Âge du travailleur
L’âge du travailleur est une condition donnant ouverture à l’article 53. La jurisprudence établit que le travailleur doit être âgé d'au moins 55 ans au moment où il est victime d’une maladie professionnelle. Par ailleurs, le travailleur doit être âgé d’au moins 60 ans au moment de la survenance d’une lésion autre qu’une maladie professionnelle pour bénéficier des dispositions de l'article 53.
- Bertrand et Mines Sigma Québec ltée, [1992] C.A.L.P. 1195.
Ce n'est pas la date de la décision de la CSST qui doit servir de point de repère pour déterminer l'âge du travailleur en regard de l'application de l'article 53. Le 25 mars 1990, lors de la transmission de sa réclamation à la CSST, le travailleur, âgé de 54 ans, sait qu'il est porteur d'une maladie professionnelle, soit la silicose, car il possède déjà des opinions médicales le confirmant. Même s'il y a lieu de penser que l'existence de cette maladie doit être confirmée par le dépôt du rapport du CMPP ou celui du CSP, au mois de juin 1990, le travailleur n'était pas encore âgé de 55 ans. Cependant, l'ensemble de la preuve médicale prépondérante au dossier démontre que le travailleur a été victime de cette maladie professionnelle bien avant le mois de juin. Étant donné que le travailleur ne rencontre pas la condition d'admissibilité quant à l'âge, il ne peut pas bénéficier du droit spécifique prévu à l'article 53.
- Planchers Opéra inc. et Cusinato, [1996] C.A.L.P. 1242.
La maladie professionnelle est survenue le 16 mars 1990 alors que le travailleur est âgé de 53 ans. Plus particulièrement, cette date correspond au dépôt de la réclamation pour une lésion professionnelle. Or, c'est l'âge du travailleur au moment où il est victime d'une maladie professionnelle qui permet l'application de l'article 53. Le travailleur n'ayant pas au moins 55 ans, il n'a pas droit aux IRR prévues à cette disposition.
- Falardeau et Produits de Sécurité North ltée, 2015 QCCLP 3005.
Pour bénéficier de l’article 53, la travailleuse, qui est victime d’une autre lésion qu’une maladie professionnelle, devait être âgée d’au moins 60 ans, au moment de sa survenance. Or, elle n’avait que 59 ans. Le tribunal ne voit aucune raison lui permettant de s’écarter du texte clair et non ambigu de l’article 53. L’interprétation ne doit pas être contraire au sens ordinaire et grammatical des termes employés dans leur contexte global en harmonie avec l’économie de la loi, son objet, ainsi que l’intention du législateur.
- CSST c. C.L.P. et Ouimet, 2016 QCCS 1649.
En l'espèce, le travailleur était âgé de 53 ans au moment où il a contracté la maladie professionnelle, mais il était âgé de 55 ans au moment où la CSST a déterminé l'emploi convenable. Malgré le libellé de l'article, la CLP a pris en considération l'âge du travailleur au moment « où la CSST se prononce sur la capacité de retour au travail, en regard de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles » et non pas son âge au moment de la reconnaissance de la maladie professionnelle. Pour la Cour supérieure, cette interprétation est déraisonnable. En effet, lorsque le libellé législatif est clair, le texte joue un rôle "primordial", alors que s'il existe une ambiguïté, le sens ordinaire des mots joue un rôle "moins important". Dans tous les cas, le libellé est incontournable. Or, selon la Cour supérieure, la première phrase de l'article 53 ne peut être plus limpide, à savoir : si le travailleur a 55 ans au moment de la maladie professionnelle, il ne suit pas le processus général de retour sur le marché du travail, mais uniquement auprès de son employeur. Ainsi, il n'y avait pas lieu de se lancer dans un exercice d'interprétation contextuelle.
Suivi :
Appel rejeté, 2018 QCCA 601.
Rechute, récidive ou aggravation
Selon la jurisprudence, un travailleur qui est victime d’une maladie professionnelle alors qu’il est âgé de moins de 55 ans ne peut pas bénéficier des dispositions de l’article 53. Toutefois, si ce même travailleur, désormais âgé de 55 ans et plus, devient incapable d’occuper son emploi en raison d'une RRA de sa maladie professionnelle, il peut recevoir de l'IRR en vertu de l’article 53. Les décideurs en arrivent à cette conclusion en analysant les articles 2 et 53. Ainsi, une maladie professionnelle constitue une lésion professionnelle. Or, à la définition de lésion professionnelle, il est prévu : « y compris la récidive, la rechute ou l’aggravation ». En somme, la RRA se rattache à la fois à une blessure et à une maladie.
- Bardier et Q.I.T. - Fer et Titane inc., C.A.L.P. 27698-62-9104, 3 décembre 1993, G. Robichaud.
Une personne qui devient incapable d'exercer son emploi en raison d'une aggravation de sa maladie professionnelle entre dans le cadre de la notion de victime d'une maladie professionnelle. Le travailleur âgé d'au moins 55 ans lorsqu'il subit une RRA de sa maladie professionnelle peut bénéficier des dispositions de l'article 53.
- Boulet et C.S. Brooks Canada inc., C.A.L.P. 37543-05-9203, 3 mars 1994, N. Lacroix.
Une personne âgée d'au moins 55 ans, qui est déjà victime d'une maladie professionnelle et qui devient incapable d'exercer son emploi en raison de l'aggravation de celle-ci, entre dans le cadre de la notion de « victime d'une maladie professionnelle » au sens de l'article 53. En d’autres termes, l'expression « maladie professionnelle » inclut les notions de RRA.
- Planchers Opéra inc. et Cusinato, [1996] C.A.L.P. 1242.
Alors que le travailleur est âgé de 55 ans, il est victime d'une aggravation de sa maladie professionnelle. L'aggravation d'une maladie constitue en soi une maladie professionnelle. Cependant, le travailleur n’a pas droit à l’IRR en vertu de l’article 53 puisque les limitations fonctionnelles découlant de la lésion initiale ne se sont pas aggravées. Ainsi, il n’a pas été établi que l’incapacité du travailleur d’occuper son emploi était attribuable à la rechute subie après qu’il ait atteint l’âge requis pour bénéficier de cet article.
- Xstrata Cuivre - Fonderie Horne (F) et Lord, 2013 QCCLP 6482.
Le travailleur âgé de 59 ans au moment de sa RRA a droit à l'application de l'article 53 puisqu'au moment de celle-ci, il avait plus de 55 ans et il en a conservé une atteinte permanente qui le rend incapable d'exercer son emploi. Le tribunal ne retient pas l'interprétation soutenue par l'employeur voulant qu'une RRA d'une maladie professionnelle ne soit pas considérée comme une maladie professionnelle au sens de cet article, mais plutôt comme une autre lésion professionnelle nécessitant que le travailleur soit âgé d'au moins 60 ans pour bénéficier de l'application de cet article et avoir droit à I'IRR.
Voir cependant :
- Laliberté & Associés inc. et St-Louis, C.L.P. 373869-64-0903, 7 juillet 2010, I. Piché.
Lorsque le législateur fait état à l'article 53 d'une autre lésion professionnelle que la maladie professionnelle, il ne peut s'agir uniquement de l'accident du travail puisqu’il omettrait alors une portion de sa définition de lésion professionnelle et emploierait un vocabulaire à dessein confus et variable. Les termes « autre lésion professionnelle » font également référence à la RRA. En conséquence, puisque le travailleur a subi une autre lésion professionnelle, soit une RRA, avant l'âge de 60 ans, il ne peut bénéficier de l'application de l'article 53.
Atteinte permanente
Si la lésion professionnelle n’a pas entraîné un pourcentage d'atteinte permanente, mais qu’elle a entraîné des limitations fonctionnelles empêchant le travailleur de reprendre son travail, la jurisprudence établit que l’article 53 sera applicable. En somme, la seule présence de limitations fonctionnelles peut donner ouverture à l'application de l'article 53.
- Lefebvre et Acoustique Conrad Grenier inc., C.L.P. 148989-03B-0010, 26 avril 2002, M. Cusson.
L'article 53 s'applique lorsque la lésion professionnelle n’a pas entraîné d'atteinte permanente mais a entraîné des limitations empêchant le travailleur d'exercer son emploi habituel. En effet, une atteinte permanente de 0 % aux fins de l'application du barème des dommages corporels ne signifie pas que le travailleur n'est pas porteur d'une atteinte permanente. Cette référence au barème ne vise que le droit à l'indemnité pour dommages corporels. Pour l'application de l'article 53, en l'absence de DAP, il y a lieu de se référer au concept de l'existence de limitations fonctionnelles. La notion d'atteinte permanente et de limitations fonctionnelles sont intimement liées puisque les limitations fonctionnelles découlent nécessairement de l'existence d'une atteinte permanente. En l’espèce, la CSST se devait d'appliquer l'article 53, le travailleur répondant à tous les critères et elle n'avait pas à déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
- Laporte et Garderie les Gamins d’ici inc., 2012 QCCLP 7343.
La travailleuse a subi par le passé des lésions professionnelles ayant entraîné des limitations fonctionnelles, mais aucune atteinte permanente. À 60 ans, elle subit une autre lésion professionnelle et conserve d’autres limitations fonctionnelles. Il faut interpréter l’atteinte permanente dans son sens global et non de manière restrictive et ne pas limiter l’application de l’article 53 à la présence d’un pourcentage de DAP. En effet, l’existence de limitations fonctionnelles est suffisante et confirme la présence d’une atteinte permanente malgré l'absence de DAP. Ainsi, lorsque la lésion professionnelle entraîne des limitations fonctionnelles additionnelles, comme en l'espèce, il y a lieu de conclure qu'il y a eu augmentation de l'atteinte permanente.
- Ouellet et A. & D. Prévost inc., 2014 QCCLP 3326.
Le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu'il est âgé de 61 ans. Sa lésion est consolidée avec un DAP de 0 % pour une entorse lombaire sans séquelles fonctionnelles objectivées et des limitations fonctionnelles. Aux fins de l'interprétation de l'article 53, l'existence des limitations fonctionnelles suppose la présence d'une atteinte permanente malgré l'absence de DAP. Le travailleur a droit au versement de l’IRR selon l’article 53.
- C.A. Marcelle Ferron inc. et Bélanger, 2015 QCCLP 5926.
L'existence de limitations fonctionnelles confirme la présence d'une atteinte permanente malgré l'absence de pourcentage de DAP conformément au barème. En effet, un pourcentage d'atteinte permanente ne permet pas en soi d'établir le besoin de mesures de réadaptation. Ce sont davantage les limitations fonctionnelles qui déterminent la capacité ou l'incapacité d'un travailleur de refaire son emploi. En l'espèce, la travailleuse a droit à l'application de l'article 53 en raison de l'augmentation de ses limitations fonctionnelles en lien avec sa RRA.
Voir également :
Lessard et Denis Boulet Meubles, [1993] C.A.L.P. 1022.
Incapacité d'exercer son emploi
Selon la jurisprudence, la capacité de retour au travail d’un travailleur ayant subi une lésion professionnelle s’évalue en tenant compte des limitations fonctionnelles qui résultent de cette lésion. De même, quant au sens à donner à l'expression « incapable d'exercer son emploi », la jurisprudence reconnaît que le travailleur qui, en raison des limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle, ne peut exercer son emploi convenablement, est incapable d'exercer « son emploi ».
Lorsque le travailleur est sans emploi, aux fins de l’application de l’article 53, si la CSST a déjà déterminé un emploi convenable lors d’une première lésion, la jurisprudence enseigne que même si le travailleur n'a jamais exercé cet emploi, la capacité du travailleur doit être évaluée selon cet emploi convenable déjà retenu.
- Succession Jean-Réal Dubeau et J.M. Asbestos inc., C.L.P. 93641-05-9801, 25 octobre 1999, C. Bérubé.
Le travailleur est âgé d'au moins 55 ans au moment de la survenance de sa maladie professionnelle et il subit une atteinte permanente en raison de cette lésion. Toutefois, au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle, le travailleur n’était plus au service de son employeur et il était déjà incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement, et ce, à cause de nombreux problèmes d'origine personnelle. Par conséquent, le travailleur n'avait pas droit à l'IRR en vertu de l’article 53, puisque ce n'est pas en raison de sa lésion professionnelle qu'il est devenu incapable d'occuper son emploi.
Suivi :
Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Québec, 200-05-012468-992, 14 juillet 2000, j. Godin.
Requête pour permission d'appel rejetée, C.A. Québec, 200-09-003232-003, 6 octobre 2000, jj. Mailhot, Rousseau-Houle, Philippon.
- Beauséjour et Bridgestone Firestone Canada inc., C.L.P. 190403-63-0209, 4 mars 2003, R. Brassard.
Un travailleur qui a repris son travail après avoir subi une lésion professionnelle, mais qui ne peut pas l’exercer convenablement, doit être considéré, au sens de cette disposition, comme incapable d’exercer « son emploi ». En conséquence, le travailleur peut recevoir l’IRR à laquelle il a droit.
Suivi :
Requête en révision judiciaire accueillie pour d'autres motifs, C.S. Joliette, 705-05-006704-038, 12 décembre 2003, j. Normand.
Appel accueilli, C.A. Montréal, 500-09-014111-041, 13 juillet 2004, jj. Morin, Dalphon, Hilton.
- Gauthier et Maintenance Eureka ltée, C.L.P. 332059-31-0711, 30 juillet 2008, M. Beaudoin.
Le travailleur est âgé de 63 ans et occupe un poste d’agent de sécurité au moment où il subit une lésion professionnelle. C'est en vertu du premier alinéa de l'article 53 que le droit à l'IRR doit être déterminé. Malgré les séquelles permanentes que le travailleur conserve, la CSST déclare qu’il est capable d’exercer son emploi prélésionnel. La capacité de retour au travail d’un travailleur qui a subi une lésion professionnelle s’évalue en tenant compte des limitations fonctionnelles qui résultent de cette lésion. Or, le poste d’agent de sécurité exige certaines capacités physiques qui vont au-delà des limitations fonctionnelles du travailleur. En conséquence, ce dernier n'était pas capable de refaire l'emploi d'agent de sécurité en raison des séquelles de la lésion professionnelle.
- Thibeault et Iamgold-Mine Doyon, 2011 QCCLP 786.
Dans le cas d'un travailleur âgé qui est victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, la CSST doit évaluer sa capacité à exercer l'emploi convenable qu'elle a déterminé lors d'une première lésion, même si le travailleur n'exerce pas ou n'a jamais exercé cet emploi.
Emploi convenable disponible chez l'employeur
Selon la jurisprudence, l'emploi convenable offert par l’employeur doit déjà exister, c’est-à-dire ne pas être créé uniquement pour le travailleur victime d’une lésion professionnelle. En outre, la jurisprudence enseigne que cet emploi convenable disponible chez l'employeur doit être analysé selon les mêmes critères que ceux contenus à la définition « d’emploi convenable » (article 2), sauf pour l’élément concernant la possibilité raisonnable d’embauche. Pour la plupart des décideurs, il est suffisant que cet emploi convenable soit disponible chez l’employeur; il n’a pas à être disponible chez d’autres employeurs.
- EDC inc. et Di Falco, C.L.P. 116912-72-9905, 12 juin 2001, L. Crochetière.
La CSST conclut en mai 1998 que le travailleur était incapable d'exercer son emploi prélésionnel, qu'il n'existait aucun emploi convenable chez l'employeur et que le travailleur avait droit à l'IRR en vertu de l'article 53. Cette décision est confirmée en avril 1999 par l'instance de révision. Même si la CLP conclut que ces décisions sont erronées et qu'il existait, chez l'employeur, un emploi convenable disponible au moment où la décision initiale de la CSST était rendue, cela n'a pas pour effet de priver le travailleur de son droit à l'IRR pour cette période puisqu'il n'a pas occupé cet emploi. En effet, le droit à l'IRR subsiste tant que le travailleur n'occupe pas un tel emploi ou tant que l'une des causes d'extinction du droit, prévue à l'article 57, n'est pas survenue. En l'espèce, le travailleur n'a pas refusé, sans raison valable, d'occuper un emploi chez son employeur. Il a droit à l'indemnité prévue à l'article 53 tant qu'il n'occupe pas ni ne refuse, sans raison valable, d'occuper l'emploi convenable disponible chez l'employeur.
- Wal-Mart Canada inc. et Waid, C.L.P. 230306-62B-0403, 11 juillet 2005, Y. Ostiguy.
Selon l'article 53, l'emploi convenable n'a pas à être disponible chez d'autres employeurs que celui avec lequel le travailleur a un lien d'emploi. Le droit à l'IRR est lié à l'incapacité d'exercer l'emploi que le travailleur a occupé préalablement, tant et aussi longtemps qu'il n'occupe pas un nouvel emploi ou un emploi convenable disponible chez son employeur. En l'espèce, l'emploi de préposée à l'accueil, qui est disponible chez l'employeur, correspond à la définition d'emploi convenable en tenant compte des limitations fonctionnelles émises par le BEM et de la capacité résiduelle de la travailleuse. L'emploi proposé correspond à la notion d'emploi convenable que la travailleuse est capable d'exercer.
- Landry et Autobus Duplessis inc., C.L.P. 292249-61-0606, 22 mai 2007, G. Morin.
L'emploi d'agent à la cueillette de données est un nouvel emploi créé au sein de l’entreprise par l'employeur pour le travailleur. Cet emploi ne constitue pas un emploi convenable, car il s’agit de faire l'apprentissage d'un nouvel emploi dont les exigences sont incompatibles avec les intérêts, les aptitudes et le profil de personnalité du travailleur qui est, en plus, âgé de 70 ans au moment où un emploi convenable est recherché pour lui.
- Pernet et Pièces d'Auto M. Robert inc., C.L.P. 361997-62B-0811, 28 avril 2009, M. D. Lampron.
Selon l’article 53, il est suffisant que l’emploi convenable soit disponible chez l’employeur (celui chez qui le travailleur occupait un emploi prélésionnel) et qu’il n’a pas à être disponible chez d’autres employeurs.
- Dubé et Multi-Canevas 1997 inc., C.L.P. 373891-04B-0903, 10 mars 2010, M. Watkins.
L'adaptation d'un emploi n'en fait pas un emploi convenable. L’emploi proposé par l'employeur doit présenter certaines caractéristiques permettant de le qualifier de convenable et les mesures de réadaptation doivent avoir pour but de rendre le travailleur capable d'accéder à cet emploi et non de rendre convenable un emploi qui ne le serait pas autrement. En présence d’un emploi disponible chez l’employeur, il faut démontrer que le poste est bien réel, qu’il offre la perspective d'une stabilité raisonnable à moyen terme et que le travailleur y a accès compte tenu de la convention collective en vigueur. Si la réponse à ces questions est affirmative, il n’y a pas lieu de douter que la réintégration dans le milieu de travail, soit l'objectif premier de la réadaptation professionnelle, est atteint. Cependant, au sens de l’article 53, il suffit que l'emploi convenable soit disponible chez l'employeur. Il n’a pas à présenter une possibilité raisonnable d'embauche ailleurs sur le marché du travail. En l’espèce, il y a lieu de cesser le versement de l’IRR en vertu de l’article 53, car la travailleuse est capable d'occuper l’emploi convenable disponible chez l'employeur, lequel lui rapporterait un salaire équivalent ou supérieur à celui gagné lors de la survenance de sa lésion professionnelle.
Voir cependant :
- Thibodeau et I.T.R. Acoustique inc., 2012 QCCLP 8068.
Bien que l’emploi émane de l’employeur, il y a lieu de vérifier si les critères relatifs à l’emploi convenable sont respectés. En l’espèce, l’emploi convenable permet au travailleur d’utiliser ses qualifications professionnelles et sa capacité résiduelle. Il respecte ses limitations fonctionnelles et ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. De plus, l’emploi existe réellement, c’est-à-dire qu'il n’a pas été créé uniquement pour le travailleur. L’emploi proposé doit aussi présenter une possibilité raisonnable d’embauche ailleurs que chez l’employeur et les conditions d’exercice doivent refléter celles du marché du travail. L’emploi disponible ne répond pas à ce critère. Par ailleurs, l’emploi proposé par l’employeur doit être « approprié » ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisqu’il est irréaliste, voire inconcevable, d'exiger d'un travailleur âgé de 63 ans qu'il s'exile à 300 kilomètres de son domicile pour exercer un emploi alors qu'il ne peut s'absenter de son domicile durant de longues périodes en raison de la maladie grave de sa conjointe et du fait qu'il en est le soutien. Dans un tel contexte, l'emploi doit être déterminé dans la région où habite le travailleur puisque les motifs qu'il fournit pour justifier un maintien à son port d'attache ne sont ni farfelus ni le fruit d'un caprice. L’emploi offert par l’employeur n’est donc pas convenable et l'IRR doit être versée au travailleur conformément à l’article 53.
Refus d’occuper un emploi convenable disponible chez l'employeur
Pour le tribunal, une démission sans motif de même que le fait que le travailleur n'accepte pas d'occuper un emploi convenable parce qu'il se sent diminué sont assimilés à un refus d'occuper l'emploi convenable sans raison valable.
- Turgeon et Constructions LJP inc., C.L.P. 222660-63-0312, 21 juin 2005, R. Brassard.
Eu égard à un travailleur qui démissionne sans fournir de motif, le tribunal peut conclure qu’il a cessé d’exercer son emploi convenable sans raison valable ou, en d’autres termes, qu’il a refusé d’occuper l’emploi convenable sans une raison valable.
- Pernet et Pièces d'Auto M. Robert inc., C.L.P. 361997-62B-0811, 28 avril 2009, M. D. Lampron.
Le fait qu'un travailleur se sente « rabaissé, diminué et humilié » à l'idée d'exercer un emploi convenable n’est pas une raison valable pour refuser d’occuper un emploi convenable.
- Turner et Rush Logistique, 2014 QCCLP 5551.
Après analyse de l’ensemble des critères, il y a lieu de considérer que l’emploi proposé par l’employeur, soit commis de bureau avec composante d’entretien ménager, est un emploi convenable au sens de la loi. Entre autres, l’employeur offre au travailleur un emploi qui existe déjà dans son entreprise et qui lui aurait procuré un revenu équivalent ou supérieur à celui qu’il gagnait au moment de sa lésion professionnelle. Cependant, le travailleur refuse cet emploi car il n’a aucun intérêt pour les tâches d’entretien ménager et qu’il ne désire pas commencer à faire du ménage à son âge. Le travailleur a refusé sans raison valable d’occuper l’emploi convenable disponible chez son employeur. Par conséquent, l’IRR prend fin.
Évaluation du revenu net qu'un travailleur pourrait tirer de l'emploi convenable
Selon la jurisprudence, l'évaluation du revenu que le travailleur « pourrait tirer » d'un emploi convenable se fait en déterminant le revenu net qu'il pourrait tirer de cet emploi sur le marché du travail et non pas selon le salaire offert chez l'employeur.
- Turgeon et Constructions LJP inc., C.L.P. 222660-63-0312, 21 juin 2005, R. Brassard.
Dans le contexte de l’article 53, la CSST a déterminé que l'emploi convenable de gardien de guérite proposé par l’employeur était un emploi convenable. Le travailleur a reçu pour ce travail un salaire brut annuel de 38 500 $, soit un salaire supérieur à celui qu’un travailleur peut normalement tirer d’un tel emploi. Tant que le travailleur a occupé cet emploi à ce salaire, il n'avait pas droit à un montant d'IRR réduit, puisqu'il avait un revenu plus élevé que celui dont il disposait lors de son accident du travail. Par contre, le travailleur a cessé d’occuper cet emploi sans raison valable. L’article 53 alinéa 2 prévoit que le travailleur a droit à une IRR réduite du revenu net retenu qu'il tire ou qu’il pourrait tirer de cet emploi convenable, et ce, conformément à l'article 50. Or, en vertu de cet article, la CSST a évalué que cet emploi peut générer un revenu brut annuel de 15 016 $ ou une IRR réduite annuelle de 12 644,61 $. Cependant, il faut déterminer si le salaire de 38 500 $ attribué au travailleur fait en sorte d’écarter l’application de l’article 50. L’article 53 alinéa 2 ne peut pas être interprété comme écartant l’application de l’article 50, et ce, à plus forte raison puisqu'il y réfère précisément. Ainsi, en regard de l’article 53 alinéa 2, lorsque le travailleur a cessé d’occuper l’emploi chez l’employeur, il s’est retrouvé dans la situation où il n’occupait pas un emploi convenable, et l’IRR devait alors être réduite du revenu net qu’il pouvait vraisemblablement tirer d’un tel emploi sur le marché du travail. En conséquence, le travailleur a droit à une IRR annuelle de 12 644,61 $ rétroactivement à la date où il a quitté l'emploi convenable chez l'employeur plus les intérêts.
- Pernet et Pièces d'Auto M. Robert inc., C.L.P. 361997-62B-0811, 28 avril 2009, M. D. Lampron.
L'évaluation du revenu que le travailleur « pourrait tirer » d'un emploi convenable se fait en déterminant le revenu net qu'il pourrait tirer de cet emploi sur le marché du travail et non pas selon le salaire offert chez l’employeur.
Travailleur retraité
La jurisprudence établit que la retraite du travailleur ne fait pas obstacle à la reconnaissance du droit à l'IRR. De plus, la retraite n'entraîne pas l'extinction du droit à l'IRR ni la réduction du montant de l'IRR.
- Russo et Canadien Pacifique, [1997] C.A.L.P. 415.
Le fait pour le travailleur d'avoir pris sa retraite n'a pas pour effet de lui faire perdre le droit qu'il avait à l'application de l'article 53. Le fait de recevoir des prestations de retraite ne l'empêche pas de recevoir l'IRR.
- Beauséjour c. Bridgestone/Firestone Canada inc., C.A. Montréal, 500-09-014111-041, 13 juillet 2004, jj. Morin, Dalphon, Hilton.
En déclarant que la surdité du travailleur le rendait incapable d'exercer son emploi, malgré le fait qu'il l'avait exercé pendant plusieurs années en dépit de certaines difficultés liées à ce handicap, et qu'il avait droit de recevoir l'IRR en vertu de l'article 53 à compter du 1er mars 2000, jour de sa retraite, la CLP n'a pas rendu une décision manifestement déraisonnable. La Cour supérieure n’aurait pas dû intervenir.
- Société canadienne des postes et Brouillet, 2012 QCCLP 337.
Le fait pour un travailleur d’être à la retraite ne dispense pas la CSST d’effectuer l’analyse de sa capacité à exercer son emploi ou un emploi convenable disponible chez l’employeur, puisque la reconnaissance du droit à l'IRR, selon l'article 53, est tributaire de son incapacité à exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle et non pas parce qu'il est à la retraite et que le lien d’emploi est rompu. Le statut de retraité du travailleur ne peut être opposé à l’employeur afin d’empêcher l’analyse des conditions du droit à l'IRR en vertu de cette disposition.
Récupération du droit à l'IRR
Peu de décisions traitent de la récupération du droit à l'IRR lorsqu'une diminution de l'activité économique de l'employeur l'oblige à réduire les heures de travail du travailleur. Cette situation a été interprétée comme donnant ou pas ouverture à la récupération du droit à l'IRR en vertu de l'alinéa 3 de l'article 53.
- Lavoie et Transforce Acquisition No 2 inc., C.L.P. 304879-02-0611, 1er août 2007, J. Grégoire.
Le travailleur est âgé de plus de 60 ans au moment où il subit un accident du travail. Il en conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. La CSST détermine qu’il est capable d’exercer chez son employeur l’emploi convenable de chauffeur de semi-remorque sans manutention. Le travailleur devait effectuer environ 60 heures par semaine et gagner un revenu équivalant à celui qu’il avait avant sa lésion professionnelle. Toutefois, en raison de la diminution des activités économiques de l’entreprise, le travailleur ne travaille désormais que sur appel quand l’employeur peut lui offrir des transports qui respectent ses limitations fonctionnelles. L’article 53 alinéa 3 ne s’applique pas, car il existe encore un lien d’emploi et que malgré la diminution du nombre d’heures, le travailleur occupe toujours l’emploi convenable. Un travailleur plus âgé est soumis aux aléas des activités économiques de l’entreprise qui l’embauche et la protection particulière, prévue à l’article 53 alinéa 3, ne lui permet pas de bénéficier d’une garantie d’emploi supérieure aux autres travailleurs sur le marché du travail.
- Transport TF1 19, S.E.C. et St-Cyr, C.L.P. 367399-05-0901, 2 juin 2009, F. Ranger.
L'employeur qui modifie des caractéristiques fondamentales de l'emploi convenable, par exemple en réduisant le nombre d’heures hebdomadaires travaillées créant ainsi un écart considérable entre les revenus gagnés avant et après la lésion, met fin à l’emploi. Considérant que l’employeur a mis fin à l’emploi convenable dans les deux ans où le travailleur a commencé à l’exercer, ce dernier récupère le droit à l’IRR, et ce, même si ce sont les aléas des activités économiques de l’entreprise qui sont à l’origine de cette fin d’emploi. Un travailleur couvert par l’article 53 alinéa 3 n’est pas soumis aux aléas des activités économiques de l’entreprise qui l’embauche. Au contraire, le législateur a prévu accorder une garantie d’emploi pour deux ans et, tenir compte d’un facteur économique pour y déroger, revient à ajouter au texte législatif.