Notion d'atteinte permanente grave
Afin de bénéficier du droit à la réadaptation, l'article 145 prévoit que le travailleur doit avoir subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique à la suite d'une lésion professionnelle.
Or, le travailleur peut se voir rembourser des frais d'adaptation du domicile dans la mesure où il a subi une atteinte permanente grave.
Selon la jurisprudence, l’analyse du caractère « grave » d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ne fait pas appel au pourcentage de cette atteinte permanente, mais plutôt à la perte d’autonomie résultant de la lésion professionnelle, et ce, étant donné les limitations fonctionnelles du travailleur.
- Mercier et Contrôles A.C. inc.,C.L.P. 130934-31-0002, 29 janvier 2001, P. Simard.
En prenant en considération le taux d’incapacité du travailleur ainsi que ses limitations fonctionnelles, il faut reconnaître que le travailleur est affecté par une atteinte permanente grave à son intégrité physique.
- Chassé et Sœurs de la Charité d’Ottawa,C.L.P. 157778-64-0103, 20 février 2002, J.-F. Martel.
La juste appréciation, aux fins de la réadaptation, de la gravité d'une atteinte permanente ne se limite pas exclusivement au pourcentage que le Règlement sur le barème des dommages corporels déclare indemnisable. Il faut aussi tenir compte de l’effet des séquelles fonctionnelles sur l'ensemble de la capacité de la travailleuse. En l'espèce, l'incapacité qui découle de la lésion professionnelle est « grave », nonobstant le pourcentage modeste de DAP que le barème lui attribue.
- Guillemette et Granules Combustibles Énergex inc.,C.P.L. 263897-05-0506, 12 mars 2007, M.-C. Gagnon.
Les conclusions médicales du médecin traitant quant aux limitations fonctionnelles retenues en marge de la lésion reconnue doivent servir de guide pour évaluer dans quelle mesure la condition résiduelle du travailleur l’empêche d’accéder aux biens et commodités de son domicile d’une manière autonome.
- Gendreau et H & R Block Canada inc.,2011 QCCLP 5766.
La travailleuse a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique. En effet, il ne faut pas s'arrêter au pourcentage accordé à ce titre, mais plutôt prendre connaissance des restrictions et séquelles fonctionnelles décrites par le médecin.
Notion de nécessité
La jurisprudence établit que l’adaptation demandée pour avoir accès au domicile ou aux biens et commodités du domicile doit être nécessaire. Cette adaptation ne doit pas être simplement utile ou faciliter cet accès.
- Frigault et Commission scolaire de Montréal, C.L.P. 142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau.
Si l’on peut comprendre que ces appareils puissent faciliter la vie de la travailleuse, puissent lui être utiles, l’article 153 réfère à des adaptations qui soient nécessaires pour faciliter l’accès aux biens et commodités du domicile. Le critère est celui d’une nécessité, ce qui est différent d’une utilité ou d’une facilité.
- Viel et D. L. auto 1999 inc., C.L.P. 192214-31-0210, 18 mars 2003, R. Ouellet.
Le mot "nécessaire" doit être interprété non pas comme étant d'une absolue nécessité, mais d'une importance suffisante pour rencontrer les buts recherchés par les mesures de réadaptation.
- Pelletier et C.L.S.C. de l'Érable, C.L.P. 310082-04B-0702, 5 juillet 2007, A. Quigley.
Il est important de faire la distinction entre ce qui est nécessaire pour permettre à la travailleuse d’être autonome en ayant accès aux commodités de sa salle de bain et ce qui est utile. Bien que certains aménagements effectués soient utiles ou rendent la vie plus facile à l’ensemble de la famille, ils n’apparaissent pas revêtir le caractère de nécessité requis pour atteindre les objectifs de la loi.
- Paquet et Caisse Desjardins de Haute-Gaspésie, C.L.P. 341702-01C-0702, 9 octobre 2008, M. Carignan.
Il est prévu à l'article 153 (2) que l’adaptation du domicile doit être nécessaire et constituer la solution appropriée pour permettre à la travailleuse d’entrer et sortir de façon autonome de son domicile. Or, cette preuve n’a pas été faite. Il n’y a rien qui empêche la travailleuse d’entrer et de sortir de façon autonome de son domicile.
Suivi :
Révision rejetée, 12 octobre 2010, L. Desbois.
- Letiecq et Lama Transport & Manutention ltée (F), 2011 QCCLP 5503.
Lorsque le travailleur s’adresse à la CSST pour demander l’adaptation de son domicile en vertu de l’article 153, il doit établir qu’elle est nécessaire pour lui permettre l’accès, notamment, aux commodités de son domicile. Il ne suffit pas que l’adaptation demandée ne soit que pour faciliter cet accès.
Voir également :
Escobar et Ville de Montréal, [2001] C.L.P. 458.
Barbeau et V. Boutin Express inc., 2012 QCCLP 6693.
St-Jean et Services mécaniques Taschereau,2013 QCCLP 3527.
Ashby et C.H.U.S.-Hôtel-Dieu, 2014 QCCLP 999.
Pelletier, 2015 QCCLP 5798.
Notion de domicile
La jurisprudence établit qu’un travailleur ne peut avoir qu’un seul domicile pouvant être adapté. En effet, un travailleur peut posséder plusieurs résidences, mais un seul domicile.
- Cayouette et Gestion Clément Cayouette (fermé), C.L.P. 244581-63-0409, 7 juin 2006, J.-P. Arsenault.
La loi ne prévoit l’adaptation que d’un seul domicile et non pas de deux parce que la personne décide de passer six mois dans son lieu de résidence habituel et six mois ailleurs, que ce soit dans son pays ou ailleurs.
- Fortier et Structures Ultratec inc., 2013 QCCLP 16.
Le Tribunal rappelle qu’une personne ne peut avoir plus d’un domicile et qu’en l’espèce, le travailleur ne demeure plus chez ses parents depuis plusieurs années et est propriétaire d’une résidence. Compte tenu de ce fait, le remboursement des frais d’entretien de la plateforme élévatrice située chez ses parents ne pouvait être effectué.
- Landry et 9153-9403 Québec inc. (F), 2013 QCCLP 1549.
Le législateur, à l’article 153, a prévu que c’est l’adaptation du domicile du travailleur et non des domiciles de ce dernier. Le mot « domicile » n’étant pas défini dans la loi, il peut être utile de se référer aux définitions contenues dans les dictionnaires. Ainsi, on constate qu’il s’agit du lieu où réside une personne de façon habituelle, ordinaire. Il est difficile de conclure qu’une personne habite de façon habituelle et ordinaire dans deux lieux différents. De plus, en droit on ne peut avoir plus d'un domicile bien que l’on puisse posséder plusieurs résidences. En cas de pluralité de résidences, on doit considérer, pour déterminer quel est le domicile, celui qui a le caractère principal, en conformité avec l’article 77 C.c.Q. Ainsi, même si le travailleur, lorsqu’il était mineur, habitait à la fois chez son père et sa mère, ceci ne fait pas en sorte qu’on doive obligatoirement considérer les domiciles du père et de la mère comme « le » domicile du travailleur au moment d’appliquer la loi.
Notion de biens et commodités
Selon la jurisprudence, certains endroits à proximité du domicile peuvent être considérés comme des biens et commodités.
Cour arrière
- Pelletier et C.L.S.C. de l'Érable, C.L.P. 310082-04B-0702, 5 juillet 2007, A. Quigley.
Considérant que la cour arrière constitue un accessoire du domicile, le tribunal considère que l'aménagement d'un plus grand patio est nécessaire afin d'en permettre l'accès à la travailleuse puisqu'il s'agit d'un bien ou d'une commodité du domicile. De plus, il fournit un moyen d'entrer et de sortir du domicile, de façon autonome.
- Aubé et École de conduite Tecnic Rive-Sud,C.L.P. 376298-62-0904, 7 juillet 2010, C. Racine.
La cour arrière du travailleur constitue une annexe de son domicile et l’adaptation dont il est question à l’article 153 n’a pas pour unique but de permettre d’entrer et de sortir, de façon autonome du domicile, mais également d’avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de ce domicile. Ainsi, la cour arrière est assimilable aux biens et commodités du domicile et le travailleur doit donc pouvoir y accéder en toute autonomie.
Garage
- Poupart et R & G Legault inc.,2011 QCCLP 571.
Un garage est assimilable aux biens et commodités du domicile et l’article 153 n’a pas pour unique but de permettre d’entrer et de sortir du domicile, de façon autonome, mais aussi, d’avoir accès aux biens et commodités de ce domicile, de façon autonome.
Piscine
- Lussier et Steinberg inc.,C.L.P. 143225-62-0006, 5 avril 2001, G. Godin.
La piscine constitue un accessoire du domicile du travailleur et doit donc être considérée comme bien ou commodité du domicile.
- Damico et Comark Services Division,C.L.P 272116-61-0509, 27 juillet 2006, G. Morin.
Une piscine doit être considérée comme un bien ou une commodité du domicile.
- Gendreau et H & R Block Canada inc., 2011 QCCLP 5766.
Une piscine constitue un accessoire du domicile d’un travailleur et, à ce titre, elle doit être considérée comme bien ou commodité de ce domicile.