Situation d'injustice
L’interprétation de la notion d’injustice lorsque l’employeur prétend être obéré injustement se fait de la même façon que lors d’un accident résultant de la faute d’un tiers. L’employeur doit d’abord alléguer une injustice. Le caractère injuste de l’imputation s’apprécie en fonction :
- des risques inhérents reliés aux activités exercées par l’employeur;
- du caractère extraordinaire, inusité, rare, ou exceptionnel de la survenance de l’événement, comme un guet-apens, un piège ou un acte criminel;
- des probabilités qu’un tel accident survienne en rapport avec les conditions d’exercice de l’emploi.
Il n’est pas nécessaire de prouver chacun des critères, mais au moins un critère doit être présent. Les situations d’injustice se rapportent soit aux circonstances entourant la survenance de l’accident du travail, soit à des circonstances survenant en cours d’indemnisation. Dans les deux cas, les situations d’injustice s’analysent en vertu du deuxième alinéa de l’article 326.
- Québec (Ministère des Transports) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2007] C.L.P. 1804.
Plusieurs facteurs peuvent être considérés en vue de déterminer si l’imputation a pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations:
- les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient;
- les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, comme par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, règlementaire ou de l’art;
- les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi.
Un seul ou plusieurs d’entre eux seront applicables. Les faits particuliers à chaque cas détermineront la pertinence ainsi que l’importance relative de chacun.
- CSSS de Rivière-du-Loup,C.L.P. 298077-01A-0609, 4 mars 2008, L. Desbois.
Bien que la jurisprudence soit distincte selon que la première ou la seconde exception est en cause, le tribunal ne voit pas comment ce même critère d’injustice pourrait, en toute logique, être abordé différemment dans l’un ou l’autre cas : le même terme est en effet employé, dans la même disposition et dans le même contexte d’exception au principe général. Or, ce critère d’injustice s’avère abordé de façon plus explicite, uniforme et rigoureuse dans le cadre de la jurisprudence concernant la première exception, soit celle relative à la responsabilité d’un tiers, cette notion ayant manifestement été davantage plaidée dans ce contexte.
- Jardins du Haut St-Laurent (1990) enr., 2013 QCCLP 6225.
La notion d'injustice se conçoit en fonction d'une situation étrangère aux risques que l'employeur doit supporter. Par ailleurs, cette notion doit recevoir la même interprétation, qu'il s'agisse d'une demande de transfert d'imputation d'un employeur alléguant être obéré injustement ou d'une telle demande à cause d'un accident attribuable à un tiers.
- Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9069-4654 Québec inc., 2018 QCCA 95.
La demande de ne pas être imputé d’une partie du coût des prestations s’analyse selon l’article 326 alinéa 2 de la Loi comme dans le cas où l’employeur demande de ne pas être imputé de la totalité du coût des prestations. L’assignation temporaire est liée au droit à la réadaptation de l’accidenté. Il s’agit d’une mesure qui favorise l’implication du travailleur dans sa réadaptation. Il ne s’agit pas d’un droit de l’employeur de pouvoir assigner temporairement un travailleur même s’il représente un avantage économique en diminuant l’IRR versée au travailleur. Bien que le droit aux indemnités et l’imputation de leur coût soient de nature distincte, rien dans la Loi ne permet de déduire que certaines indemnités ne sont pas visées par la règle générale d’imputation du coût des prestations au dossier de l’employeur. Le lien entre le versement des prestations et l’accident du travail ne peut pas être remis en question. La Loi ne contient pas de dispositions qui indiquent qu’une indemnité ou une prestation n’est pas versée en raison d’un accident du travail. C’est plutôt le lien entre la responsabilité de l’employeur et l’accident du travail qui exceptionnellement est insuffisant qui permet à l’employeur de ne pas être imputé du coût des prestations en invoquant être obéré injustement.
- Alcor Matériaux de Toiture inc., 2020 QCTAT 1205.
Le terme «obéré», doit être interprété restrictivement puisqu'il porte sur une exception à la règle générale. Une interprétation trop large au deuxième alinéa de l'article 326 LATMP entrerait en contradiction avec l'objectif de prévention du régime de santé et de sécurité du travail et pourrait créer une iniquité envers les autres employeurs.
Voir également :
Groupe Sécurité Garda inc. (P.E.T.), C.L.P. 377450-61-0905, 27 janvier 2010, M. Montplaisir.
Centre hospitalier régional Trois-Rivières, 2012 QCCLP 7931.
Magasin Coop de Havre-aux-Maisons, 2013 QCCLP 278.
Risques inhérents
Dans l'analyse de l'injustice causée à l'employeur par l'imputation à son dossier, il faut prendre en considération les risques particuliers ou inhérents à l'ensemble des activités de l'employeur, tel que reconnu dans la décision Ministère des Transports du Québec et CSST, décision rendue par une formation de trois juges administratifs.
Le fait que l'employeur n'avait pas de contrôle sur la situation n'est pas un élément à considérer dans l'analyse de l'injustice. Un employeur n'a pas le contrôle sur la survenance d'un accident du travail. Il faut analyser la situation d'injustice sous l'angle des risques inhérents aux activités de l'employeur.
- Ministère des Transports du Québec et CSST, [2007] C.L.P. 1804 (formation de trois juges administratifs).
Le recours au concept de risque inhérent aux activités de l’employeur pour apprécier l’effet injuste d’une imputation est non seulement approprié mais il s’impose. La notion de « risque inhérent » doit être comprise selon sa définition courante, à savoir un risque lié d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur.
- CSSS de Rivière-du-Loup, C.L.P. 298077-01A-0609, 4 mars 2008, L. Desbois.
Dans cette appréciation de l’injustice, doivent par conséquent être regardées les activités de l’employeur dans leur ensemble, les activités accessoires comme les activités principales, ainsi que les circonstances de l’accident pour déterminer si celui-ci relève bien de risques inhérents à ces activités. Il est en effet considéré que des circonstances inusitées, inhabituelles ou exceptionnelles ne font pas partie de tels risques inhérents.
- CSSS St-Léonard, St-Michel, C.L.P. 356088-71-0808, 4 février 2010, J-F. Clément.
L’analyse du caractère injuste d’une imputation ne repose pas sur l’appréciation des seuls risques principaux généralement associés à la mission principale d’un employeur, mais bien sur l’appréciation des risques qui sont inhérents à l’ensemble de ses activités.
- Entrepreneur minier Montali inc. (F) et Ressources Métanor inc., 2016 QCTAT 6238.
Par ailleurs, contrairement aux prétentions de l'employeur, le contrôle de l'employeur n'est pas un critère pertinent à l'analyse de l'injustice. Il faut plutôt s'en remettre aux risques inhérents à l'activité de l'employeur dans l'analyse de l'injustice et ces risques doivent s'apprécier au regard du risque assuré ou de la description de l'unité de classification de l'employeur.
- RTC (Administration), 2019 QCTAT 3264.
Par risques inhérents, on comprend les risques associés aux activités normales de l'employeur. La notion de «risques inhérents» ne couvre pas tous les risques pouvant se produire au travail. Il s'agit des risques ayant un lien suffisamment étroit et nécessaire avec les activités de l'employeur ou qui découlent essentiellement de ces activités. Comme il s'agit d'un accident du travail dont la nature même est d'être imprévu et soudain, le contrôle qu'avait ou non l'employeur sur cette situation n'est pas, en soi, un élément à prendre en considération dans l'analyse d'une possible injustice.
- Alimentation Coop Rimouski, 2019 QCTAT 4451.
La notion de risques inhérents aux activités de l'employeur doit être appréciée en fonction des éléments entourant la mission de l'entreprise. Cette notion doit se comprendre comme un risque lié de manière étroite et nécessaire aux activités de l'employeur. Elle ne doit donc pas englober tous les risques susceptibles de se matérialiser au travail puisque cela reviendrait à stériliser l'alinéa 2 de l'article 326. Il existe une distinction entre une activité pouvant se dérouler chez un employeur et celle pouvant se produire chez tous les employeurs. La démission d'un travailleur ou une maladie intercurrente, notamment, sont susceptibles de se produire chez tous les employeurs, sans égard à leurs activités.
- Manoir Saint-Louis inc., 2019 QCTAT 4500.
Le contrôle n'est pas un critère pertinent à l'analyse de l'injustice. Il faut plutôt avoir recours au concept de «risque inhérent aux activités de l'entreprise» pour en venir à «apprécier l'effet juste ou injuste d'une imputation faite en vertu de la règle générale». Le présent tribunal souscrit à cette interprétation, qui est transposable au cas où l'employeur invoque être obéré injustement.
- Institut universitaire en santé mentale de Québec, 2020 QCTAT 345.
Le risque pour lequel s'assure l'employeur en cotisant obligatoirement au régime de protection a trait à la survenance d'un accident du travail et non aux aléas du marché du travail. Inclure dans les risques inhérents à l'exploitation d'une entreprise les relations de travail ou les aléas du marché du travail aurait pour conséquence de stériliser la notion d'«obérer injustement». Toute situation mettant en cause un donneur d'ouvrage (l'employeur), un exécutant (le travailleur) et la survenance d'un événement qui n'est pas un accident du travail survenu dans le milieu de travail fait partie des aléas du marché du travail et peut se présenter chez tous les employeurs.
- Alcor Matériaux de Toiture inc., 2020 QCTAT 1205.
Le concept de risque inhérent est conforme à une interprétation moderne. Il fait en sorte que le coût des prestations résultant du risque assuré demeure imputé à l'employeur, que le système de tarification tend à favoriser la prévention ainsi qu'à diminuer la chronicité des lésions professionnelles et il assure une équité entre les employeurs. Ainsi, la situation d'injustice résultant d'une imputation s'apprécie en fonction de l'appartenance ou non des coûts engendrés par la lésion professionnelle au domaine des risques inhérents aux activités de l'employeur. Ce dernier doit donc démontrer que la situation n'est pas liée à ses activités ou qu'il s'agit de circonstances inhabituelles, exceptionnelles ou anormales.
Voir également:
Hôpital St-Jude de Laval, [2000] C.L.P. 739.
Circonstances exceptionnelles ou inusitées
Des circonstances particulières qui ne font pas partie des risques qu'un employeur doit normalement assurer peuvent constituer une injustice.
- Ministère des Transports du Québec et CSST, [2007] C.L.P. 1804 (formation de trois juges administratifs).
En sus du critère tenant compte des risques inhérents aux activités de l’employeur, il y a lieu, le cas échéant, de tenir compte de certaines situations telles que les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel, d’agression fortuite, de phénomène de société et de toutes circonstances exceptionnelles, inhabituelles ou inusitées. En effet, l’inclusion de coûts découlant de telles circonstances aurait pour effet de fausser le dossier d’expérience d’un employeur, ce qui trahirait le fondement même de sa contribution au régime.
- Autobus Terremont ltée, 2013 QCCLP 837.
Il faut toutefois reconnaître que les accidents de la route font partie des risques inhérents aux activités de l’employeur, un transporteur. Dans un tel cas, l’employeur doit démontrer que les circonstances qui ont joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel ont un caractère extraordinaire, inusité, rare et exceptionnel, comme par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, réglementaire ou de l’art.
Voir également :
Imperco CSM inc., 2013 QCCLP 944.
Injustice lors de l'événement
L’injustice peut être présente lors de l’événement. Dans ce contexte, l’injustice est reliée à l’origine de l’événement et vise toute la période d’indemnisation. Les situations d’injustice les plus souvent invoquées par l’employeur seront la négligence du travailleur et l’omission de déclarer des limitations fonctionnelles d’un accident du travail antérieur.
- Gourmet Nantel inc., 2014 QCCLP 967.
Le Tribunal est en accord avec la jurisprudence qui souligne que la négligence grossière et volontaire doit être invoquée au stade de l'admissibilité de la réclamation et que, lorsqu'une décision finale a exclu l'application des dispositions de l'article 27 LATMP, l'employeur ne peut remettre en question cette conclusion au moyen d'une demande de transfert d'imputation. La simple négligence ou l'imprudence d'un travailleur ne constitue pas une injustice pouvant permettre un transfert d'imputation puisqu'elle n'est pas, en règle générale, étrangère aux risques que doit supporter un employeur.
- Fonderie industrielle Laforo inc. et Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2016 QCTAT 1058.
L'employeur qui prétend que le travailleur a fait preuve d'une négligence grossière et volontaire peut soumettre, dans le contexte d'une demande de transfert en vertu de l'article 326, les éléments qui viennent établir que ce comportement entraîne une injustice et qu'il en est obéré injustement. L'objet des deux dispositions est différent. Celui de l'article 27 est de faire reconnaître l'absence de lésion professionnelle lorsque celle-ci survient uniquement en raison de la négligence grossière ou volontaire du travailleur, à moins qu'elle n'entraîne le décès de ce dernier ou une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique. L'objet du deuxième alinéa de l'article 326 est plutôt le transfert du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle lorsque l'employeur subit une injustice du fait qu'il doive supporter les frais d'une inconduite sanctionnée par la Loi.
- GSF Canada inc., 2016 QCTAT 2399.
La seule démonstration de l'absence de déclaration par un travailleur, à l'embauche, de ses antécédents ou de ses limitations fonctionnelles ne suffit pas pour conclure à une injustice. Pour considérer l’omission par le travailleur comme une situation d'injustice pour l'employeur, la preuve doit en outre démontrer que: 1) le travailleur a délibérément omis de déclarer ses limitations fonctionnelles; 2) les limitations fonctionnelles sont incompatibles avec l'emploi exercé; 3) l'employeur n'avait aucune connaissance des antécédents du travailleur; et 4) l'employeur n'aurait pas embauché le travailleur s'il avait été mis au courant de ses limitations fonctionnelles.
- Arno Électrique ltée, 2018 QCTAT 922.
La simple omission par un travailleur de déclarer, au moment de son embauche, son véritable état de santé ne crée pas automatiquement une situation d'injustice. Chaque cas doit être évalué à la lumière des faits qui lui sont propres. En effet, l'omission peut résulter notamment d'un oubli de la part du travailleur, d'une mauvaise évaluation de ses capacités par rapport aux tâches à accomplir ou encore d'une mauvaise communication avec l'employeur. En plus des conditions mentionnées dans GSF Canada inc., une cinquième condition doit être remplie pour conclure à une situation d'injustice, soit que le fait accidentel découle de la transgression des limitations fonctionnelles non déclarées.
- Entreprises Michaudville inc., 2018 QCTAT 1312.
La simple négligence ou l'imprudence du travailleur ne constitue pas une injustice, puisqu'elle n'est pas étrangère aux risques que doivent supporter les employeurs en général. La recherche d'une faute simple ou d'une responsabilité quelconque afin d'obtenir un transfert d'imputation va à l'encontre de l'intention du législateur. La négligence du travailleur n'est pas étrangère aux risques que doivent supporter les employeurs dans un régime d'indemnisation sans faute. Un transfert du coût des prestations nécessite plus qu'une faute ou une négligence.
- Manseau & Perron inc., 2019 QCTAT 1442.
ll est possible pour l'employeur de demander un transfert de coûts même s'il n'a pas invoqué la négligence du travailleur lors de l'admissibilité. En matière de financement, c'est plutôt l'injustice qu'il faut démontrer, en plus du fait d'être obéré, afin de bénéficier d'un transfert d'imputation. Comme ce dossier n'en est pas un d'admissibilité, la notion de «négligence grossière et volontaire» au sens de l'article 27 LATMP ne s'applique pas.
Injustice durant l'indemnisation
L’injustice peut survenir pendant la période d’indemnisation si une situation personnelle interrompt une assignation temporaire ou un retour au travail léger ou que les traitements reçus en lien avec la lésion professionnelle cessent en raison de cette situation personnelle. Le versement de l’indemnité de remplacement du revenu reprend pendant la situation personnelle ce qui peut entraîner une injustice pour l’employeur. Par exemple la situation personnelle peut être : un accident d’auto, une maladie personnelle ou un long délai. L’injustice alléguée représentera donc une partie de la période d’indemnisation. La maladie personnelle ou maladie intercurrente est la situation la plus souvent retrouvée.
- Commission scolaire des Grandes-Seigneuries, 2018 QCTAT 5838.
La maladie intercurrente est définie comme étant une pathologie ou une condition personnelle qui se manifeste au cours de la période de consolidation d’une lésion professionnelle subie par un travailleur ou par une travailleuse.
- Institut universitaire en santé mentale de Québec, 2020 QCTAT 345.
La survenance d'une maladie intercurrente pénalise l'employeur sur le plan de l'imputation puisque ni la gestion de ce dernier ni l'accident du travail ne sont en cause. La « maladie intercurrente » ne fait donc pas partie des risques inhérents à l'exploitation d'une entreprise, pour lesquels un employeur s'assure auprès de la CNESST. Si un employeur est pénalisé par le fait qu'une maladie intercurrente interrompt une assignation temporaire, on devrait également conclure qu'il est obéré injustement lorsqu'un travailleur refuse d'effectuer une assignation temporaire ou d'occuper un emploi convenable disponible. Ainsi, une situation ne résultant pas de la gestion de l'employeur ou de l'accident du travail pénalise indûment l'employeur.
Voir également:
Clôture Spec II inc., 2019 QCTAT 1446.
Glencore Canada Corporation division CCR, 2020 QCTAT 1649.
Assignation temporaire
Les modalités de l’assignation temporaire sont prévues à l’article 179. Le médecin du travailleur autorise le travail proposé par l’employeur, ce travail ne met pas en danger la santé ou la sécurité du travailleur et il est favorable à sa réadaptation. L’absence d’un formulaire d’assignation temporaire n’empêche pas de conclure à une assignation temporaire si la preuve démontre que le médecin a émis son opinion sur le travail que l’employeur désire confier au travailleur. Également le travail léger ou adapté ou le retour progressif au travail est considéré comme semblable à une assignation temporaire. Il faut donc démontrer que le médecin du travailleur a autorisé le travailleur à effectuer le travail que l’employeur lui a proposé. L’injustice survient lorsque le travailleur n’est plus apte à poursuivre l’assignation temporaire ou le travail léger ou son retour progressif au travail en raison d’une situation personnelle.
- CSSS Québec-Nord et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2009] C.L.P. 249.
L'absence de document officiel d'assignation temporaire ne peut faire en sorte de priver un employeur de l'application de l'article 326. Par l'expression «travaux légers», le médecin voulait clairement permettre la poursuite d’un certain travail pour l’employeur. Cet objectif rencontre l'intention du législateur derrière l'article 179, qui est de permettre l'assignation, de façon temporaire, d'un travailleur à un nouveau poste de travail en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi habituel ou, éventuellement, un emploi convenable. L’employeur peut mitiger ses coûts auprès de la Commission car aucune indemnité de remplacement du revenu n'est versée durant cette période, la travailleuse recevant son salaire habituel. On ne peut se formaliser de l'utilisation, par un médecin, de l'expression travail léger qui peut correspondre à la notion d'assignation temporaire. Le terme travail léger est souvent utilisé pour désigner ce qui correspond à une assignation temporaire. La finalité de l'article 179 ayant été démontrée, il serait formaliste à outrance d'exiger qu'un médecin produise un formulaire standardisé simplement pour dire la même chose. Il s'agit essentiellement d'une question factuelle qui doit être analysée dans chaque dossier.
- Médias Transcontinental (Publi-Sac) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2014 QCCLP 5152.
Selon les articles 179 et 180 dans le chapitre de la réadaptation, l'assignation temporaire vise à favoriser la réadaptation du travailleur. Certains employeurs cotisés selon un taux personnalisé ou rétrospectif peuvent tirer un avantage financier de l'assignation temporaire d'un travailleur. En effet, en vertu de l'article 180, l'employeur doit verser le salaire au travailleur en échange de sa prestation de travail. Durant cette période, le travailleur ne touche aucune IRR. Plus le taux de cotisation de l'employeur est élevé, plus le recours à l'assignation temporaire est avantageux. L'employeur réduit ainsi son coût d'indemnisation tout en bénéficiant d'une prestation de travail. Par ailleurs, le législateur permet au travailleur de contester l'avis de son médecin relativement à la conformité de l'assignation temporaire proposée par l'employeur. L’assignation temporaire n’est pas un droit pour l'employeur. L’arrêt du versement de l’IRR pendant l’assignation temporaire est un avantage secondaire associé à sa possibilité d'affecter le travailleur à des tâches temporaires.
- Domtar inc. (Usine de Windsor), 2019 QCTAT 224.
Le médecin du travailleur a utilisé les termes travail adapté, tâche allégée, tâche modifiée assignation et retour progressif. Il voulait permettre au travailleur de poursuivre un certain travail chez son employeur malgré la lésion professionnelle. Le travail adapté ou allégé ne comporte sûrement pas de danger pour la santé et la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. Les termes travail léger, adapté ou modifié rencontrent la notion et les objectifs d’une assignation temporaire au sens de la Loi et que celle-ci a été interrompue par la maladie intercurrente du travailleur.
- Hydro-Québec, 2019 QCTAT 1359.
L'employeur et le travailleur retirent un bénéfice de l'assignation temporaire: le premier reçoit une prestation de travail pour la rémunération versée et le second reçoit une pleine rémunération, en plus de s'activer et ainsi favoriser sa réinsertion dans ses activités professionnelles. Lorsque survient une interruption de l'assignation temporaire, l'employeur perd son avantage, alors que le travailleur redevient admissible aux prestations jusqu'à son retour en assignation temporaire ou à son travail régulier si la lésion professionnelle est consolidée. Dans le contexte de la perte de l'avantage que procure l'assignation temporaire, l'employeur peut demander à ne pas être imputé des prestations versées au travailleur.
- Automobiles Père et Fils inc., 2019 QCTAT 2740.
Un retour au travail progressif est assimilable à une assignation temporaire. Peu importe le vocable utilisé par le médecin qui a charge, un travailleur incapable d'exécuter ses tâches habituelles qui se voit confier un travail avec des tâches réduites qu'il est capable d'accomplir malgré sa lésion professionnelle effectue une «assignation temporaire», que l'on peut aussi appeler travail léger ou allégé ou retour progressif.
- Alcoa Canada Cie (Aluminerie de Baie-Comeau), 2019 QCTAT 3601.
Un retour progressif au travail interrompu est assimilable à une interruption d'assignation temporaire. Ainsi, le travailleur aurait été en retour progressif au travail le 25 avril 2015, n'eût été l'apparition de cette maladie intercurrente nécessitant son hospitalisation et entraînant un arrêt complet de travail à compter du 24 avril 2015. Comme cet arrêt de travail s'est prolongé au-delà de la consolidation de la lésion professionnelle, c'est bien en raison de cette maladie intercurrente que le travailleur a été absent de son travail depuis le 25 avril 2015. L'interruption ou l'impossibilité du retour progressif au travail autorisé par le médecin du travailleur constitue une situation d'injustice puisqu'elle résulte d'une cause étrangère à la lésion professionnelle.
- Infolaser Québec inc., 2019 QCTAT 3857.
L'interruption d'une assignation temporaire en raison d'une condition personnelle intercurrente permet de conclure à une situation d'injustice. Il en va de même dans les cas d'interruptions d'un travail régulier, d'un retour progressif ou de travaux légers. Ce qui compte est que le travailleur effectue une prestation de travail en assignation temporaire, en retour au travail progressif ou en travail léger ou encore son travail normal et que cette prestation accompagnée du paiement du salaire par l'employeur est interrompue par une maladie intercurrente qui entraîne la reprise de l'IRR. Sans la maladie personnelle, le travailleur aurait probablement continué à exercer son travail allégé tout en étant payé intégralement par son employeur, de sorte qu'aucune indemnité de remplacement du revenu n'aurait été versée.
- Subaru Rive-Nord, 2019 QCTAT 4415.
L'employeur a demandé un transfert du coût de l'indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur durant l'interruption de ses travaux légers en raison de sa condition personnelle. L'absence d'un formulaire d'assignation temporaire ne constitue pas un motif valable pour refuser un transfert d'imputation. Il n'est pas obligatoire qu'un formulaire d'assignation temporaire soit rempli par le médecin du travailleur s'il ressort de la preuve que ce dernier a émis une opinion éclairée sur les tâches que l'employeur souhaitait assigner au travailleur.
Suivi:
Révision rejetée, 2020 QCTAT 1743.
- Compagnie A, 2019 QCTAT 4549.
L'imputation au dossier de l'employeur d'une indemnité de remplacement du revenu versée à la suite de l'interruption d'une assignation temporaire, d'un retour progressif ou d'un travail allégé en raison d'une condition personnelle intercurrente constitue une situation d'injustice.
Fin d'emploi
La fin d’emploi survient lors d’un congédiement, d’une mise-à-pied, de la retraite ou d’une démission. La jurisprudence est partagée au sujet de la qualification d’une injustice lors d’une fin d’emploi. Selon une première approche, la fin d’emploi fait partie des risques liés aux relations de travail. Elle fait donc partie des risques inhérents aux activités de l’employeur. Il ne peut donc s’agir d’une injustice. Ce n’est pas le rôle du tribunal d’analyser les motifs de la fin d’emploi du travailleur. La question est plutôt de déterminer si la situation est injuste et non d’examiner l’intention des parties.
Selon une deuxième approche, le tribunal exprime que la notion de risques inhérents aux activités de l'employeur s’apprécie en fonction des éléments entourant la mission de l'entreprise. Cette notion doit se comprendre comme un risque lié de manière étroite et nécessaire aux activités de l'employeur. Le risque n’englobe pas tous les risques susceptibles de se matérialiser au travail. Une distinction s’impose entre une activité pouvant se dérouler chez un employeur et celle pouvant se produire chez tous les employeurs.
Première approche
- Ville de Montréal – Arrondissement Plateau Mont-Royal, 2018 QCTAT 5870.
La retraite d'un travailleur, lequel dispose de ce droit en vertu de son contrat de travail, ne peut pas être interprétée comme une situation produisant des effets injustes pour l'employeur, même si ce dernier peut en subir certains désavantages financiers. L'interprétation de l'article 326 doit respecter la règle du principe général d'imputation au dossier de l'employeur visé énoncé à l'alinéa 1 et les exceptions prévues à l'alinéa 2. Comme il s'agit d'exceptions au principe général, il faut prendre garde à une interprétation trop large de l'alinéa 2 qui ferait en sorte qu'un transfert soit accordé chaque fois que des particularités surviennent.
- Commonwealth Plywood ltée, 2018 QCTAT 6033.
La démission d'un travailleur fait partie des risques inhérents aux activités d'un employeur et dépend, plus largement, des aléas du marché du travail et de la mobilité de la main-d'oeuvre auxquels tout employeur doit faire face. À cet égard, il faut rappeler que l'absence de pouvoir sur la démission invoquée par l'employeur n'est pas un critère pertinent pour l'analyse de l'injustice. Par ailleurs, le fait d'imputer les coûts du présent dossier à l'ensemble des employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités paraît injuste si l'on considère que la mobilité de la main-d'oeuvre est une réalité du monde du travail actuel et chaque employeur peut avoir sa propre approche pour la contrer. L’employeur doit être imputé de ce qui découle des risques inhérents aux relations du travail dans son entreprise. Cette approche est plus compatible avec l'interprétation d'une disposition de la loi qui constitue une exception au principe général. La démission d'un travailleur fait partie des risques inhérents au marché du travail et ne constitue pas une exception au principe général d'imputation. Il n'est pas injuste d'imputer à l'employeur la totalité des coûts.
- Supervac 2000, 2019 QCTAT 2540.
La décision de congédier le travailleur appartient à l'employeur. Il s'agit d'une décision de gestion. Le Tribunal n'a pas à s'immiscer dans le choix de cette sanction. Tout au plus, il peut s'assurer que cette décision de gestion n'est pas un prétexte pour mettre fin à l'emploi du travailleur. ll est indiqué dans Ministère des Transports que «le contrôle n'est pas, en soi, un critère pertinent à l'analyse de l'injustice». Le présent Tribunal retient que l'imposition d'une sanction par l'employeur en raison de gestes qu'il juge répréhensibles de la part d'un travailleur peut s'avérer une réalité inhérente au milieu de travail. Il s'agit de relations du travail.
- Olymel Trois-Rivières, 2019 QCTAT 3680.
Le congédiement fait partie des risques inhérents aux activités de l’employeur et qu’il ne peut donc prétendre être obéré injustement par la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu lors d’une rupture du lien d’emploi. Il rappelle que l’employeur ne possède pas un droit d’effectuer une assignation temporaire. L’assignation temporaire est un moyen pour faciliter la réadaptation du travailleur et elle peut aussi servir les intérêts économiques de l’employeur. L’employeur n’est donc pas privé d’un droit dans l’impossibilité d’effectuer une assignation temporaire.
- Manoir Saint-Louis inc., 2019 QCTAT 4500.
Lors de la démission, l'assignation temporaire était toujours disponible chez l'employeur pour une période indéterminée. La prétention de l'employeur selon laquelle il a droit au transfert des coûts après la démission ne peut être retenue puisque la notion de «contrôle» ne peut servir à déterminer le droit de l'employeur au transfert des coûts. L'employeur n'est pas obéré injustement par la reprise du versement de l’IRR après la démission, car elle a été versée en application de la Loi. Le droit à l'assignation temporaire n'appartient pas à l'employeur, même s'il représente un intérêt économique pour lui. En outre, la démission constitue un risque inhérent aux activités de toute entreprise.
Deuxième approche
- Ménagez-Vous Territoire du Rivage, 2018 QCTAT 5645.
Même si c'est l'employeur qui prend la décision de mettre fin à l'emploi d'un travailleur, un congédiement découle des gestes commis par le travailleur. Le fait qu'un travailleur commette des gestes répréhensibles entraînant un congédiement constitue une situation imprévisible qui échappe au contrôle de l'employeur et une situation étrangère aux risques qu'il doit supporter. L'employeur ne peut être contraint de maintenir à son service un travailleur qui a commis des actes répréhensibles dans le seul but de pouvoir l'assigner temporairement.
- Automobiles Père et Fils inc., 2019 QCTAT 2740.
La démission de la travailleuse l'empêchait de poursuivre sa prestation de travail chez l'employeur et la reprise de l'IRR versée durant la période visée est reliée à une situation étrangère à l'accident du travail. Peu importe le motif de la démission, celle-ci constitue un choix personnel de la travailleuse. Sans sa démission, la travailleuse aurait continué à effectuer un retour au travail progressif. Il est injuste pour l'employeur d'être imputé du coût des prestations versées durant la période où la travailleuse a cessé d'effectuer son travail parce qu'elle a démissionné afin de reprendre des études à temps plein. L'interruption du retour au travail progressif constitue une situation d'injustice, car elle résulte d'une cause étrangère à la lésion professionnelle et elle est indépendante de la volonté de l'employeur. Analysée dans un contexte général, la démission d'un travailleur peut faire partie des aléas du marché du travail pour l'ensemble des employeurs. La reprise du versement de l'IRR en raison de ce seul motif est une situation assimilable à l'interruption d'une assignation temporaire reliée à une condition intercurrente. C'est pourquoi il en découle nécessairement une situation d'injustice pour l'employeur.
- Centre hospitalier universitaire de Québec/Hôpital de l’Enfant-Jésus, 2019 QCTAT 3993.
La reprise du versement d'une indemnité de remplacement du revenu à la suite de l'interruption d'une assignation temporaire de travail en raison de la démission d'un travailleur constitue une injustice pour l'employeur visé. Il ne s'agit pas d'une situation qui fait partie des risques inhérents à l'ensemble des activités de l'employeur.
- Institut universitaire en santé mentale de Québec, 2020 QCTAT 345.
Le droit d'un travailleur de prendre sa retraite au moment qui lui convient constitue un aléa du marché du travail. Cette situation n'a aucun lien avec la lésion professionnelle, mais entraîne un préjudice important pour l'employeur. Le risque pour lequel s'assure l'employeur en cotisant obligatoirement au régime de protection a trait à la survenance d'un accident du travail et non aux aléas du marché du travail. Inclure dans les risques inhérents à l'exploitation d'une entreprise les relations de travail ou les aléas du marché du travail aurait pour conséquence de stériliser la notion d'«obérer injustement». Toute situation mettant en cause un donneur d'ouvrage (l'employeur), un exécutant (le travailleur) et la survenance d'un événement qui n'est pas un accident du travail survenu dans le milieu de travail fait partie des aléas du marché du travail et peut se présenter chez tous les employeurs. La retraite est une injustice, non liée à l'accident du travail, car la travailleuse ne peut effectuer l’assignation temporaire.
- Ateliers BG inc., 2020 QCTAT 2170.
La démission du travailleur pour retourner aux études constitue une injustice. Peu importe les activités de l’employeur, le congédiement et la démission se présentent chez tous les employeurs sans égards à leurs activités et cette fin d’emploi empêche le retour au travail. Il faut donc examiner les circonstances de la démission plutôt que la notion de risques inhérents aux activités de l’employeur. Si la démission s’apparente à un congédiement déguisé, l’employeur ne pourra prétendre qu’il s’agit d’une injustice.
Délais médicaux
Le délai pour recevoir un traitement peut représenter une injustice s’il est hors des délais habituels au système de santé. Un délai pour poser un diagnostic peut aussi constituer une injustice s’il résulte d’une omission ou d’une erreur.
- CSSS régional du Suroît, 2016 QCTAT 1185.
Un diagnostic tardif pourra être considéré comme une situation d'injustice si la preuve révèle que le retard découle d'une erreur ou d'une omission de la part d'un médecin, alors que la présence de symptômes ou d'indices aurait dû l'alerter, et que ce retard a eu des répercussions sur le suivi du dossier.
- Transformation BFL, 2018 QCTAT 3187.
Les délais d'attente habituels pour une intervention qui sont inhérents au système de santé public et auxquels l'ensemble des patients du Québec fait face ne peuvent constituer une situation d'injustice pour l'employeur. En revanche, un délai d'attente inhabituel imputable à une situation étrangère à la lésion professionnelle peut constituer une injustice.
Application de la Loi
La jurisprudence considère que l’application de la loi et notamment de l’article 73 ne peut constituer une injustice au sens du deuxième alinéa de l’article 326 (obéré injustement).
- Nettoyeurs Pellican inc.,C.L.P. 372145-31-0903, 4 août 2009, S. Sénéchal.
L’article 73 ne fait pas en sorte d’imputer à l’employeur une IRR découlant d’un autre dossier. Cet article sert plutôt au calcul de l’IRR à laquelle peut avoir droit la travailleuse en raison de la lésion professionnelle survenue chez l’employeur. La seule application de la loi ne peut constituer une injustice pour l’employeur et lui donner ouverture à un transfert de coûts.
- Services Kelly Canada ltée,C.L.P. 387474-71-0908, 31 mars 2010, C. Racine.
L’article 326(1) de la loi prévoit que l’employeur doit supporter le coût des prestations dues en raison de cet accident du travail, y compris ceux relatifs à l’IRR. Or, le travailleur reçoit une telle indemnité non pas en raison de son accident antérieur, mais bien parce qu’il a été victime d’un accident du travail chez l’employeur actuel. L’employeur doit donc supporter les coûts reliés à cet accident du travail et la CLP ne peut conclure qu’il est obéré injustement par le fait que le montant de l’IRR versée au travailleur est déterminé selon ce que le législateur énonce à l’article 73.
- Transport RCI,2012 QCCLP 1018.
Il est normal que la CSST impute à l’employeur chez qui survient un nouvel accident du travail, la totalité du coût des prestations versée à un travailleur, puisqu’il s’agit de prestations dues en raison d’un accident de travail survenu chez ce dernier. D’ailleurs, le tribunal remarque qu’à l’article 326, le législateur ne fait aucune distinction relativement à l’imputation du coût des prestations reliée à l’application de l’article 73.
- Cuisines Rochette (1976) inc.,2012 QCCLP 7449.
Lorsque l’article 71 trouve application à la suite de la survenance d’un accident du travail, l’unique cause de la détermination de la base salariale retenue aux fins de verser les IRR résulte de l’application d’une disposition législative, ce qui ne peut justifier un transfert d’imputation des coûts en vertu du premier alinéa de l’article 326. Par ailleurs, tel que retenu dans l’affaire Comfort Inn par Journey’s End, on ne peut invoquer le premier alinéa de l’article 326 pour demander un transfert de coûts losque l’article 71 trouve application aux fins de calculer l’IRR.
- Vitro services inc., 2014 QCCLP 775.
Pour la détermination de la base salariale du travailleur, la Commission a appliqué l'article 71 de la loi, qui concerne le revenu d'un travailleur occupant deux emplois. Elle a déterminé un revenu annuel de 32 848,20 $. L'employeur a demandé un transfert d'imputation, alléguant qu'il était obéré injustement. À cet égard, il fait valoir que le revenu normalement gagné chez lui par le travailleur était de 18 000 $ alors que la CSST l'a indemnisé sur la base d'un revenu annuel tenant compte des deux emplois. L’article 71 prévoit la possibilité pour un travailleur d'être indemnisé sur une base salariale plus élevée que celle qu'il gagnait chez l'employeur au service duquel il a subi sa lésion professionnelle parce qu'il occupait deux emplois. Or, la seule application de la loi ne crée pas de situation d’injustice.
Voir également :
Marché Hébert Sénécal inc., 2011 QCCLP 1115.
Proportion significative des coûts
Lorsque l’injustice alléguée est en lien avec la survenance de l’accident du travail, elle couvre la totalité de la période d’indemnisation. La question du fardeau financier significatif ne pose pas de problème puisque toute la période d’indemnisation est visée. Par ailleurs, si l’injustice survient pendant l’indemnisation elle représente une partie de la période d’indemnisation comme dans le cas d’une maladie intercurrente. Dans ce cas, il faudra évaluer si les coûts liés à l’injustice obèrent l’employeur.
Selon une première approche, le fardeau financier de l’injustice doit représenter une proportion significative des coûts par rapport aux coûts de l’accident du travail.
- Location Pro-Cam inc. et CSST, C.L.P. 114354-32-9904, 18 octobre 2002, M-A. Jobidon.
Pour obtenir un transfert des coûts basé sur la notion « d’obérer injustement », l’employeur a le fardeau de démontrer deux éléments : 1) une situation d’injustice, c’est–à–dire une situation étrangère aux risques qu’il doit supporter; et 2) une proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice qui est significative par rapport aux coûts découlant de l’accident du travail en cause.
- Ville de Montréal (Sécurité-Policiers), C.L.P. 377096-71-0905, 5 novembre 2009, J-F. Clément.
Le législateur n’a pas utilisé l’expression « imputer injustement » ou « supporter injustement » comme il l’a fait dans la même disposition. En pareil cas, on pourrait décider de transférer toute somme injustement imputée, peu importe son importance. Le législateur a plutôt utilisé le mot « obérer », lequel doit recevoir une interprétation qui lui donne un sens sans l’évacuer complètement. Les critères proposés dans l’affaire Location Pro-Cam sont, après mûre réflexion, plus conformes au texte de la loi et à l’intention du législateur.
- Plomberie Bréboeuf, 2011 QCCLP 750.
Le tribunal adhère à l’interprétation proposée dans Location Pro-Cam puisque comme le législateur ne parle jamais pour ne rien dire, il faut nécessairement donner un sens à l’expression « obérer injustement ». Faire droit à une demande de transfert sur simple démonstration d’une situation d’injustice sans exiger la preuve qu’elle a eu un impact significatif sur la cotisation de l’employeur équivaut à faire abstraction totale du terme « obéré » que le législateur a inscrit, à dessein, à l’article 326, al. 2.
- Cie Martin Brower du Canada, 2020 QCTAT 2402.
Afin de donner tout son sens à l'expression «obéré injustement» il y a toujours lieu d'appliquer l'approche préconisée dans Location Pro-Cam. L'exception prévue à l'article 326 alinéa 2 ne vise pas les situations dans lesquelles un employeur est imputé injustement. Elle vise plutôt celles dans lesquelles l'imputation a pour effet d'obérer injustement un employeur. Le terme «obéré», accolé à «injustement», implique indéniablement une connotation financière. De plus, tel que l'a rappelé la Cour d'appel dans Supervac 2000, il s'agit d'une mesure d'exception à la règle générale et elle doit donc recevoir une interprétation restrictive. Elle a pour but d'éviter qu'une injustice n'entraîne pour un employeur une imputation excessive. L'approche analytique suggérée dans Location Pro-Cam demeure donc utile et pertinente en ce qu'elle permet, lorsque les faits s'y prêtent, de jauger les répercussions financières de l'injustice afin d'évaluer si celle-ci a eu pour effet d'entraîner une imputation excessive pour l'employeur. L’approche n’est pas trop restrictive, dans la mesure où elle ne se limite pas à une équation mathématique qui serait appliquée systématiquement, sans égards aux faits particuliers de chaque dossier. Il revient ultimement au décideur de déterminer quelle est la proportion significative qui constitue une imputation excessive.
Selon une deuxième approche, le critère du fardeau financier significatif est considéré trop restrictif. Il est d’avis que l’employeur devrait démontrer qu’il assume certains coûts et qu’il est injuste qu’il les assume. L’appréciation des questions d’injustice et de coûts reste ouverte pour les adapter aux faits particuliers de chaque cas.
- Uniboard Canada inc., division Sayabec,2012 QCCLP 3727.
Les questions d’injustice et de coûts sont indissociables, de sorte que l’importance de l’impact financier pour l’employeur doit toujours être modulée en fonction de l’importance de l’injustice. Ainsi, en présence d’une injustice flagrante, l’employeur doit pouvoir bénéficier d’un transfert de coûts même si l’impact financier qui en résulte n’est pas majeur. A contrario, moins grande est l’injustice plus important doit être son impact financier.
- Provigo Distribution inc., 2012 QCCLP 7544.
Exiger de l’employeur qu’il démontre qu’une proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice « est significative par rapport aux coûts découlant de l’accident de travail en cause » a pour effet de rendre inapplicable, pour une foule de situations, la notion même d’être obéré injustement. Ce n’est pas parce qu’une somme injustement imputée a peu d’impact sur la valeur totale d’un dossier qu’elle est pour autant « moins injuste ». L’employeur doit toutefois démontrer qu’il subit une injustice et présenter une preuve relativement à l’impact financier résultant de cette imputation, ceci s’appréciant selon les circonstances du dossier.
- CUSM-Pavillon Hôpital général de Montréal, C.L.P. 360345-71-0810, 21 octobre 2009, C. Racine.
Il faut se garder de généraliser et prétendre que toute lésion professionnelle générant des coûts élevés obère injustement l’employeur. L’imputation au dossier d’expérience de ce dernier doit également être injuste. Dans un tel contexte, l’employeur doit non seulement démontrer qu’il assume certains coûts, mais il doit également démontrer qu’il est injuste qu’il les assume dans les circonstances. Les critères plus restrictifs ou l’encadrement proposé dans l’affaire Location Pro-Cam sont écartés. Les questions d’injustice et de coûts devraient être adaptées aux faits particuliers de chaque espèce. Cette interprétation est certes imparfaite, mais elle permet d’apprécier chaque cas à son mérite.
- Sécurité-Policiers Ville de Montréal, 2018 QCTAT 4030.
L’obligation de faire une preuve de situation financière précaire ou de lourde charge financière pour conclure que l’employeur est obéré injustement a pour effet de rendre l'article 326 inapplicable pour la majorité des employeurs. En effet, plusieurs employeurs prospères auront peine à prétendre que l'imputation de coûts à leur dossier, même exorbitants, les conduira à une situation financière précaire ou leur imposera une lourde charge. Or, une loi doit être interprétée de façon à favoriser son application. C'est pourquoi le Tribunal ne peut retenir une interprétation aussi restrictive. Il faut toutefois se garder de généraliser et de prétendre que toute lésion professionnelle engendrant des coûts élevés obère injustement l'employeur. L'imputation des coûts au dossier de ce dernier doit également être injuste. Ainsi, l'employeur doit démontrer non seulement qu'il supporte certains coûts, mais également qu'il est injuste qu'il les supporte dans les circonstances.
- Ministère de la Sécurité publique, 2018 QCTAT 2893.
Il ne faut pas se limiter à vérifier le coût de l'IRR versée en surplus, mais bien l'effet réel sur le coût des prestations dans le dossier financier de l'employeur. C'est en jaugeant cet effet que l'on peut décider si l'employeur est obéré et si le coût des prestations supplémentaires est significatif par rapport à l'ensemble du dossier. L'employeur a démontré qu’il était obéré injustement. En effet, même si le versement de l'IRR durant les 11 jours a procuré au travailleur la somme de 1 276,55 $, l'employeur s'est vu imputer 153 705,82 $ alors que la somme aurait été de 119 968,03 $ si l'assignation temporaire s'était poursuivie.
Méthodes de calcul utilisées
1. Comparaison du coût de l’IRR versée durant la situation d’injustice par rapport à l’IRR totale
- CH affilié Universitaire de Québec,C.L.P. 379625-31-0906, 15 janvier 2010, C. Lessard.
Une proportion de 15 % des coûts de l'IRR est insuffisante pour conclure que l’employeur est obéré par l’imputation.
- Couvre Planchers Yves Tanguay ltée,C.L.P. 387257-71-0908, 29 avril 2010, Anne Vaillancourt.
La période durant laquelle s’est manifestée la maladie personnelle du travailleur représente 118 jours sur une période d’IRR totalisant 656 jours. En proportion, ceci équivaut à 18 % des coûts et même un peu plus. Il s’agit d’une proportion significative.
- CSSS Bordeaux-Cartierville-St-Laurent,C.L.P. 395934-61-0912, 19 octobre 2010, G. Morin.
Une proportion de 13 % est insuffisante pour conclure qu’il s’agit d’une proportion significative.
- Centre de la petite enfance Campamuse inc.,2011 QCCLP 2583.
La période durant laquelle la travailleuse n’a pu être assignée temporairement en raison de sa grossesse représente 107 jours sur une période totale d’incapacité de 579 jours, soit environ 18 %. Ceci ne constitue pas une proportion significative des coûts justifiant de conclure que l’employeur est obéré injustement.
- Centre hospitalier Université de Montréal, 2013 QCCLP 710.
Deux méthodes sont proposées pour évaluer le critère de la proportion significative : soit en comparant le nombre de jours d’IRR versées durant l’interruption de l’assignation temporaire par rapport au nombre total d’IRR versées ou soit en comparant le nombre de jours d’IRR versées durant l’assignation temporaire compte tenu des facteurs de chargement, par rapport au coût total de la lésion incluant les coûts de l’assistance médicale, les frais de réadaptation ou l’indemnité pour préjudice corporel. Selon la première méthode, le pourcentage est établi à 23 % des coûts, alors que selon la seconde méthode, ce pourcentage est de 11 %. Bien que le tribunal privilégie la seconde méthode, les proportions sont jugées significatives dans les deux cas (par. 105). Par ailleurs, la prise en compte des facteurs de chargement a l’avantage de refléter l’impact réel de la facture pour l’employeur (par. 103). Finalement, selon la preuve soumise, il n’y a pas lieu de tenir compte des frais d’assistance médicale ou de réadaptation puisque la maladie personnelle de la travailleuse n’a eu aucun impact à ce niveau (par. 117).
- Armoires Distinction inc., 2013 QCCLP 1779.
Le coût de l’IRR versée pendant la période visée par la maladie personnelle représente 16 % du coût de l’indemnité versée au total au travailleur. Il s’agit d’une proportion significative des coûts reliés à la situation d’injustice en cause.
- Transport Canpar, 2019 QCTAT 3210.
Pour évaluer les répercussions financières de la condition intercurrente, il faut comparer le coût de l'IRR versée durant la période au cours de laquelle il y a eu interruption de l'assignation temporaire à celui de l'IRR versée au travailleur lors de son arrêt de travail initial, car cette proportion illustre bien l'importance des conséquences financières de l'injustice sur le coût total de l'IRR. La période de 7 jours durant laquelle le travailleur a été retiré du travail en raison de sa condition intercurrente représente plus de 25 % de celle de 27 jours durant laquelle il a été retiré du travail à la suite de l'accident du travail. Cette proportion est considérable par rapport au coût de l'IRR versée initialement et, dans ces circonstances, le fait d'imputer à l'employeur le coût de l'IRR versée durant 7 jours additionnels a pour effet de l'obérer injustement.
- CIUSSS de l’Estrie – CHUS, 2019 QCTAT 3640.
Les sommes versées en IRR par la CNESST pour la période du 16 mars au 9 avril 2015 représentent une proportion significative des coûts liés à la lésion professionnelle - une simple règle de 3 permet d'établir que l'IRR versée à la travailleuse pendant la période en question représente approximativement 35 % du coût total de l'IRR versée à la travailleuse en raison de sa lésion professionnelle - le coût de l'IRR versée à la travailleuse pour la période du 16 mars au 9 avril 2015 doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
2. Comparaison du coût de l’IRR versée durant la situation d’injustice par rapport au coût total des prestations résultant de la lésion professionnelle
- Centre d’insémination artificielle du Québec, 2011 QCCLP 7244.
Le coût des prestations relié à la situation d’injustice représente 20 jours sur une durée totale de prestations d’environ un an. Ceci n’a pas pour effet d’obérer l’employeur.
- Centre hospitalier Université de Montréal, 2013 QCCLP 710.
Le tribunal privilégie la méthode proposée selon laquelle il y a lieu de tenir compte du coût total des prestations résultant de la lésion professionnelle, ce qui inclut non seulement les IRR, mais également les autres prestations versées, tels l’assistance médicale, les frais de réadaptation ou l’indemnité pour préjudice corporel.
- Pharmacie Martin Chouinard, 2019 QCTAT 2037.
L'imputation à l'employeur du coût des prestations versées à la travailleuse au cours de ces 5 jours constitue une situation d'injustice. En effet, la soussignée partage la position selon laquelle le fait pour un employeur d'être imputé des coûts engendrés par l'impossibilité pour un travailleur d'occuper une assignation temporaire en raison d'une condition personnelle n'ayant aucun lien avec la lésion professionnelle constitue une situation d'injustice visée par l'article 326 alinéa 2 LATMP. Par ailleurs, en l'espèce, même si le versement de prestations pendant cette période de 5 jours paraît peu important, s'élevant à 295,68 $, il a eu une conséquence réelle et significative pour l'employeur, faisant passer l'effet de cette réclamation de 105 000 $ à 130 000 $.
- Transport LDC inc., 2019 QCTAT 2102.
La travailleuse a reçu des indemnités de remplacement du revenu du 19 juillet 2013 au 7 janvier 2014. Le coût pour les indemnités de remplacement du revenu versées pour la période de 34 jours, soit entre le 24 septembre et le 28 octobre 2013, représente 19,76 % par rapport à l’ensemble des coûts qui s’étalent sur une période totale de 172 jours. Reste maintenant à savoir si cette proportion est significative. Beaucoup de décideurs considèrent qu’une proportion de 16 % et plus de l’ensemble des coûts est considérée comme étant significative. Un pourcentage de 19,76 % constitue une proportion significative des coûts en rapport avec le portrait d’ensemble des coûts au dossier.
- Compagnie A, 2019 QCTAT 4549.
L'effet réel du coût de l'IRR versée en surplus doit être considéré par rapport au coût total de l'accident imputé au dossier de l'employeur - en l'espèce, les 2 périodes totalisent plus de 6 mois - elles représentent près de la moitié des répercussions totales de l'accident sur la cotisation de l'employeur, ce qui est significatif - le coût total de la lésion professionnelle est de 97 343 $ alors que, si l'on retranche la portion associée aux 2 périodes de reprise du versement de l'IRR, le coût total de la lésion est alors de 43 662 $ - le coût de l'IRR versée à la travailleuse pour les périodes du 10 avril au 21 juin 2015 ainsi que du 23 août au 17 décembre 2015 doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
3. Comparaison du coût de l’IRR versée durant l’interruption d’une assignation temporaire par rapport à la durée totale ou prévue de l’assignation temporaire
- Viandes du Breton inc.,C.L.P. 360742-01A-0810, 19 décembre 2009, A. Quigley.
L’interruption de l’assignation temporaire correspond à 18 % de la période totale d’assignation temporaire, ce qui constitue une proportion significative pour l’employeur.
- Produits Thermovision inc. et CSST,C.L.P. 372894-62A-0903, 7 mai 2010, J. Landry.
L’interruption de l’assignation temporaire durant un mois sur une période totale de plus d'un an ne constitue pas une proportion significative des coûts.
- CSSS de l’Ouest de l’Ile, 2011 QCCLP 2062.
L’employeur a démontré que l’assignation temporaire aurait normalement duré 133 jours. Or, elle a été interrompue pendant 42 jours en raison d’une maladie personnelle, ce qui représente 32 % de la durée totale de l’assignation. Il s’agit d’une proportion significative ayant pour effet d’obérer l’employeur.
- Centre hospitalier Université de Montréal, 2013, QCCLP 710.
La méthode proposée par la CSST dans sa politique interne tient compte du ratio obtenu en comparant la durée de l’interruption de l’assignation temporaire pour une maladie personnelle sur la durée totale de l’assignation temporaire. La CSST accepte de transférer les coûts si ce ratio excède 20 %. Si la CSST exige un tel ratio, le tribunal est d’avis qu’il peut difficilement être plus exigeant. En effet, la CSST est la mieux placée pour estimer l’impact réel de sommes imputées à un employeur.
4. Comparaison du coût de l’IRR versée durant la situation d’injustice par rapport à l’IRR versée durant la période de consolidation
- Centre de Santé du Granit (CH),2011 QCCLP 2770.
L’interruption d’une assignation temporaire pendant 18,5 jours en raison d’une condition personnelle ne représente que 6 % de la période totale de 307 jours nécessaire à la consolidation de la lésion professionnelle. Ceci ne constitue pas une proportion significative des coûts permettant de conclure que l’employeur est obéré par cette situation.
- Centre la petite enfance Montgolfière inc., 2012 QCCLP 7526.
La travailleuse a cessé son assignation temporaire en raison d’un retrait préventif de la travailleuse enceinte. L’employeur est obéré par le fait qu’il n’a pu assigner la travailleuse durant les neuf mois de sa grossesse par rapport à la durée totale de la consolidation d’une durée de 28 mois.
- Pepsico Canada (Frito Lay), 2019 QCTAT 1677.
Comme la durée de l'interruption de l'assignation temporaire en raison d'une maladie intercurrente totalise 35 jours, il s'agit d'une très courte période si on la compare avec celle autorisée par le médecin qui a charge (237 jours). La proportion des coûts attribuables à la situation d'injustice n'est donc que de 14,76 % et est peu significative par rapport aux coûts découlant de l'accident du travail. Quant à la période de consolidation en cause, elle totalise 508 jours, alors que l'interruption des traitements de physiothérapie ne représente qu'une durée de 34 jours. La maladie intercurrente n'a donc pas eu pour effet d'altérer l'évolution de la lésion professionnelle en retardant indûment le plan de traitements et en prolongeant la période totale de consolidation. L'employeur n'est pas obéré injustement.
Pourcentage
Une fois la proportion établie, soit le pourcentage de ce que coûte la situation d’injustice par rapport à la référence choisie, il reste à déterminer si cette proportion est significative, ce qui donne lieu également à une controverse jurisprudentielle.
- Centre hospitalier universitaire de Montréal (Hôpital St-Luc),C.L.P. 354519-62-0807, 19 octobre 2009, L. Couture.
2 jours sur 2 mois : proportion non significative.
- Centre de santé Orléans,C.L.P. 395151-31-0911, 2 septembre 2010, S. Sénéchal.
2 mois sur 16 mois, soit 12,5 % : proportion significative.
- CSSS Bordeaux-Cartierville-St-Laurent,C.L.P. 395934-61-0912, 19 octobre 2010, G. Morin.
11 jours sur 81 jours, soit 13 % : proportion non significative.
- Groupe Compass (Eurest/Charwell),2011 QCCLP 8335.
6 jours sur 42, soit 14,3 % : proportion significative.
- STM (Réseau des autobus),2013 QCCLP 239.
10 jours sur 77 : proportion non significative.
- Armoires Distinction inc.,2013 QCCLP 1779.
16 % : proportion significative.
Politique interne de la CNESST
- Viandes Du Breton inc.,C.L.P. 360742-01A-0810, 19 décembre 2009, A. Quigley.
Le tribunal a maintes fois établi qu’il n’est pas lié aux politiques administratives de la CSST, politiques dont les critères d’application n’apparaissent pas à la loi.
- CSSS de l’Ouest de l’Ile,2011 QCCLP 2062.
La CSST a adopté une orientation interne concernant l’assignation temporaire : l’interruption doit être d’au moins sept jours consécutifs et représenter au moins 20 % de la période totale où il y aurait dû avoir assignation. Bien que le tribunal ne soit pas lié par cette politique, celle-ci s’avère un indicateur pertinent des facteurs à apprécier dans le cadre du présent litige.
- Centre hospitalier Université de Montréal, 2013, QCCLP 710.
La méthode proposée par la CSST dans sa politique interne tient compte du ratio obtenu en comparant la durée de l’interruption de l’assignation temporaire pour une maladie personnelle sur la durée totale de l’assignation temporaire. La CSST accepte de transférer les coûts si ce ratio excède 20 %. Si la CSST exige un tel ratio, le tribunal est d’avis qu’il peut difficilement être plus exigeant. En effet, la CSST est la mieux placée pour estimer l’impact réel de sommes imputées à un employeur
- Ministère de la Sécurité publique, 2018 QCTAT 2893.
La politique de la CNESST qui exige une période d'interruption de l'assignation temporaire de plus de 7 jours et qu’elle représente au moins 20 % de la période totale, ne lie pas le Tribunal
Voir également :
Groupe CDP inc., C.L.P. 356625-31-0808, 23 juillet 2009, G. Tardif.
Spécialistes Nettoyage Contrat Can., 2011 QCCLP 68.
Impact sur le régime de financement
La prise en compte de l’impact sur le régime de financement est une tendance très minoritaire appliquée par un nombre limité de juges.
- CSSS-IUGS (Pavillon d’Youville),C.L.P. 388384-05-0909, 19 février 2010, M-C. Gagnon.
Le choix du régime de financement ne constitue pas, en soi, un critère pouvant justifier une demande de transfert de coûts en vertu de l’article 326. Toutefois, il faut considérer l’impact de l’application du facteur de chargement aux coûts imputés au dossier financier de l’employeur.
- Transport Bourret inc.,2011 QCCLP 1214.
Le délai de onze mois au cours duquel des IRR ont été versés avant que le travailleur ne consente à subir une chirurgie ne constitue pas une injustice pour l’employeur. En effet, ce dernier étant assujetti au régime de l’ajustement rétrospectif, il conserve l’opportunité d’exercer un contrôle direct sur le risque qu’il assume en fixant lui-même sa propre limite de prise en charge. Dans un tel contexte, l’employeur n’est pas obéré injustement puisque le coût total de la lésion est inférieur à la limite qu’il a choisie.
- Société de Transport de Laval et CSST, 2011 QCCLP 1531.
Il est difficile de conclure que l’employeur est obéré injustement dans la mesure où l’injustice résulterait de la simple application des règles du régime de financement auquel il est assujetti, aussi importants soient les coûts engendrés par la lésion.
- Lumec inc.,2011 QCCLP 2346.
Le simple fait d’invoquer que la période en cause dans la situation d’injustice alléguée se déroule durant l’un des trimestres les plus coûteux selon les règles d’imputation relatives à un employeur soumis au régime rétrospectif n’éclaire en rien le tribunal quant à la charge financière qu’implique la situation invoquée. En effet, le tribunal s’attend à une démonstration concrète avec chiffres à l’appui et non à de simples allégations non appuyées pour démontrer que la proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice est significative par rapport aux coûts découlant de la lésion professionnelle.
- Thompson Tremblay inc., 2011 QCCLP 5219.
L’employeur doit démontrer l’impact financier de l’imputation des coûts sur sa cotisation. Puisqu’il est assujetti au régime rétrospectif et qu’il a choisi d’assumer seul le coût résultant des accidents survenus au cours de l’année en litige jusqu’à concurrence de 423 500 $, l’employeur n’est pas obéré injustement par l’imputation d’un montant de 1 899,20 $ lorsque l’ajustement rétrospectif définitif de sa cotisation aura été établie.
- Société de transport de Montréal (Réseau du métro), 2012 QCCLP 5489.
La répercussion des coûts associés à la situation d’injustice sur la cotisation de l’employeur représente la meilleure preuve que l’employeur est obéré injustement puisque cette cotisation représente la véritable charge financière qu’un employeur doit assumer. Ainsi, par exemple, un employeur soumis au taux de l’unité ne verra aucun impact sur sa cotisation contrairement à l’employeur soumis au taux personnalisé ou celui soumis au régime rétrospectif. Toutefois, le tribunal n’a pas une connaissance d’office du régime de financement applicable à l’employeur ni de ses facteurs de chargement, ni de la limite choisie, le cas échéant.
Suivi :
Désistement de la requête en révision, 3 septembre 2013.
- CHSLD Bordeaux-Cartierville, 2013 QCCLP 155.
Pour établir si l’employeur est obéré, le tribunal se réfère à la règle de la proportionnalité des coûts découlant de l’affaire Location Pro-Cam inc. A cette fin, on rappelle que la situation d’injustice a un impact direct sur la cotisation de l’employeur qui est au régime rétrospectif et qu’il y a lieu de tenir compte de son facteur de chargement. Le tribunal rappelle également que l’ajustement définitif de la cotisation de l’employeur, pour l’année 2010, ne sera établie de façon définitive qu’en 2014. Ce n’est donc qu’à ce moment que peut être établi l’impact de l’imputation sur la cotisation de l’employeur. Après avoir analysé la preuve dont il disposait, le tribunal conclut que l’impact établi sur la cotisation est largement inférieur à la limite de prise en charge que l’employeur aura pu choisir. Par conséquent, celui-ci ne peut prétendre être obéré par cette situation.
- Centre hospitalier Universitaire de Montréal,2013 QCCLP 710.
On ne devrait pas assujettir l’application du second alinéa de l’article 326 aux choix faits par l’employeur quant à son régime de financement et aux limites. Si telle était l’intention du législateur, il l’aurait prévu.
- Canards du Lac Brome ltée, 2013 QCCLP 1166.
L’assignation temporaire a été interrompue en raison d’une maladie personnelle. Le travailleur compare le coût des IRR versées durant cette période auquel s’ajoute le coût des frais d’assistance médicale, de réadaptation et d’ergothérapie qui ont aussi été interrompus en raison de l’intervention chirurgicale. Ce montant doit être multiplié par le facteur de chargement de l’employeur selon l’ajustement rétrospectif provisoire en 2010. Le coût total des prestations de la lésion professionnelle est aussi multiplié par le même facteur de chargement. La proportion des coûts s’établit donc à 6 %, ce qui n’a pas pour effet d’obérer l’employeur.
Délai
Computation du délai lors d'une RRA
L’article 326, al. 3 indique que la demande de transfert de coûts doit se faire dans l’année suivant la date de l’accident. En cas de RRA, la jurisprudence reconnaît que le délai commence à courir à compter de cette nouvelle lésion professionnelle et non pas à partir de la lésion initiale.
- Duchesne & Fils ltée,C.L.P. 283437-04-0602, 3 novembre 2006, J-F. Clément.
Il est logique de penser que si le législateur a prévu un délai de un an à compter de la survenance de l’accident initial pour présenter sa demande, la concordance doit s’effectuer lorsque cette demande est faite en lien avec des faits liés à une RRA. On doit alors comprendre qu’en pareil cas, le délai commence à courir à compter de cette nouvelle lésion qui constitue un prolongement de la lésion initiale.
Voir également :
Maçonnerie Gervais & Champagne inc., 2013 QCCLP 2019.
Possibilité d'être relevé du défaut
L’article 326 alinéa 3 prévoit que l’employeur doit demander de ne pas être imputé du coût des prestations s’il prétend être obéré injustement dans un délai d’un an suivant la date de l’accident du travail. Souvent l’injustice se produit plus d’un an après la survenance de l’accident du travail. Selon une première approche, l’employeur a la possibilité de demander d’être relevé de son défaut d’avoir respecté le délai selon l’article 352, car il a un motif raisonnable. La demande ne pouvait se faire durant la première année, car l’injustice n’était pas survenue. La jurisprudence reconnait que l’apparition de la situation injuste plus d’un an après la date de l’accident du travail constitue un motif raisonnable.
Selon une approche plus récente, le délai d’un an n’est pas de rigueur. Il ne court que du jour où le droit à l’exception naît. Donc, l’employeur a un an à partir de la situation qualifiée d’injuste pour faire sa demande. S’il produit sa demande hors de ce délai, il devra démontrer un motif raisonnable selon l’article 352.
Première approche: article 352 de la LATMP
- CSSS de la Vieille-Capitale, C.L.P. 396390-31-0912, 2 août 2010, J-F. Clément.
La survenance du fait motivant la demande de transfert de l’employeur à l’extérieur du délai prévu à l’article 326, al. 3 constitue un motif raisonnable au sens de l’article 352 pour être relevé de son défaut.
- Compagnie A et CSST,2012 QCCLP 4461.
A la suite d’une analyse exhaustive de la jurisprudence, il appert que la connaissance d’un fait nouveau ou l’apparition d’une situation nouvelle en dehors du délai de un an prévu à l’article 326, al.3 constitue un motif raisonnable.
- Domtar inc. (usine de Windsor),2013 QCCLP 1741.
Puisque la maladie intercurrente n’est pas survenue dans le délai contenu au troisième alinéa de l’article 326, il apparaît farfelu d’exiger de l’employeur qu’il présente dans ce délai sa demande de transfert de coût pour un motif qui n’est pas encore connu. Il s’agit donc d’un motif raisonnable.
- TD Canada Trust, 2018 QCTAT 6180.
Selon la Cour d’appel dans Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9069-4654 Québec inc l’employeur dispose d'un délai d’un an, à partir du moment où il a un motif d’invoquer qu’il est obéré injustement, pour soumettre à la Commission un écrit contenant un exposé des motifs au soutien de sa demande. Cette interprétation exige que soit réécrit le texte du troisième alinéa de l’article 326 de la Loi qui édicte, clairement et sans ambiguïté, que la demande doit être soumise dans l’année suivant la date de l’accident. Seul le législateur possède ce pouvoir. Or, comme cela est également précisé par la Cour d’appel, l’article 352 de la Loi permet au Tribunal de prolonger un délai pour l'exercice d'un droit ou de relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
- Pétroles Sherbrooke inc., 2019 QCTAT 61.
Le texte de l'alinéa 3 de l'article 326 ne souffre d'aucune ambiguïté et ne nécessite aucune interprétation. Un employeur qui désire se prévaloir de l'exception au principe général d'imputation doit le faire «dans l'année suivant la date de l'accident». Si cela est impossible, comme c'est le cas dans la présente affaire parce que l'exception est née plus de 1 an après la date de l'accident, l'employeur peut invoquer cette situation à titre de motif raisonnable afin d'être relevé de son défaut.
- Pharmacie Martin Chouinard, 2019 QCTAT 2037.
L’article 326 alinéa 3 est clair et il n’a pas besoin d’être interprété. L’employeur peut être relevé du défaut d’avoir respecté le délai d’un an s’il démontre un motif raisonnable conformément à l’article 352.
Voir également :
TLD (Canada) inc., 2019 QCTAT 2774.
CUSM - Hôpital général de Montréal, 2019 QCTAT 2506.
Deuxième approche : délai à compter du droit à l’exception
- Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9069-4654 Québec inc., 2018 QCCA 95.
Le délai d’un an à l’article 326 alinéa 3 n’est pas de rigueur. Il ne court que du jour où le droit à l’exception naît, soit ici à compter du congédiement.
- Sécurité-Policiers Ville de Montréal, 2018 QCTAT 4030.
Le délai de 1 an court à partir du moment où l'employeur a une raison d'invoquer qu'il est obéré injustement et s'il produit sa demande en dehors de cette année, il devra démontrer un motif raisonnable justifiant son inaction. L'interprétation large et libérale proposée par la Cour d'appel s'inscrit dans un courant jurisprudentiel par lequel cette cour rappelle au Tribunal qu'il doit faire preuve de souplesse et éviter de faire perdre des droits aux justiciables sur des questions de procédure et de délai. Par ailleurs, il est logique de faire courir le délai de 1 an à compter du jour où le droit à l'exception naît, d'autant plus lorsque l'employeur soutient être obéré injustement par les sommes imputées à son dossier. En effet, si la demande est faite trop prestement après la naissance du droit, par exemple, en l'espèce, au lendemain de la cessation de l'assignation temporaire ou du travail allégé, le Tribunal aura de la difficulté à déterminer si les coûts engendrés par cette interruption sont importants et obèrent injustement l'employeur.
- Gaétan Riendeau inc., 2019 QCTAT 3917.
L’accident du travail arrive en novembre 2010. Selon l'interprétation de l'article 326 alinéa 3 par la Cour d'appel le délai d’un an prévu à cet article ne commence à courir qu'au moment où naît le droit à l'exception, en l'espèce le moment où la travailleuse a été informée qu'elle ne pourrait se soumettre à la résonance magnétique en raison de sa grossesse. Ce moment se situe autour du 22 novembre 2011. L'employeur ayant déposé sa première demande de transfert des coûts le 14 mars 2012, le délai a été respecté.
- SPG Hydro International, 2020 QCTAT 98.
Dans Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9069-4654 Québec inc., la Cour d'appel indique que le délai pour soumettre une demande si l’employeur prétend être obéré injustement ne court que du jour où le droit à l'exception naît. Bien que cette conclusion ne fasse pas consensus, il n'y a pas lieu de s'en écarter puisqu'il s'agit de l'interprétation du plus haut tribunal du Québec. Même si l’accident du travail est survenu le 28 novembre 2012, la demande de transfert du 2 octobre 2014 respecte le délai de 1 an qu'impose le troisième alinéa de l'article 326 puisqu'elle repose sur le fait que le travailleur a cessé de travailler en avril précédent à cause d'un problème de toxicomanie.
Voir également :
Robover (division), 2019 QCTAT 2272.
Évaluation de la diligence de l'employeur à produire sa demande
Une controverse existe sur l’évaluation de la diligence de l’employeur à déposer sa demande entre le moment où il a connaissance d’une possible situation d’injustice et le moment où il dépose effectivement sa demande de transfert de coûts.
Selon un courant de jurisprudence, il y a lieu d’allouer un délai de 6 mois, par analogie avec le Règlement sur le financement ( ce règlement a remplacé le Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations) pour évaluer la diligence de l’employeur dans la production de sa demande de partage (si hors-délai selon 326, al.3).
- Entreprises de construction Guy Bonneau ltée,C.L.P. 366041-64-0812, 2 mars 2010, M. Montplaisir.
La demande de transfert doit être déposé dans un délai de 6 mois de la connaissance de l'employeur du fait que l'assignation temporaire pourrait être compromise. Ainsi, par analogie au Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations, la diligence peut s’apprécier en fonction du délai de 6 mois qui y est prévu.
- Mercier carrossier ltée,C.L.P. 409332-03B-1005, 12 novembre 2010, A. Quigley.
Le tribunal estime que le délai de 6 mois, utilisé dans la jurisprudence à titre de référence pour évaluer le caractère raisonnable d’une demande de transfert logée au-delà du délai prévu à l’article 326 (3) de la loi est justifié. Dans les circonstances, le tribunal constate que l’employeur a logé sa demande 8 mois après la maladie intercurrente qu’il invoque. Sa demande de transfert est donc irrecevable parce que logée tardivement.
- Garda (Division Montréal),2011 QCCLP 901.
Au stade de l’analyse de la diligence de l’employeur à présenter une demande tardive de transfert de coûts lorsque la cause survient au-delà du délai prévu à l’article 326 (3), il est possible de prendre en considération, par analogie, le délai de 6 mois de la connaissance d’un fait essentiel prévu au Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations.
- Service d’entretien Signature,2011 QCCLP 4276.
Le fait d’agir à l’intérieur du délai de 6 mois de la connaissance d’un fait donnant ouverture à une demande de transfert de coûts rencontre le critère de diligence exigé de l’article 352.
- Solive ajourée 2000 inc., 2012 QCCLP 5587.
La survenance du fait motivant la demande de transfert à l’extérieur du délai prévu à l’article 326 (3) constitue un motif raisonnable au sens de l’article 352 pour être relevé de son défaut. Toutefois, ceci ne fait pas en sorte que l’employeur dispose à nouveau d’un délai de un an à compter de ce fait nouveau. L’employeur doit plutôt agir avec diligence, soit à l’intérieur d’un délai de 6 mois, par analogie au Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations.
Voir également :
Entretien de pont roulant Pro-Action, C.L.P. 364799-64-0812, 22 juillet 2010, T. Demers.
CSSS Gatineau, C.L.P. 400127-07-1001, 20 septembre 2010, S. Séguin.
Selon un autre courant de jurisprudence, il ne saurait être question d’introduire un délai de 6 mois pour évaluer la diligence de l’employeur à produire sa demande de transfert de coûts, en l’absence de mention claire en ce sens dans la loi, que ce soit à l’article 326 ou à l’article 352. Bref, l’employeur doit démontrer qu’il dispose d’un motif raisonnable pour expliquer le fait de ne pas avoir respecté le délai prévu à l’article 326 (3) et le fait de ne pas avoir produit sa demande de transfert de coûts dès que la possible situation d’injustice survient.
- Fer et Métaux américains S.E.C.,C.L.P. 403245-61-1002, 6 décembre 2010, L. Boucher.
Pour utiliser, par analogie, le délai de 6 mois prévu au Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations, lors d’une première demande de transfert selon l’article 326, encore faut-il s’appuyer sur l’intention du législateur. Or rien ne permet de conclure qu’un employeur dispose d’un délai de 6 mois à partir de la découverte d’un fait pour présenter sa demande de transfert. Dans le présent dossier, l’employeur a attendu 3 mois pour déposer sa demande de transfert à partir de la reprise du versement des IRR à la suite d’une maladie personnelle du travailleur. Aucun motif raisonnable n’a été présenté pour expliquer ce délai de 3 mois. La demande de transfert est donc irrecevable parce que tardive.
- Tecfab International inc.,2011 QCCLP 6121.
Le tribunal considère que ce n’est pas tant la période de temps avant de produire une demande de transfert qui justifie une prolongation de délai mais si l’employeur a démontré qu’il avait un motif raisonnable.
- Le Renoir, s.e.c.,2011 QCCLP 8326.
A compter du 10 février 2010, l’employeur disposait de l’information requise pour envisager le dépôt d’une demande de transfert de coûts, ce qu’il n’a pas fait avant le 7 juillet 2010, soit 5 mois plus tard, sans explication pour expliquer ce délai. Si le législateur avait voulu accorder un délai additionnel de 6 mois après la découverte de ce fait nouveau, il l’aurait prévu. Par conséquent, la demande de transfert de l’employeur est irrecevable parce que logée tardivement.
- Compagnie A et CSST-Montérégie, 2012 QCCLP 4461.
Après avoir passé en revue de façon détaillée la jurisprudence sur la question, le tribunal estime que l’article 352 parle d’un « motif raisonnable » et ne fait aucunement référence à un « délai raisonnable ». Par conséquence, considérer un délai de 6 mois prévu au Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations, même par analogie, ne respecte pas l’intention du législateur. Certains indices peuvent permettre de déterminer si l’employeur a agi avec diligence. Par exemple, la situation, en soi, peut être connue mais son impact sur les coûts liés à la lésion professionnelle est difficilement prévisible, ce qui peut justifier, dans certaines circonstances, un certain délai avant de loger une demande de transfert. Il peut aussi être pertinent d’analyser les démarches actives de l’employeur afin de connaître l’impact de la situation sur son dossier financier. A l’inverse, l’employeur pourrait faire un certain aveuglement volontaire et invoquer son ignorance de la situation. C’est l’étude des faits particuliers à chaque cas qui permet d’étayer cette analyse. C’est l’employeur qui a le fardeau de faire la preuve de ces éléments. En l’absence d’explications lorsqu’il existe un délai entre le moment où les faits donnant ouverture à la demande de transfert sont connus et la production de la demande, le tribunal ne saurait conclure à la diligence de l’employeur.
- Domtar inc. (usine de Windsor), 2013 QCCLP 1741.
L’employeur a agi avec diligence en présentant sa demande de coûts quelques mois après la survenance de la maladie intercurrente du travailleur puisque l’impact sur le coût des prestations est difficilement prévisible avant un certain temps. Dans ce contexte, l’employeur n’a d’autre choix que d’attendre un certain temps avant de présenter sa demande.
Voir également :
Resto Bar Réal Massé et CSST, 2011 QCCLP 2852.
Terminaux portuaires du Québec inc., 2011 QCCLP 5450.
Groupe Parima inc., 2011 QCCLP 6291.
Groupe de Sécurité Garda inc. et CSST, 2013 QCCLP 2055.
Suivi :
Révision pendante.
Bridgestone Firestone Canada inc., 2013 QCCLP 2428