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. 326. Imputation des coûts - Accident attribuable à un tiers

Circonstances constituant une injustice

Accident de la circulation ou de la route

Camionneur

Camionnage de Candiac inc., C.L.P. 300687-62-0610, 23 octobre 2008, L. Couture.

Au moment de l’accident, le travailleur, un camionneur, revenait de sa pause-déjeuner. L’accident est survenu au milieu de la route alors que le travailleur regagnait son camion. L’accident dont il a été victime ne découle pas d’un risque lié d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur ou qui appartient essentiellement à pareilles activités. Le fait que le travailleur se soit trouvé au milieu de la route, après sa pause-déjeuner, ne fait pas partie des risques liés aux activités exercées par l’employeur, soit d’assurer le transport de marchandises. Lors de l’accident dont il a été victime, le travailleur, qui est un chauffeur pour l’employeur, était un piéton. Cet accident sort des risques liés aux activités de l’employeur. 

Routiers experts 2000 inc.,2011 QCCLP 5584.

Dans le cas d’un accident du travail attribuable au comportement d’un tiers sur le réseau routier, ce n’est pas parce que ce dernier contrevient à une règle de sécurité routière que l’employeur subit nécessairement une situation d’injustice. Certes, un tel comportement doit être pris en compte dans l’analyse du tribunal, mais il ne peut constituer le seul critère d’appréciation de l’injustice de l’imputation. En l'espèce, le conducteur, outre la contravention au Code de la sécurité routière, au comportement téméraire et dangereux en manoeuvrant son camion à reculons sur une voie publique. Cette manoeuvre dangereuse est effectuée alors que les conditions climatiques sont exécrables. Dans ce contexte, il y a lieu de conclure au caractère extraordinaire et inusité de l'accident du travail.

Compagnie rafraîchissements Coca-Cola Canada, 2014 QCCLP 1375.

Un accident de la route impliquant un travailleur qui est chauffeur-livreur de camion fait, en principe, partie des risques inhérents de son employeur et est relié aux activités de l’entreprise de ce dernier. Toutefois, les faits de la présente affaire sortent de ce cadre. L’employeur a plutôt fait la preuve que la cause de la collision qui a entraîné l’accident du travail présente un « caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel » au sens que lui donne la jurisprudence. Il n’est pas dans l’ordre des choses qu’un tel événement se produise, à savoir qu’une personne soit victime d’une collision frontale en raison du geste suicidaire d’une autre personne. Il s’ensuit, dans ces circonstances, que cette collision ne peut être considérée comme étant un événement faisant partie des risques inhérents de l’employeur ou étant reliée aux activités de son entreprise.

Chauffeur d’autobus

Société de transport de Montréal (Gest. lésions prof.), 2012 QCCLP 5875.

Alors que l’autobus conduit par le travailleur traverse à faible vitesse une intersection pendant que son feu de circulation est vert, il entend un bruit et sent quelque chose passer sous ses roues arrière. Il frappe un cycliste qui décède sur le coup. Les circonstances particulières en cause ne constituent pas un risque inhérent aux activités de l’employeur. La lésion psychologique d’un chauffeur d’autobus témoin d’une telle scène ne constitue pas un risque inhérent aux activités d’une entreprise de transport.

S.T.M. (Réseau des Autobus),2012 QCCLP 7770.

Agression verbale de la part d’un automobiliste qui coupe et barre le chemin d’un autobus, crie des insultes, fait des menaces au chauffeur, frappe dans la porte d’accès et le photographie avec son téléphone portable. L’agression verbale injustifiée dont a été victime le chauffeur n’est d’aucune façon liée aux activités de l’employeur. Les chauffeurs d’autobus circulent continuellement sur les voies publiques et sont exposés à des risques d’accident de la route. Le chauffeur doit, dans l’exercice de ses fonctions, partager la voie publique avec d’autres usagers. Cependant, le fait de subir une agression verbale aussi gratuite qu’injustifiée de la part d’un automobiliste ne fait pas partie des risques inhérents aux activités de l’employeur. Il ne s’agit pas d’un risque lié d’une manière étroite et nécessaire à ses activités. L’automobiliste en question n’est pas un usager du service d’autobus de l’employeur. La situation ne peut donc être assimilée à la gestion d’un client mécontent.

Autobus Yves Séguin & Fils inc., 2014 QCCLP 329.

La travailleuse conduit un autobus scolaire et fait un face à face avec un véhicule qui s’est retrouvé en sens inverse et qui a percuté le côté gauche de l’autobus. La tierce personne a commis une infraction au Code de la sécurité routière en circulant en sens inverse de la circulation alors qu’elle tente de tuer une araignée. Il va de soi que ce ne sont pas tous les accidents de la route qui donne ouverture à une imputation injuste envers un employeur. Toutefois, la tierce personne a fait preuve d’une négligence grossière envers elle-même et envers autrui en conduisant de cette façon. L'employeur a démontré que l'accident du travail dont la travailleuse a été victime présente un caractère extraordinaire, inusité, rare ou exceptionnel de la nature d’un guet-apens ou d’un piège. Il s’agit, de l’avis du tribunal, d’une situation incomparable ou unique qui risque peu de se reproduire.

Acte de civisme

Chauffeur d’autobus

S.T.M. (Réseau des autobus), C.L.P. 413194-63-1006, 8 décembre 2010, J.-F. Clément.

L'accident du travail dont la chauffeuse d’autobus a été victime lui a causé un choc nerveux et ne fait pas partie des risques inhérents aux activités de l'employeur. En effet, en allant porter secours à une personne blessée dans un accident de la route, dont elle venait d'être témoin, durant son travail de chauffeuse d'autobus, la travailleuse a posé un geste de civisme et il serait injuste que l'employeur en supporte les coûts, tel que reconnu par la jurisprudence majoritaire du tribunal.

Activité de confort

Chauffeur d’autobus

S.T.M. (Réseau des Autobus), 2013 QCCLP 3505.

Même si le fait pour un chauffeur de se rendre aux toilettes est une activité de confort qui pourrait être considérée comme étant reliée au travail et faisant partie des risques pour lesquels l’employeur s’assure, ce dernier ne peut s’attendre à ce qu’un chauffeur se fasse bousculer par des coureurs lorsqu’il effectue cette activité. Ainsi, un accident du travail qui survient dans de telles circonstances ne fait pas partie des risques inhérents aux activités de l’employeur, pour lesquels il s’assure.

Agression physique ou verbale

Ambulancier

Ambulances Drummond Dessercom inc., 2014 QCCLP 2047.

Le travailleur, un ambulancier, se blesse en essayant d’intercepter et de maîtriser un patient intoxiqué et suicidaire qui tente de s’enfuir à l’arrivée des policiers. Cela ne fait pas partie des tâches qui lui sont assignées ou des protocoles d’intervention élaborés. Le travailleur s’immisce dans une situation, soit retenir un patient en fuite, qui relève du travail policier et non de celui du paramédic. Il le fait certes de bonne foi, mais il n’en demeure pas moins qu’il va alors au-delà des fonctions qui sont attribuées. Il s’agit donc d’une situation anormale ou inusitée qui ne fait pas partie des risques supportés par l’employeur. Il en irait tout autrement si, dans le cours des traitements auprès d’un patient agité, celui-ci avait blessé le travailleur. Une telle situation est englobée dans les risques inhérents aux activités de l’employeur, soit la fourniture de services de santé à une population qui, parfois, ne collabore pas ou est plus difficile à maîtriser.

Enseignant

Commission scolaire Lester B. Pearson, 2012 QCCLP 8232.

En voulant séparer deux élèves qui se battaient, l’enseignante se fait frapper au visage par un des élèves. Les circonstances de l'événement sont en dehors du cadre de travail normal d'une enseignante. Certes, le travail d'enseignant implique de donner des directives, mais l'intervention physique pour séparer deux élèves qui se battent dépasse le cadre normal de l'enseignement. Le geste de l'enseignante ne fait pas partie du risque particulier relié à l'activité de l'employeur, dont la vocation est d'instruire les jeunes, d'enseigner.

Infirmière ou préposée aux bénéficiaires

CSSS Pierre Boucher, 2012 QCCLP 7819.

Une infirmière à l’urgence reçoit des menaces de mort d’un homme qui se présente pour une consultation en psychiatrie. La situation dépasse manifestement la plainte d’un client intolérant ou insultant qui critique les services dispensés. Le patient s’en prend à la travailleuse personnellement et à sa famille les menaçant de mort. Le tribunal ne peut conclure que la situation en l’espèce fait partie des risques inhérents des activités de l’employeur puisqu’elle est inhabituelle et unique dans le cours des 20 dernières années chez ce dernier. Le patient a menacé la travailleuse pendant quatre heures de la tuer et d’exterminer sa famille. Il a aussi menacé les policiers, qui sont les représentants de l’ordre. Il a passé 52 jours emprisonné. Il a été trouvé coupable des accusations criminelles portées contre lui. Il est assujetti à une ordonnance à garder la paix d’une durée d’un an. C’est à sa sortie de prison que la travailleuse craint qu’il ne mette ses menaces à exécution. D’ailleurs, le patient se représente à l’hôpital par la suite. Ces circonstances sont inusitées, exceptionnelles. Le tribunal ne peut conclure que ces situations font partie du lot habituel de la travailleuse ou des risques inhérents aux activités de l’employeur. La lésion professionnelle a été causée durant et à la suite de l’accomplissement d’un acte criminel, qui transcende la notion de risque inhérent se rattachant aux activités de l’employeur ou aux tâches de la travailleuse.

Hôpital Général Juif Sir Mortimer B. Davis et CSST, 2013 QCCLP 6470.

Le travailleur occupe un emploi de préposé aux bénéficiaires au service d’urgence chez l’employeur lorsqu’il est agressé par un patient. L’accident du travail dont le travailleur a été victime ne relève pas des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur. L’employeur est un centre hospitalier général. Ses activités générales consistent à prodiguer des soins à des patients. Ses activités particulières au département de l’urgence n’incluent pas la maîtrise des patients agressifs, mais bien l’évaluation de l’état de santé de ces patients et la détermination des soins à dispenser. La lésion professionnelle dont a été victime le travailleur ne fait donc pas partie des risques inhérents ou particuliers aux activités exercées par l’employeur au département de l’urgence.

Gardien de nuit

Gardium Sécurité, 2012 QCCLP 2750.

Lorsque le comportement du tiers s’avère particulièrement outrageant et qu’il se livre à une agression physique susceptible de poursuite pour infraction criminelle grave, il s’agit dès lors d’une situation rare et exceptionnelle qui va à l’encontre des valeurs sociétales fondamentales.

Hôtel Le Président, 2013 QCCLP 5091.

Le gardien (auditeur) de nuit d’un stationnement extérieur d’un hôtel est confronté aux risques d’une certaine forme de danger ou de menace, de manière très générale, qui font partie des risques inhérents à la nature de l’ensemble des activités exercées par l’employeur, mais les circonstances de son agression revêtent un caractère extraordinaire ou exceptionnel.

Blessure lors d’une activité de surveillance

Enseignante ou éducatrice

Comm. Scolaire de la Capitale, 2012 QCCLP 5357.

La travailleuse occupe un emploi d’enseignante chez l’employeur. Alors qu’elle accompagne ses élèves dans le cadre d’une sortie culturelle au Carnaval de Québec, elle est frappée par la resurfaceuse qui sert à damer les descentes des glissades Desjardins. Bien qu’il soit normal, pour un professeur, d’accompagner ses étudiants dans le cadre d’une activité parascolaire et que le tout s’inscrive dans la mission d’éducation des établissements d’une commission scolaire, il n’en reste pas moins que les circonstances qui ont joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel doivent être qualifiées d’inusitées, de rares ou d’exceptionnelles. Le tribunal ne comprend pas comment on peut autoriser des travaux d’entretien d’une piste lorsque des gens y exercent leur sport favori. La présence d’une resurfaceuse dans les circonstances de ce dossier équivaut à un piège ou à une contravention à une règle élémentaire de l’art. Les probabilités qu’un semblable accident survienne sont faibles. Le fait qu’un accident survienne sur une pente alors que deux personnes entrent en collision est une chose. Être frappé par de la machinerie qui doit aménager la piste en est une autre et le tribunal estime que l’employeur n’a pas à assumer les conséquences de cet accident.

Chute sur une surface glacée ou glissante

Enseignante

Commission scolaire des Navigateurs et S.E.D.R., [2010] C.L.P. 515.

Bien que le motif pour lequel la travailleuse se rendait dans les bureaux du syndicat fait partie des risques inhérents ou reliés aux activités de l'employeur, les circonstances prévalant au moment où elle a dû emprunter le stationnement glacé pour se rendre au bureau du syndicat, soit l'absence d'abrasif et de signalisation d'un danger, constituent un piège au sens où l'entend la jurisprudence.

Manquement à une règle de sécurité ou aux règles de l’art

Passager d’avion

A. Hébert & Fils inc. et Aéropro, [2010] C.L.P. 559.

Il serait injuste pour l'employeur d'être imputé du coût des prestations dues en raison de l'accident du travail attribuable à un tiers, soit le transporteur aérien. En effet, le travailleur a été blessé lorsque l'avion dans lequel il se trouvait, à la fin de son contrat pour retourner chez lui, a capoté après deux tentatives d'atterrissage infructueuses, et ce, en raison du fait que le pilote n'a pas agi conformément aux règles de l'art selon le rapport d'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Passager de taxi

Centre de santé et de services sociaux Dorval-Lachine-LaSalle, 2011 QCCLP 4580.

Accident automobile survenu à deux des travailleuses de l’employeur en formation à l'extérieur du pays alors qu'elles se trouvaient dans un véhicule taxi. Bien que les circonstances qui ont causé l'accident fassent partie des risques inhérents à l'ensemble des activités de l'employeur, il n'en demeure pas moins qu'elles sont à ce point exceptionnelles, rares et inusitées qu'il serait injuste d'en imputer le coût à l'employeur. Le chauffeur de taxi, soit le tiers, a fait preuve de témérité, d'inattention et d'incompétence peu communes qui l'ont amené à transgresser les règles de sécurité et de prudence les plus élémentaires dans la conduite d'un véhicule taxi.

Travailleur témoin d’un accident ou d’une agression

Chauffeur d’autobus

Société de transport de Montréal, 2012 QCCLP 4864.

Un cycliste se fait heurter juste devant l’autobus qui attendait au feu de circulation. Aucun élément de preuve ne permet de conclure que l’accident en cause ne s’inscrit pas dans le cadre de l’ensemble des activités de l’employeur. D’être spectateur d’un accident de la route pour un chauffeur d’autobus ne peut surprendre. Toutefois, de voir passer sous ses yeux un cycliste qui tombe ensuite inconscient sur la chaussée constitue des circonstances rares, inhabituelles, peu susceptibles de se produire, qui suscitent un sentiment d’horreur, d’impuissance faisant en sorte que l’on sort du risque assuré de l’employeur.

Circonstances ne constituant pas une injustice

Accident de la circulation ou de la route

Ambulancier

Corporation Urgences-Santé, C.L.P. 402334-71-1002, 6 août 2010, J.-F. Martel.

La tâche d’ambulancier effectuée par le travailleur implique qu’il se déplace fréquemment en véhicule d’urgence et qu’il soit ainsi exposé aux risques d’accidents automobiles. En fait, vu la nature même des déplacements effectués (urgence nécessitant de circuler à haute vitesse et de ne pas toujours respecter les signaux d’arrêt et feux lumineux aux intersections), le travailleur est davantage exposé aux risques de collisions que la majorité des usagers de la route. L’employeur qui requiert de ses employés l’exécution de cette tâche dans le cadre de ses activités d’affaires assume, par conséquent, le risque qu’un tel accident survienne. Si ce risque se concrétise sous la forme d’un accident du travail causant une lésion professionnelle, l’employeur doit en supporter les conséquences financières, aux termes de la règle générale d’imputation.

Auxiliaire familiale

Centre de santé et de services sociaux du Sud-Ouest-Verdun et CSST, 2012 QCCLP 5188.

Une auxiliaire familiale et sociale se fait frapper par un autobus alors qu’elle circule comme piéton. Le risque d’être victime d’un accident de la circulation pour une auxiliaire familiale et sociale est inhérent aux activités dispensées par l'employeur. En effet, celle-ci doit, dans l’exercice de ses fonctions, utiliser les voies publiques pour se rendre à pied chez les différents bénéficiaires auxquels son employeur l’a assignée dans le but de leur prodiguer des soins ou de dispenser des services à domicile. Or, dans plusieurs causes, le tribunal a reconnu que le fait de circuler sur la voie publique pouvait impliquer des risques d’accident de voiture et des collisions impliquant d’autres véhicules. Le même raisonnement et la même logique doivent s’appliquer dans le cas d’une auxiliaire familiale et sociale qui, au lieu d’utiliser une automobile, circule plutôt à pied sur la voie publique pour se rendre chez les bénéficiaires au moment où elle est malheureusement happée par un autobus. En se déplaçant ainsi, afin de se rendre chez les bénéficiaires, elle s’expose à la survenance d’un tel accident. Les déplacements sur la voie publique des auxiliaires familiales et sociales assignées à se rendre au domicile de différents bénéficiaires, que ce soit à pied ou en voiture, constituent une activité faisant partie intégrante des activités de l'employeur. La survenue d’un tel accident fait donc partie des « risques inhérents à l’ensemble des activités exercées par l'employeur ».

Manœuvre spécialisé

Entreprise Ployard 2000 inc. et CSST, 2012 QCCLP 4959.

L’installation de glissières sur le bord de la route implique des risques d’accident entre les véhicules qui y circulent et les ouvriers qui y œuvrent. Dans ce contexte, être victime d’une collision lorsque l’employeur requiert que les tâches soient effectuées en bordure de la route fait partie des risques inhérents que ce même employeur doit assumer et pour lesquels il est dûment tarifé. Même si le tiers responsable a effectivement contrevenu par son comportement à une disposition législative ou réglementaire visant à régir la sécurité des travailleurs sur un chantier, que ce soit par le biais d’un non-respect de la signalisation ou par le biais d’un comportement téméraire, le tribunal n’y voit pas là davantage une preuve d’une circonstance extraordinaire, inusitée, rare ou exceptionnelle puisque, logiquement, les accidents de la route constituent un fait courant susceptible de se produire sur une voie de circulation. Il ne faut pas attacher d’importance particulière à l’argument du délit de fuite soulevé par l’employeur, toujours dans le but de qualifier l’imputation d’injuste en l’espèce, puisque le fait qu’un conducteur se soit défilé du lieu de l’accident dûment reconnu, tout aussi déplorable qu’il soit, n’a pas contribué à la survenance de l’accident puisqu’il s’agit d’un geste postérieur à l’événement.

Activité à l’extérieur des lieux habituels

Enseignante ou éducatrice

Commission scolaire de la Jonquière, 2013 QCCLP 2516.

Chaque année, l’employeur organise des sorties à l’extérieur de l’école avec les élèves et lors desquelles les enseignants les accompagnent. Il en découle donc que ce type d’activité, dont l’organisation d’un spectacle de Noël, s’inscrit à l’intérieur de la mission éducative de l’employeur. Par conséquent, les accidents qui se produisent lors du déplacement des employés pour y participer, notamment la chute d’une enseignante dans les marches donnant accès au perron de l’église où les élèves donnent ce spectacle de Noël, font partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur.

Agression physique ou verbale

Agent ou gardien de sécurité

Sécurité Kolossal inc. et CSST,C.L.P. 386641-71-0908, 27 juillet 2010, L. Boucher.

Les risques d’agression font partie des risques inhérents à l’emploi d’agent de sécurité selon les contextes. La CLP ne peut qualifier d’inusité ou d’exceptionnel, pour un agent de sécurité exerçant son travail dans l’établissement de l’UQAM, lors d’une ronde de vérification de lieux, d’avoir affaire à des individus qui tentent de commettre un vol et d’être exposé à leur réaction. Là est justement la raison d’être de l’agent de sécurité et de l’employeur, c’est-à-dire d’assurer la surveillance et la sécurité de tels établissements et d’assumer la protection des biens et des personnes. S’il n’y avait aucun danger potentiel dans cet établissement, l’entreprise l’exploitant n’aurait pas à faire appel à une agence de sécurité.

Sécurité Kolossal inc., 2011 QCCLP 874.

Il fait partie de ces risques qu’un agent de sécurité soit menacé à l’aide d’un couteau ou encore verbalement par un individu qu’on a déjà arrêté dans le cadre son travail. Rien ne démontre le caractère extraordinaire, inusité, rare ou exceptionnel des événements survenus en litige dans le cadre des activités d’une agence de sécurité. Même s’il peut être question ici d’actes criminels, il est de l’essence même du travail d’un agent de sécurité, comme d’un policier, de faire face à des actes criminels de façon régulière. Finalement, les probabilités qu’un semblable accident survienne compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi d’agent de sécurité sont évidentes.

Ambulancier

Corporation Urgence-Santé, 2011 QCCLP 4329.

L’employeur offre des services ambulanciers à une clientèle diversifiée, dont à des individus qui sont susceptibles de se comporter de manière plus ou moins agressive en raison d’un état de santé particulier, de telle sorte qu’une blessure subie par un de ses techniciens ambulanciers à l’occasion d’un tel comportement, bien que cela soit regrettable, fait partie de ses risques assurés compte tenu de la nature même des activités qu’il exerce. À maintes reprises, il a été décidé que ce type d’accident devait être considéré comme faisant partie des risques inhérents à l’exploitation d’une entreprise de services ambulanciers. Certaines situations commandent certes une analyse différente compte tenu de circonstances extraordinaires, inusitées, rares ou exceptionnelles qu’il faut prendre en considération et qui justifient de conclure qu’une situation factuelle donnée ne relève pas des risques que comportent les activités de l'employeur, mais une telle preuve n’est pas offerte par l’employeur.

Suivi :

Révision rejetée, 2012 QCCLP 3923.

Corporation d’Urgence-Santé, 2012 QCCLP 5558.

Un technicien-ambulancier reçoit des coups de pied dans l’abdomen en maîtrisant un bénéficiaire dans l’ambulance avec l’aide des policiers. Le risque d’agression fait partie des risques inhérents aux activités de l’employeur chargé de prodiguer des soins et d’effectuer le transport d’individus vers des centres hospitaliers, et ce, d’autant que la clientèle en cause peut concerner à l’occasion des personnes présentant des troubles d’ordre psychologique, comme ce fut le cas en l’espèce. Qu’un policier soit le premier intervenant appelé à se présenter auprès du bénéficiaire ne change en rien cette conclusion. Il est clair qu’il ne saurait être question dans le présent dossier de circonstances exceptionnelles, inusitées ou rares s’assimilant notamment à un piège ou à un guet apens dans la mesure où les ambulanciers savaient très bien en se rendant sur les lieux de la cueillette qu’ils avaient affaire à une personne psychotique confuse ayant omis de prendre sa médication depuis quelques jours puisqu’ils en avaient été avisés justement par les policiers présents. Les probabilités que la bénéficiaire décompense dans un tel contexte étaient donc connues et prévisibles.

Enseignante

Commission scolaire A, 2011 QCCLP 2495.

La travailleuse enseigne l’anglais, langue maternelle et langue seconde, au niveau secondaire. Pendant qu’elle écrit des explications au tableau, alors qu’elle a le dos tourné, un élève lance un taille-crayon qui frappe le tableau à proximité de la travailleuse. Elle sort de la classe ne se sentant pas en sécurité. Bien que l’employeur soutienne que l’institution où survient le fait accidentel n’a pas une vocation particulière auprès d’une clientèle reconnue comme agressive, il n’y a aucune preuve qui a été présentée en ce sens au tribunal. La seule argumentation de la procureure de l’employeur est insuffisante pour démontrer le profil de l’institution à l’intérieur de laquelle est survenue la lésion professionnelle. L’analyse des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur et du caractère rare, inusité ou exceptionnel des circonstances de l’accident du travail devra tenir compte que les activités de l’employeur s’exercent auprès d’élèves qui ne sont pas tous nécessairement pareils, que ce soit sur le plan intellectuel, social, familial ou comportemental. Le fait bien qu’imprévisible de lancer un taille-crayon en direction d’un professeur ne constitue pas un acte extraordinaire, rare, inusité ou exceptionnel dans le cadre de l’exercice de la tâche d’enseignant au secondaire. En l’absence de preuve quant au contexte à l’intérieur duquel cet événement survient, il ne s’agit pas d’une manifestation d’agressivité telle que cet événement déborde du cadre d’une relation professeur-élève qui peut fluctuer selon les circonstances.

Commission scolaire Pointe de l’Île, 2013 QCCLP 5690.

La travailleuse, surveillante d’élèves durant l’heure du dîner dans une école offrant des services aux personnes handicapés, est frappé par la tête d’un élève. Il présentait déjà ce type de comportement et était connu de la travailleuse avant l’événement. Le tribunal ne peut conclure que l’accident en question est survenu dans un contexte rare et inhabituel. Il appert nécessaire, dans l’analyse des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur ou du caractère rare, inusité ou exceptionnel des circonstances entourant la survenance de l’accident du travail, de considérer la nature de ces activités dans leur ensemble, et donc tous les types de clientèles auprès desquelles la commission scolaire œuvre, incluant les personnes handicapées, comme en l’espèce. L’accident est survenu dans une école offrant des services particuliers à une clientèle handicapée, et l’élève impliqué est atteint d’autisme et donc peut présenter des comportements particuliers, parfois inappropriés. En outre, il ne s’agit pas d’un cas d’agression violente ou gratuite, qui pourrait être qualifiée de phénomène de société qui déborde du cadre normal des activités de l’employeur.

Infirmière ou préposée aux bénéficiaires

Centre de santé et de services sociaux de Saint-Jérôme, C.L.P. 312774-61-0703, 19 septembre 2008, G. Morin.

L’employeur soumet qu’un accident du travail dont la cause est une manifestation d’agressivité de la part d’un patient ne fait pas partie des risques reliés à ses activités puisque c’est un centre de soins de courte durée qu’il exploite. On peut certes concevoir que de tels accidents font davantage partie des risques associés à l’exploitation d’un établissement dont la vocation est précisément de prodiguer des soins à des individus susceptibles de se comporter de manière agressive compte tenu de la particularité de leur état de santé, mais on ne peut pas d’emblée conclure que des manifestations d’agressivité à l’endroit du personnel soignant ne font pas partie des risques reliés aux activités de l’employeur du seul fait qu’elles surviennent dans un centre de soins de courte durée. L’employeur doit offrir une preuve à cet égard, ce qui n’est pas fait dans la présente affaire.

Centre de santé et de services sociaux de Chicoutimi - Hôpital de Chicoutimi, 2012 QCCLP 2881.

Le travailleur est un préposé aux bénéficiaires dans un pavillon exclusivement consacré aux soins de nature psychiatrique. Le bénéficiaire, dont il est question, est hospitalisé et présente des problèmes d’ordre schizophrénique. Son comportement agressif est connu par l’employeur. En effet, il est rapporté que ce bénéficiaire a démontré des comportements belliqueux envers un autre bénéficiaire quelques jours auparavant et, juste avant l’événement, auprès d’une infirmière. Il représente donc un potentiel d’agressivité connu par l’employeur et qui était donc prévisible. Dans un tel contexte, il revient à l’employeur de démontrer que le comportement agressif du patient ne fait pas partie des symptômes pour lesquels il est soigné. Une telle preuve n’a pas été présentée. Le tribunal ne retient pas l’argumentation de l’employeur qui soutient que les patients de l’unité B présentent moins de risque que ceux des autres unités. Il n’en demeure pas moins que l’unité B offre des soins à des patients ayant des troubles mentaux de niveaux modéré à grave. Dans un tel contexte, une agression envers un préposé aux bénéficiaires ne peut être assimilée à un événement inhabituel ou exceptionnel, et ce, même si le travailleur n’était pas spécifiquement assigné au bénéficiaire dont il est question. Que le comportement du bénéficiaire ait été violent et que sa mobilisation ait nécessité l’intervention de plusieurs intervenants, dont la police, n’en fait pas en soi un événement exceptionnel, et ce, avec respect pour l’opinion contraire. La nature particulière d’une agression dans un contexte où elle n’est pas censée se produire pourrait amener le tribunal à conclure autrement, mais les faits mis en preuve ne permettent pas de suivre ce raisonnement. En conséquence, l’événement d’origine constitue un risque qui n’est pas exorbitant de ceux encourus par l’employeur dans le cadre de ses activités. En effet, il ne s’agit donc pas de déterminer si les agressions font partie des risques assumés par un employeur, mais plutôt de déterminer si l’événement, en lui-même, est assimilable à de tels risques auxquels s’expose l’employeur dans le cadre de ses activités.

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 2450.

Hôpital Maisonneuve-Rosemont et CSST, 2013 QCCLP 3740.

Une préposée aux bénéficiaires à l’urgence se fait agresser par un patient sous l’effet de drogues, lequel la pique avec une seringue avant d’être maitrisé par d’autres préposés appelés en renfort. Si la surveillance de tels patients fait partie des tâches d’une préposée affectée à l’urgence et que l’employeur, dans sa gestion de son personnel, décide d’établir une méthode de travail et d’intégrer une telle surveillance dans les tâches d’une préposée aux bénéficiaires de l’urgence, c’est que l’employeur estimait qu’il y avait un certain risque associé au comportement de tels patients. Ce risque est d’autant plus prévisible qu’une procédure appelée « code blanc » a été instaurée pour intervenir dans des cas comme celui en l’espèce. Il ne s’agit donc pas ici, d’une situation équivalant à un piège ou à un guet-apens, comme rapporté dans la décision Ministère des Transports. Par ailleurs, la distinction, au moment de l’imputation du coût des lésions découlant d’une agression par un patient, en fonction de l’unité de classification qui était accordée à un employeur, selon qu’il s’agissait d’un hôpital de soins généraux versus un hôpital psychiatrique, ne peut plus prévaloir en l’espèce puisque les centres hospitaliers et/ou hôpitaux psychiatriques font tous parties de la même unité de classification.

Policier non en service

Ville de Gatineau, 2011 QCCLP 2459.

Le fait que le travailleur, un policier, se soit fait agresser par un motard dans un bar, alors qu'il n'était pas en service, est un risque susceptible de survenir d'autant plus que c'est en raison de son statut de policier qu'il a été agressé. À partir du moment où, de sa propre initiative, il a décidé d'intervenir auprès du groupe de motards, il a agi comme s'il était en devoir. L'ensemble des coûts reliés à la lésion professionnelle du travailleur doit être imputé au dossier de l'employeur. 

Suivi :

Révision rejetée, 2012 QCCLP 3656.

Blessure lors d’une activité de surveillance

Enseignante ou éducatrice

Commission scolaire des Affluents, C.L.P. 298404-63-0609, 21 octobre 2009, J.-P. Arsenault.

La travailleuse reçoit une balle de tennis sur l’oreille pendant la récréation des élèves de l’école où elle enseigne. Les activités de surveillance que l’employeur demande à ses professeurs d’accomplir durant les périodes de récréation des étudiants font partie de la nature de l’ensemble des activités d’enseignement qu’il exerce. Autrement, il ne les inclurait pas dans les tâches qu’il confie à ses enseignants. Le fait d’exercer des tâches d’enseignement ou de surveillance dans les écoles comporte des risques d’accident reliés à ces activités. La jurisprudence du tribunal qualifie ces risques de « risques inhérents ». Ils ne peuvent en être dissociés. 

Chute sur une surface glacée ou glissante

Camionneur

Transport TFI 15, S.E.C., 2012 QCCLP 2215.

Le fait pour un camionneur de faire une chute sur une plaque de glace dans le stationnement d’un client de son employeur fait partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur. En effet, il apparaît manifeste qu’une proportion importante des employés d’une compagnie offrant des services de transport de marchandises, en l’occurrence les camionneurs, doivent se rendre chez différents clients de l’entreprise pour livrer ou prendre possession de diverses marchandises. Il est également évident qu’ils doivent se déplacer à l’extérieur dans le cadre de leurs tâches habituelles, ce qui implique notamment de marcher dans un stationnement où il est habituel de retrouver des plaques de glaces en hiver, compte tenu des conditions météorologiques qui prévalent au Québec durant la saison froide. Il est plus que probable qu’un tel accident survienne occasionnellement à un camionneur au service de l’employeur, compte tenu du contexte dans lequel un travailleur exerçant une telle fonction accomplit ses tâches et en considérant les conditions d’exercice d’un tel emploi. Enfin, le tribunal ne voit pas de quelle manière il pourrait conclure à une situation extraordinaire, inusitée, rare ou exceptionnelle en fonction de la preuve qui lui a été présentée. En effet, la preuve démontre que l’entretien du passage où est survenu l’accident était régulièrement négligé, voire déficient. Le travailleur était au courant de cette situation puisqu’il a témoigné à ce sujet devant le tribunal. La preuve ne révèle également aucune situation exceptionnelle qui serait survenue le 16 février 2011 et qui pourrait être assimilée à un piège ou guet-apens pour le travailleur, tel un changement brusque et inattendu de l’état de la chaussée en cette journée en raison des conditions climatiques qui prévalaient.

Chauffeur-livreur

Fromagerie Champêtre, 2013 QCCLP 6230.

Le travailleur glisse sur la glace et fait une chute dans le stationnement arrière d’un client. Le fait pour un travailleur chauffeur-livreur de faire une chute alors qu’il est dans l’exécution de ses tâches fait partie des risques inhérents aux activités exécutées par l'employeur. Il n’y a pas de preuve que le tiers impliqué se trouve dans une telle situation imparable provoquée par un événement exceptionnel. La preuve dont dispose le tribunal ne démontre pas de circonstances particulières qui auraient pu constituer un guet-apens ou un piège dans la survenance de l’accident. 

Manquement à une règle de sécurité ou aux règles de l’art

Ouvrier de la construction

Bourque Construction inc. et Construction Decarel inc. C.L.P. 302681-62-0611, 31 août 2009, R. L. Beaudoin.

L’entrepreneur général n’a pas protégé adéquatement une ouverture dans le plancher d’un immeuble en construction en déposant seulement une feuille de contreplaqué sur ce trou, et le travailleur est tombé dans l’ouverture. La contravention à un règlement du Code de sécurité pour les travaux de construction ne constitue pas un fait rare, exceptionnel ou inusité. Plusieurs accidents de ce type se produisent chaque année et causent des décès et des blessures importantes à des travailleurs. Il ne s’agit donc pas d’un événement inusité ou improbable.

Ferrailleurs du Québec inc., 2011 QCCLP 5862.

Le travailleur est ferrailleur chez l’employeur et a subi une fracture du calcanéum en chutant d’une hauteur de près de 10 pieds. Il ressort du témoignage du travailleur que les ferrailleurs doivent procéder rapidement, ce qui l’a conduit, en toute connaissance de cause, à débuter son travail malgré l’absence de garde-corps. La contravention à un règlement ne constitue pas un fait rare, exceptionnel ou inusité. Bien qu’on puisse présumer qu’un garde-corps aurait permis au travailleur d’éviter de faire une chute, la preuve soumise ne permet pas d’exclure complètement et totalement la participation du travailleur à l’événement du 3 juin 2010.

Travailleur témoin d’un accident ou d’une agression

Chauffeur d’autobus

S.T.M. (Réseau des Autobus), 2011 QCCLP 116.

Le chauffeur est témoin de l’agression d’une cliente par un passager. Il fige sans porter assistance à la cliente. Les circonstances à l'origine de la lésion professionnelle de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse ne sont pas étrangères aux risques inhérents aux activités de l'employeur et ne sont pas extraordinaires, inusitées ou exceptionnelles. En effet, les activités de l'employeur consistent en du transport de passagers et, selon ses propres dires, les personnes agressives et vindicatives, en état d'ébriété ou perturbées psychologiquement font partie de sa clientèle.