Interprétation

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. 9 par. 4. Rendre la décision qui aurait dû être rendue

Pouvoir de novo

Aux fins de rendre la décision qui aurait dû être rendue, le Tribunal n’est pas limité par le dossier constitué au niveau des instances antérieures ni par la décision qui a été rendue. Les parties peuvent soumettre de nouveaux moyens de droit et de fait. Cela dit, tout ce qui a été analysé jusqu’à l’instance devant le Tribunal ne devient pas inexistant.

Société canadienne des postes c. Morency,[1989] R.J.Q. 2300.

La Commission des affaires sociales avait le devoir en infirmant la décision du Bureau de révision de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu et pouvait fixer la durée de l’incapacité totale temporaire au-delà de la date retenue par la CSST.

 

Bibaud et Proslide Technology inc.,[2003] C.L.P. 294.

La jurisprudence indique clairement que la CLP a le devoir non seulement de dire que la décision qui fait l’objet de contestation est erronée, mais aussi de corriger cette erreur en décidant autrement et non pas en se limitant à infirmer purement et simplement. Au même effet, la jurisprudence indique que cette compétence implique la nécessité d’examiner le bien-fondé de la décision qui fait l’objet d’une contestation.

 

Boudreault et Centres jeunesse de Montréal,2012 QCCLP 1583.

La CLP ne peut pas se limiter à l’information obtenue et rapportée par la CSST. Agir ainsi empêcherait le Tribunal de s’acquitter de son devoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue. La CLP est maître de sa preuve et elle doit s’assurer que la CSST détenait l’information pertinente et requise pour solutionner le litige. À défaut, toute nouvelle preuve est possible.

 

Dansereau et Park Avenue Toyota,2013 QCCLP 3051.

Le Tribunal considère que non seulement il peut, mais il doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en tenant compte de la souplesse des procédures et des règles de preuve applicables en matière de réclamation touchée par la LJA. Il doit prendre une position flexible afin d’éviter un va-et-vient stérile entre les divers paliers de décision. Il ne doit pas y avoir un allongement néfaste des délais dont pourraient être victimes les parties. La CLP ne devrait retourner le dossier à la CSST qu’en de rares cas.

 

Suivi :

Requête pour suspendre l'exécution de la décision rejetée, 2013 QCCS 3835.

Révision judiciaire rejetée,  2014 QCCS 1361.

Permission d'appeler rejetée,  2014 QCCA 1151.

Fortin et Rio Tinto Alcan,2019 QCTAT 144.

Le Tribunal puise sa compétence dans les recours formés à l’encontre d’une décision, d’un ordre ou d’une ordonnance dont l’existence doit d’abord être établie. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. Pour en décider, le Tribunal n’est pas limité par le dossier administratif de la Commission. Il peut recevoir toute preuve qu’il estime pertinente et procéder à la revue complète des circonstances ayant conduit à l’intervention de l’inspecteur. Le Tribunal se livre à sa propre analyse des faits lors d’une audience de novo. Il retient les conclusions qui s’imposent et dispose des droits respectifs des parties en fonction des dispositions de la LSST. Il peut ainsi substituer sa propre décision à celle rendue en premier lieu.

 

Voir également :

Dessureault et Cogeco Câble, 2017 QCTAT 5058.

 

La règle de l’ultra-petita

La règle de l’ultra-petita ne s’applique pas au Tribunal. Le juge administratif n’est pas limité par la demande ou les prétentions des parties. Il doit rendre la décision qu’il estime être appropriée étant donné l’appréciation de la preuve.

Bénard et Montacier inc.,[2003] C.L.P. 29.

L’effet des articles 359 et 369 est que les parties sont maîtres de déterminer l’objet de la contestation dont le tribunal est saisi et le litige qu’il aura à trancher, mais c’est l’article 377 qui dicte, sur le plan juridictionnel, comment la CLP disposera de la question qui lui est soumise. De toute évidence, le législateur a voulu préserver au décideur une grande latitude à cet égard et lui a fourni, notamment par le biais de l’article 377, les outils requis pour s’en servir. Les désirs et objectifs des parties, une fois qu’elles ont confié la résolution de leur différend au tribunal, ne sont plus que des arguments à considérer; ils ne font plus loi entre elles. On ne saurait, pour en tenir compte, faire abstraction de tout un pan de la preuve.

 

Gagnon c. Commission des lésions professionnelles,2006 QCCS 4981.

La CLP n'est pas liée par les prétentions des protagonistes principaux que sont le travailleur et l’employeur, non plus d’ailleurs que par celles de la CSST, en tant que responsable de l’application quotidienne de la LATMP. Ainsi, la notion d’ultra-petita ne s'applique pas devant la CLPLa CLP n'est pas liée par les prétentions des protagonistes principaux que sont le travailleur et l’employeur, non plus d’ailleurs que par celles de la CSST, en tant que responsable de l’application quotidienne de la LATMP. Ainsi, la notion d’ultra-petita ne s'applique pas devant la CLP.

 

Commonwealth Plywood ltée et Murphy,C.L.P. 363622-64-0811,15 juillet 2009, J.-P. Arsenault.

Bien que les parties soient maîtres de déterminer l’objet de la contestation dont le Tribunal est saisi, c’est l’article 377 qui dicte, sur le plan juridictionnel, comment il décidera de la question qui lui est soumise. Les désirs et objectifs des parties, une fois qu’elles ont confié la résolution de leur différend au tribunal, ne sont plus désormais que des arguments à considérer et ils ne font plus loi entre elles. La notion d’ultra petita ne s’impose pas au tribunal administratif chargé d’appliquer des dispositions d’ordre public dépassant le cadre étroit des intérêts de parties impliquées dans un litige privé. Ainsi, la compétence juridictionnelle du Tribunal ne se limite pas à « bonifier » ou non le processus de réparation offert à la personne qui a été victime d’une lésion professionnelle. Il a pleine latitude pour se prononcer sur cet aspect et les questions qui en découlent et rendre la décision qu’il juge appropriée selon la preuve qui lui est légalement soumise.

 

Restaurant Mikes,C.L.P. 375104-63-0904, 9 novembre 2009, J.-F. Clément.

La notion d’ultra petita ne s’impose pas à un tribunal administratif chargé de disposer d’une question. Celui-ci rend sa propre décision sur la question en litige et n’est aucunement limité par la demande ou les arguments des parties sur cette question. Le rôle de la CLP ne se limite donc pas à disposer simplement du bien-fondé de la décision antérieure. Les parties ont le droit de déterminer l’objet de la contestation dont le Tribunal est saisi. Toutefois, une fois qu’elles ont remis ce dossier entre les mains du tribunal, c’est l’article 377 de la Loi qui dicte sur le plan juridictionnel comment la CLP décidera de la question qui lui est soumise. Les désirs et objectifs des parties une fois qu’elles ont confié la résolution de leur différend au Tribunal ne sont plus désormais que des arguments à considérer et ne font plus loi entre elles. La notion d’ultra petita ne s’impose pas à un tribunal administratif chargé d’appliquer des dispositions d’ordre public dépassant largement le cadre étroit des intérêts des parties qui sont impliquées dans un litige privé. Ainsi, la compétence juridictionnelle de la CLP ne se limite pas à bonifier ou non ce que le travailleur ou l’employeur a déjà obtenu dans le cadre d’une première décision. Le Tribunal a pleine latitude pour se prononcer sur ces sujets et rendre la décision qu’il juge approprié à la lumière de la preuve légalement faite et de trancher à la hausse ou à la basse.

 

Flextor inc.,2012 QCCLP 1490.

La notion d'ultra-petita ne s'impose pas au tribunal administratif chargé de trancher une question. Celui-ci rend sa propre décision sur la question en litige et n'est aucunement limité par la demande ou les arguments des parties. La CLP possède la pleine latitude pour se prononcer sur les sujets dont elle est saisie afin de rendre la décision qu'elle juge appropriée à la lumière de la preuve légalement offerte.

 

Olymel Anjou,2013 QCCLP 321.

La règle de l’ultra-petita ne s’applique pas à la CLP. Ainsi, en vertu de ses pouvoirs, la CLP peut revoir autant la notion de handicap, même si la CSST avait déterminé qu'il y avait un handicap, que le pourcentage relatif au partage accordé puisque ce sont les deux éléments essentiels eu égard à l’application de l’article 329 de la Loi. L’employeur, en demandant un partage d’imputation selon cet article, doit s’attendre à ce que le tribunal puisse analyser chacun des critères d’application de cet article, dont celui de handicap.

 

Loblaws inc. et Brabant,2017 QCTAT 4647.

La règle de l’ultra petita ne s’applique pas au Tribunal. Aussi, même si l’employeur demande de faire reculer la date de la consolidation, rien n’empêche le Tribunal de décider que cette date doit être fixée après celle retenue par le membre du BEM.

 

Voir également :

Brière c. Laberge, [1985] R.D.J. 599 (C.A.).

Suivi :

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 19601.

CHU de Québec / CHUQ, 2019 QCTAT 3544.

Chose jugée

Pour que l’autorité de la chose jugée s’applique, il est nécessaire qu’un jugement, une décision de l’ordre juridictionnel, soit rendue. Comme la CNESST et ses décideurs, y compris les inspecteurs, exercent des fonctions administratives, leurs décisions ne sont pas soumises à l’autorité de la chose jugée.

Confédération des syndicats nationaux et Centre hospitalier de l’Université de Montréal (Pavillon Notre-Dame),[2004] C.L.P. 129.

L’autorité de la chose jugée doit être appliquée avec prudence en droit administratif, et ce, particulièrement en inspection. La Cour suprême a déterminé que, pour qu’il y ait chose jugée, le jugement doit être définitif et avoir été rendu en matière contentieuse. Un inspecteur chargé de décider s’il y a des dangers et d’émettre un avis de correction au besoin n’agit pas comme un juge et ne rend pas un jugement.

 

Entreprises ML Mar-Lo et Entreprises Rgmsp ltée,2016 QCTAT 6809.

L’article 2848 du CCQ énonce que l’autorité de la chose jugée est une présomption absolue et n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, Pour que l’autorité de la chose jugée s’applique, il est donc nécessaire qu’un jugement, une décision de l’ordre juridictionnel, soit rendu. Or, contrairement aux décisions rendues par les juges administratifs de la Commission CLP ou le Tribunal, les décisions rendues par l’inspecteur de la Commission ne sont pas considérées comme des décisions émanant de l’ordre juridictionnel et ne sont pas de la nature d’un jugement.

 

La jurisprudence est partagée sur l'application de ce principe devant les tribunaux administratifs. Selon les tenants d’un premier courant, ce principe trouve application même s’il s’agit d’une règle de droit civil.

Boucher c. Stelco Inc.,2005 CSC 64.

La règle de la chose jugée s'appliquait non seulement aux décisions des tribunaux judiciaires, mais aussi à celles des tribunaux ou organismes administratifs.

 

Durocher  c. Commission des relations du travail,2015 QCCA 1384.

Les tribunaux administratifs doivent appliquer les règles de justice naturelle, tels que permettre un débat loyal, agir de façon impartiale et donner l'occasion aux parties d'être entendues. Ainsi, lorsqu'on analyse l'application de l'autorité de la chose jugée devant ces tribunaux, on doit le faire en tenant compte de ces spécificités. La justice administrative et les règles strictes conçues pour les tribunaux judiciaires ne sont pas nécessairement incompatibles, mais il faut garder à l'esprit qu'il y a de grandes différences entre le droit administratif et le droit civil.

 

Coopérative des paramédics du Grand-Portage et Fédération des employés du préhospitalier du Québec (FPHQ),2015 QCCLP 3633.

Une controverse existe au sein du Tribunal quant à l'application du principe de la chose jugée aux dossiers dont la CLP est saisie. Pourtant, la Cour suprême du Canada s'est exprimée à ce sujet dans Boucher c. Stelco Inc. La règle du stare decisis oblige les tribunaux inférieurs à suivre les enseignements des tribunaux supérieurs. Les tribunaux inférieurs sont liés par l'avis du tribunal suprême du pays, que ce soit par l'application de la règle du stare decisis ou par le respect de l'autorité persuasive du précédent. La doctrine rappelle que la présomption de l'autorité de la chose jugée vise le jugement définitif prononcé dans une matière civile ou administrative de nature contentieuse par un tribunal ayant compétence dans la province. Il s'agit d'un concept qui s'applique à la CLP, comme cela a été reconnu implicitement ou explicitement dans plusieurs décisions.

 

Nguyen et Bombardier aéronautique inc.,2016 QCTAT 1301.

Pour qu’il y ait autorité de la « chose jugée », il faut la preuve prépondérante d’une identité de cause, des parties et d’objet. La jurisprudence est partagée sur l’application de cette règle en droit administratif. Certains décideurs reconnaissent d’emblée son application. D’autres la rejettent carrément. Finalement, les plus modérés estiment que cette règle doit être appliquée de façon nuancée. Pour les mêmes raisons avancées que celles dans l’affaire Coopérative des paramédics qui s’appuie sur un arrêt de la Cour suprême du Canada, le Tribunal est d’avis lui aussi que la règle de l’autorité de la « chose jugée » s’applique non seulement aux décisions des tribunaux judiciaires, mais aussi à celles des tribunaux ou organismes administratifs.

 

Voir également : 

Roy et Lithochrome inc., C.L.P. 87016-62-9703, 10 novembre 1999, S. Mathieu.

Martineau et Académie Lafontaine, C.L.P. 176166-64-0201, 10 octobre 2002, Y. Lemire.

D.T. et Compagnie A (fermé), C.L.P. 325426-03B-0708, 7 décembre 2009, A. Tremblay.

Santacroce et Rénovations Inter-Québec, C.L.P. 403857-61-1003, 11 novembre 2010, D. Armand.

Pigeon et Sears Canada inc., 2014 QCCLP 1983.

Pour les tenants du deuxième courant, la règle de la chose jugée n'est pas applicable en droit administratif puisqu'il s'agit d'une règle qui émane du droit judiciaire privé.

Dallaire et Marcel Lauzon inc.,[2000] C.L.P. 1046.

La règle de l’autorité de la chose jugée sur laquelle repose le moyen d’irrecevabilité de l’employeur est-elle applicable en droit administratif, du moins dans le contexte particulier du régime de réparation prévu à la LATMP? La « chose jugée » appartient d’abord au droit judiciaire privé. Elle constitue l’un des moyens de preuve prévus au CCQ. Il s’agit d’une présomption dont l’effet est absolu puisque par cette présomption, le législateur vise à empêcher que des litiges se renouvellent et se perpétuent et à éviter ainsi le prononcé de jugements contradictoires, ce qui compromettrait la sécurité et la stabilité des rapports sociaux. Enfin, la règle de l’autorité de la chose jugée s’applique aux jugements définitifs rendus en matière contentieuse, soit dans un contexte où des adversaires se font face et où, normalement, à l’aboutissement du processus décisionnel, une partie sort gagnante de l’affrontement. La très grande majorité des tribunaux administratifs fonctionnent toutefois selon des règles qui les distinguent nettement du modèle du droit judiciaire privé. La CLP est l’un de ceux-là. Le fondement des règles régissant le fonctionnement de la CLP, comme bien d’autres tribunaux et organismes administratifs, est la common law. Et au cœur des règles qu’impose la common law se trouvent, bien sûr, les règles de justice naturelle. La CLP est d’avis qu’il est difficile de conclure, vu les éléments retenus par la doctrine et la jurisprudence en la matière, à l’application de la règle de la chose jugée.

 

Suivi :

Révision rejetée, 24 juillet 2002.

Gonzalez et L'Archevêque & Rivest ltée,C.L.P. 250386-63-0411, 24 janvier 2007, J.-P. Arsenault.

La règle de la chose jugée émanant du droit judiciaire privé est difficilement applicable pour ne pas dire inapplicable en droit administratif. Le principe n'a pas la même portée en droit administratif qu'en matière judiciaire étant donné le caractère d'ordre public auquel est soumis le droit administratif. En droit administratif, les décideurs sont tenus d'interpréter des lois d'ordre public et les décisions qu'ils rendent doivent être conformes à la loi. La « chose jugée » peut avoir comme conséquence de perpétuer des erreurs. Cette conséquence est toutefois inadmissible en droit administratif. La règle s'applique davantage au jugement définitif d'un tribunal en matière contentieuse, alors que la décision de la CSST, à la suite d'une révision administrative, n'est pas un jugement définitif, mais l'aboutissement d'un processus administratif.

 

Hidalgo et Jack Victor ltée,C.L.P. 292710-71-0606, 13 novembre 2007, P. Perron.

La CLP peut décider, à la suite de l'enquête, que la décision qui aurait dû être rendue était de déclarer qu'il y avait déjà eu une décision finale sur cette question puisque cette dernière et la preuve soumise sont identiques. Toutefois, elle ne peut déclarer d'emblée, du seul fait qu'une décision a été antérieurement rendue, qu'il y a autorité de la chose jugée parce qu'il y a identité de cause, d'objet et de parties et ainsi s'empêcher d'analyser la réclamation. La règle ne peut être appliquée ou nuancée en droit administratif.

 

Larcher et Acoustique S. Mayer,2017 QCTAT 1673.

La Commission soumet que le Tribunal ne peut se saisir de la requête de la travailleuse car la décision du 12 décembre 2012 acquiert l’autorité de la chose jugée. Le Tribunal rappelle que l’autorité de la chose jugée s’applique principalement aux décisions de nature judicaire. Or, la décision rendue par la Commission en décembre 2012 qui est devenue finale en novembre 2013, est une décision de nature administrative. À plusieurs reprises, la CLP a conclu que le principe de l’autorité de la chose jugée ne s’appliquait pas en droit administratif. Il s’agit d’une règle d’irrecevabilité relevant du droit judiciaire privé incompatible avec les règles de justice naturelle s’appliquant aux tribunaux administratifs. Par ailleurs, en droit administratif, le principe de l’autorité de la chose juge cède le pas au caractère obligatoire et final d’une décision.

 

 

Décision finale et irrévocable

Le principe de la décision finale et irrévocable vise à préserver la stabilité des décisions et éviter les décisions contradictoires sur une même question.

Bon nombre de décideurs privilégient ce principe, par opposition à celui de la chose jugée, dont l’effet est de mettre fin à un débat avant que le Tribunal ne puisse apprécier la preuve et les arguments des parties sur les questions de fond soulevées par l’affaire.

Hamilton et Léonce Nollet enr.,C.L.P. 114887-03B-9904, 27 décembre 2000, M. Carignan.

Or, la CLP ne doit pas refuser d'examiner le fond d'une affaire qui lui est soumise sous prétexte qu'une décision antérieure de la CSST en regard d'une autre réclamation, aurait le caractère de la chose jugée. On peut d'ailleurs fortement mettre en doute la pertinence de cette règle en droit administratif lorsque des lois d'ordre public sont en cause. Si la règle de la chose jugée permet en droit judiciaire privé que l'erreur se perpétue, cela n'est pas le cas en droit administratif puisque l'organisme applique une loi d'ordre public.

 

Dallaire et Marcel Lauzon inc.,[2000] C.L.P. 1046.

La jurisprudence est partagée quant à l’application de la chose jugée à la CLP. Il y a des décisions qui l’appliquent sans même discuter de l’importation de cette notion en droit administratif. Certaines décisions mentionnent qu'elle s’applique, d’autres non, tandis que d’autres nuancent leurs propos et mentionnent que la règle de droit civil est un guide pour le tribunal. La CLP en l’espèce considère qu’elle ne peut pas se saisir d’une décision qui n’a pas été contestée en temps utile, non pas parce qu’il y aurait chose jugée, mais puisqu’il y a une décision finale et irrévocable. La CLP ne peut pas faire indirectement ce qu’elle ne peut pas faire directement. En analysant le dossier de cette façon, la CLP apprécie la preuve et les arguments des parties avant de mettre fin à un débat, ce que l’autorité de la chose jugée ne permet pas de faire.

 

Suivi :

Révision rejetée, 24 juillet 2002.

Drolet et Lemay Construction ltée (fermé),C.L.P. 273513-04B-0510, 20 février 2007, A. Quigley.

Les règles de preuve sont basées essentiellement sur des principes de justice naturelle et la notion de chose jugée n'est pas compatible avec les vastes pouvoirs dont la CLP est investie. Le pouvoir qu'a la CLP de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu va jusqu'à lui permettre et même, à l'obliger à remédier aux irrégularités et aux manquements qui ont pu être commis aux niveaux inférieurs et à actualiser le dossier. Agissant de novo, la CLP doit se comporter comme si elle était saisie, en premier lieu, de la réclamation soumise à la CSST. Or, il y a lieu de rappeler l'importance de cette caractéristique dans le contexte fort particulier d'un dossier de nature médicale où la condition d'un travailleur est susceptible d'évoluer dans le temps. Il faut toutefois faire une distinction entre la non-application du principe de la chose jugée et l'absence de compétence du tribunal et il y a des nuances entre ce concept et celui de la décision finale et irrévocable. En l'espèce, comme le principe de l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas, la CLP doit déterminer en fonction du principe de la décision finale et irrévocable si elle est valablement saisie d'une nouvelle réclamation.

 

Bélanger et Iron Mountain Canada Corporation,C.L.P. 315152-61-0704, 20 décembre 2007, L. Nadeau.

La jurisprudence des dernières années tend à nuancer voire à écarter l’application de la règle de la chose jugée en droit administratif. La pertinence de cette règle, qui appartient d’abord au droit judiciaire privé, est remise en question lorsque des lois d’ordre public sont en cause. La CLP, comme la majorité des tribunaux administratifs, fonctionne selon des règles qui relèvent des principes de justice naturelle. Agissant de novo, la CLP doit exercer pleinement sa compétence et apprécier selon la preuve chaque réclamation à son mérite compte tenu notamment du caractère évolutif des questions médicales et de son devoir de rechercher la vérité. Cette jurisprudence s’est développée particulièrement en matière de RRA. Une décision concernant une rechute antérieure est devenue finale et ne peut être remise en question mais cela n’empêche pas le Tribunal d’examiner la preuve dans son ensemble concernant une allégation d’une nouvelle RRA. Cependant, afin d’assurer la stabilité des décisions, la CLP ne peut se saisir d’une décision qui n’a pas été contestée en temps utile et qui est devenue finale et irrévocable.

 

Navarro et Bas de Nylon Doris ltée,C.L.P. 290988-71-0606, 4 décembre 2009, L. Nadeau.

L'application de la règle de la chose jugée par la CLP a été remise en question dans la jurisprudence. Ainsi, c'est le principe de la décision finale et irrévocable qui s'applique en droit administratif et non celui de la chose jugée.

 

Demers et Aluminium Fortin inc. (F),2013 QCCLP 5748.

Le Tribunal estime que la CSST a, de façon finale et irrévocable, décidé que les problèmes lombaires du travailleur découlaient d’une condition personnelle et n’étaient pas reliés à la lésion de 1994 ni à ses conséquences, non plus qu’à la boiterie du travailleur. Tous ces aspects ont fait l’objet de décisions distinctes qui n’ont pas été contestées et qui ont donc acquis un caractère final et irrévocable. Une fois qu’une question est tranchée par la CSST ou la CLP, un justiciable ne peut la ramener devant ces instances pour tenter d’avoir une interprétation différente. Décider autrement ferait en sorte qu’un justiciable pourrait s’adresser ad nauseam aux tribunaux jusqu’à ce qu’il trouve un juge favorable à sa cause. Cela irait à l’encontre d’une saine administration de la justice et de la stabilité des décisions. Le travailleur ne peut faire fi des décisions finales et irrévocables rendues par la CSST et tenter de faire revivre un même débat. Bien qu’il soit possible pour un travailleur de présenter de nouvelles réclamations pour des RRA dans le cadre de l’évolution de sa condition médicale lorsqu’elle le requiert, il ne peut se saisir de cette occasion pour contester indirectement une décision finale rendue antérieurement puisque le principe de l’irrévocabilité ou du caractère définitif d’une décision a pour raison d’être d’empêcher que des procès perpétuellement recommencés ne viennent compromettre la sécurité et la stabilité des rapports sociaux et le fonctionnement même de l’appareil quasi-judiciaire.

 

Compagnie A et J.G.,2014 QCCLP 557.

Le principe de la chose jugée se rattache d'abord au droit judiciaire privé et comme il s'agit d'une présomption dont l'effet est absolu et vise à empêcher le renouvellement des litiges ou le prononcé de jugements contradictoires, il constitue l'un des moyens de preuve prévus au CCQ. Il a pour but d'éviter que ne soient compromises la sécurité et la stabilité des rapports sociaux. Or, la CLP n'est pas tenue à l'application des règles de procédure et de preuve civiles. Par ailleurs, il lui incombe de s'assurer que la décision qui doit être rendue est conforme à la loi. En vue de la réalisation de cet objectif, elle possède de larges pouvoirs, dont celui d'agir de novo. En vertu de ce pouvoir, la CLP peut rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu et même remédier aux manquements qui ont pu être commis aux niveaux inférieurs. Dans ce contexte, le principe de la chose jugée doit plutôt faire place à la notion de décision finale et irrévocable.

 

Laporte et IBM Canada ltée,2015 QCCLP 3896.

Il y aurait donc chose jugée au regard de l’aspect non professionnel de la surdité du travailleur au regard de son exposition au bruit chez l’employeur, et le Tribunal ne pourrait en conséquence rendre de décision sur l’existence d’une lésion professionnelle à la suite de l’exposition du travailleur chez l’employeur, tel que le demande le travailleur. Le Tribunal constate que la décision ayant été rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 9 novembre 2006 n’a aucunement été contestée. Cette décision visait le même objet que la réclamation du travailleur de 2013 de faire trancher le droit du travailleur à des prestations prévues à la Loi, au regard de sa surdité. Les parties à la décision de la CSST étaient les mêmes, soit le travailleur et son employeur, et la chose demandée était aussi la même, soit faire reconnaître une surdité professionnelle au regard de l’exposition au bruit chez l’employeur. Selon l’autorité de la chose jugée, les éléments qui précèdent constitueraient donc une présomption absolue de chose jugée, laquelle ne peut être repoussée par une preuve contraire. Le soussigné souligne cependant que la jurisprudence de la CLP considère régulièrement que l’autorité de la chose jugée ne s’applique pas comme tel aux litiges dont elle est saisie, alors qu’il faut plutôt retenir le principe du caractère final et irrévocable des décisions rendues.

 

M.R. et Compagnie A,2016 QCTAT 1044.

L’applicabilité de l’autorité de la chose jugée en droit administratif a fait l’objet de nombreuses décisions. Il en ressort que c'est le principe de la décision finale et irrévocable qui trouve application en droit administratif plutôt que celui de la chose jugée.

 

Larcher et Acoustique S. Mayer,2017 QCTAT 1673.

En droit administratif, le principe de l’autorité de la chose juge cède le pas au caractère obligatoire et final d’une décision. Il appartient donc au Tribunal d’exercer sa compétence à l’égard de chacune des réclamations de la travailleuse qui ont fait l’objet d’une décision administrative de la CSST qui a été valablement contestée.

 

Audesse et Club de golf Lotbinière inc.,2018 QCTAT 4031.

En matière de droit administratif, la jurisprudence du Tribunal reconnaît de façon constante que c’est le principe de la décision finale et irrévocable qui trouve application plutôt que celui de la chose jugée. Afin d’assurer la stabilité des décisions et d’éviter des décisions contradictoires sur la même question, le Tribunal ne peut remettre en question une décision devenue finale et irrévocable.

 

Suivi :

Désistement de la requête en révision, 22 novembre 2018. 

Gilbert et Gesti-Clean,2020 QCTAT 2815.

Le caractère définitif d’une décision ou le principe de l’irrévocabilité vise à empêcher que de nouveaux procès viennent compromettre la stabilité des décisions et le fonctionnement même de l’appareil quasi judiciaire. La jurisprudence majoritaire reconnaît que dans le cadre d’une réclamation pour surdité, un travailleur peut soumettre une nouvelle réclamation basée sur des faits nouveaux postérieurs à ceux visés par la première réclamation, même si une décision défavorable a été rendue.

 

Voir également : 

Savastano et Imprimerie Interweb inc., [2008] C.L.P. 1513.

Pigeon et Sears Canada inc., 2014 QCCLP 1983.

Carrier et Cercueils Magog (1994) inc., 2016 QCTAT 5761. 

Préclusion découlant d'une question déjà tranchée

La préclusion découlant d'une question déjà tranchée est un volet de l'autorité de la chose jugée et elle trouve application devant le Tribunal.

Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc.,2001 CSC 44.

La préclusion découlant d’une question déjà tranchée est un volet du principe de l’autorité de la chose jugée qui interdit de soumettre à nouveau aux tribunaux des questions déjà tranchées dans une instance antérieure. Pour que le tribunal puisse accueillir la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, trois conditions préalables doivent être réunies : (1) la question doit être la même que celle qui a été tranchée dans la décision antérieure; (2) la décision judiciaire antérieure doit avoir été une décision finale; (3) les parties dans les deux instances doivent être les mêmes ou leurs ayants droit. Si le requérant réussit à établir l’existence de ces conditions, le tribunal doit ensuite se demander, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, si cette forme de préclusion devrait être appliquée. La préclusion est un moyen de rendre justice et de protéger contre l’injustice. Elle implique l’exercice par la cour de son pouvoir discrétionnaire pour assurer le respect de l’équité selon les circonstances propres à chaque espèce. Le pouvoir discrétionnaire est nécessairement plus étendu à l’égard des décisions des tribunaux administratifs, étant donné la diversité considérable des structures, missions et procédures des décideurs administratifs.

 

Pigeon et Sears Canada inc.,2014 QCCLP 1983.

La préclusion découlant d'une question déjà tranchée est un volet du principe de l'autorité de la chose jugée qui interdit de soumettre de nouveau aux tribunaux des questions déjà tranchées dans une instance antérieure. Elle signifie que, dans le cas où le tribunal judiciaire ou administratif compétent a déjà conclu, sur le fondement d'éléments de preuve ou d'admissions, à l'existence ou à l'inexistence d'un fait pertinent, cette même question faisant l'objet d'une décision finale ne peut être débattue de nouveau dans une instance postérieure opposant les mêmes parties. La préclusion vise les questions de fait, les questions de droit ainsi que les questions mixtes de fait et de droit qui sont nécessairement liées à la résolution de cette « question » par l'instance antérieure. Ce moyen est un principe qui trouve application en droit administratif et qui se conjugue à celui de la chose jugée et de l'abus de procédure afin d'éviter la multiplicité des instances portant sur une même matière et les risques de jugements contradictoires. Il s'agit d'un principe d'intérêt public qui tend à favoriser les intérêts de la justice. Ses conditions d'application sont : 1) la question doit être la même que celle qui a été tranchée dans la décision antérieure; 2) la décision judiciaire antérieure doit avoir été une décision finale; et 3) les parties ou leurs ayant droit doivent être les mêmes dans les deux instances. Ce principe favorise l'administration de la justice, mais pas au prix d'une injustice. C'est alors que le décideur peut choisir d'exercer sa discrétion et ne pas appliquer le principe.

 

Gonthier et Entreprises Christian Beaulieu,2014 QCCLP 5307.

Pigeon et Sears Canada inc. mentionne que le tribunal ne peut se saisir et décider de nouveau d'une question qui a déjà été tranchée par une autre instance. Même si, dans Pigeon, la CLP devait décider de l'application de la théorie de la préclusion à la suite d'une décision d'un autre tribunal, celle-ci s'applique à plus forte raison à une décision du même tribunal.

 

Diallo et Hydro-Québec (Division Trans-énergie),2015 QCCLP 539.

Il est prématuré, au stade de la requête en irrecevabilité, de déterminer si la trame factuelle retenue par l'arbitre de griefs constitue un événement imprévu et soudain, mais on peut constater qu'elle survient à tout le moins à l'occasion du travail. La CLP devra donc appliquer son propre cadre d'analyse juridique aux faits retenus par l'arbitre. Ce dernier a déterminé les faits pertinents et cette question ne saurait être débattue à nouveau dans le cadre de l'instance entreprise devant la CLP. Il serait contraire à une saine administration de la justice que la preuve, quant à la détermination de ce qui est arrivé le 15 juillet, soit administrée à nouveau par les mêmes parties. La CLP retiendra donc les conclusions de l'arbitre de griefs quant à la détermination de ce qui est arrivé le 15 juillet 2013 dans le cadre de l'audience sur le fond du litige.

 

Verreault Navigation inc.,2018 QCTAT 4865.

La préclusion vise les questions de fait, les questions de droit ainsi que les questions mixtes de fait et de droit qui sont nécessairement liées à la résolution de cette question dans l’instance antérieure. Celle-ci signifie que « dans le cas où le tribunal judiciaire ou administratif compétent a conclu, sur le fondement d’éléments de preuve ou d’admissions, à l’existence (ou à l’inexistence) d’un fait pertinent […], cette même question ne peut être débattue à nouveau dans le cadre d’une instance ultérieure opposant les mêmes parties ». Dans le présent dossier, la préclusion n’est toutefois pas une doctrine applicable, car les parties à la présente procédure ne sont pas les mêmes que devant l’instance antérieure, c’est-à-dire la CRT. Même si Verreault Navigation inc. a participé aux deux recours, dans la première instance, le litige s’opposait au syndicat des employés des industries Verreault CSN alors que la présente affaire implique la CNESST ainsi que le ministère de la Justice du Québec. Or, lorsque les conditions de l’application de la préclusion ne sont pas réunies, un tribunal peut recourir à la doctrine d’abus de procédure afin d’éviter la reprise d’un débat sur une question fondamentale déjà décidée.

 

Suivi :

Pourvoi en contrôle judiciaire rejeté, 2020 QCCS 3147.

Permission d’appeler accueillie, 2020 QCCA 1093.

Voir également : 

Boucher c. Stelco Inc., 2005 CSC 64.

Province de Québec - Union canadienne moniale Ste-Ursule et Magny, 2014 QCCLP 5386.

M.R. et Compagnie A, 2016 QCTAT 1044.

L’actualisation du dossier

Dans le cadre d’une saine administration de la justice, le Tribunal doit s’assurer d’agir avec célérité. Il peut donc actualiser le dossier, le tout afin d’éviter notamment une multiplication des recours coûteux et inutiles.

Moulin de préparation de bois en transit de St-Romuald c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles,[1998] C.A.L.P. 574 (C.A.).

Dans l'exercice de sa compétence, la CALP peut confirmer ou infirmer la décision portée devant elle; lorsqu'elle infirme la décision entreprise, elle doit rendre la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue en premier lieu. Elle exerce donc une compétence de novo, ce qui permet aux parties de soumettre tout nouveau moyen de droit et de fait et à la CALP de remédier aux irrégularités pouvant affecter le processus décisionnel suivi jusque-là et aux erreurs commises par les instances inférieures, d'actualiser le dossier et de régler toutes les questions accessoires à la question principale qu'elle doit trancher.

 

Hêtu et Centre hospitalier Royal Victoria,[2000] C.L.P. 365.

La jurisprudence ayant eu à interpréter la compétence de la CALP a clairement statué qu’il s’agissait d’un appel de novo, ce qui implique qu’elle n’est aucunement limitée par le dossier qui a pu être constitué au niveau des instances antérieures ni limitée par la teneur exacte des motifs pris en compte et de la décision qui a été rendue par ces instances, pourvu évidemment, de ne pas s’écarter de ce qui constitue la matière ou l’objet de l’appel. Il en découle qu’une partie peut présenter une nouvelle preuve et n’est pas limitée par la preuve présentée devant l’instance antérieure.

 

C.H. Hôtel-Dieu de St-Jérôme et Émond,C.L.P. 184115-64-0205, 22 juin 2004, T. Demers.

La CLP est compétente pour disposer de la demande de la travailleuse, soit d'actualiser le dossier, de fixer la date de consolidation de sa lésion professionnelle et de déterminer la nécessité des soins, et ce, bien qu'elle ne soit saisie que d'une contestation de l'employeur d'une décision de la révision administrative déclarant que la lésion n'était pas consolidée et qu'il y a lieu de poursuivre les traitements. Considérant qu'une saine administration de la justice commande au tribunal de statuer sur le fond de la question sans se restreindre aux prétentions de l'une ou l'autre des parties, il y a lieu d'actualiser le dossier, puisque les circonstances le justifient, et ainsi éviter une multiplication de recours coûteux et inutiles aux parties.

 

Maurice Bibeau et Automobiles Beaupré Ltée,C.L.P. 201346-31-0303, 31 janvier 2005, G. Tardif.

Afin de soulager la condition du travailleur relative à la présence de spasmes importants, son médecin a recommandé des traitements d'acupuncture. Dans la mesure où le BEM a conclu qu'aucun traitement additionnel n'était requis, la CSST a refusé verbalement d'en rembourser les frais. Le travailleur a soulevé cette question lors de l'audience tenue par la première commissaire. Celle-ci n'a pas statué sur la question, mais elle a, au cours de l'audience, soulevé la question de savoir si le travailleur devait produire une nouvelle réclamation afin d'obtenir le remboursement qu'il demandait. Les motifs et le dispositif de la décision qu'elle a rendue ne portent, quant à l'avis du BEM, que sur l'évaluation de l'atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle. Or, elle était saisie de la question de la suffisance des traitements requis par la lésion professionnelle. Conformément à l'article 377, elle devait rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Dans l'exercice de sa compétence, elle devait actualiser le dossier et, ce faisant, tenir compte de la preuve de faits pertinents postérieurs à la décision contestée. Elle devait donc statuer sur la nécessité, en raison de la lésion professionnelle initiale, de traitements ultérieurs à l'avis rendu par le BEM.

 

McGivern et Commission scolaire Riverside,2012 QCCLP 27.

Comme la question en litige était toujours la même, à savoir, le droit à l'IRR, l'instance de révision de la CSST pouvait actualiser le dossier. Si un doute subsiste sur la compétence de la CSST à cet égard, ce n'est pas le cas du présent tribunal puisque le législateur l'a expressément doté d'un pouvoir de novo prévu à l'article 377 LATMP, de sorte qu'il peut actualiser le dossier afin de tenir compte de faits postérieurs à la décision contestée.

 

Nadeau et Lafarge Canada inc.,2013 QCCLP 5938.

Lorsque le Tribunal dispose de toute la preuve requise, il devrait toujours favoriser une approche qui tranche le litige de façon complète et diligente puisqu’il agit de novo. Agir autrement irait à l’encontre d’une saine administration de la justice et des principes fondamentaux de qualité, de célérité et d’accessibilité.

 

Blais et TD Canada Trust,2014 QCCLP 4030.

La CLP est dotée d'un pouvoir de novo. Ce pouvoir s'exerce en actualisant le dossier et non en se plaçant dans la même situation factuelle que celle où se trouvait la CSST au moment où elle a rendu la décision initiale.

 

Commission scolaire de Laval et Ammari,2018 QCTAT 5712.

Le paragraphe 4 de l’article 9 de la LITAT signifie que le Tribunal siège de novo puisqu’il peut notamment rendre la décision qui aurait dû être rendue par la Commission. Ces pouvoirs de novo impliquent non seulement que le Tribunal peut, mais doit permettre aux parties, le cas échéant, d’actualiser le dossier afin qu’il puisse apprécier toute preuve pertinente et analyser tous les faits même si ceux-ci n’ont pas été soulevés pour en arriver à la décision contestée. Cela signifie également de prendre en compte l’ensemble des moyens de droit soulevés par les parties. La détermination de la date à laquelle la travailleuse est capable exercer son travail doit tenir compte de l’ensemble de la preuve, y compris de l’avis du BEM. En outre le Tribunal doit mesurer l’effet que produit l’avis du BEM qui consolide la lésion professionnelle, et ce, sans séquelle.

 

Kronos Canada inc. et Succession de Provost,2020 QCTAT 1247.

En ce qui a trait à ce rapport du 12 avril 2018 déposé lors de la poursuite de l’audience, le Tribunal dispose du pouvoir d’actualiser la preuve d’une affaire aux fins d’en disposer puisque l’article 9 de la LITAT lui confère le pouvoir de rendre la décision, l’ordre ou l’ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu. Le Tribunal, agissant ainsi de novo, peut donc actualiser la preuve en se saisissant de tout nouvel élément de fait ou de droit dans le cadre de l’objet du litige. Le Tribunal exercera ainsi son pouvoir d’actualiser la preuve au dossier, plus particulièrement en tenant compte dans son appréciation de la preuve de l’opinion additionnelle de la docteure Lamoureux concernant l’autopsie du travailleur de même que d’autres éléments de preuve que l’employeur sera appelé à déposer à la demande du Tribunal.

 

Voir également :

Hamelin et Centre communautaire bénévole Matawinie, C.L.P. 407814-63-1004, 29 novembre 2010, P. Bouvier.

Gil Davila et Rolls-Royce Canada ltée, 2012 QCCLP 3013.

Pelletier et Manoir Lady Maria, 2014 QCCLP 5641.

Association accréditée SPGQ, 2018 QCTAT 3963.

Martel et CHU de Québec / CHUQ, 2020 QCTAT 2127.

Qualification de la lésion professionnelle

La jurisprudence reconnaît que le Tribunal a les pouvoirs requis pour qualifier la lésion professionnelle, même si la CNESST l'a qualifiée autrement.

Mathurin et Béton Provincial ltée,2012 QCCLP 6601.

Un juge administratif n’est pas lié par la qualification que l’une ou l’autre des parties donne à la lésion professionnelle. Agissant de novo, il a la latitude requise pour qualifier correctement la situation démontrée devant lui.

 

Groupe Beaudoin inc. et Jean,2013 QCCLP 596.

Même si la CSST n'a pas analysé le dossier sous l'angle d'une lésion professionnelle au sens de l'article 31, la CLP bénéficie des pouvoirs qui sont prévus à l'article 377. Il appartient au Tribunal de statuer sur l'existence d'une lésion professionnelle et de qualifier celle-ci dans l'exercice du rôle qui lui est confié par le législateur.

 

Boulay et Fruits de Mer de l'Est du Québec (1998) ltée,2014 QCCLP 2234.

Le Tribunal possède les pouvoirs nécessaires pour rendre la décision qui aurait dû être rendue par la CSST et pour déterminer si la lésion professionnelle est reliée aux risques particuliers du travail accompli par la travailleuse. La Loi reconnaît qu'une lésion professionnelle peut prendre plusieurs formes, et le fait que la CSST ait analysé la réclamation sous un certain angle ne modifie en rien la question en litige, à savoir si la travailleuse a subi une lésion professionnelle.

 

Thibault et Kolostat inc.,2015 QCCLP 5242.

Même si la CSST a analysé sa réclamation sous l'angle d’une RRA, le Tribunal dispose de vastes pouvoirs qui lui permettent de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. La jurisprudence a d'ailleurs maintes fois reconnu que la CLP peut rendre une décision d'admissibilité en retenant une forme de lésion professionnelle différente de celle qui été initialement envisagée par la CSST.

 

Pulice et Commission scolaire Lester B. Pearson,2015 QCCLP 5454.

Lorsqu'elle est appelée à se prononcer sur le caractère professionnel d'une lésion, la CLP peut la qualifier d'accident du travail, de maladie professionnelle ou de RRA. Elle n'est pas liée par les termes utilisés par les parties ou par la CSST.

 

Laplante et Monsanto Canada inc.,2019 QCTAT 5377.

La Commission a refusé la réclamation du travailleur en statuant qu’il ne s’agissait pas d’une RRA. Cependant, en vertu de l’article 9 de la LITAT, le Tribunal dispose de novo des contestations qui sont déposées devant lui. Ainsi, il a le pouvoir d’entendre de la nouvelle preuve, de trancher des arguments qui n’avaient pas été invoqués en première instance et de rendre la décision qui aurait dû être rendue. Le Tribunal n’est donc pas lié par l’analyse effectuée par la Commission et il a le pouvoir de qualifier une lésion professionnelle sous une forme ou une autre.

 

Laurence et Construction Julien Dalpé inc.,2019 QCTAT 5827.

Le formulaire de réclamation du travailleur et l’attestation médicale initiale mentionnent qu’il s’agit d’une réclamation pour un évènement du 13 février 2018. La Commission la considère cependant à titre de RRA et refuse la réclamation. Aucune analyse n’est faite pour valider la possibilité que ce soit une nouvelle lésion professionnelle. Or, le Tribunal n’est pas lié par les termes utilisés par la Commission ou les parties pour qualifier la forme d’une lésion professionnelle. Le Tribunal conclut qu’il peut se prononcer sur la réclamation du travailleur, non pas à titre de RRA mais d’une nouvelle lésion professionnelle.

 

Voir également : 

Lafrenière et Sodema, [2001] C.L.P. 12.

Ville de Rimouski et Proulx, C.L.P. 171223-01A-0110, 21 mai 2004, J.-F. Clément.

Gauthier et Inter-Cité Construction ltée, 2011 QCCLP 5294.

Groupe Manucam et Riendeau, 2018 QCTAT 4564.

Détermination de la date de la lésion professionnelle

Le Tribunal peut déterminer la date de la lésion professionnelle.

Conciergerie d'Amqui inc. et Gagnon,[2003] C.L.P. 999.

La CLP ne doit pas se limiter au contenu du dossier transmis par la CSST ou à l’appréciation de la preuve faite par cet organisme, même dans les cas où la demande faite devant le tribunal est nouvelle en ce qu’elle diffère du litige engagé devant les instances inférieures. La CSST était informée que la travailleuse avait éprouvé des problèmes similaires en 1997 et en 2002. Bien que la CSST se soit prononcée sur ce qui est arrivé en 2002, la CLP peut déterminer une autre date dans sa décision sur l’admissibilité de la lésion professionnelle. Elle a les pouvoirs requis pour décider que la travailleuse a subi une lésion professionnelle en 1997.

 

Cyr et Boulangerie St-Méthode,2011 QCCLP 6119.

La CLP n’est pas liée par la façon dont la CSST qualifie la lésion professionnelle et elle peut déterminer la date de la lésion professionnelle. La CLP a conclu à l’existence d’une RRA en novembre 2009 plutôt qu’en mars 2009 sans retourner le dossier à la CSST afin qu’elle rende d’abord une décision. Si la CLP avait renvoyé le dossier à la CSST, cela se serait inscrit à l’encontre d’une saine administration de la justice administrative, laquelle est caractérisée par des principes fondamentaux non seulement de qualité, mais également de célérité et d’accessibilité. La CLP a fait non seulement usage de son pouvoir de novo, mais évite une multiplication de recours coûteux et inutiles, tout en respectant ces principes de célérité et d’accessibilité.

 

Pelletier et Manoir Lady Maria,2014 QCCLP 5641.

Le Tribunal possède les pouvoirs nécessaires pour se saisir de la preuve de la thrombophlébite diagnostiquée en avril 2014, même si elle est postérieure à la décision de la CSST contestée et si cette dernière ne s'est jamais prononcée sur cette pathologie. La réclamation du travailleur portait sur une RRA au 13 juin 2013, par contre, l'objet du litige demeure le même, soit la reconnaissance d'une RRA de la lésion initiale du 8 septembre 2008. Le Tribunal a le pouvoir de déterminer une nouvelle date pour une RRA.

 

Casaubon-Martel et Aciers Orford,2018 QCTAT 5842.

Le Tribunal rappelle qu’il n’a aucune obligation de se limiter à la date alléguée par le travailleur ni à celle inscrite dans le formulaire de réclamation, ou même celle retenue par la Commission dans sa décision. La jurisprudence du Tribunal est constante pour conclure qu’il a le pouvoir de déterminer la date d’une RRA, et ce, en vertu des pouvoirs de novo qu’il possède.

 

Rondeau,2019 QCTAT 2532.

Le Tribunal rappelle qu’il procède de novo et qu’il a le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Il a le pouvoir de déterminer la date d’une lésion professionnelle dont on lui demande la reconnaissance. Selon la jurisprudence, la date d’une RRA correspond à celle où une modification de l’état de santé du travailleur est constatée.

 

Voir également :

Lachance et Garage Hermann Bolduc, 2012 QCCLP 4556.

Le Tribunal ne peut pas substituer à l'objet du litige la survenance d’une autre lésion professionnelle survenue dans d’autres circonstances et à une autre période donnée.

Trudel et Service de transport adapté de la Capitale inc.,[2008] C.L.P. 388.

LA CLP ne peut se servir d’un litige portant sur l’existence ou non d’une lésion professionnelle survenue dans des circonstances précises et à une date donnée pour y substituer la survenance d’une autre lésion professionnelle survenue dans d’autres circonstances et à une autre période donnée.

 

Ambulances Granby et Lamarre,2012 QCCLP 2014.

Le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue prévu à l'article 377 LATMP ne va pas aussi loin que de déterminer qu'une lésion est survenue chez un autre employeur, à une autre date au moment d'un autre événement. En conséquence, la CLP a compétence pour décider de l'existence d'une lésion professionnelle, mais étant donné les faits du dossier, elle n'a pas le pouvoir de déterminer que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 21 novembre 2010 alors qu'il était au service de Farnham ambulance.

 

Y.L. etCompagnie A,2013 QCCLP 94.

La CLP peut recevoir et examiner en vertu de ses pouvoirs, toute nouvelle preuve pertinente au litige. La limite à ce pouvoir est que la CLP ne peut pas trancher un litige étranger à l’objet du litige. Le travailleur demande devant le tribunal de statuer sur une nouvelle RRA produite à une date différente que celle portant sur la réclamation du travailleur. La CLP n’a pas les pouvoirs de rendre cette décision.

 

Richard et Canada (Emploi et Développement social),2016 QCTAT 1721.

Le Tribunal peut cerner la date réelle d’une lésion professionnelle à partir de la preuve au dossier pourvu qu’il s’agisse de la lésion professionnelle envisagée dès le départ et non d’une nouvelle lésion professionnelle complètement différente.

 

 

Diagnostic n’ayant pas fait l’objet d’une décision de la CNESST

En vertu de son pouvoir de novo, le Tribunal peut actualiser le dossier en vue de déterminer le diagnostic en lien avec la lésion professionnelle, même si celui-ci n’a pas fait l’objet d’une décision initiale de la CNESST.

Mahko et Banque Nouvelle-Écosse,2011 QCCLP 3135.

L’employeur soutient que la CLP n’a pas la compétence pour déterminer si le diagnostic de syndrome post-commotionnel est en lien avec la lésion professionnelle. Il soumet que le diagnostic de syndrome post-commotionnel ne fait pas l’objet de la décision contestée par la travailleuse et que ce diagnostic n’a jamais été soumis à la CSST. Or, le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue implique donc que la CLP tienne compte de l’ensemble de la preuve. Cette obligation signifie que le Tribunal doit actualiser le dossier dont il est saisi.  La CLP juge qu’elle possède les pouvoirs nécessaires pour se saisir du diagnostic de syndrome post- commotionnel, et ce, même si ce diagnostic apparaît postérieurement à la décision contestée de la CSST et que celle-ci ne s’est jamais prononcée sur le lien entre cette pathologie et l’événement.

 

Thériault et Construction Marcel Chouinard,2011 QCCLP 6455.

La CLP a les pouvoirs de déterminer quel diagnostic est relié à la lésion professionnelle. L’investigation médicale n’était effectivement pas encore terminée au moment où la CSST a rendu ses décisions. Lorsqu’elle refuse la réclamation du travailleur, la CSST rend sa décision initiale alors qu’aucun diagnostic lésionnel n’est établi. La preuve révèle que l'évolution du diagnostic n’est pas le résultat d’un tout nouveau diagnostic, mais découle plutôt d’une investigation et d’une analyse de celui-ci toujours en lien avec la lésion professionnelle. Le même site anatomique est impliqué et les symptômes qui peuvent en découler sont observés. Il y a une distinction à faire entre un ou des diagnostics nouveaux et un diagnostic qui a évolué dans le temps en raison d’une investigation plus poussée. La CLP a les pouvoirs d'actualiser le dossier et de se prononcer sur l'ensemble des diagnostics au dossier.

 

Coentreprise Transelec-Arno et Laverdure,2013 QCCLP 7168.

Concernant la demande de la représentante de l’employeur de déclarer qu’il n’y pas de déchirure des tendons de la coiffe des rotateurs, aucune décision de la CSST n’a été rendue concernant ce diagnostic. Il apparaît cependant du protocole opératoire qu’il n’y a effectivement pas de déchirure à ce niveau. Le Tribunal considère qu’il peut se saisir de l’existence de ce diagnostic, bien qu’il n’ait pas fait l’objet d’une décision, sans retourner le dossier à la CSST, dans un but d’éviter la multiplication des recours. Les parties ont d’ailleurs eu l’opportunité de soumettre leurs représentations à l’audience sur cette question et le Tribunal estime que le droit d’être entendu à cet égard est ainsi respecté.

 

Petit-Homme et Résidence Biermans,2018 QCTAT 4126.

Serait-il approprié pour le Tribunal de statuer sur le lien causal entre le nouveau diagnostic d’étirement du grand rhomboïde avec myalgie secondaire et l’événement? Le « pouvoir d’actualiser le dossier » que la Loi confère au Tribunal siégeant de novo ne l’autorise pas à court-circuiter les étapes décisionnelles voulues par le législateur pour décider en première instance d’un tout nouveau recours, mais plutôt à mettre à jour le substrat factuel pertinent à un litige sur lequel les instances compétentes se sont déjà prononcées, le tout en vue de rendre une décision finale complète, éclairée et la plus actuelle possible. Il faut donc décider si la thèse promue par le procureur du travailleur vise à préciser le diagnostic d’accrochage de l’épaule gauche sur lequel la Commission s’est prononcée ou à tenir compte d’une évolution dudit diagnostic.

 

Le pouvoir d’actualiser le dossier ne peut s’exercer au détriment des droits de la Commission ou de l’employeur de contester toute question d’ordre médical prévu à l’article 212 de la Loi dans le cadre du processus d’évaluation médicale.

Mahko et Banque Nouvelle-Écosse,2011 QCCLP 3135.

Bien que la CLP se saisisse d’un diagnostic qui n’a pas fait l’objet d’une décision de la CSST, les droits de l’employeur de le contester sont non seulement respectés, mais ont effectivement été exercés en toute légitimité. En effet, l’employeur a répondu à l’expertise en dirigeant la travailleuse vers un autre psychiatre. Compte tenu des conclusions auxquelles en arrive le psychiatre désigné par l’employeur, le BEM n’aurait pu statuer sur le diagnostic. Devant l’unanimité des conclusions des deux psychiatres sur l’existence du diagnostic de syndrome post-commotionnel et compte tenu qu’elle possède l’ensemble de la preuve et que les parties ont eu l’opportunité de répliquer à leur preuve respective, la CLP a l’obligation de se saisir de ce diagnostic et ne pas retourner le dossier à la CSST, et ce, afin d’éviter de longs et coûteux délais aux parties. Cette approche rejoint les principes de célérité et d’accessibilité de la justice administrative tel que le consacre l’article premier de la LJA.

 

Létourneau et Hôtel Le Président,2013 QCCLP 5608.

La CSST n’a pas de diagnostic pour rendre une décision sur l’admissibilité de la lésion professionnelle; elle rejette donc la réclamation. La révision administrative arrive à la même conclusion. À la CLP, la travailleuse plaide un diagnostic de dépression. L’article 377 ne permet pas l’utilisation de faits postérieurs de cette manière. La CSST n’a pas pu statuer sur ce diagnostic. Si la CLP avait un tel pouvoir, elle court-circuiterait la procédure et placerait la CSST devant un fait accompli. Le dossier est retourné à la CSST.

 

Larcher et Acoustique S. Mayer,2017 QCTAT 1673.

Le Tribunal estime que ce pouvoir d’actualiser le dossier dont il est saisi, au chapitre du diagnostic notamment, ne peut s’exercer au détriment des droits de la Commission ou de l’employeur de contester toute question d’ordre médical prévu à l’article 212 de la Loi dans le cadre du processus d’évaluation médicale.

 

Maurice Guillemette inc. et Lemay,2019 QCTAT 3663.

Le Tribunal rappelle qu’il dispose d’un pouvoir d’actualisation des dossiers qui se fonde sur l’article 9 de la LITAT qui prévoit la possibilité de « rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu ». Ce pouvoir d’actualisation a d’ailleurs été reconnu dans l’affaire Larcher et Acoustique S. Mayer, où l’on soulignait que l’un des objectifs poursuivis par l’actualisation d’un dossier est « d’éviter la multiplication des recours coûteux et inutiles ». Toutefois, dans cette affaire, le Tribunal faisait une mise en garde contre le risque d’exercer le pouvoir d’actualisation de la preuve médicale au détriment du droit de l’employeur et de la Commission de contester toute question d’ordre médicale. Afin d’éviter une telle situation, le Tribunal retient deux paramètres. D’une part, il considère que le diagnostic en cause doit avoir été posé par le médecin qui a charge et soumis à la Commission qui a omis ou refusé de s’en saisir. D’autre part, il ne doit pas s’agir d’un tout nouveau diagnostic n’ayant rien à voir avec celui initialement posé, mais il doit plutôt s’agir d’un diagnostic permettant de préciser la condition ou encore un diagnostic de nature évolutive.

 

Voir également :

Leblanc et RTC Chauffeurs, 2019 QCTAT 1585.

Protomach inc. et Lépine, 2020 QCTAT 810.

Ville de Sutton et Marois, 2020 QCTAT 1998.

Pour plusieurs décideurs, la possibilité pour le Tribunal de se saisir d’un diagnostic qui n’a pas fait l’objet d’une décision de la CNESST se limite donc aux situations suivantes :
1) lorsque ce nouveau diagnostic a été posé par le médecin traitant et soumis à la CNESST mais que celle-ci aurait omis ou refusé de s’en saisir d’où l’absence de décision;
2) lorsque le diagnostic retenu par un expert n’est en soi qu’une précision du diagnostic faisant l’objet de la décision de la CNESST ou encore que le diagnostic retenu par l’expert ne représente qu’une évolution du diagnostic au cœur du litige dont le Tribunal est saisi.

Le nouveau diagnostic a été posé par le médecin traitant et soumis à la Commission mais que celle-ci aurait omis ou refusé de s’en saisir d’où l’absence de décision

Couture et Pmp Repro Média inc.,C.L.P. 378471-61-0905, 12 avril 2010, R. Napert.

Plus de 15 mois se sont écoulés depuis que le médecin traitant s’est exprimé sur le diagnostic de sciatalgie, sans que la CSST n’ait rendu de décision, et ce, malgré l’invitation de sa réviseure administrative. Devant l’inaction de la CSST, la CLP est justifiée d’intervenir. Les examens passés par la travailleuse ont permis de mieux définir sa condition médicale et d’identifier la pathologie à l’origine de ses douleurs. Les tribunaux supérieurs ont maintes fois invité la CLP à actualiser un dossier.

 

Garcia-Davila et Gelpac Rouville inc.,2016 QCTAT 2623.

Le Tribunal a suspendu l’audience à la demande du procureur du travailleur et celui-ci s’est adressé à la CSST pour que celle-ci rende décision sur le diagnostic de hernie discale D2-D3. Estimant qu’elle avait déjà rendu décision au regard de diagnostics similaires, la CSST n’a rendu aucune autre décision. Le Tribunal estime que ses larges pouvoirs lui permettent de rendre une décision, lorsque la CSST néglige de rendre, alors que la Loi l’oblige à le faire.

 

Voir également :

Lacoste et Boulangeries Comas inc., 2016 QCTAT 3810.

Le diagnostic évolutif ou précisé

Chalifoux et Groupe TNT inc.,C.L.P. 297077-64-0608, 8 mars 2007, J.-F. Martel.

Dans un tel contexte de " caractère évolutif de la recherche du diagnostic ", " le fait de retourner le dossier à la CSST pour obtenir une nouvelle décision sur la question du diagnostic constituerait un abus de procédure et allongerait indûment ainsi les délais ", et cela, même si la CSST ne s’est pas prononcée sur le sujet médical concerné, car la Loi vise " un règlement rapide et efficace des litiges découlant de l’existence d’une lésion professionnelle ".

 

Franklin et Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys,2012 QCCLP 7322.

La CLP ne peut pas inclure un nouveau diagnostic qui n’est pas évolutif et qui n’est pas en lien avec la lésion sans que la CSST n'ait d’abord rendu une décision.

 

Voir également : 

Kanagaratnam et Rôtisserie Scores BBQ, 2011 QCCLP 7074.

Bernier et Bombardier Produits Récréatifs inc., 2014 QCCLP 5857.

Omission de la CNESST ou du BEM de statuer sur une question médicale

Lorsque le membre du BEM omet de se prononcer sur un sujet alors qu’il devait le faire, ou encore qu’il se prononce alors qu’il n’avait pas à le faire, le Tribunal sera plus enclin à rendre la décision qui aurait été rendue, pour autant que le dossier contienne suffisamment d’informations. Il en est de même lorsque la CNESST omet de demander au BEM son avis sur une question médicale contestée.

Pretium Canada Co. et Keddy,[2006] C.L.P. 440.

Étant donné l'importance de la question du diagnostic, il est évident que l'employeur ne peut procéder au fond tant que celle-ci n'est pas tranchée et elle ne le sera jamais si on adopte la position de la CSST. Le législateur n'a sûrement pas voulu qu'une partie, par le simple désintéressement de son dossier, puisse paralyser tout le processus décisionnel. La CSST aurait donc dû retourner le dossier au BEM. Toutefois, la CLP possède la compétence nécessaire afin de disposer au mérite des questions médicales en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 377 LATMP. Selon la jurisprudence, la CLP a le pouvoir de statuer sur des questions médicales en l'absence d'une détermination du BEM dans la mesure où la contestation sur la question était valablement engagée. Même si le membre du BEM aurait dû traiter de la question, le tribunal peut y suppléer en rendant la décision qui aurait dû être rendue. Retourner le dossier à la CSST entraînerait inutilement des coûts et délais additionnels.

 

Martinova et Centre hospitalier Université de Montréal,C.L.P. 233475-71-0405, 17 janvier 2007, A. Suicco.

La jurisprudence indique clairement que les recours portés devant la CLP sont entendus de novo. La travailleuse demande à la CSST de se prononcer sur la question de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, et devant l'attitude de la CSST, elle a demandé à la CLP d'obliger la CSST de procéder à cette évaluation. La CLP entend rendre la décision qui aurait dû être rendue, en raison de la compétence et des pouvoirs qui lui sont conférés aux articles 369 et 377. De plus, la CLP entend « actualiser » le dossier, conformément aux enseignements des tribunaux judiciaires. La Cour supérieure reconnaît non seulement le pouvoir, mais également l'obligation pour un organisme d'appel de se prononcer sur un sujet qui n'a pas été traité par l'instance inférieure, lorsque cet organisme possède les éléments nécessaires pour décider, ce qui est le cas dans le présent dossier. Les parties seront convoquées sur le fond des contestations.

 

Gibouleau et Résidence Angelica inc.,C.L.P. 296204-63-0608, 15 novembre 2010, M. Gauthier.

Le dossier a évolué pendant des années et les diagnostics contemporains à l'événement n'ont pas été soumis au BEM malgré les demandes de l'employeur en ce sens. Dans ce contexte, s'il était ultimement ordonné à la travailleuse de se soumettre à un nouvel examen médical, cette procédure serait théorique puisque les conclusions du BEM seront de toute façon contestées. Il faut tout d'abord que le présent tribunal se prononce sur la relation entre le nouveau diagnostic et l'événement initial. Étant donné les objectifs de bonne administration de la justice et d'équité, de l'objet de la Loi et pour éviter une multiplication de procédures, le présent Tribunal se saisit de toutes les questions médicales sans que le dossier soit de nouveau soumis au BEM.

 

E.L. et CSSS A,2015 QCCLP 1841.

L’avis du BEM était certes incomplet, mais le Tribunal ne peut conclure à son irrégularité du seul fait que le membre du BEM ne se soit pas prononcé sur un sujet dont il était valablement saisi. Le travailleur ne doit pas être pénalisé par l’omission du BEM. La CLP a les pouvoirs requis pour se saisir de ce sujet.

 

ORAM — Plomberie du Bâtiment et Paquin,2015 QCCLP 6036.

L’avis du membre du BEM est incomplet puisqu’il ne traite pas de la date de consolidation, alors que l’employeur avait demandé un avis sur ce sujet. L’erreur émane de la CSST, donc, lui retourner le dossier pour qu’elle rende une nouvelle décision ne servirait pas les intérêts de la justice. La CLP a les pouvoirs de rendre la décision qui aurait dû être rendue et se saisira de la question.

 

Voir également : 

Boiseries Asco inc. et Anwar, [2003] C.L.P. 698.

Belisle et Service d'entretien Empro inc., C.L.P. 378763-71-0905, 16 juillet 2010, A. Vaillancourt.

Suivi :

Désistement de la requête en révision, 5 juin 2012.

Accueil du Rivage inc. et Simoneau, 2018 QCTAT 2117.

 

Pouvoir du Tribunal de soulever d’office une question

Le non-respect des délais des recours déposés devant le Tribunal

Le Tribunal reconnaît de façon unanime qu’il peut soulever d’office la recevabilité des contestations déposées devant lui.

Tellier et Transport Serge Beauregard inc.,2015 QCCLP 3331.

Le seul hors délai que le Tribunal doit soulever d’office est celui prévu à l’article 359, non pas au motif qu’il s’agit d’un délai de rigueur ou d’une question de compétence, mais bien parce qu’au contraire des autres délais, il ne peut être l’objet d’une vérification par la CSST et aucune décision implicite sur ce délai n’est possible. Comme cette disposition est le seul délai qui s’adresse directement au Tribunal, la CLP se doit de le soulever puisqu’elle est la seule instance à pouvoir s’assurer du respect de cette condition de recevabilité.

 

Denis et Beaulieu Canada (division Moquette),2016 QCTAT 2926.

Le Tribunal est d’avis que ce sont seulement les délais qui n’ont pas fait l’objet d’une décision implicite antérieure qui doivent être soulevés d’office, comme par exemple, le délai qui est prévu à l’article 359 de la Loi.

 

Abbadi c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2021 QCCS 786.

 Ainsi, l’article 359 de la Loi n’est ni un délai de prescription ni un délai de déchéance. C’est un délai de procédure. Par conséquent, l’article 2878 CCQ ne s’y applique pas. C’est donc raisonnablement que le TAT a décidé qu’il n’y avait aucun empêchement à ce qu’il soulève d’office la question du respect de ce délai procédural.

 

Suivi :

Permission d'appeler accueillie, 500-09-029453-214.

Voir également :

Pelletier et Portes Alain Bourassa inc., 2016 QCTAT 927.

Bozorgmand et Aliments Bercy inc., 2016 QCTAT 2117.

9190-1926 Québec inc. et Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2016 QCTAT 5359.

Brisson et Isolation Y.G. Ippersiel inc., 2016 QCTAT 6199.

Saleh et Groupe GBL, 2017 QCTAT 3314.

Lecompte et Goodyear Canada inc., 2018 QCTAT 1155.

Ben Dekhil et Restaurant La Trattoria, 2018 QCTAT 5442.

Mupenda et Résidences Tournesol, 2019 QCTAT 3609.

Kumar et Écono Lodge Aéroport (F), 2019 QCTAT 3969.

Association de taxi Diamond de Montréal ltée, 2020 QCTAT 252.

Le même principe s’applique au délai pour le dépôt d’une requête en révision ou en révocation.

Groupe Champlain et Fleurimond P. Victor, 2017 QCTAT 1003.

Nadeau et Centre gestion équipement roulant (820), 2017 QCTAT 2435.

Déry et Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2018 QCTAT 1057.

Latraverse et Acier Montfer inc., 2019 QCTAT 1288.

Suivi :

Pourvoi en contrôle judiciaire pendant, 705-17-008819-193.

Le non-respect du délai de révision prévu à l’article 358 de la Loi

La jurisprudence est partagée quant à la possibilité pour le Tribunal de soulever d’office le non-respect du délai de révision prévu à l’article 358 de la Loi.

Certains sont d’avis que le Tribunal peut soulever d’office cette question.

Renault et Les entreprises Julien inc.,C.L.P. 181449-32-0203, 23 août 2002, M-A Jobidon.

La CLP a soulevé d’office la question du délai de production de la demande de révision logée par l’employeur. L’employeur soumet que la Direction de la révision administrative n’a jamais soulevé cette question. Par conséquent, la CLP ne peut soulever cette question, puisque sa compétence se limite à vérifier son propre délai prévu à l’article 359 de la Loi. À ce sujet, il y a lieu de se référer à l’article 377 de la Loi qui prévoit que la CLP peut rendre toute décision qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu. Il est reconnu que le Tribunal apprécie un litige qui lui est soumis en de novo, c’est-à-dire qu’il lui est permis de réentendre et de réévaluer l’ensemble de la preuve comme s’il était lui-même le premier palier décisionnel, comme ceci a maintes fois été reconnu dans la jurisprudence. Ceci étant, la CLP se doit de soulever une question préliminaire comme celle traitant du délai de production de la demande de révision même si l’instance qui était saisie de la contestation a omis d’en traiter. Cette question est attributive de compétence, ce qui fait en sorte que la Direction de la révision administrative n’avait pas compétence pour se saisir du litige soumis par l’employeur, sans traiter de cette question. Il appartient donc à la CLP de le faire.

 

Édifices St-Georges inc. et Questco inc.,C.L.P. 258631-32-0503, 5 décembre 2005, G. Tardif.

En soumettant à la CLP qu’elle ne peut soulever d’office la question, Édifices St-Georges inc. se trouve donc à demander au Tribunal de fermer les yeux sur cette irrégularité importante commise par le réviseur. Dans le contexte d’ordre public de la LSST et de la LATMP et de la mission que le législateur a confiée au Tribunal et dans le cadre du pouvoir de novo que lui confère l’article 377 LATMP, la CLP ne peut accepter de manquer aux devoirs qui lui incombe de corriger, le cas échéant, les irrégularités du processus décisionnel.  Il faut que cette question, qui n’a jamais été examinée, le soit dans le cadre du recours entrepris ici. La question du délai d’introduction d’un recours ou du motif raisonnable requis pour justifier le retard ne doit pas, dans le contexte de la LSST et de la LATMP, être considérée comme une question d’intérêt privé mais bien plutôt comme une question qui touche directement l’ordre public. C’est pourquoi, la commissaire soussignée est d’avis que la recevabilité d’un recours, à quelque étape que ce soit, ne doit pas être considérée comme une question différente et distincte de la question de fond mais bien comme une question qui se situe dans le prolongement du processus décisionnel dont les irrégularités doivent être corrigées, considérant que la CLP a le devoir de rendre une décision qui soit conforme à la Loi et que les vastes pouvoirs qui lui sont impartis par l’article 377 de la Loi comprennent celui de soulever d’office cette question mixte de fait et de droit.

 

Cyr et Bonduelle Canada inc.,C.L.P. 349467-62B-0805, 9 octobre 2009, M. Watkins.

Le travailleur soutient que la CLP ne peut soulever d’office une question de hors-délai dans la production d’une demande de révision. Le Tribunal est d’avis contraire. Comme l’a établi la CLP dans l’affaire Édifices St-Georges inc. et Questco inc., la question du délai de révision relève de l'exercice de la compétence qui incombe au Tribunal de disposer des recours formés en vertu de l'article 369 de la Loi et les pouvoirs dont dispose la CLP ne dépendent pas des prétentions des parties ou de leurs agissements, mais bien de l'article 377 de la Loi. Aussi, le Tribunal est d’avis que si on ne peut déroger activement à la Loi par convention ou par décret, on ne peut non plus y déroger passivement par renonciation à en invoquer l'application. C'est pourquoi la question du délai d'introduction d'un recours ne doit pas, dans le contexte de la Loi, être considérée comme une question d'intérêt privé (comme le serait par exemple la prescription d'un recours civil ou le respect d'un délai prévu au Code de procédure civile) que seule la partie intéressée pourrait invoquer, mais bien plutôt comme une question qui touche directement l'ordre public, tel que la Loi l'édicte. En conséquence, le Tribunal est d’avis qu’il a non seulement le pouvoir, mais également le devoir de statuer sur la recevabilité de la demande de révision, et pour ce faire, de soulever la question d'office. Au surplus, le représentant de l’employeur a indiqué au Tribunal qu’il entendait soutenir l’irrecevabilité de la demande de révision faite par le travailleur si le tribunal n’avait pas soulevé d’office cette question. Dans les circonstances, la CLP entend décider de la question.

 

D’autres, au contraire, sont d’avis que le délai de révision prévu à l’article 358 LATMP ne doit pas être soulevé d’office.

Paquette et Urgel Bourgie ltée,C.L.P. 104475-71-9808, 24 janvier 2002, D. Beauregard.

La travailleuse ne peut prétendre être lésée par la décision de la révision administrative sur le délai à contester puisque sa contestation a été déclarée. Cette décision lui étant favorable, la travailleuse ne pouvait la contester devant la CLP. Si la travailleuse ne pouvait en appeler de la question du hors-délai, la commissaire était donc justifiée de ne pas s’en saisir et de déclarer qu’elle n’était pas compétente pour en trancher. Contrairement à ce que prétend l’employeur, la CLP estime que la commissaire n’a pas présumé de l’intention de la travailleuse pour convenir de ne pas exercer sa compétence, elle n’était tout simplement pas saisie du litige relatif au hors-délai à contester. Enfin, bien qu’il existe une controverse jurisprudentielle concernant cette problématique, une jurisprudence bien établie reconnaît que ce motif ne donne pas ouverture à la révision ou la révocation.

 

Fortin et Hôpital Santa-Cabrini,C.L.P. 165133-72-0107, 4 février 2003, L. Landriault.

En ce qui concerne le délai, la CLP souligne que la CSST est mal venue d’invoquer une erreur puisqu’elle-même n’a pas conclu à l’irrecevabilité de la demande de révision de la travailleuse en raison d’un retard. En effet, la CSST s’est prononcée sur le fond du litige sans se prononcer sur le retard de la travailleuse. Il faut comprendre que, ce faisant, la CSST relevait implicitement la travailleuse du défaut d'avoir produit sa demande de révision dans les 30 jours de la décision D'autre part, le Tribunal n'était pas saisi d'une contestation sur le délai, l'employeur n'ayant pas contesté la décision et la travailleuse n'ayant pas intérêt pour contester cette décision implicite sur le délai par laquelle elle n'était pas lésée. Non seulement le Tribunal n'avait pas à se prononcer sur le délai, mais en le faisant, il commettait une erreur en considérant la question du délai à déposer la demande de révision à la CSST comme une question préliminaire à l’exercice de sa compétence. Il faut en effet distinguer entre la recevabilité d’une contestation devant la CLP qui elle constitue une question préliminaire, de la recevabilité d’une demande de révision devant la CSST.

 

Les tenants de cette deuxième approche considèrent que seul le délai de déchéance doit être soulevé d’office par un tribunal. Or, pour le qualifier ainsi, il faut une expression de l’intention claire du législateur, ce qui n’est pas le cas pour l’article 358 de la Loi. 

Larouche et Pieux Géodex inc.,2017 QCTAT 5719.

La jurisprudence qui s’est développée depuis quelques années reconnaît que les délais prévus à la Loi ne sont pas des délais devant être qualifiés « de rigueur » ou « de déchéance » qui doivent être soulevés d’office.  Bien que la majorité de ces décisions traite de délai de réclamation, le Tribunal estime que le même raisonnement s’applique au délai de révision prévu à l’article 358 de la Loi. Puisque la Loi ne comporte aucune mention voulant que ce délai soit de rigueur et puisque le législateur prévoit expressément à l’article 358.2 de la Loi la possibilité pour une partie d’être relevée du défaut de l’avoir respecté, celui-ci ne peut être qualifié de rigueur. Ainsi, le motif invoqué dans les décisions soumises par la procureure de l’employeur voulant que ce délai en soit un de rigueur et que le défaut de le respecter puisse être soulevé à tout moment, même d’office, ne tient plus à la lumière de la jurisprudence récente.

 

Le non-respect du délai de réclamation (art. 270 à 272 de la Loi)

La jurisprudence est également partagée quant à la possibilité pour le Tribunal de soulever d’office le non-respect du délai pour le dépôt d’une réclamation.

Certains reconnaissent le pouvoir du Tribunal de soulever une telle question d’office

Morin et Hydro-Québec,C.L.P. 122022-03B-9908, 22 février 2002, C. Lessard.

La CLP est tenue de soulever d’office la question du hors délai, et ce, même si aucune autre partie ne soulève cette question. Il s’agit ainsi de la seule manière de s’enquérir auprès de la partie en défaut des motifs qui ont engendré son retard à agir. Ce n’est donc que par le biais de la tenue d’une enquête, sur cette question préliminaire, que la CLP peut apprécier s’il y a un motif raisonnable justifiant le retard à agir dans les délais prescrits.

 

Suivi :

Révision judiciaire rejetée, 2 juillet 2002.

Verret et Acier A.G.F.,C.L.P. 229228-31-0403, 18 juillet 2005, G. Marquis.

Selon le motif de révocation invoqué à la requête, le premier commissaire aurait erré en statuant sur une autre question que celle dont il était saisi, à savoir la reconnaissance d’un syndrome du canal carpien à titre de maladie professionnelle. Ce premier motif doit être écarté. La question de la recevabilité de la réclamation du travailleur pour une maladie professionnelle en fonction du délai de réclamation prescrit à l’article 272 de la Loi devait être soulevée d’office par le premier commissaire appelé à trancher cette question au préalable.

 

D’autres soutiennent plutôt que le Tribunal ne peut soulever d’office cette question.

Côté et Bombardier Prod. Récréatifs inc.,C.L.P. 208021-04-0305, 1er novembre 2005, J.-F. Clément.

Le Tribunal n’a pas à soulever d’office la question du respect des délais prévus aux articles 270 et suivants de la Loi concernant le dépôt d’une réclamation. Il ne s’agit pas d’une question de compétence pour lui et personne n’a soulevé d’objection à cet effet. La jurisprudence à laquelle adhère le soussigné distingue les notions de question préliminaire se soulevant d’office (par exemple le délai de contestation à la CLP) et une simple question de droit devant être tranchée par le Tribunal. Le dépôt d’une réclamation à la CSST ne constitue pas une question préliminaire pour la CLP et n’a donc pas à être soulevée d’office.

 

Rousseau et Société de transport de l’Outaouais,[2006] C.L.P. 85.

Soulignons que le travailleur y mentionne être en attente de la chirurgie depuis février 2004. La CSST ou l’employeur auraient pu dès lors soulever la question du défaut de délai pour déposer une réclamation. Ils ont choisi de ne pas le faire. Dans ces circonstances, il n’appartient pas à la CLP de soulever d’office ce défaut de délai relatif au dépôt de la réclamation. En effet, il ne s’agit pas d’une question de compétence du Tribunal et personne en l’instance n’a soulevé d’objection à cet effet ni fait de représentations en ce sens. Le dépôt d’une réclamation à la CSST ne constitue pas une question préliminaire pour la CLP et elle n’a donc pas à être soulevée d’office.

 

Denis et Beaulieu Canada (division Moquette),2016 QCTAT 2926.

Le Tribunal est d’avis qu’en rendant une décision sur le fond de la réclamation, sans se prononcer formellement sur la question du délai, la Commission a rendu une décision implicite à ce sujet et a donc considéré que le délai avait été respecté ou encore qu’il y avait la démonstration d’un motif valable permettant de relever le travailleur de son défaut. Le Tribunal ne peut donc soulever d’office cette question du non-respect du délai pour soumettre une réclamation à la Commission. En effet, la Commission a eu l’occasion de se prononcer sur le respect ou non de ce délai et qu’elle a statué de manière implicite à ce sujet. Une telle décision implicite dispense alors le Tribunal de l’obligation de soulever d’office cette question du respect ou non d’un délai. Le Tribunal est d’avis que ce sont seulement les délais qui n’ont pas fait l’objet d’une décision implicite antérieure qui doivent être soulevés d’office, comme par exemple, le délai qui est prévu à l’article 359 de la Loi. De plus, le délai prévu à l’article 272 de la Loi en est un de procédure qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice d’un droit et un tel délai n’a pas à être soulevé d’office par le Tribunal. Rappelons d’ailleurs qu’en droit civil, seul le délai de déchéance doit être soulevé d’office par un tribunal et que pour qualifier ainsi un délai, il faut une expression de l’intention claire du législateur à cet effet, ce qui n’est pas le cas pour le délai prévu par les dispositions de l’article 272 de la Loi.

 

La prescription triennale prévue au Code civil du Québec

Le Tribunal n’a pas à soulever d’office le délai de 3 ans prévu à l’article 2925 du CCQ du Québec appliqué à titre supplétif.

Hôpital Sainte-Justine,2013 QCCLP 214.

Le Tribunal a décidé dans l'affaire Centre Hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Marcoux et CSST  que la prescription pour déposer une demande de la part de l'employeur est celle prévue à l'article 2925 du CCQ, soit un délai de trois ans, mais que celui-ci n'avait pas à soulever d’office ce délai. Or, force est de constater que dans le présent dossier, ce délai est respecté.

 

Produits de Plastique Âge inc.,2015 QCCLP 2183.

Au plan procédural, le Tribunal précise que la demande de retrait des coûts du dossier doit être déposée à la CSST dans les trois ans du moment où l’employeur réussit ou aurait dû réussir à colliger l’information lui permettant de déterminer si la CSST est, ou non, justifiée de lui imputer le coût d’une visite médicale. Le Tribunal n’a pas à soulever ce délai d’office.

 

L’admissibilité en preuve portant atteinte aux droits fondamentaux

 L’admissibilité en preuve d’une filature a déjà été soulevée d’office par le Tribunal, sur la foi des articles 11 de la LJA et 2858 du CCQ, qui prévoient qu’un tribunal doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

Résidence Angelica inc. et Desforges,2012 QCCLP 487.

Pour  être en mesure de s’acquitter de cette obligation, le Tribunal doit exiger de la partie qui entend déposer une preuve de cette nature, qu’elle fasse la démonstration de sa recevabilité aux termes de l’article 11 de la LJA. Le Tribunal doit soulever d’office la question de la recevabilité de cette preuve lorsque la partie à qui on l’oppose n’en soulève pas l’irrecevabilité.

 

Gatineau (Ville de) et Ménard,2012 QCCLP 4879.

Lors de la première journée d’audience, le Tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité de la preuve vidéo et des rapports d’enquête, et ce, malgré l’absence d’objection de la part du procureur de la travailleuse. Ces éléments de preuve sont déposés sous réserve d’une décision à cet égard et un délai est consenti aux procureurs pour le dépôt d’une argumentation écrite sur cette question. Les dossiers sont mis en délibéré le 27 juin 2012, date à laquelle le Tribunal a pris connaissance de l’argumentation écrite de l’employeur portant sur la recevabilité de la preuve vidéo et la réponse du procureur de la travailleuse laissant le tout à l’appréciation du Tribunal. Mais, avant de disposer de cette question, le Tribunal doit analyser la recevabilité de la preuve constituée d’un enregistrement vidéo et de rapports d’enquête qu’a déposé l’employeur à l’audience et qui a été prise sous réserve par le Tribunal. Rappelons que, tel que l’a admis le procureur de l’employeur, même en l’absence d’une objection de la part du procureur de la travailleuse le Tribunal doit se prononcer sur cette question en raison de l’article 2858 du CCQ.

 

Campeau et Services alimentaires Delta Dailyfood Canada inc.,2012 QCCLP 7666.

Le Tribunal rappelle qu’il a le pouvoir et même le devoir de soulever d’office les questions relatives à la preuve obtenue dans les circonstances portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux.

 

STM (Réseau des autobus) et Chabot,2016 QCTAT 5066.

Le Tribunal a soulevé d’office la question de la recevabilité de la filature. En effet, l’article 2858 du CCQ lui permet de le faire en prévoyant qu’un décideur doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions pouvant porter atteinte à un droit fondamental et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Tout en reconnaissant que le Tribunal n’est pas lié par les règles de preuve des tribunaux judiciaires, la soussignée est d’avis à l’instar d’autres décideurs qu’il peut s’en inspirer. En outre, l’article 11 de la LJA est sensiblement au même effet. La soussignée est donc d’avis qu’il lui revenait de soulever d’office la question de la recevabilité de la filature.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 5201.

Voir également :

Tremblay et Ateliers de couture Homic inc., C.L.P. 304624-71-0612, 29 octobre 2010, L. Crochetière.

Groupe Hexagone et Fortier, 2016 QCTAT 4128.

Bédard Ressources inc. et Naciri, 2018 QCTAT 1141.

Le secret professionnel

Le Tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel.

Morris et Entreprises GNP inc.,C.L.P. 340673-01B-0802, 5 septembre 2008, J-F Clément.

Lorsqu’il a appris que l’ancienne procureure du travailleur serait appelée à témoigner, le Tribunal a informé ce dernier de son droit au respect du secret professionnel et de l’obligation du Tribunal de soulever d’office cette question tel que le mentionne l’article 11 de la LJA. Le travailleur a cependant, après explications, relevé Me Laurin de son secret professionnel.

 

Packianather et CUSM-Pavillon Hôpital de Montréal pour enfants,2016 QCTAT 6403.

Selon la Cour, le privilège relatif au litige et le secret professionnel sont des concepts distincts. Contrairement au secret professionnel, le privilège relatif au litige est temporaire : il prend fin en même temps que le litige qui lui a donné lieu. De plus, ce privilège naît et produit ses effets « même en l’absence d’une relation avocat-client et il s’applique sans distinction à toutes les parties, qu’elles soient ou non représentées par un avocat ». La Cour explique que la partie qui se défend seule a autant besoin d’une « zone » de confidentialité que la partie représentée par avocat. Le bénéficiaire du privilège relatif au litige peut y renoncer. La jurisprudence ajoute que, contrairement au secret professionnel, les tribunaux n’ont pas à soulever d’office le privilège relatif au litige puisqu’il ne s’agit pas d’un principe d’ordre public, mais plutôt d’une règle d’ordre privé comme la majorité des règles de preuve.

 

Voir également :

K.K. et Commission scolaire A, 2012 QCCLP 3499.

GDI Services (Québec) et Bobadilla, 2018 QCTAT 2115.

Remédier aux irrégularités

En vertu du pouvoir de novo, le Tribunal peut remédier à toute irrégularité ou illégalité ayant pu être commise aux étapes antérieures, y compris à des manquements aux règles de justice naturelle ou à l’équité procédurale.

Moulin de préparation de bois en transit de St-Romuald c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles,[1998] C.A.L.P. 574 (C.A.).

Dans l'exercice de sa compétence, la CALP peut confirmer ou infirmer la décision portée devant elle; lorsqu'elle infirme la décision entreprise, elle doit rendre la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue en premier lieu. Elle exerce donc une compétence de novo, ce qui permet aux parties de soumettre tout nouveau moyen de droit et de fait et à la CALP de remédier aux irrégularités pouvant affecter le processus décisionnel suivi jusque-là et aux erreurs commises par les instances inférieures, d'actualiser le dossier et de régler toutes les questions accessoires à la question principale qu'elle doit trancher.

 

Bibaud et Proslide Technology inc.,[2003] C.L.P. 294.

La compétence de la CLP ne se limite pas à vérifier la légalité de la décision rendue par la CSST. En effet, la Cour supérieure est seule à être compétente pour vérifier la légalité d’une telle décision. De plus, la CLP n’a pas à le faire puisqu’elle a les pouvoirs, en vertu de l’article 377, pour rendre la décision qui aurait dû être rendue.

 

Constructions Reliance Canada ltée et Chagnon,[2003] C.L.P. 429.

La CLP a le pouvoir de remédier à toute irrégularité qui aurait pu entacher le processus décisionnel antérieurement suivi, même celui de remédier à une illégalité qui aurait pu être commise au niveau inférieur relativement à la violation d'une règle de justice naturelle.

 

Suivis : 

Révision rejetée, 4 mai 2004.

Désistement de la requête en révision judiciaire, 19 mars 2009, 540-17-001401-040. 

Inter-Cité Construction ltée et Dufour,[2005] C.L.P. 701.

La CLP a non seulement le devoir de déclarer que la décision contestée est erronée, mais également celui de corriger cette erreur, ne se limitant pas à l’infirmer purement et simplement. L’exercice de sa compétence par la CLP implique la nécessité d’examiner le bien-fondé de la décision contestée. La CLP peut substituer sa propre décision à celle rendue en première instance et peut remédier à toutes irrégularités qui auraient pu affecter le processus décisionnel antérieur.

 

Syndicat des employés de l'Aluminerie Bécancour (SEAB) et Aluminerie de Bécancour inc.,C.L.P. 250084-04-0411, 4 avril 2007, J.-F. Clément.

La CLP a le pouvoir de demander à l'inspecteur de la CSST de terminer son travail et d'émettre un avis de correction, s'il l'estime opportun. Le pouvoir de la CLP de rendre la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue en premier lieu peut l'amener, entre autres, à remédier s'il y a lieu aux erreurs commises par les instances inférieures, comme celle d'omettre de terminer sa tâche. Il y a donc lieu de remédier à l'erreur de l'inspecteur en lui retournant le dossier pour qu'il exerce pleinement et entièrement sa juridiction et sa discrétion. Il serait difficile pour le tribunal de se saisir lui-même de la question sans avoir obtenu initialement l'avis de l'inspecteur étant donné le pouvoir qu'il détient en vertu de l'article 182 LSST.

 

Desrosiers et Chez Henri Majeau & Fils inc.,2015 QCCLP 5990.

Le travailleur n’avait pas uniquement demandé à la CSST de reconsidérer la décision, mais également de considérer sa demande comme une demande de révision de la décision de la CSST. La CSST a traité la demande uniquement comme une demande de reconsidération et elle n’a pas acheminé la demande en révision administrative. Cela prive le travailleur d’un recours qu’il a valablement exercé dans le délai requis, soit de faire valoir ses prétentions devant la CLP. L’article 377 permet à la CLP de rétablir l’injustice créée par la situation. La demande de révision du travailleur est recevable afin que ce dernier puisse faire valoir ses prétentions.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 3665.

Groupe Sutton et Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail,2016 QCTAT 5063.

Le Tribunal peut remédier à toute irrégularité commise dans le processus décisionnel incluant des manquements aux règles de l’équité procédurale puisqu’il procède de novo. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il doive rejeter de façon automatique toute demande relative aux manquements à l’équité procédurale à l’étape de la décision initiale. Les dispositions de la LJA portant sur l’équité procédurale dictent les normes de l’équité procédurale applicables à un organisme comme la Commission. Ainsi, il se pourrait que dans certaines circonstances particulières les manquements à ces règles à l’étape de la décision initiale soient si graves que malgré les pouvoirs du Tribunal lui permettant de remédier à ces irrégularités, l’annulation de la décision et le renvoi à l’instance inférieure soient justifiés.  Le Tribunal doit donc toujours considérer le contexte et les circonstances propres à chaque cas pour déterminer si le processus ayant conduit à la décision concernant un administré respecte les exigences de l’équité procédurale. Dans la présente affaire, le Tribunal est d’avis que le processus suivi pour rendre les décisions concernant l’assujettissement des courtiers immobiliers à la loi, quoiqu’imparfait, ne contrevient pas aux règles de l’équité procédurale applicables à la Commission dans ce contexte. La demande préliminaire des employeurs est donc rejetée.

 

Le Tribunal saisi d’un litige en imputation peut l’examiner en vertu d’une autre disposition prévue au chapitre du financement

De façon majoritaire, la jurisprudence reconnaît le pouvoir du Tribunal de statuer sur une demande d’imputation des coûts en vertu d'une disposition de la Loi autre que celle alléguée à l'appui de la demande initiale.

Pâtisserie Chevalier inc.,C.L.P. 215643-04-0309, 28 mai 2004, S. Sénéchal.

La CLP peut statuer sur une demande de partage de coûts en vertu de l'article 329 alors que la demande initiale de l'employeur à la CSST visait plutôt une demande de transfert selon l'article 327. Cette demande de l'employeur ne remet pas en jeu la compétence du Tribunal, mais fait plutôt appel au principe de novo qui caractérise le processus de contestation de la CLP.

 

GlaxoSmithKline Biologicals,C.L.P. 334462-03B-0711, 23 juin 2008, J-F. Clément.

La décision initiale de la CSST traite de la demande de partage d'imputation en vertu de l'article 326. L'instance de révision, à la demande de l'employeur, a traité de la notion de travailleur déjà handicapé en vertu de l'article 329. Le fait que le tribunal procède de novo et possède les pouvoirs prévus à l'article 377 LATMP fait en sorte qu'il peut décider d'une demande de transfert ou de partage d'imputation pour un autre motif que celui initialement plaidé.

 

CHSLD Vigi Brossard,2013 QCCLP 3154.

À cause du caractère de novo des recours, il est possible pour un employeur de faire valoir une preuve et une argumentation nouvelles devant le tribunal pourvu que sa demande d’imputation respecte les formalités prévues. La CLP, qui est saisie d’un litige portant sur l’imputation, peut donc l’examiner en vertu d’une autre disposition de la Loi prévue au chapitre du financement, et ce, même si la CSST ne s’est pas prononcée sur une telle demande. Cette position s’inscrit dans un courant jurisprudentiel maintenant devenu majoritaire depuis l’affaire Pâtisserie Chevalier inc.

 

CSSS Lucille-Teasdale,2014 QCCLP 537.

Depuis la décision rendue dans l’affaire Pâtisserie Chevalier inc., la jurisprudence est quasi-unanime au sujet des pouvoirs du Tribunal de statuer sur une demande de modification de l’imputation des coûts en vertu d’une autre disposition de la Loi que celle alléguée à l’appui de la demande initiale. Le Tribunal fait alors appel au principe du « de novo » qui caractérise le processus de contestation à la CLP. Ainsi, si le Tribunal a le pouvoir de décider selon une autre disposition de la Loi lorsqu’il est saisi d’une demande de modification de l’imputation, il va de soi qu’il a le pouvoir d’analyser la preuve selon un autre paragraphe de la même disposition. D’autant plus que cela ne change rien à l’objet du litige ou à la nature de la demande. Compte tenu du processus de contestation « de novo » qui caractérise la procédure de contestation à la Commission des lésions professionnelles, les parties peuvent s’attendre à ce que le Tribunal actualise le dossier, tienne compte d’une nouvelle preuve ou d’une nouvelle argumentation ou que les motifs de sa décision soient différents de ceux apparaissant dans les décisions rendues par les instances décisionnelles antérieures.

 

Services Matrec inc.,2018 QCTAT 5615.

Le Tribunal estime qu’il peut se saisir d’une demande de transfert de coûts en application de l’article 326, alinéa 2, de la Loi. Depuis l’affaire Pâtisserie Chevalier inc., la jurisprudence reconnaît le principe selon lequel le Tribunal peut statuer sur une demande de partage ou de transfert des coûts produite par l’employeur en vertu d’une autre disposition que celle ayant donné lieu à la décision initiale, dans la mesure où les exigences de la Loi sont respectées. C’est le caractère de novo du processus de contestation, ainsi que l’étendue des pouvoirs que lui octroie la Loi, qui lui permet de se saisir d’une nouvelle demande qui n’était pas initialement couverte par la décision contestée.

 

Voir également : 

Société de transport de Montréal, 2011 QCCLP 2256.

Matelas Houde inc., 2012 QCCLP 3902.

CSSS de Papineau, 2013 QCCLP 6998.

GSF Canada inc., 2016 QCTAT 2399.

Truelle d'Or inc. et Pompage Bas St-Laurent, 2019 QCTAT 2426.

Les conditions donnant ouverture à cette nouvelle assise juridique doivent néanmoins être rencontrées.

Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles,C.L.P. 276729-64-0511, 1er février 2007, M. Montplaisir.

L'employeur n'a pas présenté un écrit à la CSST pour exposer les motifs au soutien d'une demande de partage ou d'une demande de transfert d'imputation des coûts, ayant directement demandé la révision de l'avis d'imputation. Le délai de trois ans auquel l'employeur doit se conformer pour présenter une demande de partage de l'imputation des coûts à la CSST n'est pas échu, mais le tribunal considère qu'il ne peut statuer sur la demande de partage de l'imputation des coûts de l'employeur puisque la CSST n'a jamais eu l'occasion d'exercer sa juridiction sur cet aspect. Le Tribunal estime que le fait de permettre à un employeur de présenter une demande de partage d'imputation des coûts directement à la CLP sans que la CSST ait l'occasion d'exercer sa juridiction sur ce sujet équivaudrait à court-circuiter le processus.

 

Extra Multi-Ressources et Commission de la santé et de la sécurité du travail,2015 QCCLP 1731.

L’employeur demande à la CLP de reconnaître que le travailleur était déjà handicapé et présentait une condition d’obésité, d’allergie aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et prenait des anticoagulants. Lors de sa demande initiale, il se limitait à la mention des anticoagulants. Il n’a pas allégué l’obésité ou l’allergie aux anti-inflammatoires, mais selon lui, cela fait partie du dossier, l’audience est de novo et la CLP peut regarder la question dans son ensemble. Les motifs invoqués au soutien de la demande de partage en vertu de l’article 329 qui doivent être exposés dans le délai prévu sont, bien sûr, le handicap allégué et la preuve factuelle ou médicale appuyant les prétentions de l’employeur. La CLP ne peut permettre à l’employeur d’amender sa requête pour ajouter de nouveaux handicaps en dehors du délai légal puisque cela ferait revivre un recours déjà éteint ou ça reviendrait à faire indirectement ce qu’il ne peut faire directement. Il ne faut pas seulement que la condition apparaisse au dossier médical; elle doit être identifiée comme handicap. Soulever les conditions d’obésité ou d’intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) à l’audience dépasse le délai prévu à l’article 329 de la loi. La condition documentée au dossier n’est pas un motif raisonnable pour expliquer le retard à demander sa reconnaissance comme handicap.

 

Philippe Trépanier inc.,2015 QCCLP 2709.

La demande de partage d’imputation prévu par l’article 329 doit être faite au moyen d’un écrit contenant les motifs à son soutien avant l’expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle. Ces motifs sont le handicap allégué et la preuve pertinente invoquée à son soutien. L’employeur, devant la CLP, allègue un nouveau handicap d’obésité. L’article 377 ne peut exempter l’employeur d’invoquer les motifs au soutien de sa demande de partage. Ajouter des déficiences en dehors du délai légal reviendrait à lui permettre de faire revivre un recours déjà éteint ou de faire indirectement ce qu'il ne peut faire directement.

 

Provigo inc.,2016 QCTAT 6110.

La jurisprudence de la CLP enseigne que le Tribunal a le pouvoir de disposer d’une demande concernant l’imputation des coûts d’une lésion professionnelle formulée sous un article de loi différent de la demande initiale de l’employeur, pourvu que les critères de l’article invoqué au soutien de la nouvelle demande soient respectés et qu’une telle demande n’ait pas été décidée antérieurement.

 

PB Entreprises ltée et Jean Leclerc Excavation inc.,2018 QCTAT 2668.

À l’origine, la contestation de PBE porte sur l’application de l’article 326 de la Loi, alinéa 1. L’employeur prétend alors qu’il n’est pas l’employeur du travailleur victime de la lésion professionnelle et que la Commission ne peut lui en imputer les coûts. Devant le Tribunal, PBE invoque désormais l’application de l’article 326 de la Loi, alinéa 2, et plus précisément la faute d’un tiers. En l’espèce, l’employeur n’a pas rempli les conditions d’ouverture prévues à l’alinéa 3 de l’article 326 de la Loi pour que sa demande soit analysée sous l’angle de l’alinéa 2 de cet article. Il n’a soumis aucune demande par écrit contenant un exposé de ses motifs, dans l’année suivant la date de l’accident du travail. S’agissant d’une condition d’ouverture essentielle à l’application de l’article 326, alinéa 2, et non d’une simple formalité, sa contestation doit être rejetée.

 

Selon la jurisprudence majoritaire, le Tribunal ne peut se prononcer sur une demande de partage ou de transfert d’imputation lorsque la décision contestée devant lui est une décision générale d’imputation.

Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles,C.L.P. 276729-64-0511, 1er février 2007, M. Montplaisir.

Dans le présent cas, l'employeur n'a pas présenté un écrit à la CSST pour exposer les motifs au soutien d'une demande de partage ou d'une demande de transfert d'imputation des coûts, l'employeur ayant directement demandé la révision de l'avis d'imputation. La CLP s'est déjà prononcée sur le fait qu'un avis d'imputation ne constitue pas une décision rendue eu égard à l'article 329 de la Loi, mais doit être considéré comme une décision portant uniquement sur la détermination de l'employeur qui devra supporter l'imputation. Ainsi, en dépit du fait que le délai de trois ans auquel l'employeur doit se conformer pour présenter une demande de partage de l'imputation des coûts ne soit pas échu, le Tribunal considère qu'il ne peut statuer sur la demande de partage de l'imputation des coûts puisque la CSST n'a jamais eu l'occasion d'exercer sa juridiction sur cet aspect. Permettre à un employeur de présenter une telle demande directement à la CLP sans que la CSST ait l'occasion d'exercer sa juridiction sur ce sujet équivaudrait à court-circuiter le processus décrit au deuxième alinéa de l'article 329 de la Loi.

 

SEPAQ (St. Touristique Duchesnay),2019 QCTAT 2108.

Il est reconnu que le Tribunal a le pouvoir de décider, à l’audience, d’une demande de partage ou de transfert formulée, voire ajustée, par l’employeur, incluant en regard des articles 326 et 329 de la Loi. Toutefois, ces situations commandent qu’une demande spécifique ait été produite par l’employeur auparavant auprès de la Commission. Il ne s’agit pas simplement pour l’employeur de contester l’avis d’imputation initial émis par la Commission, mais bien de faire spécifiquement auprès de la Commission une demande exposant les motifs au soutien d’un partage ou d’un transfert du coût des prestations qui, rappelons-le, constitue une exception à la règle générale d’imputation indiquée au premier alinéa de l’article 326 de la Loi.

 

9010-6352 Québec inc.,2019 QCTAT 3263.

L’avis d’imputation émis systématiquement à l’employeur lors de l’admissibilité d’une réclamation de lésion professionnelle constitue une décision aux fins d’identifier l’employeur au dossier. Il ne s’agit pas d’une décision particulière d’imputation. Si l’employeur veut obtenir un transfert d’imputation en vertu du deuxième alinéa de l’article 326 de la Loi, il doit formuler sa demande et ses arguments initialement auprès de la Commission afin que cette dernière puisse exercer le rôle qui lui est dévolu. Le Tribunal ne peut se prononcer dès à présent sur la demande de transfert d’imputation comme le lui demande la représentante de l’employeur. Agir de la sorte aurait pour effet de court-circuiter le processus décisionnel prévu à la Loi. Rappelons que la question dont est saisi le Tribunal porte sur une décision générale d’imputation alors  qu’une demande de transfert en vertu de l’article 326 constitue une exception au principe général d’imputation prévu à son premier alinéa. Le Tribunal n’est donc pas valablement saisi d’un recours formé en vertu de l’article 359 de la Loi.

 

Sintra inc.,2019 QCTAT 3547.

Le Tribunal considère qu’il ne peut se saisir d’une demande d’un employeur visant à obtenir une modification de l’imputation à son dossier financier s’il n’a pas d’abord formulé une demande en ce sens auprès de la Commission et qu’il s’est plutôt contenté de contester la décision qui est émise automatiquement par la Commission à la suite de l’acceptation d’une réclamation. En effet, comme l’a rappelé la jurisprudence, une telle décision vise uniquement à identifier l’employeur qui sera imputé du coût des prestations.

 

Pavages Maska inc.,2019 QCTAT 3602.

Même si le Tribunal a de larges pouvoirs et que dans certaines circonstances, il n’hésitera pas à s’en servir, la présente situation ne l’autorise pas à accorder à l’employeur un transfert d’imputation en vertu du deuxième alinéa de l’article 326 de la Loi lorsque la contestation qui lui est soumise vise une décision générale d’imputation. Ce type de décision a pour but uniquement d’identifier l’employeur qui employait le travailleur au moment de la survenance de la lésion professionnelle et de l’informer que le coût des prestations qui seront versées par la Commission en raison de cette lésion professionnelle lui sera imputé en vertu du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la Loi. La jurisprudence fortement majoritaire du Tribunal indique que ce dernier n’a pas le pouvoir de se prononcer sur une demande de partage ou de transfert d’imputation lorsque la décision contestée devant lui est une décision générale d’imputation.

 

Voir également :

Ville d'Amqui, 2017 QCTAT 1196.

Voir cependant :

Métier-Plus inc.,2017 QCTAT 250.

Le Tribunal remarque que la décision contestée par l’employeur est une décision d’imputation générale et non pas une décision portant sur une demande de partage du coût des prestations en vertu de l’article 329 de la Loi. À ce titre, rappelons que le courant majoritaire veut que le Tribunal possède le pouvoir de se prononcer sur cette nouvelle demande étant donné que l’employeur recherche essentiellement la même chose, soit une modification de l’imputation du coût des prestations.

 

Montage Saint-Laurent inc.,2018 QCTAT 3391.

Le Tribunal ajoute que la décision de la Commission imputant à l’employeur le coût des prestations reliées à l’accident du travail, demeure basée sur le principe général d’imputation prévu à l’article 326 de la Loi. Cette décision a été contestée par l’employeur dans le délai légal et le Tribunal demeure saisi du recours formé en vertu des dispositions de l’article 359 de la Loi, ce qui n’empêche pas l’employeur de présenter une nouvelle preuve et argumentation de sa demande de transfert.

 

Toitures des 2 Rives inc. et Simard-Racine,2019 QCTAT 2031.

Bien que la décision contestée de la révision administrative traite de la décision générale d’imputation, la jurisprudence majoritaire reconnaît que le Tribunal peut se saisir d’une demande de partage ou de transfert de coûts reliée à une autre disposition que celle initialement invoquée devant la Commission.

 

Le pouvoir du Tribunal de rendre une décision à la lumière d’une nouvelle assise juridique s’exerce dans la mesure où il n’existe pas déjà une décision finale rendue sur cette même question. De même, le Tribunal refusera généralement de se prononcer lorsque la preuve démontre que la Commission est déjà saisie d’une telle demande.

Services de personnel Unique inc.,2017 QCTAT 5482.

L'employeur demande au Tribunal de rendre une décision sur l'imputation en examinant la question sous deux angles : le partage d'imputation en vertu de l'article 329 de la Loi et le transfert des coûts en raison d'une maladie intercurrente sous l'angle de l'article 326. Après l'audience, le Tribunal constate que l'employeur a déposé à la CSST trois demandes visant l'imputation du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle. Selon l'employeur, une décision rendue en vertu de l'article 326 rendrait sa demande initiale sans objet en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée. Le Tribunal ne retient pas ces arguments. Comme l'employeur a déposé un recours à la Commission, que celle-ci n'a pas exercé sa juridiction ni en première instance ni en révision administrative, le Tribunal estime qu'une saine administration de la justice ne justifie pas de trancher cette question. La Commission, bien qu’elle n'ait pas encore rendu de décision en première instance, demeure saisie d'un recours portant précisément sur l'objet sur lequel l'employeur demande à la soussignée de se prononcer. Par conséquent, la soussignée se prononcera uniquement sur le litige visant l'article 329 de la Loi et le dossier sous l'angle de la maladie intercurrente suivra son cours une fois que la Commission aura rendu sa décision de première instance, et le cas échéant, celle à la suite d'une révision administrative.

 

Groupe Hexagone,2018 QCTAT 716.

L'employeur précise que le 31 mars 2015, il adresse à la Commission une demande de transfert des coûts en vertu de l'article 327 de la Loi. N'ayant reçu aucune réponse à sa demande, il adresse une seconde lettre à la Commission le 8 août 2016. À l'audience, l'employeur demande au Tribunal de se saisir de cette question puisque sa seconde lettre est aussi demeurée sans réponse.  Pour l'employeur, dans un souci de faciliter l'administration de la preuve, le Tribunal peut se saisir de cette demande même si la Commission ne s'est pas encore prononcée.  La soussignée ne retient pas cet argument. Le Tribunal estime qu'une saine administration de la justice ne justifie pas de trancher cette question dans les circonstances. En effet, bien qu’il semble que la Commission n'ait pas encore rendu de décision en première instance, elle est néanmoins saisie d'un recours portant précisément sur l'objet sur lequel l'employeur demande à la soussignée de se prononcer. Le Tribunal comprend les inconvénients entraînés par les délais.  Toutefois, aucun préjudice n'a été démontré. Par conséquent, la soussignée se prononcera uniquement sur le litige visant l'article 329 de la Loi et il reviendra à l'employeur d'effectuer un suivi auprès de la Commission relativement à sa demande de partage en vertu de l'article 327.

 

Dudro inc. (Pharmacie Uniprix),2018 QCTAT 5993.

À défaut d’accorder un partage de coûts en vertu de l’article 329 de la Loi relativement à la lésion professionnelle au biceps droit, l’employeur demande subsidiairement au Tribunal d’appliquer l’article 326, alinéa 2 de la Loi, afin d’obtenir un transfert de coûts. Le Tribunal considère qu’il ne peut se saisir de la demande de l’employeur, puisque celui-ci a transmis à la Commission une demande de transfert d’imputation en vertu de l’alinéa 2 de l’article 326 de la Loi. L’employeur y fait alors référence à une infection dont a souffert le travailleur à la suite de son intervention chirurgicale du 2 octobre 2015 en lien avec son biceps droit. Comme il a déjà été décidé par le Tribunal, la décision Pâtisserie Chevalier inc. ne peut avoir pour effet de ne pas tenir compte des demandes en cours de traitement à la Commission. Il appartiendra à celle-ci de juger du bien-fondé de la demande de l’employeur en vertu de l’article 326 de la Loi et ce dernier pourra contester la décision qui suivra s’il le juge à propos. Le Tribunal ne se prononce donc pas sur la demande subsidiaire de transfert de coûts en vertu de l’alinéa 2 de l’article 326 de la Loi.

 

9196-5905 Québec inc.,2018 QCTAT 6047.

Le premier amendement de l’employeur vise à modifier la demande initiale soumise à la Commission le 15 février 2017, pour introduire une demande de transfert de l’imputation au motif que l’employeur est obéré injustement en vertu de l’article 326 de la Loi en raison de l’obésité du travailleur. Le Tribunal comprend des explications de l’employeur que sa demande n’a pas encore été traitée par la Commission en raison du moratoire suivant les contestations devant les tribunaux supérieurs dans l’affaire Supervac 2000. Quant à la seconde demande d’amendement de l’employeur, elle vise l’obtention d’une décision de la Commission voulant que ce dernier ait droit à un transfert d’imputation au motif que la situation du travailleur s’assimilerait à une omission de soins au sens des articles 31 et 327 de la Loi. Toujours selon les explications de l’employeur, le Tribunal comprend que cette demande a également été soumise à la Commission le 15 février 2017, mais n’a pas encore été traitée. Le Tribunal estime qu’il appartient à la Commission de traiter les deux demandes de transfert du coût des prestations soumises par l’employeur le 15 février 2017 en vertu des articles 326 et 327 de la Loi. Le Tribunal retourne le dossier à la Commission afin que soient traitées les deux autres demandes de l’employeur visant le transfert du coût des prestations et formulées le 15 février 2017 en s’appuyant sur les articles 326 et 327 de la Loi.

 

Pavages Maska inc.,2019 QCTAT 3602.

Le fait que la Commission tarde à traiter la demande de transfert d’imputation de l’employeur n’est pas suffisant pour justifier le Tribunal d’intervenir. La Commission n’a pas refusé d’analyser la demande de transfert d’imputation qui lui a été soumise, elle semble seulement avoir oublié d’y donner suite. Une simple demande verbale pourrait lui être adressée par l’employeur afin de régulariser la situation.  La Commission doit statuer sur la demande de transfert de l’employeur et si ce dernier est en désaccord avec la décision qui sera rendue, il pourra la contester devant le Tribunal.

 

Commission scolaire de Montréal,2020 QCTAT 1719.

Depuis la décision rendue dans l’affaire Pâtisserie Chevalier inc., un courant de jurisprudence majoritaire semble émerger selon lequel le Tribunal peut rendre une décision en vertu d’une nouvelle assise juridique dans la mesure où il n’existe pas de décision finale rendue sur cette question ou lorsque la preuve démontre qu’une telle demande est en cours de traitement et que la Commission est déjà saisie et n’a pas rendu de décision. Dans de tels cas, le Tribunal préfère s’abstenir de se saisir de la nouvelle demande de l’employeur afin d’éviter le risque que la Commission rende en même temps une décision pouvant s’avérer contraire à la sienne. Selon ce courant de jurisprudence, une telle approche du Tribunal permet d’éviter des décisions contradictoires et favorise la stabilité des décisions ainsi qu’une saine administration de la justice.

 

Suivi :

Révision demandée.

Voir cependant :

TMS Système inc., 2018 QCTAT 2374.

Ameublements Tanguay inc., 2019 QCTAT 1693.

Pour certains décideurs, un employeur ne peut demander au Tribunal de lui accorder un transfert ou un partage de l’imputation des coûts en vertu d’un article différent, en sus de du transfert ou du partage qui lui a déjà été accordé en vertu de l’article à l’origine de la demande initiale.

Construction Michel Gagnon ltée,2016 QCTAT 6089.

Un employeur peut, devant le Tribunal, modifier l’assise légale de sa demande initiale de modification de l’imputation si les critères sont respectés. Par ailleurs, en vertu de son pouvoir de novo, il peut examiner et disposer de la demande de l’employeur en vertu d’une autre assise légale que celle invoquée lors de la demande initiale et qui fait l’objet de la décision dont il est saisi. Toutefois, en l’instance, l’employeur ne modifie pas l’assise légale de sa demande de transfert initiale ni ne plaide une seconde assise de manière subsidiaire. Par sa contestation, l’employeur veut obtenir une modification de l’imputation en vertu de l’article 326 de la Loi, en sus du transfert qui lui a été accordé en application de l’article 327 de la Loi. Le Tribunal considère qu’il n’a pas les pouvoirs de disposer de la demande de l’employeur faite à l’audience d’examiner une nouvelle demande de modification de l’imputation en vertu de l’article 326, premier alinéa, de la Loi. Il lui reviendra de soumettre une demande devant l’autorité compétente.

 

9196-5905 Québec inc.,2018 QCTAT 6047.

À l’instar de la juge administrative dans l’affaire Construction Michel Gagnon ltée, le Tribunal conclut qu’une demande d’amendement par un employeur à une décision initiale qui lui est favorable ne constitue pas un moyen lui permettant d’obtenir un partage ou un transfert du coût des prestations pour un autre motif et qu’il appartient dans ces cas à l’autorité compétente de traiter cette demande.

 

 

Le pouvoir du Tribunal de rendre la décision qui aurait dû être rendue ne doit jamais s’exercer au détriment des droits des parties

L'utilisation par le Tribunal de son pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue ne doit pas porter atteinte aux droits des parties.

Desruisseaux c. Commission des lésions professionnelles,[2000] C.L.P. 556 (C.S.).

La CLP peut procéder à une révision complète des faits et des circonstances qui ont motivé la décision de la CSST et se faire sa propre idée du dossier à partir de la preuve. Son pouvoir tient davantage du procès de novo que de la révision pure et simple de la décision rendue en premier lieu. En l'espèce, la CLP a commis une erreur, quant à sa juridiction, en limitant de façon excessive son mandat à décider du bien-fondé de la décision de la CSST. Ce faisant, elle ne s'est pas prononcée sur l'ensemble du dossier, ce qui dénature son mandat de conduire un procès de novo et rend illusoire toute preuve de faits nouveaux. La question à laquelle elle devait répondre en vertu du pouvoir conféré à l'article 377 LATMP aurait dû être beaucoup plus englobante en raison des nombreux éléments de preuve qui se sont ajoutés au dossier depuis la décision de la CSST. La CLP n'a donc pas pleinement exercé sa juridiction, et cette première erreur, dite juridictionnelle, est suffisante en soi pour que le tribunal soit fondé d'intervenir.

 

Mahko et Banque Nouvelle-Écosse,2011 QCCLP 3135.

La CLP doit s'assurer que les droits d'une partie sont respectés avant d'actualiser la preuve et le dossier.

 

Aubin et CH St-Michel,2013 QCCLP 5974.

Dans l’exercice de son pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue, le Tribunal doit veiller à ce qu’il n’y ait pas d’atteinte aux droits des parties.

 

Nettoyeur Brien et Newberry,2015 QCCLP 5253.

La CLP n’a pas le pouvoir de se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles puisque ni le membre du BEM ni le médecin de la travailleuse ne se sont prononcés sur ces questions. Les parties pourront ainsi avoir recours à la procédure d’évaluation médicale. Se prononcer sur cette question porterait aussi atteinte aux droits futurs des parties pour ce qui est d’une éventuelle procédure d’évaluation médicale.

 

Andritz ltée et Thibodeau,2019 QCTAT 2738.

Le Tribunal dispose du pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu; pour ce faire, il procède de novo. Ce pouvoir lui permet d’actualiser la preuve au dossier afin d’éviter la multiplication des recours. Cependant, il doit alors veiller à ne pas porter atteinte aux droits de l'une ou l'autre des parties. Il faut aussi qu’il s’agisse d’une question sur laquelle la Commission s’est prononcée.