Interprétation

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. 166. But de la réadaptation professionnelle

Ouverture du droit à la réadaptation professionnelle

La jurisprudence considère que l'article 166 faisant partie du chapitre de la réadaptation, un travailleur doit conserver une atteinte permanente en lien avec sa lésion professionnelle pour avoir droit à la réadaptation professionnelle. Une lésion professionnelle entraînant des limitations fonctionnelles, mais une atteinte permanente fixée à 0 % ou encore une atteinte permanente non quantifiable selon le Règlement sur le barème des dommages corporels permet l'ouverture du droit à la réadaptation.

Quant à l'existence d'une atteinte permanente, la jurisprudence établit que le droit à la réadaptation s'ouvre à la date où il devient médicalement possible de prévoir qu'une atteinte permanente résultera de la lésion professionnelle.

De plus, le droit à la réadaptation professionnelle est également établi en fonction de ce que l'état du travailleur requiert réellement en vue de sa réinsertion professionnelle. Ainsi, dans la mesure où le travailleur est capable d'exercer son emploi prélésionnel malgré ses limitations fonctionnelles, il est possible qu'aucune mesure de réadaptation ne soit nécessaire.

Voir :

Article 145, rubrique Interprétation.

Ressources Aur inc. et Dupuis, C.L.P.226645-08-0402, 18 août 2005, P. Prégent.

Il y a lieu de faire la distinction entre un droit acquis à la réadaptation et les besoins des services de la réadaptation en fonction de l’état du travailleur au moment où le droit est acquis. En l'espèce, bien que le travailleur conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente de 1,1 % lui donnant droit à la réadaptation, son état ne requiert pas les services de la réadaptation, car il ne conserve aucune limitation fonctionnelle.

Groupe Cascades inc. et Désormeaux, C.L.P. 360196-64-0810, 22 décembre 2009, M. Carignan.

Dès qu'un travailleur a droit à la réadaptation en vertu de l'article 145, il a droit de bénéficier des mesures de réadaptation professionnelle s'il remplit les conditions énumérées à la loi. Les limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle doivent le rendre incapable de reprendre son emploi prélésionnel. La lésion n'a pas à être consolidée pour donner ouverture à la réadaptation professionnelle. S'il est médicalement prévisible que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles qui le rendent incapable d'exercer son emploi, il peut bénéficier des mesures de réadaptation professionnelle dans la mesure où son état le permet. 

Révision rejetée, 8 octobre 2010, M. Langlois.

Morelli et Commission scolaire Kativik, C.L.P. 407720-63-1004, 30 septembre 2010, I. Piché.

L'article 145 stipule qu'un travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état en vue, notamment, de sa réinsertion professionnelle. Dans la mesure où une lésion professionnelle entraîne un déficit anatomophysiologique, mais aucune limitation fonctionnelle ou encore, dans le cas où la restriction émise ne contrevient d'aucune façon au travail exercé, il n'est pas nécessaire de recourir aux mesures de réadaptation, le travailleur étant à même de réintégrer son emploi. 

Dalcon inc. et Champagne, 2012 QCCLP 5544.

Le droit à la réadaptation s'ouvre à la date où il est médicalement possible de déterminer l'atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle, indépendamment de la consolidation de la lésion. Un tel droit est acquis lorsque le médecin traitant produit un rapport final (non contesté) dans lequel il prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. La CSST peut alors, dans le but de faciliter la réinsertion au travail, diriger le travailleur dans un programme de développement de ses capacités de travail sans attendre l'issue de la contestation de l'employeur sur l'admissibilité de la réclamation pour débuter le processus de réadaptation. Par ailleurs, la reconnaissance de limitations fonctionnelles empêchant un travailleur de reprendre son emploi prélésionnel constitue une atteinte permanente, entraînant le droit à la réadaptation.

Voir également :

Transport Hervé Lemieux 1975 inc. et Hajli, 2014 QCCLP 4721.

Évaluation de la capacité du travailleur

Selon la jurisprudence, il est essentiel d’examiner la capacité d’un travailleur à exercer l'emploi occupé au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, pour déterminer son admissibilité au programme de réadaptation professionnelle.

Lorsque les limitations fonctionnelles en lien avec la lésion professionnelle sont incompatibles avec les tâches de l'emploi, le droit à la réadaptation est reconnu et des mesures doivent alors être mises en place par la CNESST afin de rendre le travailleur capable d'exercer son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable. 

Di Bartolo et Studio de photo Tre Color enr., C.L.P. 136129-72-0004, 19 décembre 2000, L. Crochetière.

La première étape du processus est de déterminer si le travailleur est capable d'exercer son emploi en vérifiant la compatibilité entre les tâches de cet emploi, telles qu'exercées, et les limitations fonctionnelles. Si elles sont incompatibles, le droit à la réadaptation doit être reconnu et des mesures doivent être mises en place afin de rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, sinon un emploi convenable. Tenter d'intervenir dans la façon dont un travailleur exécute ses tâches avant même de décider de sa capacité d'exécuter son emploi prélésionnel ou en décidant de cette capacité inverse les étapes d'analyse.

À la seconde étape, une fois que la détermination de la capacité du travailleur d'exercer son emploi est franchie, il s'agit d'examiner en l'espèce, la possibilité que le travailleur puisse refaire son emploi de photographe en modifiant ses tâches et en intégrant des principes d'hygiène posturale, etc. Analyser ces éléments lors de la première étape modifie une donnée invariable de l'adéquation, soit l'emploi prélésionnel.

Savard et L.A. Hébert ltée, C.L.P. 212704-64-0307, 5 juillet 2004, M. Montplaisir.

Lorsque la CSST conclut qu'une des conséquences de la lésion professionnelle est de rendre le travailleur incapable d'exercer son emploi, elle doit effectuer les démarches prévues au chapitre sur la réadaptation pour atteindre l'objectif fixé par le législateur à l'article 166, soit de faciliter sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

Reynaud et Groupe Dynamite inc., C.L.P. 246791-71-0410, 3 septembre 2007, L. Landriault.

Selon les étapes prévues à la loi, lorsqu’un travailleur conserve des limitations fonctionnelles à la suite d’une lésion professionnelle, la CSST doit décider si ses limitations fonctionnelles le rendent incapable d’exercer son emploi. S'il est incapable d’exercer son emploi, la CSST voit si une mesure de réadaptation pourrait le rendre capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent (article 169 de la loi). Lorsqu’aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalent, la CSST demande à l’employeur s’il a un emploi convenable disponible pour lui (article 170). Lorsque l’employeur n’a aucun emploi convenable disponible, la CSST détermine un emploi convenable ailleurs sur le marché de l’emploi (article 171). Chacune des étapes doit être suivie avant de procéder à l’étape suivante.

Suivi :

Révision rejetée, 31 janvier 2008, M. Carignan.

Bédard et La Pérade Ford Mercury inc., [2008] C.L.P. 1142.

La CSST doit considérer l’emploi tel qu’il était au moment de la survenance de la lésion professionnelle, lorsqu’elle doit décider de la capacité du travailleur à reprendre son emploi, sans égard aux aménagements divers que l’employeur est disposé à proposer pour rendre l’emploi compatible avec la limitation fonctionnelle. Autrement, le travailleur qui a droit à la réadaptation se retrouverait dans un cul-de-sac si ultérieurement, l'employeur ne peut plus lui offrir ces aménagements ou s'ils ne peuvent lui être offerts ailleurs sur le marché du travail. Si le travailleur ne peut exécuter son emploi tel qu’il était, son droit à l’IRR dépend de la réponse à la question de savoir s’il a besoin de réadaptation pour devenir capable d’exercer un emploi convenable. Cette question ne peut être évacuée en considérant l’emploi réaménagé pour le rendre compatible avec la limitation fonctionnelle comme étant « son emploi » au sens de l’article 47.

Arsenault et Wal-Mart Canada (commerce détail), 2015 QCCLP 1866.

La démarche édictée par le législateur où la capacité de la travailleuse à exercer « son emploi » est privilégiée, alors que celle permettant de la rendre capable d'exercer un « emploi convenable » ne survient que lorsque la première étape ne peut se réaliser. Cette démarche séquentielle en deux étapes s'avère importante puisque l'incapacité de la travailleuse d'exercer « son emploi » donne ouverture à la réadaptation professionnelle afin de la rendre capable ou non d'exercer « son emploi » ou à défaut un « emploi convenable ». 

Blair et Résidences Soleil Manoir Mont-Saint-Hilaire, 2016 QCTAT 3100.

La première intervention du service de réadaptation de la CSST consiste à établir si la travailleuse est capable d'exercer à nouveau son emploi ou à défaut, si des mesures de réadaptation professionnelle peuvent faciliter sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent. À ce stade, cette analyse s'effectue uniquement en tenant compte des limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.

Côté et Résidence Christ-Roi, 2016 QCTAT 6969.

Afin d'établir si la travailleuse est capable d'exercer son emploi, le tribunal doit d'abord analyser le type d'emploi occupé au moment de la lésion professionnelle. Il doit ensuite s'attarder aux circonstances entourant la lésion professionnelle et identifier les limitations fonctionnelles. Il doit comparer les conditions d'emploi avec les limitations fonctionnelles reconnues. La travailleuse étant incapable d'exercer son emploi étant donné les limitations fonctionnelles qui découlent de sa lésion, le tribunal retourne le dossier à la CNESST afin de lui offrir la réadaptation à laquelle elle a droit.

Roy et Placements Expert inc., 2018 QCTAT 6046.

C’est en analysant le poste de travail de la travailleuse, relativement aux limitations fonctionnelles retenues, que la CSST peut déterminer si les tâches accomplies sont compatibles avec ses limitations fonctionnelles. Si les tâches ne le sont pas, la travailleuse aura droit aux mesures de réadaptation professionnelle. Si les tâches sont compatibles, la CSST doit conclure que la travailleuse conserve sa pleine capacité d’exercer son emploi prélésionnel et qu’elle n’a aucun besoin en réadaptation professionnelle.

Voir également :

Deslauniers et Centre de Transition le Sextant inc., C.L.P. 363540-61-0811, 13 octobre 2009, F. Juteau.

Chabot et C.S.S.S. Alphonse-Desjardins, 2014 QCCLP 965.

Gamache et CSSS de Rouyn-Noranda, 2017 QCTAT 63.