Présomption de relation d’emploi ou fiction juridique
Pour plusieurs décideurs, l’article 9 crée une présomption de relation ou de lien d'emploi entre le travailleur autonome et la personne qui retient ses services lorsque les conditions d’application de cet article sont remplies. Ainsi, la personne qui retient les services du travailleur autonome devient, aux fins de l’application de la LATMP, l’employeur de celui-ci et le travailleur autonome est alors considéré comme un travailleur à son emploi.
Quelques décideurs considèrent plutôt que l’article 9 permet par « fiction juridique » d’assimiler le travailleur autonome à un travailleur de l’établissement à qui il fournit ses services, lui permettant ainsi de bénéficier de l’application de la LATMP si les conditions de cet article sont remplies.
Présomption de relation d’emploi
- Les Productions de Café-Concert inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1990] C.A.L.P. 155.
L’article 9 prévoit trois conditions pour que cette présomption absolue de relation d'emploi puisse s’appliquer :
1. Il doit s’agir d’un travailleur autonome;
2. qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne;
3. des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l’établissement de cette personne.
- Corriveau et CSST - Chaudière-Appalaches, C.L.P. 115051-03B-9904, 11 janvier 2000, R. Jolicoeur.
Selon la jurisprudence, l'article 9 crée, sous certaines conditions, une présomption de relation d'emploi entre un travailleur autonome et une personne, cette personne devenant, aux fins de l'application de la loi, l'employeur du travailleur autonome. Toutefois, cette disposition prévoit aussi quatre exceptions empêchant l’application de cette présomption.
- Garage Carrey & Fils ltée, 2013 QCCLP 57.
L'article 9 prévoit que le travailleur autonome qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l'établissement de cette personne, est considéré comme un travailleur au service de cette personne. Si certaines conditions sont remplies, cette disposition de la loi crée une présomption de relation d’emploi entre un travailleur autonome et un employeur, sauf exception. Si cet article trouve application, les sommes versées au travailleur autonome par l'employeur sont incluses dans la masse salariale de ce dernier et sa cotisation est déterminée en conséquence. Toutefois, même si un travailleur satisfait aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 9, il ne sera pas considéré comme un travailleur au service de l'employeur si l'une des exceptions prévues aux paragraphes 1 et 2 s'applique.
- Consultants en bourses d’Amérique du Nord Ltée et Maramag, 2013 QCCLP 1073.
Lorsque les conditions d’application de l’article 9 sont démontrées, il s’ensuit alors une présomption selon laquelle le travailleur autonome est à l’emploi de la personne qui retient ses services. Il appartient alors à ce dernier de faire la preuve que les exceptions prévues à cet article s’appliquent.
Voir également :
Entreprises Pierre Boivin inc. (Les), [2004] C.L.P. 37.
Lingerie L. L. et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Mauricie - Centre-du-Québec, [2005] C.L.P. 471.
Salon chez Christine, C.L.P. 367191-07-0812, 20 août 2009, S. Séguin.
Auberge & Spa Le Nordik inc., 2011 QCCLP 5443.
RE/MAX du Cartier inc., 2018 QCTAT 2504.
Suivi :
Demande pour suspendre l'exécution rejetée, 2018 QCCS 3976.
Fiction juridique
- Hébert et 6758762 Canada inc., 2011 QCCLP 5404.
L’emploi du terme « est considéré » à l’article 9, au lieu du terme « est présumé » utilisé aux articles 28 et 29, traduit l’absence de présomption légale. Le tribunal est donc d’avis que l’article 9 n’a pas pour effet d’établir une présomption de relation d’emploi entre le travailleur autonome et la personne pour qui il exerce des activités. Il appartient donc au travailleur autonome de prouver qu'il exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles exercées dans l'établissement de cette personne.
L’article 9 crée une fiction juridique permettant au travailleur autonome, en l’absence d’un réel lien d’emploi, de bénéficier du même régime d’indemnisation dont bénéficierait un travailleur de l’établissement qui retient ses services. Les prestations versées au travailleur autonome, assimilé à un travailleur de cet établissement, sont dès lors imputées à la personne qui retient ses services étant considérée comme l’employeur du travailleur autonome.
Suivi :
Révision rejetée, 2012 QCCLP 1478.
- Couvre planchers Pelletier inc., 2015 QCCLP 5860.
En l’espèce, il y a lieu de conclure que les trois personnes visées par l’avis de cotisation sont des travailleurs autonomes qui, par fiction juridique, doivent être considérés comme étant des travailleurs à l’emploi de l’employeur.
Voir également :
Gestion immobilière Solitec & Associés et Cloutier, C.L.P. 141451-62-0006, 6 septembre 2000, S. Mathieu.
Constructions P.A.R. Tanguay Entrepreneur général, 2012 QCCLP 6977.
Fardeau de preuve
Le bénéfice des droits qui sont prévus à la LATMP au travailleur autonome suppose que l’existence des conditions d’application de l’article 9 est établie. Cette preuve effectuée, le travailleur autonome sera alors considéré comme un travailleur au service de l’employeur, à moins qu’il ne soit prouvé que les exceptions contenues à cet article s’appliquent en l’espèce.
Selon la jurisprudence, le fardeau de preuve des conditions d’application de l’article 9, puis des exceptions ou de la non-application de ces dernières varie selon qu’il s’agit d’un dossier en indemnisation ou en financement.
- Consultants en bourses d’Amérique du Nord Ltée et Maramag, 2013 QCCLP 1073.
Le tribunal précise que le fardeau de preuve repose sur le travailleur autonome dans les dossiers visant l’indemnisation et sur la CSST dans les dossiers de financement.
Indemnisation
Selon la jurisprudence en matière d’indemnisation, le fardeau de preuve appartient au travailleur autonome qui veut se voir reconnaître les bénéfices de la LATMP. Celui-ci devra donc démontrer que les conditions d’application de l’article 9 sont remplies.
- Leblanc et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Montréal 1, C.L.P. 134846-71-0003, 23 janvier 2001, C. Racine.
Le requérant a le fardeau de démontrer qu’il entre dans l’une ou l’autre des catégories énoncées aux articles 2, 9 et 18 pour pouvoir bénéficier des indemnités prévues à la LATMP.
- Hébert et 6758762 Canada inc., 2011 QCCLP 5404.
Afin de bénéficier de l’application de l’article 9, le travailleur autonome doit d’abord en établir les conditions d’application. Il doit ainsi démontrer, par preuve prépondérante, qu’il exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles exercées dans l’établissement de cette personne.
Suivi :
Révision rejetée, 2012 QCCLP 1478.
Par ailleurs, lorsque les conditions d'application de l'article 9 sont remplies, la jurisprudence considère qu'il appartient à l'employeur de démontrer que les exceptions de l'article 9 s'appliquent.
Consultants en bourses d’Amérique du Nord Ltée et Maramag, 2013 QCCLP 1073.
Financement
Selon la jurisprudence en matière de financement, il appartient à la CSST de démontrer l’application de l’article 9.
- Auberge & Spa Le Nordik inc., 2011 QCCLP 5443.
C'est à la CSST qu'incombe le fardeau de démontrer, par une preuve prépondérante, que le travailleur autonome exerce pour une personne, dans le cours de ses affaires, des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l'établissement de cette personne, et ce, au sens de l'article 9. Il s'ensuit une présomption selon laquelle le travailleur est au service de l'employeur.
Par ailleurs, lorsque les conditions d'application de l'article 9 sont remplies, plusieurs décideurs considèrent qu'il appartient à l'employeur de démontrer que les exceptions de l'article 9 s'appliquent.
- Lingerie L. L. et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Mauricie - Centre-du-Québec, [2005] C.L.P. 471.
Il appartient à l’employeur de démontrer que l’une des quatre exceptions prévues à cet article s’applique puisque la personne qui invoque une exception à un principe général doit en faire la preuve.
- Salon chez Christine, C.L.P. 367191-07-0812, 20 août 2009, S. Séguin.
L’employeur peut tenter de renverser la présomption de l’article 9 en prouvant l’une ou l’autre des exceptions qui y sont prévues.
- Chalet du boisé Varennois inc., [2009] C.L.P. 719.
Les travailleurs autonomes concernés fournissent des activités similaires ou connexes à celles exercées dans l'établissement de l’employeur. Ils doivent donc être considérés comme des travailleurs à son emploi, à moins que l’une des exceptions ne soit démontrée par l’employeur.
- 9079-7879 Québec inc.,2012 QCCLP 976.
Une fois cette preuve établie par la CSST, plusieurs décideurs considèrent que le fardeau de preuve repose ensuite sur l’employeur si ce dernier estime que l’une des exceptions mentionnées à l’article 9 trouve application.
- Clinique d'anxiété de Laval et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCLP 448.
Quant à la troisième situation d'exception prévue au premier paragraphe de l'article 9, l'employeur doit prouver que les psychologues exercent leurs activités de consultation psychologique puisque c'est ce type d'activité qu'ils exercent chez ce dernier, et ce, pour plusieurs personnes à tour de rôle, qu'ils fournissent l'équipement requis et que les travaux pour chacune de ces personnes sont de courte durée.
Voir également :
9140-4103 Québec inc., [2007] C.L.P. 61.
Ébénisterie DCG ltée, 2011 QCCLP 7473.
Taxi Van Granby, 2015 QCCLP 5222.
Couvre planchers Pelletier inc., 2015 QCCLP 5860.
Cependant, pour quelques décideurs, la démonstration de la non-application des exceptions relève de la CSST.
- Vêtements de sports C’est la vie inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Lanaudière, [1997] C.A.L.P. 1611.
De l’avis du tribunal, il serait exorbitant de demander à l’employeur qu’il prouve la non-application de l’article 9 de la LATMP et plus particulièrement, les exceptions prévues à cet article.
Voir également :
Trempe Matériaux Composites Fabrication mécanique et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P. 164692-63-0107, 25 novembre 2002, F. Dion-Drapeau.
C.M.L. enr., C.L.P. 212274-62A-0307, 24 mars 2005, J. Landry.
Rénovations Métropolitaines (Québec) Ltée et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Montréal-1, C.L.P. 261124-71-0505, 26 juillet 2006, S. Arcand.
Conditions d'application de l'article 9
Travailleur autonome
L'article 9 réfère à un travailleur autonome qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l'établissement de cette personne. Le travailleur autonome sera alors considéré comme un travailleur à l'emploi de cette personne, sauf si l'une des exceptions prévues à cet article trouve application.
Avant de déterminer si l'article 9 peut trouver application, le Tribunal devra parfois décider si une personne est un travailleur ou un travailleur autonome, et pour ce faire, il devra analyser les faits du dossier à la lumière des définitions de « travailleur », « travailleur autonome », « employeur » et « établissement » qui sont énoncées à l'article 2 de la loi.
Voir :
Article 2, rubrique Interprétation - sous le titre Employeur
Article 2, rubrique Interprétation - sous le titre Établissement
Article 2, rubrique Interprétation - sous le titre Travailleur
Article 2, rubrique Interprétation - sous le titre Travailleur autonome
Qui exerce pour une personne
Selon la jurisprudence, le travailleur autonome qui, selon la définition de l'article 2 « fait affaire pour son propre compte », peut également exercer pour une personne des activités similaires ou connexes et être considéré comme un travailleur à son emploi selon l'article 9. Interpréter qu'un travailleur autonome, parce qu'il exécute des activités pour lui-même, ne peut se voir reconnaître l'application de l'article 9 ne respecte pas la volonté du législateur.
- Agropur, Coopérative (Division Natrel) c. Rancourt, 2010 QCCA 749.
Pour la Cour d'appel, l’interprétation de la CLP du texte du sous-paragraphe a) du paragraphe 1) de l'article 9 a pour effet de stériliser complètement cet article. En effet, le travailleur autonome est défini à la LATMP comme celui « qui fait affaire pour son propre compte ». Dès lors, la proposition de la CLP revient à dire que celui qui fait affaire pour son propre compte est exclu de l’avantage consenti par l’article 9 sous prétexte qu’il travaille pour lui-même. À l’évidence, cette interprétation du sous-paragraphe 1 a) de l’article 9 est non seulement illogique, mais elle a pour effet de rendre la disposition impossible d’application et donc totalement inutile.
- Centres dentaires Lapointe inc. c. Tribunal administratif du travail, 2016 QCCS 3607.
À l'instar de la Cour d’appel dans l'affaireAgropur, la Cour supérieure considère que la loi elle-même crée une incongruité juridique en déterminant dans un premier temps, dans la définition de l’article 2, que le travailleur autonome travaille à son propre compte puis, dans un deuxième temps, à l’article 9, que le travailleur autonome qui exerce ses activités pour une autre personne se trouve assujetti à la loi. Or, puisqu'en application de la définition de l’article 2, le travailleur autonome travaille pour son propre compte, le raisonnement poussé à l’absurde ferait en sorte que l’article 9 ne pourrait recevoir aucune application. Ainsi, par une interprétation de ces deux dispositions de la loi, une personne peut travailler à la fois pour son propre compte et exercer ses activités pour quelqu'un d’autre.
Suivis :
Requête pour permission d'appeler rejetée, 2016 QCCA 1503.
Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 18 mai 2017.
- RE/MAX du Cartier inc., 2018 QCTAT 2504.
Après un examen de l'interprétation retenue par les tribunaux judiciaires de la définition de travailleur autonome de l'article 2 et de l'application de l'article 9 de la loi, le Tribunal considère qu’interpréter le terme « pour une personne » de façon littérale, sans tenir compte de l’objectif et de l’esprit de cette disposition a pour effet de stériliser l’application de l’article 9. Dans l’analyse de la preuve, il faut considérer l’esprit de l’article 9 qui est d’étendre la protection de la loi à certains travailleurs autonomes.
Suivi :
Demande pour suspendre l'exécution rejetée, 2018 QCCS 3976.
Définition d'activités similaires ou connexes
Selon les définitions courantes des termes « similaire » et « connexe », la jurisprudence considère qu'il s'agit d'activités qui sont à peu près de la même nature et qui ont des rapports étroits avec d'autres activités.
- Centre St-Pierre, 2015 QCCLP 1952.
En se référant aux définitions du dictionnaire Le Petit Robert pour en connaître le sens courant, le tribunal retient que le terme « similaire » renvoie à « ce qui est à peu près de même nature, de même ordre », tandis que le terme « connexe » fait référence à ce « qui a des rapports étroits avec autre chose ».
- La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Tribunal administratif du travail, 2017 QCCS 5258.
« Selon le sens ordinaire des mots, le critère des « activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l’établissement » passe par un exercice de comparaison par la nature des activités en question ».
Suivi :
Requête pour permission d'appeler rejetée, 2018 QCCA 101.
- RE/MAX du Cartier inc., 2018 QCTAT 2504.
Le Tribunal retient des définitions du dictionnaire Le Petit Robert que le terme « similaire » signifie « qui est à peu près de même nature, de même ordre » alors que le terme « connexe » se définit comme étant « ce qui a des rapports étroits avec autre chose ». Les notions de « similarité » et de « connexe » impliquent donc une comparaison entre deux choses qui entretiennent entre elles des rapports de similitude et de dépendance.
Suivi :
Demande pour suspendre l'exécution rejetée, 2018 QCCS 3976.
Notion d'activités similaires ou connexes
La notion d'activités similaires ou connexes est définie par la jurisprudence comme étant une activité faisant partie intégrante des activités de l’employeur et qui en est indissociable.
Par ailleurs, certains décideurs considèrent que les activités du travailleur autonome pour être considérées comme des activités similaires ou connexes doivent être nécessaires au maintien de l'entreprise et que l'existence de cette dernière pourrait être mise en péril si les activités du travailleur autonome n’étaient pas exercées.
Récemment, pour plusieurs décideurs, exiger la mise en péril de l'entreprise si les activités du travailleur autonome ne sont pas exercées pour retenir qu'il s'agit d'activités similaires ou connexes est une condition trop limitative.
- Chalet du boisé Varennois inc., [2009] C.L.P. 719.
En l'espèce, les massothérapeutes peuvent être considérés comme des travailleurs au service de l'employeur au sens de l'article 9. En effet, les services de massothérapie et autres soins du corps font partie intégrante des activités de l'employeur et en sont indissociables. Ils sont offerts et valorisés par l'entreprise sur son site Internet et sont également inclus dans le contexte de « forfaits ». L'encadrement donné par l'employeur démontre également l'intégration de ces services aux activités de l'entreprise (gestion des disponibilités, facturation, fourniture des locaux et des produits, service de nettoyage des salles, fiches « bilan santé »). Cela confirme qu'il s'agit d'activités sans lesquelles l'entreprise ne serait pas « complète ».
- Clinique d'anxiété de Laval et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCLP 448.
En l'espèce, les psychologues, qui sont des travailleurs autonomes, exercent des activités similaires à celles de l'employeur, lequel offre des consultations psychologiques. Or, sans l'apport des psychologues, l'employeur ne pourrait offrir ce type de service. L'activité des psychologues fait donc partie intégrante des activités de l'employeur.
Mise en péril
- Construction et rénovation EMH inc., C.L.P. 325280-03B-0708, 3 juin 2008, M. Cusson.
Il ressort de la jurisprudence que l’activité fournie par le travailleur autonome à l’entreprise doit être nécessaire au maintien de cette dernière. L’existence de l’entreprise serait en effet mise en péril si l’activité du travailleur autonome ne pouvait être exercée. L’activité visée constitue l’essence même de l’entreprise. Les entreprises de couture ne pourraient ainsi fonctionner sans leurs couturières, de même que l'entreprise de spectacles sans ses techniciens de scène, la compagnie de construction sans ses travailleurs de chantier, l'entreprise de spectacles érotiques sans ses modèles ou encore l'entreprise forestière sans ses bûcherons.
- Construction Nordi inc., 2012 QCCLP 5479.
Selon la jurisprudence, la notion d’activités similaires ou connexes est définie comme étant une activité faisant partie intégrante des activités de l’employeur et qui en est indissociable. Cette activité doit être nécessaire au maintien de l’entreprise et il faut que l’existence de l’entreprise soit mise en péril si l’activité effectuée par le travailleur autonome ne l’était pas en réalité. En l’espèce, comme la seule activité de l’employeur est la construction de maisons neuves, son entreprise ne pourrait pas survivre sans affecter ses travailleurs autonomes ou sous-traitants à la construction de maisons neuves. Il s’agit de la raison d’être de l’entreprise de l’employeur, sans laquelle il n’existerait pas. Ainsi, l’activité exercée par le travailleur autonome, soit la pose de revêtement extérieur sur les maisons, est similaire ou connexe à celles exercées dans l'établissement de l'employeur.
- Immo Excellence, 2013 QCCLP 5824.
En l’espèce, les activités exercées par les travailleurs autonomes visés sont essentielles pour l’employeur qui est une entreprise se spécialisant dans la construction et la rénovation après sinistre. Les travaux effectués par ces personnes, notamment la peinture, la pose, le sablage et le vernissage de planchers, le plâtrage et autres travaux divers font partie intégrante de l’entreprise. Il s’agit d’activités essentielles à l’employeur et son entreprise ne serait pas complète sans elle. Il s’agit de l’essence même de l’entreprise et d’une situation où l’employeur verrait son existence mise en péril si ces activités n’étaient pas exercées. Ainsi, les activités exercées par les travailleurs autonomes sont similaires ou connexes à celles exercées dans l’établissement de l’employeur.
- 9227-6872 Québec inc., 2013 QCCLP 5896.
Après avoir cité Construction et rénovation EMH inc., le tribunal retient qu’en l’espèce, la seule activité de l’employeur est de fournir des cours privés de soutien académique à des élèves. Il s’agit donc de sa seule raison d’être sans laquelle il n’existerait pas. Ainsi, les activités exercées par les travailleurs autonomes, soit les tuteurs, sont connexes à celles exercées dans l’établissement de l’employeur.
- Location Discam inc. et Guay (Succession), 2014 QCCLP 5897.
Selon la jurisprudence, l'activité visée est nécessaire au maintien de l'entreprise et l'existence de cette dernière pourrait être compromise en l'absence d'une telle activité. En l’espèce, l'activité exercée par les chauffeurs doit être qualifiée de complémentaire et d'accessoire au service principal fourni par la compagnie et ne peut mettre l'entreprise en péril si la compagnie détermine un mode alternatif pour combler ce besoin secondaire. En effet, l'activité principale de la compagnie consiste à offrir un service de location d'automobiles et de camions à court terme dans les régions, alors que le déplacement de véhicules d’un endroit à un autre ne s'effectue qu'occasionnellement pour des raisons particulières et ne représente que 1 à 2 % des dépenses globales de la compagnie. Le maintien de l'entreprise ne dépend aucunement de cette activité, laquelle n'est requise que sporadiquement par la compagnie. Par conséquent, le chauffeur est un travailleur autonome au sens de la loi et sa rémunération ne doit pas être incluse dans la masse salariale de la compagnie.
Suivi :
Requête en révision judiciaire rejetée, 2016 QCCS 1165.
- Ultra Sons Musique, 2015 QCCLP 4822.
En l’espèce, l'employeur exploite un commerce de vente et de réparation d'instruments de musique dans lequel il offre également des cours de musique. Le tribunal retient que les professeurs de musique sont des travailleurs autonomes. Les cours de musique constituent un service complémentaire à ce commerce, car ils représentent 15 % à 20 % du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. Dans ces circonstances, il est difficile de conclure que les cours de musique sont nécessaires au maintien de l'entreprise et que l'existence de celle-ci serait mise en péril si ces cours n'étaient pas donnés. Le commerce de l'employeur pourrait survivre sans ce service complémentaire. Le tribunal retient donc que les professeurs de musique n’exercent pas des activités similaires ou connexes à celles exercées dans l’établissement de l’employeur.
- Physio du Plateau de la Capitale inc., 2017 QCTAT 514.
Selon un document fourni par l'employeur, ses revenus sont tirés des services offerts par les thérapeutes. D'ailleurs, ces services sont en accord avec sa mission, qui consiste à offrir des services paramédicaux. Bien que les traitements de physiothérapie et de massothérapie constituent la plus grande partie des services offerts, l'employeur offre un ensemble de services au public cible en tenant compte d'une variété de thérapeutes exerçant leur profession dans sa clinique. Ainsi, ces services font partie intégrante des activités de l'employeur et ils sont indissociables de celles-ci. Par ailleurs, ces activités sont nécessaires au maintien de l'entreprise et cette dernière pourrait voir son existence mise en péril si les activités des thérapeutes considérés à titre de travailleurs autonomes n'étaient pas fournies.
Voir également :
Salon chez Christine, C.L.P. 367191-07-0812, 20 août 2009, S. Séguin.
9079-7879 Québec inc., 2012 QCCLP 976.
Vitraux Multi-Services Rénovations inc., 2016 QCTAT 387.
Aucune exigence de démontrer la mise en péril de l'entreprise
- Centre St-Pierre, 2015 QCCLP 1952.
Ainsi, sont considérées connexes ou similaires au sens de l’article 9 les activités qui constituent l’essence même de l’entreprise. Inversement, elles ne seront pas qualifiées comme telles, bien qu’elles soient complémentaires, si elles ne sont pas essentielles au fonctionnement de l’entreprise.
Par ailleurs, le tribunal estime que le fait qu’une entreprise puisse survivre sans les activités que lui offre le travailleur autonome est une indication qu’il ne s’agit pas d’activités similaires ou connexes, mais n’est pas indispensable pour conclure en ce sens.
- J. C. Lanctôt inc., 2015 QCCLP 2347.
Rien dans l’article 9 n’exige que les activités du travailleur autonome soient essentielles à la survie de l’entreprise qui requiert ses services pour en conclure qu’il s’agit d’activités similaires ou connexes.
- Couvre planchers Pelletier inc., 2015 QCCLP 5860.
Le tribunal estime que l’interprétation de la notion « activités connexes » voulant que l’activité du travailleur autonome doit être nécessaire au maintien de l'entreprise en ce que l'existence de l'entreprise soit mise en péril si elle n'est pas effectuée, est trop limitative. En effet, bien des commerces offrent aujourd'hui des services complémentaires à leur activité principale. Le tribunal préfère retenir l’interprétation de cette notion qui réfère à une activité servant l’entreprise pour laquelle elle est effectuée et faisant partie intégrante de son champ d’activité.
- C. S. de Kamouraska-Rivière-du-Loup, 2016 QCTAT 3737.
Le tribunal adhère à l'interprétation retenue dans J. C. Lanctôt inc. voulant que les activités du travailleur autonome ne devaient pas être essentielles à la survie de l'entreprise qui requiert ses services pour pouvoir conclure qu'il s'agit d'activités similaires ou connexes. De fait, le terme « similaire » signifie « qui est à peu près de même nature, de même ordre » alors que le terme « connexe » renvoie à la notion de « ce qui a des rapports étroits avec autre chose ». En l'espèce, les activités exercées par l'animatrice culturelle sont similaires ou connexes à celles offertes par l'employeur, qui est une commission scolaire.
- Pro-Fil Design Couvre-planchers & Décoration inc., 2016 QCTAT 5085.
Le Tribunal partage l’analyse retenue dans l’affaire J. C. Lanctôt inc. voulant que rien dans l’article 9 n'exige que les activités du travailleur autonome soient essentielles à la survie de l’entreprise qui requiert ses services pour pouvoir conclure qu’il s’agit d’activités similaires ou connexes.
- Lamothe (Auberge & Spa Beaux-Rêves), 2017 QCTAT 5025.
Le Tribunal adhère à la position jurisprudentielle voulant qu’il y a lieu d’interpréter de façon plus large l’expression « activités similaires ou connexes ». Le terme « connexe » fait référence à une activité qui peut être complémentaire d’une autre et il n’y a pas lieu de limiter son interprétation à des activités qui sont « l’essence même de l’entreprise ».
- La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Tribunal administratif du travail, 2017 QCCS 5258.
La Cour supérieure considère que les massothérapeutes « travailleurs autonomes » exercent des activités similaires ou connexes à celles exercées dans l’établissement de l’employeur (Spa le Finlandais). Elle retient qu’il était déraisonnable pour la CLP de conclure que les travailleurs autonomes qui effectuent les mêmes activités que les massothérapeutes à l’emploi de l’employeur n’exercent pas d’activités similaires ou connexes à celles exercées dans l’établissement de cet employeur au sens de l’article 9. Or, rien dans le texte de cet article n’exige que les activités des travailleurs autonomes soient effectuées dans un secteur d’activités qui soit « essentiel » pour la survie de l’entreprise. Il y a là un ajout important de la part de la CLP qui ne découle aucunement du texte adopté par le législateur.
Suivi :
Requête pour permission d'appeler rejetée, 2018 QCCA 101.
- Chauffeurs plus inc., 2018 QCTAT 1314.
Le Tribunal partage l'interprétation retenue dans l’affaire J. C. Lanctôt inc. voulant que les activités du travailleur autonome ne doivent pas être essentielles à la survie de l’entreprise qui requiert ses services pour pouvoir conclure qu’il s’agit d’activités similaires ou connexes. Une telle interprétation a pour effet de donner un sens plus large aux termes « similaires ou connexes ».
- RE/MAX du Cartier inc., 2018 QCTAT 2504.
À l'instar du jugement de la Cour supérieure dans La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Tribunal administratif du travail , le Tribunal est d’avis que ce qui importe pour l’application de l’article 9, c’est qu’un travailleur autonome effectue pour une personne des activités similaires ou connexes à celles exercées dans son établissement. Comme l'exprime la Cour supérieure dans cette cause « Mais cela n’a absolument rien à voir avec le fait que les activités de ce travailleur autonome soient effectuées dans le cadre d’un volet essentiel ou non essentiel de l’entreprise en termes de revenus ou de chiffres d’affaires ». L’analyse doit porter sur les activités réelles de l’entreprise et pas seulement sur celles qui sont nécessaires à sa survie.
Suivi :
Demande pour suspendre l'exécution rejetée, 2018 QCCS 3976.
Exceptions prévues à l’article 9
L’article 9 énonce quatre exceptions aux paragraphes 1 et 2 permettant à un employeur qui fait la preuve de l'une d'elle de ne pas inclure dans sa masse salariale, aux fins de sa cotisation, la rémunération qui est octroyée aux travailleurs autonomes qui exercent un travail dans son établissement.
Exception du paragraphe 1 a)
Définition de « simultanément »
Par activités exercées simultanément pour plusieurs personnes, la jurisprudence retient qu’il s’agit d'une activité fournie en même temps à des employeurs différents.
- Les Productions de Café-Concert inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1990] C.A.L.P. 155.
La notion « simultanément » ne prête pas à confusion. Le dictionnaire définit le mot « simultanément » par « en même temps, au même instant ». Par l’emploi de cet adverbe, le législateur voulait expressément couvrir les travailleurs autonomes qui fournissent leurs services en même temps à des employeurs différents, et non successivement à ceux-ci. Tel est le cas du messager qui livre des colis à différents employeurs, du menuisier qui construit une clôture mitoyenne pour des propriétaires de terrains contigus ou du musicien qui donne un concert dans le cadre d’un contrat avec un promoteur, lequel concert est en même temps enregistré par une compagnie de production de disques.
- Entreprises Pierre Boivin inc. (Les), [2004] C.L.P. 37.
La définition du mot « simultanément » indique que le législateur voulait expressément couvrir le travailleur autonome qui fournit une activité en même temps à des employeurs différents.
- Les Trésors de M'Amie, C.L.P. 232092-07-0404, 25 octobre 2004, M. Langlois.
En l'espèce, le travailleur autonome n’exerce pas ses activités « simultanément » pour plusieurs personnes au sens donné par la jurisprudence. Il ne le fait pas « en même temps » comme le ferait un musicien qui donnerait un concert pour le compte d’un promoteur, lequel serait enregistré en même temps pour le compte d’une maison d’enregistrement.
- Taxi Van Granby, 2015 QCCLP 5222.
Selon la jurisprudence, l’expression « simultanément pour plusieurs personnes » réfère à l’accomplissement d’un acte posé « en même temps » pour plusieurs personnes et non « successivement ».
Voir également :
Call Maurice Courrier inc. et Demirdjian, [1993] C.A.L.P. 891.
Durand et Sélectovision inc., C.L.P. 157938-05-0103, 5 avril 2002, D. Rivard.
Chalet du boisé Varennois inc., [2009] C.L.P. 719.
Ardaens, 2014 QCCLP 4341.
Exception du paragraphe 1 b) - Échange de services entre travailleurs autonomes
Pour reconnaître qu'un échange de services entre travailleurs autonomes exerçant des activités semblables, rémunérés ou non puisse correspondre à l'exception du paragraphe 1 b), la jurisprudence considère qu'il ne peut s'agir d'un employeur qui utilise les services de plusieurs travailleurs autonomes exécutant les mêmes activités.
- Tendances & Concepts inc., 2014 QCCLP 1539.
En l'espèce, l'employeur est une entreprise de fabrication de vente et d'installation d'armoires de cuisine et de salles de bains. Le tribunal reconnaît le statut de travailleur autonome à cinq installateurs avec qui l'employeur fait affaire. L'employeur allègue que l'exception du paragraphe 1 b) s'applique. Or, dans le présent dossier, il ne peut s'agir d'un échange de services avec un travailleur autonome exerçant des activités semblables, car les cinq travailleurs autonomes visés exercent leur métier pour un employeur. Le fait qu'ils soient aidés par un autre travailleur autonome à l'occasion ou de façon régulière ne modifie pas la relation entre chacun d'eux et l'employeur. Interpréter le paragraphe 1 b) de l'article 9 comme le souhaite l'employeur ferait en sorte qu'un travailleur autonome n'aurait qu'à demander à un autre travailleur autonome de l'aider pour qu'à compter de cet instant, il ne soit plus considéré comme un travailleur au service d'une autre personne. Or, le législateur a plutôt voulu éviter qu'un travailleur autonome soit tenu de verser des cotisations à la CSST lorsqu'un autre travailleur autonome l'aide pour une certaine tâche. Cette interprétation ressort du Journal des débats visant l'adoption de la LATMP.
- RE/MAX du Cartier inc., 2018 QCTAT 2504.
Selon la preuve, la collaboration ou l’échange de services joue un rôle important dans le domaine du courtage immobilier. Cependant, l’exception prévue au paragraphe 1 b) de l’article 9 ne s’applique pas en l’espèce. En effet, pour s’appliquer, il faut être en présence de deux travailleurs autonomes qui se donnent du travail. En l'espèce, l’échange de services implique le travailleur autonome et d’autres travailleurs autonomes, mais qui exercent eux aussi des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l’établissement de l’agence pour qui ils exercent des activités. Les travailleurs autonomes qui exercent pour un employeur ne sont pas visés par cette exception. Pour le Tribunal, un échange de service entre deux courtiers de la même agence ou d’agences différentes n’est pas visé par cette exception. Enfin, le fait qu’un courtier soit aidé, à l’occasion, par un autre courtier, notamment pour un remplacement de vacances, ne modifie pas le lien entre le courtier et l’agence.
Suivi :
Demande pour suspendre l'exécution rejetée, 2018 QCCS 3976.
Voir également :
Taxi Van Granby, 2015 QCCLP 5222.
Exception du paragraphe 1 c)
Selon la jurisprudence, les trois critères de cette exception doivent être présents pour pouvoir s'appliquer. Ainsi, les activités du travailleur autonome doivent être exercées pour plusieurs personnes à tour de rôle et être de courte durée pour chacune d'elle et le travailleur autonome doit fournir l'équipement requis pour exécuter les travaux.
- Moulin et APL Sonorisation, C.L.P. 221560-72-0311, 16 juillet 2004, F. Juteau.
La troisième exception du paragraphe 1 de l'article 9 comprend trois critères qui doivent tous être présents pour pouvoir s'appliquer. En l'espèce, le requérant exerce ses activités pour plusieurs personnes à tour de rôle et il s'agit de travaux de courte durée. Toutefois, il ne fournit pas l'équipement requis, même s'il fournit ses gants et une clef à molette. Il n'est pas obligé de le faire et, s'il n'a pas sa clef, l'employeur fournit tout le matériel requis pour mener à bien l'activité de l'entreprise, y compris le transport du matériel. Le requérant n'est donc pas visé par la troisième exception prévue à l'article 9.
- Chauffeurs plus inc., 2018 QCTAT 1314.
Quant à la troisième exception de l'article 9 voulant que les activités soient effectuées pour plusieurs personnes à tour de rôle, que le travailleur autonome fournisse l’équipement requis et que les travaux soient de courte durée, la jurisprudence a établi que tous les critères prévus à cette exception doivent être présents pour qu’elle puisse s’appliquer.
Notions de « plusieurs personnes à tour de rôle » et de « courte durée »
La jurisprudence apprécie dans son ensemble ces deux notions, celles-ci étant étroitement liées.
- Corriveau et CSST - Chaudière-Appalaches, C.L.P. 115051-03B-9904, 11 janvier 2000, R. Jolicoeur.
L'application des notions « plusieurs personnes à tour de rôle » et « de courte durée » implique un examen attentif des faits mis en preuve. Ces deux notions sont intimement liées, l'une conditionnant l'autre puisque l'exercice par un travailleur de ses activités pour plusieurs personnes à tour de rôle devrait se traduire par des contrats de courte durée. Le degré de brièveté sera alors fonction du nombre de personnes auxquelles le travailleur fournit ses services.
- Spa Énergie-Forme inc., 2012 QCCLP 1684.
En l'espèce, la notion « de courte durée » doit être comprise avec celle de « plusieurs personnes à tour de rôle ». Outre le spa où ils exercent leur activité, les thérapeutes, des travailleurs autonomes, offrent également leurs services à leur domicile et au domicile de leurs clients sur de courtes durées.
- 172853 Canada inc., 2013 QCCLP 1303.
Le tribunal retient de la jurisprudence que l’analyse des notions « de courte durée » et « à tour de rôle » doit s’apprécier de concert puisque la conclusion du tribunal sur l’une de ces notions aura un impact sur l’appréciation qu’il devra faire de l’autre notion. Ainsi, dans la mesure où les travaux exécutés par un travailleur pour le compte d’un employeur sont de courte durée, sans clause d’exclusivité, l’on peut inférer qu’il y a présomption de fait selon laquelle le travailleur exerce ou encore peut exercer ses activités à tour de rôle pour d’autres personnes.
- Clinique d'anxiété de Laval et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCLP 448.
Après une revue de la jurisprudence, le tribunal retient que l’analyse des notions « de courte durée » et « à tour de rôle » doit s’apprécier de concert puisque la conclusion du tribunal sur l’une de ces notions aura un impact sur l’appréciation qu’il devra faire de l’autre notion.
Voir également :
9127-1379 Québec inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2007] C.L.P. 1039.
École de langue Écho de la rive, 2013 QCCLP 5602.
La jurisprudence apprécie également les notions « plusieurs personnes à tour de rôle » et « de courte durée » en fonction des circonstances. Elle prend notamment en considération la durée de la relation d’emploi entre le travailleur autonome et l’employeur, le volume de travail effectué par le travailleur autonome pour l’employeur, la disponibilité offerte à l’employeur et le nombre de personnes pour lesquelles le travailleur exerce ses activités.
- Les Productions de Café-Concert inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1990] C.A.L.P. 155.
La notion de travaux « de courte durée », quoique relative, doit s'apprécier en fonction des circonstances.
- Romuald Turgeon & fils inc. et Gosselin, [1992] C.A.L.P. 958.
En l’espèce, le montant des revenus que les travailleurs autonomes tirent de leur activité pour l’employeur reflète la régularité et l’importance de la prestation de travail fournie par ceux-ci et empêche de considérer l’employeur comme une personne parmi d’autres pour lesquelles ils exercent leurs activités ou de qualifier ces activités de courte durée.
- Chabot et Leblanc, C.L.P. 255765-03B-0502, 21 novembre 2005, P. Brazeau.
L'élément « de courte durée » doit s'apprécier en fonction de la nature des travaux en cause et des pratiques commerciales usuelles en cette matière. Ainsi, dans le contexte où la période de travail annuelle normale d'un bûcheron peut être de huit à dix mois, des périodes de travail d'une ou deux semaines et même d'un ou deux mois sont « de courte durée ».
- Chalet du boisé Varennois inc., [2009] C.L.P. 719.
Selon la preuve dans le présent dossier, les travailleurs autonomes offrent une disponibilité à l’employeur et certains d’entre eux lui fournissent leurs services depuis fort longtemps. Il est, dès lors, difficile d’en conclure que les travaux sont « de courte durée ».
- 172853 Canada inc., 2013 QCCLP 1303.
La notion « de courte durée » nécessite la prise en considération de certains paramètres, dont la durée de la prestation de travail fournie à l’employeur, la fréquence de celle-ci et la rémunération découlant de cette prestation.
- Clinique d'anxiété de Laval et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCLP 448.
La notion « de courte durée » implique de prendre en compte certains paramètres dont la durée de la prestation de travail requise pour l’employeur, la fréquence de celle-ci et la rémunération découlant de cette prestation de travail.
- RE/MAX du Cartier inc., 2018 QCTAT 2504.
Le Tribunal retient que les notions « de courte durée » et « à tour de rôle » doivent s’interpréter l’une par rapport à l’autre et les éléments qui sont notamment considérés dans l’analyse de l’application de cette exception sont : la durée de la prestation de travail; la fréquence de celle-ci; la rémunération qui découle de cette prestation et la présence d’une clause d’exclusivité.
Suivi :
Demande pour suspendre l'exécution rejetée, 2018 QCCS 3976.
Voir également :
Confection Loudapier inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Richelieu, [1994] C.A.L.P. 11.
Entreprises Pierre Boivin inc. (Les), [2004] C.L.P. 37.
Spa Énergie-Forme inc., 2012 QCCLP 1684.
La jurisprudence retient également que le nombre d’heures effectuées annuellement pour un employeur peut être un élément à prendre en considération pour déterminer si les travaux sont « de courte durée », et ce, en tenant compte des circonstances propres à chaque dossier. Ainsi, bien que le Tribunal ne soit lié par une politique de la Commission, il peut tenir compte de la durée des travaux qui représentent plus de trois mois ou de 420 heures par année pour déterminer s'il s'agit de travaux « de courte durée ».
- Corriveau et CSST - Chaudière-Appalaches, C.L.P.115051-03B-9904, 11 janvier 2000, R. Jolicoeur.
En l’espèce, le tribunal estime que des contrats de plus de trois mois ne sont pas « de courte durée », tandis que ceux de deux ou trois semaines le sont.
- Hébert et 675862 Canada inc., 2011 QCCLP 5404.
Pour le tribunal, la norme du nombre de jours ou d’heures travaillées par année retenue par la CSST, soit 60 jours ouvrables ou 420 heures dans une année civile, constitue un critère auquel il n’est pas lié et il lui attribue une valeur indicative. Il s’agit d’un critère non déterminant qui doit être apprécié parmi les autres critères.
Suivi :
Révision rejetée, 2012 QCCLP 1478.
- Ébénisterie DCG ltée, 2011 QCCLP 7473.
Le tribunal, s’appuyant sur la jurisprudence, estime raisonnable de retenir le critère de 420 heures par année, correspondant à environ trois mois pour déterminer le caractère de courte durée ou non des travaux réalisés par le travailleur autonome pour chacun de ses clients à tour de rôle. En effet, on peut inférer d’une durée de trois mois une relation de travail particulière et significative entre le travailleur autonome et l’employeur, laquelle exclut en principe la qualification de courte durée. En outre, il n’est pas nécessaire que ce nombre d’heures travaillées annuellement soit exécuté de manière continue pour que ce critère soit rempli. Par ailleurs, la preuve de circonstances particulières pourra moduler ce critère.
- Clinique d'anxiété de Laval et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCLP 448.
Dans son Guide de déclaration des salaires, la CSST a énoncé une règle pour déterminer si un travailleur autonome doit être considéré comme un travailleur. Or, cet énoncé ne représente qu'une orientation, voire une politique, et elle ne lie pas le tribunal puisqu'il ne s'agit pas d'une règle de droit. Les reçus déposés par l'employeur ont démontré que les prestations de travail des psychologues à la clinique variaient d'une cinquantaine d'heures à 620 heures par année, selon les psychologues. Cela témoigne d'une activité de courte durée, et ce, même pour les quelques cas isolés qui dépassent 600 heures. Dans cette perspective, le tribunal arrive à la conclusion que les activités de consultations psychologiques des psychologues étaient également de courte durée.
- Construction Jacques Théoret inc., 2015 QCCLP 3895.
La norme de 420 heures annuellement, utilisée par la CSST aux fins de déterminer s'il s'agit d'un contrat de courte durée entre le travailleur autonome et un employeur, n'est pas une disposition législative. Il faut donc utiliser une approche pragmatique pour déterminer le statut d'un travailleur autonome. Lorsqu'un tel travailleur revient constamment et fréquemment chez un même donneur d'ouvrage, il peut s'agir d'un travailleur autonome devant être considéré comme au service de l'employeur. En l'espèce, bien que l'employeur ait été un client important pour le jointoyeur (tireur de joints), rien ne permet de conclure que ce dernier doit être considéré comme un travailleur à son service. L'importance du nombre de contrats obtenus est un critère à considérer parmi tous les autres. Dans une relation d'affaires, le savoir-faire d'une personne peut contribuer à une relation de confiance entre un donneur d'ouvrage et un offrant de services. Cependant, on ne peut conclure du seul fait qu'une relation de confiance se reflète par la fréquence et l'importance des contrats adjugés à un travailleur autonome, qu'il s'agit nécessairement d'un travailleur autonome au service de l'employeur.
- Chauffeurs plus inc., 2018 QCTAT 1314.
Quant à la notion d'activités qui sont de courtes durées pour chacun des chauffeurs, la Commission, selon sa grille d'analyse, considère qu’un travailleur autonome exerce des travaux de courte durée s’il travaille moins de 60 jours ouvrables, représentant 420 heures dans une année pour une entreprise concernée. La jurisprudence a déjà retenu que cette norme du 420 heures ne lie pas le Tribunal, mais peut constituer un outil permettant de déterminer si les activités exercées sont de courte durée ou non. En l'espèce, en l’absence d’une preuve prépondérante de la part de l’employeur quant au nombre exact des heures effectuées par les chauffeurs, le Tribunal a dû, pour la solution du présent litige, établir « approximativement » ce nombre d’heures en utilisant les montants versés et en les comparant au salaire minimum pour chacune des années. De cette analyse, le Tribunal conclut que certains travailleurs autonomes ont effectué plus que 420 heures par année pour l’employeur.
Voir également :
Les Productions de Café-Concert inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1990] C.A.L.P. 155.
172853 Canada inc., 2013 QCCLP 1303.
École de langue Écho de la Rive, 2013 QCCLP 5602.
Ultra Sons Musique, 2015 QCCLP 4822.
Notion d’« équipement » requis fourni par le travailleur autonome
Le Tribunal a précisé que l’équipement à fournir par le travailleur autonome réfère à l’équipement essentiel à la réalisation des activités.
- Moulin et APL Sonorisation, C.L.P. 221560-72-0311, 16 juillet 2004, F. Juteau.
En l’espèce, le requérant installe des équipements de son, d’éclairage et de scène et tout le matériel requis pour mener à bien cette activité est fourni par l’employeur, y compris le transport du matériel. En fait, bien que le requérant fournisse ses gants et une clef à molette, il n’est pas obligé de le faire puisque l’employeur fournit un coffre d’outils contenant plusieurs outils pour le montage à effectuer. Ainsi, comme il ne fournit pas l’équipement requis, le requérant n’est pas visé par la troisième exception prévue à l’article 9.
- Projet Ex-Machina et Ruault, 2012 QCCLP 311.
Le travailleur autonome occupe un poste de technicien machiniste-manipulateur dans le domaine du spectacle pour l'employeur. Relativement à la fourniture de l'équipement requis, le fait que le travailleur autonome fournisse ses bottes, ses gants, une clef à molette, ou même un tournevis, ne signifie pas qu'il fournit l'équipement requis pour l'exécution du travail. En effet, l'essentiel de l'équipement est fourni par l'employeur, soit un coffre à outils complet, une nacelle, les lumières et le câblage.
- École de langue Écho de la rive, 2013 QCCLP 5602.
L'employeur exploite une école privée de langues et les enseignants sont des travailleurs autonomes. Au chapitre de la fourniture de l’équipement requis, l’employeur fournit dans ses locaux une connexion Internet, un photocopieur ainsi que des dictionnaires et grammaires. Cependant, l’apport des enseignants en matériel didactique apparaît beaucoup plus varié et important. Ils ont une complète latitude quant au choix des outils pédagogiques à utiliser. Chaque professeur choisit son matériel scolaire, notamment les livres, les textes polycopiés et les logiciels.
- Ardaens, 2014 QCCLP 4341.
En l’espèce, au cours de l'exécution de son travail pour les mandats confiés par l'employeur, le travailleur autonome « fournit l'équipement requis », soit ses outils manuels. Même si, à l'occasion, l'employeur peut lui prêter un outil, une telle situation relève davantage de l'anecdote. Quant aux autres équipements requis par l'ébéniste pour exercer ses activités dans le contexte du travail obtenu de l'employeur, soit la « machinerie fixe », il ne les « fournit » pas directement. Toutefois, l'employeur ne les fournit pas non plus puisqu'ils appartiennent au locateur des lieux loués par les parties. Dans la mesure où l'ébéniste a accès à la machinerie fixe nécessaire à la réalisation de certaines tâches, il peut être dit qu'il « fournit » ces équipements.
- C. S. de Kamouraska-Rivière-du-Loup, 2016 QCTAT 3737.
En l'espèce, en ce qui a trait à la fourniture de l’équipement, la preuve révèle que l’employeur, qui est une commission scolaire, fournit ses locaux. Toutefois, la travailleuse autonome, qui est animatrice culturelle, fournit l’ensemble du matériel requis ou tout équipement jugé indispensable pour offrir ses ateliers ou activités de théâtre, tels que les livres, les costumes, le maquillage, les décors, etc. Le Tribunal considère que cet apport apparaît beaucoup plus varié et important. De plus, l'animatrice culturelle a toute la latitude requise quant au choix des outils pédagogiques à être utilisés.
Exception du paragraphe 2 de l’article 9 - activités sporadiquement requises
Selon la jurisprudence, l'analyse de cette exception réfère aux activités qui sont sporadiquement requises par l'employeur et non au fait qu'un travailleur particulier effectue de façon sporadique des activités pour l'employeur.
- Duteau et Ferme Géluteau, C.L.P. 325857-05-0708, 3 novembre 2008, L. Boudreault.
Pour le tribunal, la définition d’activités qui sont sporadiquement requises réfère à quelque chose qui apparaît, se produit ça et là et de temps à autre, d’une manière irrégulière. En l'espèce, l’activité de coupe de bois n’est requise que quelques semaines par année, pas nécessairement chaque année, ce qui répond à cette définition de « sporadique ».
Suivis :
Révision rejetée, 2 octobre 2009, C.-A. Ducharme.
Requête en révision judiciaire rejetée, 2010 QCCS 1442.
- Bérubé-Succession et Axxel transport et logistique, 2013 QCCLP 3544.
En l'espèce, l'activité qui est requise consiste en des travaux de mécanique. Pour déterminer si cette activité était « sporadiquement requise par la personne qui retient les services », on doit examiner si elle était requise non seulement du travailleur autonome qui l'a fournie, mais également de tout autre travailleur ou fournisseur de services. Or, St-Pierre a affirmé dans son témoignage qu'il retenait les services de Bérubé sur une base régulière et que, si ce dernier n'était pas disponible, il demandait à d'autres personnes ou à des entreprises spécialisées de fournir ces services. Il ne s'agit donc pas d'une activité qui est sporadiquement requise. Ce n'est que dans le cas où, prise dans son ensemble, l'activité est requise de façon sporadique que l'on pourra conclure que le type de travail requis d'un travailleur autonome est une cause d'exclusion de l'application de la loi.
- Couvre planchers Pelletier inc., 2015 QCCLP 5860.
Selon le dictionnaire, une activité est sporadique lorsqu'elle arrive ou existe çà et là, de temps en temps, irrégulièrement. En l'espèce, la requérante a versé à l'installateur de stores pour l'année 2012 une somme de 9 658 $ pour 105 factures représentant vraisemblablement autant d'installations. Il ne peut donc s'agir d'une activité ponctuelle ou irrégulière. De plus, le fait qu'il soit le seul installateur de stores chez la requérante démontre qu'il y a une concentration certaine de cette activité pour cet installateur. Il s'agit d'un élément supplémentaire permettant de conclure que l'activité n'est pas sporadique.
- Entreprises Michel Choinière inc. et Cormier (Succession), 2017 QCTAT 2296.
Il ne faut pas évaluer si les services du travailleur autonome étaient sporadiquement requis, mais bien si l’activité de réaménagement du magasin pour changer la mise en place et l’exposition des produits présente un caractère sporadique tel que prescrit à l’article 9. Or, comme l'activité de réaménagement du magasin n’a été requise que deux fois en 20 ans, l'on peut retenir que les travaux de marchandisage pour lesquels les services du travailleur ont été retenus n’étaient que sporadiquement requis par le magasin exploité par l’employeur. Le travailleur n’est donc pas visé par la loi et n’a donc pas droit aux indemnités et aux prestations prévues à la loi.
- RE/MAX du Cartier inc., 2018 QCTAT 2504.
En l'espèce, afin de vérifier si les activités ne sont que sporadiquement requises, il faut examiner l’ensemble des activités de l’employeur afin de déterminer si l’employeur requiert les services du courtier sur une base sporadique ou sur une base plus régulière. L’activité de l’agence est de se livrer à des opérations de courtage et comme c’est le courtier qui exécute le mandat pour et au nom de l’agence, l’activité exercée par le courtier ne peut être sporadiquement requise. L’employeur requiert ses services sur une base régulière.
Suivi :
Demande pour suspendre l'exécution rejetée, 2018 QCCS 3976.