La portée de l’article 352 de la LATMP
Notion de droit par rapport à celle d'obligation
Il y a lieu de distinguer la notion de droit de celle d’obligation, puisque l’article 352 de la LATMP s’applique seulement aux délais accordés pour l’exercice d’un droit.
Toutefois, lorsque l'obligation est assortie d'un droit, il est possible d'avoir recours à l'article 352 pour prolonger un délai.
- Transport Midland ltée et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1989] C.A.L.P. 866.
L’employeur ne peut être relevé de son défaut d’avoir produit la déclaration des salaires dans le délai imparti puisque l’article 352 ne permet pas à la CSST d’accorder de prolongation de délai en ce qui a trait à une obligation.
- Pajar production ltée et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.A.L.P. 50124-60-9303, 27 janvier 1995, G. Robichaud.
L’article 352 de la LATMP ne s’applique pas lorsque l’employeur fait défaut de payer le montant de sa cotisation en vertu de l’article 315 de la LATMP puisqu’il s’agit d’une obligation et non de l’exercice d’un droit.
- Reitmans inc. (bureau est du Canada) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1999] C.L.P. 1033.
En vertu de l'article 352 de la LATMP, seuls les délais concernant l'exercice d'un droit peuvent faire l'objet d'une prolongation par la CSST, ce qui exclut les délais imposés pour répondre à une obligation faite en vertu de la Loi.
- Gesticam International ltée, 2012 QCCLP 3684.
L’article 352 de la LATMP ne peut servir d'assise à la prolongation d'un délai prévu pour satisfaire à une obligation énoncée à la Loi. Un employeur ne peut donc être relevé des conséquences de son défaut d'avoir produit sa déclaration des salaires dans le délai. La production de cette déclaration ne constitue pas un droit, mais bien une obligation législative impérative à laquelle sont rattachés des intérêts et des pénalités. Ainsi, quel que soit le motif du retard, la Commission et le Tribunal n'ont pas le pouvoir de le relever de son défaut ou de prolonger le délai prévu à la Loi ou au règlement.
- Construction Michel Stratis inc., 2016 QCTAT 639.
L’article 352 de la LATMP ne s’applique pas dans les cas des articles 10 du Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations et 232 du Règlement sur le financement. L'intention du législateur à l'article 352 est de permettre au Tribunal de prolonger un délai lorsqu'il s'agit de l'exercice d'un droit alors qu’aux articles 10 et 232 de ces règlements, il ne s'agit pas de l'exercice d'un droit.
- 9137-7143 Québec inc. et Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2016 QCTAT 2602.
Les articles 232 et 233 du Règlement sur le financement prévoient à quelles conditions la Commission peut procéder à une nouvelle détermination de la cotisation. Le Tribunal doit décider si l'employeur a fait la preuve d'un motif raisonnable lui permettant d'être relevé de son omission d'avoir respecté le délai de six mois prévu au Règlement en vertu de l'article 352 de la LATMP. Il est vrai que l'employeur qui transmet une déclaration des salaires exécute alors une obligation. Toutefois, lorsqu'il demande à la Commission de corriger une erreur, il exerce plutôt un droit, soit celui de demander la modification d'un avis de cotisation. Une telle demande équivaut à l'exercice d'un droit puisqu'elle entraîne une décision de la Commission qui, elle-même, est contestable.
Voir cependant :
- Matador Convertisseurs cie ltée et CSST, C.A.L.P. 75715-60-9601, 27 mars 1997, M. Billard.
La Commission pouvait prolonger le délai pour l’envoi de la déclaration des salaires, puisqu’elle doit rendre ses décisions suivant l’équité d’après le mérite réel et la justice du cas. Le droit de l’employeur de ne pas être pénalisé pour la production hors délai du formulaire constitue un droit pour lequel il peut demander la prolongation du délai ou être relevé des conséquences de son défaut de le respecter s’il démontre un motif raisonnable expliquant son retard. La détermination d’un droit est parfois plus subtile que la lecture rigide des articles de la Loi qu’en font la Commission et le Bureau de révision. De plus, un droit peut découler d’une obligation imposée par la Loi.
- Ateliers d'usinage C.L. inc. et Usinage Ferland inc., [2003] C.L.P. 1.
Même si la CSST fait valoir qu'aucune disposition législative ne permet l'annulation des pénalités et frais imposés aux employeurs en application des articles 319 et 323, la CLP croit que l'article 352 LATMP permet à la CSST de prolonger le délai prévu par l'article 292 ou de relever l'employeur des conséquences de son défaut de le respecter si un motif raisonnable est démontré, comme ce serait le cas si les documents, en l'espèce, avaient été égarés par la Société canadienne des postes ou par la CSST elle-même. Dans le contexte où le délai en cause constitue de toute évidence un délai « accordé par la présente loi » pour l'exercice d'un droit, en l'occurrence celui de satisfaire aux exigences rendant admissible à la protection qui y est prévue, l'article 352 pourrait trouver application.
Absence de pouvoir discrétionnaire
Hormis l'appréciation du caractère raisonnable du motif invoqué pour justifier un retard, le législateur n'a pas conféré de pouvoir discrétionnaire à la CNESST. Ainsi, dans la mesure où une personne démontre un motif raisonnable, la CNESST doit prolonger le délai ou la relever de son défaut de l'avoir respecté.
- Institut Armand Frappier et Pontbriand (Succession de), [1998] C.L.P. 318.
Le pouvoir de relever quelqu'un de son défaut n'est pas un pouvoir qu'on peut exercer d'une façon purement discrétionnaire ou en ne se basant que sur la sympathie que peut inspirer un cas précis. Les délais prévus à la Loi sont des délais sérieux qui doivent être respectés, à moins d'avoir un motif sérieux pour expliquer le retard. La CSST n'a pas expliqué pourquoi elle relève le travailleur de son défaut d'avoir produit sa réclamation dans le délai. Elle ne réfère qu’à des motifs qui lui semblent raisonnables, sans les préciser. Le travailleur n'a pas fait la preuve d'un motif raisonnable l'ayant empêché de réclamer dans les délais prévus à la Loi.
- Mercier et Communauté urbaine de Montréal, C.L.P. 94969-63-9803, 21 janvier 1999, C. Demers.
La Commission ne s’est pas vue conférer de pouvoir discrétionnaire à l'article 352 de la LATMP. Lorsqu’une personne démontre un motif raisonnable pour expliquer le retard, la Commission doit proroger le délai ou relever la personne de son défaut de l’avoir respecté.
- Rona le Rénovateur Régional, C.L.P. 302349-64-0610, 29 juin 2009, J.-F. Martel.
Pour les cas de recours tardif, le remède approprié se trouve, non pas à l’article 326 de la Loi, mais plutôt dans la discrétion que le Tribunal se voit confier à l’article 352 de la Loi, laquelle doit être exercée judiciairement, c’est-à-dire pour un motif raisonnable établi en preuve. En l’absence de preuve d’un tel motif, le Tribunal ne peut présumer qu’il en existe un lui permettant d’exercer judiciairement la discrétion que l’article 352 de la Loi lui reconnaît.
- Métallurgie Syca inc., 2012 QCCLP 352.
La CLP ne doute pas de la bonne foi du représentant de l’employeur présent à l’audience, qui est un individu manifestement compétent dans ses fonctions et qui a à cœur les intérêts de son entreprise. Celui-ci a répondu avec sincérité aux questions les plus pointues que lui a adressées le Tribunal, ce qui n’est pas sans susciter une certaine sympathie. Cependant, le pouvoir de relever une partie de son défaut n’est pas un pouvoir qu’on exerce d’une façon purement discrétionnaire, en se basant uniquement sur la sympathie que peut inspirer un cas précis.
- Joannette et Arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, 2017 QCTAT 1448.
Le fait de relever une personne de son défaut d’avoir déposé une réclamation dans le délai imparti n’est pas un pouvoir que le Tribunal peut exercer d’une façon purement discrétionnaire. Les délais prévus à la Loi sont des délais sérieux qui doivent être respectés, à moins d’avoir un motif raisonnable pour expliquer le retard.
Retrait préventif
Même si l’article 352 réfère aux délais prévus à la LATMP, la jurisprudence considère que l’article 352 s’applique, avec les adaptations nécessaires, à toutes les étapes du retrait préventif de la femme enceinte.
- Lapierre et Centres Jeunesse de Montréal, [2007] C.L.P. 162.
Même si l'article 352 réfère aux délais prévus à la LATMP, l'utilisation de ce pouvoir, dans le cas du délai prévu à l'article 42.1 de la LSST, constitue une adaptation nécessaire qui n'est pas incompatible avec cette loi. Au contraire, en exerçant le pouvoir conféré par l'article 352 de la LATMP, la CSST évite de créer un vide juridique, tel que mentionné dans la décision de l'instance de révision, et permet l'exercice des droits accordés par la LSST et la LATMP. Ces lois ont un caractère social et doivent être interprétées de façon à permettre l'exercice des droits par les administrés.
- Studdard et 2437-0223 Québec inc. (Marina de Repentigny), 2012 QCCLP 4215.
L’article 36 de la LSST renvoie à la LATMP dans la mesure où elle est compatible avec la LSST. Ainsi, le Tribunal est d’avis que l’article 352 de la LATMP s’applique à toutes les étapes du retrait préventif de la femme enceinte, et ce, même si cette disposition ne se retrouve pas dans la LSST. Cette interprétation s'inscrit dans le courant de l'article 41 de la Loi d'interprétation. En outre, la LSST et la LATMP sont des lois remédiatrices qui justifient une interprétation large et libérale afin de garantir l'accomplissement de leur objet, à savoir l'élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs et la réparation des lésions professionnelles ainsi que des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Voir également :
Ballout et Pharmaprix (PQ 42), 2011 QCCLP 6315.
Mai et Commission scolaire de Montréal, 2019 QCTAT 847.
L'existence d'un motif raisonnable
Une analyse en deux temps
L’appréciation des motifs raisonnables s’analyse en deux temps. Le Tribunal doit d’abord tenir compte de la justesse et de la rationalité du motif invoqué pour justifier le non-respect du délai prévu à la Loi. Il doit ensuite considérer le comportement diligent de la partie en défaut.
- Planchers de béton Cami-Tec inc., 2013 QCCLP 4294.
L’appréciation des motifs raisonnables implique une analyse en deux temps. D’abord, elle doit tenir compte à la fois de la justesse et de la rationalité de l’explication justifiant le défaut à ne pas exercer son droit dans le délai prévu à la Loi. Dans un second temps, cette appréciation doit reposer sur la diligence démontrée par une partie à l’égard de l’exercice de ses droits plutôt qu’à sa négligence à laisser s’écouler des délais. Bien que le retard d’une partie puisse s’expliquer rationnellement, cette justification perdra son caractère raisonnable si cette partie tarde indûment à exercer le recours ou le droit en question.
- Garda (division Montréal), 2015 QCCLP 2208.
La notion de motif raisonnable s’analyse en deux temps. Tout d’abord, il y a lieu de rechercher une justification raisonnable au non-respect du délai, puis d’examiner, en présence d’une telle explication, si la partie concernée s’est comportée avec diligence.
Voir également :
Compagnie A, 2013 QCCLP 3700.
GDI (Services d'entretien Distinction inc.) et Commission de la santé et de la sécurité du travail — MTL 3, 2016 QCTAT 223.
La notion de « motif raisonnable »
Un motif raisonnable est un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion de même que de bon jugement.
Cette expression laisse une grande discrétion au décideur, qui doit examiner les circonstances propres au cas qui lui est soumis afin de l’exercer convenablement.
Selon la jurisprudence majoritaire, l’examen des motifs permettant de relever une partie de son défaut doit se faire de façon large et libérale. La jurisprudence ne distingue pas l’interprétation de ce que constitue un motif raisonnable, quel que soit l’article visé (art. 352, 358.2 de la LATMP et art. 15 de la LITAT).
- Chrétien et Société canadienne des postes, C.L.P. 232023-01B-0403, 4 mai 2006, L. Desbois.
La notion de motif raisonnable est vaste et, de ce fait, sujette à beaucoup d’interprétations ainsi qu’à l’exercice d’une discrétion importante de la part du décideur, lequel doit examiner toutes les circonstances du cas particulier qui lui est soumis.
- M. G. et Québec Compagnie A, [2008] C.L.P. 1544.
L’article 352 de la Loi confère aux décideurs un large pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation du motif raisonnable. Selon la jurisprudence du Tribunal, le motif raisonnable correspond à un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion. La jurisprudence a également décrit le motif raisonnable comme une notion vaste dont l’interprétation peut varier dans le temps, tout comme celle de la notion de bon père de famille, de l’homme prudent et diligent.
- Blanchette et Verreault Navigation inc., 2016 QCTAT 288.
Quant à la notion de « motif raisonnable », elle est vaste et, de ce fait, sujette à beaucoup d’interprétations ainsi qu’à l’exercice d’une discrétion importante de la part du décideur, lequel doit examiner toutes les circonstances du cas particulier qui lui est soumis. Une approche témoignant de souplesse et d’ouverture doit être privilégiée en matière de recevabilité, mais il doit tout de même y avoir preuve prépondérante d’un motif raisonnable pour expliquer le retard. La démonstration d’un motif raisonnable de retard repose en bonne partie sur la crédibilité des explications fournies par la partie.
Voir également :
Desjardins et Entreprises Mario Larochelle inc., 2015 QCCLP 5567.
M.L. et Compagnie A, 2017 QCTAT 210.
Suivi :
Pourvoi en contrôle judiciaire rejeté, 2018 QCCS 1252.
Boulet et VIA Rail Canada inc., 2017 QCTAT 2901.
L'impossibilité d'agir
La démonstration d’un motif raisonnable n’exige pas la preuve d’une impossibilité d’agir.
En effet, l’impossibilité d’agir réfère à des contraintes extérieures empêchant une personne d’agir, ce qui évoque un critère plus exigeant que la démonstration d’un motif raisonnable.
- Lapointe et C.L.S.C. de La Jonquière, C.L.P. 191252-02-0209, 24 juillet 2003, M. Carignan.
La Loi n’exige pas d’une partie qu’elle doive démontrer qu’elle était dans l’impossibilité d’agir dans le délai prescrit. Une partie doit démontrer un motif raisonnable pour expliquer son retard et non pas une impossibilité d’agir.
- Boivin et Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée (Usine de Beauharnois), C.L.P. 209270-62C-0305, 26 janvier 2004, R. Hudon.
La preuve démontre que même si la travailleuse souffrait d’une lésion psychologique, elle n’était pas inapte à gérer ses affaires. Toutefois, l’article 352 de la LATMP n’exige pas une impossibilité d’agir, mais un motif raisonnable. En effet, prouver un motif raisonnable n’équivaut pas à prouver une impossibilité d’agir, car le niveau de preuve est moins exigeant pour le motif raisonnable. Considérant l’objet de la Loi et le principe suivant lequel chaque décision doit être rendue suivant l’équité, le mérite réel et la justice du cas, la CLP estime que l’ensemble des motifs invoqués par la travailleuse constituent un motif raisonnable expliquant pourquoi elle n’a pas déposé sa réclamation dans le délai prévu à l’article 270 de la Loi.
Suivi :
- C.H.U. Sainte-Justine et Olivier, 2015 QCCLP 6809.
L’article 352 de la LATMP réfère uniquement à la démonstration d’un motif raisonnable pour expliquer le retard. Une partie n’a jamais à établir une impossibilité à agir.
Voir également :
Abel et Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), 2012 QCCA 75.
Couture et Résidence Chez Mamie Gagné inc., 2016 QCTAT 798.
Pelletier et Métro Richelieu Fruits et légumes, 2016 QCTAT 2905.
Moisan et 9251-4744 Québec inc., 2016 QCTAT 3256.
M.L. et Compagnie A, 2017 QCTAT 210.
Suivi :
Pourvoi en contrôle judiciaire rejeté, 2018 QCCS 1252.
Diligence de la partie
La jurisprudence établit qu’une partie ne doit pas faire preuve de négligence, de désintéressement ou d’insouciance dans le traitement et le suivi de son dossier. En présence d'un tel comportement, on ne pourra conclure à l'existence d'un motif raisonnable.
- Compagnie A et CSST – Montérégie, 2012 QCCLP 4461.
Le Tribunal ne saurait sanctionner la négligence d’une partie. De façon générale, l’existence d’un motif raisonnable sera reconnue si la preuve démontre que, dans sa démarche et dans son comportement, la partie qui est en défaut a fait preuve de diligence.
- Garda (division Montréal), 2015 QCCLP 2208.
Le Tribunal doit se limiter à évaluer si l’employeur a réagi dans un temps convenable après avoir été mis au fait de la situation qui l’obère. Il ne doit pas chercher à établir un nouveau délai, même par analogie, mais plutôt examiner, compte tenu des circonstances propres à la cause, si le temps de réaction est sensé. D’ailleurs, la notion de diligence raisonnable est définie par l’Office québécois de la langue française comme étant le « degré de prudence, d’activité, de réaction et d’attention auquel on peut à bon droit s’attendre de la part d’une personne raisonnable et prudente et dont fait preuve cette personne dans une situation donnée ». En l’espèce, le Tribunal juge que le temps de réaction de l’employeur afin de soumettre sa demande de transfert d’imputation est déraisonnable.
- GDI (Services d’entretien Distinction inc.) et Commission de la santé et de la sécurité du travail – MTL 3, 2016 QCTAT 223.
Le Tribunal doit apprécier le comportement d’une partie en fonction du comportement d’une personne prudente et diligente, mais aussi en tenant compte de ses caractéristiques particulières. Il ne saurait être question de relever de son défaut de respecter le délai, une personne qui a démontré une attitude négligente ou qui s’est désintéressée de son dossier.
- A. F. et Centre hospitalier A, 2017 QCTAT 2318.
En vertu de l’article 352 de la LATMP, la Commission prolonge un délai que la Loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter lorsque celle-ci démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard. Elle doit démontrer avoir agi avec diligence et prudence dans l’exercice de son droit. Le Tribunal ne peut cautionner le manque de diligence d’une partie.
Voir également :
Carrière et SGL Canada inc. (GIC), C.L.P. 384444-64-0907, 23 mars 2010, L. Nadeau.
9137-7143 Québec inc. et Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2016 QCTAT 2602.
À l’étape de l’appréciation de la diligence démontrée par la partie qui est en défaut, les caractéristiques particulières d’une personne doivent être prises en considération afin de déterminer si elle s’est comportée de façon diligente dans les circonstances en cause.
- Lessard et STM (Réseau du métro), 2012 QCCLP 6496.
La travailleuse souffre d’un état de stress post-traumatique et de dissociation avec la réalité. Le Tribunal considère qu’exiger d’elle d’être aussi diligente qu’une personne ne souffrant pas de telles séquelles serait inéquitable. En l'espèce, le Tribunal n'a aucune hésitation à conclure que les séquelles conservées par la travailleuse compromettent sa capacité de gérer adéquatement ses affaires avec célérité.
- Depelteau, 2016 QCTAT 90.
Le Tribunal doit apprécier le comportement de la partie en fonction du comportement d’une personne prudente et diligente, certes, mais aussi en tenant compte de ses caractéristiques particulières.
Voir également :
Paquin et Hôpital général du Lakeshore (CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal),2019 QCTAT 1454.
Pour établir la diligence, le Tribunal doit tenir compte du comportement de la personne dans son ensemble, et ce, autant avant qu’après une date butoir prévue pour l’exercice d’un droit.
- Danstok Intl c. Tribunal administratif du travail, 2018 QCCS 1780.
La Cour croit qu’il est erroné en droit de ne considérer que le comportement de l’employeur entre l’expiration du délai et le dépôt de la demande de révision. C’est le comportement du demandeur dans son ensemble qui compte pour établir sa diligence. La période avant la date butoir doit donc être considérée.
Voir également :
Aramark Québec inc., 2018 QCTAT 4012.
Interprétation large et libérale
L’article 352 de la LATMP doit être interprété de façon large et libérale afin de favoriser l’exercice des droits dans le contexte d’une législation à caractère social.
- Cormier c. Commission des lésions professionnelles, 2009 QCCS 730.
Il faut que les organismes administratifs cessent d’être plus rigides que les tribunaux de droit commun quant à la procédure. En effet, il est rare qu’un justiciable perde un droit à cause de la procédure.
- Fortier 2000 Itée et Noël, 2016 QCTAT 3424.
L’un des objectifs de la Loi est de remédier aux lésions professionnelles et aux conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. L’interprétation des dispositions doit être large et libérale afin d’atteindre l’objectif premier de la Loi. L’article 351 vient, par ailleurs, définir les paramètres qui doivent encadrer la notion « d’interprétation » des dispositions de la Loi, soit l’équité, le mérite réel et la justice du cas. Ces règles doivent trouver application lorsqu’il doit être déterminé si un motif raisonnable a été présenté.
Suivi :
Révision rejetée, 2016 QCTAT 5793.
- Torres c. Commission des lésions professionnelles, 2016 QCCS 119.
La Cour supérieure estime que la CLP adopte une interprétation tatillonne du droit d’une personne qui se sent lésée par une décision de la CSST de requérir la prolongation du délai de révision ou d’être relevée de son défaut pour un motif raisonnable. La Cour rappelle que le régime est à caractère social et remédiateur. L’objectif est de réparer les lésions professionnelles et non de priver les personnes visées de droits. Ces considérations exigent une interprétation généreuse des dispositions de la Loi et, en particulier, du droit de demander une prolongation de délai de révision. L’intérêt et l’efficacité de la justice administrative justifiaient que la CLP s’attarde au mérite du dossier au lieu de bloquer le recours du travailleur sur une base procédurale.
- Boissonneault c. Constructions Marquis Laflamme inc., 2017 QCCA 826.
La LATMP, législation d’ordre public à vocation hautement sociale, doit recevoir une interprétation large et libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leur véritable sens, esprit et fin. En matière de déchéance de droit, il paraît raisonnable d’interpréter les dispositions de la Loi de manière à protéger les droits du justiciable. C’est le cas lorsque la législation dont il s’agit en est une à vocation sociale.
- Gestion J.F. Lemay et Samame Quintana, 2017 QCTAT 2780.
Les délais prévus par la Loi ne doivent pas être interprétés avec trop de rigueur. En l’espèce, l’employeur étant un justiciable en vertu de la Loi, il a le droit de bénéficier d’une interprétation large et libérale de ces dispositions dans le but d’assurer la protection de ses droits.
- Whissell c. Tribunal adminstratif du travail du Québec, 2022 QCCS 1113.
La travailleuse demande l’annulation de décisions du TAT qui déclarent irrecevable sa réclamation. Le délai découle du fait qu’elle a présenté sa demande d’indemnisation à la SAAQ, ses médecins étant d’avis que sa condition découlait plutôt d'un accident de la route. Selon la Cour supérieure, il n’est pas question d’un motif farfelu, non crédible, dénué de bon sens, démesuré, irréfléchi ou de mauvais jugement. Par ailleurs, la décision du TAT ne tient pas compte de l’objet de la loi. En effet, la décision prive la travailleuse de toute indemnisation alors que la LATMP a pour objet premier de l’indemniser. Si un tel écart de l’objet de la loi était justifié, ce n’est pas énoncé à la décision et la preuve ne permet pas de voir en quoi il en serait ainsi. Le pourvoi est accueilli.
Malgré tout, certains décideurs rappellent qu’une partie ne peut se prévaloir du seul caractère hautement social de la Loi pour justifier d’être relevé de son défaut.
- Dumont c. Commission des lésions professionnelles, 2006 QCCS 2432.
Le travailleur ne peut se prévaloir du seul caractère hautement social de la Loi qui a pour objet « la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires » pour justifier sa demande d'être relevé de son défaut. L'objectif que poursuit la Loi autorise certainement la Commission à interpréter largement l’article 352, mais certainement pas à faire abstraction de ses dispositions et à ne pas exercer sa discrétion.
- Brûlé et Commonwealth Plywood ltée, 2019 QCTAT 2652.
Le Tribunal appuie la notion de souplesse et d’une interprétation large et libérale de la Loi, afin d’assurer l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant son véritable sens, esprit et fins, surtout lorsqu’il est confronté à une question de déchéance de droit. Cependant, il y a des limites à repousser l’intention du législateur au nom du véritable sens, de l’esprit et des fins de la Loi, avant de la dénaturer ou même de simplement, et bêtement, ignorer les choix législatifs.
- Fayad et VIA Rail Canada inc., 2019 QCTAT 3568.
La notion de « motif raisonnable » de l’article 352 de la Loi doit être interprétée de façon large et libérale afin de favoriser l’exercice des droits dans le contexte d’une législation à caractère social. On ne peut néanmoins faire abstraction de ses dispositions, même si le résultat est au détriment d’un travailleur. Le Tribunal ne peut agir arbitrairement en changeant les termes de la Loi; il doit l’appliquer telle qu’elle est écrite. Le travailleur a donc l’obligation de respecter les prescriptions de l’article 272 de la Loi, sauf s’il démontre un motif raisonnable pouvant expliquer son retard et que ce motif réponde aux critères élaborés par la jurisprudence.