Détermination du statut
Le statut est évalué au moment de la survenance de l’événement.
- Succession Richard Watkins et Ascenseur Provincial 2000, C.L.P. 82849-62-9609, 22 mars 1999, T. Giroux.
Le fait qu’un travailleur possède sa propre entreprise n’est pas un motif qui annihile une relation employeur/travailleur. Un travailleur qui effectue une tâche pour le compte de l’employeur et qui reçoit une rémunération en son nom personnel, au moment où la lésion professionnelle se produit, est un travailleur à l’emploi de l’employeur au sens de la Loi.
- Mutuelle de prévention ARQ et Duhaime, C.L.P. 263460-04-0505-2, 15 novembre 2007, J.-F. Clément.
C’est au moment de l’événement que le statut de travailleur s’analyse. En présence d’un travailleur qui ne reçoit aucune rémunération au moment où la lésion professionnelle se produit, il sera considéré qu’il s’agit d’un travail effectué bénévolement.
Voir également :
Laroche et Office municipal d’habitation de Lorrainville, C.L.P. 148091-03B-0010, 2 avril 2002, J.-F. Clément.
National Précision inc. et Tayach, 2014 QCCLP 1179.
Contrat de travail
Il ressort de l’article 2085 du CCQ qu’il existe trois caractéristiques propres au contrat de travail, soit :
- L’exigence d’une prestation de travail;
- Le versement d’une rémunération en contrepartie de celle-ci;
- L’existence d’un lien de subordination.
L’existence d’un lien de subordination entre une personne et un donneur d’ouvrage constitue un élément essentiel et distinctif afin de déterminer s’il s’agit d’un contrat de travail ou d’un contrat d’entreprise ou de service.
Qualification du contrat
Le statut de travailleur ou de travailleur autonome ne peut être déterminé par la qualification du contrat existant entre les parties, puisque la simple volonté ou déclaration unilatérale de celles-ci sur la nature du contrat ne lie pas le Tribunal.
- Garneau et Réfrigération NP 1987 inc., C.L.P. 185569-31-0206, 2 décembre 2003, M. Beaudoin.
C'est par la qualification du contrat intervenu entre les parties que le statut de travailleur ou de travailleur autonome doit être déterminé. Une analyse des faits est nécessaire pour établir le statut d'un travailleur, sans que le Tribunal ne soit lié par le nom donné au contrat par les parties.
- 9104-9288 Québec inc. et Kitching, C.L.P. 290148-64-0605, 30 août 2007, D. Armand.
La LATMP est une loi d’ordre public et le Tribunal n’est pas lié par la qualification du contrat de travail qu’en ont fait les parties. Il doit plutôt en interpréter la nature en se basant sur les faits mis en preuve.
- Taxi Bellerive et Commission de la santé et de la sécurité du travail-Laval, 2011 QCCLP 6342.
Le Tribunal n’est pas lié par la qualification de travailleur autonome sur laquelle des parties se sont entendues dans leur contrat. Pour soustraire la relation de travail qui existe entre des parties à l’application d’une loi d’ordre public telle la LATMP, il ne suffit pas d’indiquer que le travailleur qui s’engage par contrat envers une entreprise n’est pas un employé de cette entreprise, alors que les conditions de reconnaissance d’un contrat de travail sont remplies. Il faut plutôt s’en remettre au comportement des parties et à la preuve présentée.
- Sauna le Scandinave inc., 2022 QCTAT 1259.
Le Tribunal précise que le libellé et le contenu du contrat de service ne peuvent faire écran à l’existence d’un contrat de travail si, dans la réalité, la nature des échanges entre un donneur d’ouvrage et un prestataire de services confirme l’existence d’un contrat de travail.
Suivi :
Pourvoi en contrôle judiciaire demandé.
Voir également :
Commission de la santé et de la sécurité du travail et Chrétien, [1999] C.L.P. 123.
Orchestre Symphonique de Laval (1984) inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2002] C.L.P. 182469-61-0204, 20 décembre 2002, G. Morin.
Garneau et Réfrigération NP 1987 inc., C.L.P. 185569-31-0206, 2 décembre 2003, M. Beaudoin.
Santerre et Jacques Arsenault Asphalte inc. (T.A.), C.L.P. 251433-04-0412, 6 mai 2005, S. Sénéchal.
Alaviva Animation inc., 2018 QCTAT 568.
Gagnon et Fondations J. Leclerc inc., 2020 QCTAT 3079.
Groupe Promo-Staff RTM inc., 2021 QCTAT 2382.
Prestation de travail
Pour conclure à un contrat de travail, le travailleur doit fournir une prestation personnelle de travail, contre rémunération et en fonction de conditions de travail discutées entre les parties.
Ainsi, les tâches effectuées avant l’embauche officielle du travailleur ne constituent pas une prestation de travail permettant de reconnaître ce dernier comme un travailleur au sens de l’article 2 de la Loi.
- May et Montréal (Ville de) - Direction des immeubles, 2013 QCCLP 6434.
Pour conclure qu’une personne se qualifie en tant que travailleur au sens de la loi, la présence d’une prestation de travail est un élément déterminant. Cet élément doit également être démontré pour déterminer l’existence d’un contrat de travail. Or, le fait de se présenter à un examen médical pré-emploi ne peut être considéré comme une prestation de travail. Il s’agit de l’une des étapes du processus d’embauche et l’engagement formel du postulant se fait par la suite.
Voir également :
Peloquin et Machinerie agricole Bois-Franc inc., 2012 QCCLP 477.
9114-7058 Québec inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2013 QCCLP 296.
Rémunération
Selon l’article 2085 CCQ, il en va de l’essence même du contrat de travail qu’il y ait entente entre les parties sur la rémunération.
La rémunération est une rétribution consentie en raison du travail exécuté. Il s’agit d’une notion plus large que le salaire.
Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’une somme d’argent, du moment que la rétribution est proportionnelle à la prestation de travail effectuée.
De plus, la forme de la rémunération et les modalités de son versement ne sont pas des éléments déterminants pour conclure à son existence.
- Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015.
L’origine de la rémunération n’a pas d’importance. Le fait que celle-ci soit versée par un intermédiaire n’a pas d’incidence sur la reconnaissance de la rémunération.
- Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc., 2006 CSC 2.
L’entente des parties sur la rémunération d’un travailleur est essentielle à la formation du contrat de travail au sens de l’article 2085 CCQ.
- Mutuelle de prévention ARQ et Duhaime, C.L.P. 263460-04-0505-2, 15 novembre 2007, J.-F. Clément.
L’une des conditions essentielles pour qu’une partie soit reconnue comme un travailleur au sens de l’article 2 de la Loi est la rémunération. En présence d’un travailleur qui ne reçoit aucune rémunération au moment où la lésion professionnelle se produit, il sera considéré qu’il s’agit d’un travail effectué bénévolement.
- Ski Bromont et Gauthier, C.L.P. 357712-71-0809, 16 septembre 2009, Y. Lemire.
Ce qui différencie un bénévole d’un travailleur au sens de la loi est la rémunération qu’il reçoit, peu importe l’importance de cette rémunération. Aucun seuil n’est fixé par la Loi. Si l’avantage fourni au bénévole ne lui permet que d’exercer son activité bénévole sans rien de plus, il ne s’agit pas d’une rémunération. Toutefois, si l’entourage du bénévole bénéficie aussi de l’avantage reçu ou s’il dépasse le cadre de l’activité bénévole exercée, il s’agit d’une rémunération.
Suivi :
Requête en révision judiciaire rejetée, 2010 QCCS 6293.
- Taxi Bellerive et Commission de la santé et de la sécurité du travail-Laval, 2011 QCCLP 6342.
Le paiement qui représente un pourcentage des recettes d’une journée de travail, bien que variable, constitue tout de même une rémunération.
- Ndayizeye et Université de Montréal, 2012 QCCLP 3236.
La notion de rémunération doit recevoir une interprétation large, car elle vise une contrepartie consentie en raison du travail exécuté qui peut prendre différentes formes, non seulement celle d’un salaire périodique. Ainsi, furent reconnus à titre de rémunération en contrepartie d’un travail, le remboursement d’une dette, le paiement d’un loyer, du carburant, du bois pour un poêle, l’utilisation d’une voiture et des billets de spectacle, pour ne nommer que ceux-là.
Suivi:
Désistement de la requête en révision judiciaire.
- Côté et 90744657 Québec inc., 2014 QCCLP 1963.
La rémunération du travail effectué est une condition essentielle à la formation du contrat de travail et à la reconnaissance du statut de travailleur au sens de la Loi.
- Taschereau et Domaine de ski Mont-Bruno inc., 2020 QCTAT 1489.
Un bénévole qui reçoit des bénéfices et avantages qui dépassent largement ce qui est strictement nécessaire pour effectuer ses tâches sera considéré comme étant une rémunération, faisant de lui un travailleur au sens de l’article 2 de la Loi.
- Ferme-Médic inc., 2022 QCTAT 2997.
La notion de rémunération est interprétée largement par la jurisprudence qui reconnaît qu’elle peut prendre diverses formes. Elle peut notamment être établie selon un taux horaire, être hebdomadaire ou mensuelle, être forfaitaire ou à commission.
Voir également :
Bureau d’études Archer inc. c. Dessureault, 2006 QCCA 1556.
Gilbert et Comité de spectacles Thetford Mines inc (SPECT-ART), C.L.P. 383938-03B-0907, 30 septembre 2010, R. Deraiche.
Peloquin et Machinerie agricole Bois-Franc inc., 2012 QCCLP 477.
Duperron, 2012 QCCLP 787.
Lien de subordination
Le trait distinctif du contrat de travail est que l'exécution du travail est subordonnée au contrôle et à la direction d'un employeur. La notion de subordination juridique implique une dépendance hiérarchique, dont l'analyse doit être effectuée dans une perspective globale propre à chaque situation.
La jurisprudence du Tribunal propose divers critères afin de déterminer la présence ou non d’une subordination juridique. Aucun d’entre eux, pris isolément, n’est déterminant à lui seul. Il s’agit de :
- la propriété des outils;
- les risques de profits et de pertes;
- la propriété de la clientèle;
- l’obligation d’effectuer le travail soi-même ou la possibilité de se faire remplacer;
- l’existence de directives, d’ordre d’une partie à l’autre;
- l’exercice d’un pouvoir de discipline;
- l’existence d’évaluation de rendement;
- le mode de rémunération;
- le contrôle sur l’horaire de travail et les congés;
- le contrôle et l’encadrement du travail;
- la présence d’instruction en regard de la prestation de travail et les méthodes employées;
- l’obligation d’assister à des réunions ou des séances de formation;
- l’exclusivité des services pour l’employeur, et;
- l’intégration à l’entreprise de l’employeur.
- Bédard et Coiffure des Bouleaux, C.L.P. 177952-31-0202, 16 avril 2002, J.-F. Clément.
Il n’est pas requis qu’il y ait présence de l’intégralité des critères pour décider si nous sommes en présence d’un travailleur. La prévalence de certains d’entre eux suffit pour déterminer la nature du contrat liant les parties. En effet, aucun d’entre eux, pris isolément, n’est déterminant à lui seul.
- Turcotte (Succession) et Groupement forestier coopératif St-François, C.L.P. 227327-05-0402, 21 février 2005, M.-C. Gagnon.
Le lien de subordination doit exister entre les parties afin de considérer la relation employeur/employé. Même si le travailleur se qualifie de contracteur, l’encadrement, la gestion et la supervision fait par l’employeur sont les mêmes qu’envers les autres travailleurs à son emploi.
Suivi :
Révision rejetée.
Requête en révision judiciaire rejetée, 2007 QCCS 466.
- Dicom Express inc. c. Paiement, 2009 QCCA 611.
La subordination juridique implique l’idée d’une dépendance hiérarchique, ce qui inclut le pouvoir de donner des ordres et des directives, de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements. La subordination ne sera pas la même et surtout ne s’exercera pas de la même façon selon, notamment, le niveau hiérarchique de l’employé et ses compétences. La Cour d’appel rappelle que le critère de subordination juridique ne doit surtout pas être confondu avec la dépendance économique. Toutefois, l’examen de chaque situation reste individuel et l’analyse doit toujours être faite dans une perspective globale.
- Clinique de santé M inc., 2020 QCTAT 764.
Des indices ont été élaborés par la jurisprudence afin de déterminer la présence ou non d’un lien de subordination. On peut les résumer essentiellement ainsi : le contrôle et l’encadrement du travail, l’obligation d’effectuer le travail soi-même ou la possibilité de se faire remplacer, le contrôle sur l’horaire et les congés, l’exercice d’un pouvoir de discipline, l’exclusivité des services pour l’employeur, le mode de rémunération, l’intégration à l’entreprise de l’employeur, les risques de profits ou de pertes, la propriété des outils. Aucun d’entre eux n’est déterminant à lui seul. Pour conclure à la présence d’un contrat de travail, il doit y avoir une preuve prépondérante qu’un nombre significatif d’éléments milite en ce sens.
- Émard Couvre-planchers inc., 2021 QCTAT 4957.
L’analyse de l’existence d’un lien de subordination doit s’apprécier avec souplesse en tenant compte du contexte dans lequel le contrat est invoqué. Afin de déterminer l’existence d’un lien de subordination, plusieurs indices ont été développés par la jurisprudence, notamment le contrôle et l’encadrement du travail, l’obligation d’effectuer le travail par soi-même ou la possibilité de se faire remplacer, le contrôle de l’horaire, le pouvoir de discipline, l’exclusivité de service pour l’employeur, le mode de rémunération, l’intégration à l’entreprise de l’employeur, le risque de perte ou de profit et la propriété des outils. Aucun de ces indices n’est déterminant et leur analyse doit se faire de manière globale.
- Sauna le Scandinave inc., 2022 QCTAT 1259.
L’appréciation d’un lien de subordination repose sur l’analyse de différents facteurs, notamment la propriété des outils, le risque de pertes et la possibilité de profits, l’obligation d’exécuter la prestation de travail soi-même, la gestion et le contrôle de l’horaire, ainsi que la supervision ou le contrôle de l’exécution du travail. Comme nous y invite la Cour d’appel dans l’affaire Dicom Express inc c. Paiement, cette analyse doit se faire à travers le prisme de la dépendance hiérarchique, tout en tenant compte de la notion d’intégration des activités.
Suivi :
Pourvoi en contrôle judiciaire demandé.
- Ferme-Médic inc., 2022 QCTAT 2997.
Le critère de la subordination juridique est au cœur de la notion de contrat de travail et constitue le critère qui permet de le distinguer du contrat d’entreprise.
Voir également :
Complexe Multi-disciplinaire Estacades, 2018 QCTAT 5393.
Studio Pur, 2019 QCTAT 111.
Industries Riopel inc., 2020 QCTAT 1124.
Gagnon et Fondations J. Leclerc inc., 2020 QCTAT 3079.
Groupe Promo-Staff RTM inc., 2021 QCTAT 2382.
S2S Entraînement, 2021 QCTAT 353.
Services Écovista inc., 2021 QCTAT 3143.
EBC inc. et Séguin, 2021 QCTAT 6148.
Propriété des outils et du matériel
Le fait pour le travailleur de ne pas être propriétaire des outils et du matériel nécessaires à son travail est un élément qui favorise la reconnaissance d’un contrat de travail.
- Taxi Bellerive et Commission de la santé et de la sécurité du travail-Laval, 2011 QCCLP 6342.
En plus d’évaluer qui, de l’employeur ou du travailleur, fournit les outils de travail et en est le propriétaire, il est pertinent de vérifier qui en assure l’entretien, qui paye les taxes de ventes aux autorités fiscales et les immatriculations, en plus d’être détenteur des permis requis pour le travail.
- Succession de Proulx et Ferme avicole Serge Lefebvre inc., 2022 QCTAT 1350.
Les travaux effectués par un travailleur à la retraite, contre rémunération, peut refléter un lien employeur/employé s’il y a présence d’un lien de subordination. Ce lien peut se manifester par l’obligation du travailleur d’être disponible durant des journées de travail convenues, par le devoir d’utiliser les matériaux fournis par l’employeur ou par l’impossibilité de se faire remplacer par une autre personne. Le fait pour le travailleur de fournir quelques outils n’est pas suffisant pour faire basculer le contrat de travail en contrat d’entreprise.
Voir également :
Bérubé (Succession de) et Axxel transport et logistique, 2013 QCCLP 3544.
Suivi:
Désistement de la requête en révision.
Ferme-Médic inc., 2022 QCTAT 2997.
Risques de perte ou de gain
Un travailleur qui n’a pas à assumer les risques de perte est un élément qui milite en faveur de la reconnaissance d’un contrat de travail.
- Bédard et Coiffure des Bouleaux, C.L.P. 177952-31-0202, 16 avril 2002, J.-F. Clément.
Le fait qu’une travailleuse ne soit pas subordonnée dans ses tâches, qu’elle fournisse son propre équipement de travail, qu’elle assume les risques de pertes et de gains, qu’elle paie sa part de publicité et qu’elle recrute elle-même sa clientèle sont des éléments en faveur de la reconnaissance du statut de travailleuse autonome.
- Taxi Bellerive et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2011 QCCLP 6342.
Le fait pour un employeur de fournir les outils de travail et d’en être le propriétaire, d’en assurer l’entretien, de payer les taxes de ventes aux autorités fiscales et les immatriculations, en plus d’être détenteur des permis requis pour le travail entraîne la responsabilité des risques de pertes et les chances de profits.
Voir également :
Gagnon et Fondations J. Leclerc inc., 2020 QCTAT 3079.
Obligation que le travailleur exécute personnellement le travail
Un travailleur qui doit assurer lui-même la prestation de travail, sans pouvoir se faire remplacer par la personne de son choix, est un élément qui milite en faveur de la reconnaissance d’un contrat de travail.
- Succession de Proulx et Ferme avicole Serge Lefebvre inc., 2022 QCTAT 1350.
Les travaux effectués par un travailleur à la retraite, contre rémunération, peut refléter un lien employeur/employé s’il y a présence d’un lien de subordination. Ce lien peut se manifester par l’obligation du travailleur d’être disponible durant des journées de travail convenues, par le devoir d’utiliser les matériaux fournis par l’employeur ou par l’impossibilité de se faire remplacer par une autre personne.
- Ferme-Médic inc., 2022 QCTAT 2997.
Le fait qu’un travailleur doive informer l’employeur en cas de non-disponibilité afin qu’il trouve un remplaçant ou de déplacer la formation à une date ultérieure milite en faveur de l’existence d’un lien de subordination.
Contrôle et encadrement du travail
Un employeur qui exerce un contrôle sur la prestation de travail effectuée constitue un élément en faveur de la reconnaissance d’un contrat de travail.
- Turcotte (Succession) et Groupement forestier coopératif St-François, C.L.P. 227327-05-0402, 21 février 2005, M.-C. Gagnon.
Le lien de subordination doit exister entre les parties afin de considérer la relation employeur/employé. Même si le travailleur se qualifie de contracteur, l’encadrement, la gestion et la supervision fait par l’employeur sont les mêmes qu’envers les autres travailleurs à son emploi.
Suivi :
Révision rejetée.
Requête en révision judiciaire rejetée, 2007 QCCS 466.
- Taxi Bellerive et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2011 QCCLP 6342.
Un employeur n’a pas à exercer une supervision immédiate et soutenue envers un employé, mais une certaine forme de subordination doit tout de même exister pour conclure à l’existence d’un contrat de travail. Certains éléments seront jugés suffisants tels l’obligation d’effectuer le travail qui lui a été assignée sous peine de sanction en cas de refus, ne pas être autorisé à décider de se faire remplacer par une personne de son choix et l’obligation de respecter certaines disponibilités et la présence au travail. La variabilité des heures de travail ne permet pas de conclure à l’existence d’un contrat d’entreprise.
- Services touristiques Guidatour inc., 2019 QCTAT 4687.
Le fait pour un travailleur de devoir s’intégrer au mode de fonctionnement et à l’organisation de l’employeur, même si aucun contrôle direct de ce dernier n’est exercé témoigne de la présence d’un lien de subordination. La volonté de l’employeur de fournir un service de qualité à sa clientèle et conforme à ses standards d’entreprise démontrent un pouvoir de contrôle sur le travailleur, de même que l’imposition d’un code vestimentaire, la gestion des remplacements en cas d’absence faite par l’employeur et l’impossibilité de négocier la tarification.
- Succession de Proulx et Ferme avicole Serge Lefebvre inc., 2022 QCTAT 1350.
Les travaux effectués par un travailleur à la retraite, contre rémunération, peut refléter un lien employeur/employé s’il y a présence d’un lien de subordination. Ce lien peut se manifester par l’obligation du travailleur d’être disponible durant des journées de travail convenues, par le devoir d’utiliser les matériaux fournis par l’employeur ou par l’impossibilité de se faire remplacer par une autre personne.
- Ferme-Médic inc., 2022 QCTAT 2997.
Le fait pour un employeur d’effectuer un suivi de la prestation de travail par l’envoi d’un sondage auprès de la clientèle est une forme d’encadrement du travail. Qu’une surveillance directe et constante ne soit pas nécessaire en raison de l’expérience du travailleur n’est pas pertinente, puisque l’employeur intervient en cas de critiques ou d’une prestation de travail en deçà des standards. La participation obligatoire à des rencontres organisées par l’employeur, l’instauration de protocoles qui doivent être respectés par le travailleur ainsi que l’imposition d’un code vestimentaire témoigne d’une forme de contrôle et d’encadrement du travail.
Pouvoir de discipline
Le fait pour l’employeur de posséder un pouvoir de discipline, dont la possibilité de congédier le travailleur milite en faveur de la reconnaissance d’un contrat de travail entre employeur et travailleur.
- Taxi Bellerive et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2011 QCCLP 6342.
Un employeur n’a pas à exercer une supervision immédiate et soutenue envers un employé, mais une certaine forme de subordination doit tout de même exister pour conclure à l’existence d’un contrat de travail. Certains éléments seront jugés suffisants, telle l’obligation d’effectuer le travail qui lui a été assignée sous peine de sanction en cas de refus.
- Ferme-Médic inc., 2022 QCTAT 2997.
Ce qui importe est la possibilité d’exercer le pouvoir de direction ou de discipline et non son exercice.
Relation familiale
Le fait que le travailleur et l’employeur soient conjoints ou qu’il y ait un lien familial qui les unit n'exclut pas, d'emblée, l’existence d’un contrat de travail entre eux.
- Duguay et Le Petit Pierrot, C.L.P. 102031-01C-9806, 30 juillet 2002, R.-M. Pelletier .
Un travailleur qui effectue des travaux pour l’entreprise de sa conjointe n’a pas pour effet d’exclure automatiquement l’existence d’une relation employeur/employé. L’existence d’un lien de subordination et le fait que l’employeur soit dûment inscrit à la Commission seront davantage pertinents à l’évaluation du statut de travailleur.
- Atelier de métal Gaétan Talbot enr. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P. 181011-64-0203, 28 mars 2003, R. Daniel.
Un entrepreneur qui délègue des travaux d’ordre administratif et comptable à sa conjointe, alors que cette entreprise n’a pas les moyens d’engager un employé pour cette tâche, n’invalide pas l’existence d’un lien employeur/travailleur. Il n’existe pas d’exception législative ou réglementaire qui permet une exemption particulière pour l’épouse d’un employeur qui est propriétaire unique de l’entreprise. Les éléments pertinents à évaluer demeurent les mêmes, soit la réalisation d’un travail contre rémunération pour l’employeur et la présence d’un lien de subordination juridique.
Voir également :
Centre d’acupuncture de Laval, 2012 QCCLP 6278.
Paquette (Succession de) et Club de tir Sandhill de Sherbrooke, 2014 QCCLP 821.
Suivi:
Désistement de la requête en révision judiciaire.
Double statut
Le statut de travailleur au sens de la Loi peut exister chez la même personne physique pour une même activité économique ou professionnelle en présence d’autres statuts, tels ceux d’entrepreneur indépendant ou d’employeur.
- Natrel inc. et Syndicat démocratique des distributeurs, [1996] T.T. 567.
La reconnaissance d’un double statut est possible dans certaines circonstances. Selon le degré de subordination juridique, le statut d’une personne physique peut être fragmenté en fonction des tâches exercées ou de la clientèle desservie par exemple.
Suivi:
Requête en évocation rejetée, [1998] R.J.D.T. 104.
Appel rejeté, [2000] R.J.D.T. 445.
- Agropur, Coopérative (Division Natrel) c. Rancourt, 2010 QCCA 749.
Selon la Cour d’appel, un double statut est possible; une même personne pouvant être tantôt un travailleur couvert par la Loi, tantôt un travailleur autonome.
Voir également :
Esthétique automobile Olympique et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2014 QCCLP 5974.
Suivi :
Désistement de la requête en révision.
Travail au noir
Le fait qu’une personne reçoive une rémunération non déclarée ne fait pas obstacle à la reconnaissance du statut de travailleur au sens de la Loi.
Le fait qu’aucune déduction à la source ne soit effectuée ou que la personne travaille au noir ne fait pas échec à la reconnaissance d’un contrat de travail.
- Bellemare et Domaine Abella enr., C.L.P. 140369-31-0006, 11 juin 2001, R. Ouellet.
Rien dans la Loi ne prévoit qu’une personne qui reçoit une rémunération non déclarée n’est pas couverte par celle-ci. Les critères habituels pour reconnaitre un travailleur selon l’article 2 de la Loi s’appliquent également à la détermination du statut de ce type de travailleur.
- Cimon et Genois, 2016 QCTAT 1171.
Le fait pour un travailleur de recevoir une rémunération non déclarée n’est pas une entrave à l’application de la Loi, dans la mesure où il répond aux critères lui permettant d’être reconnu comme un travailleur au sens de l’article 2 de la Loi.
- Succession de Proulx et Ferme avicole Lefebvre inc., 2022 QCTAT 1350.
La jurisprudence enseigne que le fait qu’un travailleur soit payé sans déduction à la source ou même «au noir» n’est pas déterminant pour conclure qu’il est un «travailleur» au sens de la Loi. Le fait que l’employeur n’ait pas procédé à des déductions à la source sur la paie du travailleur n’est pas déterminant.
Voir également :
Larouche-Harvey et Transport CD 2000, C.L.P. 248873-02-0411, 13 avril 2005, R. Deraiche.
Équipement location Masson-Viau et Anglehart, C.L.P. 256814-71-0503, 2 mars 2006, L. Couture.
Bérubé (Succession de) et Axxel Transport et logistique, 2013 QCCLP 3544.
Suivi :
Désistement de la requête en révision.
Théoret et Centaure, 2016 QCTAT 2366.
Alnor Construction enr. et Proulx, 2018 QCTAT 1612.
Nettoyage Vitroluxe et Keroui, 2022 QCTAT 3938.
Travailleur étranger
Selon la jurisprudence, l’invalidité du permis de travail d’un travailleur étranger de bonne foi n’exclut pas nécessairement qu’il puisse être un travailleur au sens de l’article 2 de la Loi et ainsi bénéficier de la protection de celle-ci.
- Henriquez et Aliments Mello, [2005] C.L.P. 1617.
La jurisprudence développée sous la Loi sur l’immigration, déterminant qu’un contrat de travail conclut avec un travailleur sans permis de travail valide est illégal et nul de nullité absolue, ne reflète pas l’évolution du droit en matière d’immigration et l’approche moderne développée en matière contractuelle. Considérant le caractère social de la LATMP, le fait qu’un travailleur ne soit pas un immigrant illégal, qu’il croyait de bonne foi pouvoir travailler avec un numéro d’assurance sociale et considérant la disproportion des sanctions, un examen du statut du travailleur au sens de la Loi est requis.
- Marillanca Gonzales et Sushi Shop Campus inc., 2019 QCTAT 4849.
L’article 2 de la Loi prévoit plusieurs exclusions quant à la reconnaissance du statut de travailleur, mais l’exigence d’un permis de travail valide pour un travailleur étranger n’en fait pas partie.
- Pierre et Agence de placement île d’emploi inc., 2020 QCTAT 2586.
L’expiration du permis de travail du travailleur au moment de la survenance de la lésion professionnelle ne le prive pas de son statut de travailleur au sens de la Loi.
Voir également :
Rodas Garcia et Services d’entretien Advance inc., 2011 QCCLP 1350.
Augustin et CA Résidence Rive-Soleil inc., 2011 QCCLP 5413.
Reyes Avila et Aliments Alasko inc., 2013 QCCLP 3771.
N’Zi et Coopérative de services à domicile du Cap Diamant, 2018 QCTAT 306.