Statut de travailleur
Deux approches se dégagent de la jurisprudence concernant l’impact du statut du travailleur, au moment de la RRA, sur le calcul de l’IRR qui en découle.
Selon un premier courant, un travailleur autonome ou un dirigeant d’entreprise sans protection personnelle au moment de la RRA est considéré comme étant « sans emploi » et les revenus gagnés à ce titre ne constituent pas un revenu d’emploi assurable pouvant servir au calcul de l’IRR.
L’IRR est donc calculée sur le revenu brut ayant servi de base lors de la lésion professionnelle initiale.
- Bérubé et DJ Express, C.L.P. 239176-64-0407-C, 17 mai 2005, R. Daniel.
Au moment de la RRA, le travailleur est administrateur et président d’une compagnie enregistrée, sans protection personnelle. Même s’il œuvre exclusivement pour une seule compagnie, il n’est pas un travailleur au sens de l’article 2 de la Loi et ses revenus d’entreprise ne peuvent être considérés aux fins d’établir un revenu brut supérieur. C’est donc le revenu retenu au moment de la lésion initiale, revalorisé à la date de la RRA, qui est retenu par le Tribunal.
Suivi :
Désistement de la requête en révision.
Voir également :
Hamel et Multi-Marques Distribution inc., 2020 QCTAT 1747.
Selon le second courant, c’est le statut du travailleur au moment de la lésion initiale qui est important. Ainsi, s’il s’agissait d’un travailleur au sens de l’article 2 de la Loi, il n’y a pas lieu de se questionner sur son statut ni, le cas échéant, quant à la protection personnelle au moment de la RRA, puisque l’article 70 de la Loi ne fait pas de distinction entre un travailleur, un travailleur autonome ou encore un dirigeant d'entreprise.
Le revenu tiré de ses activités comme travailleur autonome ou dirigeant, même en l'absence de protection personnelle, sera donc considéré pour le calcul de l’IRR découlant de la RRA, dans la mesure où il est plus élevé que le revenu brut gagné au moment de la lésion initiale.
- S. G. et Compagnie A, C.L.P. 279635-63-0509, 2 octobre 2006, J.-P. Arsenault.
Pour établir le revenu brut annuel qui doit être utilisé dans le calcul de l'IRR payable à la suite d'une RRA, l'article 70 de la Loi ne fait pas de distinction entre un travailleur et un travailleur autonome. Le statut de travailleur auquel réfère le texte de cet article est celui du travailleur au moment de la survenance de l'événement initial. Ainsi, quelle que soit la provenance du revenu brut annuel déclaré de façon contemporaine à une RRA, qu'il provienne d'un salaire versé, ce qui est le cas en l'espèce, ou de l'exploitation, à titre de travailleur autonome, d'une entreprise, c'est le revenu tiré de cet emploi ou de cette entreprise qui doit être pris en compte. Si ce revenu est plus élevé que celui retenu lors de la RRA antérieure, il doit alors servir de base au calcul du revenu brut. S'il est inférieur, ce sera celui revalorisé de la dernière RRA.
- Ashby et CHU – Hôtel-Dieu, C.L.P. 333518-05-0711, 9 décembre 2008, L. Boudreault.
Le Tribunal est d’avis que si les modifications apportées à la définition de travailleur le 1er janvier 2007 sont claires pour régler le cas d’une lésion professionnelle qui survient après l’entrée en vigueur de cette disposition, notamment en excluant le dirigeant de cette notion, elles ne traitent pas du cas d’une RRA.
Suivi :
- Martel et Kefo Structure ltée, 2018 QCTAT 4747.
Le Tribunal retient le revenu gagné au moment de la RRA , gagné à titre de dirigeant d'entreprise sans protection personnelle, puisqu’il correspond davantage à la réalité du travailleur. Bien qu’il y ait eu modification législative en 2007 pour exclure le dirigeant d’entreprise de l’application de la Loi, c’est le statut d’emploi au moment de la lésion initiale qui doit être considéré, et non celui en vigueur au moment de la RRA.
Voir également :
Latour et Compagnie immobilière Shefford Valley inc., 2013 QCCLP 316.
M.G. et Compagnie A, 2015 QCCLP 1509.
Suivi :
Désistement de la requête en révision.
Ramsay et Coffrage C. Car inc. (F), 2018 QCTAT 1906.
Preuve de revenus supérieurs
L’article 70 de la Loi réfère aux règles générales du calcul du revenu brut de l’article 67.
Ainsi, après la survenance d’une RRA, il est possible pour le travailleur de démontrer qu’il tirait de son emploi un revenu supérieur que celui prévu à son contrat de travail.
- St-Cyr et Brasserie Fleurimont, C.L.P. 161511-05-0105, 29 octobre 2001, M. Allard.
Au moment de la RRA, la travailleuse avait diminué ses heures de travail en raison des douleurs au poignet droit découlant de sa lésion professionnelle initiale. À ce moment, la Commission ne s’était pas encore prononcée sur les limitations fonctionnelles découlant de celle-ci et le retour au travail était supporté par un conseiller en réadaptation. Le Tribunal reconnait que, n’eut été la diminution des heures de travail au moment de la RRA, la travailleuse aurait gagné un revenu supérieur à celui retenu par la Commission.
- Corriveau et Récupération Verglas 1975 (Fermé), C.L.P. 188362-63-0207, 15 avril 2004, J.-M. Charrette.
Le travailleur, camionneur, est rémunéré selon le kilométrage parcouru. Au cours des douze mois précédant la RRA, il a gagné un revenu annuel brut de 27 339$, revenu considéré par la Commission pour le calcul de son IRR. Il est démontré qu’il y a eu augmentation des montants versés pour chaque kilométrage parcouru trois semaines avant le nouvel arrêt de travail. Le Tribunal, par l’application de l’article 75 de la Loi, augmente le revenu retenu au prorata de l’augmentation salariale.
Voir également :
Rodriguez Pantoja et Protech Chimie ltée, 2016 QCTAT 4408.
Situation familiale
Lorsque la RRA entraîne une nouvelle incapacité, c’est la situation familiale du travailleur au moment où survient la RRA qui doit être reconnue aux fins du calcul de l’IRR, et non celle qui était valide au moment de la lésion initiale.
- Lafleur et Transport Shulman ltée, C.L.P. 93131-72-9711, 20 novembre 1998, A. Vaillancourt.
La RRA étant considérée comme une nouvelle lésion professionnelle, elle entraîne par conséquent de nouveaux droits, dont le droit à l’IRR. Ainsi, à l’étape de la détermination du revenu brut, l’article 63 doit s’appliquer et c’est la situation familiale au moment de ce nouvel événement, soit la RRA, qui doit être considérée.
Suivi:
- Bilodeau et Transport Nord-Ouest inc., C.L.P. 108325-08-9812, 3 juin 1999, P. Prégent.
La RRA étant une nouvelle lésion professionnelle au sens de l’article 2 de la Loi, c’est donc la situation familiale du travailleur lors de la RRA qui doit être considérée aux fins du calcul de son IRR.
Voir également :
D'Anjou et Entreprise Revexco inc., C.L.P. 94776-71-9803, 25 janvier 1999, D. Lévesque.
Landry et SMG Rénovations s.e.n.c., C.L.P. 307063-62B-0701-C, 6 novembre 2007, A. Vaillancourt.
Gauthier et Grpm Forest. Québec-Montmorency, 2011 QCCLP 3077.
Chevauchement de régime et dispositions transitoires
Lorsqu’il y a chevauchement des régimes d’indemnisation, par exemple lorsque la lésion professionnelle initiale est survenue avant le 19 août 1985 et la RRA après cette date, ce sont les dispositions transitoires qu’on retrouve aux articles 555 et 556 de la Loi qui ont préséance sur l’application de l’article 70.
La Cour d’appel a mis fin à la controverse jurisprudentielle qui existait au sein du Tribunal sur la question.
- Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Côté, 2019 QCCA 1733.
La Cour d’appel rappelle que les dispositions transitoires visent à concilier les deux lois, dans les dossiers où il y a chevauchement de régimes. Les articles 555 et 556 doivent s’appliquer dans de tels cas, excluant ainsi l’application de l’article 70 et confirmant du même coup la position qui était majoritairement suivie par le Tribunal.
Voir également :
Gauthier, 2019 QCTAT 4905.