Renonciation à un droit
Un travailleur peut renoncer à un droit qui est né et actuel, et ce, même dans le cadre d'une loi d'ordre public. Cependant, cette renonciation doit être claire et les termes utilisés ne doivent pas porter à interprétation.
- Léonard et G. Lebeau ltée, [1992] C.A.L.P. 267.
La déclaration d'appel était visée dans l'entente signée entre les parties et le travailleur y a renoncé de façon implicite en signant l'entente. Le droit d'appel n'est pas un droit d'ordre public, mais doit plutôt être considéré comme un droit personnel, rattaché à la personne du bénéficiaire de ce droit. Une partie peut valablement transiger dans le cadre d'une loi d'ordre public lorsque son droit est né et actuel. La CALP n'est pas valablement saisie de l'appel.
- Minolta Montréal inc. et Gizas, C.L.P. 222850-61-0312, 30 mars 2004, F. Poupart.
L'entente conclue avec le travailleur, suivant laquelle ce dernier acceptait d'être indemnisé par sa « banque de journées de maladie » et renonçait à recevoir les prestations prévues à la loi, ne peut pas être opposée aux dispositions d'ordre public de la loi. L'objet de la loi est décrit à son article 1. Le deuxième alinéa de l'article 4 ne permet pas à l'employeur de prétendre que l'entente a pour effet de priver le travailleur de l'exercice des droits que lui confèrent les dispositions d'ordre public de la loi. Au surplus, il est inexact de dire que l'entente est « plus avantageuse » que les bénéfices prévus à la loi, car cette entente priverait le travailleur des « journées de maladie » auxquelles il aurait droit en vertu de son contrat de travail dans l'éventualité d'une absence en raison d'une pathologie personnelle.
- Barrette-Chapais ltée et Béland, C.L.P. 223596-02-0312, 29 juin 2004, J.-F. Clément.
Le caractère d’ordre public de la LATMP édicté à l’article 4 ne signifie pas qu’il est interdit à une partie de renoncer, dans certaines circonstances, aux avantages qui en découlent. Un bénéficiaire pour qui des droits ont été prévus peut décider d’y renoncer en toute connaissance de cause, une fois son droit ouvert, puisqu’il a la faculté de décider de ce qu’il veut faire de son droit, lequel n’appartient qu’à lui. S’il n’en était pas ainsi, il serait impossible de concilier tout dossier relevant de toute loi d’ordre public. En conséquence, en tant que réclamant, bénéficiaire et détenteur du fardeau de preuve, il est possible pour un travailleur de renoncer au recours qu'il a introduit par sa réclamation à la CSST, et ce, à toute étape du processus. Il s'agit alors pour lui d'une renonciation à une décision, d'une admission ou d'une confession de la nature de l'acquiescement à un jugement prévu à l'article 457 du Code de procédure civile du Québec.
- Gagnon et Restaurant Verdi inc. (fermé), [2005] C.L.P. 530.
Comme l'article 4 énonce que la loi est d'ordre public, la CLP doit s'assurer que les droits des parties sont respectés. Or, la transaction intervenue entre la travailleuse et la CSST n'exclut en aucune façon l'application de la loi ni, d'ailleurs, le droit de la travailleuse de voir son IRR revalorisée à compter du 1er janvier de chacune des années subséquentes, comme le prévoit l'article 118. La transaction est silencieuse à ce sujet et il aurait fallu une renonciation expresse de la travailleuse à cet égard dans la transaction, ce qui n'est pas le cas. Elle avait donc le droit de voir son IRR revalorisée annuellement conformément à la loi, et ce, depuis janvier 2000.
- Brassard et Canadien Pacifique Château Champlain,C.L.P. 228847-62B-0403, 17 février 2005, Alain Vaillancourt.
Le droit du travailleur n'était pas né ou actuel au moment où la transaction a été signée avec son employeur. Or, c'est lorsque le droit est né et actuel que les parties peuvent transiger sur des droits ou obligations qui leurs sont échus en vertu de la loi qui est d'ordre public. Le tribunal ne peut se convaincre qu'il faille interpréter la phrase suivante: « [le travailleur] donne quittance complète, finale et définitive à [l'employeur], [...], quant à tout recours, réclamation, demande, plainte, action ou droit d'action, de quelque nature que ce soit, résultant de son emploi ou de la fin de son emploi en date du 21 mai 2000 » comme une renonciation du travailleur à se voir reconnaître, comme lésion professionnelle, une maladie qui ne s'était pas encore manifestée.
- Éthier et Aplix Fasterners inc., C.L.P. 343734-07-0803, 24 avril 2009, S. Séguin.
Le travailleur a donné quittance à son employeur par écrit pour toute réclamation incluant toute indemnité à laquelle il pourrait avoir droit, notamment en vertu de la LATMP, et ce, en contrepartie de certaines considérations financières. Cette quittance est de la nature d'une transaction au sens de l'article 2631 du Code civil du Québec. Par ailleurs, l'article 4 LATMP prévoit que la loi est d'ordre public. Selon la jurisprudence, les parties peuvent transiger sur des droits et obligations qui découlent d'une loi d'ordre public pourvu que le droit sur lequel porte la transaction soit né et actuel. En l'espèce, le droit du travailleur est né et actuel lorsqu'il signe la quittance puisque l'accident aurait eu lieu quelques semaines plus tôt et qu'il a consulté un médecin dès le lendemain. Les termes de la transaction sont, de plus, explicites et ne portent pas à interprétation.
- Léger et Montupet ltée, C.L.P. 344223-62C-0804, 18 juin 2009, S. Lemire.
Une transaction est intervenue entre l'employeur et le travailleur stipulant que ce dernier, en contrepartie du versement d'une somme d'argent, donnait quittance finale à l'employeur pour toute action ou droit d'action découlant de son emploi ou de la terminaison dudit emploi. Pour le tribunal, cet engagement du travailleur ne concerne pas les réclamations pour une lésion professionnelle. La loi est d'ordre public et personne ne peut renoncer à ses dispositions, sauf si cela est plus avantageux. En l'espèce, les sommes versées en vertu de la transaction correspondent à l'indemnité de préavis et autres sommes d'argent reliées à l'emploi du travailleur. La transaction ne mentionne pas que celui-ci renonce à toute réclamation en raison d'une lésion professionnelle. Or, il aurait été nécessaire que cela soit clairement prévu, de façon précise et non équivoque. Une réclamation pour une lésion professionnelle constitue un droit personnel au travailleur. Ce droit est indépendant du contrat de travail, d'une disposition de la convention collective, ou de toute autre loi ou règlement.
- Meilleur et Kruger SEC (Gatineau), 2015 QCCLP 3487.
La loi prévoit des avantages pour les travailleurs. Il s’agit d’une loi d’ordre public. Cela ne signifie qu’il y a une interdiction pour les parties de renoncer à certains avantages prévus par la loi en toute connaissance de cause. Lorsque le droit d’une partie s’ouvre, elle a la faculté de décider de ce qu’elle veut en faire et peut donc y renoncer.
Ordre public en matière de preuve et de procédure
En matière de preuve et de procédure, le Tribunal doit tenir compte du caractère public de la loi.
- Ville de Montréal c. Commission des lésions professionnelles, [2004] C.L.P. 491 (C.S.).
L’article 4 doit être interprété en tenant compte des autres articles de la loi, dont ceux ayant trait aux conférences préparatoires. Accorder peu d’importance aux admissions faites lors de conférences préparatoires est contraire aux intentions du législateur et est incompatible avec la bonne administration de la justice.
- Villeneuve et Achille de la Chevrotière ltée,C.L.P. 228039-08-0402, 31 octobre 2005, J.-F. Clément.
Bien que la convention collective prévoie que l'utilisation de caméras par l'employeur ne peut servir de preuve contre un salarié, sauf dans des situations de vol, de fraude, de sabotage, de méfait ou autres activités similaires, d'une part, une telle convention collective ne lie pas la CLP chargée d'appliquer une loi d'ordre public en vertu de l'article 4. D'autre part, cette interdiction inscrite dans une convention collective, soit un document de nature privée, ne vaut qu'entre les parties et peut faire l'objet d'une renonciation comme en l'espèce, où le travailleur ne s'est nullement opposé au dépôt de la preuve de l'employeur et l'a même utilisée. D'ailleurs, l'employeur peut se servir de cette preuve dans des situations de fraude ou autres activités similaires et le fait de présenter une réclamation non fondée à la CSST est certainement une activité similaire en ce sens.
- M... T... et Compagnie A, 2011 QCCLP 4578.
Lorsqu'il s'agit d'une loi d'indemnisation d'ordre public, il est tout aussi pertinent de s'assurer que les renseignements allégués au soutien de la réclamation sont exacts et fiables et, dans certains cas, que l'état de santé antérieur ne constitue pas la cause principale de l'invalidité au soutien de la réclamation. Il appartient aussi au tribunal de veiller à ce que les requêtes, comme celle en l'espèce visant l'obtention du dossier médical antérieur à la lésion alléguée, soient pertinentes et que l'étendue de celles-ci soit proportionnelle à la question à décider, en tenant compte des circonstances.
Ententes entre des parties non visées par la loi
Les ententes intervenues entre des parties qui ne sont pas visées par la loi ne lie pas le Tribunal.
- Succession Robert Bradette et Secal, [1992] C.A.L.P. 1441.
Une entente conclue entre la CSST et le syndicat avant l'entrée en vigueur de la LATMP visait le fait qu'aucune réclamation pour maladie professionnelle ne devait être présentée à la CSST tant que celle-ci n'aurait pas décidé du sort des 20 réclamations sélectionnées en décembre 1984, pour lesquelles les décisions ont été rendues en février 1986. Bien que la CALP puisse partager les objectifs que s'était fixé le syndicat et la CSST, le caractère public de la LATMP ne permet pas de déroger aux articles 478 et 553. La réclamation reçue le 1er avril 1986 doit être traitée en vertu de la LATMP.
- Brien et Interlam inc., C.L.P. 111657-62B-9903, 10 janvier 2000, D. Lampron.
Il est exact de prétendre que la loi est d'ordre public, mais l'article 4 vise une convention collective dans un contexte employeur-employé, et non un tiers à la relation employeur-employé. Par ailleurs, la CLP n'a pas compétence pour statuer sur le caractère discriminatoire d'une clause au contrat d'assurance. Ainsi, comme l'employeur était justifié de ne pas remettre le formulaire d'adhésion au régime d'assurances collectives à la travailleuse, car elle ne satisfaisait pas aux conditions de la police d'assurance, il n'y a donc pas eu de sanction ou de mesure prohibée au sens de l'article 32.
- Aliments Vermont inc. (Les) et Turgeon, C.L.P. 158161-04B-0104, 18 novembre 2003, L. Collin.
En juin 2000, la travailleuse subit une lésion professionnelle et s'absente du travail jusqu'en août. Selon la convention collective, l'employeur doit verser à une compagnie d'assurances déterminée par le syndicat une cotisation de 0,15 $ par heure régulière travaillée ou payée. Comme l'employeur a interrompu le versement de sa cotisation pendant l'absence de la travailleuse, celle-ci dépose une plainte en vertu de l'article 32. Or, la mesure exercée par l'employeur pendant l'absence de la travailleuse ne contrevient pas aux dispositions de l'article 235. L'employeur n'est aucunement partie au contrat d'assurances dentaires qui lie le syndicat des employés et l'assureur. De plus, la police d'assurances prévoit ce qu'il advient dans le cas où un adhérent cesse de travailler activement en raison d'une maladie ou d'une blessure : l'adhérent peut demeurer assuré à la condition que le preneur de la police, soit le syndicat et l'adhérent, paye la prime de l'adhérent. L'employeur respecte l'obligation à laquelle il s'est engagé par la signature de la convention collective. Ce faisant, il ne déroge pas aux dispositions de l'article 235 qui prévoient que la travailleuse continue de participer au régime d'assurances pourvu qu'elle paie sa part de cotisations exigibles, auquel cas son employeur assume les siennes, à savoir ce qui est prévu par la convention collective. Cette situation ne va pas à l'encontre de l'article 4. À cet égard, la CLP a déjà conclu que l'article 4 vise une convention entre employeur et employé, et non une convention qui implique aussi un tiers, en l'occurrence, un assureur. Or, en l'espèce, l'employeur n'a rien à voir dans le contrat d'assurance dentaire qui lie le syndicat et l'adhérent, d'une part, et l'assureur, d'autre part. La travailleuse n'a donc pas subi de mesures prohibées au sens de l'article 32.
Suivi :
Révision rejetée, 22 février 2006, M. Carignan.