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. 188. Droit à l'assistance médicale

Assistance médicale et assujettissement à la LATMP

Le travailleur qui veut se voir reconnaître le droit à l'assistance médicale, alors qu'il a subi une lésion professionnelle sous la LAT, doit avoir subi une RRA en vertu de la LATMP.

Lamothe et Les Carosseries Turgeon enr.,C.L.P. 57897-63-9403, 24 avril 1998, R. Brassard.

Un travailleur victime d'un accident du travail en 1979 et qui n'a pas subi de RRA depuis l'entrée en vigueur de la LATMP n'a pas droit à l'assistance médicale prévue à l'article 188. 

Charette et General Motors du Canada ltée,C.L.P. 138045-64-0005, 30 juillet 2001, M. Montplaisir.

La demande du travailleur concerne le remboursement d'un médicament qui pallie les conséquences de la lésion résultant de l'accident de 1979. En l'absence d'une RRA, les dispositions de l'article 555 LATMP ne s'appliquent pas. De plus, la décision de la CSST vise le droit à l'assistance médicale pour les conséquences d'une lésion qui est assujettie à la LAT et le recours formé à l'encontre de cette décision relève, par conséquent, de l'application de cette loi. La CLP ne peut donc statuer sur la requête du travailleur et renvoie le dossier à la CSST afin qu'il soit dirigé vers la bonne instance.  

Assistance médicale et procédure d'évaluation médicale

La jurisprudence établit que la CSST doit initier la procédure d'évaluation médicale si elle n'est pas d'accord avec le médecin qui a charge quant à la nécessité des soins et des traitements.

Thibault et Domtar inc. Division E. B. Eddy,C.L.P. 214936-07-0309, 10 mars 2004, M. Langlois. 

En l'absence de procédure d'évaluation médicale conforme aux dispositions de la loi, la CSST ne pouvait substituer son opinion à celle du médecin traitant et décider d'elle-même que les traitements dentaires, y compris la pose d'implants, n'étaient pas nécessaires. Ces traitements sont visés à l'article 189, par. 1 et font partie de l'assistance médicale à laquelle le travailleur a droit en raison de son accident du travail. 

Savoie et Centre hospitalier de l'Université de Montréal (Pavillon Notre-Dame),C.L.P. 342670-71-0803, 26 septembre 2008, D. Lévesque.

L'article 224 prévoit que la CSST est liée par les conclusions du médecin qui a charge relativement aux sujets mentionnés à l'article 212, parmi lesquels figure la question des soins et traitements. Si la CSST voulait remettre en cause la nécessité des soins et traitements en relation avec la lésion professionnelle, elle aurait dû suivre les dispositions prévues à la loi, en désignant un médecin dans le but d'obtenir une opinion contraire et soumettre le tout au BEM afin qu'il se prononce sur la question. Ne l'ayant pas fait, elle demeure liée par les conclusions du médecin qui a charge, lequel est d'avis que les traitements en physiothérapie et en acupuncture reçus après la date de consolidation de la lésion professionnelle, sont en relation avec cette dernière.

Derail et Construction M.R. Trudel inc., 2012 QCCLP 4359.

Le tribunal considère qu'à défaut d'avoir soumis le plan de traitement au processus d'évaluation médicale, la CSST est liée par l'opinion du parodontiste qui a charge du travailleur et doit supporter les frais qui découlent du traitement.

Séguin et Arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, 2016 QCTAT 2032.

Afin de diminuer les effets secondaires reliés à l’injection d’une seule dose de lubrifiant articulaire, le médecin a prescrit trois infiltrations de Synvisc étalées sur trois semaines et un arrêt de travail d’une semaine après chacune des injections. Or, il s’agit là du choix d’une modalité thérapeutique qui relève de la prérogative du médecin traitant. Ainsi, si la Commission n’était pas d’accord avec les traitements prescrits par le médecin qui a charge ou les modalités thérapeutiques s’y rattachant, elle devait amorcer la procédure d’évaluation médicale. À défaut, la Commission, tout comme le Tribunal, demeure liée par l’opinion du médecin qui a charge sur la question des soins ou traitements requis par la condition du travailleur. Il en est de même des modalités thérapeutiques. 

Voir également :

Sciascia et Boulangerie & pâtisserie A. Ampère, [1996] C.A.L.P. 1099.

Chagnon et Aventure Électronique, C.L.P. 187312-71-0207, 6 février 2003, L. Couture.

Chartier et Accessoires d'auto Lucien Poulin, 2014 QCCLP 5529.

Assistance médicale, consolidation, RRA et traitements relatifs à la douleur

La jurisprudence considère que la consolidation d'une lésion professionnelle ne met pas fin au droit à l'assistance médicale. Elle reconnaît le droit à des traitements qu'elle qualifie de traitements de « support » ou de « maintien ». De même, il n'est pas nécessaire que le travailleur produise une réclamation pour une RRA pour y avoir droit.

Galipeau et Bell Canada,[1995] C.A.L.P. 1689 (décision sur requête en révision).

Les traitements relatifs à la douleur prescrits après la consolidation de la lésion sont nécessaires puisqu'il ne s'agit pas de traitements en vue de guérir ou stabiliser une pathologie, mais plutôt de douleurs à contrôler, ce qui n'aurait pas d'incidence sur la consolidation de la lésion.

Sciascia et Boulangerie & Pâtisserie A. Ampère,[1996] C.A.L.P. 1099.

Il n'est pas exigé que le travailleur établisse avoir présenté une détérioration de son état de santé pour avoir droit aux traitements de chiropractie après la consolidation de sa lésion professionnelle. Les traitements ont été prescrits en raison de la douleur lombaire chronique présentée par le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle.

Ravatti  et Mobilier Deco Design,[1998] C.L.P. 336. 

Le travailleur a droit à des traitements de physiothérapie de soutien même s'il n'a pas subi de RRA, et ce, en vertu des articles 188 et 184, par. 5. Les douleurs résiduelles avec lesquelles il doit vivre sont les conséquences directes de sa lésion professionnelle de 1993 et de l'atteinte permanente qui en résulte.

Denis et Coffrages C.C.C. ltée,C.L.P. 117405-32-9905, 24 janvier 2001, G. Tardif.

En 1993, la CSST a reconnu que la surdité du travailleur était d'origine professionnelle. Par ailleurs, puisque le travailleur ne voulait pas porter d'appareil auditif à cette époque, l'audiologiste n'a pas recommandé de prothèses auditives et le médecin traitant n'en a pas prescrits. En 1998, le travailleur se voit prescrire des prothèses auditives par son médecin traitant vu l'augmentation de sa surdité. Sa réclamation est refusée par la CSST. Même si le travailleur n'a pas subi d'aggravation d'origine professionnelle, il a droit à l'assistance médicale que requiert son état, soit les prothèses auditives prescrites par son médecin en relation avec sa maladie professionnelle.

Bond et106456 Canada ltée,C.L.P. 290357-61-0605, 28 mai 2007, G. Morin.

En ce qui concerne le remboursement du coût des traitements de physiothérapie pour les douleurs cervicales, les articles 188 et 189 prévoient que le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de sa lésion professionnelle, et ce, suivant la jurisprudence majoritaire, malgré la consolidation de cette lésion et l'absence d'une détérioration de son état de santé donnant lieu à la reconnaissance d'une RRA. Cependant, en l'espèce, il importe peu que la réclamation soit analysée sous l'angle d'une RRA ou du droit à l'assistance médicale puisque la preuve ne démontre pas que la cervicalgie, pour laquelle des traitements de physiothérapie ont été prescrits en février 2006, est reliée à la lésion professionnelle dont le travailleur a été victime en 1988 ou à ses conséquences.

Chabot et Farines SPB ltée,C.L.P. 350108-01A-0806, 7 octobre 2009, C.-A. Ducharme.

En vertu de l’article 188, un travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion et, conformément à l’article 189, cette assistance comprend les médicaments et les autres produits pharmaceutiques. Un travailleur a le droit d’être remboursé pour les frais de médicaments ou de certains autres traitements qui lui sont prescrits par son médecin, après la consolidation de sa lésion professionnelle, lorsque ces médicaments ou ces traitements sont reliés à sa lésion et qu’ils visent à lui procurer un soulagement de la douleur résiduelle.

Jean Michel et Agence Pichette,C.L.P. 381219-61-0906, 27 avril 2010, L. Nadeau.

La jurisprudence reconnaît qu'un travailleur a le droit d'être remboursé lorsque les médicaments ou les traitements prescrits après la consolidation sont reliés à sa lésion et qu'ils visent à lui procurer un soulagement de la douleur résiduelle. La consolidation d'une lésion ne correspond pas nécessairement à sa guérison, mais peut signifier sa stabilisation. La jurisprudence reconnaît alors le droit à des traitements qu'elle qualifie de traitements de « support » ou de « maintien ». Pour que les articles 188 et 189 trouvent application, il suffit que le travailleur ait été victime d'une lésion, qu'elle soit consolidée ou non, et que le besoin d'assistance prescrit soit requis par son état de santé en lien avec la lésion. En l'espèce, la travailleuse a droit au remboursement des traitements d'acupuncture et de physiothérapie pour sa dorsolombalgie chronique, mais non pour la tendinite à l'épaule gauche qui est d’origine personnelle.

Suivi :

Révision rejetée, 2011 QCCLP 556.

Requête en révision judiciaire rejetée, 2012 QCCS 561.

Requête pour permission d'appeler rejetée, 2012 QCCA 670. 

Herrera et Moulage Howmet Laval (div. Alcoa), 2014 QCCLP 118.

Le travailleur a droit aux traitements de physiothérapie prescrits par son médecin traitant, car ils sont en relation avec la lésion professionnelle et nécessaires afin de favoriser le maintien de la condition du travailleur, et plus particulièrement, pour diminuer la douleur chronique qu'il présente et les épisodes récurrents plus aigus, comme en l'espèce.

Mercier et Les Échafaudages Fraco enr., 2015 QCCLP 5195.

La jurisprudence reconnaît qu'un travailleur peut avoir droit au remboursement des frais de certains traitements, dont la physiothérapie, lorsque ceux-ci sont prescrits par son médecin, et ce, même après la consolidation d'une lésion professionnelle. Toutefois, ces traitements doivent être reliés à la lésion professionnelle et prescrits afin de procurer un soulagement de la douleur résiduelle. En effet, il est possible qu'une lésion stabilisée puisse requérir une assistance médicale, notamment pour soulager une condition douloureuse qui peut varier dans le temps. Ce type de traitement est qualifié de «traitement de soutien» (ou de maintien) par la jurisprudence et ne nécessite pas la preuve d'une détérioration de l'état de santé. Le droit à l'assistance médicale n'est pas assujetti à une réclamation pour une RRA. Le travailleur doit simplement démontrer qu'il a subi une lésion professionnelle et que l'assistance médicale prescrite est requise en raison de cette lésion.

Voir également :

Cardinal et Lafarge Groupe Matériaux de construction, 2012 QCCLP 7839.

Lévesque et Aquaterra Corporation ltée, 2016 QCTAT 7170.

Antérieurement aux années 2004-2005, une certaine jurisprudence ne reconnaissait pas le droit à l'assistance médicale si la lésion professionnelle était consolidée ou si le travailleur n'avait pas subi de RRA.

Brisson et Entreprise Peintre R. Vachon enr., C.A.L.P. 57764-03-9403, 21 octobre 1994, M. Beaudoin.

Tremblay et Entreprises Roger Chamberland inc.,C.A.L.P. 85859-60A-9701, 5 février 1998, L. Thibault. 

Laprise et Maax inc. (division Acrylica), C.L.P. 112152-03B-9903, 6 juillet 2000, G. Marquis.

Laurendeau et CTR réadaptation en déficience intellectuelle de Québec, C.L.P. 226355-32-0401, 27 juin 2005, L. Langlois.

Distinction entre l'assistance médicale et la RRA

Les dispositions de l'assistance médicale s'appliquent lorsqu'on est en présence d'un état connu et récurrent qui ne requiert que des traitements d'entretien ou de support. Les dispositions concernant la RRA trouvent application plutôt dans les cas où l'on est en présence d'une lésion professionnelle consolidée alors que l'état du travailleur est altéré et nécessite une reprise de suivi par le médecin qui en a charge.

Beauchamp et Inspec-Sol inc.,[2009] C.L.P. 93.

Pour bénéficier de l’assistance médicale, le travailleur doit avoir été victime d’une lésion, qu’elle soit consolidée ou non, et le besoin d’assistance prescrit doit être requis par son état de santé et en lien avec la lésion. Ainsi, l’assistance médicale demeure accessible aux travailleurs après la date de consolidation de la lésion afin, par exemple, de contrôler une douleur chronique ou encore dans le but de faciliter la réintégration d’un travailleur, de préserver des acquis ou de remplacer une prothèse ou orthèse déjà prescrite. Les dispositions de l’assistance médicale s’appliquent donc lorsqu'on est en présence d’un état connu et récurrent qui ne requiert que des traitements d’entretien ou de support. Au contraire, les dispositions concernant une RRA trouvent application lorsqu'on est en présence d’une lésion professionnelle consolidée alors que l’état du travailleur est altéré et nécessite une reprise de suivi par le médecin qui a charge, possiblement certaines investigations et l’administration de nouvelles mesures thérapeutiques. En l’espèce, le travailleur, s'il veut se voir rembourser différents traitements , ceux-ci doivent s'apprécier sous l'angle de la RRA.

Herrera et Moulage Howmet Laval (div. Alcoa), 2014 QCCLP 118.

La preuve ne permet pas de conclure à une détérioration objective de l'état de santé du travailleur, et ce, même si le médecin traitant prescrit des traitements de physiothérapie. Il n'y a donc pas lieu de conclure à la présence d'une RRA. Cependant, même en l'absence d'une RRA, le tribunal considère que le travailleur à droit à ces traitements dans le cadre de l'assistance médicale. En effet, l'assistance médicale n'est pas assujetti à une réclamation pour une RRA et la preuve démontre que les traitements de physiothérapie sont en lien avec la lésion professionnelle et nécessaires pour favoriser le maintien de la condition du travailleur. Plus particulièrement, ils sont nécessaires afin de diminuer la douleur chronique qu'il présente et les épisodes récurrents plus aigus, comme en l'espèce.  

Assistance médicale et investigation médicale

Une investigation médicale recommandée par le médecin qui a charge fait partie de l'assistance médicale.

Gagnon et Restaurant Verdi inc.,[2005] C.L.P. 530.

L’IRM recommandée en décembre 2002 par le médecin traitant, afin de vérifier si la condition lombaire de la travailleuse était stable, est une conséquence directe de la lésion professionnelle survenue en 1981. Comme la travailleuse a droit à l'assistance médicale que requiert son état, et ce, même si sa lésion professionnelle est consolidée et qu'aucune RRA ne lui est reconnue à cette date, elle a droit au remboursement du coût de cet examen.

Savard et Municipalité St-Gédéon,C.L.P. 356516-07-0808, 5 mars 2009, S. Séguin.

Le travailleur a droit au remboursement du coût de l’IRM demandée par son médecin. C'est un service d’un professionnel de la santé en vertu de l’article 189 qui est requis par l’état du travailleur en raison de ses lésions professionnelles. Il s'agit d'un soin et traitement au sens de l’article 212. Sa nature et sa nécessité n’ayant pas fait l’objet d’une contestation par la CSST, cette dernière est liée par cette conclusion du médecin qui a charge du travailleur.

Tessier et Les Prêts sur Valeur Howard's,C.L.P. 340124-07-0802, 20 mars 2009, M. Langlois.

L’IRM recommandée par le médecin qui a charge est une mesure d'assistance médicale. De plus, elle constitue un examen requis par l'état du travailleur en raison de sa lésion professionnelle. En effet, le médecin qui a charge poursuivait les investigations étant donné la persistance des symptômes au genou gauche. En outre, une IRM constitue « des soins ou des traitements administrés ou prescrits » au sens de l'article 212, par. 3. La CSST est donc liée par l'avis du médecin qui a charge eu égard à sa nature et sa nécessité à moins de recourir à la procédure d'évaluation médicale, ce qu'elle n'a pas fait. Par conséquent, le travailleur a droit au remboursement du coût.

Drapeau et Domtar inc.,C.L.P. 373697-63-0903, 2 décembre 2009, D. Besse.

La CLP a déjà décidé que le coût d'une IRM, effectuée par un radiologiste légalement autorisé à fournir ce service, était remboursable par la CSST puisqu'elle constituait un service rendu par un professionnel de la santé en vertu de l'article 189.  Il en est de même pour une échographie qui respecte ces critères.

D'Amato et Entreprise Mira Amusement (Les), 2012 QCCLP 4028.

Un scan post-provocation (manométrie et provocation discale), constitue de l'assistance médicale puisque cet examen est effectué par un professionnel de la santé, soit un médecin légalement autorisé à fournir ce service. Puisqu'une IRM effectuée par un radiologiste est incluse dans la notion de service d'un professionnel de la santé visé par le paragraphe 1 de l'article 189, il en va de même pour le scan post-provocation. Il s'agit d'une procédure diagnostique qui, en l'espèce, est recommandée par le médecin qui a charge. Le travailleur a droit au remboursement de cet examen, car il a droit à l'assistance médicale que requiert son état, et ce, même si sa lésion professionnelle est consolidée et qu'aucune RRA ne lui a été reconnue.

Bélanger et Worlwide Flight Services inc., 2013 QCCLP 7053.

Pour avoir droit au remboursement du coût de l'examen par résonance magnétique, la travailleuse doit démontrer qu'elle a été victime d'une lésion professionnelle et que cet examen est requis par son état en raison de cette lésion. Le seul critère qui doit guider le tribunal  étant que la preuve révèle la nécessité et la pertinence du test dans la poursuite de l'investigation médicale. Étant donné que le médecin ne connaît pas les conclusions de l'imagerie radiologique au moment de la prescrire, sa décision ne peut être reliée au résultat de celle-ci. Dès lors, il serait injustifié de refuser de rembourser le coût d'un examen radiologique uniquement parce que le résultat ne correspond pas à ce qui avait été envisagé au départ. 

Assistance médicale et réadaptation

Pour les soins, traitements et aides techniques qui ne sont pas prévus à l'article 189 ou au Règlement sur l'assistance médicale, la jurisprudence établit qu'il y a lieu de se référer aux dispositions concernant la réadaptation pour déterminer si la demande de remboursement de ces frais peut être accordée. 

Certaines décisions énoncent que le chapitre de l'assistance médicale et celui de la réadaptation sont complémentaires.

Bissonnette et Équipement Moore ltée,[2005] C.L.P. 497 (décision sur requête en révision).

L’article 184, par. 5 ne constitue pas une disposition supplétive au Règlement sur l’assistance médicale. D’abord, l’article 189 fait partie du chapitre V de la loi qui concerne l’assistance médicale, alors que l’article 184 fait partie du chapitre IV qui concerne la réadaptation. Ces deux dispositions ont donc des objectifs différents. D’ailleurs, l'article 189 réfère à des soins, traitements ou aides techniques en relation avec des séquelles temporaires, alors que l’article 184, par. 5, réfère à des séquelles permanentes puisqu'il fait partie de la réadaptation. Ces deux dispositions sont donc complémentaires. En l'espèce, le travailleur conserve une atteinte permanente importante, est très souffrant, doit rester alité et, au surplus, il ne lui reste que peu de temps à vivre, le tout étant relié à la lésion professionnelle. Le travailleur n'a pas droit au remboursement des frais de location d'un lit électrique et d'un matelas orthopédique en vertu de l'article 189, par. 5, puisque ces frais ne sont pas prévus au Règlement. Toutefois, il a droit au remboursement de ces frais en vertu des dispositions de la loi relatives à la réadaptation sociale.

Lauzon et Produits et services sanitaires Andro inc.,C.L.P. 297256-64-0608, 5 juin 2007, R. Daniel.

Le travailleur a droit aux traitements de physiothérapie, de massothérapie et d'acupuncture, que ce soit à titre de mesure de réadaptation, en vertu de l'article 184, par. 5, ou sous le volet de l'assistance médicale prévue à l'article 188, et ce, même si la lésion professionnelle est consolidée et que ces traitements ne sont pas prescrits en vue de l'amélioration de sa condition sur le plan orthopédique. En effet, il demeure plus que justifié, au plan physique, de poursuivre ces traitements pour soulager la symptomatologie résiduelle du travailleur et lui permettre de cesser la consommation de médicaments, principalement ceux de type opioïde.

Fleury et Boulangerie Gadoua ltée,[2008] C.L.P. 696.

En matière de demande de remboursement relative à une aide technique, tels un lit électrique et un matelas orthopédique, les dispositions contenues au chapitre de l’assistance médicale et celles contenues au chapitre de la réadaptation sont complémentaires. L’article 189 et le Règlement sur l’assistance médicale couvrent les aides techniques associées à la période de consolidation d’une lésion professionnelle ou des besoins qui sont essentiellement de durée temporaire, alors que le chapitre de la réadaptation couvre les besoins permanents découlant de la lésion professionnelle.

Longtin et Les Plastiques Reach ltée (fermée),C.L.P. 389701-62A-0909, 22 novembre 2010, E. Malo. 

Les dispositions contenues au chapitre de l’assistance médicale et celles contenues au chapitre de la réadaptation ne s’opposent pas et sont plutôt complémentaires. Par conséquent, la demande de remboursement de frais associée à l’usage d’un lit orthopédique devrait être traitée selon l’un ou l’autre des chapitres de la loi, selon que le besoin est temporaire ou permanent.

Voir cependant :

Sénécal et Ville de Laprairie,2011 QCCLP 2047.

Le travailleur n'a pas droit au remboursement des traitements d'ostéopathie, car ces traitements lui ont été fournis avant la consolidation de sa lésion professionnelle par un ostéopathe qui n'est pas un médecin ni un physiothérapeute inscrit au tableau de l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec. L'article 184, par. 5, l'article 189 et le Règlement sur l'assistance médicale ont des objectifs différents. Accorder un remboursement en vertu de l'article 184, par. 5 chaque fois que c'est impossible de le faire en vertu du Règlement aurait pour effet de rendre ce dernier caduc.

Larrivée et Commission scolaire de la Rivière-du-Nord, 2011 QCCLP 6452.

Tel qu'il a été discuté dans l"affaire Sénécal  et Ville de Laprairie,  les articles 184 et 189 ainsi que le Règlement sur l'assistance médicale poursuivent des objectifs différents. En effet, l'article 189 et le Règlement font référence à des séquelles temporaires, alors que l'article 184, par. 5 renvoie à des séquelles permanentes puisqu'il fait partie de la réadaptation. De plus, comme le précisait le tribunal dans cette affaire, si, chaque fois que le coût d'un traitement ne peut être remboursé en vertu du Règlement, on pouvait accorder un remboursement par l'application de l'article 184, par. 5, cela aurait pour effet de rendre le règlement caduc. Il est possible qu'une mise à jour de ce règlement s'impose, mais il n'appartient pas au tribunal de le faire ou encore de faire fi des dispositions pour trancher le litige. En l'espèce, la travailleuse n'a pas droit au remboursement du coût des traitements d'ostéopathie. 

Céleste, 2013 QCCLP 5098.

En matière d'aide technique, le législateur a choisi la voie réglementaire pour décider de ce qui pourrait ou non être supporté par la CSST. Les énumérations de mesures d'assistance médicale prévues à l'article 189 et au Règlement sur l'assistance médicale sont exhaustives. L'article 188 indique aussi que l'assistance médicale ne sera accordée que « si l'état d'un travailleur le requiert ». Par ailleurs, il n'est pas possible de faire référence aux dispositions en matière de réadaptation sociale pour pallier cette décision du législateur. Ce serait faire indirectement ce que le législateur a décidé de ne pas faire directement. Si le législateur avait voulu que le fauteuil auto-releveur fasse partie de la panoplie de bénéfices prévus à la loi, il aurait ajouté nommément cette aide technique au Règlement. Le tribunal ne peut le faire à sa place. On ne peut transformer de l'assistance médicale en de la réadaptation puisqu'il s'agit de mesures qui sont prévues à des sections différentes de la loi. Le Règlement ne servirait à rien si l'on pouvait de toute façon attribuer tout ce que l'on veut par le biais de la réadaptation. Les articles d'une loi doivent s'interpréter les uns par rapport aux autres. La LATMP édicte un régime complexe et sophistiqué d'indemnisation des victimes de lésions professionnelles. Il ne faut pas stériliser certaines dispositions par l'élargissement d'autres, mais plutôt leur donner une interprétation qui respecte la globalité de la loi et les diverses mesures prévues par le législateur.

Effet d'une décision de la CSST ayant accepté de rembourser une mesure d'assistance médicale

Deux approches se dégagent de la jurisprudence quant à savoir si le paiement par la CSST d’une mesure d’assistance médicale constitue une décision et si ce paiement emporte la reconnaissance d’une telle mesure pour les réclamations subséquentes du travailleur.

Nouvelle décision à chaque réclamation

Daunais et Réfractaires & Minéraux National,[1996] C.A.L.P. 1387.

II n’y a aucun droit acquis au remboursement des orthèses du fait que la CSST a honoré des factures pour des années antérieures. La CSST rend une nouvelle décision chaque fois qu'elle rembourse une dépense sur la foi de pièces justificatives. Elle est donc fondée de s'assurer que chaque demande est justifiée.

Gatti et Richter & Ass. syndic,C.L.P.  217265-63-0310, 19 novembre 2004, J.-P. Arsenault.

L’analyse d’une nouvelle demande de prestation pour assistance médicale doit se faire suivant ce que requiert l'état de santé du travailleur en raison de cette lésion, au moment précis où il fait cette demande et non en relation avec l’état de santé au moment d’une demande antérieure qui lui a été refusée. A contrario, le travailleur n’acquiert aucun droit acquis au remboursement de tels frais pour le futur du fait que la CSST ait accepté un semblable remboursement à un moment donné. À moins qu’il ne soit évident qu’un tel besoin soit devenu permanent, la CSST rend une nouvelle décision chaque fois qu’elle rembourse une demande sur la foi des pièces justificatives produites, et elle est fondée de s’assurer que chaque demande est justifiée.

Descôteaux et I. Gagnon & Fils (1983) inc.,C.L.P. 264473-04-0505, 28 septembre 2005, D. Lajoie.

Ses décisions ou décisions implicites antérieures n’engagent pas la CSST à reconnaître au travailleur le droit à toutes mesures d’assistance médicale. Pour chaque nouvelle demande, il est justifié pour la CSST de procéder à son analyse en fonction des conditions établies par la loi et en considérant l’état de santé du travailleur au moment où il présente sa demande. Le fait que la CSST ait déjà remboursé certains frais au travailleur, tels que le coût de médicaments, de la tonte de son gazon, du déneigement et le transport par ambulance à la suite d’une chute à son domicile, ne peut justifier à lui seul le remboursement du coût d’achat d'une marchette. Il aurait fallu pour ce faire que la relation entre la lésion professionnelle et cette aide technique soit démontrée, ce qui n’a pas été fait.

Larente et Citernes Experts inc.,C.L.P. 336786-62C-0801, 17 décembre 2008, N. Tremblay.

Bien qu'une première demande de remboursement ait été acceptée, la première décision de la CSST ne constitue pas un droit acquis au travailleur pour les remboursements futurs. La CSST doit rendre une nouvelle décision chaque fois qu'on lui demande le remboursement d'une dépense reliée à de l'assistance médicale. En l'espèce, lorsque la CSST a autorisé une première fois le remboursement de l'achat des chaussures et bottes orthopédiques, elle était liée par le diagnostic de hernie discale bien que lorsqu'elle a effectivement émis le chèque de remboursement, l'avis du BEM retenant le diagnostic d’entorse lombaire avait déjà été rendu. La CSST aurait pu changer d'opinion une fois rendue à l'étape du remboursement, mais elle a choisi de respecter son engagement initial. On ne peut pas inférer de cet état de fait que la CSST a implicitement accepté de rembourser les chaussures et bottes orthopédiques en rapport avec le diagnostic d'entorse lombaire greffée sur une condition de discopathie dégénérative L4-L5 posé par le BEM. La deuxième demande d'autorisation repose sur une prescription qui mentionne clairement qu'elle est en rapport avec le diagnostic de hernie discale. La seconde prescription n'est donc pas en relation avec la lésion professionnelle.

Mailloux et Club Automobile Québec, 2012 QCCLP 7134.

Le tribunal adhère au courant s'appuyant sur la cause Daunais et Réfractaires et minéraux National et repris dans l'affaire Gatti et Richter & Ass. syndic, voulant que chaque demande d'assistance médicale appelle une analyse aux fins de vérifier si elle est bien fondée. Il faut déterminer si cette demande est reliée à la lésion professionnelle et si les pièces justificatives ont été fournies. Une décision doit être rendue sur chaque demande et il s'agit de décisions indépendantes de celles qui auraient pu être rendues antérieurement sur la même question. En cette matière, certains éléments, tels que des soins, des traitements ou des médicaments, dont le remboursement a été accordé dans un premier temps, sont susceptibles de modifier l'état de santé d'un travailleur et de permettre une évolution favorable ou des changements de celui-ci. La mesure autorisée pour une période pourrait ne plus être pertinente par la suite. Ce n'est pas parce qu'une mesure est autorisée une fois que cela vaut automatiquement pour l'avenir. Cela s'harmonise avec la volonté du législateur, qui impose à l'article 188 que le droit à l'assistance médicale soit reconnu au travailleur, selon ce « que requiert son état ».

Voir également : 

Boily et Dumas contracting ltd, 2012 QCCLP 7326.

Relation entre cette mesure et la lésion

Bertrand et Northern Telecom Canada ltée,[1999] C.L.P. 772.

Lorsque la CSST accepte d'assumer le paiement du coût d'une mesure d'assistance médicale, elle reconnaît l'existence d'une relation entre cette mesure et la lésion professionnelle. Lui permettre de modifier sa décision à l'occasion du renouvellement subséquent de cette mesure va à l'encontre du principe de la stabilité des décisions. De plus, cela comporte aussi une part d'iniquité pour le travailleur qui s'est fait dire par la CSST, à plusieurs reprises, que sa réclamation était acceptable. Seule la reconsidération ou la procédure d'évaluation médicale sur la nécessité de poursuivre cette mesure peut permettre à la CSST de refuser l'assistance médicale.

Rochefort et CG Mobile 1997,C.L.P. 229188-64-0403, 12 mai 2005, F. Poupart.

Ayant considéré à tort que l'utilisation d'un corset par le travailleur n'était pas reliée au traitement de sa lésion professionnelle, la CSST a refusé sa réclamation. Or, comme elle avait préalablement accepté de payer le corset, elle ne pouvait refuser de faire de même pour son remplacement devenu nécessaire.

Mongeon et U.I.B.M.C.,2012 QCCLP 3771.

En l'espèce, les avis de paiement de la CSST montrent que celle-ci a reconnu que les orthèses, les chaussures et les supports pour les genoux étaient en lien avec la lésion professionnelle. Par ailleurs, elle ne peut aujourd'hui prétendre que le remboursement des souliers avait été accepté pour une situation précise, soit une protection au travail, car elle devait savoir que depuis 2005, le travailleur n'occupait plus d'emploi. Par ailleurs, les limitations fonctionnelles accordées au travailleur par le BEM l'ont été notamment en raison de douleurs présentes aux deux genoux, et non seulement au genou gauche, et un facteur de bilatéralité a été reconnu au moment d'accorder le DAP. De plus, il paraît vraisemblable que le fait de porter un seul support a un effet déstabilisant. Par conséquent, le travailleur a droit au remboursement du coût d'achat d'une paire de chaussures adaptées avec orthèses plantaires et un support pour le genou droit.

Hallée et Les constructions Guy Lemieux inc. (F),2012 QCCLP 3855.

Le travailleur a « bénéficié », durant de très longues années, du port d’un corset et de son remplacement. Il semble inéquitable et injuste aux yeux du tribunal que la CSST, dans les circonstances de cette affaire, refuse maintenant d'en autoriser le remplacement et d'en supporter le coût.

Sauriol et Groupement Forestier Pontiac-Pce, 2012 QCCLP 5082.

Il serait inéquitable de retirer au travailleur l'accès à des aides médicales que la CSST avait auparavant considérées comme en relation avec les conséquences de sa lésion professionnelles, particulièrement dans la mesure où les orthèses prescrites lui ont permis de réintégrer le marché du travail depuis 2002. La CLP a conclu à quelques occasions que la CSST doit supporter le coût d'orthèses ou d'une aide technique lorsqu'elle a rendu une décision implicite à cet effet en raison de ses agissements sur le plan administratif, ce qui est le cas en l'espèce. La CSST doit rembourser au travailleur le coût de remplacement des orthèses pour chaussures orthopédiques.

Voir également :

Bouchard et Neilson excavation inc., C.L.P. 181886-01A-0204, 17 juin 2003, R. Arseneau.

Délai pour réclamer de l'assistance médicale

Labonté et Fonderie industrielle Laforo inc., 2013 QCCLP 7454.

Le travailleur n'a pas droit au remboursement de ses traitements psychologiques engagés en 2003. Bien que le Règlement sur l'assistance médicale ne prévoit aucun délai précis pour produire une demande de remboursement de frais, le tribunal ne croit pas qu'il y a absence de limite de temps pour le faire. Dans Sinclair c. Commission des lésions professionnelles, la Cour supérieure rejetait une requête en révision et confirmait une décision de la CLP selon laquelle il existe une date butoir pour la présentation d'une demande d'aide personnelle. Elle concluait qu'en l'absence d'une disposition claire dans la LATMP quant au délai pour produire une telle demande, il était raisonnable d'appliquer à titre supplétif la prescription de trois ans prévu au Code civil du Québec. Le tribunal a retenu le même raisonnement quant à une demande de remboursement de frais d'entretien courant du domicile. En l'espèce, même si l'article 188 se trouve au chapitre de l'assistance médicale, étant donné l'absence de délai expressément mentionné, le délai de trois ans prévu au Code civil du Québec s'applique. 

Poulin et Dist. Athlétique & Nutrition DAN inc., 2016 QCTAT 2760.

Le travailleur n'a pas droit au remboursement des frais de médicaments acquis entre le 6 décembre 2004 et le 31 mai 2011 puisque sa demande était prescrite. À l'instar de la décision Labonté et Fonderie industrielle Laforo inc., il y a lieu d'appliquer la prescription de trois ans prévu au Code civil du Québec. 

Suivi :

Révision pendante.