu de l'article 179. L'employeur devait le traiter, quant au salaire et aux avantages liés à l'emploi, exactement de la même façon que s'il avait occupé son ancien emploi. Il a le droit de recevoir une rémunération supplémentaire pour les quarts de soir et de nuit.

Arès et Hydro-Québec, C.L.P. 356354-63-0808, 29 mai 2009, L. Morissette.

Quant à déterminer si le versement d'une prime de garde constitue du salaire ou un avantage au sens de l'article 180, il existe une similitude avec les heures supplémentaires reconnues comme un avantage lié à l'emploi. Ainsi, la possibilité d'être sur une liste pour être éventuellement de garde et recevoir une prime afférente peut constituer un avantage.

Thibeault et Transport Lou Gra inc., 2011 QCCLP 5332.

L'article 180 doit être interprété de façon à protéger les gains qu'un travailleur en assignation temporaire aurait normalement réalisés n'eût été sa lésion professionnelle. Ainsi, le travailleur a droit à un boni mensuel de 4 % vu ses états de services passés, qui sont en quelque sorte garants de l'avenir.

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 373.

Horaire de travail

La jurisprudence du tribunal reconnaît que l'horaire de travail dont le travailleur bénéficiait avant sa lésion professionnelle est un avantage lié à l'emploi.

Bowater Produits forestiers du Canada et Tremblay,[2005] C.L.P. 1006.

L'horaire de travail est un avantage normatif qui est protégé par l'application de l'article 180. En effet, il est indéniable que travailler durant le jour du lundi au vendredi est un avantage pour le travailleur. L'employeur, en offrant une assignation temporaire qui ne respecte pas cet avantage, contrevient à l'article 180 et, en conséquence, le travailleur était en droit de refuser l'assignation temporaire de gardien de nuit.

Laplante et Provigo (division Montréal détail),[2007] C.L.P. 130.

Le fait pour le travailleur d'avoir accepté de travailler sur un quart de nuit chez l'employeur relève des avantages liés à l'emploi. En modifiant l'assignation temporaire qui avait d'abord été prévue sur un quart de nuit à celui d'un quart de jour, l'employeur prive le travailleur de cet avantage de travailler la nuit et de pouvoir occuper son autre emploi et vient ainsi à l'encontre des dispositions de l'article 180.

Beaulieu et Services de pers. Renfortech inc.,353233-62A-0807, 30 octobre 2008, R. Langlois.

Le tribunal considère que l'horaire de travail est un avantage lié à l'emploi prélésionnel qui, s'il est altéré, entre en conflit avec les termes de l'article 180. 

Les heures supplémentaires 

Selon la jurisprudence, un travailleur a droit de recevoir de son employeur une compensation pour les heures supplémentaires qu’il aurait effectuées à son poste régulier alors qu’il n’est pas en mesure d’en effectuer durant son assignation. Le travailleur doit toutefois prouver qu’il effectuait des heures supplémentaires avant sa lésion professionnelle, la fréquence à laquelle il en effectuait et qu’il en aurait faites ou aurait pu en faire pendant la période où il a été en assignation temporaire.  

Girard et Sico inc., [1998] C.A.L.P. 86.

De façon générale, la possibilité de faire des heures supplémentaires ne constitue pas un avantage prévu à l'article 180 compte tenu de son caractère aléatoire. Cependant, lorsque cette possibilité devient une probabilité dont est privé un travailleur, le caractère facultatif et aléatoire de la prestation à gagner revêt une dimension pouvant facilement être assimilée à un avantage lié à l'emploi. Le travailleur avait toujours accepté de faire des heures supplémentaires lorsque le travail offert correspondait à ses tâches habituelles. Ainsi n'eût été de sa lésion professionnelle, il aurait, en toute probabilité, effectué les heures supplémentaires offertes à son remplaçant. Il a droit à l'équivalent des heures supplémentaires qu'il aurait normalement effectuées.

Suivi :

Révision rejetée, C.A.L.P. 88518-03-9705, 28 avril 1998, M. Carignan.

Crown Cork & Seal Canada Inc. et Deschamps, [2003] C.L.P. 1593.

La CLP conclut que l'article 180 permet de réclamer une compensation pour les heures supplémentaires que l'on aurait effectuées n'eût été la lésion professionnelle. Quant à l'évaluation du nombre d'heures à payer, cela constitue une question d'appréciation de la preuve propre aux faits de chaque dossier. Cette appréciation doit prendre en considération deux aspects : l'expérience passée du travailleur à l'égard des heures supplémentaires et le maintien du volume d'heures supplémentaires par l'employeur pour la période d'assignation temporaire.

Shell Canada ltée et Perron, [2004] C.L.P. 517.

Le salaire et les avantages que le travailleur a le droit de recevoir pendant qu'il est en assignation temporaire comprennent, outre le salaire rattaché à l'emploi qu'il occupait, le paiement des heures supplémentaires qu'il aurait faites n'eût été de sa lésion professionnelle. La question est de savoir s'il aurait fait des heures supplémentaires et, si oui, combien. Il s'agit essentiellement d'une question de preuve qui doit tenir compte du contexte de chaque cas et dont le degré de certitude requis est celui de la prépondérance de preuve.

Corriveau Frégeau et Bombardier Aéronautique inc., C.L.P. 315776-61-0704, 9 septembre 2008, L. Nadeau.

La forme conditionnelle est utilisée pour énoncer que le travailleur est rémunéré comme s'il continuait d'exercer son emploi prélésionnel, ce qui n'est évidemment pas le cas. Cette fiction s'analyse à la lumière de l'objectif visé par l'article 180, soit de protéger la réalité des gains du travailleur ou de maintenir les bénéfices rattachés au poste de travail occupé lors de sa lésion professionnelle. Un travailleur peut donc réclamer, en vertu de cet article, une compensation pour les heures supplémentaires qu'il aurait effectuées n'eût été sa lésion professionnelle. L'évaluation du nombre d'heures supplémentaires à payer dépend de la preuve propre aux faits de chaque dossier.

Crown Cork & Seal Canada inc. et Tyo, C.L.P. 362097-64-0811, 5 octobre 2009, L. Boudreault.

Selon le tribunal, un travailleur a droit aux heures supplémentaires qu'il aurait en toute probabilité effectuées selon la proportion d'acceptation dans les années précédentes. Cette interprétation reconnaît que l'objectif de l'article 180 est de faire en sorte que le travailleur soit traité, quant au salaire et aux avantages liés à son emploi, de la même façon que s'il accomplissait l'emploi qu'il occupait avant sa lésion professionnelle.

Morneau et Ville de Terrebonne, C.L.P. 372105-63-0903, 16 février 2010, F. Mercure.

Un travailleur accidenté voit ses capacités fonctionnelles réduites en raison de sa lésion professionnelle et, si ses limitations restreignent sa capacité de travail et l'empêchent de faire des heures supplémentaires, la perte de gains qui en résulte est directement reliée à son accident du travail. Une telle conclusion est conforme à l'objectif premier de la loi qui est la réparation des conséquences qu'entraîne une lésion professionnelle pour un travailleur.