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. 328. Imputation des coûts - Maladie professionnelle

Travail de nature à engendrer une maladie professionnelle

Dans le cas d'une maladie professionnelle, la Commission impute le coût des prestations à l'employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer cette maladie.

Selon la jurisprudence, l’analyse vise à déterminer si les gestes effectuées au travail ou les conditions d’exercice du travail chez l’employeur sont de nature à engendrer la maladie. Il ne s’agit pas de démontrer que le travail exercé a effectivement causé la maladie, car l’origine professionnelle de la maladie n’est pas remise en question lors de l’application de l’article 328.

Prévost Car inc. et Centre de débosselage A. Beaulieu inc., C.L.P. 150247-31-0011, 2 mai 2002, .J-L. Rivard.

L'employeur doit démontrer que le travailleur a exercé pour le compte d'autres employeurs un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle. Un certain nombre d'éléments peuvent être pris en compte dans le cadre de l'appréciation du caractère prépondérant de cette preuve : la description précise des tâches de nature à engendrer cette maladie professionnelle chez ces autres employeurs; l'établissement par présomption de fait qu'un travailleur a été exposé à des mouvements, des postures, des tâches ou toutes autres conditions d'emploi de nature à engendrer cette maladie professionnelle chez un autre employeur et qu'il a présenté des symptômes similaires antérieurement; ou encore une preuve de nature médicale, notamment la référence à des études particulières, quant à la relation entre la maladie du travailleur et les emplois antérieurs. Dans tous les cas, il ne suffira pas pour un employeur d'alléguer simplement qu'un travailleur a déjà exercé chez un autre employeur des tâches susceptibles d'avoir causé sa maladie professionnelle, mais il devra en faire la démonstration sur la base d'une preuve concrète.

Thetford Armature inc. et Moteurs électriques Gosselin inc., C.L.P. 185894-05-0206, 6 décembre 2002, M. Allard.

L'employeur qui prétend qu'aucun coût des prestations ne doit lui être imputé doit faire la preuve prépondérante que le travail exercé par le travailleur à son établissement n'était pas de nature à engendrer la maladie professionnelle dont il est porteur. L'employeur doit faire cette démonstration au moyen d'une preuve concrète. De simples allégations ou hypothèses ne sont pas suffisantes.

Perfect-Bois inc., C.L.P. 207438-03B-0305, 28 octobre 2003, J.-F. Clément.

Il ne s'agit pas de prouver que le travail effectué chez un employeur a dans les faits engendré la maladie en tout ou en partie, mais bien qu'il était de nature à l'engendrer. Il faut éviter les débats d'ordre médical tentant de déterminer si le travail fait chez un employeur a réellement eu un impact sur la pathologie en cause. Il suffit qu'il ait été de nature à engendrer une telle maladie. Le législateur a donc choisi d'imputer un employeur si un travailleur a exercé chez lui un travail de nature à engendrer cette maladie qu'il l'ait ou non engendrée dans les faits.

W. Laframboise ltée, C.L.P. 233609-71-0405, 25 janvier 2005, C. Racine.

Le simple fait qu'une maladie professionnelle soit reconnue et que l'emploi ait été exercé dans le passé ailleurs que chez l'employeur ne suffit pas pour accorder à ce dernier le partage des coûts qu'il réclame. La preuve doit démontrer que non seulement le titre de l'emploi est similaire, mais que les gestes requis pour effectuer celui-ci chez les autres employeurs sont également de nature à engendrer la maladie diagnostiquée.

Entreprises Michel Duchesneau, C.L.P. 283615-62B-0603, 16 août 2006, J.-F. Clément.

Il revient à l’employeur de prouver que les emplois antérieurs du travailleur étaient de nature à contribuer à sa maladie professionnelle. L’employeur doit donc faire cette démonstration au moyen d’une preuve concrète des tâches exercées chez les autres employeurs et de simples allégations ou hypothèses ne sont pas suffisantes. La simple preuve d’un titre d’emploi similaire ne suffit pas, mais encore faut-il que la preuve démontre que les gestes requis pour effectuer les tâches chez les autres employeurs sont également de nature à engendrer la maladie diagnostiquée.

Centre de collision Laval, 2011 QCCLP 7070.

L’article 328 prévoit un partage entre les employeurs où le travailleur a exécuté un travail susceptible d'avoir engendré sa lésion au prorata de la durée de travail chez chacun d'eux, sans la nécessité de faire une preuve de relation. Ainsi, on ne peut, lors de l'imputation des coûts, passer outre aux effets de l'article 29 et imposer à l'employeur de faire la preuve que le travail exécuté chez les autres employeurs a pu engendrer la lésion. Pour qu'un partage d'imputation ait lieu, il suffit de démontrer que le travail exercé chez les autres employeurs était « de nature à engendrer la maladie » et non qu'il l'a effectivement causée.

Ganotec inc., 2012 QCCLP 2608.

L’analyse de la nature du travail exercé est essentielle avant de procéder à un partage. En effet, si l'employeur prétend que le travail exercé chez lui n'est pas de nature à engendrer la maladie professionnelle, la preuve peut se limiter à cet aspect. Il ne s'agit pas de comparer l'importance du danger chez l'employeur à celui chez les autres employeurs, mais de démontrer l'absence de travail de nature à engendrer la maladie professionnelle chez cet employeur. Par ailleurs, la démonstration de la proportionnalité exigée au deuxième alinéa de cet article ou du fait que le danger est plus important chez les autres employeurs n'était pas requise à cette étape.

Oslo Construction inc., 2014 QCCLP 941.

Si le travailleur a exercé pour un seul employeur un travail de nature à engendrer sa maladie, la CSST impute le coût des prestations au dossier de cet employeur. Si le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie chez plusieurs employeurs, la CSST impute le coût des prestations au dossier de ces employeurs, selon la méthode de calcul prévue au second alinéa de cet article, soit un ratio basé sur la durée du travail et l'importance du danger. Ainsi, la CSST doit, avant de rendre une décision sur l'imputation du coût des prestations d'une maladie professionnelle, vérifier si le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie chez un seul ou plusieurs employeurs. Or, en l'espèce, le dossier médico-administratif est totalement muet sur une telle vérification.

Importance du danger

Si un travailleur a travaillé pour plus d’un employeur, l’analyse traite de l’exposition au danger chez chaque employeur. La simple preuve d’un titre d’emploi chez un employeur est insuffisante pour pouvoir évaluer l’importance du danger. Il faut aussi une preuve des gestes effectués ou des facteurs de risque de développer cette maladie pour apprécier l’importance du danger.

Par ailleurs, si la preuve ne permet pas d'évaluer de l'importance du danger chez chacun des employeurs, la proportionnalité s'établit selon la durée de travail chez chaque employeur.

Garage Michel Potvin inc. et Carrossier Yves Defoy inc., C.L.P. 117675-31-9905, 2 mai 2000, M.-A. Jobidon.

En l’absence d'une preuve permettant d'établir en quoi l'exposition chez ces deux employeurs comportait moins de risques que chez d'autres employeurs, le tribunal n'a d'autre choix que de s'en remettre au seul critère de la durée de l'exposition.

Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, C.L.P. 114775-71-9904, 16 juin 2000, C. Racine.

Si plusieurs employeurs sont impliqués, le tribunal doit analyser la durée du travail de nature à causer la maladie et le niveau de danger retrouvé chez chacun des employeurs. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'origine professionnelle de la surdité du travailleur, mais bien de déterminer qui doit assumer les coûts reliés à cette maladie.

W. Laframboise ltée, C.L.P. 233609-71-0405, 25 janvier 2005, C. Racine.

Le simple fait qu’une maladie professionnelle soit reconnue et que l’emploi soit exercé dans le passé ailleurs que chez l’employeur ne suffit pas pour lui accorder le partage des coûts qu’il réclame. De plus, la preuve doit démontrer non seulement que le titre de l’emploi est similaire, mais que les gestes requis pour l'effectuer chez les autres employeurs sont également de nature à engendrer la maladie diagnostiquée.

Entreprises Michel Duchesneau, C.L.P. 283615-62B-0603, 16 août 2006, J.-F. Clément.

Il revient à l’employeur de prouver que les emplois antérieurs du travailleur étaient de nature à contribuer à sa maladie professionnelle. Il doit donc faire cette démonstration au moyen d’une preuve concrète des tâches exercées chez les autres employeurs et de simples allégations ou hypothèses ne sont pas suffisantes. La simple preuve d’un titre d’emploi similaire ne suffit pas, il faut que la preuve démontre que les gestes requis pour effectuer les tâches chez les autres employeurs sont également de nature à engendrer la maladie diagnostiquée.

Contenants Durabac inc. et Agropur Coopérative Agro-alimentaire,  C.L.P. 302067-62B-0610, 16 juillet 2008, M. D. Lampron.

La preuve ne permet pas de distinguer la nature du travail de soudeur exercé par le travailleur dans ses emplois précédents. L'absence d'information plus détaillée au soutien de la demande de partage d'imputation résulte en grande partie d'une inaction de la part de l'employeur. La demande de l'employeur repose sur le contenu du curriculum vitae du travailleur et des notes recueillies par la CSST. À défaut d'une preuve permettant d'établir en quoi l'exposition chez un employeur comporte moins de risques que chez d'autres employeurs, il y a lieu de s'en remettre au seul critère de la durée de l'exposition.

Kamtech Services inc., C.L.P. 387970-05-0909, 10 novembre 2010, M.-C. Gagnon.

Les caractéristiques concernant l'exposition et le danger peuvent différer d'un employeur à l'autre. La démonstration d'une exposition à des fibres d'amiante ne doit donc pas se fonder sur un simple calcul mathématique des expériences de travail pour un même genre d'emploi alors que les caractéristiques concernant l’exposition et le danger peuvent différer d’un employeur à l’autre.

Ganotec Mécanique inc., 2011 QCCLP 1143.

L’importance du danger se mesure plutôt en fonction des facteurs de risque associés au développement de la maladie professionnelle et au degré d’exposition du travailleur à de tels risques dans le cadre de son travail. Il faut qu’une preuve prépondérante permette d’établir en quoi l’exposition chez un employeur comporte moins de risques que chez d’autres employeurs sans remettre en cause l’admissibilité, pour procéder à une juste répartition du coût des prestations entre les différents employeurs chez qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer la maladie. À défaut d’une preuve prépondérante permettant d’évaluer adéquatement l’importance du danger, le tribunal n’a d’autre choix que de s’en remettre au seul critère de la durée de l’exposition.

Entreprises Alain Maltais, 2012 QCCLP 3752.

Dans un second temps, l’analyse porte sur la durée du travail de nature à engendrer la maladie de même que le niveau de dangerosité trouvé dans le travail effectué chez chacun des employeurs. En effet, ce n'est pas la seule durée d'emploi qui doit être prise en considération, mais, en outre, la durée de la période où le travail exercé est de nature à engendrer la pathologie, la proportionnalité devant être établie selon l'importance du danger que présente le travail chez chacun des employeurs au dossier.

Omnimec inc. et Tuyauterie Borgia ltée, 2012 QCCLP 5200.

L'article 328 LATMP énonce clairement que l'imputation se fait proportionnellement à la durée du travail de nature à engendrer la maladie pour chacun des employeurs et à l'importance du danger que présentait ce travail chez chacun de ces employeurs par rapport à la maladie professionnelle du travailleur. La loi ne prévoit pas de méthode de calcul ou de façon de mesurer l'importance du danger. Il en résulte que le présent tribunal dispose à cet égard d'un pouvoir discrétionnaire.

Période de latence et l’exposition à l’amiante

La période de latence représente le délai entre l’exposition à une substance et le développement des symptômes liés à la maladie.

L’employeur prétend parfois qu’il ne peut pas être imputé, car l’exposition du travailleur n’est pas compatible avec la période de latence.

La jurisprudence considère que la période de latence après l'exposition à l’amiante pour développer un mésothéliome se situe généralement entre 20 et 40 ans, mais n’est jamais inférieure à 20 ans. La période de latence moyenne est de 30 ans.

Liard Mécanique Industrielle inc. et Mécanique Kingston inc., C.L.P. 195470-63-0212, 29 avril 2003, J.-M. Charette.

Selon la littérature médicale déposée en preuve, l'apparition d'un mésothéliome malin est généralement reliée à l'exposition à l'amiante et la période de latence d'apparition d'un tel mésothéliome est extrêmement longue et n'est qu'exceptionnellement inférieure à 20 ans. Un employeur ne devrait pas être imputé des coûts relatifs à une telle maladie professionnelle si l'expérience de travail, chez cet employeur, était plus récente que la période de latence de la maladie.

Jean-Marie Dupuis ltée et Mutuelle de prévention ACQ 3-R, C.L.P. 305244-05-0612, 20 avril 2007, L. Boudreault.

Selon la doctrine médicale, la période de latence de l'apparition des mésothéliomes liés aux expositions à l'amiante est extrêmement longue puisqu'elle est rarement inférieure à 20 ans. Le risque de mésothéliomes attribuables aux emplois qui ont précédé celui chez l'employeur au dossier est donc beaucoup plus élevé que le risque qu'il aurait pu y avoir chez ce dernier puisque la maladie du travailleur a commencé à se manifester vers 1997. Le travail exercé chez l'employeur au dossier n'était pas de nature à engendrer les maladies diagnostiquées et il n'a pas à être imputé du coût des prestations reliées à la maladie professionnelle pulmonaire reconnue chez le travailleur.

Isolations Générales Apt inc., C.L.P. 329638-71-0710, 3 juin 2008, D. Lévesque.

Selon la littérature médicale, un mésothéliome se développe habituellement sur une période oscillant entre 20 à 40 ans après le début de l'exposition à l'amiante, mais jamais inférieure à 20 ans. De plus, l'exposition à l'amiante est, avec l'âge, le seul facteur de risque connu du mésothéliome. Cette même littérature permet de conclure qu'il est raisonnable de retenir une période de latence générale moyenne de 30 ans, pour ce qui est de l'apparition d'un mésothéliome lié à l'amiante. Par conséquent, les conditions d'exercice de l'emploi de calorifugeur chez l'employeur pour la période de 1983 à 1991 ne comportaient pas les risques nécessaires pour développer un mésothéliome.

Ganotec inc., 2015 QCCLP 1141.

Le tribunal, s’appuyant sur la documentation médicale produite par l’employeur et la jurisprudence majoritaire du tribunal, retient qu’une période de latence de 20 à 40 ans est reconnue comme nécessaire entre l’exposition à l’amiante et l’apparition des symptômes de plaques pleurales reliés à un mésothéliome.

Voir également :

Plomberie Brébeuf inc., 2015 QCCLP 1490.

G. Courchesne inc., 2015 QCCLP 6620.

Construction Albert Jean ltée, 2016 QCTAT 3533.

Entretien Paramex inc., 2016 QCTAT 6035. 

Toutefois, quelques décideurs retiennent une période de latence de moins de 20 ans et prennent en considération l’effet des expositions postérieures successives à une première exposition dans la détermination de la période de latence.

CHSLD Centre-Ville St-Charles-Borromée, 2012 QCCLP 46.

En médecine, la période de latence désigne « la période sans symptômes cliniques entre l'exposition d'un tissu biologique à un agent pathogène et la réponse du tissu ». Dans la documentation médicale, aucun article n'affirme que les expositions à de la fibre d'amiante à l'intérieur de la période de 20 ans ne contribuent pas au développement de l'amiantose. Tous ces articles font référence à une période de latence de 20 à 40 ans « après la première exposition ». Cette documentation démontre que l'effet cumulatif des expositions est de nature à réduire la période de latence et à engendrer la maladie professionnelle reliée à une exposition aux fibres d'amiante, même à l'intérieur de la période de 20 ans.

Entretien Paramex inc., 2013 QCCLP 2264.

Les durées des périodes de latence avancées sont de l'ordre des généralités et il ne s'agit pas d'une règle immuable. Il est donc possible que la période de latence soit plus courte dans un cas particulier. La durée d'exposition augmente les probabilités de développer une maladie associée à l'amiante. L'intensité de l'exposition contribue aussi à la manifestation d'une pathologie associée à l'amiante. Il est donc envisageable que la première exposition intervienne avant que le travailleur ne soit en fonction chez l'employeur, mais que, sans l'exposition chez ce dernier, les risques de présenter une pathologie reliée à l'amiante soient moindres ou que la symptomatologie soit bénigne. Il n'y a pas unanimité quant à la durée de la période de latence pour un cancer du poumon, lequel peut se manifester en 10 ans.

Commission scolaire des Affluents et André Lemire (Succession), 2017 QCCLP 277.

Le Tribunal partage la position exprimée dans Boulevard Dodge Chrysler Jeep (2000). Bien que l’article déposé par l’employeur rapporte qu’il faut un minimum de 10 ans ou en moyenne une trentaine d’année depuis la première exposition pour établir un lien entre le mésothéliome et l’exposition à l’amiante, cela ne signifie pas que l’exposition transitoire est inoffensive. Le Tribunal mentionne que l’exposition néfaste est cumulative, et non pas circonscrite avant une période de latence et qu’il serait contraire à la littérature médicale de maintenir cette prétention.

Voir également :

Démolition A & A inc., 2012 QCCLP 5422.

Construction L.F.G. inc., 2014 QCCLP 1907.

Boulevard Dodge Chrysler Jeep (2000), 2016 QCTAT 1946.

Protecteurs auditifs et l’exposition au bruit

Lorsque la maladie professionnelle reconnue est une surdité, deux tendances se dégagent au niveau de la preuve requise en matière de protecteurs auditifs.

Selon la première approche, la seule preuve du port de protecteurs auditifs ne permet pas d'inférer une diminution du risque de développer une surdité professionnelle puisque plusieurs facteurs peuvent influencer leur efficacité.

Selon la deuxième approche, la preuve du port du protecteur auditif et de la réduction du nombre de décibels semble suffisante pour conclure à l'absence de danger.

Première approche

Isolation Trifluvienne inc., C.L.P. 382299-04-0906, 22 octobre 2010, M. Beaudoin (décision sur requête en révision).

Pour conclure à l’absence d’exposition à un risque de nature à engendrer une surdité professionnelle et donner ouverture à un partage en vertu de l’article 328, il fallait démontrer que les protecteurs auditifs ont, dans les faits, empêché le travailleur d’être exposé à un niveau de bruit nocif. Or cette preuve n’a pas été faite. La fiche technique des protecteurs auditifs établit un indice de réduction de bruit qui demeure théorique. L’efficacité réelle d’une telle protection dépend, comme la fiche technique l’indique, du port adéquat de la protection auditive. Le premier juge administratif retient, à juste titre, que l’employeur ne pouvait s’appuyer sur un extrait d’une décision du tribunal pour tirer cette conclusion.

Ganotec inc., 2011 QCCLP 1663.

Concernant la protection auditive, la littérature médicale enseigne que le niveau de protection théorique des protecteurs auditifs fournis par les fabricants ne reflète pas la réalité sur le terrain. Toutes sortes de facteurs peuvent influencer leur efficacité. L’employeur n'a pas la garantie qu'en dépit d'une formation bien donnée, le bouchon joue son rôle.

Suivi : 

Révision rejetée, 2012 QCCLP 2486.

Ganotec inc., 2011 QCCLP 4722.

La preuve n'est pas suffisante pour démontrer que le travailleur n'était pas exposé à un risque de nature à occasionner une surdité professionnelle alors qu'il travaillait pour eux. Même si le travailleur portait les protections auditives fournies et qu'elles diminuaient le bruit, la preuve ne permet pas de savoir quel était le niveau de bruit auquel il était réellement exposé. Le présent tribunal estime que la preuve du port de protecteurs auditifs ne suffit pas à conclure à l'absence de danger.

Suivi :

Révision rejetée, 2012 QCCLP 5478.

Omnimec inc. et Tuyauterie Borgia ltée, 2012 QCCLP 5200.

Si l'employeur exige le port de coquilles protectrices pour les oreilles sur les lieux de travail, c'est parce qu'il y a présence de bruit suffisamment intense pour qu'une protection soit requise. À cet égard, aucune preuve n'a été fournie sur le degré de réduction de bruit que procure cette protection. Le présent tribunal ne peut présumer que la protection a toujours été portée adéquatement et qu'elle a diminué le bruit au point que le travail ne présente pas de risque pour l'audition. Le port d'une protection n'empêche pas nécessairement la surdité. Par ailleurs, la preuve sur la réduction du bruit grâce à une protection relève plus d'une preuve d'expert que du témoignage profane. Or, le présent tribunal ne dispose pas d'une telle preuve.

Kamtech Services inc. et Ganotec Mécanique inc., 2012 QCCLP 5564.

Le port de protecteurs auditifs n'exclut pas que le travailleur peut développer une surdité professionnelle. L'obligation de porter des protecteurs auditifs implique nécessairement que le niveau de bruit auquel sont exposés les travailleurs est important. L'efficacité des protecteurs auditifs dépend en grande partie de leur installation et les employeurs n'ont déposé aucune étude scientifique qui analyse leur effet réel sur le plan de la réduction du bruit. Si l'obligation de porter des protecteurs auditifs permet de réduire le niveau de bruit auquel le travailleur est exposé, la réduction effective peut varier d'un travailleur à l'autre pour différentes raisons, telles leur installation, la morphologie du conduit auditif extérieur et l'obligation de les enlever pour parler à un collègue.

Montupet ltée, 2012 QCCLP 7428.

Le port de protecteurs auditifs n’implique pas nécessairement une réduction importante de l'exposition à un niveau de bruit nocif de nature à soustraire un travailleur à tout danger de contracter une surdité professionnelle. Ce fait doit être prouvé de manière prépondérante. Or, la preuve au dossier ne démontre pas que le port de protecteurs auditifs par le travailleur l'a, dans les faits, empêché d'être exposé à un niveau de bruit nocif. Le tribunal ne peut considérer les fiches techniques comme une preuve prépondérante que le facteur de réduction du niveau de bruit indiqué représente le degré d'atténuation dont a vraiment bénéficié le travailleur en milieu de travail.

Ganotec inc., 2014 QCCLP 5546.

L'employeur a fourni au travailleur l'équipement de protection auditive dont le port était obligatoire sur le chantier et ce dernier a affirmé avoir toujours porté cet équipement. On peut donc conclure qu'il était exposé à des niveaux de bruit élevés pendant de longues périodes. En effet, l'obligation de porter des protecteurs auditifs suppose nécessairement que le niveau de bruit auquel sont exposés les travailleurs est important. Cependant, il n’est pas possible d’inférer automatiquement du port de protecteurs auditifs la preuve d'une réduction significative de l'exposition à un niveau de bruit nocif de nature à soustraire un travailleur à tout danger de contracter une surdité professionnelle. Ce fait doit être prouvé de manière prépondérante dans chaque cas.

Grue Pg-Kiewit, un Partenariat et Kiewit Parsons, un Partenariat, 2014 QCCLP 6733.

La preuve d'une réduction significative de l'exposition à un niveau de bruit nocif de nature à protéger un travailleur de tout danger de contracter une surdité professionnelle ne peut s'inférer automatiquement du port de protecteurs auditifs. Ce fait doit être prouvé de manière prépondérante, et cette preuve n'a pas été faite.

Voir également :

Armatures Bois-Francs inc., 2013 QCCLP 1411.

Ganotec inc., 2013 QCCLP 2547.

Matériel Industriel ltée, 2013 QCCLP 5962.

Deuxième approche

Kamtech Services inc. et Arno Électrique ltée, C.L.P. 360960-62B-0810, 13 octobre 2009, M. D. Lampron.

Durant les premières années de son exposition au bruit chez d’autres employeurs, le travailleur ne portait pas de protecteurs auditifs. Il apparaît improbable que le niveau de dangerosité ait été de la même importance chez l’employeur puisqu’il portait des protecteurs qui réduisaient le niveau de bruit. Considérant la déclaration assermentée du travailleur quant à l’efficacité de l’utilisation des bouchons fournis par l’employeur, et le port adéquat de ceux-ci durant toutes les périodes travaillées, le tribunal considère que l’employeur a démontré qu’il n’y avait pas un niveau de bruit suffisamment significatif pour avoir pu engendrer une surdité.

Mécanique Kingston inc., 2011 QCCLP 7045.

La protection auditive offerte par l’employeur permet une réduction du niveau de bruit ambiant. Le travailleur affirme solennellement avoir porté un tel type de protection auditive durant toute la période au cours de laquelle il œuvrait chez cet employeur. Le tribunal conclut que l'employeur a démontré qu'il n'y avait pas pour le travailleur un niveau de bruit suffisamment significatif pour engendrer une surdité.

Ganotec, 2013 QCCLP 654.

Le tribunal constate que le port de protecteurs auditifs adéquats a permis d’abaisser suffisamment le niveau d’exposition au bruit réduisant par le fait même le risque de nature à occasionner un problème de surdité professionnelle chez le travailleur.

Portes St-Jean inc., 2013 QCCLP 7121.

Si la preuve révèle que le travailleur portait effectivement des protecteurs auditifs, il y a lieu d’évaluer l’exposition aux facteurs de risque en tenant compte des protections utilisées par le travailleur alors qu’il exerçait un emploi chez l’employeur. Le travailleur portait des protecteurs auditifs qui diminuaient l’exposition aux bruits ambiants alors qu’il était à l’emploi de l’employeur. Par ailleurs, le rapport de mesures environnementales établit que le bruit ambiant est de 80 à 90 décibels. Le tribunal en déduit que le travailleur est exposé à 27 décibels de moins, soit environ 53 à 63 décibels. Donc, le travailleur n’a pas été exposé à un bruit excessif alors qu’il était à l’emploi de l’employeur.

Voir également :

Entretien Paramex inc., 2011 QCCLP 5251.

Orgues Létourneau ltée, 2013 QCCLP 2130.

Canmec Lajoie Somec inc., 2013 QCCLP 6011.

Preuve par déclaration assermentée

Métaux Russel inc. et Acier Leroux inc. (Fermée), 2013 QCCLP 2821.

L'affidavit signé par le travailleur en 2013 et sa réclamation pour surdité professionnelle produite au mois d'octobre 2010 ne renferment pas les mêmes informations concernant le port de protecteurs auditifs. En effet, le travailleur affirme dans son affidavit avoir porté en tout temps des protecteurs auditifs efficaces chez l'employeur, alors que, dans sa réclamation, il mentionne plutôt les avoir portés pendant environ 12 ans (de 1992 à 2010) alors qu'il était au service de l'employeur. Sans remettre en doute la bonne foi du travailleur, le tribunal n'ignore pas que cet affidavit a été souscrit à la demande de l'employeur après le refus de sa demande de transfert d'imputation. Ce document tient lieu de témoignage du travailleur, lequel peut être nuancé ou même contredit par des déclarations antérieures, comme c'est le cas en l'espèce. Dans l'exercice de sa compétence, il appartient au tribunal de soupeser la force probante d'un tel témoignage, particulièrement lorsqu'il s'agit de statuer à partir de la preuve documentaire au dossier. Pour ces motifs, le tribunal croit que les renseignements fournis par le travailleur de façon concomitante à sa réclamation sont plus fidèles à sa mémoire que ceux figurant dans son affidavit.

Grue Pg-Kiewit, un Partenariat et Kiewit Parsons, un Partenariat, 2014 QCCLP 6733.

Les employeurs ont décidé de déposer un affidavit du travailleur qui a peu de valeur probante. En effet, cet affidavit a été préparé par les représentants de l’employeur puisque la même information et les mêmes tableaux qu’à l’argumentation s’y retrouvent. De plus, le travailleur n’a pas porté une grande attention à son contenu puisqu’il ne constate pas l’erreur au sujet des heures qu’il affirme avoir exécutées pour l’employeur. Il ne s’agit donc pas d’un témoignage spontané, franc et direct. L’information contenue à l’affidavit est également parcellaire. Le travailleur déclare simplement que l’information contenue à l’affidavit est vraie. Il ne déclare aucunement qu’il s’agit d’un juste reflet de sa réalité par rapport à son exposition au bruit depuis 1971, le seul élément qui intéresse pourtant le tribunal.

Ganotec inc., 2015 QCCLP 213.

L’affidavit du travailleur en l’instance présente de fortes similitudes avec des affidavits déposés en preuve dans le cadre d’autres litiges impliquant l’employeur et portant sur l’imputation en matière de surdité professionnelle. La soussignée estime que l’étonnante similitude des faits mise en preuve par affidavits dans diverses causes impliquant l’employeur ne peut relever de la simple coïncidence et soulève de sérieux questionnements quant à la valeur probante à accorder à une telle preuve. D’ailleurs, dans une autre décision, le tribunal a été d’avis qu’un affidavit similaire semblait avoir été préparé par les représentants des employeurs et qu’il ne s’agissait pas d’un témoignage franc, direct et spontané du travailleur.

Transelec inc., 2015 QCCLP 446.

La déclaration assermentée du travailleur contredit totalement ce que le travailleur a lui-même indiqué à l’annexe de sa réclamation alors qu’il identifie précisément l’employeur comme étant l’un des employeurs chez qui il a été exposé au bruit. Comment expliquer ce revirement? Dans quel contexte est réalisé cet affidavit? Sur quoi le travailleur se fonde-t-il pour affirmer qu’il n’a pas été exposé à des bruits excessifs? Cet affidavit est loin d’être suffisamment détaillé. En effet, il ne précise pas le travail effectué, sur quel engin, de quel modèle, dans quelle proportion de ses heures le travailleur a opéré tel ou tel engin, s’il travaillait parfois avec les fenêtres ouvertes, si chacune de ces machineries était munie d’une cabine fermée. De fait, le tribunal ne retient pas ce document comme étant prépondérant et souligne qu'il suscite beaucoup plus de questions auxquelles il n’y a pas de réponse qu'il ne permet de prouver quoi que ce soit.

Durée du travail

Le coût des prestations est imputé auprès de chaque employeur proportionnellement à la durée du travail selon l’importance du danger chez chacun des employeurs. Si l’importance du danger est égale chez tous les employeurs, le partage se fait selon la durée de l’exercice du travail. Si l’importance du danger est différente chez chaque employeur, l’exposition au danger moindre chez un employeur entraîne une diminution du taux d’imputation et en l’absence de danger, il n'y a aucune imputation pour cette période.

Pavage CSF inc., C.L.P. 241469-71-0408, 5 avril 2005, C. Racine.

La loi ne définit pas le concept de durée du travail. Il y a donc lieu d'adapter cette expression aux différentes réalités rencontrées dans les milieux de travail. Ainsi, dans le secteur de la construction, il peut être plus opportun de calculer la durée du travail sur la base du nombre d'heures travaillées selon l’historique des heures travaillées dans l’industrie de la construction émis par la Commission de la construction du Québec, plutôt que sur le nombre de mois travaillés, surtout lorsque le travailleur occupe différents emplois chez différents employeurs et ce, de façon irrégulière.

Création Design 2001 et Entreprises Beaudoin, C.L.P. 252826-07-0501, 16 septembre 2005, S. Moreau.

Le tribunal ne peut écarter, aux fins d’application de l’article 328, les employeurs qui n’ont pas d'établissement au Québec puisque la loi ne fait aucune distinction en ce sens. Ainsi, le partage d'imputation doit tenir compte du temps de travail passé chez tous les employeurs, y compris ceux à l'extérieur du Québec.

Contenants Durabec inc. et Agropur Coopérative Agro-alimentaire, C.L.P. 302067-62B-0610, 16 juillet 2008, M. D. Lampron.

À défaut d'une preuve permettant d'établir en quoi l'exposition chez un employeur comporte moins de risques que chez d'autres employeurs, il y a lieu de s'en remettre au seul critère de la durée de l'exposition. La preuve ne permettant pas d'identifier le nombre d'heures travaillées chez les autres employeurs ni l'importance du danger dans les tâches effectuées à ces endroits, l'imputation sera calculée au prorata.

Alex Ouellet inc., C.L.P. 352500-31-0807, 26 janvier 2009, S. Sénéchal.

Si le travail a été exercé chez plus d'un employeur, la CSST impute le coût des prestations à tous les employeurs impliqués, en proportion de la durée de ce travail pour chacun de ces employeurs et de l'importance du danger que présentait ce travail chez chacun de ces employeurs. La durée se mesure en fonction du temps d'exercice du travail.

Guay inc., C.L.P. 364816-03B-0812, 21 juillet 2009, M. Cusson.

La répartition des pourcentages, quant au partage des coûts, doit tenir compte du temps d'exposition chez chacun des employeurs en le comparant à la totalité de l'exposition chez l'ensemble des employeurs susceptibles d'avoir contribué à la maladie professionnelle, et ce, en regard de l'importance du danger.

Sûreté du Québec (S.S.T.), C.L.P. 369668-04-0902, 9 mars 2010, D. Lajoie.

La durée d'un travail ne correspond pas nécessairement à la durée d'exposition au bruit. L'article 328 prévoit deux critères à considérer pour déterminer ce pourcentage, soit la durée du travail et l'importance du danger que présente ce travail. Toutefois, la loi ne prévoit aucune règle d'application de ces critères. Il faut en conclure que le législateur reconnaît une certaine discrétion et une certaine latitude au décideur en cette matière, tout en agissant évidemment en tenant compte de la preuve.

Filterfab Compagny inc., 2012 QCCLP 6712.

Il faut établir avec précision la durée du travail de nature à engendrer la maladie, pour chacun des employeurs et mesurer l'importance du danger en fonction des facteurs de risque associés au développement de la maladie et le degré d'exposition de la travailleuse à de tels risques. Pour qu'il satisfasse aux conditions imposées par le législateur à l'article 328, l'employeur ne doit pas seulement alléguer qu'un travailleur a eu le même titre d'emploi chez différents employeurs pendant plusieurs années.

Politique interne de la CSST

Le tribunal n’est pas lié par la politique interne de la CSST qui impute la totalité des coûts à l’employeur où les symptômes de la maladie professionnelle se sont manifestés, même si le travailleur a exercé son emploi pour plusieurs employeurs. Cette politique n’est pas conforme à l’article 328. Selon cet article, la CSST doit aussi examiner si le travail exercé chez les autres employeurs peut avoir entraîné le développement de la maladie.

Provigo (division Montréal détail), C.L.P. 200147-71-0302, 3 juillet 2003, C. Racine.

Pour refuser d'appliquer l'article 328, la CSST invoque une orientation ou une politique interne voulant que, dans les cas de lésions attribuables aux mouvements répétitifs, seul l'employeur chez qui les symptômes sont apparus soit imputé des coûts découlant de cette maladie. Or, cette interprétation est contraire au libellé de l'article 328 et une politique interne ne peut primer sur le texte de la loi. L'article 328 est clair et oblige la CSST à se pencher sur le travail exercé par la travailleuse victime d'une maladie professionnelle et sur la participation du travail accompli chez d'autres employeurs dans le développement de cette maladie. Cette analyse n'est pas discrétionnaire, elle est exigée par la loi et elle ne peut être réduite à néant par une politique interne.

Domtar inc., C.L.P. 257257-64-0503, 8 novembre 2006, J.-F. Martel.

Le tribunal n'est pas lié par une politique interne de la CSST voulant que seul soit imputé l'employeur chez qui le travailleur oeuvrait au moment où ses symptômes sont apparus, parce qu’elle est contraire à l'article 328. La date d'apparition des symptômes n'est même pas utile pour délimiter la période servant au calcul de l'imputation du coût des prestations en présence de plusieurs employeurs successifs. L'analyse requise par l'article 328 s'articule plutôt autour des deux critères qui sont explicitement mentionnés à son deuxième alinéa, à savoir: la durée du travail de nature à engendrer la maladie en cause pour chacun des employeurs concernés et l'importance du danger que présentait ce travail chez chacun de ces employeurs par rapport à celle-ci.

Mines Richmont inc. (Div. Beaufor), 2011 QCCLP 5178.

La CSST a conclu que le partage s'effectuait en fonction de la date du début de l'apparition des symptômes de la lésion professionnelle, chez l'employeur ou les employeurs visés. Or, l'article 328 prévoit plutôt que, lorsque le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle chez plusieurs employeurs, la CSST doit imputer les coûts à tous ces employeurs, proportionnellement à la durée et à l'importance de l'exposition. La CSST ne peut tenir compte d'autres critères que ceux énumérés à l'article 328, telle la date d'apparition de la symptomatologie.

Carosserie Dégelis 2005 inc., 2011 QCCLP 7189.

La politique de la CSST selon laquelle le calcul du partage de l'imputation des coûts d'une lésion professionnelle est fait en partant du début de l'apparition des douleurs ou des symptômes de la maladie n'est pas conforme à l'article 328. La CSST doit tenir compte de l'ensemble des employeurs chez qui le travailleur a exercé son emploi proportionnellement à la durée du travail et à l'importance du danger chez chacun d'eux.

Composite VCI inc. et Camoplast inc., 2013 QCCLP 7162.

La CSST a appliqué une politique interne énonçant que l'imputation doit être faite en totalité au dossier de l'employeur pour lequel le travailleur exerçait ses fonctions lors de l'apparition de ses symptômes. Or, la jurisprudence a rappelé à d'innombrables reprises qu'une telle politique contredit le libellé même de l'article 328 LATMP, qu'elle ajoute une condition non prévue par le législateur et que cette politique ne lie pas le tribunal. Cet article parle en effet d'un travail «de nature à engendrer» la maladie et non pas d'un travail qui a, dans les faits, engendré une telle maladie. Le législateur a décidé de répartir les coûts entre les employeurs chez qui le travailleur a exercé un travail qui, en théorie, était de nature à engendrer cette maladie. Ainsi, la CSST doit tenir compte non seulement de la durée du travail, mais également de l'importance du danger que comporte le travail chez chacun de ces employeurs.

Garant GP inc., 2014 QCCLP 5016.

La CSST s'est appuyée sur une politique interne relative aux lésions attribuables au travail répétitif selon laquelle le partage de l'imputation se détermine à partir de la date de début de l'apparition de la symptomatologie. Or, la CLP n'est pas liée par une telle politique, laquelle dénature en quelque sorte la portée du deuxième alinéa de l'article 328 LATMP. En effet, la CSST aurait dû, en présence de plusieurs employeurs, évaluer le travail effectué pour chacun d'eux afin de déterminer s'il était de nature à engendrer la maladie professionnelle du travailleur. Dans l'affirmative, elle aurait dû s'enquérir de la période d'exposition chez chacun des employeurs puis établir, en fonction du degré de dangerosité et de la durée d'exposition, le pourcentage imputable à chacun d'eux. La preuve au dossier permet de conclure que la CSST ne s'est pas acquittée de cette obligation.

Voir également :

Gérard Crête & Fils et Industries John Lewis ltée, C.L.P. 321618-04-0707, 4 juin 2008, Monique Lamarre.

Carrières Denis Lavoie & Fils, 2012 QCCLP 2735.

Obérer injustement

Selon la jurisprudence, la notion d’obérer injustement à l’article 328 alinéa 3 s’interprète selon les mêmes règles que celles de l’article 326 alinéa 2.

Olymel S.E.C. (Princeville), C.L.P. 249563-04B-0411, 9 février 2006, S. Sénéchal.

La notion d'obérer injustement mentionnée au troisième alinéa de l'article 328 doit avoir la même signification que celle mentionnée au second alinéa de l'article 326. Le troisième alinéa de l'article 328 permet le transfert de l'imputation aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités, tout comme le second alinéa de l'article 326.

Enseignes Transworld cie, 2011 QCCLP 5396.

La maladie personnelle d’un travailleur qui interrompt le cheminement d’un dossier à l’une ou l’autre des étapes prévues à la loi, peut injustement engendrer des coûts pour l’employeur qui ne sont pas reliés à la lésion professionnelle. Rien dans la loi n’indique que la maladie du travailleur ne répond pas à la définition de maladie intercurrente même si elle n’est pas survenue durant la période de consolidation. Les situations qui surviennent après la date de consolidation peuvent aussi justifier une telle demande en autant que l’employeur démontre que le fait de lui en imputer les coûts constitue une injustice et qu'il en est obéré injustement. Selon les circonstances, la maladie personnelle qui interrompt ou retarde le processus de réadaptation et engendre des coûts pour l'employeur constitue une situation d'injustice donnant ouverture au transfert de coûts.

Gaubeau Construction inc., 2011 QCCLP 716.

Quant à la demande de transfert des coûts, l'article 328 alinéa 3 prévoit cette possibilité lorsque l'imputation aurait pour effet d'obérer injustement l'employeur. L'interprétation à donner à l'expression « obérer injustement » prévue à cet article doit être la même que celle retenue dans le contexte de l'article 326 alinéa 2 puisque le législateur a utilisé les mêmes termes. Il ne suffit pas de prouver l'injustice en raison d'une cause étrangère à l'accident du travail. Il faut aussi démontrer que la proportion des coûts attribuables à cette situation est significative par rapport à celle découlant de l'accident du travail.

C. H. Université de Montréal, 2015 QCCLP 882.

Dans l’affaire Supervac 2000, le tribunal ne propose pas une nouvelle façon d’interpréter la notion d’obérer injustement. Son analyse le mène à conclure qu’une demande de transfert partiel ne peut s’appuyer sur le deuxième alinéa de 326, mais plutôt sur le premier alinéa. Or l’analyse menant à cette conclusion peut difficilement s’appliquer à l’article 328. En effet, aucun délai n’est prévu à cet article. De plus, le libellé du premier alinéa de l’article 328 est différent de celui de l’article 326 et il devient donc difficile de faire le lien entre l’un et l’autre. De plus, le tribunal n’adhère pas à l’interprétation voulant que la notion d’obérer injustement utilisée au troisième alinéa de l’article 328 ne permet qu’un transfert total des coûts puisque le premier alinéa de cet article ne semble pas donner ouverture à un transfert partiel et qu’il serait injuste de fermer toute porte à l’employeur en matière de maladie professionnelle. La soussignée croit plus opportun de favoriser un transfert partiel des coûts en vertu du troisième alinéa de l’article 328 puisqu’elle est d’avis que le « coût des prestations imputable » à l’employeur et transférable aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités, dont il est question à cet article, sont ceux qui ont pour effet d’obérer injustement cet employeur.

Voir également :

I.U.G.S.- Pavillon D’Youville, C.L.P. 266124-05-0507, 13 janvier 2006, M.-C. Gagnon.

Perfect-Bois inc., C.L.P. 290000-03B-0605, 24 janvier 2007, R. Savard.

Ressource A, C.L.P. 379158-71-0905, 11 mars 2010, Marie Lamarre.

Pales d’éoliennes LM (Canada) inc., 2012 QCCLP 5562.

C.R.D.I. Saguenay-Lac-St-Jean, 2012 QCCLP 6498.