Interprétation

Retour à l'article
 
. 142.2 a) Réduction ou suspension du paiement - Entraver, omettre ou refuser de subir un examen médical

Notion d'entrave

Selon la jurisprudence, la notion d'entrave énoncée à l'article 142.2 a) implique l'existence d'une action ou d'une manœuvre volontaire de la part du travailleur ayant pour effet d'entacher la tenue d’un examen prévu à la loi.

Prévost Car inc. et Chouinard, C.L.P.155520-03B-0102, 4 juin 2001, M. Cusson.

La notion d'entrave implique l'existence d'une action ou d'une manoeuvre volontaire ayant pour effet d'entacher le résultat, soit la tenue d’un examen prévu à la loi et, dans le contexte de l'article 142, cette manoeuvre doit être exercée par le travailleur .

 

Suivi :

Révision rejetée, 17 décembre 2001, P. Simard.

Collin et Ceres Corporation inc., C.L.P. 349461-71-0805, 9 juin 2010, C. Racine. 

En refusant de se laisser toucher par le médecin désigné, le travailleur a entravé cet examen, c'est-à-dire qu'il a, selon le sens courant du mot « entraver », mis des obstacles ou empêché l'examen planifié.

 

Berrada et Commission scolaire de Montréal, 2014 QCCLP 734.

Selon la jurisprudence, la notion d'entrave repose sur l'existence d'une action ou d'une manoeuvre volontaire ayant pour effet d'entacher le résultat.  

 

Betz et Société canadienne des postes, 2015 QCCLP 5683.

Le terme « entrave », qui est défini selon son sens courant par la CLP  dans Collin et Ceres Corporation inc., est le fait de « mettre des obstacles » ou d'« empêcher l'examen planifié ». 

 

Gagné et Aurèle Lefebvre & fils inc., 2017 QCTAT 408.

Le Tribunal adhère à l’analyse selon laquelle pour conclure à une entrave, il doit exister un certain élément de volontariat démontrant que le but visé par le travailleur est ultimement de contrecarrer l’objectif recherché soit, comme en l’espèce, de se soumettre à l’examen médical demandé par la Commission.

 

Voir également : 

Daigneault et Location des Patriotes inc., 2012 QCCLP 3227.

Vaval et CUSM-Hôpital général de Montréal, 2016 QCTAT 4321.

Morin et Transport LGH inc., 2017 QCTAT 377.

Notion de refus et d'omission

Selon la jurisprudence, les termes « refuser » et « omettre » n'étant pas définis à la loi, il y a donc lieu de leur donner le sens courant retenu dans les dictionnaires. 

Berthelot et Rosario Poirier inc., 2012 QCCLP 1053.

Puisque la loi ne définit pas les mots « refuser » ou « omettre », le tribunal s'en remet au sens courant des dictionnaires. Ainsi, le dictionnaire Le Petit Larousse illustré définit  le verbe « refuser » comme étant « Ne pas accepter ce qui est proposé, présenté. Ne pas accorder ce qui est demandé, ne pas consentir ».  Quant au verbe « omettre », cet ouvrage le définit comme étant  « Oublier ou négliger de faire ou de dire quelque chose. Ne pas mentionner, prendre en compte dans une énumération, un ensemble; passer sous silence ».

 

Notion de danger grave

La jurisprudence retient que l'examen qui présente habituellement un « danger grave », tel qu'énoncé à l'article 142.2 a), correspond à un examen qui serait très intrusif. Ainsi, un examen pratiqué régulièrement et reconnu, comme une résonance magnétique, ne présente habituellement pas un danger grave pour la santé du travailleur. 

Pêcheries Marinard ltée et Dupuis, 2016 QCTAT 987.

En vertu de l'article 142, la CSST peut réduire ou suspendre le paiement d'une IRR si le travailleur omet ou refuse, et ce, sans raison valable, de se soumettre à un examen pratiqué par le médecin désigné par l'employeur, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui a charge, présente habituellement un danger grave. Ce qui est visé par cette disposition est un examen diagnostique qui serait très intrusif et présenterait effectivement un danger grave. Cette disposition a notamment pour but d'empêcher qu'un travailleur refuse, sans raison valable, de se soumettre, par exemple, à une prise de sang ou à une résonance magnétique prescrite par son médecin pour permettre d'évaluer sa condition. 

 

Voir également : 

Riderosi et A. Lafleur inc., [1997] C.A.L.P. 274.

Interprétation restrictive de l'entrave ou du refus de subir un examen médical

Puisque l'article 142  sanctionne la mauvaise foi et le manque de collaboration du travailleur, la jurisprudence retient que l'interprétation de l'entrave ou du refus de subir un examen médical doit se faire de façon restrictive et que le Tribunal doit apprécier la situation du point de vue de celui qui pourrait subir la sanction, soit le travailleur.

La jurisprudence retient que le législateur n'a pas fixé de paramètres relativement à l'examen médical requis par l'employeur ou la Commission. De ce fait, aucune disposition législative ne permet ou n'empêche au travailleur de subir un examen médical en présence d'un tiers. La jurisprudence considère généralement que la présence passive d'un tiers à un examen médical ne peut représenter une entrave à un examen médical. L'attitude et le comportement du travailleur ou du tiers seront considérés devant le refus du médecin évaluateur de procéder à l'examen médical en présence du tiers. 

A.F.G. Industries ltée (Glaverbec) et Doyon, [2001] C.L.P. 757.

Le droit du travailleur à l'IRR est clair et la suspension du versement de cette indemnité constitue une exception à ce droit et l'article 142 doit donc être interprété de façon restrictive. Dans le contexte de cette disposition, qui sanctionne la mauvaise foi et le manque de collaboration, l'intention du travailleur doit être appréciée au même titre que ses actes ou omissions pour déterminer s'il a contrevenu à cet article. Le tribunal doit déterminer si le travailleur a, sans raison valable, refusé de se soumettre à l'examen ou entravé l'examen, et non de cerner l'étendue du pouvoir du médecin évaluateur. Il faut apprécier la situation du point de vue de celui qui pourrait subir la sanction, en situant ses explications dans l'ensemble plus large qui comprend son obligation de collaboration et d'honnêteté. 

 

Prévost Car inc. et Lamothe, C.L.P. 155022-03B-0102, 4 septembre 2001, G. Marquis. 

L'article 142 doit être interprété restrictivement puisque cette mesure constitue une dérogation à l'IRR à laquelle le travailleur a droit en raison de sa lésion professionnelle. L'entrave à l'examen médical de même que le refus ou l'omission de se soumettre à un tel examen prévu par la loi, sans raison valable, s'apprécie suivant le mérite de chaque cas. Il y a lieu de considérer la question, non seulement du point de vue du médecin, mais aussi du travailleur.  L'analyse du comportement du travailleur et de son accompagnateur s'avère dès lors essentielle à l'appréciation de la notion d'entrave, de refus ou d'omission en vertu de l'article 142.

 

Suivi :

Révision rejetée, 17 décembre 2001, P. Simard.

Francoeur et Groupe Transport Paul Lessard 1982, C.L.P. 354556-04-0807, 25 novembre 2008, J. A. Tremblay.

Selon la jurisprudence du Tribunal, l’article 142 doit être interprété restrictivement puisque cette mesure constitue une dérogation au versement de l’IRR à laquelle un travailleur a droit en raison de sa lésion professionnelle. Le tribunal retient que le refus ou l’omission de se soumettre à un examen prévu par la loi, sans raison valable, s’apprécie suivant le mérite de chaque cas. Il y a lieu de considérer la question non seulement du point de vue du médecin, mais aussi du travailleur. L’analyse du comportement du travailleur s’avère donc essentielle à l’appréciation de la notion de refus ou d’omission en vertu de l’article 142.

 

Daigneault et Location des Patriotes inc., 2012 QCCLP 3227.

Après une revue de la jurisprudence, le Tribunal considère que la détermination de la notion d'entrave édictée à l'article 142 passe nécessairement par l'analyse du comportement et de l'attitude du travailleur à l'égard de la demande qui lui a été faite de se présenter à un examen médical.  

 

Vézina et Gil-Ber inc., 2013 QCCLP 2344.

L'article 142 doit être interprété de façon restrictive puisqu'une telle mesure constitue une dérogation au droit du travailleur aux indemnités prévues par la loi en raison de sa lésion professionnelle. Ainsi, pour suspendre le versement de l'IRR, il faut être en présence d'un motif sérieux qui soit assimilable à de la négligence ou à de la mauvaise foi de la part du travailleur.

 

Ulissi et Bétons Préfabriqués Trans-Canada inc., 2014 QCCLP 4628.

L'article 142 est un moyen de coercition permettant à la CSST d'intervenir lorsqu'un travailleur refuse ou néglige de se conformer à ses obligations légales. Une telle mesure doit être utilisée de façon judicieuse. En l'espèce, l'analyse du tribunal doit se limiter à l'étude des motifs ayant entraîné l'absence du travailleur à l'examen médical.

 

Betz et Société canadienne des postes, 2015 QCCLP 5683.

Dans le contexte de l'article 142 qui sanctionne la mauvaise foi et le manque de collaboration, l'intention du travailleur doit être appréciée au même titre que ses actes ou omissions pour déterminer s'il a contrevenu à cet article. Il faut donc apprécier la situation du point de vue de celui qui pourrait subir la sanction, en situant ses explications dans l'ensemble plus large qui comprend son obligation de collaboration et d'honnêteté.

 

Morin et Transport LGH inc., 2017 QCTAT 377.

La réduction ou la suspension de l’IRR est une mesure draconienne qui doit être utilisée de façon judicieuse. L’article 142 doit être interprété de façon restrictive puisque cette mesure constitue une dérogation au droit du travailleur aux indemnités prévues par la loi en raison de sa lésion professionnelle. Il faut donc être en présence d’un motif sérieux qui soit assimilable à de la négligence ou de la mauvaise foi de la part d’un travailleur.

 

Interprétation large et libérale de la notion de raison valable

Selon la jurisprudence, la notion de « raison valable » permettant au travailleur de ne pas voir son IRR suspendue du fait de son omission ou de son refus de se présenter ou de subir un examen médical doit être interprétée de façon large et libérale.

La jurisprudence considère également que cette notion peut s'apparenter à la notion de motif raisonnable retenue par la jurisprudence.   

Pollender et Via Rail Canada inc., C.L.P. 324901-31-0707, 25 février 2008, P. Simard. 

Le législateur n'a pas défini les termes « sans raison valable » du paragraphe 2 de l'article 142. Ainsi, ces termes doivent avoir un sens général et être interprétés de façon large et libérale de sorte que l'on ne peut en limiter le sens à une raison strictement médicale. En effet, au paragraphe 2a) de l'article 142, il est prévu qu'un examen qui pourrait entraîner un danger grave pour le travailleur peut être refusé. Évidemment, un tel danger serait de nature médicale. Il y aurait donc double emploi entre les termes « sans raison valable » et la notion « présenter habituellement un danger grave ». 

 

Alie et Maison de la culture Vallée-de-la-Gatineau, 2012 QCCLP 2251.

Le Tribunal estime qu'un oubli peut constituer une raison valable de ne pas se présenter à un rendez-vous médical, selon les circonstances. En l'espèce, le travailleur a véritablement oublié son rendez-vous avec le membre du BEM et a communiqué avec lui dès qu'il s'en est rendu compte pour l'informer qu'il serait en retard. Or, la secrétaire lui a indiqué qu'il ne pourrait être vu par le médecin et qu'il devait communiquer avec la CSST, ce qu'il a fait. 

 

Guay et Mécanique CNC 2002 inc., 2013 QCCLP 5153.

La loi ne définit pas ce qu'est une « raison valable » au sens de l'article 142. Toutefois, une analogie peut être faite avec le contexte d'analyse retenu par la jurisprudence afin d'apprécier ce qui constitue un « motif raisonnable » pour relever une partie de son défaut de contester une décision dans les délais prévus à la loi. Une raison valable est une notion large et elle permet de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d'indiquer, à partir des faits, des démarches ou des comportements, de la conjoncture ou des circonstances, si le travailleur a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion. Ainsi, des engagements médicaux, des conditions climatiques particulières ou une erreur commise de bonne foi peuvent constituer des raisons valables, au sens de la loi, expliquant l'omission ou le refus de se présenter à un examen médical requis par l'employeur.

 

Pêcheries Marinard ltée et Dupuis, 2016 QCTAT 987.

Chaque cas d'entrave ou de refus allégué à un examen médical doit être examiné au mérite, ce qui implique l'analyse du comportement du travailleur. En l'espèce, le travailleur n'avait pas à démontrer une impossibilité absolue de se soumettre à l'examen médical requis par son employeur. Il lui suffisait de démontrer une raison valable, tel qu'énoncé à l'article 142. 

 

Decoste et Construction Gaballero, 2017 QCTAT 2749.

À l'instar de la décision Pollender et Via Rail Canada inc., le Tribunal retient que la notion de « raison valable » prévue à l'article 142, afin de pouvoir se soustraire à la suspension du paiement de l'IRR, doit recevoir une interprétation large et libérale. 

 

Guertaoui et 4458729 Canada inc., 2018 QCTAT 1018.

Le terme « raison valable » n'est pas défini à la loi. Cependant, il y a lieu de s'inspirer de la jurisprudence développée en matière de « motif raisonnable » afin d'apprécier cette notion.

 

Voir également :

Turgeon et Ville de Québec (Service de police), C.L.P. 243466-31-0409, 2 novembre 2005, J.-L. Rivard. 

Mac Donald et Lapointe, 2017 QCTAT 2423.

Le questionnaire du médecin évaluateur fait partie de l'examen clinique

Selon la jurisprudence, lorsqu'un travailleur doit se soumettre à un examen médical, le questionnaire du médecin évaluateur fait partie de l'examen clinique et le travailleur doit y répondre.  

Fodil et International Clothiers inc., C.L.P. 312867-31-0703, 21 juin 2007, G. Tardif. 

Le questionnaire constitue une partie importante d’un examen clinique complet. Le travailleur devait s’y soumettre de la même façon qu’il devait se soumettre aux diverses manœuvres que le médecin jugeait appropriées de lui faire faire.  Le travailleur ne peut déterminer ce qui est ou non pertinent aux fins de l’examen clinique. Il est de la responsabilité et de la compétence du médecin évaluateur d’en juger et, en l’espèce, rien ne démontre que le médecin a exigé des réponses à des questions non pertinentes.

 

Mohammed-Mannan et Restaurant Alto, 2012 QCCLP 7013.

Lorsqu'un examen est réalisé par un psychiatre, le travailleur est obligé de répondre aux questions puisqu'une évaluation psychiatrique est essentiellement basée sur le questionnaire du psychiatre faisant partie intégrante et importante d'un tel examen.

 

Bouhellal et Ville de Québec, 2014 QCCLP 3469.

La jurisprudence a établi que le questionnaire faisait partie de l'examen médical et que le refus du travailleur de répondre aux questions constituait une entrave à cet examen.

 

Transports Ducampro inc. et Imbeault,  2017 QCTAT 5197.      

La notion d’entrave peut s’inférer de l’attitude du travailleur lors d’une évaluation médicale. Ainsi, s'il ne collabore pas ou ne répond pas au questionnaire de manière satisfaisante, il peut s’agir d’une entrave. Le questionnaire fait partie intégrante de l’examen clinique. Ce n’est pas au travailleur de déterminer ou non ce qui est pertinent au questionnaire du médecin évaluateur.