Élargissement de la notion de travailleur à l’étudiant stagiaire en milieu de travail
Selon la jurisprudence, le but visé par l’article 10 est d’élargir la notion de travailleur à l’étudiant qui fait un stage en milieu de travail et qui se retrouve ainsi dans des conditions similaires à celles des autres travailleurs de l’établissement où il effectue son stage.
- Barr et Pompiers-Autorité centrale, [2006] C.L.P. 992.
L’objectif du législateur est d’étendre le bénéfice de la protection accordée par la LATMP aux étudiants qui, pour les fins d’obtention de leur diplôme, effectuent un stage non rémunéré dans un établissement autre que leur établissement d’enseignement. Ces étudiants stagiaires seront ainsi couverts de la même manière que les autres travailleurs du même établissement s’ils subissent une lésion professionnelle au cours de leur stage.
- Ndayizeye et Université de Montréal, 2012 QCCLP 3236.
L’élargissement de la notion de travailleur, qui excède la définition traditionnelle renvoyant au salarié, concorde avec l’objet de la LATMP. En effet, la LATMP a pour objet d’assurer la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qui en découlent pour tous ceux qui exécutent une prestation de travail ou sont présents dans un même lieu de travail, peu importe leur statut ou titre.
Voir également :
Mega et Commission de la Construction du Québec, C.L.P. 330110-71-0710, 27 mai 2008, F. Juteau.
Fadhlaoui et Institut national de la recherche scientifique, 2013 QCCLP 6564.
Voir :
Article 2, rubrique Interprétation de la définition d’établissement
Distinction entre formation et stage en milieu de travail
La jurisprudence considère que les exercices pratiques, simulant le contexte de travail pour lequel l’étudiant est formé et les tâches qu’il aura à accomplir sur le marché du travail, font partie de la formation et ne relèvent pas de la notion de stage au sens de l’article 10.
Pour qu’il y ait stage au sens de l’article 10, le travail doit être exécuté pour le compte d'un employeur, dans un réel contexte de travail, dans l’établissement où le stage est effectué.
- Lavoie et Cegep de Rimouski, [1988] C.A.L.P. 367.
Pour la CALP, le stage, au sens de l'article 10, implique l'exécution d'un travail par un étudiant, pour le compte d'un employeur et sans rémunération, dans le cadre de son programme de formation et sous la responsabilité de l'établissement d'enseignement qu'il fréquente.
Il doit donc y avoir l’exécution d’une prestation de travail pour le compte d'un employeur, dans un véritable contexte de travail, par opposition aux exercices pratiques ou simulations effectuées dans le contexte de la relation enseignant-étudiant.
- Mega et Commission de la Construction du Québec, C.L.P. 330110-71-0710, 27 mai 2008, F. Juteau.
La CLP appuie l’interprétation donnée à la notion de stage par la CALP dans l’affaire Lavoie et Cegep de Rimouski car elle correspond à l'objectif premier de la LATMP, soit l'indemnisation des travailleurs victimes de lésions professionnelles et non l'indemnisation d'étudiants en cours de formation ou de perfectionnement.
Distinction entre contexte de travail et particularités du milieu de travail
Selon le tribunal, la nécessité d’être en tenue de travail et de fournir les outils de travail n’est pas constitutive d'un véritable contexte de travail.
- Mega et Commission de la Construction du Québec, C.L.P. 330110-71-0710, 27 mai 2008, F. Juteau.
Le fait que le requérant soit vêtu comme s'il était au travail et fournisse ses outils de base relève des particularités propres à l'industrie de la construction et non d'un véritable contexte de travail.
Éléments non déterminants dans la qualification de stage au sens de l'article 10
Activités de formation perçues comme un stage
Même si le stage est perçu comme tel par les étudiants ou l’établissement d’enseignement, cette perception ne suffit pas pour le qualifier de stage au sens de l'article 10.
- Lavoie et Cegep de Rimouski, [1988] C.A.L.P. 367.
La dénomination de stage par les étudiants ou le paiement de cotisations à la CSST par l’établissement d’enseignement ne constituent pas des éléments suffisants pour faire de l’étudiant un travailleur au sens de la LATMP.
Voir aussi :
Parker et Commission scolaire du Sault St-Louis, C.L.P. 100868-63-9805, 27 mai 1999, J.-L. Rivard.
Formes de rémunération
Pour pouvoir être qualifié de stage au sens de l'article 10, le stage ne doit pas être rémunéré. La question s’est donc posée de savoir si certaines formes d’allocation pouvaient constituer une rémunération et dès lors soustraire le requérant à la protection de la LAMTP.
Le tribunal a ainsi jugé que la perception d’une allocation par l’étudiant ne s’apparente pas nécessairement à une rémunération.
- Ministère de l'Emploi et de la Sécurité sociale et Brunet, C.L.P. 162073-63-0105, 30 janvier 2002, M. Gauthier.
Une allocation de soutien de revenu du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale, en remplacement des prestations d’assurance emploi, ne constitue pas une rémunération assimilable à un salaire mais plutôt une allocation de formation ou d’une aide financière.
- Mega et Commission de la Construction du Québec, C.L.P. 330110-71-0710, 27 mai 2008, F. Juteau.
Le tribunal ne tient pas compte du fait que le requérant reçoive une allocation du Fonds de formation des travailleuses et travailleurs de l'industrie de la construction et qu’il n’ait pas à défrayer le coût des cours, ces éléments étant propres à l’industrie de la construction.
Par contre, une bourse d’études, à certaines conditions, peut être considérée comme constituant une rémunération.
- Ndayizeye et Université de Montréal, 2012 QCCLP 3236.
Le requérant effectuait un stage postdoctoral non rémunéré à temps plein lorsqu'il a fait une chute dans le stationnement de l'Université. Le requérant, à titre de stagiaire postdoctoral, avait signé un engagement avec l'Université pour effectuer de la recherche en contrepartie d'une bourse. Son activité principale était celle d'un chercheur et non celle d'un étudiant, car il n'était pas inscrit à des cours et ne visait pas l'obtention d'un diplôme. Le tribunal estime que le requérant participait ainsi à l'une des facettes de l'entreprise qu'est l'Université, soit la recherche universitaire. Dans ce contexte, le tribunal juge que la bourse octroyée en contrepartie de la prestation de travail offerte par le requérant constituait une « rémunération ». Les critères énoncés à l’article 10 n’étant pas rencontrés, le requérant ne pouvait être qualifié de stagiaire au sens de cette disposition. Le tribunal conclut toutefois que le requérant était un « travailleur » au sens de l'article 2.