Interprétation

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. 43. Dispositions applicables

Requête en annulation de désistement

Principes généraux

La requête en annulation d’un désistement n’étant prévue ni à la Loi ni à la LITAT, c’est par le biais des articles 9 et 43 de la LITAT qu’un tel recours peut être soumis au Tribunal.

Salih et Avicomax inc., 2018 QCTAT 2934.

Bien que la Loi ne prévoie pas la requête en annulation de désistement, le Tribunal s’est prononcé à maintes occasions sur le sujet. Il en ressort que la CLP s’appuyait sur les pouvoirs conférés par l'ancien article 377 de la Loi, lui permettant de décider de toute question de fait ou de droit nécessaire à l’exercice de sa compétence et l’ancien article 429.20 de la Loi qui lui permettait, en l’absence de disposition applicable à un cas particulier, d’y suppléer par toute procédure compatible. Depuis la création du Tribunal le 1er janvier 2016, ces dispositions ont été remplacées par les articles 9 et 43 de la LITAT qui sont au même effet.

 

Bertrand et Sears Canada inc. (F), 2020 QCTAT 3933.

La Loi et la LITAT ne prévoient pas spécifiquement de recours en annulation d’un désistement d’une contestation déposée devant le Tribunal. Afin de pallier à l’absence de véhicule procédural à cet effet, l’article 43 de la LITAT édicte que le Tribunal peut y suppléer par toute procédure compatible avec cette loi et ses règles de preuve et de procédure. La jurisprudence reconnaît d’ailleurs l’existence d’un tel recours en vertu de cette disposition de la LITAT.

 

Voir également :

Tremblay et RTC Garage, 2017 QCTAT 1304.

Nor-Électrique et Boivin, 2018 QCTAT 5967.

Délai

La jurisprudence majoritaire considère qu’un tel recours doit être exercé dans un délai raisonnable s’apparentant au délai de contestation au Tribunal, soit 45 jours.

Leblanc et Peinture LSB inc., 2014 QCCLP 1729.

Bien qu’aucun délai ne soit prévu à la Loi pour présenter une requête en annulation de désistement, il est établi par la jurisprudence qu'une telle requête doit être déposée dans un délai raisonnable, soit le délai de 45 jours pour loger une contestation prévu à l’article 359 de la Loi.

 

Tremblay et Gicleurs automatiques Beaudoin inc. (F), 2016 QCTAT 5234.

La jurisprudence nous enseigne que le délai applicable à la présentation d’une requête en annulation de désistement est de 45 jours suivant la production dudit désistement.

 

Salih et Avicomax inc., 2018 QCTAT 2934.

Depuis la création du Tribunal le 1er janvier 2016, les articles 377 et 429.20 de la Loi ont été remplacés par les articles 9 et 43 de la LITAT qui sont au même effet. Ainsi, la jurisprudence sur le sujet est toujours applicable et prévoit, pour une demande en annulation d’un désistement, un délai analogue à celui de 45 jours prévu à l'article 359 de la Loi pour contester une décision de la CSST devant la CLP.

 

Bertrand et Sears Canada inc. (F), 2020 QCTAT 3933.

La LITAT ne prévoit aucun délai pour le dépôt d’une requête en annulation de désistement. Selon la jurisprudence, il faut s’inspirer du délai qu’édicte l’article 359 de la Loi pour le dépôt d’une contestation d’une décision que rend la Commission à la suite d’une révision administrative au Tribunal. Ce faisant, le travailleur doit, dans les 45 jours de la date de la réception par le Tribunal de son désistement, produire une requête qui en demande son annulation.

 

Voir également :

Roy Constructeur et Construction MGP inc., 2020 QCTAT 275.

Certains décideurs considèrent par ailleurs que ce recours doit être exercé dans un délai raisonnable s’apparentant au délai pour déposer une requête en révision ou révocation au Tribunal. Préalablement à l’adoption de la LITAT, cette nuance importait peu, puisqu’il s’agissait du même délai. Toutefois, depuis l’affaire Côté et Location Lou-X, ce délai a été réduit à 30 jours.

Société des traversiers du Québec et Verreault, 2017 QCTAT 4322.

La jurisprudence a établi qu’en l’absence de délai spécifiquement prévu par la Loi, la requête en annulation de désistement doit être déposée dans un délai raisonnable qui s’apparente au délai de contestation auprès du Tribunal, conformément à l'article 359 de la Loi, ou encore au délai pour déposer une requête en révision ou en révocation, en vertu de l'article 50 de la LITAT. Ces délais sont respectivement de 45 jours et de 30 jours. En l’espèce, le délai écoulé est de plus de 16 mois, dépassant largement l’un ou l’autre de ces délais.

 

Charron et Service de location de chauffeur Class Act inc., 2020 QCTAT 155.

Le Tribunal ne peut que constater qu’un délai raisonnable pour le dépôt d'une requête en annulation de désistement, qu’il soit considéré être de 45 ou de 30 jours, n’a pas d’importance en l’instance, considérant que la requête du travailleur a été déposée trois mois après le désistement qu’il avait signé lors de l’audience et dont il reconnaît avoir reçu copie de façon contemporaine.

 

Le fardeau de la preuve

Une requête en annulation de désistement n'est pas une simple formalité qui peut être remplie sur production d'une demande du Tribunal. En effet, un désistement entraîne une conséquence juridique, soit la fermeture du dossier devant le Tribunal.

Puisqu’une telle requête affecte la sécurité juridique des parties, une partie qui souhaite obtenir l’annulation de son désistement doit démontrer que son consentement n’a pas été donné de façon libre, éclairée et volontaire.

Thiboutot et Communauté Agape de Québec, 2011 QCCLP 3722.

Une demande d’annulation d’un désistement n’est pas une simple formalité qui peut être remplie sur production d’une demande au Tribunal. Un désistement entraîne une conséquence juridique, soit la terminaison du dossier devant le Tribunal. Le travailleur a ainsi l’obligation de démontrer, par une preuve prépondérante, que son consentement au désistement produit par son procureur n’a pas été donné de façon libre, éclairée et volontaire.

 

Boissonneault et CSSS Trois-Rivières, 2018 QCTAT 1161.

Un désistement consiste à retirer ou abandonner, avec ou sans transaction parallèle, une contestation déposée au Tribunal. Qu’il soit écrit ou verbal, signé par la partie elle-même ou un représentant, le désistement constitue un acte juridique définitif et irrévocable, caractéristiques qui reposent sur le principe de la stabilité des décisions. Demander de retirer un désistement une fois déposé s’avère ainsi exceptionnel.

 

Salih et Avicomax inc., 2018 QCTAT 2934.

Le Dictionnaire de droit québécois et canadien définit le terme "désistement" comme étant une "renonciation volontaire à un droit, une prétention". Par conséquent, la requête en annulation de désistement constitue un recours exceptionnel. Ainsi, une requête pour annulation de désistement n’est pas une "simple formalité qui peut être remplie sur production d’une demande au tribunal". Pour permettre au Tribunal de conclure que son désistement doit être annulé, le travailleur devait démontrer que son consentement au désistement n’a pas été donné de façon libre et éclairée au moment où il l’a signé.

 

Lafrenière et Ressource d'hébergement La Ritournelle, 2020 QCTAT 3424.

Un désistement est une renonciation volontaire à un droit, une prétention. Une requête en annulation de désistement étant un recours exceptionnel, il ne suffit pas de présenter une telle requête pour que le désistement soit retiré. La partie qui le demande doit démontrer que son consentement au désistement n’a pas été accordé de façon libre et éclairé.

 

Bertrand et Sears Canada inc. (F), 2020 QCTAT 3933.

Le désistement d’une contestation produite au Tribunal constitue une renonciation volontaire à un droit. Il s’agit d’un acte juridique dont le caractère est définitif et irrévocable. Son annulation ne peut recevoir un effet automatique. Il ne s’agit donc pas d’une simple formalité qui peut être satisfaite par la production d’une demande au Tribunal en ce sens. Pour être annulée, la preuve doit établir de manière prépondérante que le consentement du travailleur à se désister de sa contestation est vicié, c’est-à-dire qu’il n’a pas été donné de manière libre et volontaire. C’est pourquoi ce n’est que dans certaines situations bien spécifiques que le Tribunal procédera, et ce, exceptionnellement, à l’annulation d’un désistement. De telles situations sont la production d’un désistement à l’insu du travailleur, qu’il est le fruit d’une erreur de fait, qu’il est obtenu à la suite de menaces ou sous la contrainte ou bien que le jugement du travailleur est altéré par la prise de médicaments ou par un état dépressif.

 

Voir également :

Nor-Électrique et Boivin, 2018 QCTAT 5967.

Réouverture d'enquête

Une demande de réouverture d’enquête n’étant prévue ni à la Loi ni à la LITAT, c’est par le biais des articles 9 et 43 de la LITAT qu’un tel recours peut être soumis au Tribunal.

Principes généraux

Une demande de réouverture d’enquête est une procédure exceptionnelle. Elle ne doit cependant être considérée ni comme une seconde chance de convaincre le Tribunal ni comme une occasion de parfaire sa preuve.

Centre d’hébergement J.- Henri Charbonneau et Beausoleil, 2011 QCCLP 2476.

Il ressort de la jurisprudence que la requête en réouverture d’enquête ne doit être accordée qu’en présence de circonstances exceptionnelles. Le travailleur qui présente une requête en réouverture d’enquête doit démontrer avoir agi avec diligence et que la réouverture demandée est susceptible d’éclairer le Tribunal. Il ne doit pas s’agir d’une demande visant à faire ce qui n’a pas été fait avant que l’enquête ne soit terminée ni une façon d’obtenir une occasion supplémentaire de parfaire une preuve.

 

Lalonde et Métro-Richelieu (Super C Gatineau), 2016 QCTAT 2404.

La réouverture d’enquête ne doit pas servir à parfaire ce qui n’a pas été fait en temps opportun. La travailleuse cherche à bonifier sa preuve ou à faire ce qu’elle aurait dû faire en temps opportun. La requête en réouverture d’enquête ne doit pas viser à faire ce qui n’a pas été fait avant la mise en délibéré de l’affaire ni une occasion pour parfaire sa preuve. C’est pourtant ce que tente de faire la travailleuse dans le présent dossier. Selon la jurisprudence, une telle requête ne doit être accueillie que dans des circonstances exceptionnelles, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Voir également :

Olymel Vallée-Jonction et Thibault, 2016 QCTAT 4345.

Délai

Une demande de réouverture d’enquête doit être faite avant qu’une décision ne soit rendue par le Tribunal. Une fois la décision rendue, le recours approprié est celui visé à l’article 49 de la LITAT.

Tétreault et L.L. Lozeau ltée, 2016 QCTAT 4946.

Même si une demande de réouverture d’enquête doit être basée sur des motifs sérieux et doit être analysée avec circonspection, le présent Tribunal tient aussi compte du fait qu’il ne s’agit pas d’un recours portant atteinte à la stabilité juridique d’une décision puisque la cause est en délibéré et que la décision n’est pas encore rendue.

 

Petit-Homme et Centre hospitalier de l'Université de Montréal, 2020 QCTAT 1018.

L’article 43 se trouve dans la section de la LITAT portant sur l’instruction, laquelle se trouve avant la section portant sur la décision. L’instruction comprend l’enquête et l’argumentation, suivie de la prise en délibéré de l’affaire qui détermine le début du délai pour rendre la décision. Ainsi, la réouverture d’enquête n’est possible qu’entre le moment où l’enquête est terminée et celui où la décision est rendue. Une telle demande sera notamment possible après la prise du délibéré, à condition que les critères soient rencontrés. Une fois la décision rendue, le seul véhicule procédural permettant de contester cette décision est celui prévu à l'article 49 de la LITAT.

 

Critères permettant une réouverture d'enquête

Pour évaluer la validité d’une demande de réouverture d’enquête, le Tribunal s’inspire, par analogie, des critères applicables en matière civile devant les tribunaux judiciaires, soit :

- l'impossibilité pour cette personne, malgré sa diligence, de les connaître avant l’audience;
- la découverte de nouveaux éléments de preuve qui étaient inconnus de la personne demandant la réouverture d’enquête;
- ces nouveaux éléments de preuve peuvent avoir une influence déterminante sur l’issue du litige.

Mailhot et Commission scolaire Abitibi, C.L.P. 85266-08-9701, 9 novembre 1999, R. Ouellet.

Aucune disposition de la Loi ne prévoit explicitement le cas de réouverture d’enquête. La jurisprudence de la CALP et de la CLP est unanime à reconnaître que le Code de procédure civile ne s’applique pas à elles en tant que tribunaux administratifs. Par analogie toutefois, les règles de la réouverture d’enquête applicables devant les tribunaux judiciaires sont généralement suivies. Ainsi, devant ces instances, lorsque les parties à un procès ont déclaré leur preuve close, il faut une requête spéciale pour rouvrir le débat. Il s’agit de simple logique et de respect d’une instance décisionnelle. Décider autrement ferait que la sécurité judiciaire serait constamment remise en question. Les parties à un procès, insatisfaites et désirant obtenir une seconde chance, feraient ainsi indûment perdurer des débats. La jurisprudence est à l’effet que pour qu’il y ait réouverture d’enquête, les motifs invoqués doivent être valables.

 

Lecavalier et Service correctionnel du Canada (Donnacona), 2015 QCCLP 6153.

En matière de réouverture d’enquête, il y a lieu de retenir, par analogie, les règles applicables aux tribunaux judiciaires à savoir qu’il "doit s’agir de nouveaux éléments de preuve qui étaient inconnus au moment de l’audience", qu’il "était impossible, malgré toute diligence, de les connaître avant l’audience" et que "ces nouveaux éléments peuvent avoir une influence déterminante sur la décision à rendre". La jurisprudence ajoute qu’à titre de tribunal administratif, la CLP doit agir équitablement envers les parties afin de leur permettre "de rectifier ou de contredire toute preuve pertinente préjudiciable à leurs points de vue".

 

Voir également :

Gagné et Produits Produits forestiers L.M.C. inc., C.L.P. 196748-01C-0212, 10 mai 2004, J.-F. Clément.

Fleury et Centre hospitalier Anna-Laberge, 2019 QCTAT 3906.

Aliments Olympus (Canada) Les et Lainé, 2019 QCTAT 4408.

 

Le respect des règles de justice naturelle

En droit administratif, le Tribunal est tenu de respecter et de faire respecter les règles de justice naturelle dont le droit d’être entendu, le droit de faire valoir tous ses moyens, et le droit à une défense pleine et entière. Ce sont les principes que le Tribunal doit garder à l’esprit lorsqu’il doit statuer sur une demande de réouverture d’enquête.

Larrivée et Boart Longyear, C.L.P. 156535-08-0103, 5 novembre 2001, P. Prégent.

Le Tribunal reconnaît que les circonstances sont exceptionnelles et que la requête n’est pas frivole. La CLP doit donc se demander si, en refusant la requête de l’employeur, elle ne manquerait pas aux règles de justice naturelle. La Cour supérieure précise que la justice naturelle est une affaire de gros bon sens. Elle exige que le Tribunal entende les parties, ce qui comprend de les réentendre lorsque les circonstances exceptionnelles le justifient. Toutefois, la requête ne doit pas être frivole. Elle ne doit pas résulter manifestement de la négligence de son auteur. Enfin, elle doit porter sur un élément essentiel de la preuve ou du débat. Ainsi, le Tribunal doit entendre équitablement toutes les parties aux litiges afin de leur donner la possibilité de rectifier ou de contredire toute preuve pertinente préjudiciable à leur point de vue. La CLP est également d’avis que la réouverture d’enquête doit être accueillie s’il est démontré que cette réouverture d’enquête est susceptible de l’éclairer.

 

Vézina et Gil-Ber inc., 2012 QCCLP 2961.

L’article 429.20 de la Loi permet au Tribunal de se saisir de procédures même si celles-ci n’y sont pas spécifiquement prévues. La jurisprudence enseigne également que, comme tribunal administratif, la CLP doit entendre équitablement les parties afin de leur donner la possibilité de rectifier ou de contredire toute preuve pertinente et préjudiciable à leurs points de vue.