Interprétation

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. 116. Participation au régime de retraite

Incapacité grave et prolongée

L’article 93 de la Loi, auquel réfère l’article 116, prévoit qu’une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et elle est prolongée si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

Beaulieu et Gemitech inc., C.L.P. 260465-31-0504, 19 juillet 2005, H. Thériault.

Le travailleur conserve des atteintes permanentes et limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle, l’empêchant ainsi de reprendre son emploi prélésionnel. Un plan de réadaptation est établit afin de le rendre capable d’exercer l’emploi convenable déterminé. Considérant qu’il n’est pas régulièrement incapable d’exercer tout emploi ou de détenir une occupation véritablement rémunératrice, il ne peut se prévaloir de l’article 116 de la Loi.

 

Lemieux et Uniforêt Scierie Péribonka inc., C.L.P. 337720-02-0801, 8 juillet 2008, J.-M. Hamel.

Le travailleur ne rencontre pas les critères d’admissibilité prévus aux articles 93 et 116, car bien qu’il présente des limitations fonctionnelles le rendant incapable d’exercer son emploi prélésionnel, celles-ci ne le rendent pas incapable d’occuper un emploi convenable. D'ailleurs, la CSST n’a pas rendu de décision déclarant que le travailleur est inemployable au sens de la Loi.

 

Pour certains décideurs, la reconnaissance de l’incapacité du travailleur d’exercer un emploi convenable équivaut à une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la Loi.

Roberge et Marché Lafrance inc., C.L.P. 244533-05-0409, 28 juin 2007, L. Boudreault.

Dans une décision rendue en 2004, le Tribunal concluait que le travailleur était incapable d'exercer l’emploi convenable en raison des effets secondaires des différents narcotiques qu'il prenait. Comme ceux-ci sont toujours prescrits, on ne peut conclure qu'il serait capable d'exercer l'emploi convenable. Le travailleur est donc atteint d'une invalidité visée à l'article 93.

 

Suivi :

Révision rejetée 

Pelletier et Pintendre autos inc., 2013 QCCLP 4232.

Lorsqu'un travailleur démontre qu'il est incapable d'exercer un emploi convenable, il est considéré être atteint d'une invalidité grave et prolongée. Il peut alors bénéficier du droit de participer à son régime de retraite offert dans l'établissement de son employeur.

 

Bellemare et Commission scolaire des Navigateurs, 2015 QCCLP 2420.

Quand un travailleur est incapable d'exercer un emploi convenable, il a droit aux bénéfices prévus à l'article 116 puisqu'il est considéré invalide, tel que défini à l'article 93. Selon le Tribunal, le fait que la travailleuse ne puisse exercer un emploi convenable de façon régulière et le fait  que les séquelles soient permanentes équivaut à une invalidité grave et prolongée.

 

D’autres décideurs sont plutôt d’avis que la décision de la CNESST de ne pas déterminer d’emploi convenable à un travailleur ne fait pas automatiquement de lui une personne invalide au sens de l’article 93 de la Loi. 

Barber et Peintre & décorateur HW inc., C.L.P. 254505-72-0502-C, 21 avril 2006, S. Arcand.

Le fait que la Commission décide de ne pas déterminer d’emploi convenable au travailleur, pour des motifs principalement personnels tel que son âge, son unilinguisme, le fait qu’il soit illettré, son expérience unique de travail et sa personnalité ne fait pas de lui une personne invalide au sens de l’article 93 de la Loi. 

 

Dumont et Cégep Lévis-Lauzon,C.L.P. 329479-03B-0710, 31 mars 2009, R. Savard.

Le Tribunal souligne que l’application de l’article 47 de la Loi, qui vise l’inemployabilité d’un travailleur pour occuper un emploi à temps plein ailleurs sur le marché de travail, ne permet pas automatiquement de déclarer que ce même travailleur est dans un état d’invalidité physique grave et prolongé, tel que défini à l’article 93 de la Loi, article qui doit s’appliquer restrictivement.

 

Dostie et Métallurgie Castech inc.,2014 QCCLP 2535.

La Commission poursuit le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 68 ans, considérant l’impossibilité de l’employeur de pouvoir offrir au travailleur un emploi convenable tel que prévu à l’article 53 de la Loi. Le Tribunal est d’avis qu’un travailleur visé par cette dernière disposition ne peut être reconnu comme présentant une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la Loi. La silicose qui laisse le travailleur porteur d'un DAP de 5 % avec comme seule et unique limitation fonctionnelle de ne plus être exposé à la silice, ne peut être une invalidité grave qui le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Si l'employeur avait eu un emploi convenable pour le travailleur, ce dernier serait retourné au travail, témoignant ainsi d'une certaine capacité à réintégrer le marché du travail. Par ailleurs, il est également prévu à l'article 53 que le travailleur peut occuper un nouvel emploi sans pour autant que ce soit chez son employeur. Cela ne fait que confirmer que les travailleurs visés par cet article ne peuvent être de ceux qui présentent une invalidité grave et prolongée au sens de l'article 93.

 

Blais et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique,2018 QCTAT 472.

La Commission rend une décision selon laquelle le travailleur est incapable d’exercer son emploi ou un emploi convenable en vertu de l’article 47 de la Loi. Le Tribunal rappelle qu’il doit faire une distinction entre l’invalidité prévue à l’article 93 de la Loi, invalidité qui doit être strictement reliée à la lésion professionnelle, et celle de l’incapacité du travailleur d’occuper un emploi convenable au sens de l’article 47 de la Loi.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 4597.

Lepage et Entreprises Contruction Québec ltée,2019 QCTAT 1073.

Suivant le libellé de l’article 116 de la Loi et la jurisprudence constante du Tribunal traitant de son application, l’invalidité grave et prolongée doit découler des lésions professionnelles ou des suites de l’ensemble des lésions professionnelles reconnues par la Commission. Elle ne doit pas découler d’une condition personnelle. Dans le cas du travailleur, les facteurs qui l’empêchent d’exercer un emploi convenable ne sont pas liés principalement à ses lésions professionnelles et aux limitations fonctionnelles qu’elles entrainent, mais relève davantage de considérations purement personnelles.

 

Voir également :

Bah et Av-Tech, 2018 QCTAT 870.

Régime de retaite offert dans l'établissement au moment où survient la lésion professionnelle

Letiecq et Lama Transport & Manutention ltée, C.L.P. 404505-04-1003, 30 juillet 2010, R. Napert.

Le régime de retraite pour lequel le travailleur recherche la contribution de la CSST en vertu de l'article 116 n'est plus offert dans l'établissement puisque l'employeur, ayant fait faillite, n'existe plus depuis quelques années. Le travailleur ne peut donc continuer à participer à ce régime de retraite et ne peut forcer la participation de la CSST. D'ailleurs, le travailleur ne contribue plus lui-même à ce régime collectif. 

 

Laflamme et Geffrey Frenette ltée,2012 QCCLP 5154.

L'employeur a développé un régime de partage des profits permettant à la travailleuse de recevoir en avril de chaque année des ristournes ou un bonus de rendement. La travailleuse détient trois de ces contrats de partage des profits, mais aucun ne constitue un régime de retraite. La travailleuse ne peut donc bénéficier des dispositions de l'article 116.

 

Turcotte et C.H.U.S. - Hôpital Fleurimont,2013 QCCLP 1547.

Lorsque la travailleuse a été victime d'une RRA en juin 2010 qui l'a rendue inemployable et, par ricochet, invalide au sens de l'article 93, il y a bien longtemps qu'elle ne travaillait plus chez l'employeur et qu'elle avait cessé de participer au régime de retraite offert dans son établissement. Dans ces circonstances, l'article 116 ne s'applique pas.

 

S.G. et Compagnie A,2019 QCTAT 2282.

Le travailleur, plâtrier, subit une lésion professionnelle en avril 1993, suivie de nombreuses récidives, rechutes ou aggravations. Le Tribunal juge que, même s’il en venait à la conclusion que l’article 116 de la Loi s’applique au travailleur de la construction, ce qui n’est pas le cas, il ne pourrait conclure que la Commission doit assumer la part des cotisations exigibles de l’employeur au régime de retraite offert. En effet, la preuve démontre qu’au moment où le travailleur a subi la lésion professionnelle qui l’a rendu invalide, suite à une rechute, récidive ou aggravation, il ne travaillait plus pour l’employeur ni ne cotisait au régime depuis plusieurs années. Dans ces circonstances, la Commission n’a pas à assumer la part de l’employeur au régime de retraite du travailleur.

 

Continuité de la participation du travailleur

Le travailleur doit continuer de participer au régime de retraite offert chez l’employeur pour lequel il travaille au moment de la lésion professionnelle pour pouvoir bénéficier de l’application de l’article 116 de la Loi.

Dumont et Cégep Lévis-Lauzon,C.L.P. 329479-03B-0710, 31 mars 2009, R. Savard.

Une fois son invalidité grave et prolongée établit, le Tribunal conclut que le travailleur peut bénéficier de l’application de l’article 116 de la Loi lorsqu’il aura fourni la preuve qu’il a remboursé les années de rachat depuis l’arrêt des cotisations du régime de retraite offert chez son employeur au moment où s’est produite la lésion professionnelle.

 

Blais et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique,2018 QCTAT 472.

Le travailleur n’ayant pas démontré qu’il ait continué à contribuer à son régime de retraite, le Tribunal ne peut bénéficier de l’application de l’article 116 de la Loi.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 4597. 

Turcotte et C.H.U.S. - Hôpital Fleurimont,2013 QCCLP 1547.

Au moment de la RRA qui l'a rendue inemployable, donc invalide au sens de l'article 93, il y avait bien longtemps que la travailleuse avait cessé de participer au régime de retraite offert dans l'établissement où elle travaillait avant de subir sa première lésion professionnelle en 1986. Ainsi, l'article 116 ne s'applique pas, et le fait que la travailleuse ait eu le loisir de procéder au rachat de quelques années de service en 2009 n'y change rien.

 

Plante et Tafisa Canada inc.,2017 QCTAT 515.

Il n'est pas contesté que le travailleur présente une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Toutefois, cette invalidité résulte de la RRA survenue le 1er septembre 2010, alors que le lien d'emploi avec l'employeur n'existait plus et que le travailleur ne participait plus au régime de retraite en vigueur dans l'établissement. L'article 116 accorde le droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l'établissement au moment d'une lésion professionnelle, mais il ne permet pas de réactiver la participation à un tel régime lorsque celle-ci a été interrompue en raison d'une cessation d'emploi.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2017 QCTAT 4877.

S.G. et Compagnie A, 2019 QCTAT 2282.

Le travailleur, plâtrier, subit une lésion professionnelle en avril 1993, suivie de nombreuses récidives, rechutes ou aggravations. Le Tribunal juge que, même s’il en venait à la conclusion que l’article 116 de la Loi s’applique au travailleur de la construction, ce qui n’est pas le cas, il ne pourrait conclure que la Commission doit assumer la part des cotisations exigibles de l’employeur au régime de retraite offert. En effet, la preuve démontre qu’au moment où le travailleur a subi la lésion professionnelle qui l’a rendu invalide, suite à une rechute, récidive ou aggravation, il ne travaillait plus pour l’employeur ni ne cotisait au régime depuis plusieurs années. Dans ces circonstances, la Commission n’a pas à assumer la part de l’employeur au régime de retraite du travailleur.

 

Travailleur de la construction

La jurisprudence établit qu'un travailleur de la construction est exclu de l’application de l'article 116 pour les raisons suivantes :

- La notion d’établissement défini à l’article 1 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, auquel réfère l’article 2 de la Loi, exclu le chantier de construction ;
- L’article 116 réfère à l’article 235 de la Loi, situé à la section I du chapitre VII, soit les droits du travailleur.

Or, le deuxième alinéa de l’article 234 exclut expressément des travailleurs de la construction de l’application de cette section.

Ouellet et Constructeurs GPC inc., C.L.P. 117232-02-9905, 20 septembre 2000, P. Simard.

Le travailleur, soudeur exerçant dans le domaine de la construction, conserve une atteinte permanente de 119% avec limitations fonctionnelles importantes découlant de sa lésion professionnelle.

Analysant les dispositions pertinentes, le Tribunal conclut que le législateur a prévu des droits et obligations distincts selon qu’un travailleur occupe un emploi dans le secteur de la construction ou non.

L’article 116 de la Loi réfère à l’article 235, qui protège les droits des travailleurs pendant leur période d’absence du travail en raison de la lésion professionnelle.

L’article 234 de la Loi prévoit que la section I du chapitre VII, concernant le droit de retour au travail, ne s’applique pas au travailleur visé par la section II, soit le travailleur de la construction.  Il en résulte que les travailleurs de la construction, visés par l’article 247 de la Loi, ne peuvent se prévaloir de l’application de l’article 116,  qui constitue le prolongement des droits prévus à l’article 235 de la Loi.

Par ailleurs, l’article 116 de la Loi prévoit, aux conditions qui y sont prévues, que le travailleur peut continuer de participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion professionnelle. Cette notion d’établissement, définit à l’article 1 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail auquel réfère l’article 2 de la LATMP, exclu le chantier de construction. Selon le Tribunal, le législateur réitère donc sa volonté de distinguer le travailleur du travailleur exerçant dans le domaine de la construction pour l’application de l’article 116 de la Loi.

 

Barber et Peintre & Décorateur Hw inc., C.L.P. 254505-72-0502, 31 mars 2006, S. Arcand.

Le travailleur, un peintre dans l'industrie de la construction, ne peut bénéficier de l'article 116. En effet, le travailleur de la construction est exclu spécifiquement de l'application de l'article 116 par l'alinéa 2 de l'article 234. De plus, l'article 116 réfère à la notion d'établissement dont le chantier de construction est exclu. 

 

Y.L. et Compagnie A,C.L.P. 392274-71-0910, 16 juin 2010, M. Gagnon Grégoire.

Le travailleur, manœuvre spécialisé, demande au Tribunal de reconnaitre qu’il a droit à la participation au régime de retraite prévu à l’article 116 de la Loi. Après avoir analysé la Loi pour conclure que son article 116 ne s’applique pas aux travailleurs de la construction, le Tribunal conclut qu’il ne lui appartient pas d’analyser la réclamation qu’un travailleur peut faire en vertu de la  Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre le domaine de la construction.

 

Vallée et Construction & Rénovation M. Dubeau inc., 2016 QCTAT 4375.

Bien qu’il est reconnu que le travailleur soit atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la Loi, le Tribunal rappelle que l’article 116 ne s’applique pas au travailleur de la construction, puisque la notion d’établissement, définit à la LSST, exclut de manière spécifique le chantier de construction.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2017 QCTAT 2907.

Archambault et Constructions Lachapelle inc. (F),2019 QCTAT 330.

Le Tribunal est d’avis que l’article 116 de la Loi ne s’applique pas aux travailleurs de la construction, notamment en raison du terme «établissement» contenu à cet article, reprenant ainsi la jurisprudence sur le sujet.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2020 QCTAT 1198.

Lepage et Entreprises Construction Québec ltée,2019 QCTAT 1073.

Le travailleur fait parvenir au Tribunal un document émanant de la Commission de la construction du Québec intitulé « Participation au régime de retraite des salariés qui sont prestataires de la CNESST ». On y réfère à l’article 116 de la Loi ainsi qu’à l’article 8 du Règlement sur les régimes complémentaires d’avantages sociaux dans l’industrie de la construction. Dans ce document, on invite le travailleur qui souhaite se prévaloir de ces dispositions à fournir à la Commission de la construction du Québec une confirmation écrite de la Commission indiquant qu’il est atteint d’une invalidité au sens de l’article 93 de la Loi, qu’il désire continuer à participer à son régime de retraite, qu’il s’engage à verser à ce régime les cotisations déterminées par la convention collective qui lui est applicable et que la Commission s’engage à verser les cotisations de l’employeur exigibles.

Le Tribunal souligne qu’en matière de contribution à un régime de retraite, le travailleur de la construction bénéficie effectivement d’un autre régime légal, celui prévu à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (la Loi R-20). La possibilité pour ce travailleur devenu invalide au sens de l’article 93 de la Loi de continuer à contribuer à son régime de retraite, est prévue à l’article 8 du Règlement précité et adopté sous l’égide de la Loi R-20. Cette question relève de la Commission de la construction du Québec.

 

Leroux et Mistras services inc., 2019 QCTAT 1793.

Le Tribunal prend connaissance de la jurisprudence qui, de manière précise, démontre que les travailleurs de la construction sont exclus des dispositions de l’article 116 de la Loi. Le Tribunal est d’avis que ce choix du législateur est questionnable, mais qu’il ne lui appartient pas de le remettre en question, même si cela apparait inéquitable pour les travailleurs de la construction.

 

Voir également :

Mercier et Les Contrôles A.C. inc., C.L.P. 130934-31-0002, 29 janvier 2001, P. Simard.

S.G. et Compagnie A, 2019 QCTAT 2282.

Délai pour présenter sa demande

La jurisprudence est partagée quant à l'existence d'un délai pour demander à la Commission l'application de l'article 116.

Existence d'un délai

Pour certains, le travailleur doit faire la demande à la CNESST dans un délai raisonnable puisque l'article 116 est le prolongement des droits prévus au deuxième alinéa de l'article 235 qui, pour sa part, réfère au délai énoncé à l'article 240.

Ouellet et Constructeurs GPC inc.,C.L.P. 117232-02-9905, 20 septembre 2000, P. Simard.

L'article 116 se situe dans le prolongement du paragraphe 2 du premier alinéa de l'article 235 en étendant la couverture dont bénéficie le travailleur au-delà des périodes prévues à l'article 240. Les deux articles prévoient spécifiquement qu'il s'agit d'une couverture facultative conditionnelle au paiement par le travailleur de sa cotisation exigible. Dans les cas où l'article 235 s'applique, le travailleur doit aviser son employeur dans un « délai raisonnable » qu'il désire continuer à participer à son régime de retraite et offrir le paiement de sa cotisation exigible. À défaut, l'employeur n'a pas à offrir de payer sa cotisation puisque le travailleur est présumé avoir choisi d'interrompre ses participations à son régime de retraite. Comme l'article 116 se trouve à être un prolongement de l'article 235 et que des termes similaires sont utilisés, il faut en conclure que les mêmes règles demeurent applicables. En conséquence, un travailleur qui veut bénéficier des dispositions de l'article 116 doit aviser la CSST dans un délai raisonnable qu'il désire toujours contribuer à son régime de retraite et offrir les cotisations exigibles.

 

Barber et Peintre & Décorateur Hw inc., C.L.P. 254505-72-0502, 31 mars 2006, S. Arcand.

Bien qu'il n'y ait pas de délai pour demander l’application de l'article 116, la jurisprudence indique qu'un travailleur qui veut bénéficier de ces dispositions se doit d'aviser la CSST dans un délai raisonnable. Or, entre le moment où le travailleur a été déclaré incapable de reprendre le travail et la demande en juin 2004, il s'est écoulé environ 14 ans. Durant toute cette période, le travailleur n'a pas payé sa part de cotisation exigible, comme le prévoit l'article 116, alors qu'il se savait dans l'impossibilité de reprendre le travail. Aucune explication n'a été fournie, si ce n'est que le travailleur n'a pas été informé de ses droits.  

 

Blais et Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, 2018 QCTAT 472.

Le travailleur a attendu huit ans après que la Commission ait déclaré qu’il n’avait pas la capacité d’occuper un emploi avant de faire sa demande pour l’application de l’article 116 de la Loi. Le tribunal partage la jurisprudence qui conclut à l’application d’un délai raisonnable et conclut par ailleurs qu’aucune preuve n’a été démontré à l’effet qu’il ait continué à contribuer à son régime de retraite, tel qu’exigé par l’article 116 de la Loi.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 4597.

Aucun délai

Pour d'autres décideurs, étant donné qu'aucun délai n'est prévu à l'article 116, le travailleur peut demander l'application de cet article en tout temps. L'article 116 et les articles 235 et 240 visent des droits différents.

Guilbault et CLSC-CH-CHSLD des Forestiers,C.L.P. 225409-07-0401, 20 mai 2004, S. Lemire.

L'article 116, au deuxième alinéa, mentionne clairement que lorsque les dispositions de l'article 93 s'appliquent, le travailleur paie sa part de cotisation exigible s'il y a lieu, et la CSST assume celle de l'employeur, sauf pendant la période où ce dernier est tenu d'assumer sa part en vertu de l'article 235. Donc, la loi fait une distinction nette entre ces deux droits. On ne peut inventer un délai qui n'est pas prévu par la loi, d'autant plus qu'en l'espèce, le travailleur était fondé par une condition médicale à ne pas être à même de suivre et de comprendre de façon efficace le fonctionnement administratif de la loi. Même s'il a fait une nouvelle demande en 2003, dès 1994, il a fait des démarches afin que soit appliqué l'article 116, demande qu'il a réitérée en 1995 et à laquelle la CSST n'a jamais donné suite, alors qu'elle s'était engagée à réexaminer sa demande s'il respectait les exigences prévues à l'article 93. D'ailleurs, la CSST reconnaissait en 1996 que le travailleur ne pouvait occuper un emploi rémunérateur. Il a donc droit à l'application des dispositions de l'article 116.

 

Demers et Centres Jeunesse de Montréal,C.L.P. 305083-61-0612, 12 septembre 2007, S. Di Pasquale.

En premier lieu, la CLP estime qu'on ne peut introduire une notion de délai raisonnable à l'article 116 alors qu'aucun délai n'y est indiqué. Si le législateur avait voulu assortir l'exercice de ce droit à un délai quelconque ou à un délai raisonnable, il l'aurait dit, comme il l'a fait notamment à l'article 429.57 LATMP. En second lieu, les articles 116 et 235 ne se trouvent pas dans la même section de la Loi, le premier étant à la section des « indemnités » et le second, au chapitre concernant le « droit au retour au travail ». On ne peut transposer une jurisprudence concernant l'article 235, qui impose un délai pour l'exercice d'un droit prévu à cette disposition, à une autre disposition de la loi. En troisième lieu, il n'y a pas de délai prévu à l'article 235. La jurisprudence sur laquelle s'appuie cette interprétation ne peut s'appliquer au cas visé par l'article 116, notamment puisqu'il n'est pas toujours possible de conclure qu'une invalidité est grave et prolongée au sens de l'article 93 à une époque contemporaine à la survenance d'une lésion professionnelle ou à la fin de la période prévue à l'article 240 LATMP ou dans un délai raisonnable après cette date. L'article 116 est clair et ne souffre d'aucune ambiguïté. La CSST n'a le choix que de se conformer au deuxième alinéa de cet article et de payer la part des cotisations exigibles de l'employeur après la période prévue au deuxième paragraphe de l'article 235.

 

Terrana et Commission scolaire de Montréal,2018 QCTAT 398.

Le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas question d’introduire une notion de délai à l’article 116 de la Loi, alors qu’aucun délai n’y est indiqué.