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. 179. Assignation temporaire d'un travail

L'employeur peut assigner un travail au travailleur

L’employeur est le seul à pouvoir assigner temporairement un travail au travailleur, mais il n’a aucune obligation de le faire. 

Fournier et Métro Richelieu inc., C.L.P. 239434-71-0407, 20 mai 2005, C. Racine.

L’employeur n’a aucune obligation d’assigner temporairement un travail à un travailleur. Il bénéficie de cette opportunité mais la loi ne crée pas de contrainte à cet égard. L’employeur n’a également aucune obligation de maintenir une telle assignation. Elle peut être interrompue sans que le travailleur puisse s’y opposer puisque la loi ne lui offre aucun recours à ce sujet.

Martel et Papeterie Donnacona, C.L.P. 332281-31-0711, 17 avril 2009, H. Thériault.

Il appartient à l'employeur de se prévaloir ou non de son droit d'assigner temporairement le travailleur dans la mesure où il respecte les conditions prévues par la loi.

Existence d'un lien d'emploi

La jurisprudence établit que la rupture du lien d'emploi à la suite d'un licenciement, d'une démission ou d'un congédiement empêche l'employeur d'assigner un emploi temporaire au travailleur puisqu'il n'y a plus de lien d'emploi entre eux.

Véranda Jardin RP inc. et Fournier, C.L.P. 115569-04B-9904, 24 janvier 2000, P. Simard.

En l'absence d'un lien d'emploi, les dispositions des articles 179 et 180 ne peuvent être accessibles à l'ex-employeur d'un travailleur. En 1997, il y a eu rupture du lien d'emploi et à aucun moment il n'a été rétabli. Après la RRA, l'employeur a utilisé les dispositions de l'article 179 pour tenter de minimiser ses coûts, ce qu'il ne pouvait faire. 

SGT 2000 inc. et Tyutyunnikov, C.L.P. 158046-71-0103, 28 septembre 2001, H. Rivard.

L'employeur ne pouvait exiger une assignation temporaire en l'absence d'un lien d'emploi, soit après la démission du travailleur, puisque ce dernier n'était plus son employé.

Chaput et Distributions Gypco 1988 inc., C.L.P.173764-71-0111, 27 mai 2002, L. Landriault.

Lorsque l'employeur a mis fin à l'emploi du travailleur, il renonçait implicitement à son droit de l'assigner temporairement à un autre travail. 

Boudreault et Michael Rossy ltée, 191471-09-0210, 27 août 2003, J.-M. Laliberté.

L'article 179 exige que le lien contractuel unissant un employeur et un travailleur existe pour qu'une telle assignation temporaire puisse se réaliser. La travailleuse ayant donné sa démission pour des raisons de nature purement personnelle, l'employeur n'était plus son employeur et ne pouvait plus lui assigner temporairement quelque travail que ce soit.

Nadeau et Fourgons Transit inc., C.L.P. 240084-62B-0407, 11 mars 2005, N. Blanchard. 

En l'absence d'un lien d'emploi, les dispositions prévues pour l'assignation temporaire à l'article 179 ne peuvent être accessibles à un ex-employeur d'un travailleur. 

St-Germain Lambert et Sobeys (IGA Extra), C.L.P. 239011-01B-0407, 19 mars 2007, D. Gruffy.

Conformément à l'article 179, le travailleur n'est pas tenu de faire le travail qu'on lui assigne et continue d'avoir droit à la poursuite du versement de l'IRR s'il n'est pas d'accord avec son médecin et s'il conteste cette assignation temporaire, ce qu'il a fait jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue à ce sujet. Lorsque l'employeur congédie le travailleur par la suite, toute demande d'assignation temporaire est devenue impossible. 

Usines Giant inc. et Lévesque, 2011 QCCLP 6726.

Bien qu'un travailleur puisse être assigné temporairement dans un autre établissement appartenant à l'employeur, il en va autrement lorsque le lieu de travail visé concerne un autre employeur puisque cet article prévoit que c'est l'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qui peut procéder à une assignation temporaire. Il faut donc qu'il existe un lien entre le travailleur et l'employeur. Or, l'employeur a établi avoir transféré une partie de ses équipements dans les locaux d'une autre entreprise, mais il n'a produit aucune preuve concernant les installations. Cet autre établissement ne peut donc être relié à l'employeur: le lien qui l'unit à cet autre employeur est un lien d'agrément d'affaires s'apparentant à de la « sous-contraction » et n'ouvre pas la voie à une assignation temporaire plus étendue. 

Voir cependant :

Structures R.B.R. inc. et Tardif, 2011 QCCLP 2742.

Selon les principes généraux reconnus en droit du travail, la rupture définitive du lien d'emploi ne survient qu'à la suite d'un licenciement, d'une démission ou d'un congédiement. La mise à pied temporaire ne constitue pas une telle rupture du lien d'emploi. Ainsi, le fait que l'emploi régulier de la travailleuse soit temporairement non disponible pour une période de temps indéterminée n'empêche pas une assignation temporaire, dans la mesure où elle respecte les conditions prévues à la loi.

Conditions requises à l'assignation temporaire

Selon la jurisprudence, il essentiel que le médecin qui a charge du travailleur autorise l'assignation temporaire en regard des trois conditions énumérées à l'article 179, soit que le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir le travail visé par l'assignation temporaire; ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique de travailleur compte tenu de sa lésion; et ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

De plus, la jurisprudence établit que le médecin qui a charge doit donner son avis avant que ne débute l'assignation temporaire ou que ne soit modifier le travail proposé en assignation temporaire.

L'autorisation du médecin qui a charge 

Premier Tech Industriel ltée et Carrier, [2004] C.L.P. 1627.

Ce n’est pas parce que le médecin qui a charge coche « oui » à côté de certaines tâches, dans une annexe, que l’on peut présumer qu’il a pris connaissance des trois questions relatives au bien-fondé de l’assignation temporaire et y a répondu affirmativement. En l'espèce, aucune preuve ne démontre que le médecin a approuvé l'assignation temporaire proposée par l'employeur et qu'il a jugé qu’elle respectait les critères de l’article 179. 

Morin et Sécurité et Investigation Optimum inc., C.L.P.266319-08-0507, 9 janvier 2006, Monique Lamarre.

Le travailleur n'est plus en mesure d'effectuer l'assignation temporaire proposée par l'employeur en raison d'une exacerbation des symptômes de sa lésion professionnelle. L'employeur doit alors soumettre un nouveau formulaire au médecin traitant pour obtenir son consentement s'il veut réaffecté le travailleur à des tâches encore plus légères.

Scierie Clermond Hamel ltée et St-Pierre, C.L.P. 291132-03B-0606, 11 septembre 2006, P. Brazeau.

La seule condition prévue à l'article 179 donnant ouverture à un employeur à assigner temporairement un travailleur en attendant que celui-ci redevienne capable d'exercer son emploi ou un emploi convenable, consiste à obtenir de la part du médecin qui a charge du travailleur un document certifiant que ce dernier est raisonnablement en mesure d'accomplir le travail auquel l'employeur veut l'assigner temporairement, que ce travail ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique compte tenu de sa lésion et qu'il est favorable à sa réadaptation.

Coopérative Services Domicile Lotbinière et Cardinal, C.L.P. 334950-03B-0712, 9 décembre 2008, A. Tremblay.

Le médecin traitant est le seul autorisé à décider si les tâches temporaires proposées à un travailleur respectent les trois conditions énumérées à l'article 179. L'employeur demande à la travailleuse, en sus des tâches administratives qui lui ont été confiées, d'exercer des tâches ménagères. Or, en ajoutant ces tâches sans avoir consulté préalablement le médecin traitant, l'employeur modifie unilatéralement l'assignation temporaire de la travailleuse.

Dufour et Robert Bury cie ltée, 2011 QCCLP 7711.

Le médecin qui a charge n'a autorisé l'assignation temporaire que pour deux semaines et ne l'a pas renouvelée. En date de la présente décision, l'assignation temporaire ne remplit plus l'une des conditions essentielles à sa validité, soit l'autorisation du médecin qui a charge. Le travailleur ne peut donc être tenu de faire une assignation temporaire qui n'existe plus.

L. Simard Transport ltée et Norris, 2014 QCCLP 4437.

Pour autoriser de manière éclairée l'assignation temporaire d'un travail, le médecin qui a charge devait disposer d'informations pertinentes relatives aux tâches pour apprécier si l'assignation convenait au travailleur. Ainsi, même s'il n'appartient pas au médecin qui a charge de s'assurer que le travailleur possède les compétences et les qualifications pour accomplir les tâches prévues durant son assignation temporaire, il doit néanmoins s'assurer que les conditions de l'article 179 sont satisfaites, à savoir que le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir le travail, que ce dernier ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique et qu'il favorise sa réadaptation. Or, l'énumération de tâches sans aucune description, même sommaire, quant aux positions et mouvements, aux objets à manipuler, aux conditions environnantes ainsi qu'à l'horaire de travail ne permettait pas au médecin d'apprécier si l'assignation temporaire d'un travail proposée par l'employeur respecte les critères prévus à l'article 179.

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 1235.

Commission scolaire Premières-Seigneuries et Tremblay, 2014 QCCLP 2538.

L'autorisation préalable du médecin du travailleur est essentielle et obligatoire. L'assignation temporaire doit avoir été autorisée par celui-ci avant qu'elle ne débute. L'avis du médecin repose sur les trois conditions prévues à l'article 179. Afin de se prononcer, de donner un consentement éclairé et de motiver son avis, le médecin doit nécessairement être en mesure de comprendre le travail que l'employeur s'apprête à assigner au travailleur. À cette fin, l'employeur doit nécessairement l'informer et lui fournir une description complète du poste de travail, des tâches à accomplir et de la charge de travail à assumer ainsi qu'un résumé clair des conditions dans lesquelles les tâches seront effectuées.

Absence de formalisme

La jurisprudence reconnaît toutefois que l'omission du médecin qui a charge de remplir le formulaire d'assignation temporaire conçu par la CSST n'a pas pour effet d'invalider cette assignation lorsque la preuve démontre que les trois conditions de l'article 179 de la loi sont satisfaites.

Manning et Premier Horticulture ltée, [2002] C.L.P. 923.

L'interprétation de la loi ne doit pas être rigide au point que l'on doive se plier à sa lettre et non à son esprit, à la lettre des formulaires et non à l'avis qui y est clairement exprimé. Il apparaît plus que probable que le médecin du travailleur a approuvé les assignations proposées, et ce, même s'il n'a pas coché les réponses aux questions spécifiques. Contrairement à la fois précédente, il n'a pas exprimé son désaccord aux assignations suggérées par l'employeur et il a précisé les limitations fonctionnelles qui devaient être respectées.

Brisebois et Volailles Grenville inc., C.L.P. 157910-64-0103, 29 novembre 2002, J.-F. Martel.

L'article 179 ne soumet à aucun formalisme particulier l'expression de la volonté de l'employeur d'assigner le travailleur à un travail déterminé et celle du consentement du médecin qui a charge, en termes de libellé, de document écrit ou de formulation prescrite. L'important étant que les composantes pertinentes du travail assigné en regard des trois critères énumérés au premier alinéa de l'article 179 soient connues et que l'accord du médecin qui charge ne fasse pas de doute. Exiger en cette matière un formalisme à outrance, comme le voudrait la travailleuse, aurait pour conséquence d'entraver indûment l'application concrète et pratique de la loi.

Chamorro Lopez et Holiday Inn Crown Plaza, C.L.P. 266312-72-0507, 5 octobre 2005, L. Couture.

ll n'est pas toujours nécessaire que le médecin donne son avis sur le formulaire de la CSST, ni que cet avis soit empreint d'un formalisme rigoureux. Il faut cependant que la preuve démontre que le médecin a eu l'occasion de donner son opinion en regard de l'assignation temporaire.

Transylve inc. et Lavictoire, C.L.P. 357176-04B-0808, 11 décembre 2008, A. Quigley.

Bien que le médecin du travailleur autorise une assignation temporaire, il n'utilise pas le formulaire prévu à cet effet par la CSST. Contrairement à l'instance de révision, la CLP estime que la procédure d'assignation temporaire, pour être valide, n'exige pas un tel niveau de formalisme.

C.S.S.S. Québec-Nord et CSST, [2009] C.L.P. 249.

On ne peut se formaliser de l'utilisation, par un médecin, de l'expression « travail léger » qui, dans le langage courant, peut correspondre, dans les faits, à la notion d'assignation temporaire. D'ailleurs, la communauté médicale et les parties utilisent souvent le terme « travail léger » pour désigner ce qui correspond dans la réalité à une « assignation temporaire » au sens de la loi. La finalité de l'article 179 ayant été démontrée, il serait formaliste à outrance d'exiger qu'un médecin produise un formulaire standardisé simplement pour dire la même chose. Il s'agit essentiellement d'une question factuelle qui doit être analysée dans chaque dossier. Le seul fait qu'un formulaire standardisé n'a pas été rempli en cochant chacune des cases n'est pas un élément déterminant. Il s'agit d'analyser, dans l'ensemble, les éléments factuels du dossier et de s'assurer simplement que les objectifs de l'assignation temporaire ont été atteints.

Marché S. Maltais inc. et Carrier, 2012 QCCLP 3053.

L'article 179 de la loi ne prescrit pas de procédure particulière selon laquelle le médecin qui a charge doit émettre son avis sur le travail temporaire proposé par l'employeur. Dans ce contexte, le présent tribunal estime que l'omission de la médecin de la travailleuse de remplir le formulaire conçu par la CSST n'a pas pour effet d'invalider l'assignation temporaire.

Voir également :

Beaudoin et Corbec Division Québec, [2007] C.L.P. 948.

S.M. Transport et Boutin, C.L.P 355368-03B-0808, 27 janvier 2010, R. Savard.

Hydro-Technologies Canada inc. et Noël, 2012 QCCLP 5979.  

Travail que le travailleur peut raisonnablement accomplir

La jurisprudence établit que la capacité du travailleur d'accomplir son assignation temporaire doit tenir compte de la condition globale de ce dernier et non seulement la condition engendrée par la lésion professionnelle.

Garand et Montupet Ltée, C.L.P. 165191-62C-0107, 28 juin 2002, R. Hudon.

Le médecin recommandait l'assignation temporaire avec le port d'un masque pour une durée maximum de 2 heures afin que le travailleur ne soit pas exposé à la poussière de silice. L'employeur a plutôt demandé au travailleur de porter le masque à raison de 8 heures par jour. De plus, comme le travailleur présentait un risque de faire des crises d'hyperventilation en raison d'une tendance à paniquer, condition personnelle dont l'employeur devait tenir compte, le travailleur était fondé de refuser de porter un masque pendant une journée entière et, donc, de refuser l'assignation temporaire.

Manning et Premier Horticulture ltée, [2002] C.L.P. 923.

Ce premier critère, contrairement au second, ne réfère pas à la lésion professionnelle : il englobe par conséquent l'ensemble de la capacité du travailleur et non uniquement celle reliée à sa lésion professionnelle.

Alcan Aluminium ltée — Usine Saguenay et Ratthé, [2004] C.L.P. 1152.

Quant aux conditions d'application prévues à l'article 179, la première condition est remplie, puisque le travailleur est, non pas parfaitement ni totalement, mais raisonnablement en mesure d'accomplir le travail requis par l'employeur. En effet, le travail assigné se limitait strictement à l'inspection visuelle et n'impliquait aucun aspect physique, et donc aucune utilisation du membre supérieur droit. La capacité du travailleur doit s'évaluer par rapport à des facteurs objectifs. Toute autre interprétation reviendrait à stériliser l'article 179 puisqu'il suffirait alors à un travailleur de mentionner qu'il a des douleurs ou qu'il est indisposé pour qu'on ne puisse accepter l'assignation temporaire. 

L. Simard Transport ltée et Norris, 2014 QCCLP 4437.

Le médecin doit disposer d'un minimum d'informations pertinentes pour apprécier chacune des conditions prévues à l'article 179 et la capacité du travailleur à accomplir les tâches de l'assignation temporaire, et ce, en tenant compte de sa lésion.

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 1235.

Travail sans danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur

 La jurisprudence établit que la notion de danger vise la menace appréhendée qui risque de s'actualiser de façon probable en raison des circonstances.

Alcan Aluminium ltée — Usine Saguenay et Ratthé, [2004] C.L.P. 1152.

La deuxième condition est que le travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion. Même si la majorité de la jurisprudence établissant que le danger se distingue du risque a été rendue en vertu de la LSST, elle est applicable à l'article 179 puisque le but de prévention et de protection de cet article est similaire à celui qui gouverne la LSST. Pour conclure à une situation de danger au sens de la loi, il faut se demander si la menace appréhendée s'actualisera de façon probable compte tenu des circonstances.

Beaudoin et Corbec Division Québec, [2007] C.L.P. 948.

Le but de l’article 179 est préventif. Les conditions auxquelles le médecin qui a charge doit donner son accord visent principalement à éviter que le travailleur ne subisse de nouveaux problèmes de santé. Pour conclure à une situation de danger au sens de la loi, il faut se demander si la menace appréhendée s'actualisera de façon probable compte tenu des circonstances. 

L. Simard Transport ltée et Norris, 2014 QCCLP 4437.

L'article 179 n'impose pas expressément d'obligation d'examiner le travailleur avant d'autoriser une assignation temporaire de travail. Sans ajouter une exigence qui n'est pas prévue à la loi, le médecin qui a charge doit disposer des éléments requis pour donner une autorisation de manière éclairée à une assignation temporaire ne comportant pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur.

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 1235.

Travail favorable à la réadaptation du travailleur

Selon la jurisprudence, puisque l'article 179 fait partie du chapitre de la réadaptation de la loi, l'assignation temporaire constitue une mesure de réadaptation. En effet, l'assignation temporaire joue un rôle important dans la réadaptation du travailleur. Elle lui permet de garder contact avec son milieu de travail et de maintenir ses habitudes de travail.

Pouliot et J. M. Asbestos inc., [2000] C.L.P. 1128.

Une assignation temporaire peut être valable même s'il n'existe pas de connexité entre l'activité qui la compose et le travail habituel d'une personne. En effet, une telle mesure est nécessairement temporaire et le fait de permettre à un individu de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver par le fait même ses habitudes peut constituer un facteur qui favorise sa réadaptation.

Fortin et Accessoires d'ameublement AHF ltée, C.L.P. 146022-72-0009 , 31 mai 2001, F. Juteau.

Un travail favorable à la réadaptation signifie que ce travail peut être favorable à la réadaptation physique mais également à la réadaptation sociale et professionnelle. Même si la travailleuse ne semble pas apprécier le travail proposé en assignation temporaire, ceci ne constitue pas un critère qui doit être retenu dans le cadre de l'application de l'article 179. L'assignation temporaire proposée par l'employeur est favorable à la réadaptation de la travailleuse car elle lui permet de garder contact avec son milieu de travail et de conserver ses habitudes de vie.

Gagné et Centres jeunesse Chaudière-Appalaches, C.L.P. 195365-03B-0211, 9 avril 2003, M.Cusson.

Une assignation temporaire peut être valable même s'il n'existe pas de connexité entre l'activité proposée et le travail habituel, puisqu'il s'agit d'une mesure temporaire et que l'objectif est de permettre au travailleur de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver, par le fait même, ses habitudes, ce qui favorise la réadaptation.

Alcan Aluminium ltée — Usine Saguenay et Ratthé, [2004] C.L.P. 1152

La troisième et dernière condition exige que le travail soit favorable à la réadaptation du travailleur, soit, selon la jurisprudence, un travail qui permet la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur. La mise à la disposition du travailleur d'un travail adapté tenant compte de sa capacité résiduelle et de ses qualifications professionnelles doit être perçue à prime abord comme favorable à sa réadaptation à moins de preuve contraire.

Dessailly et DrolEx , C.L.P. 322626-08-0706, 14 septembre 2007, F. Daigneault.

Pour apprécier si l'assignation temporaire est favorable à la réadaptation du travailleur, il faut vérifier si elle lui permet de garder le contact avec son milieu de travail et de conserver ses habitudes de travail. 

Retour progressif considéré comme une assignation temporaire

La jurisprudence établit que le retour progressif chez l'employeur doit être considéré comme une assignation temporaire.

Hydro-Québec et Godin, C.L.P. 344086-62C-0804, 2 mars 2010, R. L. Beaudoin.

Le retour au travail progressif ne se situe pas dans un processus de réadaptation. Un éventuel échec de ce retour progressif au travail ramènerait le travailleur dans un processus d'indemnisation et d'attente de la consolidation de la lésion professionnelle. En l'absence d'une qualification formelle du processus de retour progressif au travail, celui-ci présente plus de caractéristiques propres à une assignation temporaire qu'à un processus de réadaptation, l'élément déterminant étant l'absence de consolidation de la lésion professionnelle et donc d'une détermination de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles causées par la lésion professionnelle.

Lemelin et R.T.C. Garage, C.L.P. 404197-31-1003, 21 décembre 2010, G. Tardif.

En interprétant la loi de façon large et libérale, particulièrement les articles 52 et 179, la notion d'assignation temporaire couvre toutes les situations de retour au travail chez l'employeur autres que le retour à « son emploi ». Le retour progressif au travail doit être considéré comme une assignation temporaire. 

Martel et R.T.C. Garage, 2013 QCCLP 1693.

L'article 1 prévoit que la loi vise la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. Le tribunal convient qu'un retour progressif au travail ne présente pas toutes les caractéristiques d'une assignation temporaire. Cependant, afin d'assurer un continuum à la protection accordée à la travailleuse et d'éviter qu'elle ne se retrouve dans un vide juridique, il y a lieu d'assimiler un tel retour progressif au travail à une assignation temporaire.

Déplacement du travailleur au lieu de travail

Selon la jurisprudence, un travailleur n'a pas droit aux frais de déplacement pour se rendre à un établissement de l'employeur pour y effectuer une assignation temporaire, à moins qu'il ne s'agisse d'un avantage dont il bénéficiait avant sa lésion professionnelle.

Laliberté & Associés inc. et Roy, C.L.P. 259357-72-0504, 8 septembre 2005, M. Denis.

Les critères émis par le législateur pour une assignation temporaire se retrouvent à l'article 179 et s'avèrent respectés dans le présent cas. Le transport de l'employé à son lieu de travail n'est pas une considération inhérente à la capacité de la travailleuse à effectuer un travail en assignation temporaire. Et rien dans la loi n'oblige un employeur à assumer les coûts de transport d'un travailleur de sa résidence à son lieu de travail, à moins que cet avantage ne soit préalablement accordé au travailleur, conformément à l'article 180. Aucune preuve de ce genre n'ayant été apportée, la travailleuse était capable d'effectuer le travail en assignation temporaire. 

Gagnon et Groupe Alcan Métal Primaire, C.L.P.292051-02-0606, 8 février 2007, R. Deraiche.

Le travailleur qui doit parcourir 200 kilomètres de plus par semaine en raison de son assignation temporaire n'a pas droit au remboursement des frais engagés pour ces déplacements. En effet, l'employeur n'est tenu de verser que le salaire et les avantages prévus à la loi. Or, il n'a pas été démontré que l'employeur payait les frais de déplacement du travailleur avant la survenance de l'accident. 

Bilodeau et Transport Doucet & fils, 2013 QCCLP 5005.

L'employeur n'a pas à fournir au travailleur un moyen de transport adapté afin que celui-ci se rende au travail et puisse effectuer ses tâches en assignation temporaire. Les critères énoncés à l'article 179 de la loi sont remplis et le transport de l'employé à son lieu de travail n'est pas une considération inhérente à sa capacité d'effectuer l'assignation temporaire. En l'espèce, il n'a pas été démontré que le transport ou le coût du transport étaient préalablement accordés au travailleur, ainsi que l'énonce l'article 180, de sorte qu'il appartient au travailleur de s'assurer de son propre déplacement pour se présenter à son assignation temporaire. Si le travailleur ne désire pas utiliser le moyen de transport mis gratuitement à sa disposition par l'employeur, il doit prendre les moyens pour se rendre lui-même au travail.

Application de l'article 179 malgré la Convention collective

La jurisprudence établit que l'assignation temporaire est valable quand elle répond aux trois conditions de l'article 179. Le respect de la convention collective, qui peut régir l'employeur et ses travailleurs, dont le travailleur victime d'une lésion professionnelle, ne fait pas partie de ces conditions. Ainsi, l'article 179 de LATMP a préséance sur la convention collective.

Gagné et Centres Jeunesse Chaudière-Appalaches, C.L.P. 195365-03B-0211, 9 avril 2003. M. Cusson.

La travailleuse ne précise pas être incapable, sur le plan médical, d'accomplir le travail en assignation temporaire. Son refus repose essentiellement sur le fait qu'elle ne veut pas faire ce travail qui ne tient pas compte de ses compétences à titre d'éducatrice spécialisée, et ce, en se référant à sa convention collective. Une convention collective ne peut avoir préséance sur l'application de l'article 179. La CLP ne voit pas en quoi il serait plus avantageux pour la travailleuse de rester chez elle, alors que l'employeur est disposé à lui offrir un travail qu'elle est en mesure de faire, et ce, parce que l'emploi offert en assignation temporaire ne s'inscrit pas dans une activité connexe à son travail d'éducatrice spécialisée.

Sigouin et Centre hospitalier de l'Université de Montréal, C.L.P. 239788-62-0407, 11 juillet 2006, R. L. Beaudoin.

Le défaut de respecter la convention collective (préavis de sept jours) lorsque l'assignation de mai 2004 a été proposée n'est pas un motif que la CLP peut retenir. Comme le travail de réceptionniste proposé par l'employeur en assignation temporaire répondait aux exigences des dispositions de l'article 179 et est conforme à l'autorisation du médecin traitant, la travailleuse était en mesure de l'accomplir.

Gagnon et Terminaux Portuaires du Québec inc., C.L.P. 285610-02-0603, 16 janvier 2007, R. Deraîche.

L'existence même de l'emploi assigné n'est pas pertinente au débat puisque le tribunal n'a pas compétence pour trancher un litige relié à l'application d'une convention collective. De plus, l'article 179 mentionne spécifiquement que l'employeur « peut assigner temporairement un travail » sans en spécifier l'origine. Si ce travail est aussi régi par une autre instance, le débat doit être fait devant l'instance ayant compétence pour régler le litige. L'assignation temporaire concernant la comptabilisation de la marchandise est donc valable et le travailleur est tenu de l'effectuer.

Procédure de contestation du travailleur

Selon la jurisprudence, la procédure de contestation prévue à la loi doit être respectée. Ainsi, le travailleur qui n’est pas d’accord avec le médecin qui a charge, en ce qui a trait à son assignation, peut se prévaloir de la procédure de contestation prévue aux articles 37 à 37.3 LSST. La loi ne prévoit aucun délai pour contester le rapport du médecin qui a charge. Dans ce contexte, le travailleur n’est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n’est pas confirmé par une décision finale.

Selon l'article 37 LSST, le travailleur qui prétend ne pas être en mesure d'accomplir les tâches qui lui ont été assignées par son employeur, doit s'adresser au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur pour qu'ils examinent sa demande et décident de cette question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de santé publique de la région où se trouve l'établissement.

Dans le cas où il n'y a pas de comité de santé et sécurité ni de représentant à la prévention chez l'employeur, le travailleur peut s'adresser directement à la CSST.

Voir :

Articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail

Cie de papier Québec & Ontario ltée et Gagnon, C.A.L.P. 50490-09-9304, 24 août 1995, R. Jolicoeur.

Pour contester l'assignation temporaire, le travailleur doit se prévaloir de la procédure prévue aux articles 37 à 37.3 LSST. En ce cas, l'article 179 prévoit que le travailleur n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale. Lorsqu'une décision finale confirme l'avis de ce médecin, le travailleur est tenu, à compter de ce moment, de faire le travail qui lui est assigné.

Gauthier et Caradon ltée (Division Indalex), C.L.P. 142827-62C-0006, 6 décembre 2000, V. Bergeron.

L'article 37 LSST prévoit expressément une procédure dans le cas où le travailleur croit qu'il n'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles il est affecté par son employeur. Or, le travailleur n'a pas respecté cette procédure. Cependant, l'employeur a fait plusieurs tentatives pour que cette question d'assignation soit examinée et décidée par le Comité de santé et de sécurité. Toutefois, devant le refus des membres syndicaux siégeant à ce comité et en l'absence de procédure explicite du comité pour régler les différends, l'employeur s'est adressé à la CSST. Compte tenu des faits particuliers en l'espèce, cette dernière devait recevoir les demandes du travailleur et de l'employeur, et rendre sa décision tel qu'elle l'a fait.

Plante et Scierie Gallichan inc., C.L.P. 198923-08-0302, 17 mars 2003, R. Deraiche.

La décision prise par le comité de santé et de sécurité est invalide. L'article 37 LSST exige que le médecin responsable de l'établissement soit consulté, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Scierie Clermond Hamel ltée et St-Pierre, C..L.P. 291132-03B-0606, 11 septembre 2006, P. Brazeau.

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin ayant charge, il peut se prévaloir de la procédure prévue aux articles 37 à 37.3 LSST, auquel cas il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

Beaudoin et Corbec Division Québec, [2007] C.L.P. 948.

Si le travailleur est en désaccord avec le médecin qui a charge, lorsque ce dernier donne son accord en considérant les critères de l'assignation temporaire, il peut se prévaloir de la procédure prévue aux articles 37 à 37.3 LSST et il n'est pas tenu de faire ce travail tant que le rapport du médecin qui a charge n'est pas confirmé par une décision finale. Le législateur prévoit d'abord qu'une demande doit être faite au comité de santé et de sécurité de l'établissement ou, à défaut, au représentant à la prévention et à l'employeur pour examiner et décider de la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement. S'il n'y a pas de comité de santé et de sécurité ni de représentant à la prévention, le travailleur peut s'adresser directement à la CSST.

Ouellet et Portes d'armoires Parco, C.L.P. 395022-01A-0911, 12 mai 2010, J. Landry.

Comme la travailleuse n'était pas d'accord avec son médecin traitant, elle pouvait se prévaloir de la procédure prévue à l'article 37 LSST. Or, le comité de santé et de sécurité a omis de rendre sa décision en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de la santé publique de la région où se trouve l'établissement, contrairement à ce qui est prévu à cet article. Cette consultation est une obligation. Ainsi, la décision rendue par le comité est irrégulière et la travailleuse n'était pas tenue d'occuper l'assignation temporaire autorisée par le médecin traitant. 

Dufour et Robert Bury cie ltée, 2011 QCCLP 7711.

Le recours prévu à l'article 37 LSST doit céder le pas au texte de l'article 179 LATMP. En effet, l'article 179 indique la marche à suivre pour contester une assignation temporaire, mais il précise que, « dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale ». En l'espèce, c'est de bon droit que le travailleur s'est adressé à la CSST pour contester l'assignation temporaire, puisqu'il n'y a pas de comité de santé et sécurité ni de représentant à la prévention chez l'employeur.

Droit à l'IRR

Un travailleur qui subit une lésion professionnelle, qui le rend incapable d'exercer son emploi, a droit à l'IRR (article 44). Le droit à l'IRR s'éteint notamment lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi ou un emploi convenable ( articles 47 et 57).

Lorsqu'un employeur affecte le travailleur a un travail en assignation temporaire et ce, conformément  à l'article 179, le travailleur est tenu d'exercer cette assignation à moins qu'il ne la conteste en vertu de l'article 37 de la  LSST. Dans ce cas, la jurisprudence reconnaît que le travailleur a droit à l'IRR et n'est pas tenu d'effectuer l'assignation temporaire tant qu'il n'y a pas de décision finale sur la validité de l'assignation temporaire.

La jurisprudence établit également que lorsque le travailleur effectue l'assignation temporaire, la CSST suspend le versement de l'IRR puisqu'il reçoit de son employeur le salaire et les avantages liés à son emploi.

Par ailleurs, la jurisprudence du tribunal retient que dans certaines circonstances, le travailleur a droit à la reprise du versement de l'IRR lorsque l'assignation temporaire n'est plus offerte par l'employeur ou que le travailleur n'est pas en mesure de l'exercer.

Voir :

Article 142 (2 ) (e) Suspension de l'IRR

Lors de la contestation de l'assignation temporaire

La jurisprudence reconnaît qu’un travailleur qui n’exerce pas l’assignation temporaire car il conteste l’avis du médecin qui a charge selon la procédure prévue à l'article 37 de la LSST, quant à sa capacité de l’exercer a droit au versement de l’IRR jusqu’à ce qu’une décision finale confirme cet avis ou qu’il redevienne capable d’exercer son emploi.

Levert c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, [2000] C.L.P. 719 (C.A.).

La travailleuse avait le droit de recevoir l'IRR pendant la période écoulée entre sa contestation de l'assignation temporaire et la fin de son incapacité à reprendre son emploi habituel. La CSST n'avait aucun droit de demander le remboursement de l'IRR reçue durant cette période. 

Pointe-Nor inc. (Gravier) et Drolet, C.L.P. 252054-08-0501, 6 mai  2005, P. Prégent.

Le travailleur refuse de se conformer à l'assignation temporaire.  Il en avise verbalement la CSST le 7 octobre 2004 et, par écrit, douze jours plus tard. Il se dit incapable d'effectuer les travaux proposés. Dès lors, la CSST aurait dû considérer le comportement du travailleur comme une contestation de l'assignation temporaire dès le 7 octobre 2004. Dans les circonstances, en vertu des dispositions de l'article 179, le travailleur n'était pas tenu d'effectuer les travaux proposés jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue. La CSST doit reprendre le versement de l'IRR pendant cette période.

St-Germain Lambert et Sobeys (IGA Extra), C.L.P 239011-01B-0407, 19 mars 2007, D. Gruffy.

Conformément à l'article 179, le travailleur n'est pas tenu de faire le travail que l'employeur lui assigne et continue d'avoir droit à la poursuite du versement de l'IRR s'il n'est pas d'accord avec son médecin et s'il conteste cette assignation temporaire jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue.

Lors de l'exécution à temps partiel de l'assignation temporaire

Selon la jurisprudence du tribunal, lorsqu’un travailleur n’exerce une assignation temporaire qu’à temps partiel, il a droit au versement de l’IRR pour les heures ou les journées où il n’est pas au travail.

Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et Jodoin, [1993] C.A.L.P. 881.

La CSST est tenue de verser l'IRR au travailleur qui effectue une assignation temporaire à temps partiel, et ce, pour les heures où il n'est pas au travail. 

Côté et Établissements de Détention du Québec,  C.L.P.149640-04-0011, 16 août 2001, R. Ouellet.

Lorsqu'un travailleur est en assignation temporaire et qu'il ne peut travailler qu'à temps partiel, l'employeur ne peut être forcé de lui verser le plein salaire, son obligation se limitant à payer les heures faites au tarif de l'emploi prélésionnel. Il revient à la CSST de verser au travailleur l'IRR à laquelle il aurait eu droit pour les jours non travaillés.

Manoir de la Sérénité et Querry, C.L.P. 316229-02-0704, 20 décembre 2007, C.-A. Ducharme.

Un travailleur en assignation temporaire à temps partiel a droit à l’IRR pour les jours au cours desquels il ne travaille pas dans le contexte de cette assignation. Cette approche est fondée sur le principe selon lequel l’IRR vise à compenser la perte de capacité de gain et non la perte réelle de revenu. En plaidant qu’un travailleur à temps partiel ne subit pas de perte de capacité de gain lorsque son employeur lui verse le salaire qu’il recevait avant la survenance de sa lésion, l’employeur associe à tort les notions de perte de capacité de gain et de perte réelle de revenu. 

Lors d'une mise à pied ou d'un congédiement

Selon la jurisprudence, lorsqu’un employeur met fin à l’emploi d’un travailleur, il renonce à la possibilité de lui offrir une assignation temporaire. Ainsi, le travailleur a droit au versement de l’IRR en raison d’une mise à pied ou d’un congédiement.

Imprimeries Transcontinental inc. et Masson, C.L.P. 92289-04-9710, 20 octobre 1998, M. Renaud.

La CSST avait l'obligation de payer l'IRR pour les jours où l'employeur n'a pas été en mesure de fournir une assignation temporaire au travailleur en raison d'une mise à pied pour manque de travail. 

Chaput et Distributions Gypco 1988 inc., C.L.P. 173764-71-0111, 27 mai 2002, L. Landriault.

Lorsque l'employeur a mis fin à l'emploi du travailleur, il renonçait implicitement à son droit de l'assigner temporairement à un autre travail. La CSST ne pouvait suspendre l'IRR.  

Sodexho Québec ltée et Côté, C.L.P. 328706-64-0709,  19 mars 2009, R. Daniel   

Puisque le travailleur n'a jamais refusé d'effectuer son assignation temporaire, l'employeur, en procédant à son congédiement, refusait la possibilité de lui permettre d'être assigné à des travaux légers et renonçait implicitement à ce droit. De plus, le congédiement a mis fin au lien d'emploi, mais cela n'a pas d'incidence sur le droit pour le travailleur de continuer à recevoir l'IRR.

Commission scolaire des Premières-Seigneuries et Roy, 2015 QCCLP 1172.

Un employeur peut renoncer implicitement à la possibilité d'offrir une assignation temporaire. Dans le présent dossier, une telle renonciation s'infère notamment lorsque le contrat de travail prévoit une mise à pied cyclique sans aucune forme de rémunération ou que les vacances doivent être prises à un moment précis de l'année. Dans les deux cas, la travailleuse peut légitimement s'attendre à ne pas avoir à travailler pour l'employeur pendant la période en cause, même lorsqu'il s'agit d'un travail en assignation temporaire. La travailleuse a droit au versement de l'IRR.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, 2016 QCCS 44.

 Lors d'une grève ou lock-out

Lorsqu’une grève ou un look-out empêche un travailleur d’exercer son assignation temporaire, la jurisprudence retient qu’il a droit au versement de l’IRR durant cette période.

Westroc inc. et Beauchamp, [2001] C.L.P. 206.

Le travail en assignation temporaire n’a pu être offert par l’employeur en raison d'une grève. Or, une des conditions essentielles à l’application des articles 179 et 180 est que le travail offert en assignation temporaire soit disponible. La loi n’a pas prévu d’exceptions pour régir les cas des employeurs dans l'impossibilité d'offrir un travail en assignation temporaire, que ce soit en raison d’un cas fortuit, de force majeure, d’un lock-out, d’une grève ou même simplement parce qu’un tel travail est inexistant. Puisque le travail en assignation temporaire n’est pas disponible en raison de la grève, le travailleur a droit de recevoir son IRR.

Société Commandite Manoir Richelieu et Émond (Fils), [2007] C.L.P. 145.

Les conditions permettant à un travailleur victime d’une lésion professionnelle d’acquérir le droit à l’IRR sont énoncées à l’article 44 et les conditions d’extinction de ce droit sont prévues à l’article 57. Ainsi, le fait que l’employeur ne puisse, en raison d’une grève, assigner temporairement les travailleurs à un autre travail ne leur fait pas perdre ce droit. Le texte même des articles 179, 180 et 142 permet de conclure que le fait d’être assigné temporairement à un travail n’emporte pas l’extinction du droit à l’IRR. Le texte de ces dispositions ne permet pas de conclure que le statut de la victime d’une lésion professionnelle est changé et aucune indication, même implicite, n’indique que l’assignation temporaire a pour effet de soustraire la victime d’une lésion professionnelle du champ d’application de la LATMP ou de lui faire perdre les droits qui y sont prévus.

Suivi :

Révision rejetée, C.L.P. 287806-31-0604, 12 novembre 2007, G. Marquis.

Max Meilleur & Fils ltée et Villeneuve, C.L.P. 289833-64-0605, 14 août 2007, F. Poupart.

Une assignation temporaire en vertu des articles 179 et 180 n'opère pas un changement de statut chez un travailleur. Il demeure une personne incapable d'exercer son emploi habituel en raison d'une lésion professionnelle et, à ce titre, il conserve le droit à l'IRR. L'assignation temporaire d'un travail est l'une des mesures prévues pour favoriser la réadaptation d'un travailleur et assurer sa réinsertion professionnelle. Cette mesure n'a pas pour effet d'éteindre les droits de ce dernier, en particulier celui qui est énoncé au premier alinéa de l'article 44. Si l'exécution du travail n'est plus possible, le versement d'IRR doit reprendre.

Métro-Richelieu inc. Newton et Pinsonneault, 2011 QCCLP 928.

Le travailleur, en assignation temporaire, a droit à la reprise du versement de l'IRR en raison d'une grève chez l'employeur. Son incapacité à exercer l'assignation temporaire ne résulte pas de son choix personnel, mais bien d'une décision collective des travailleurs. Cette décision appartient d'ailleurs non pas à chaque travailleur, au plan individuel, mais au syndicat accrédité en vertu de la loi et qui détient ce pouvoir.

Montacier International inc. et Marcil, 2014 QCCLP 5666.

L'impossibilité pour l'employeur d'assigner temporairement le travailleur pour des situations autres que celles prévues à l'article 142 ne peut prévaloir sur le droit du travailleur à un volet quelconque du processus de réparation de sa lésion professionnelle. Il faut accorder préséance au droit à l'IRR, qui est inscrit dans l'objet même de la loi. Ainsi, le travailleur a droit à une IRR parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle, laquelle l'a rendu incapable d'exercer son emploi. Même si ses collègues grévistes, qui ne sont pas affectés d'une telle lésion, ne peuvent tirer aucun bénéfice de la loi, il ne s'agit pas d'une iniquité ou d'une inégalité, mais de l'activation d'un droit qui est le corollaire d'une lésion professionnelle.

Voir cependant :

Vêtements Golden Brand Canada ltée et Cardenas, [2004] C.L.P. 1607.

L’article 180 confère manifestement un changement de statut au travailleur puisque celui-ci redevient à la charge de son employeur et non plus à la charge de la CSST, et son employeur doit lui verser le salaire et les avantages liés à l’emploi qu’il occupait lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle. Ainsi, lorsque le travail en assignation temporaire est perturbé par une grève légale, des vacances ou des congés fériés, aucun principe de droit ne prévoit que le versement de l’IRR devrait être réactivé par la CSST alors que ce travail est interrompu par un facteur extrinsèque. Le travailleur sera rémunéré pour ses vacances et ses congés fériés par l’employeur et, en cas de grève, il demeure régi par les dispositions de la convention collective, l’assignation temporaire demeure disponible, il est toujours capable d’effectuer ce travail, mais son absence au travail ne relève que d’une question de relations de travail sans aucune relation avec la lésion professionnelle.

Suivi :

Révision rejetée, C.L.P.187742-72-0207, 1er mars 2006, M. Zigby.

Lors de la rupture du lien d'emploi par la retraite ou la démission du travailleur

Selon la jurisprudence du tribunal, bien que la retraite ou la démission d'un travailleur met fin au lien d'emploi, il ne s'agit pas d'une cause d'extinction du droit à l'IRR visée par l'article 57. Le travailleur conserve donc son droit au versement de l'IRR.

Par ailleurs, quelques décideurs considèrent que la démission d’un travailleur permet de suspendre l’IRR, si la preuve démontre que ce dernier, sans raison valable, a omis ou refusé de faire le travail que l’employeur lui avait assigné temporairement en vertu de l’article 179.

Centre hospitalier Gaspé et Reeves, [1998] C.L.P. 1391

Selon la LATMP, le droit à l'IRR est assujetti à l'incapacité d'exercer l'emploi occupé lors de la lésion professionnelle. Par ailleurs, la capacité d'un travailleur d'exercer son emploi est liée à la consolidation de sa lésion professionnelle. L'article 179 prévoit la possibilité pour un employeur d'offrir une assignation temporaire à un travailleur dont la lésion n'est pas consolidée. Au moment où la travailleuse a quitté l'assignation temporaire pour une retraite anticipée, son droit à l'IRR subsistait puisque sa lésion n'était pas consolidée et qu'il n'y avait pas déchéance de ce droit selon les dispositions énoncées à l'article 57.

En signant l'entente avec le syndicat quant au programme de départ volontaire, l'employeur renonçait de façon implicite à la possibilité d'offrir à la travailleuse une assignation temporaire si celle-ci décidait de se prévaloir des avantages prévus à cette entente, ce qu'elle a fait en l'espèce.

SGT 2000 inc. et Tyutyunnikov, C.L.P. 158046-71-0103, 28 septembre 2001, H. Rivard.

L'employeur ne peut exiger une assignation temporaire en l'absence d'un lien d'emploi, en raison de la démission du travailleur, puisque ce dernier n'est plus son employé. Selon la jurisprudence, rien dans la loi ne prévoit qu'un travailleur doit conserver son lien d'emploi pour bénéficier de l'IRR et de la réadaptation.

Jalbert et Bridgestone Firestone Canada inc., C.L.P. 211600-63-0307 , 31 mai 2004, J.-M. Charette.

Bien que le travailleur ait bénéficié d'une retraite anticipée, cela ne peut mettre fin à son droit à l'IRR, car il ne s'agit pas d'un motif mettant fin au droit à l'IRR prévu à l'article 57. De plus, que l'assignation temporaire soit toujours disponible ne prive pas le travailleur de son droit à l'IRR.

Société de Transport de Montréal (Réseau des Autobus) et Denis, [2007] C.L.P. 1385.

Le travailleur exerçait un droit prévu à sa convention collective, selon les conditions énoncées à cette dernière. Cette convention étant négociée de gré à gré entre l'employeur et le syndicat, on ne peut prétendre que l'assignation temporaire a cessé à cause d'un geste unilatéral du travailleur, qui ne faisait qu'exercer un droit consenti et agréé par son employeur. La prise de retraite fait en sorte que le travailleur cesse d'être un salarié de l'employeur, qui ne peut plus exiger de prestation de travail de sa part, que ce soit dans son travail normal ou dans une assignation modifiée. La retraite constitue une rupture du lien d'emploi qui n'a pas cependant pour effet de priver le travailleur de son droit à l'IRR.

Laplante et Lauzon Planchers de bois exclusifs, C.L.P. 327977-07-0709, 18 février 2009, P. Sincennes.

La démission du travailleur a mis fin au lien d'emploi avec son employeur et l'assignation temporaire est dès lors devenue caduque. Toutefois, le droit à une IRR est relié à la survenance d'une lésion professionnelle et la démission d'un travailleur ne constitue pas l'une des raisons d'extinction de ce droit spécifiquement prévues à l'article 57.

Chalifoux et C.D.C.U.,2012 QCCLP 902.

La travailleuse avait droit à l'IRR à partir du 9 juin 2011, non pas parce que l'assignation temporaire n'était pas valide ou qu'elle avait une raison valable pour ne pas effectuer le travail proposé par l'employeur, mais plutôt parce qu'elle a donné sa démission à cette date.

Marché S. Maltais inc. et Carrier, 2012 QCCLP 3053.

La démission de la travailleuse n'a pas pour effet de lui faire perdre son droit à l'IRR alors qu'une assignation temporaire avait été autorisée par la médecin traitante.

Acier AGF inc. et Major, 2013 QCCLP 2406.

La démission du travailleur ainsi que l'impossibilité qui en résulte pour ce dernier d'être affecté à des travaux légers dans le contexte d'une assignation temporaire offerte par l'employeur ne constituent pas non plus des motifs permettant de mettre fin au droit à l'IRR.

Voir également : 

Bar-Salon Venus et Ross, C.L.P. 407674-04-1004, 22 décembre 2010, J. A. Tremblay.

Rôtisseries de Sherbrooke inc. et Péloquin, 2011 QCCLP 4390.

Suivi :

Requête accueillie sur un autre point, 2012 QCCLP 4515.

Ville de Malartic et Petit, 2013 QCCLP 7365.

Voir cependant :

Boudreault et Michael Rossy ltée, 191471-09-0210, 27 août 2003, J.-M. Laliberté.

L'employeur n'a jamais renoncé, ni implicitement ni explicitement, à la possibilité d'offrir à la travailleuse une assignation temporaire. C'est plutôt la travailleuse qui a rendu impossible une telle assignation en démissionnant volontairement. La CSST pouvait donc suspendre le paiement de l'IRR parce que la travailleuse a omis ou refusé, sans raison valable, de faire le travail que son employeur voulait lui assigner temporairement.

Provigo Distribution inc. et Elpenord, C.L.P. 289299-71-0605, 31 mai 2007, M. Zigby.

Le travailleur a préféré remettre sa démission à l'employeur plutôt que d'occuper l'emploi auquel il avait été assigné temporairement par l'employeur, lequel avait été approuvé au préalable par le médecin traitant. De plus, il n'a pas contesté l'assignation temporaire. Il a préféré démissionner parce qu'il se considérait victime de racisme et avait le sentiment de ne pas être respecté dans son milieu de travail. En remettant volontairement sa démission, il a rompu son lien d'emploi et l'assignation temporaire n'a pu avoir lieu, ce qui équivaut dans le contexte à un refus de la part du travailleur d'exécuter le travail auquel il avait été assigné temporairement.

Signalisation Routière Québec inc. et Poulin, 2011 QCCLP 2820.

En remettant sa démission, le travailleur a privé l'employeur de son droit de l'assigner temporairement à un travail. Un tel choix lui appartenait, mais ce choix a des conséquences. Il devait s'attendre à ce que son IRR soit suspendue.

Lors de la fermeture de l'entreprise pour vacances et congés fériés

Le droit à l’IRR est suspendu durant l’assignation temporaire, mais dès lors ou cette assignation temporaire n’est plus disponible, le travailleur recouvre son droit.

Ainsi, lorsqu’une entreprise ferme ses portes pour des vacances annuelles ou un congé férié, l'employeur n'a plus d'assignation temporaire à offrir au travailleur pendant cette période.

La jurisprudence est largement majoritaire, depuis une dizaine d'années, à reconnaître que le travailleur a droit à l'IRR durant la période où l'entreprise de l'employeur est fermée pour la période de vacances ou lors de congés fériés.

Selon la jurisprudence, il n'y a pas double indemnisation du fait que le travailleur reçoit de son employeur une paie de vacances ou une indemnité pour les congés fériés durant cette période alors qu'il reçoit également de l'IRR. Il s'agit d'indemnités versées en vertu de lois différentes, pour des raisons différentes.

Kraft Limitée c. Commission des normes du travail du Québec, [1989] R.J.Q. 2678.

L'IRR reçue par le travailleur de la CSST représente une compensation pour sa blessure, et non une compensation pour sa période de vacances. Il n'y a pas de double indemnité. En effet, l'IRR est payée en vertu d'une loi différente, pour des raisons différentes et par un créancier différent. Il n'y a pas de raison pour que les obligations de l'employeur nées de la Loi sur les normes du travail soient réduites en conséquence de la blessure du salarié.

Caron et Prévost Car inc., [1998] C.L.P. 292.

L'indemnité de vacances ne peut être assimilée à du salaire. Il s'ensuit que le droit à l'IRR devrait être rétabli pour la période où l'employeur a fermé l'entreprise pour les vacances. Par ailleurs, la CLP ne croit pas qu'il s'agisse d'une double rémunération car, tel qu'il est déjà mentionné, l'indemnité de vacances dont bénéficiait le travailleur pendant cette période ne constituait pas du salaire.

Komatsu International inc. et Gagnon, [1999] C.L.P. 130.

Le travailleur avait droit à l'IRR pendant la première semaine des vacances. Ce n'est pas parce qu'il était en assignation temporaire au moment de la fermeture qu'il perdait ce droit. L'employeur n'avait plus d'assignation à lui offrir puisqu'il y avait fermeture complète de l'usine. Le droit à l'IRR, qui n'était que suspendu pendant l'assignation, revenait en force en vertu de l'article 44. Du reste, le fait que le travailleur recevait une indemnité de vacances n'empêchait pas qu'il puisse aussi recevoir l'IRR

Émond et Vêtements de sports Gildan Inc., [2004] C.L.P. 1317.

Lors de la fermeture de l'usine, il y a eu fin de l'assignation temporaire, assignation qui a repris au retour des fêtes en janvier 2003. De plus, le travailleur n'est pas placé dans la même situation que les autres travailleurs puisque, contrairement à ceux-ci, il ne peut être appelé à effectuer des heures supplémentaires. Même si l'employeur a assumé ses obligations prévues à la convention collective en vertu de l'article 180, la CSST n'est pas exempte d'assumer les siennes, soit de verser au travailleur victime d'une lésion professionnelle une IRR indépendamment de ce qui a été versé au travailleur par l'employeur, qui agissait en vertu de lois différentes et pour des motifs différents. 

Plastiques MDJ inc. et Bergeron, C.L.P. 306487-62-0612, 22 août 2008, L. Vallière.

C'est à bon droit que la CSST a décidé que la travailleuse avait droit à une IRR lorsque l'entreprise était fermée pour les vacances annuelles, rendant ainsi impossible l'assignation temporaire. L'employeur prétend que la travailleuse a été avantagée par rapport aux autres salariés de l'entreprise, en touchant à la fois l'IRR et son indemnité pour vacances annuelles. Le tribunal ne peut retenir cette prétention et considère que l'IRR et l'indemnité pour vacances annuelles sont de nature totalement différente. L'indemnité pour les vacances annuelles est basée sur le revenu gagné pendant la période de référence de 12 mois antérieure et elle n'est pas considérée comme un revenu d'emploi.

R.P.M. Tech inc. et Blanchette, C.L.P. 361579-04B-0810, 4 février 2009, A. Quigley

La jurisprudence établit que le droit à l'IRR ne s'éteint pas par l'assignation temporaire. Il est plutôt suspendu, et l'employeur, conformément à l'article 180, verse au travailleur le salaire et les avantages sociaux de l'emploi qu'il occupait au moment de sa lésion professionnelle. Lorsque l'employeur n'est plus en mesure d'offrir l'assignation temporaire, le droit à l'IRR renaît pour le travailleur qui est toujours incapable d'exercer son emploi habituel. Le fait qu'il reçoive de son employeur une indemnité de vacances ne modifie pas son droit de recevoir l'IRR tant qu'il n'est pas redevenu capable d'exercer son emploi, conformément aux articles 44, 46 et 57. L'employeur a prétendu que le travailleur serait indûment avantagé par le versement à la fois de l'IRR et de sa paye de vacances. Il n'y a cependant pas de double indemnité, donc aucun avantage indu pour le travailleur puisque la prime de vacances ne peut être assimilée à du salaire. Elle résulte plutôt d'un cumul de temps en vertu duquel un employeur est tenu de compenser un travailleur pour du travail déjà accompli ainsi que d'un droit déjà reconnu à des vacances.

Claude Forget (1979) inc. et Millette, C.L.P. 353251-64-0807, 29 juillet 2009, D. Armand.

Les sommes versées au travailleur pendant la fermeture de l'entreprise n'équivalent pas à son salaire complet pour une période de deux semaines; il a subi un manque à gagner durant la seconde semaine. Par ailleurs, une assignation temporaire ne met pas fin au droit à l'IRR. Ce droit est fondé sur l'incapacité du travailleur à exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle et la CSST a alors « non seulement le droit, mais l'obligation » de reprendre le versement de cette IRR lorsque l'employeur n'est pas en mesure d'offrir une assignation temporaire au travailleur en raison soit de la fermeture d'une usine, d'une mise à pied pour manque de travail ou d'un congédiement.

Bélanger-Clavette et Centre Jeunesse Québec, 2015 QCCLP 2194.

Dans le cas où un établissement ferme temporairement ses portes pour les vacances annuelles ou pendant les jours fériés, la jurisprudence majoritaire a établi que l'indemnité de vacances versée au travailleur peut être assimilée à du salaire puisqu'il s'agit d'un cumul de temps en vertu duquel l'employeur est tenu de l'indemniser pour le travail déjà accompli et en raison d'un droit reconnu à des vacances. En conséquence, en recevant de l'IRR ainsi que sa paie de vacances, le travailleur ne bénéficie pas d'une double rémunération. Le travailleur a droit aux versements de l’IRR durant ses vacances.

Voir également :

C.S. Brooks Canada inc. et St-Pierre, C.L.P. 117320-05-9905, 6 octobre 1999, M. Allard.

Galipeau et Métachimie Canada, C.L.P.120212-62B-9907, 21 décembre 1999, Alain Vaillancourt.

Comm. Scol. Premières-Seigneuries et Lessard, 2015 QCCLP 2492.

Suivi :

Requête en révision judiciaire pendante, C.S. Québec, 200-17-022391-155. 

Voir cependant :

Vêtements Golden Brand Canada ltée et Cardenas,[2004] C.L.P. 1607.

L’article 180 confère manifestement un changement de statut au travailleur puisque celui-ci redevient à la charge de son employeur et non plus à la charge de la CSST, et son employeur doit lui verser le salaire et les avantages liés à l’emploi qu’il occupait lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle. Ainsi, lorsque le travail en assignation temporaire est perturbé par une grève légale, des vacances ou des congés fériés, aucun principe de droit ne prévoit que le versement de l’IRR devrait être réactivé par la CSST alors que ce travail est interrompu par un facteur extrinsèque. Le travailleur sera rémunéré pour ses vacances et ses congés fériés par l’employeur et, en cas de grève, il demeure régi par les dispositions de la convention collective, l’assignation temporaire demeure disponible, il est toujours capable d’effectuer ce travail, mais son absence au travail ne relève que d’une question de relations de travail sans aucune relation avec la lésion professionnelle.

Suivi :

Révision rejetée, C.L.P.187742-72-0207, 1er mars 2006, M. Zigby.

Bombardier Aéronautique inc. et Richaudeau, 2013 QCCLP 831.

En vertu de la convention collective, tous les employés bénéficient d’une période de congés fériés s’étendant du 24 décembre au 2 janvier inclusivement. L’employeur durant cette période s’assure que tous les employés peu importe leur situation reçoivent un versement équivalent à 100% de leur salaire. Si la CSST verse des IRR, l’employeur assume le 10% restant en ne tenant pas compte du maximum assurable déterminé par la CSST. En l'espèce, la CLP considère que le travailleur, en assignation temporaire avant et après le congé des fêtes, ne cesse pas d’être en assignation temporaire pendant ce congé. Son médecin ne met pas fin à l’assignation et l’employeur ne prétend aucunement qu’il n’a plus de travail en assignation temporaire à confier au travailleur. Le travailleur, comme tous les autres employés, jouit d’un des avantages prévus à la convention collective, à savoir des congés fériés payés équivalant à plus d’une semaine de travail, et l’employeur lui verse le salaire relié à cet avantage. La CLP ne peut donc conclure qu’il y a, dans ce cas précis, interruption de l’assignation temporaire. Le travailleur reçoit une rémunération identique à celle qu’il aurait perçue s’il était resté au travail sans accuser aucune perte. Ici, les sommes versées par l’employeur s’assimilent à du salaire tout comme l’IRR. Verser simultanément une IRR et la rémunération afférente aux congés fériés constituerait, dans le présent dossier, une double indemnisation et un enrichissement injustifié pour le travailleur en regard de tous ses collègues de travail, y compris ceux qui sont également victimes d’une lésion professionnelle, mais qui sont indemnisés par la CSST. La CLP croit que le législateur n’a pu vouloir un tel résultat. 

Lors de la prise de vacances au choix du travailleur

La jurisprudence est partagée quant à savoir si un travailleur qui prend des vacances à son choix alors que l'assignation temporaire est toujours disponible et qui reçoit de son employeur une paie de vacances a droit à l'IRR durant cette période.

Pour certains décideurs, le travailleur n'a pas droit à l'IRR puisque l'assignation temporaire est toujours disponible durant la période des vacances et l'employeur verse au travailleur le salaire  et les avantages liés à son emploi, soit sa paie de vacances. N'eût été de la période de vacances, le travailleur aurait continué d'exercer l'assignation temporaire.

Pour d'autres, le travailleur a droit à l'IRR durant la période de vacances même d'il reçoit de son employeur sa paie de vacances. Il ne s'agit pas d'une double indemnisation, car l'une visant l'incapacité en raison d'une lésion professionnelle et l'autre étant une rémunération pour des vacances accumulées.

Aucun droit à l'IRR 

Papa et Manufacturier de Bas Siebruck ltée, C.L.P.135520-71-0004, 12 septembre 2000, Anne Vaillancourt.

Dans la mesure où un travailleur n'est pas mis à pied, mais prend effectivement sa période de vacances, c'est à son employeur, aux termes de l'article 180, qu'il appartient de lui verser la paie de vacances à laquelle il a droit en vertu de son contrat de travail. La travailleuse a bien reçu cette paie de vacances. N'eut été de la période de vacances, elle aurait continué à faire le travail qui lui était assigné temporairement. Cette assignation, valablement faite et non contestée, continue de régir la situation des parties et ce, malgré la période de vacances. Ainsi, la travailleuse n'a pas droit au versement de l'IRR pour cette période.

Papiers Scott ltée et Bertrand, C.L.P. 164098-07-0106 , 6 mars 2002, M. Langlois.

L'obligation faite à l'employeur à l'article 180 est de maintenir le salaire et les avantages auxquels le travailleur aurait eu droit, n'eut été de sa lésion, et non pas d'en additionner l'IRR. Or, le travailleur, en assignation temporaire, s'est absenté en vacances pour une semaine au printemps. Il a été dûment payé par l'employeur pour cette période. De ce fait, le travailleur n'avait pas droit au versement de l'IRR pour cette absence puisqu'il a reçu sa paie de vacances pour cette période.

Lussier et EMA Design inc., C.L.P. 292727-62A-0606, 28 août 2007, J. Landry.

Une assignation temporaire était en cours lorsque le travailleur a pris une semaine de vacances. Il a reçu de l'employeur la somme qui lui était due pour cette période. Il n'a donc pas subi de perte pécuniaire. De plus, l'employeur lui a offert la possibilité de reporter ses vacances, ce qu'il a refusé. Ainsi, le travailleur était en assignation temporaire conformément à l'article 179 et il a reçu le salaire et les avantages liés à l'emploi qu'il occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il aurait bénéficié s'il avait continué à l'exercer, conformément à l'article 180. Le travailleur n'a pas droit au versement de l'IRR pour sa semaine de vacances.

De Varennes et Centre Santé Haute-Saint-Charles, 2015 QCCLP 4352.

L'employeur offre à la travailleuse qui est en assignation temporaire,  la possibilité de reporter sa période de vacances annuelles à un autre moment. Or, elle a préféré ne pas reporter ses vacances, décision qui lui appartient. Cependant, comme l'assignation temporaire était disponible au moment où la travailleuse s'est absentée, elle demeurait sous la charge de l'employeur en vertu de l'article 180. Il n'y a pas lieu de verser l'IRR à la travailleuse pour cette période en plus des avantages et salaires versés par l'employeur.  

 Droit à l'IRR

Fontaine et Transport Guilbault inc., [2009] C.L.P. 502

Le travailleur a pris une semaine de vacances durant son assignation temporaire et a reçu de l'employeur une paie de vacances. Pour le tribunal, le fait que l'assignation temporaire soit toujours disponible et offerte ne peut influer sur le droit au versement de l'IRR. Celui-ci n'était pas éteint, car la lésion professionnelle n'était pas consolidée et le travailleur était toujours présumé incapable d'exercer son emploi. De plus, ce n'est pas sans raison valable qu'il a omis ou refusé d'exécuter son assignation temporaire puisque ses vacances étaient déjà prévues depuis mars 2008. D'aucune manière il ne s'agissait d'une façon d'éviter l'assignation temporaire. Le travailleur a effectué celle-ci avant les vacances et l'a reprise par la suite. Il a droit à l'IRR durant la semaine de vacances.

Bélanger-Clavette et Centre Jeunesse Québec,2015 QCCLP 2194.

Du 22 juin au 14 juillet, le travailleur a entrepris sa période de vacances annuelles, qui avait été préalablement autorisée par l'employeur. La CSST a suspendu le paiement de l'IRR du 22 juin au 14 juillet au motif que le travailleur avait omis ou refusé, sans raison valable au cours de cette période, d'accomplir le travail que son employeur lui avait assigné temporairement. Au cours de la période d'assignation temporaire, le droit à l'IRR n'est pas éteint. En conséquence, en recevant de l'IRR ainsi que sa paie de vacances, le travailleur ne bénéficie pas d'une double rémunération. Dans le présent dossier, le fait que le travailleur ait pris ses vacances au cours de la période préalablement autorisée par l'employeur ne peut être assimilé à une omission ou à un refus d'effectuer les tâches auxquelles il était assigné temporairement. On ne peut reprocher au travailleur de ne pas avoir voulu changer la période de vacances à la demande de l'employeur parce qu'il était en assignation temporaire.