Nécessité d'un événement imprévu et soudain
Pour avoir droit à l'indemnité pour le remplacement ou la réparation d'une orthèse ou d'une prothèse, le travailleur doit démontrer que celle-ci a été endommagée lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait du travail. Nul besoin pour le travailleur de démontrer avoir subi une lésion professionnelle.
- Daigle et Cie Borden (Div. Catelli), C.L.P. 108932-71-9812, 30 juin 1999, D. Gruffy.
L'article 113 n'exige pas que survienne une lésion professionnelle afin qu'un travailleur ait droit à l'indemnité qui y est prévue. Il suffit qu'une prothèse soit endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause qui survient par le fait du travail.
- Morin et Bell Canada, C.L.P. 155895-71-0102, 6 octobre 2005, L. Couture.
Concernant le coût de remplacement de lunettes endommagées, les exigences prévues par la loi ne sont pas les mêmes que dans le cas de vêtements endommagés. Dans ce cas, pour avoir droit au remboursement, l'article 112 prévoit qu'il faut que les vêtements aient été endommagés à la suite d'un accident du travail, soit lors d'un événement imprévu et soudain qui survient par le fait ou à l'occasion du travail, et qui entraîne une lésion professionnelle. Pour ce qui est du remboursement du coût de remplacement d'une prothèse ou orthèse endommagée, l'article 113 prévoit une condition différente : il ne suffit pas d'avoir subi un accident du travail, il faut que la prothèse ait été endommagée à la suite d'un événement imprévu et soudain qui survient par le fait du travail.
- Dubois et Gabriel Turgeon inc.,C.L.P. 343475-03B-0803, 31 mars 2009, R. Savard.
L'article 113 n'exige pas que survienne une lésion professionnelle pour qu'un travailleur ait droit à l'indemnité prévue puisqu'il suffit qu'une orthèse soit endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause et survenant par le fait du travail.
- Pichette et Bouteilles Recyclées du Québec BRQ inc., C.L.P. 392919-61-0911, 10 mai 2010, M. Lalonde.
L'article 113 n'exige pas la survenance d'une lésion professionnelle; il suffit de démontrer que les lunettes ont été endommagées lors d'un événement imprévu et soudain, par exemple, lors de leur chute sur le sol après les avoir accrochées en travaillant, ou lorsqu'elles ont été endommagées par des étincelles de soudure.
- Mauger et Location Brossard inc., 2012 QCCLP 6989.
L’article 113 ne requiert pas que le travailleur ait subi une lésion professionnelle pour avoir droit à l’indemnité qui y est prévue. Cet article vise à indemniser un travailleur qui endommage une prothèse ou une orthèse. Le législateur exige seulement que le dommage ait été causé involontairement lors d’un événement imprévu et soudain, attribuable à toute cause survenant par le fait du travail exercé par le travailleur.
- Paris et Bétons Préfabriqués Trans-Canada inc., 2015 QCCLP 428.
Pour qu'un travailleur puisse se prévaloir des dispositions de cet article, il ne faut pas rechercher la survenance d'un accident du travail puisqu'il n'est pas prévu que l'événement imprévu et soudain ait causé une lésion au travailleur.
Cependant, les principes qui se dégagent de la jurisprudence ayant interprété cette notion pour décider de la survenance ou non d'un accident du travail pourront être appliqués lorsqu'il y a lieu d'interpréter cette notion aux fins de l'article 113. Ainsi, le qualificatif « imprévu » doit s'entendre de ce qui est fortuit, inattendu ou inopiné et le qualificatif « soudain », fait référence à un événement qui est survenu de façon brusque, instantanée ou subite. De plus, selon la jurisprudence la notion d'événement imprévu et soudain n'exige pas la démonstration d'un incident isolé, il peut s'agir d'une succession de petits événements.
Par le fait du travail
L'article 113 stipule que l'événement imprévu et soudain doit survenir par le fait du travail. Ainsi, le travailleur ayant subi un événement imprévu et soudain, entraînant le bris d'une prothèse ou une orthèse, survenu à l'occasion du travail ne sera pas indemnisé.
- Paquet et Marché Dunn 1990 inc., C.L.P. 210271-61-0306, 26 août 2003, L. Nadeau.
Bien que les lunettes aient été brisées involontairement lors d'un événement imprévu et soudain, il appert que cet événement est survenu non pas par le fait du travail mais à l'occasion du travail. En effet, alors qu'il était au travail, il s'est rendu aux toilettes et la porte de la salle de bain lui a frappé la tête, ses lunettes sont tombées par terre et se sont brisées en deux. Le travailleur n'était pas à son travail ni dans l'exercice de ses tâches d'emballeur. Le texte de l'article 113 apparaît clair et l'événement est ici survenu « à l'occasion du travail », expression qui est incluse dans la notion d'accident du travail à l'article 2 mais que le législateur a soustrait de l'article 113.
- Morin et Bell Canada, C.L.P. 155895-71-0102, 6 octobre 2005, L. Couture.
L'article 113 stipule qu'il faut que la prothèse ait été endommagée à la suite d'un événement imprévu et soudain qui survient par le fait du travail. Ainsi, bien qu'il y ait eu un accident du travail, l'événement imprévu et soudain à l'origine de la lésion professionnelle n'est pas survenu par le fait du travail mais à l'occasion de celui-ci, soit lors de l'arrivée au travail.
- Deschênes et Construction Polaris, 2013 QCCLP 1576 .
Au moment de l'accident, le travailleur n'exerçait pas la tâche pour laquelle il est rémunéré, soit manœuvrer une pelle. Il était en transit dans le transport organisé par l'employeur entre le lieu de travail et le campement. Le texte de l'article 113 est clair et ne porte pas à interprétation, et il ne comporte pas la notion d'« événement survenu à l'occasion du travail » comme c'est le cas à la définition d'« accident du travail », qui se trouve à l'article 2.
- Mongeau et Ville de Laval, 2017 QCTAT 1273.
Pour assimiler une activité qui semble, à première vue, survenue « à l’occasion du travail », à une activité survenant « par le fait du travail » au sens de l’article 113, la preuve doit démontrer que cette activité est non seulement connexe au travail, mais qu’elle est également « nécessaire à la poursuite de la séquence des tâches auxquelles » un employé est affecté. Le fait d’aller chercher une bouteille d’eau oubliée dans son camion, après avoir terminé ses tâches de chauffeur-opérateur, n’a pas pour effet de transformer cette activité en une étape « nécessaire à la poursuite de la séquence des tâches auxquelles » l’employé est affecté. Le travailleur avait terminé ses tâches et il ne restait que quelques minutes à s’écouler avant qu’il poinçonne et quitte le travail. La demande de l’employeur de vider les équipements que les employés utilisent ne transforme pas la démarche d’aller chercher sa bouteille en une activité « nécessaire à la poursuite de la séquence des tâches » auxquelles un employé est affecté.
Une indemnité en vertu d'un autre régime
Le dernier critère de l'article 113 prévoit que le travailleur peut bénéficier d'une indemnité pour le remplacement ou la réparation de sa prothèse ou orthèse, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime. La jurisprudence considère que lorsque le travailleur bénéficie d'un régime d'assurance permettant le remboursement du remplacement ou de la réparation d'une prothèse ou d'une orthèse, cette indemnité doit être comparable à celle offerte en vertu de l'article 113. Si cette indemnité est moins avantageuse, le travailleur aura droit à l'indemnité prévue à l'article 113.
- Gosselin et Meubles Princeville inc., [1989] C.A.L.P. 934.
Une « telle indemnité » au sens de l'article 113 doit s'entendre d'une indemnité identique à celle prévue à cet article. Lorsque le contrat d'assurance prévoit le remboursement du coût de remplacement de lunettes jusqu'à concurrence de 125 $ pour une période de 24 mois, le travailleur subirait un préjudice s'il devait être remboursé par son assureur plutôt que par la CSST puisqu'il serait privé de son droit à la somme prévue à son contrat d'assurance s'il devait survenir un nouveau bris en dehors du travail. Il n'a donc pas droit à une « telle indemnité ». Il peut bénéficier de l'indemnité prévue à l'article 113.
- Lévesque et Emballages Boxcraft inc.,C.A.L.P. 22634-60-9010, 22 février 1993, T. Giroux.
Le travailleur bénéficie d'une assurance collective qui couvre les premiers 200 $ par période de 24 mois pour l'achat de lunettes. Il s'agit d'un régime moins généreux que celui prévu à l'article 113. Pour perdre la protection prévue à cet article, le travailleur doit bénéficier d'un régime au moins aussi complet que celui qui y est prévu.
- Soucy et Groupe RCM inc.,C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard (décision accueillant la requête en révision).
Le fait que le travailleur avait droit au remboursement intégral du coût de remplacement de sa prothèse auditive, en vertu d'un régime privé d'assurance, a pour conséquence qu'il ne peut bénéficier de la protection prévue à l'article 113, suivant le texte clair de cet article.
- Bowater Pâtes et Papiers Canada inc. et Chevrier, C.L.P. 173858-07-0112, 10 juillet 2002, M. Langlois.
Selon la preuve, le régime d'assurance dont bénéficie le travailleur est moins avantageux que celui prévu à la LATMP en ce qu'il ne permet le remboursement que de 80 % du coût du remplacement de la prothèse dentaire, et ce, une seule fois à tous les cinq ans. Au surplus, le travailleur n'aurait pas eu droit à quelque remboursement que ce soit par l'assureur puisqu'il avait déjà bénéficié au cours des cinq dernières années d'un remboursement. La loi statue que pour perdre la protection prévue à l'article 113, le travailleur doit bénéficier d'un régime aussi avantageux que celui qui y est prévu, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
- Ferrand et Sivaco Québec inc., 2012 QCCLP 6265.
La notion « une telle indemnité » doit être interprétée selon le sens d'une indemnité identique ou d'un régime au moins aussi complet. En l'espèce, les limites prévues tant au contrat d'assurance qu'à la convention collective font en sorte qu'il ne s'agit pas d'une indemnité identique ou d'un régime au moins aussi complet.
Voir cependant :
- Moisan et Métro Richelieu inc. (Div. Newton), 2013 QCCLP 940.
Le tribunal considère que le législateur a expressément prévu qu'un travailleur ne peut bénéficier d'une indemnité en vertu de l'article 113 lorsqu'il a droit à une indemnité semblable en vertu d'un autre régime. Or, en l'espèce, le travailleur est bénéficiaire d'une police d'assurance permettant le remplacement de ses lunettes ainsi que de ses lentilles cornéennes pour une somme maximale de 200 $ par période de 24 mois consécutifs. Tant l'article 113 que l'assurance collective du travailleur prévoient une limite au montant du remboursement; il s'agit d'indemnités comparables. Ainsi, puisque le travailleur ne satisfait pas à l'une des conditions expressément prévues par le législateur, il n'a pas droit au remboursement demandé.
Non-application de l’article 113 à un agent de l’État
La jurisprudence retient qu'un agent de l'État ne peut bénéficier de l'article 113 puisque la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État(LIAE) ne fait pas de renvoi à l'indemnité qui y est déjà prévue.
- Méthot et Agence Parcs Canada Archipel-Mingan, 2012 QCCLP 1192.
En l’espèce, même si les lunettes du travailleur ont été endommagées involontairement lors d'un événement imprévu et soudain survenu par le fait de son travail, il n’a pas droit à l’indemnité prévue à l’article 113. Comme il est un agent de l’État, le gouvernement fédéral a compétence exclusive en ce qui a trait à ses employés. Or, l’article 4 de la LIAE ne prévoit qu’un renvoi à la législation provinciale en ce qui concerne les conséquences des blessures découlant des accidents survenus par le fait ou à l’occasion du travail ou des maladies professionnelles attribuables au travail. Il n’y a aucun renvoi spécifique aux autres indemnités comme celles énoncés aux articles 112 et 113.