Interprétation

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. 69. Travailleur sans emploi

Travailleur sans emploi

Selon la jurisprudence, l’article 69 s’applique au travailleur qui n’a plus d’emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, ce qui est particulièrement le cas en matière de maladie professionnelle.

Mucciacciaro et Soutien à l’imputation, C.L.P. 234851-71-0405, 21 décembre 2004, P. Perron.

La CSST a reconnu que le travailleur souffre d’une maladie professionnelle, soit l’amiantose, depuis le 7 août 2003 ce qui correspond à la date de la première attestation médicale. À cette date, le travailleur est sans emploi, et ce, depuis son arrêt de travail en mai 2002. Le revenu brut devant servir au calcul de l’IRR à laquelle le travailleur a droit est celui qu’il tirait de son emploi de cimentier-applicateur dans le domaine de la construction, à savoir l’emploi par le fait ou à l'occasion duquel il a été victime de sa maladie professionnelle pulmonaire. Il a occupé ces fonctions de 1963 à 1991 et de 1998 à mai 2002. Le tribunal conclut que l’article 69 s’applique en l’espèce.

 

Succession Pierre Plasse, C.L.P. 256750-71-0503, 19 septembre 2006, R. Langlois.

Au moment où le travailleur produit sa réclamation, le 15 juin 2004, il est sans emploi. La CSST reconnaît que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle, soit une amiantose, et ce, depuis le 15 juin 2004. C'est par le fait ou à l'occasion de son emploi de plombier exercé durant la période de 1967 à avril 1978 qu'il a été exposé à l’amiante. Le tribunal est d’avis que l'article 69 doit s’appliquer. Ainsi, le revenu brut du travailleur doit être établi en fonction de son salaire de plombier.

 

La jurisprudence retient également que lorsqu’un travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation et qu’il est sans emploi au moment de la reconnaissance de cette lésion, l’article 69 trouve application.

Succession Raymond Gauthier et Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée, [1997] C.A.L.P. 85.

Le travailleur décède en 1988 alors qu'il est sans emploi. Le décès est relié aux soins reçus pour une lésion professionnelle survenue après le 19 août 1985, laquelle constituait une RRA d'un accident du travail ayant eu lieu en 1977 (il s’agit de la lésion initiale). Le travailleur était également sans emploi lors de la RRA. En regard des articles 553 et 555 LATMP, c’est selon les dispositions prévues aux articles 63 et suivants que l’indemnité versée à la veuve en vertu de l’article 98 de la loi doit être déterminée. Toutefois, le tribunal mentionne qu’aucune disposition dans la LATMP ne traduit parfaitement les éléments factuels de cette affaire. Cette dernière exigerait, selon le tribunal, un recoupement de l’article 69 et de l’article 70 pour obtenir une disposition qui prévoirait le cas du travailleur qui décède et qui n'a plus d'emploi lorsqu'il est victime d'une RRA. Le tribunal ajoute néanmoins que l'analyse des dispositions législatives permet de dégager l'intention du législateur qui est d'assurer à la conjointe du travailleur décédé des suites d'une lésion professionnelle survenue à compter de l'entrée en vigueur de la LATMP, une indemnité fixée en considérant, à tout le moins, le revenu que le travailleur a pu tirer de son emploi à une époque donnée. Bien que la situation du travailleur ne soit pas expressément prévue à la loi, le libellé de l'article 69 permet au tribunal de conclure que le revenu brut à retenir aux fins du calcul d’une indemnité forfaitaire visée à l’article 98 doit être établi selon l'article 69, soit sur la base du revenu brut que le travailleur tirait de l'emploi qu'il occupait au moment où il a été victime d'un accident du travail en 1977. Enfin, le tribunal mentionne que toute autre solution serait contraire à l'équité ainsi qu'à l'interprétation libérale devant primer lorsqu'il s'agit d'interpréter une loi à portée sociale.

 

Suivi :

Révision rejetée, 18 juillet 1997, J.-M. Dubois.

Charlton et Transport Denis Duchesne, 2012 QCCLP 7800.

Dans cette affaire, le travailleur a subi une lésion professionnelle le 28 septembre 1999, laquelle a entraîné des séquelles, dont un déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles. Le revenu annuel brut du travailleur est de 28 678 $. Le 17 octobre 2003, le travailleur est victime d’une RRA de sa lésion initiale, laquelle entraîne des séquelles additionnelles. Le 12 janvier 2009, alors que le travailleur occupe un emploi de camionneur, il est victime d’une troisième RRA en lien avec la lésion de septembre 1999. Les IRR sont calculées sur la base du revenu annuel tiré de l’emploi de camionneur, soit 59 843 $. Cette RRA est consolidée sans séquelle. Dans une décision devenue finale et irrévocable, le tribunal conclut que le 22 avril 2011, le travailleur a été victime d’une autre RRA de la lésion de septembre 1999. En effet, le tribunal n’a pas retenu la prétention du travailleur voulant qu’il s’agisse d’une RRA de la lésion du 12 janvier 2009. Étant donné qu’au moment de la survenance de cette quatrième RRA le travailleur n’occupe pas d’emploi, l’article 69 s’applique. En conséquence, aux fins du calcul de l’IRR, le revenu brut qui doit être retenu est celui de l’emploi par le fait ou à l'occasion duquel le travailleur a été victime de la lésion professionnelle initiale. Or, lors de la survenance de cette lésion initiale, le travailleur gagnait un revenu de 28 678 $ lequel est revalorisé à 35 963 $.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 2482.

Lien d’emploi au moment de la manifestation de la lésion

Selon la jurisprudence, l’existence d’un lien d’emploi alors que le travailleur n’exerce pas son emploi au moment où se manifeste sa lésion professionnelle empêche l’application de l’article 69. De même, l’inexistence d’un lien d’emploi au moment de la manifestation de la lésion alors qu’avant ou après cette période, le travailleur retrouve un lien d’emploi avec son employeur, permet d’appliquer cet article.

Succession Raymond Gauthier et Société d'électrolyse et de chimie Alcan ltée, [1997] C.A.L.P. 85. 

Le travailleur décède en 1988 alors qu'il est sans emploi. Le décès est relié aux soins reçus pour une lésion professionnelle survenue après le 19 août 1985, laquelle constitue une RRA d'un accident du travail ayant eu lieu en 1977 (il s’agit de la lésion initiale). Le tribunal conclut que le travailleur est sans emploi au moment de la RRA puisqu’il n’a exercé aucun travail pour l’employeur à compter de novembre 1983 et qu’il est reconnu comme invalide aux fins du régime d’assurance-salaire. En effet, selon le tribunal, il n'existe pas de lien d'emploi entre le travailleur et son employeur si ce n'est que celui-ci accorde au travailleur, en vertu des dispositions d'une convention collective et par l'entremise d'une compagnie d'assurances, des prestations d'invalidité de longue durée. Un tel bénéfice ne saurait équivaloir à un contrat de travail.

 

Suivi :

Révision rejetée, 18 juillet 1997, J.-M. Dubois.

Gauthier et Au Dragon Forgé inc., C.L.P. 167659-63-0108-2, 7 octobre 2005, L. Nadeau.

Le 9 novembre 1992, le travailleur est victime d’une lésion professionnelle en exerçant son emploi d’agent de sécurité. Alors qu’il occupe un emploi de soudeur, le travailleur cesse de travailler le 11 juillet 1999 en raison d’une dépression. Il perçoit des prestations d’assurance-emploi pour maladie. Le 1er décembre 1999, le travailleur subit une RRA en lien avec sa lésion professionnelle initiale survenue en 1992. Le travailleur, incapable d'exercer son emploi à compter du 1er décembre 1999, a droit à une IRR. En l’espèce, aux fins du calcul de l'IRR, le tribunal est d’avis qu’il ne peut pas se baser sur le revenu annuel revalorisé gagné par le travailleur en 1992, puisque l’article 69 ne s’applique pas. Certes, au moment de la manifestation de sa RRA, le travailleur n’exerce pas son emploi puisqu’il est en congé pour maladie. Cependant, cet arrêt de travail en raison d’une condition personnelle ne met pas fin à son lien d’emploi. Le 1er décembre 1999, au moment de la survenance de la RRA, le travailleur n’est pas sans emploi. Dans ces circonstances, le tribunal conclut qu’il faut appliquer les dispositions prévues à l'article 70. Le revenu brut à retenir pour le calcul de l’IRR est donc celui que le travailleur tirait de son emploi de soudeur, soit celui qu'il occupait lors de la RRA survenue le 1er décembre 1999.

 

Paquette et Ressources Campbell inc. (Les), 2013 QCCLP 6200.

Le travailleur œuvre comme mineur de 1978 jusqu’à la fermeture de la mine de l’employeur en 2004. Entre 2004 et 2012, il occupe un emploi saisonnier à la Sépaq à titre de préposé aux activités principales. Il exerce cette fonction durant la période estivale, soit entre les mois de mai et septembre et ne travaille pas le reste de l’année. Cet emploi saisonnier est un emploi temporaire, car le travailleur n’a aucune garantie de retour au travail d’une année à l’autre ni de droit de rappel au travail. Il doit chaque année signer un nouveau contrat de travail. La CSST reconnaît qu’à compter du 21 octobre 2010, le travailleur est atteint d’une lésion professionnelle prenant la forme d’un phénomène de Raynaud. Tant le 21 octobre 2010, lors de l’émission de la première attestation médicale pour la CSST que le 8 novembre 2010, moment où la réclamation du travailleur est produite à la CSST, le travailleur est sans emploi, car pendant cette période de l’année, aucun lien d’emploi ne le lie à la Sépaq. Selon la preuve, le phénomène de Raynaud a été contracté par le fait de son travail de mineur. Le Tribunal applique l’article 69 voulant que le revenu brut d’un travailleur qui n’a plus d’emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle est celui qu’il tirait de l’emploi par le fait duquel il a été victime de cette lésion. Par conséquent, le calcul des IRR doit être basé sur le revenu annuel brut de mineur et non pas sur celui gagné à la Sépaq.

 

Travailleur autonome

La jurisprudence considère que l’article 69 s’applique à un travailleur autonome qui n’est pas couvert par la loi au moment de la reconnaissance d’une maladie professionnelle qui a été contractée par le fait ou à l’occasion de son travail antérieur. Il sera alors considéré comme n’ayant plus d’emploi au moment de la manifestation de la lésion.

Blanchet et L. Moffet ltée & Eaman Riggs inc., C.A.L.P. 09590-61-8809, 27 mars 1992, Marie Lamarre.

Bien qu'au moment de la découverte de sa maladie, le travailleur ait exercé un emploi de travailleur autonome, mais non inscrit à la CSST (emploi de chauffeur de taxi), le tribunal est d’avis que dans les circonstances, le travailleur a quand même le droit de bénéficier de la protection de la LATMP et qu’il est équitable d’appliquer, aux fins du calcul de l’IRR, les dispositions prévues à l’article 69. Le tribunal conclut que le revenu brut devant servir au calcul de l'IRR est celui que le travailleur tirait de l'emploi de calorifugeur, soit l’emploi qu’il a occupé pendant 27 ans et par le fait ou à l'occasion duquel il a été victime d'une maladie professionnelle pulmonaire, soit l’amiantose.

 

Emploi par le fait ou à l’occasion duquel la lésion est survenue

La jurisprudence a clairement établi que le revenu devant servir à déterminer l'IRR est celui que le travailleur tirait de l'emploi qui a été la cause de la maladie professionnelle.

Vallée et Société Asbestos ltée, C.A.L.P. 67910-03-9503, 23 février 1996, J.-M. Dubois.

Le travailleur, un électricien d'entretien, est mis à la retraite en 1985. Il est reconnu porteur d'une maladie professionnelle en 1988. Il est alors sans emploi. La maladie du travailleur étant en relation avec l’exposition à l’amiante, soit avec le travail qu'il occupait au moment de prendre sa retraite, le revenu brut devant servir au calcul de l'IRR est donc celui qu’il gagnait à cette dernière date.

 

Marcotte et Lyrette Dactylo Services inc., C.L.P. 117491-32-9906, 30 janvier 2000, M. Renaud.

En février 1997, le travailleur est sans emploi lors de la confirmation du diagnostic voulant qu’il soit atteint d'une maladie professionnelle. Celle-ci est la conséquence d'une exposition chronique à des agents neurotoxiques. En effet, le travailleur a occupé différents emplois à risque pendant près de 30 ans. Selon le tribunal, la jurisprudence a clairement établi que le revenu devant servir à déterminer l'IRR est celui que le travailleur tirait de l'emploi qui a été la cause de la maladie professionnelle. Or, en l'espèce, il est établi que les revenus tirés par le travailleur du dernier emploi à risque qu'il ait occupé sont ceux qu'il a gagnés en 1994 et 1995. Le tribunal conclut que l'IRR doit être calculée sur la base du revenu de 1994 alors que le travailleur a œuvré une année complète par opposition à 1995 puisque son employeur s’est retiré des affaires au cours de l’année.

 

Lemieux et N. Morissette Québec inc. (Div. Long), C.L.P. 153668-72-0101, 13 décembre 2001, S. Lemire.

En janvier 1996, au moment où le travailleur produit sa réclamation pour lésion professionnelle à la CSST, il est sans emploi, sa dernière période de travail comme opérateur de foreuse étant en 1994. En 1996, la CSST reconnaît que le travailleur est affecté d’une maladie professionnelle, à savoir, d'un phénomène de Raynaud et elle convient que c’est l’article 69 qui s’applique, lequel fait référence aux dispositions de l’article 67 de la loi. Ce dernier précise que le revenu brut est déterminé sur la base de celui qui est prévu au contrat de travail du travailleur. La CSST retient donc le salaire minimum comme base de revenu servant à déterminer les IRR, étant donné qu'au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle, le travailleur n’avait aucun contrat de travail, puisqu’il n’occupait aucun emploi. Le tribunal infirme cette décision, puisque la lésion professionnelle n'est pas survenue durant la période inactive du travailleur, à savoir, entre 1994 et 1996. Comme la lésion est due à son travail, elle est plutôt antérieure à 1994, soit au moment où le travailleur est actif et travaille comme foreur. Le fait que le diagnostic de la lésion n'ait été déterminé que deux ans après son arrêt de travail ne doit pas pénaliser le travailleur en le privant des IRR auxquelles il aurait eu droit si le diagnostic avait été constaté dans les mois où il a cessé de travailler. Conformément aux dispositions de l’article 69, le revenu brut de base qui doit être retenu pour déterminer les IRR est celui que le travailleur a reçu de l’emploi responsable de sa lésion professionnelle. Le tribunal est donc d’avis que le revenu brut devant servir à calculer les IRR auxquelles le travailleur a droit est celui précédant immédiatement l’arrêt de travail du travailleur. Or, en 1994, le travailleur a gagné un revenu brut annuel supérieur au salaire minimum.

 

Francoeur et Pro-Moule inc., 2015 QCCLP 6194.

La CSST accepte la réclamation du travailleur pour une silicose à titre de maladie professionnelle à compter du 10 avril 2014. Le travailleur est sans emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle. En vertu de l’article 69, c’est le revenu brut annuel qu’il tirait de l’emploi par le fait ou à l’occasion duquel il a contracté sa maladie pulmonaire qui doit être retenu. Entre 1989 et 2005, le travailleur a travaillé chez divers employeurs. Toutefois, selon une autre décision du tribunal, seul l’emploi de machiniste exercé de 1989 à 1996 est de nature à avoir engendré sa maladie pulmonaire. C’est donc le revenu prévu à ce contrat de travail, revalorisé, qui est retenu pour le calcul de l’IRR.

 

Lésion initiale sous la LAT et RRA sous la LATMP

Peu de décideurs ont eu à interpréter l’application de l’article 69 lorsque la lésion initiale a été acceptée en vertu de la Loi sur les accidents du travail alors que la récidive, rechute ou aggravation est reconnue en vertu de la LATMP. Les articles 555 et 556 sont alors visés afin de déterminer le revenu brut qui sera retenu aux fins du calcul de l’IRR.

Thériault et L.M. Sauvé (1964) ltée, C.L.P. 148681-63-0010, 13 février 2002, F. Dion Drapeau.

Le travailleur est victime d’un accident du travail en 1982. Il est retourné à son emploi en 1984 et occupe cet emploi jusqu’en décembre 1994, date de sa mise à pied. En 1995, le travailleur aurait travaillé trois jours et aurait reçu des prestations d’assurance-emploi totalisant la somme de 14 113 $. Le 29 janvier 1996 le travailleur subit une RRA. Au moment de cette RRA, il n’occupe pas d’emploi. Le tribunal indique que la jurisprudence de la CALP, qualifiée de majoritaire, a reconnu qu’un régime particulier avait été créé par le législateur pour les travailleurs visés par l’article 555 voulant que ce soit l’article 556 qui détermine les modalités du calcul de l’IRR et non pas le régime général prévu aux articles 67 à 76 de la loi. Par contre, les dispositions de l’article 65 sont d’ordre public et n’entrent pas en conflit avec l’article 556. C’est cette interprétation que le tribunal retient dans la présente affaire. Par conséquent, le tribunal est d’avis qu’il ne peut pas appliquer les dispositions de l’article 69 aux fins du calcul de l’IRR en relation avec la RRA subie le 29 janvier 1996, puisque ces dispositions lui semblent incompatibles avec celles du paragraphe 2 du premier alinéa de l’article 556. Ce sont effectivement les dispositions des articles 555 et 556 que le tribunal applique dans ce dossier. Le travailleur n’étant plus au travail le 29 janvier 1996, c’est donc le paragraphe 2 du premier alinéa de l’article 556 qui détermine le revenu brut à partir duquel sera calculée l’IRR du travailleur. Pendant la période de 12 mois précédant l’incapacité du travailleur d’exercer son emploi en raison de la RRA, le revenu brut du travailleur totalisait 14 113 $, soit un montant inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur en janvier 1996. Il y a donc lieu d’appliquer l’article 65.