Interprétation

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. 231. Comité spécial des présidents

Absence d’un délai de rigueur

Le délai de 20 jours dont bénéficie le CSP pour transmettre son rapport à la CSST, à partir de la date où la CSST lui a transmis le dossier n’est pas de rigueur.

Le non-respect du délai ne peut avoir pour effet de rendre irrégulière toute la procédure d’évaluation médicale.

Succession Normand R. Massicotte et Compagnie Canadienne de services d’isolation ltée, C.L.P. 129083-63-9912, 19 décembre 2001, T. Demers.

Comme les délais des articles 226 à 233 ne sont pas des délais de rigueur, nul ne peut perdre les droits qui lui sont, par ces mêmes articles, octroyés, et ce, en raison du simple écoulement du temps.

Étendue du mandat du CSP

Suivant l’article 231, le CSP infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du CMPP et y substitue les siens, s’il y a lieu.

La jurisprudence reconnaît au CSP, tout comme pour le CMPP, le pouvoir de procéder à divers tests complémentaires. Il lui est aussi reconnu le pouvoir de suggérer un contrôle ultérieur afin de réexaminer le travailleur. Cependant, son rôle d’expert médical ne confère pas un caractère quasi judiciaire à la fonction qu’il exerce.

M.I.L. Davie inc. et Larochelle, C.A.L.P. 32121-03-9109, 2 mars 1994, R. Jolicoeur.

Le fait qu’en vertu de l’article 233 l’avis du comité spécial lie la CSST quant au diagnostic et aux autres constatations établies par le comité ne modifie pas son simple rôle d’expert médical et ne confère pas un caractère quasi judiciaire à la fonction qu’il exerce.

Mine Jeffrey inc. et Roulx, C.L.P. 224462-05-0401, 22 juin 2004, Y. Ostiguy.

Le CMPP doit émettre un diagnostic qui doit par la suite être analysé par le CSP en vertu de l’article 231. Le rôle de ce dernier ressemble à celui du BEM qui intervient lorsque les conclusions du médecin désigné par l’employeur ou par la CSST vont à l’encontre de celles du médecin qui a charge du travailleur.

Tapp et Noranda inc. (Division Fonderie Gaspé) (F), 2011 QCCLP 1629.

La CSST était liée par l’avis initial du CSP qui précisait que le travailleur devrait subir une réévaluation de sa condition pulmonaire dans trois ans. Selon la jurisprudence, il s’agit d’une « autre constatation » au sens des articles 231 et 233 et cette constatation est liante.

Plante et Aliments Breton inc., 2012 QCCLP 5240.

Le CSP n'a pas pour mandat de procéder à un examen médical du travailleur ou de reprendre à son compte d'autres examens. Son mandat est d'ordre scientifique et il consiste à vérifier si le CMPP a suivi toutes les étapes, sur le plan scientifique, menant à la détermination d'un diagnostic de maladie professionnelle et à ses autres constatations. Son mandat lui permet de revoir toutes les conclusions du CMPP et d'y substituer les siennes s'il y a lieu et, à cet effet, il doit motiver son avis avant de le transmettre à la CSST. S'il n'est pas satisfait du processus scientifique qui a été suivi, il peut retourner le dossier au CMPP afin qu'il complète son travail, par exemple en procédant à des analyses complémentaires en milieu de travail. Ainsi, aucun élément ne supporte la prétention du travailleur voulant que le CSP ait l'obligation de procéder à un examen médical ou à un nouveau questionnaire ou même de l'entendre au sens de la règle audi alteram partem.

Bradet et SITEC SEC, 2012 QCCLP 5519.

En l’espèce, trois membres du CMPP se sont prononcés en faveur de l’existence d’une silicose, alors que les trois membres du CSP en ont décidé autrement. Le tribunal ne doit pas nécessairement se livrer simplement à un calcul mathématique pour vérifier le nombre d’experts qui penchent d’un côté ou de l’autre : il doit évaluer le contenu des expertises de même que les motifs qui sous-tendent les conclusions et vérifier les prémisses sur lesquelles ces experts se basent. Aussi, le fait que le législateur ait donné une primauté juridique à l’avis du CSP, lui conférant un caractère liant à l’égard de la CSST, ne fait pas en sorte qu’il jouisse d’une prépondérance scientifique ou médicale. Le tribunal doit évaluer toute la preuve au dossier selon sa valeur probante et sa pertinence sans que cette autorité juridique ait un quelconque effet à ce niveau.

Harvey et Serv dével outils réparation (SPOR), 2012 QCCLP 5563.

Le mandat des comités formés en vertu des articles 230 et 231 n’est pas de se prononcer sur le caractère professionnel ou non d’une maladie pulmonaire, mais seulement de statuer sur le diagnostic à retenir de même que sur les autres constatations prévues à la loi.

Succession Paul Valiquette et Ville de Montréal,2013 QCCLP 2638.

Dans une décision rendue à la suite de l’avis du CSP, la CSST refuse la réclamation du travailleur et déclare qu’il ne souffrait pas d’une maladie professionnelle pulmonaire, ce que la CLP confirme par la suite. Étant donné que le travailleur décède quelques mois plus tard et qu’une autopsie est pratiquée, et compte tenu de la recommandation du CSP voulant que le dossier lui soit soumis de nouveau si du matériel pulmonaire était disponible pour étude minéralogique, une nouvelle réclamation pouvait être présentée à la CSST. Le dossier est retourné à la CSST pour qu’elle le réfère à un CMPP et par la suite à un CSP pour déterminer si le travailleur a souffert d’une maladie professionnelle et, le cas échéant, s’il en est décédé.

St-Louis et Ganotec inc., 2013 QCCLP 6967.

Ce n’est pas parce qu’il est écrit que le CSP entérinait les conclusions du CMPP que cela signifie qu’il ne pouvait apporter ses propres conclusions sur tous les aspects médicaux du dossier. Cela relève de ses pouvoirs en vertu de l’article 231.

Obligation pour le CSP de motiver son avis

Suivant les dispositions du troisième alinéa de l’article 231, le CSP infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du CMPP et y substitue les siens, s’il y a lieu. La jurisprudence lui reconnaît l’obligation de motiver son avis.

Perreault et Commission scolaire de Montréal, 2012 QCCLP 2037.

Dans la mesure où le travailleur prétend qu’il est atteint d’une maladie pulmonaire, la CSST doit le soumettre au processus particulier prévu pour les maladies professionnelles pulmonaires. C’est dans ce contexte que le CMPP a émis un avis après avoir analysé les tests effectués et évalué le travailleur. Ce comité a estimé qu’il était atteint d’une légère amiantose reliée à une exposition, au travail, à l’amiante. Le CSP a émis un avis contraire. Dans un avis très peu motivé, il estime que le travailleur ne présente pas d’évidence de fibrose pulmonaire puisque l’interprétation radiologique officielle n’en fait pas mention. De ces deux interprétations, le tribunal retient l’avis du CMPP. Le CSP, dans un avis laconique, conclut de façon contraire parce que l’interprétation radiologique officielle ne fait pas mention d’atteinte fibrotique. Selon l’article 231, le CSP était tenu de motiver son avis, ce qu’il n’a pas fait. Il y a donc lieu de conclure que le travailleur est porteur d’une amiantose légère.

Plante et Aliments Breton, 2014 QCCLP 186.

Il ressort des avis présentés par le comité en 2011 et en 2012 que, pour les quatre pneumologues membres du CMPP, l’évaluation des séquelles passe par la reconnaissance du syndrome obstructif résultant de l’alvéolite. Quant aux trois pneumologues membres du CSP, ils réfutent cette hypothèse et mentionnent que le syndrome obstructif que présente le travailleur « n’a pas de lien avec les antécédents d’alvéolite extrinsèque ». Ce commentaire ne peut toutefois être retenu puisque l’avis du CSP n’explique pas pourquoi le syndrome obstructif ne peut résulter de la maladie professionnelle. En effet, le fait d’écrire que les membres « ont revu » l’histoire professionnelle, qu’ils « ont noté » la description de l’examen physique, les examens physiques et les examens de laboratoire, qu’ils « ont relu » les radiographies pulmonaires et qu’ils ont analysé les valeurs du bilan fonctionnel respiratoire ne peut constituer une motivation adéquate de leurs conclusions au sens de l’article 231, notamment lorsque ce comité infirme l’avis du CMPP.

Succession Geremia Di Palma, 2015 QCCLP 370.

Dans la mesure où le tribunal ignore les éléments permettant aux membres des CMPP et CSP de conclure ou non à l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire, il est d’avis que leur opinion voulant qu’ils n’aient pas les éléments « suffisants » ou « requis » pour conclure à l’existence d’une telle maladie n’est pas probante. Il en est ainsi, et pour les mêmes raisons, du commentaire du CMPP selon lequel l’hypothèse d’un mésothéliome, posée par le spécialiste du travailleur, n’est pas supportée par les éléments au dossier. Vu l’insuffisance, voire l’absence d’explications étayant les conclusions des membres des comités, le tribunal ne peut retenir leurs conclusions quant à l’inexistence d’une maladie professionnelle pulmonaire ou d’un mésothéliome. Le tribunal retient plutôt le rapport du spécialiste du travailleur et conclut que le travailleur était porteur d’une maladie professionnelle dont il est décédé.

Succession Fausto Gamboz et B.T. Céramiques inc., 2015 QCCLP 499.

Vu les dispositions de la loi qui prévoient que les conclusions du CSP lient la CSST en matière de maladie pulmonaire, il y a lieu de s’attendre à ce que les conclusions de ces spécialistes soient bien étayées et que leurs avis soient motivés conformément aux exigences de l’article 231. En l’espèce, devant les lacunes contenues dans les expertises du CMPP et du CSP quant à la motivation des conclusions qu’ils retiennent, le tribunal ne peut leur accorder une force probante. Il retient plutôt l’avis de l’expert de la succession qui a pris en considération l’ensemble des éléments au dossier, les a analysés un par un et a démontré qu’en les additionnant la prépondérance permettait de retenir que le travailleur était porteur d’une amiantose ou d’une maladie assimilable à l’amiantose.