Interprétation

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. 235. Ancienneté accumulée

Droit d’accumuler de l’ancienneté ou du service continu

L’article 235 prévoit que malgré l’absence du travailleur en raison de sa lésion professionnelle, il continue d’accumuler de l’ancienneté et du service continu au sens de la Loi sur les normes du travail. Selon la jurisprudence, cette disposition vise à maintenir à jour son statut et à bonifier entre autres le salaire et les avantages qui y sont rattachés.

Olymel Granby et Swett, [2003] C.L.P. 93.

Quant à l’ancienneté dont il est question à l’article 235, l’employé auquel réfère cet article n’effectue pas des heures de travail puisqu’il s’agit du travailleur qui s’absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle. Si l’on devait suivre le raisonnement de l’employeur et référer uniquement à la définition d’ancienneté contenue à la convention collective pour déterminer le droit sur la question, il suffirait d’indiquer à la convention collective que l’ancienneté s’accumule en fonction des heures travaillées pour éviter à tout coup qu’un travailleur absent du travail en raison d’une lésion professionnelle puisse accumuler de l’ancienneté, rendant ainsi inapplicables les dispositions de l’article 235. Cet article vise à permettre au travailleur victime d’une lésion professionnelle de continuer pendant son absence du travail en raison de sa lésion professionnelle d’accumuler des heures comme s’il les avait travaillées, et ce, même si la convention collective dit le contraire, puisque celle-ci doit céder le pas devant l’article 235 qui est d’ordre public.

Cuisine Laurier et Pelchat, [2010] C.L.P. 610.

Les règles relatives à l'ancienneté ou au service continu ne peuvent poser problème, dans le cadre d’une demande de réintégration selon l’article 236, puisque l'article 235 prévoit que le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle continue d'accumuler de l'ancienneté ou du service continu.

Suivi :

Révision rejetée, 2011 QCCLP 7481.

Voir cependant :

Langevin et Via Rail Canada inc., [1998] C.L.P. 809.

L'article 235 n'a pas pour effet de transformer les heures de service continu en heures effectivement travaillées. Un programme incitatif au départ anticipé des travailleurs est mis en place chez l'employeur. Cette mesure vise notamment à offrir aux travailleurs dont le poste est aboli un programme de mise à la retraite ou une prime de départ anticipé. Le travailleur soumet que l'employeur devait lui reconnaître le bénéfice de la garantie d'emploi lui permettant d'avoir accès à ce programme et que son défaut constitue une violation de l'article 235. Selon l'entente convenue entre les parties, un employé bénéficie d'une garantie d'emploi après huit années de service rémunéré cumulatif chez l'employeur. Toutefois, le calcul de l'admissibilité à la garantie d'emploi se fait en fonction non pas du nombre d'heures de service continu, mais bien du nombre d'heures de service rémunéré cumulatif, c'est-à-dire des heures effectivement travaillées. Le calcul fait par l'employeur, à savoir que le travailleur a sept ans de service rémunéré cumulatif, est juste et n'enfreint pas l'article 235.

Travailleur en période d'essai, à contrat déterminé ou à titre temporaire

Lorsqu’il s’agit de travailleurs en période d'essai ou détenant un contrat à durée déterminée ou encore travaillant à titre temporaire, la jurisprudence a considéré que le travailleur en période d'essai ne pouvait accumuler de l’ancienneté et que le travailleur qui a un contrat à durée déterminée ou qui travaille à titre temporaire cessera d’accumuler de l’ancienneté à la fin de son contrat, qu’il soit ou non bénéficiaire, à ce moment, d’une indemnité en raison d’une lésion professionnelle.

Sauvageau et A.F.G. Industries ltée (Glaverbec), [1997] C.A.L.P. 831.

Le temps passé en accident du travail ne constitue pas des heures travaillées. Le travailleur étant alors en période d'essai, il n'a pas accumulé de l'ancienneté suivant la convention collective, et ce, bien qu'il ait accumulé du service continu suivant la Loi sur les normes du travail.

Hydro-Québec et Paquette-Racette,C.L.P. 146919-07-0009, 31 mai 2001, D. Rivard.

En vertu des articles 235 et 237, le travailleur qui a un contrat à durée déterminée cessera d’accumuler de l’ancienneté à la fin de son contrat qu’il soit ou non, à ce moment, bénéficiaire d'une indemnité en raison d’une lésion professionnelle.

Suivi :

Révision rejetée, 19 avril 2002, Anne Vaillancourt.

Mongrain et Ébénisterie Sapele inc., C.L.P. 182820-62A-0204, 7 juillet 2003, J. Landry.

Le travailleur a subi une lésion professionnelle alors qu'il n'avait pas terminé sa période d'essai. Durant son absence, son poste a été aboli et l'employeur l'a congédié lors de son retour au travail quelques mois plus tard. Le travailleur n'avait pas obtenu, que ce soit lors de son absence ou à la suite du retour au travail, son droit à l'ancienneté car il n'avait pas terminé sa période d'essai de 90 jours. Il ne pouvait donc pas bénéficier de l'article 235 et continuer à accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective durant son absence pour lésion professionnelle.

Gagné-Jacques et Hydro-Québec, [2005] C.L.P. 935.

Le législateur n’a pas prévu de cumul de service continu pour les employés temporaires sur une liste de rappel dont le contrat est échu et qui refusent d’occuper un emploi à la suite d’un rappel en raison d’une lésion professionnelle. L’article 235 trouve application uniquement jusqu’à la date de la fin du contrat de travail à durée déterminée.

Droit de participer aux régimes de retraite et d’assurances de l’employeur

L’article 235 prévoit que le travailleur continue de participer aux régimes de retraite et d’assurances en vigueur dans l’établissement de l’employeur, pourvu qu’il paie sa part des cotisations exigibles, auquel cas son employeur assume la sienne.

Paiement des cotisations exigibles - part du travailleur

Mendonca et Chemin de Fer Nationaux du Canada, C.L.P. 76103-72-9512, 2 juin 2000, N. Lacroix.

Le deuxième paragraphe de l'article 235 précise bien que le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement de l’employeur, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne. L'employeur a assumé sa part de cotisations. Le travailleur se devait donc d'assumer la sienne s'il voulait profiter d'une pleine pension.

Faustin et Laboratoires Confab inc., 2012 QCCLP 2992.

Le travailleur n'a pas assumé son obligation prévue à l'article 235, soit de payer sa part de cotisations exigibles pour que sa participation au régime d'assurance puisse continuer.

Paiement des cotisations exigibles - part de l’employeur

Laprade et Simmcor, [1992] C.A.L.P. 912.

Pendant sa période d'arrêt de travail, le travailleur a continué de payer sa part de cotisations pour l'assurance collective, tandis que l'employeur n'a pas effectué de versement, invoquant la convention collective. Or, durant l'absence d'un travailleur en raison d'une lésion professionnelle, la LATMP protège, entre autres, la participation du travailleur aux régimes de retraite et d'assurances. La loi étant d'ordre public, elle prime toute disposition qui aurait pour effet d'empêcher son application.

Suivi :

Révision pour cause rejetée, C.A.L.P.34133-62-9111, 25 janvier 1993, S. Moreau..

Godfrey Aérospatial inc. et Provencher, C.A.L.P. 22000-60-9009, 16 mars 1993, F. Poupart.

La clause de la convention collective invoquée par l'employeur ne peut neutraliser les dispositions de l'article 235 qui sont d'ordre public. L'absence du travail en raison d'une lésion professionnelle ne doit priver le travailleur d'aucun avantage relié à l'emploi, notamment les régimes d'assurances. L’employeur est tenu de verser sa part des cotisations au régime d’assurance-groupe auquel le travailleur participe.

Vallières et Fromagerie de Corneville, [1998] C.L.P. 265.

La loi a préséance sur la convention collective et le législateur ne réfère au régime en vigueur dans l'établissement de l’employeur que pour les modalités de versement et la part que chacun doit verser. Même si l'employeur ne viole pas la convention collective, cela ne lui donne pas le droit de violer la loi. Selon la jurisprudence, l'article 242 prévoit qu'il y a lieu de considérer la période d'incapacité découlant d'une lésion professionnelle comme une période réelle de travail. Ainsi, c'est le salaire qu'aurait normalement gagné le travailleur qui doit servir à calculer les contributions respectives des parties au régime de retraite. Le travailleur a droit de participer au régime de retraite en vigueur chez l’employeur durant ses périodes d’incapacité résultant de lésions professionnelles et l’employeur devra payer sa part selon les modalités établies à la convention collective.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-043041-985, 16 novembre 1998, j. Courteau.

Appel rejeté, C.A. Montréal, 500-09-007481-989, 11 décembre 2001, jj. Gendreau, Deschamps, Chamberland.

Bévilacqua et Boulevard Dodge Chrysler Jeep 2000 inc., C.L.P. 205208-72-0303, 20 décembre 2004, P. Perron.

La méconnaissance de l’article 235 par l’employeur a pénalisé le travailleur. L’employeur admet que, depuis qu’il a pris connaissance de cette disposition, il l’applique. Toutefois, il refuse d’ouvrir ses livres rétroactivement pour la période en litige. L’employeur ne présente pas de motifs valables pour justifier son refus de verser sa contribution. En effet, si le travailleur avait été au courant de la disposition de l’article 235, il aurait contribué régulièrement à son régime de retraite puisqu’il s’assure chaque année de contribuer au maximum de ce qui lui est permis. Il a d’ailleurs, dès janvier 2001, versé une somme pour contribuer au maximum de l’année 2001. Suivant l’équité, le mérite réel et la justice du cas, l’employeur doit verser la contribution de l’employeur prévue à la convention collective pour la période de mars à décembre 2001.

Peu de décisions traitent de la question de savoir si en vertu de l'article 235, les heures d'absence en raison d'une lésion professionnelle peuvent ou non constituer des heures travaillées. Certaines décisions considèrent que ces heures d'absence ne peuvent équivaloir à des heures travaillées alors que d'autres émettent l'avis contraire.

Période d’absence n'équivalant pas à des heures travaillées

Minerais Lac ltée (Mine Doyon) et Meilleur, [1991] C.A.L.P. 355.

Le régime de retraite oblige l’employeur à verser une cotisation égale à 4 % du salaire que l’adhérent aura gagné au cours de chaque année de participation au régime. L’expression « salaire gagné », dans son sens courant, signifie la rémunération versée au travailleur en contrepartie d’une prestation de travail. L'article 235 confère au travailleur le droit de participer, pendant une absence due à une lésion professionnelle, à un régime de retraite. Cependant, ce droit ne fait pas automatiquement de la période d'absence une période effectivement travaillée. Déclarer que ces dispositions font d'une telle période d'absence une période travaillée serait ajouter à la loi. L’employeur, en calculant la cotisation sur la base de 4 % du salaire gagné, n’a pas violé l’article 235.

Placer Dome Canada ltée (Mines Sigma) c. Moreau, [1996] C.A.L.P. 1326.

La CALP a commis une erreur manifestement déraisonnable en ordonnant à l’employeur de verser 4 % du salaire non gagné par le travailleur et en déclarant que la décision de l’employeur de ne pas cotiser au régime de retraite était une sanction au sens de l’article 32. L'interprétation que la CALP a donnée à l'application du régime de retraite, lequel fait partie intégrante de la convention collective en vigueur, ne découle pas du texte accepté par les parties. L'employeur n'avait pas, en vertu de ce régime, à verser une cotisation égale à la cotisation facultative. Il se devait seulement de cotiser en fonction de la cotisation obligatoire du travailleur. Or, ce dernier n'a reçu aucune rémunération pendant son absence en raison de sa lésion professionnelle, n'ayant accumulé aucun gain ni revenu.

Aliments Vermont inc. et Turgeon, C.L.P. 158161-04B-0104, 18 novembre 2003, L. Collin.

Selon la convention collective, l'employeur doit verser à une compagnie d'assurances déterminée par le syndicat une cotisation de 0,15$ par heure régulière travaillée ou payée. L'employeur a interrompu le versement de sa cotisation pendant l'absence de la travailleuse. L'employeur n'a pas exercé à l'égard de la travailleuse des mesures discriminatoires ou de représailles. En effet, l'article 235 traite de la continuité de la participation d'un travailleur aux régimes de retraite et d'assurances pendant la durée de son absence du travail pour cause de lésion professionnelle, alors que le litige réside dans le fait que l'employeur n'a pas versé sa part de cotisation pendant l'absence de la travailleuse pour cause de lésion professionnelle. Il s'agit de deux situations différentes, la seconde n'étant pas expressément prévue par l'article 235.

En l’espèce, l’assurance dont il est question est un contrat d'assurance dentaire auquel l’employeur n’est pas partie. Le contrat d’assurance vise le syndicat et l’assureur. Selon ce contrat, un adhérent en absence pour maladie ou blessure peut demeurer assuré à la condition que le syndicat et l’adhérent payent la prime de l’adhérent. Or, l’obligation à laquelle s’est engagé l’employeur par la signature de la convention collective est respectée. Ainsi, il ne déroge pas aux dispositions de l’article 235, à savoir que la travailleuse continue à participer au régime d’assurances pourvu qu’elle paie sa part de cotisations exigibles auquel cas son employeur assume les siennes, soit ce qui est prévu par la convention collective.

Suivi :

Révision rejetée, 22 février 2006, M. Carignan.

Période d’absence équivalant à des heures travaillées

Vallières et Fromagerie de Corneville, [1998] C.L.P. 265.

Selon la jurisprudence, l'article 242 prévoit qu'il y a lieu de considérer la période d'incapacité découlant d'une lésion professionnelle comme une période réelle de travail. Ainsi, c'est le salaire qu'aurait normalement gagné le travailleur qui doit servir à calculer les contributions respectives des parties au régime de retraite.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-043041-985, 16 novembre 1998, j. Courteau.

Appel rejeté, C.A. Montréal, 500-09-007481-989, 11 décembre 2001, jj. Gendreau, Deschamps, Chamberland.

Voir également :

Article 116, rubrique Interprétation, sous le titre Participation au régime de retraite

Article 240, rubrique Interprétation, sous le titre Période d’exercice des droits

Délai pour présenter la demande

La jurisprudence établit que l'article 235 est suffisamment clair pour conclure que le travailleur doit manifester son intention à son employeur de continuer à participer au régime de retraite ou d’assurances au début de son absence à la suite d'une lésion professionnelle, ou dans un délai raisonnable.

Beauregard et Abattoir St-Jean ltée, [1991] C.A.L.P. 282.

L'article 235 permet au travailleur de continuer à participer au régime de retraite de son employeur dès le début de son absence pour lésion professionnelle. Cependant, le travailleur doit aviser son employeur, dans un délai raisonnable de son intention de payer sa part. L'article 240 ne vise pas le délai pour aviser l'employeur, mais la durée de la participation facultative du travailleur. Le travailleur a avisé son employeur plus de deux ans après la survenance de sa lésion professionnelle, il ne peut donc obliger ce dernier à contribuer.

Ouellet et Constructeurs GPC inc. (Faillite), C.L.P. 117232-02-9905, 20 septembre 2000, P. Simard.

Dans les cas où l'article 235 s'applique, le travailleur doit aviser dans un « délai raisonnable » son employeur qu'il désire continuer à participer à son régime de retraite et offrir le paiement de sa cotisation exigible. À défaut de se faire, l'employeur n'a pas à offrir de payer sa cotisation puisque, à tout escient, le travailleur est présumé avoir choisi d'interrompre ses participations à son régime de retraite.

Période pendant laquelle les droits peuvent être exercés

Un travailleur a le droit de continuer de participer aux régimes de retraite et d’assurances offerts dans l’établissement de l’employeur jusqu’à l’expiration du délai d’exercice de son droit au retour au travail prévu à l’article 240.

Beauregard et Abattoir St-Jean ltée, [1991] C.A.L.P. 282.

La référence à l’article 240 dans l’article 235 ne parle aucunement de délai pour faire une demande de continuer à participer aux régimes de retraite et d’assurances, mais précise la période d’application des avantages prévus dans l’article 235 au travailleur qui paie ses contributions.

Cameron et Couvoir Scott ltée, C.L.P. 138944-03B-0005, 12 septembre 2000, G. Marquis.

Le seul objet de la plainte est le fait que l’employeur contrevienne aux prescriptions de l’article 235 en refusant de permettre à la travailleuse de cotiser au régime d’assurance-groupe et/ou de retraite de l’établissement et en omettant d’y apporter sa propre contribution depuis le 29 février 2000. En vertu des articles 235, 240 et 241, la travailleuse a droit de participer au régime d’assurance-groupe de l’établissement, comptant plus de 20 travailleurs, dans les deux ans suivant le début de la période d’absence continue en raison de la lésion professionnelle survenue le 6 avril 1999. Par ailleurs, le fait qu’elle ait repris un travail en assignation temporaire à la suite de cette lésion n’a pas pour effet d’interrompre la période d’absence continue suivant l’article 240 ni le délai d’exercice du droit de retour au travail prévu à cet article. La travailleuse a donc droit de continuer de participer au régime d’assurance-groupe de l’établissement jusqu’à l’expiration du délai d’exercice du droit de retour au travail et l’employeur est tenu de rétablir sa participation à ce régime, à compter du 29 février 2000.

Ouellet et Constructieurs GPC inc. (Faillite), C.L.P. 117232-02-9905, 20 septembre 2000, P. Simard.

Le droit prévu à l’article 235 fait partie des droits reconnus au travailleur dans le cadre du droit au retour au travail et il s’applique pendant la période prévue à l’article 240.

Y… L… et Compagnie A, C.L.P. 392274-71-0910, 16 juin 2010, M. G. Grégoire.

Le droit prévu à l’article 235 fait partie des droits reconnus au travailleur dans le cadre du droit au retour au travail et s’applique pendant la période prévue à l’article 240, qui est d’un an ou de deux ans, selon le cas.