Droit d'exiger un examen subordonné à un rapport du médecin qui a charge
La jurisprudence détermine que le droit de l’employeur d’exiger du travailleur qu’il se soumette à l’examen d’un médecin qu’il désigne est subordonné à l’obtention d’un rapport médical que doit fournir le médecin qui a charge quant à l’un ou plusieurs des sujets médicaux énoncés à l’article 212.
- Leduc et Bellai & Frères ltée, [1998] C.L.P. 573.
Le tribunal ne partage pas l’avis de l’employeur selon lequel l’examen médical auquel il requiert le travailleur de se soumettre en soit un visé par l’article 209. En effet, bien qu’en vertu du second alinéa de l’article 209 l’employeur puisse requérir du travailleur qu’il se soumette à un examen afin d’obtenir une opinion sur la relation causale entre le diagnostic et le travail, l’employeur doit avoir satisfait à l’exigence du premier alinéa. Ainsi, il doit avoir obtenu préalablement un rapport de son médecin sur l’un ou l’autre des sujets énoncés à l’article 212 suivant la réception d’un rapport médical que devait fournir le médecin qui a charge sur l’un de ces sujets.
- Beauparlant et Avon Canada, C.L.P. 131057-71-0001, 3 mai 2000, D. Gruffy.
Le travailleur conteste devant le tribunal la décision rejetant sa plainte formulée en vertu de l’article 32 étant donné son dépôt à l’extérieur du délai prévu par la loi. Au soutien de sa preuve, il dépose une lettre d’un psychiatre qui estime que l’état psychologique du travailleur l’empêchait d’agir dans les délais. L’employeur demande au travailleur de se soumettre à l’examen médical d’un psychiatre, ce qu’il refuse.
Malgré que l’article 209 prévoie la possibilité pour l’employeur d’exiger qu’un travailleur se soumette à un examen médical, le rapport produit par le psychiatre du travailleur n’est pas un rapport visé à cet article. La demande d’ordonnance d’examen médical de l’employeur n’étant pas formulée dans la cadre du processus d’évaluation médicale concernant la lésion professionnelle doit être rejetée.
- Gohier et Sonacc inc., C.L.P. 150561-61-0011, 9 mai 2002, S. Di Pasquale.
Le travailleur conteste deux décisions rendues par la CSST refusant de reconnaître qu’il a subi des lésions professionnelles et soumet un rapport d’un médecin expert en vue de l’audition devant le tribunal. Un moyen préliminaire est soulevé quant à la régularité de la procédure d’évaluation médicale à la suite de laquelle le BEM a retenu un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs gauche lors des deux événements n’ayant entraîné aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
Le rapport du médecin expert du travailleur n’est pas un rapport que le médecin qui a charge doit fournir sur un ou plusieurs des sujets prévus à l’article 212. Ce rapport n’étant pas un rapport visé par l’article 209, l’employeur ne pouvait demander à la CSST de le soumettre au BEM afin d’obtenir son avis sur le diagnostic, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Le rapport de ce médecin expert n’avait trait qu’à la relation entre les deux événements et la lésion diagnostiquée et ne pouvait servir à initier une contestation sur les questions d’ordre médical mentionnées à l’article 212. Conséquemment, l’avis émis par le BEM ainsi que la décision rendue à la suite de cet avis sont irréguliers.
- Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke et Ducharme, C.L.P. 329554-05-0710, 12 mars 2008, F. Ranger.
Le droit de l’employeur d’exiger que le travailleur se soumette à un examen de son médecin désigné afin de se forger une preuve en vue de l’audience n’est pas prévu à l’article 209.
- Pacius et Manufacture Lingerie Château inc., C.L.P. 343403-71-0803, 30 mars 2009, D. Gruffy.
À la suite d’un avis du BEM, la CSST rend une décision selon laquelle la travailleuse conserve une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles. Cette décision ne fait pas l’objet d’une contestation. Subséquemment, suivant la réception d’un rapport final du médecin qui a charge, l’employeur convoque la travailleuse pour un examen médical.
L’employeur soumet que c’est en vertu des articles 209 à 211 que la travailleuse est convoquée aux fins d’une évaluation médicale. L’article 209 prévoit que l’employeur peut faire examiner un travailleur par un professionnel de la santé qu’il désigne chaque fois que le médecin qui a charge du travailleur soumet à la CSST un rapport qu'il doit fournir portant sur l’un ou plusieurs des sujets mentionnés à l’article 212. Or, le rapport final ne peut être considéré comme un rapport que le médecin qui a charge doit fournir considérant que le processus d’évaluation médicale était alors terminé. En conséquence, l’employeur ne peut invoquer l’article 209 afin de convoquer la travailleuse à une expertise médicale.
Droit d'exiger un examen chaque fois que le médecin qui a charge fournit un rapport
Selon la jurisprudence, l’article 209 autorise un employeur à faire évaluer un travailleur chaque fois que le médecin qui a charge soumet à la Commission un rapport qu’il doit fournir sur l’un ou plusieurs des sujets mentionnés l’article 212, et ce, malgré que ce rapport réitère des conclusions émises antérieurement par le médecin qui a charge.
- Samuel et Briquelage Marius Dufresne, C.L.P. 224309-01B-0312, 23 juin 2004, L. Desbois.
L’article 209 est explicite concernant le droit de l’employeur de requérir du travailleur qu’il se soumette à un examen de son médecin désigné chaque fois que le médecin qui a charge fournit à la CSST un rapport sur l’un ou plusieurs des sujets énoncés à l’article 212. Ainsi, le fait que l’employeur n’ait pas contesté antérieurement le diagnostic ou une autre conclusion du médecin qui a charge ne l’empêche pas de contester ces sujets médicaux lorsqu’ils sont repris dans un rapport subséquent. Conclure autrement obligerait l’employeur à initier la procédure d’évaluation médicale chaque fois qu’une opinion est émise par le médecin qui a charge, alors que celle-ci peut évoluer dans le temps. L’avis du BEM est donc régulier.
- Lefrançois et Levinoff-Colbex S.E.C., 2012 QCCLP 7045.
La loi prévoit la possibilité pour l’employeur de contester les conclusions médicales du médecin qui a charge. Le fait qu’un employeur soit au courant du contenu du rapport du médecin qui a charge par le biais d’une décision rendue par la CSST ne fait pas échec à une demande de BEM formulée subséquemment dans la mesure où l’employeur conteste un rapport ultérieur, et ce, même si celui-ci concerne des conclusions déjà formulées par le médecin qui a charge. En effet, l’article 209 permet à un employeur de faire examiner un travailleur chaque fois que le médecin qui a charge du travailleur soumet à la Commission un rapport qu’il doit fournir relativement aux sujets médicaux mentionnés à l’article 212. En conséquence, l’employeur était en droit de contester le rapport du médecin qui a charge et conformément à l’article 212, de demander un avis du BEM. La décision de relation rendue par la CSST ne peut faire échec à l’application des articles 209 et 224.1.
Délai de convocation
L’article 209 ne stipule aucun délai afin de convoquer le travailleur à un examen. La jurisprudence établit qu’un avis dans un délai raisonnable est satisfaisant.
- Sani-Jean inc. et Anderson, C.L.P. 300621-31-0610, 18 mai 2007, C. Lessard.
Une convocation pour un examen chez le médecin désigné de l’employeur le lendemain est nettement déraisonnable et le délai de convocation insuffisant.
- Gauthier et Ville de Saguenay, 2013 QCCLP 6495.
L’article 209 ne précise aucun délai minimal à respecter pour convoquer un travailleur à un examen chez le médecin désigné de l’employeur. Ce dernier doit néanmoins aviser le travailleur dans un délai raisonnable selon les circonstances, plus particulièrement si le travailleur doit alors se déplacer à l’extérieur de sa région. En l’espèce, le délai de convocation est suffisant puisque le 31 août 2012, l’employeur a avisé verbalement le travailleur d’un examen prévu le 10 septembre suivant. Bien que la preuve soit contradictoire quant au fait que le 31 août, le travailleur avait été informé de l’heure du rendez-vous ou du nom du médecin, ces détails lui ont été transmis le 6 septembre 2012 lors de la convocation écrite. Il n’a pas expliqué en quoi ce court délai de convocation l’empêchait de se présenter à l’examen.
Voir également :
Société Radio-Canada et Richard, C.L.P. 292027-31-0606, 4 septembre 2007, M.-A. Jobidon.
Désignation du médecin désigné
La jurisprudence reconnaît que le médecin désigné de l'employeur ne doit pas nécessairement être le médecin initialement désigné aux fins d'avoir accès au dossier médical du travailleur.
- Emplois Compétences inc. et Lagacé, 2012 QCCLP 639.
Le travailleur invoque l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale, car c’est un autre médecin qui l'a examiné que celui initialement désigné en vertu de l’article 38 pour avoir accès à son dossier médical. L’article 38 a pour but de permettre à l’employeur de faire valoir son point de vue relativement à la réclamation d’un travailleur et de lui permettre d’avoir accès au dossier médical de ce dernier. Pour ce faire et afin de préserver la confidentialité de ce dossier, l’article 38 prévoit que l’employeur doit désigner un médecin, lequel est tenu au secret professionnel. La désignation d’un médecin dans le cadre de l’article 209 s’inscrit dans une démarche différente, soit celle de procéder à un examen. En conséquence, afin de procéder à cet examen, l’employeur peut désigner un autre médecin que celui désigné à l’origine. La procédure d’évaluation médicale est donc conforme à la loi.
Suivi :
Révision rejetée, 2012 QCCLP 5964.
- Déménagement Brisson inc. et Lévesque, 2012 QCCLP 3793.
Le travailleur prétend que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière puisque ce n’est pas le médecin désigné en vertu de l’article 38 qui l’a examiné, mais un autre médecin subséquemment désigné par l’employeur. L’article 38 n’exige pas que le médecin initialement désigné soit le même tout au long du suivi médical du dossier. Il en est de même quant au médecin traitant choisi par le travailleur, lequel peut aussi changer au cours du suivi. L’article 209 n’indique nullement que le médecin désigné aux fins de l’examen soit celui désigné pour obtenir le dossier médical. Accepter la prétention du travailleur aurait pour effet d’empêcher l’employeur de le soumettre à des expertises de différentes spécialités afin d’obtenir un portrait complet de son état de santé lors de lésions multiples. L’utilisation par l’employeur du rapport du second médecin désigné afin de demander l’avis du BEM est régulière.
Suivi :
Révision rejetée, 2013 QCCLP 1406.