Interprétation

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. 2. Accident du travail

Existence d'une blessure ou d'une maladie

Comme la définition de lésion professionnelle nécessite l'existence d’une blessure ou d’une maladie et que la définition d'accident du travail réfère à l'existence d'une lésion professionnelle, la jurisprudence retient que l’inexistence d’un diagnostic de blessure ou de maladie empêche la reconnaissance d'une lésion professionnelle et, par le fait même, d'un accident du travail. 

Arsenault et Commission scolaire Région-de-Sherbrooke, C.L.P. 331101-05-0710, 9 décembre 2008, F. Juteau.

La définition de la lésion professionnelle prévue à l'article 2 contient les éléments qui doivent être présents pour conclure à l'existence d'une telle lésion. En l'espèce, un de ces éléments est absent, soit l'existence même d'une lésion. Ainsi, comme le médecin qui a charge est en accord avec l'opinion du médecin désigné qui a conclu à l'absence de pathologie, la travailleuse n'a pas démontré une des conditions énumérées à l'article 2 et nécessaire à l'analyse d'une réclamation pour lésion professionnelle, soit l'existence même d'une lésion. La réclamation pour une lésion professionnelle doit donc être rejetée.

Suivi :

Révision rejetée, 9 juin 2009, Alain Vaillancourt.

Masson et Arrondissement Ville-Marie, C.L.P. 353557-71-0807, 11 mars 2010, M. Denis.

Les composantes d’une lésion professionnelle sont absentes en l’espèce, à savoir, il n’existe aucune blessure ni maladie à la suite de l’incident rapporté par la travailleuse. En vertu de cette absence de blessure ou de maladie, la notion d’accident du travail se révèle tout simplement inapplicable.

Suivi :

Révision rejetée, 13 mai 2011, J. Landry.

Beaudoin et Ministère de la Sécurité publique, C.L.P. 302301-04-0611, 6 avril 2010, D. Lajoie.

Aux fins de décider de l’admissibilité de la réclamation du travailleur, le tribunal retient qu’en l’espèce, il n’y a aucun diagnostic, donc aucune blessure ou maladie. Ainsi, il manque un élément essentiel pour qualifier les événements allégués par le travailleur de lésion professionnelle.

Ouimet et S.T.M. (Réseau du Métro), 2012 QCCLP 4939.

Selon le dossier, aucun diagnostic de blessure ou de maladie n’a été émis en relation avec l’événement survenu au travail le 3 juillet 2010. Or, tout comme l’a déjà déterminé la jurisprudence dans une telle situation, cela fait en sorte qu’un des éléments constitutifs de la définition de lésion professionnelle est absent. Ainsi, malgré le fait que la travailleuse ait pu connaître une série d’événements qui ont engendré un stress et finalement un arrêt de travail, ces événements n’ont pas causé de lésion, à savoir une blessure ou une maladie permettant de conclure à une lésion professionnelle.

Voir également : 

Fortin et Ville de Gatineau, 2017 QCTAT 4989.

Événement imprévu et soudain

Selon la jurisprudence établie de longue date, il n’est pas nécessaire d’identifier un moment ou un geste précis pour retenir l’existence d’un événement imprévu et soudain. 

Workmen's Compensation Board c. Theed, [1940] R.C.S. 553.

Il n'est pas nécessaire d'identifier un moment précis, dans la mesure où la lésion s'est, de toute évidence, produite au travail. Il n'est pas davantage nécessaire d'identifier un mouvement particulier ou une série de mouvements lorsque la blessure est clairement physiologique et survenue par le fait ou à l'occasion du travail. Il suffit également que le geste ou les gestes effectués aient produit un effet imprévisible. 

Mongrain et Consolidated Bathurst inc., [1989] C.A.L.P. 701.

Il n'est pas nécessaire qu'un événement imprévu et soudain soit constitué d'un fait différent, détaché, divisible d'autres faits et facilement identifiable. Il peut s'agir d'un fait contigu, indivisible et concomitant d'autres événements.

Antenucci c. Canada Steamship Lines inc., [1991] R.J.Q. 968 (C.A.).

« Dans son sens le plus large, un événement est un fait qui arrive, une situation précise dans le temps, qui se matérialise par comparaison avec une circonstance qui est une particularité accompagnant cet événement ou cette situation ». La notion d'événement comprend non seulement un fait qui, pour se produire, requiert une participation active, un geste physique ou une activité personnelle de la part de celui à qui il arrive, mais également les situations qui peuvent se produire sans que l'on puisse identifier une relation directe avec un acte ou un geste de celui à qui il arrive.

Suivi :

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 7 novembre 1991 (22509).

La jurisprudence reconnaît également qu'un événement imprévu et soudain ne doit pas être nécessairement extraordinaire ou exceptionnel. Il peut survenir lors de l'exécution d'un geste courant et habituel dans le cours des activités normales du travail, pour autant que quelque chose d'inhabituel survienne, ou que l'on puisse le déduire par présomption de fait. Cette notion d'événement imprévu et soudain doit être interprétée de manière large afin de donner effet à l'objectif de la loi. 

Morin et Twinpack inc., [1993] C.A.L.P. 77.

Une lésion apparaissant dans l'accomplissement d'un geste habituel est parfaitement compatible avec la notion d'événement imprévu et soudain.

Martin et Saturn Isuzu de Trois-Rivières inc., [2005] C.L.P. 23.

Un événement imprévu et soudain peut très bien survenir dans le cadre des activités normales de travail et une lésion apparaissant dans l’accomplissement d’un geste habituel est parfaitement compatible avec la notion d’événement imprévu et soudain, pour autant que quelque chose d’inhabituel survienne. Cet événement imprévu, soudain et inhabituel peut apparaître à sa face même ou encore se déduire par présomption de fait.

Entreprises Custer Inc. (Les) et Daoust,C.L.P. 234220-64-0405, 30 août 2006, T. Demers.

Le geste posé au travail l'a été de manière volontaire. Il ne s’agit pas d'un geste d’évitement ou accompli dans le cadre d’une situation inattendue, imprévue et soudaine. En l’absence de faux mouvement, le fait de se pencher et de se relever doit être considéré comme un mouvement habituel et normal que toute personne est fréquemment appelée à accomplir au cours de sa vie et qui ne peut être assimilé à un événement imprévu et soudain. D'ailleurs, aucun avis médical ne démontre un lien de causalité entre ce geste et le diagnostic d’entorse lombaire, de lombalgie discogénique et de discopathie lombaire.

Bédard et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu),2012 QCCLP 4614.

En l'espèce, on ne peut conclure, en toute probabilité, qu'il y a eu un événement imprévu et soudain malgré la blessure survenue sur les lieux du travail, soit une entorse lombaire. En effet, les gestes effectués par la travailleuse étaient habituels, fluides, physiologiquement normaux et sans une amplitude significative. Ils n'étaient pas saccadés et n'ont pas été faits de manière brusque, par réaction de peur ou de surprise ou à la suite d'un déséquilibre. Même si la travailleuse était asymptomatique au moment de son arrivée au travail et qu'il y a eu simultanéité entre les mouvements effectués et l'apparition de la lésion diagnostiquée, ces éléments ne peuvent contrebalancer la banalité du geste à l'origine de celle-ci. 

Landry et CSSS Lac-des-Deux-Montagnes, 2013 QCCLP 1101.

Il ne faut pas conclure nécessairement à l'absence d'un événement imprévu et soudain lorsque le geste qui a entraîné la lésion a été effectué de façon délibérée dans le cours normal du travail. Exclure de la définition d'« accident du travail » les activités exercées dans le cours normal du travail serait illogique, car il est de la nature d'un accident du travail de survenir par le fait ou à l'occasion du travail. La travailleuse a donc subi une lésion professionnelle.

Construction DJL inc. c. Commission des lésions professionnelles, 2015 QCCS 4147.

La CLP a conclu que le travailleur a subi un accident du travail, rendant symptomatiques ses conditions préexistantes de tendinite calcifiée de l’épaule gauche et de déchirure du sus-épineux gauche. Elle a considéré que le travailleur, en actionnant la clenche de la porte de la cabine de sa chargeuse, a posé un geste non physiologique, ce qui a entraîné un craquement et une douleur. La survenue de ce geste non physiologique correspond à un événement imprévu et soudain. La CLP en révision considère que le geste posé a plutôt aggravé la condition préexistante du travailleur, la preuve ayant révélé qu'il était déjà symptomatique avant cet événement. Elle convient que la conclusion du premier juge demeure logique et rationnelle.

Pour la Cour supérieure, s'il est vrai qu'un fait accidentel puisse survenir lors de l'accomplissement d'un geste habituel par un travailleur, encore faut-il que la preuve d'un événement imprévu et soudain survenu lors de l'accomplissement de tel geste ait été administrée. En l'espèce, la CLP conclut à la survenance d'un événement imprévu et soudain du seul fait que le travailleur a ressenti soudainement un craquement et une douleur à son épaule gauche, et ce, alors qu'il a posé un geste « banal », « non forçant » et exécuté « normalement ». Le juge confond la notion de survenance d'une douleur ou d'une blessure avec la notion d'un événement imprévu et soudain. En concluant à l'existence d'un événement imprévu et soudain comme il l'a fait, la CLP a ainsi créé de toute pièce un accident du travail. Les décisions de la CLP sont annulées et le dossier lui est retourné.  

Suivi :

Demande en rétraction de jugement rejetée, C.S. Saint-Hyacinthe, 750-17-002390-148, 8 janvier 2016, j. Cullen.

Voir également :

Roy et Services ménagers Roy ltée (Les), C.L.P. 259044-61-0504, 29 juillet 2005, L. Nadeau.

Côté et Aménagement Logitech inc., C.L.P. 334295-01A-0711, 19 janvier 2010, N. Michaud.

Également, selon la jurisprudence, c’est l’événement qui doit être imprévu et soudain et non ses conséquences.

Desjardins et CHUM Pavillon Notre-Dame,C.L.P. 108624-71-9812, 26 avril 1999, C. Racine.

Ce n'est pas la douleur ou la lésion ou la pathologie qui doit être imprévue et soudaine, mais bien l'événement qui la cause.

Centre de santé et de services sociaux de la Montagne et Danis,C.L.P. 355915-71-0808, 9 octobre 2009, F. Charbonneau.

La travailleuse a présenté une réaction au vaccin antigrippal. Les faits ne permettent pas au tribunal d’identifier un événement imprévu et soudain lors de la vaccination qui est volontaire et non imposée par l’employeur. La travailleuse s’y soumet de son plein gré et cette vaccination est planifiée selon un horaire; elle n’est ni imprévue ni soudaine. L’apparition d’une réaction postinjection ne peut constituer un événement imprévu et soudain, ce n’est pas la douleur, la lésion ou la pathologie qui doit être imprévue et soudaine, mais bien l’événement qui la cause. En d’autres mots, l’événement doit être imprévu et soudain et non ses conséquences.

Jubinville et Hôpital Maisonneuve-Rosemont, 2012 QCCLP 3277.

Le tribunal a reconnu qu'à la suite de la vaccination à l'hôpital où elle travaille, la travailleuse a présenté une réaction vaccinale et que ce diagnostic est acceptable à titre de maladie professionnelle en raison des risques particuliers de son travail d’infirmière de recherche. La notion d'accident du travail est écartée, la preuve ne démontrant pas la survenance d'un événement imprévu et soudain. En effet, la vaccination n'était pas imprévue et soudaine, mais plutôt planifiée et encadrée par l'employeur. De plus, les symptômes présentés par la travailleuse de façon imprévue et soudaine à la suite de la vaccination ne peuvent constituer l'événement imprévu et soudain au sens de la loi. 

Suivi : 

Requête en révision judiciaire rejetée, 2013 QCCS 2280.

Hafsi et Elopak Canada inc., 2013 QCCLP 4877.

C'est l'événement qui doit pouvoir être qualifié d'imprévu et soudain, et non ses conséquences. Ce n'est pas la douleur ou la pathologie qui doit être imprévue et soudaine, mais bien l'événement qui la cause. En l'espèce, le travailleur ne rapporte pas de fausse manœuvre, de secousse ou d'arrêt brusque, d'élan prononcé, d'amplitude extrême, de position contraignante ou encore d'effort inhabituel ou soutenu. 

 Voir également :

Bossé et Atelier Gérard Laberge inc., C.L.P. 333544-62A-0711, 24 février 2009, M. Auclair.

Duval et Centre Gertrude Lafrance & Georges Phaneuf, 2011 QCCLP 2696.

Barabé et Casino de Montréal, 2013 QCCLP 934.

Gherasim Ciordas et Pavillon J.-Henri Charbonneau, 2016 QCTAT 2764.

La jurisprudence a également défini le sens à donner à l'expression « événement imprévu et soudain ».

Communauté urbaine de Montréal  c. C.A.L.P.,[1998] C.A.L.P. 470 (C.S.).

L'adjectif « imprévu »  indique ce qui arrive lorsqu'on ne s'y attend pas, ce qui est fortuit, inattendu, inopiné et accidentel. L'adjectif « soudain » indique qu'il se produit en très peu de temps, de façon brusque, instantanée, subite. La douleur est soudaine.

Suivi :

Appel rejeté, C.A. Montréal, 500-09-006276-984, 1er octobre 2001, jj. Rothman, Brossard, Dussault.

Roussy et Résidence Coeur-Soleil,C.L.P. 86790-63-9702, 13 mai 1998, R. Brassard.

Ce n'est pas parce qu'un événement est susceptible de se produire qu'il ne peut s'agir d'un événement imprévu et soudain. Le terme « prévu » veut dire « connaître toutes les données ». Il ne suffit pas de savoir qu'il va se produire un événement, mais plutôt quand et comment il va se produire.

Claveau et CSSS Chicoutimi – CHSLD Chicoutimi,C.L.P. 320102-02-0706, 11 juin 2008, J.-F. Clément.

Il faut distinguer la notion d’événement imprévisible de celui d’événement imprévu. La prévisibilité ou la possibilité de survenance d’un événement sont souvent invoquées dans le cadre d’une lésion psychologique dans le but d’en faire refuser l’admissibilité. Or, retenir ces critères ferait non seulement en sorte de modifier la loi pour y ajouter des conditions non prévues, mais cela aurait aussi pour effet de la stériliser puisque à peu près tout ce qui survient au travail est prévisible d’une façon ou d’une autre et certainement possible puisque la survenance d’un événement constitue la preuve indéniable de la possibilité qu’il avait de survenir.

Voir également : 

Tremblay et EBC Neilson, S.E.N.C., 2012 QCCLP 5347.

Faux mouvement, effort excessif, conditions inhabituelles de travail, modifications des tâches, etc.

L’événement imprévu et soudain requis par la loi peut résulter d’un faux mouvement, d’un effort excessif ou inhabituel au travail. De plus, un ensemble de faits ou de circonstances comme des conditions inhabituelles de travail, des modifications de tâches, une surcharge de travail ou des méthodes de travail inadéquates peuvent également être assimilés à l’événement imprévu et soudain requis par la loi.

Germain et Bourassa Automobiles International,[2003] C.L.P. 553.

Selon la jurisprudence, un événement imprévu et soudain n’a pas à être exclusivement constitué d’un fait différent, détaché, divisible d’autres faits et facilement identifiable; il peut s’agir d’un fait contigu, indivisible et concomitant d’autres événements. Un événement imprévu et soudain peut résulter d’un faux mouvement, d’un effort excessif ou inhabituel, d’un mouvement mal exécuté, ou même d’un geste banal. Il peut aussi survenir lors de l’accomplissement d’un geste habituel, ou être la conséquence de changements majeurs dans les conditions de travail ou d’une surcharge de travail. Il faut cependant en prouver la survenance, sinon directement, du moins par présomption de fait, car l’apparition d’une douleur, fût-elle concomitante de l’exécution d’un mouvement répétitif dans le cadre de l’accomplissement de tâches normales de travail, n’est pas en soi un événement imprévu et soudain.

IGA des Forges et Duval, C.L.P. 249065-04-0411, 13 septembre 2005, J.-F. Clément.

La notion d'événement imprévu et soudain ne réfère pas seulement à un événement précis et circonstancié dans le temps, mais également à des efforts inhabituels ou soutenus, aux microtraumatismes ressentis à la suite d'une modification des tâches ou d'une mauvaise méthode de travail, aux lésions survenues dans des conditions inhabituelles de travail, etc.

Précibois inc. et SCEP (Local 3057), C.L.P. 218871-08-0310, 8 juin 2006, Monique Lamarre.

Pour reconnaître qu'une surcharge de travail, une modification de tâches ou des conditions de travail inhabituelles peuvent être assimilées à un événement imprévu et soudain, il doit y avoir un changement majeur et une situation qui sortent véritablement de l'ordinaire par rapport au travail habituel. En l'espèce, la preuve démontre que le travailleur a, tout au plus, eu une grosse semaine de travail, ce qui ne correspond pas à une charge inhabituelle de travail.

Osram Sylvania ltée et Dubois, 2011 QCCLP 3749.

De façon générale, les mouvements normaux ou habituels qui se présentent de façon non accidentelle ne peuvent être considérés comme un événement imprévu et soudain. Toutefois, les tribunaux ont reconnu que la notion d'événement imprévu et soudain ne peut être limitée à la survenance d'un fait accidentel. La jurisprudence a reconnu que cette notion peut s'étendre à des changements dans les conditions de travail. Ainsi, une modification dans les conditions de travail entraînant des gestes différents, une surcharge de travail inhabituelle, un effort inhabituel, peut être reconnue à titre d'événement imprévu et soudain. L'appréciation de ce qui constitue une situation inhabituelle permettant de conclure qu'il y a événement imprévu et soudain relève de l'appréciation des faits propres à chaque litige. 

Soucy et Fairmont le Château Frontenac, 2012 QCCLP 1926.

En retenant l'interprétation littérale de ce que constitue un événement imprévu et soudain, tels un coup direct, une chute ou un trauma, il faudrait rejeter immédiatement la réclamation de la travailleuse. Cependant, on ne peut faire fi de la notion élargie de ce que peut constituer un événement imprévu et soudain. En effet, un événement pris isolément peut parfois n'avoir aucune signification, mais considéré avec d'autres éléments concomitants, il peut revêtir cette caractéristique d'événement à laquelle renvoie le législateur à la définition d'« accident du travail ». Il en est de même pour le travail inhabituel de par sa nouveauté ou son intensité.

Marsolais et Délices de la Marguerite, 2012 QCCLP 5245.

En l’espèce, il y a lieu de déterminer si un événement imprévu et soudain est survenu, au sens élargi du terme. Sur cet aspect, la jurisprudence a reconnu à plusieurs reprises que l’accomplissement de tâches inhabituelles, voire même la modification substantielle de tâches reliées à l’emploi occupé jusque-là, est assimilable à la notion d’événement imprévu et soudain prévue par le législateur.

Kusa et Broderie Optimum ltée, 2014 QCCLP 980.

Un effort excessif ou inhabituel, un faux mouvement, un mouvement mal exécuté ou des changements majeurs dans les conditions de travail peuvent s'assimiler à un événement imprévu et soudain. De plus, la preuve d'un tel événement peut s'effectuer par présomption de fait.

Voir également : 

La Cie de Volailles Maxi ltée et Auger, 2012 QCCLP 4734.

St-Pierre et U.Q.A.M. - Service Relations de Travail, 2013 QCCLP 3084.

Microtraumatismes

Selon la jurisprudence, la notion d’événement imprévu et soudain peut comprendre une succession de microtraumatismes, surtout s’ils surviennent sur des périodes de temps limitées.

Dans ces circonstances, l’analyse d’une réclamation sous l’angle de l’accident du travail ne fait pas double emploi avec celle de maladie professionnelle. La jurisprudence établit que les microtraumatismes se produisent généralement à la suite d’une modification de tâches, de l'utilisation d’une mauvaise méthode de travail ou d’un travail effectué dans des conditions inhabituelles ou en raison d’équipements défectueux.

Par ailleurs, lorsque les tâches habituelles sont alléguées comme étant responsables de la lésion, la réclamation sera analysée sous l’angle de la maladie professionnelle.

Connolly & Twizell construction inc. et Groupe de construction National State inc.,[1995] C.A.L.P. 531.

Bien qu'une succession d'événements puisse être assimilée à un accident du travail et que la notion de microtraumatismes puisse demeurer pertinente pour apprécier la survenance d'une lésion professionnelle, dans un cas où les microtraumatismes constitueraient une succession de petits traumatismes physiques inhérents au travail habituel, la notion de microtraumatisme fait double emploi avec celle de maladie professionnelle prévue aux articles 2 et 30.

Bombardier inc. (Div. Canadair) et Borduas,[1998] C.L.P. 897.

La notion de microtraumatismes ne fait pas double emploi avec celle de maladie professionnelle lorsqu'il s'agit d'analyser si des gestes répétés sont effectués sur des périodes de temps limitées. Cependant, cette notion fait double emploi avec celle de maladie professionnelle lorsqu'il s'agit d'analyser une maladie attribuable à des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées.

Camiré et Fibre de verre Niteram inc.,C.L.P. 137912-04B-0005, 21 février 2002, L. Collin.

La notion de microtraumatismes ne fait pas double emploi avec la notion de maladie professionnelle lorsqu'il s'agit d'analyser une maladie attribuable à des répétitions de mouvements sur des périodes de temps limitées. Le travailleur s'inflige une tendinite et une épicondylite après une période de surcharge de travail alors qu'il débute dans un emploi de préposé au placement de la marchandise. La réclamation est acceptée à titre d'accident du travail. 

Coulombe et Manoir St-Augustin,C.L.P. 195835-01B-0211, 1er décembre 2003, P. Simard.

La notion de microtraumatismes ne fait pas double emploi avec la notion de risques particuliers prévue à l'article 30. En premier lieu, la notion de microtraumatismes en est une qui est plus large que celle de gestes répétitifs et pression prolongée. Elle inclut tous types de traumatismes (physique, psychologique) qui, par leur accumulation, engendrent, selon toute probabilité, une lésion identifiée. C'est d'ailleurs cette notion qui est fréquemment utilisée lors d'étude de lésion psychologique. En second lieu, eu égard au libellé de l'article 30, et tout particulièrement de la phrase « [...] et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident [...] », on doit conclure qu'avant de disposer de la notion de maladie professionnelle en application de cet article, il faut vider toute question relative à l'existence d'un accident du travail, le législateur ayant créé une préséance entre la notion d'accident du travail et celle de maladie professionnelle.

St-Gelais et Entreprise Paradis Paysagistes inc.,C.L.P. 332887-31-0711, 17 juillet 2009, G. Tardif.

Il est depuis longtemps établi que la notion d’événement imprévu et soudain ne doit pas être interprétée comme étant restreinte à un seul traumatisme et qu’elle peut comprendre la succession de microtraumatismes, surtout s’ils surviennent sur une période de temps définie, auquel cas la notion élargie d’accident du travail ne fait pas double emploi avec la notion de maladie professionnelle.

Voir également :

Ricci  et Les Installations Joe Mineiro, C.L.P. 304762-71-0611, 25 mars 2008, A. Suicco.

Cormier et Atelier Nouveau Décor enr., C.L.P. 350464-04-0806, 25 août 2009, D. Therrien.

Reynoso-Munoz  et Résidence Mance-Décary (Pavillon St-Henri), 2011 QCCLP 2287.

Pelletier et EMG structure d’acier inc., 2012 QCCLP 7373.

Bellefeuille et Synapse Électronique inc., 2013 QCCLP 5308.

Voir cependant :

Matériaux Campbell (faisant affaire sous la raison sociale A & R Décorations) et M.R.N.F.P.,C.L.P. 188680-01C-0208, 26 mars 2004, L. Desbois.

La CLP ne souscrit pas à la théorie selon laquelle des microtraumatismes étalés dans le temps pourraient constituer un accident du travail. Un accident est un accident et on conçoit mal qu'un accident puisse être étalé sur des jours, voire des semaines. De tels microtraumatismes doivent plutôt être abordés sous l'angle de risques particuliers, dans le cadre de l'appréciation de la survenance d'une maladie professionnelle.

Voir également :

Gagnon et Université Laval, [2008] C.L.P. 488.

Présomption de fait

L’existence d’un événement imprévu et soudain peut être démontrée par présomption de fait. 

Lefebvre c. La Commission des affaires sociales, [1991] R.J.Q. 1864 (C.A.) (obiter).

Une blessure ou une maladie peut être l'indice qu'un événement imprévu et soudain s'est produit. Il faut nécessairement qu'il se soit produit quelque chose pour qu'un mouvement, en apparence normal, entraîne une entorse lombaire.

Chaput  c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, [1992] C.A.L.P. 1253 (C.A.).

La détermination de la survenance d'un événement imprévu et soudain est une question de fait dont la preuve peut être administrée par tous les moyens légaux, y compris celui des présomptions.

Suivi :

 Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993 (23265). 

Hôpital général de Québec  c. Commission des lésions professionnelles, [1998] C.L.P. 797 (C.S.).

Les présomptions de fait prévues à l'article 2849 C.c.Q. sont laissées à l'appréciation de l'adjudicateur qui ne doit prendre en considération que les faits graves, précis et concordants pour établir la probabilité du fait à prouver. Les présomptions sont précises lorsque les inductions qui résultent du fait connu tendent à établir directement et particulièrement le fait inconnu et contesté. Elles sont concordantes lorsque, ayant toutes une origine commune ou différente, elles tendent, par leur ensemble et leur accord, à établir le fait qu'il s'agit de prouver. Ainsi, les indices connus doivent rendre probable l'existence du fait inconnu, sans qu'il soit nécessaire toutefois d'exclure toute autre possibilité. Une telle preuve est nécessairement circonstancielle et doit être faite selon la prépondérance des probabilités. Les faits prouvés n'ont pas à justifier une conclusion d'une certitude absolue ni ne doivent exclure toute autre possibilité. Mais la conclusion retenue doit être probable.

Robert et Commission scolaire de Laval,C.L.P. 380816-61-0906, 11 novembre 2010, L. Nadeau.

La notion d’événement imprévu et soudain ne doit pas recevoir une interprétation trop restrictive. De plus, la preuve d’un événement imprévu et soudain peut aussi se faire par présomption de fait.

Bédard et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu), 2012 QCCLP 4614.

La présomption de fait prévue à l'article 2847 C.c.Q. constitue un moyen de preuve admissible pour faire la démonstration de l'événement imprévu et soudain. Toutefois, la partie chargée du fardeau de preuve devra apporter, par présomption, une preuve qui soit prépondérante. Par ailleurs, l'article 2849 C.c.Q. prévoit que la présomption de fait est laissée à l'appréciation du tribunal. En l'espèce, le tribunal a dégagé certains critères et paramètres devant le guider dans son exercice d'appréciation et pouvant se résumer ainsi : 1) les faits à la base de l'application de la présomption doivent être valablement établis; 2) les faits doivent être graves, précis et concordants et rendre probable l'existence du fait que l'on tente de prouver; 3) les témoignages au soutien de la version de la partie qui désire tirer profit de l'application de la présomption doivent être cohérents et crédibles; 4) le travailleur doit être asymptomatique à son arrivée au travail; 5) la présence d'antécédents ou d'une condition personnelle préexistante qui puissent être à l'origine de la lésion survenue; 6) l'analyse du mouvement effectué au moment de la lésion ainsi que des circonstances de son apparition pour déterminer si les gestes effectués sont susceptibles de solliciter le site de cette lésion et de la causer; 7) la simultanéité du mouvement effectué et de l'apparition de la lésion diagnostiquée; 8) le comportement du travailleur peu après la survenance de la lésion; 9) le délai de dénonciation de la lésion à l'employeur, eu égard aux procédures en vigueur dans l'établissement; et 10) le délai de consultation médicale et la plausibilité des motifs invoqués pour expliquer le retard à consulter. L'analyse de chacun de ces éléments, et plus particulièrement du mouvement effectué au moment de la lésion et des circonstances de son apparition, permet au décideur saisi de la question de retenir si des faits précis, graves et concordants entraînent la conclusion d'un faux mouvement, d'une fausse manœuvre, d'un geste inhabituel ou anormal, non physiologique, constituant l'événement imprévu et soudain requis par la loi.

Frégeau et Agence de services frontaliers du Canada, 2013 QCCLP 3040.

Afin de décider de la question factuelle de survenance d’un événement imprévu et soudain, il est possible de recourir à tous les moyens de preuve disponibles, y compris à la présomption de fait. Cette dernière autorise le tribunal à inférer une conclusion à partir de faits graves, précis et concordants.

Voir également : 

Barabé et Casino de Montréal, 2013 QCCLP 934.

Attribuable à toute cause

En édictant que l’événement imprévu et soudain peut être attribuable à toute cause, le législateur dispense le travailleur de faire la preuve de l’origine de cet événement. Ainsi, que la source de l’événement imprévu et soudain ne soit pas connue ou relève d’une condition personnelle n’a pas d’incidence sur la reconnaissance d’un accident du travail s’il est survenu par le fait ou à l’occasion du travail et qu’il entraîne une lésion professionnelle.    

Vilfort et Hôpital Louis-H. Lafontaine, [1993] C.A.L.P. 1323.

Il n’y a pas lieu de rechercher la cause de l’événement imprévu et soudain, celui-ci pouvant être attribuable à toute cause. Le tribunal considère que même si la chute est attribuable à l’anémie de la travailleuse, il n’en reste pas moins qu’elle a fait une chute sur les lieux du travail et qu’il y a lieu d’indemniser les conséquences de cette chute. 

Eduardo Pacheco (Succession) et Hôpital de Montréal pour enfants, [1996] C.A.L.P. 769.

Le travailleur a été agressé au travail par un collègue et il est décédé. Le tribunal applique la présomption de lésion professionnelle. Il retient également que l’événement imprévu et soudain, qu’il soit attribuable à la crise de folie de l’agresseur ou à un pan de mur qui s’effondre, n’en demeure pas moins un événement imprévu et soudain au sens de la loi, c’est-à-dire attribuable à  « toute cause » et survenue à l’occasion du travail.

Suivi : 

Requête en révision judiciaire accueillie, [1996] C.A.L.P. 1765.

Appel accueilli, [1998] C.A.L.P. 565 (C.A.).

Lajoie c. Commission des lésions professionnelles, [2002] C.L.P. 476 (C.A.).

La conclusion de la CLP relative à la rupture du lien générateur de droit n'a aucune assise juridique. Elle va a l'encontre du texte et de l'esprit de la loi, laquelle prévoit qu'un « événement imprévu et soudain attribuable à toute cause » donne ouverture à une indemnisation s'il survient « à l'occasion du travail ». En l'espèce, le travailleur a recueilli un objet intrinsèquement dangereux dans l'exécution de son travail, et cet objet a été la cause de ses blessures. Il est inutile d'aller plus loin pour être en mesure de reconnaître qu'il a été victime d'un accident du travail. 

Cependant, la jurisprudence est partagée quant à l’existence d’un accident du travail (ou de l’application de la présomption de lésion professionnelle) lorsqu’une perte de conscience au travail entraîne une chute et une blessure.

Pour certains, lorsque la perte de conscience découle d’une condition personnelle et n’a aucun lien avec les conditions d’emploi, la chute et la lésion qui s’ensuivent ne donnent pas ouverture à la reconnaissance d’un accident du travail. Il s’agit alors de la simple manifestation d’une condition personnelle au travail.

Pour d’autres, il n’y a pas lieu de rechercher la cause de la chute puisqu'en définissant ce qui constitue un accident du travail, le législateur a clairement prévu qu’il s’agissait d’un événement imprévu et soudain « attribuable à toute cause ». Ainsi, peu importe ce qui a causé la perte de conscience qui entraîne une chute et une lésion, on reconnaîtra que le travailleur a été victime d’un accident du travail. 

Perte de conscience découle d’une condition personnelle

Provigo Division Loblaws Québec et Serafinowicz, C.L.P. 245751-08-0410, 22 mars 2005, P. Prégent.

Pour certains décideurs, lorsque la perte de conscience n’a aucun lien direct avec les conditions d’emploi, la chute et la lésion qui s’ensuivent ne constituent pas des éléments qui donnent ouverture à la reconnaissance d’un accident du travail. D’autres décideurs reconnaissent soit que l’évanouissement et l’étourdissement constituent un événement imprévu et soudain, soit que l’évanouissement et la chute constituent ensemble l’événement imprévu et soudain. Selon le tribunal, la simple manifestation d'une condition personnelle au travail, sans aucun lien avec celui-ci, ne peut donner ouverture à l'application des notions d'accident du travail et de lésion professionnelle.

CHUQ (Pavillon St-François D’Assise-Ssst) et Parent, C.L.P. 292897-31-0606, 18 octobre 2006, C. Lessard.

Le tribunal retient de l’analyse de la jurisprudence qu’il est certain que la manifestation d’une condition personnelle au travail ne constitue pas une lésion professionnelle lorsqu’aucun événement relié au travail n’a pu en provoquer la manifestation ou en aggraver les conséquences.

Alain Brunet (succession) et RGIS Canada ULC, 2013 QCCLP 774.

Le premier courant ne reconnaît pas l’accident du travail, car il ne s’agit que de la manifestation d’une condition personnelle et qu’il n’existe aucun lien entre la pathologie et le travail effectué, que l’évanouissement soit considéré comme un événement imprévu et soudain ou non. Selon le deuxième courant, la chute d’un travailleur, quelle qu’en soit la cause, représente un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause au sens de la loi entraînant une lésion professionnelle. Selon le soussigné, le deuxième courant ne semble pas respecter l'esprit de la loi ni l'intention du législateur. En effet, l'objet de la loi est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elle entraîne pour les bénéficiaires. Un travailleur ne peut être indemnisé pour la manifestation d'une condition personnelle qui n'a aucune relation possible avec son travail, mais qui, par hasard, se produit sur les lieux du travail, que ce soit sur le plan légal ou pour une question d'équité.

CHSLD Villa Soleil et Lauzon, 2014 QCCLP 3341.

Bien que la définition d’un accident du travail contienne la mention qu’il peut être « attribuable à toute cause », il faut en continuer la lecture et constater que le législateur ajoute que ledit événement doit être « survenu par le fait ou à l’occasion de son travail ». Il doit y avoir un certain lien entre l’événement imprévu et soudain et le travail. Il ne suffit pas de dire que l’événement est survenu de façon incidente ou occasionnelle, par coïncidence, au travail. L’expression « à l’occasion du travail » ne doit pas être comprise dans un sens aussi large.

Perte de conscience « attribuable à toute cause »

Les Industries Algo ltée et Succession de Mario Iapaolo, C.L.P. 290023-61-0605, 13 avril 2007, G. Morin.

Il n’y a pas lieu de rechercher la cause exacte de la chute du travailleur puisqu'en définissant ce qui constitue un accident du travail, le législateur a clairement prévu qu’il s’agissait d’un événement imprévu et soudain « attribuable à toute cause ». Il ne faut pas confondre l’événement imprévu et soudain avec la cause de cet événement et il n’est pas nécessaire de procéder à l’identification de cette cause aux fins de conclure à la survenance d’un accident du travail. 

CSSS Jeanne Mance et Danier, 2012 QCCLP 5795.

Pour le tribunal, la cause de l'événement imprévu et soudain ne peut avoir un impact sur la détermination d'un accident du travail. En effet, décider qu'un événement imprévu et soudain qui arrive à l'occasion du travail et qui entraîne une lésion ne peut être une lésion professionnelle, puisqu'il aurait pour origine une cause personnelle, aurait pour effet de vider de son sens l'expression « attribuable à toute cause ».

Supermarché J & S Quenneville inc. et Rioux, 2013 QCCLP 4348.

Le tribunal partage les points de vue exprimés dans Les Industries Algo ltée et Succession de Mario Iapaolo et dans CSSS Jeanne Mance et Danier, estimant qu'ils reflètent davantage l'interprétation qui doit être faite des dispositions d'une loi à caractère social, soit une interprétation large et libérale. Cela est d'autant plus vrai dans un cas comme celui en l'espèce, où la preuve ne révèle pas la présence d'une condition personnelle pouvant expliquer la perte de conscience du travailleur et la chute qui a suivi celle-ci. 

Survenu à l’occasion du travail

Dans un arrêt antérieur à l'entrée en vigueur de la loi, la Cour suprême du Canada a déterminé qu'il y avait lieu de distinguer les activités exercées dans la sphère personnelle d'un travailleur de celles survenues dans la sphère professionnelle. Cette distinction permet d'indemniser les travailleurs lorsqu'un lien de connexité existe entre le travail et la survenance de la lésion. Cette distinction est parfois reprise par la jurisprudence.  

Workmen's Compensation Board c. C.P.R.,[1952] 2 S.C.R. 359.

Il faut distinguer une activité faite à l’intérieur de la sphère personnelle d’un travailleur (« his own field of activity », « his own sphere ») de celle faite à l’intérieur de la sphère professionnelle. La législation en matière d’accident du travail a pour objectif de protéger les travailleurs contre les risques auxquels ils sont exposés en raison de leur emploi. Il est donc fondamental de recourir à cette notion de « risque professionnel » dans l’analyse d’une situation et un incident survenant lorsqu’un travailleur est dans sa sphère d’activités personnelles n’est pas couvert par la loi.

Chartrand et Centre hospitalier Université de Montréal, Pavillon Mailloux,2012 QCCLP 1885.

Dans l’analyse de la notion de l’accident « à l’occasion du travail », il faut examiner les circonstances de l’accident pour déterminer si celui-ci est survenu alors que la travailleuse était à accomplir une activité personnelle par opposition à une activité comprise dans la sphère professionnelle. Par ailleurs, la jurisprudence a également élaboré certains paramètres servant à guider l’analyse sur la notion de « à l’occasion du travail ». C’est en application de ces critères que la jurisprudence a reconnu que les accidents qui surviennent alors qu’un travailleur arrive à son lieu de travail ou le quitte sont considérés comme des accidents survenus « à l’occasion du travail ». C’est aussi dans cette optique qu’un accident qui survient lors de l’accès au lieu de travail est considéré comme une activité connexe au travail, par opposition à une activité de la sphère personnelle. 

Voir également : 

Chartier et CHSLD Jeanne Le Ber, 2011 QCCLP 1495.

Ascenseurs Lumar Concord Québec inc. et Tran-Paquette, 2012 QCCLP 1462.

Thibeault et Fédération des caisses Desjardins du Québec, 2013 QCCLP 3916.

Par ailleurs, le législateur n'ayant pas défini ce qu’est un accident survenu « à l’occasion du travail » en adoptant la loi, la jurisprudence a établi certains critères.  Ainsi, il doit y avoir un lien plus ou moins étroit entre l’activité exercée au moment où surviennent la lésion et le travail. 

Aucun de ces critères n’est à lui seul décisif puisque c’est l’ensemble des circonstances propres à chaque cas qui doit être apprécié. 

Ces éléments sont :

  • le lieu de l'événement;
  • le moment de l’événement;
  • la rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’événement;
  • l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur lorsque l'événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail;
  • la finalité de l'activité exercée au moment de l'événement qu'elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail du travailleur;
  • le caractère de connexité ou d'utilité relatives de l'activité du travailleur en regard de l'accomplissement du travail.
Plomberie & chauffage Plombec inc. et Deslongchamps,C.A.L.P. 51232-64-9305, 17 janvier 1995, B. Lemay.

La notion d'accident « à l'occasion du travail » n'est pas définie à la loi. Les principaux éléments susceptibles de permettre de qualifier un événement d'accident survenu à l'occasion du travail sont les suivants : le lieu de l'événement; le moment de l'événement;  la rémunération de l'activité exercée par le travailleur au moment de l'événement; l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur lorsque l'événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail; la finalité de l'activité exercée au moment de l'événement, qu'elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail du travailleur; et le caractère de connexité ou d'utilité relatives de l'activité du travailleur en regard de l'accomplissement du travail. 

Centre hospitalier Fleury et Laberge,C.L.P. 293881-61-0607, 6 juin 2007, L. Nadeau.

La notion de « à l’occasion du travail » n’est pas définie à la loi, mais elle a été interprétée dans de nombreuses décisions. Ainsi, le critère à retenir est la connexité, c’est-à-dire l’existence d’un lien plus ou moins étroit entre l’activité par laquelle surviennent  la lésion et le travail. Divers éléments sont analysés pour répondre à cette question, soit le lieu de l’événement; le moment de l’événement; la rémunération de l'activité exercée par le travailleur au moment de l’événement; l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur lorsque l’événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail; la finalité de l'activité exercée au moment de l’événement, qu'elle soit incidente, accessoire ou facultative à ses conditions de travail; et le caractère de connexité ou d'utilité relative de l'activité du travailleur en regard de l'accomplissement du travail.

St-Germain et 9204-9527 Québec Inc., 2012 QCCLP 4069.

Pour déterminer s’il s’agit d’un accident survenu « à l’occasion du travail », au sens de l’article 2, le critère à retenir est celui de la connexité avec le travail. Il faut se demander s’il existe un lien plus ou moins étroit entre l’activité à l’occasion de laquelle la lésion d’un travailleur survient et son travail. Plusieurs éléments peuvent être appréciés pour déterminer l’existence d’un lien suffisant avec le travail, soit le lieu et le moment de l’événement, la rémunération de l’activité exercée au moment de celui-ci, le degré de subordination de l’employeur, la finalité de l’activité exercée au moment de l’événement – qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail – ainsi que l’utilité relative de l’activité au regard de l’accomplissement du travail. Il n’est toutefois pas nécessaire que tous ces éléments soient présents pour conclure à l’existence d’un lien de connexité avec le travail. De plus, aucun d’eux n’est à lui seul décisif. Chaque cas doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances particulières.  

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 2160.

Addad et Alimentation Daniel Germain inc.,2013 QCCLP 5620 (décision sur requête en révision).

La notion d'événement survenant « à l'occasion du travail » n'étant pas définie dans la loi, le tribunal a établi des éléments susceptibles d'aider à qualifier un événement comme étant ou non survenu à l'occasion du travail. Cette liste d'éléments ne constitue pas en soi une règle de droit claire, mais plutôt un guide, une liste des éléments susceptibles d'aider à qualifier un événement, au même titre que ceux que la jurisprudence a établis pour apprécier la survenance d'une RRA, soit une autre notion non définie dans la loi. Comme dans cet autre cas, tous les critères ou éléments ne doivent pas nécessairement toujours être analysés, et encore moins être présents, pour que l'on puisse porter un jugement valable sur la question. Le fait que quelques éléments seulement soient présents, selon les circonstances, peut parfois suffire pour conclure qu'un événement est survenu à l'occasion du travail. Dans ce contexte, et toujours selon les circonstances du cas à l'étude, il peut alors devenir superflu de s'étendre sur les autres critères.

Voir également :

Centre Santé Services Sociaux Laval et Rouleau, C.L.P. 294396-61-0607, 23 octobre 2006,  S. Di Pasquale.

CSSS de la Pointe-de l’île et Lanoue, 2011 QCCLP 3479.

Bédard et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu), 2012 QCCLP 4614.

Aggravation d’une condition personnelle

La jurisprudence du tribunal est unanime à reconnaître que l’aggravation d’une condition personnelle n’est pas en soi une lésion professionnelle. Sa reconnaissance passe par la survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle en raison des risques particuliers du travail.  

Il va de soi que la simple manifestation d'une condition personnelle dans le cadre du travail ne peut être reconnue à titre de lésion professionnelle.

Chaput c. Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, [1992] C.A.L.P. 1253 (C.A.).

Le fait que le travailleur ait eu certaines prédispositions physiques pouvant favoriser l'entorse lombaire subie n'est pas un élément qui peut empêcher la reconnaissance d'une lésion professionnelle par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail. 

Suivi : 

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993 (23265).

Minnova inc. - division Opémiska c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, [1993] C.A.L.P. 966 (C.S.).

La CALP ne peut reconnaître l'aggravation d'une condition personnelle à titre d'accident du travail sans un événement imprévu et soudain. En l'espèce, on ne peut conclure à un événement imprévu et soudain du fait que le travailleur avait à travailler avec les bras surélevés rendant ainsi symptomatique la condition personnelle. 

Botter et J. Pascal inc., [1995] C.A.L.P. 301.

En matière d'accident du travail, la théorie du « thin skull » ne peut s'appliquer que s'il est établi, au départ, qu'un événement inhabituel et extraordinaire est survenu dans le cadre du travail et que tel événement aurait pu causer une lésion à n'importe quel travailleur. Une fois posée cette prémisse, le travailleur « déjà handicapé » est en droit de recevoir une pleine compensation, nonobstant sa condition personnelle.

Lazaro et C.L.S.C. Gaston Lessard, [1998] C.L.P. 1285.

L'aggravation d'une condition personnelle n'est pas une catégorie de lésions professionnelles qui s'ajoutent à celles déjà décrites par le législateur. Il faut obligatoirement qu'un accident du travail se soit produit ou qu'une maladie professionnelle se soit déclenchée. De plus, il doit être établi, dans le cas d'un accident du travail, que l'événement imprévu et soudain allégué aurait pu causer une telle lésion à n'importe quel travailleur.  

PPG Canada inc. c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, [2000] C.L.P. 1213 (C.A.).

Pour conclure qu'une aggravation d'une condition personnelle préexistante puisse constituer une lésion professionnelle, il faut que soit survenu un accident du travail ou une aggravation causés par les risques particuliers du travail. La prétention voulant que la CALP puisse, dans sa discrétion, avoir interprété la définition de lésion professionnelle afin d'y inclure les cas d'aggravation d'une condition préexistante sans que soient réunies les conditions propres à un accident du travail ou une maladie professionnelle ne s'appuie pas sur le texte de la loi et s'oppose à l'esprit de cette loi. Le législateur ne peut avoir voulu couvrir les situations autres que celles reliées à un accident du travail ou à une maladie reliée aux risques particuliers du travail. 

Germain et Bourassa Automobiles International, [2003] C.L.P. 553.

La démonstration d’une condition personnelle préexistante et de son aggravation ne dispense pas le réclamant de s’acquitter de son fardeau, de prouver la survenance d’un événement imprévu et soudain de même que le lien causal entre cet événement et la lésion subie. 

Dépanneur Paquette et St-Gelais, [2005] C.L.P. 1541.

L'existence d'une condition personnelle ne fait pas échec à la reconnaissance d'une lésion professionnelle dans la mesure où la preuve d'un accident du travail est fournie. La théorie du crâne fragile ne peut trouver application pour déterminer le lien de causalité, ni pour décider de la question de la survenance ou de l'existence même d'une lésion professionnelle, la preuve prépondérante de la cause déterminante de la lésion invoquée demeurant l'élément incontournable.

Roy et Services ménagers Roy ltée (Les),C.L.P. 259044-61-0504, 29 juillet 2005, L. Nadeau.

L'aggravation d'une condition personnelle n'est pas une catégorie de lésions professionnelles qui s'ajoutent à celles déjà décrites par le législateur. Il faut obligatoirement qu'un accident du travail se soit produit ou qu'une maladie professionnelle se soit déclenchée.

Emballages Knowlton inc. (Les) et Dufresne, C.L.P. 291494-05-0606, 22 février 2007, M. Allard.

Pour conclure que l'aggravation d'une condition personnelle constitue une lésion professionnelle, il faut qu'un accident du travail soit survenu.

Harvey et Citoyennete & Immigration Canada,2012 QCCLP 2829.

C'est en raison d'une condition personnelle préexistante de calcification à l'épaule que la douleur s'est présentée au travail le jour de l'événement. Bien que la présence d'une condition personnelle ne constitue pas un obstacle à l'acceptation d'une lésion professionnelle, il ne faut cependant pas confondre la manifestation symptomatique d'une condition personnelle avec l'aggravation de celle-ci. Même si, en l'espèce, le déplacement de la calcification s'était produit au travail, cette extrusion aurait pu arriver n'importe où et n'importe quand. 

Voir également :

Dorion et Ministère des Transports - Direction Laurentides-Lanaudière, 2011 QCCLP 5728.

Tremblay et EBC Neilson S.E.N.C., 2012 QCCLP 5347.

Beauséjour et (Les) Entreprises Tag, 2012 QCCLP 8059.

Brodeur et Ferme P & M Brodeur inc., 2013 QCCLP 2049.

Construction DJL inc. c. Commission des lésions professionnelles, 2015 QCCS 4147.