Interprétation

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. 363. Prestations non recouvrées

Conditions d'ouverture

Pour que l’article 363 de la Loi s’applique, certaines conditions doivent être rencontrées :

1)    Une décision doit être rendue par la Commission, à la suite d’une révision administrative, ou par le Tribunal; 
2)    Cette décision doit annuler ou réduire une IRR, une indemnité de décès ou une prestation versée dans le cadre du plan individualisé de réadaptation du travailleur. 

Lorsque ces conditions sont respectées, les sommes reçues ne peuvent être recouvrées par la Commission, à moins de démontrer l’une des exceptions prévues dans la disposition. 

CSSS du Nord de Lanaudière et Jutras, 2016 QCTAT 6408.

Afin que l’article 363 de la Loi trouve application, la Commission doit au préalable avoir accordé une IRR, laquelle devra par la suite être annulée ou réduite, que ce soit par le biais d’une décision en révision administrative de la Commission elle-même ou d’une décision du TAT.

 

Association des employeurs maritimes (amarreurs) et Labonne, 2017 QCTAT 2134.

Aux fins de l’application de l’article 363 de la Loi, on doit d’abord déterminer s’il y a présence d’une décision de la Commission ou du Tribunal, puisque l’utilisation par le législateur du mot « lorsque » signifie qu’il s’agit d’une condition d’ouverture. 

Ensuite, cette décision doit avoir pour effet d’annuler ou de réduire l’une des prestations visées dans la disposition, soit : 

•    une IRR
•    une indemnité de décès au conjoint ou à un enfant mineur; ou 
•    une prestation versée dans le cadre de la réadaptation d’un travailleur. 

Si les deux premières conditions sont remplies, les « prestations déjà fournies » à un bénéficiaire ne peuvent être recouvrées, sauf si elles ont été obtenues de mauvaise foi ou s’il s’agit du salaire versé pendant les 14 premiers jours de la période d’incapacité. 

 

Suivi :
Désistement de la requête en révision.

Voir également :

Costescu et CHSLD Vigi Pierrefonds, 2018 QCTAT 1798.
Suivi:
Désistement de la requête en révision.

Blanchard et Centre d’hébergement Champlain-des-Pommetiers, 2019 QCTAT 598.
Fortin et 9085-5842 Québec inc., 2021 QCTAT 3002.

Bénéficiaire

Aux fins de l’application de l’article 363 de la Loi, il est nécessaire d’être un «bénéficiaire», soit d’être détenteur d’un droit en vertu de la Loi au moment de la perception des prestations dont il est question.

Descoteaux et CSSS St-Jérôme, 2018 QCTAT 1355.

Le législateur, à l’article 363, a utilisé l’expression «prestations déjà fournies à un bénéficiaire», terme défini à l’article 2 de la Loi. L’article 363 LATMP vise donc les personnes qui, au moment où elles ont reçu leurs prestations, détenaient un droit de percevoir ces prestations, conféré par la Loi. De manière générale, ce droit est confirmé par une décision initiale rendue par la CNESST et, bien qu’une décision subséquente annule ou réduit cette prestation, la prestation demeure reçue en application de la Loi.

 

Succession de Héroux et DH Constuction inc. (F), 2018 QCTAT 1475.

Afin de pouvoir disposer de l’application de l’article 363 de la Loi, il faut être un bénéficiaire au sens de cette disposition.

 

Prestations déjà fournies

Interprétation large et libérale

Depuis la décision rendue dans l’affaire Brevil, la jurisprudence est bien établie à l’effet que les termes « prestations déjà fournies » de l’article 363 LATMP réfèrent à la définition de « prestation » de l’article 2 de la Loi. C’est dans l’esprit d’une interprétation large et libérale que les « prestations déjà fournies » ne se limitent plus seulement à l’énumération faite à l’article 363 de la Loi, tel que le prévoyait le courant majoritaire en vigueur jusqu’à l’affaire Brevil.

CSH-HCN Lessee (Écores), l.p. et Gagnon, 2016 QCTAT 5800.

Lorsque la date de capacité du travailleur correspond à la date de consolidation établie de manière rétroactive, le Tribunal retient que le terme « prestation » de l'article 363 LATMP inclut l’IRR et les frais d’assistance médicale. Ces prestations ne devraient être recouvrées que s’il y a mauvaise foi du travailleur.

 

Association des employeurs maritimes (amarreurs) et Labonne, 2017 QCTAT 2134.

L’expression « prestations déjà fournies » que l’on retrouve à l’article 363 LATMP doit s’interpréter de la même manière que le terme « prestation » à l’article 2. Elle vise donc tout type de prestations prévues à la Loi, et non uniquement celles qui font office de conditions d’ouverture de l’article 363. La définition de « prestation » est interprétée de manière large par le Tribunal et couvre toutes les formes de bénéfice, d’aide, de traitement, d’indemnité et autres qui sont prévus à la LATMP. De plus, comme une majorité de ces prestations peut être évaluée sous forme monétaire, il n’y a pas d’incohérence ou de contradiction entre les termes utilisés dans la version francophone de la disposition (« prestations déjà fournies ») et ceux utilisés dans la version anglophone (« the sums already paid »).

 

Suivi:
Désistement de la requête en révision.

Dion et Centre d’hébergement Groupe-Santé Arbec, 2018 QCTAT 1821.

L’article 363 de la Loi couvre non seulement les indemnités qui y sont nommées, mais également les prestations d’assistance médicale et les frais de déplacement afférents.

 

Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Brevil, 2019 QCCA 796.

La Cour d'appel confirme le caractère raisonnable de l'interprétation plus libérale que le TAT a donné à l'article 363 LATMP. Bien qu’il peut être plausible de faire le lien entre le terme « prestation » de l’article 363 et l’énumération qui est faite à cette même disposition, les prestations déjà fournies qui ne peuvent être recouvrées ne se limitent pas uniquement aux différentes indemnités qui y sont nommées. Cette interprétation est compatible avec les autres dispositions de la Loi et permet également d’éviter qu’un travailleur, tenu par l’article 142 LATMP de subir un examen médical ou un traitement dont la Commission assume les coûts, ne soit forcé de rembourser ceux-ci à la suite d’une décision ultérieure.

 

Fortin et 9085-5842 Québec inc., 2021 QCTAT 3002.

Afin de déterminer ce qu’est ou non une prestation au sens de l’article 363 LATMP, il faut se référer à l’article 2 de la Loi. Cette dernière reçoit une interprétation large, qui inclut l’indemnité pour préjudice corporel. Le législateur, pour la rédaction de l’article 363, a fait le choix de ne pas utiliser de déterminant démonstratif tel que « ces prestations déjà fournies ». Il semble ainsi vouloir éviter d’être lié par l’énumération des indemnités faite à cet article en utilisant plutôt une expression large, soit « les prestations déjà fournies ».

 

Voir également :

Ricard et Cie rafraichissement Coca-Cola Canada, 2017 QCTAT 4223.
Hamel et Compagnie Wal-Mart Canada (commerce), 2017 QCTAT 5634.
Saint-Hilien et Centre d’hébergement Paul-Émile-Léger, 2018 QCTAT 2843.
Belley et Cegerco inc., 2019 QCTAT 772.
Subaru des Sources et Pilon, 2019 QCTAT 1152.
El Badmoussi et CHSLD L’Orchidée Blanche, 2019 QCTAT 3842. 
Château Bellevue de Donnacona et Carrier, 2019 QCTAT 5644.
Limoges et Industries Cendrex inc., 2020 QCTAT 186.
Bérubé et Simetech Environnement inc., 2022 QCTAT 2177.
Armoires Perreault inc. et St-Laurent-Brillant, 2022 QCTAT 4564.

L'application rétroactive de la date de capacité

Depuis l’arrêt de la Cour d’appel dans Steamatic, il est reconnu que la date de capacité du travailleur, et de la fin de son droit à l’IRR, peut correspondre à la date de consolidation de la lésion professionnelle établie de manière rétroactive. La jurisprudence retient que les prestations alors fournies, tout comme l‘IRR, ne pourront être recouvrées par la Commission lorsqu’elles ont été perçues de bonne foi par le travailleur.

CPE Petits Semeurs et Beyrouti, 2016 QCTAT 4183.

Que le droit à l’indemnité s’éteigne rétroactivement à la date de la capacité ou non, les indemnités et autres prestations demeurent reçues de bonne foi par le travailleur, à moins d'une preuve contraire. Ces sommes ne pourront être recouvrées par la Commission, à moins d’entrer dans les cas d’exception de l’article 363 de la Loi, et ce, peu importe la date de la capacité du travailleur.

 

Suivi:
Requête en révision demandée. 

CSH-HCN Lessee (Écores), l.p. et Gagnon, 2016 QCTAT 5800.

Lorsque la date de capacité du travailleur correspond à la date de consolidation établie de manière rétroactive, le Tribunal retient que le terme « prestation » de l'article 363 LATMP inclut l’IRR et les frais d’assistance médicale. Ces prestations ne devraient être recouvrées que dans l'éventualité où il y a mauvaise foi du travailleur.

 

Autobus Campeau inc. et Laniel, 2018 QCTAT 5479.

Le Tribunal retient que, même si la date retenue pour la capacité est celle de la consolidation, en vertu de l’article 363 LATMP, le travailleur n’aura pas à rembourser les prestations reçues après cette date, à l’exception de la démonstration de sa mauvaise foi.

 

Voir également:

Demvar et Garofano, 2016 QCTAT 5466.
Suivi :
Désistement de la requête en révision.
Bois Marsoui GDS et Therrien, 2016 QCTAT 5887.
Hyundai Magog et Boutet, 2017 QCTAT 3007.
Suivi:
Désistement de la requête en révision.
Laferté & Letendre inc. et Fortin-Contant, 2017 QCTAT 3216.
Attraction inc. et Breault, 2017 QCTAT 3625.
Château Bellevue de Donnacona et Carrier, 2019 QCTAT 5644.

Exceptions

Mauvaise foi

La mauvaise foi est l’une des exceptions prévues à l’article 363 qui permet le recouvrement des prestations déjà fournies, malgré la présence des autres conditions d’ouverture.

Notion de mauvaise foi

La mauvaise foi correspond à l’état d’esprit d’une personne à un moment précis, qui agit dans l’illégalité ou l’illégitimité en toute connaissance de cause par opposition à la simple faute ou la seule négligence.

Translec/Common inc. et Cléroux, 2011 QCCLP 5336.

Les notions de bonne et de mauvaise foi n’étant pas définies dans la LATMP, le Tribunal se penche du côté de la doctrine. Il est alors question d’un état d’esprit dans lequel se trouve une personne à un moment donné. Si la bonne foi se traduit par un état d’esprit où les agissements d’une personne sont dépourvus d’intentions malicieuses, à l’inverse, une personne sera de mauvaise foi lorsqu’elle agit en sachant qu’elle le fait dans l’illégalité ou dans l’illégitimité. Ce sera à celui qui allègue la mauvaise foi d’en faire la preuve, la bonne foi étant présumée. Il sera alors impératif de le faire en s’appuyant sur l’ensemble du comportement du travailleur, et non uniquement sur un fait pris isolément.

 

Nefil et Commission scolaire Pointe-de-l’Île, 2013 QCCLP 2324.

La mauvaise foi ne pourra être déduite de la simple faute ou de la seule négligence d’une personne. Elle exige plutôt une connaissance de la réalité de la situation par le biais d’une intention malicieuse ou malhonnête, par l’intention de tromper, par le fait d’agir malgré la connaissance de l’illégalité ou de l’illégitimité de son acte. Un tel état d’esprit peut être prouvé par tout moyen, dont le fardeau appartient à la partie qui l’allègue.

 

Voir également :

Nou et Services de personnel infirmier Progressif inc., 2022 QCTAT 5229.

La preuve de la mauvaise foi

Avant 2013, certains décideurs exigeaient que la mauvaise foi soit démontrée au moyen d’une preuve qualifiée de « prépondérante plus », qui s’apparente davantage à celle exigée en matière criminelle et pénale. Cette preuve doit être convaincante, de grande qualité et doit dénoter une certaine intention frauduleuse.

Laferrière et C.L.S.C. Samuel-de-Champlain, C.L.P. 155609-62-0102, 20 décembre 2001, L. Boucher.

Celui qui allègue la mauvaise foi aux fins de procéder au recouvrement des prestations suivant l’article 363 de la Loi doit être en mesure d’offrir une preuve qui s’apparente à celle exigée en matière pénale, qualifiée de « prépondérante plus». Cette démonstration réfère à une preuve de grande qualité, une preuve particulièrement convaincante dès lors qu’une fraude est invoquée. Sans toutefois exiger une preuve hors de tout doute raisonnable, cette dernière doit être convaincante et surpasser la prépondérance de preuve.

 

Dumont et Coffrages CCC ltée, 2013 QCCLP 2285.

Puisque la bonne foi se présume, la mauvaise foi doit être prouvée par le biais d’une certaine intention frauduleuse, par une preuve plus que prépondérante. Cette dernière peut se déduire du comportement du travailleur, par la démonstration d’une intention de bénéficier de prestations auxquelles il n’avait pas droit en exagérant la nature réelle de son incapacité. Pour arriver à une telle conclusion, il faut se trouver en présence de faits graves, précis et concordants.

 

Suivi :
Désistement de la requête en révision.

Voir également :

Gauvin et Constructions SLEMK, C.L.P. 323530-64-0707, 16 avril 2008, R. Daniel.
Damadois inc. (division Cap-Chat) et Pelletier, C.L.P. 383141-01C-0906, 6 novembre 2009, N. Michaud.
Morand et Transport Logi-Pro inc., C.L.P. 390152-63-0909, 16 novembre 2010, L. Morissette.
Pépin et Coffrages CCC ltée, 2012 QCCLP 2671.
Blier et Services de personne Unique inc., 2012 QCCLP 3016.

Depuis 2013, la majorité des décideurs considèrent que, comme dans toute affaire civile, le fardeau de preuve est celui de la balance des probabilités. Plutôt que de faire la démonstration d’une intention frauduleuse, la preuve de la mauvaise foi requiert une certaine intention malicieuse ou de tromper.

Nefil et Commission scolaire Pointe-de-l’Île, 2013 QCCLP 2324.

Comme le législateur utilise, à l'article 363 LATMP, le terme « mauvaise foi », le Tribunal croit opportun de s’en tenir à celui-ci et de ne pas rechercher une certaine intention frauduleuse, concept qui risque d’entrainer l’exigence d’un degré de preuve plus élevé que la prépondérance de preuve. La mauvaise foi est un état d’esprit, présent dans l’intention frauduleuse, mais qui peut également être présent dans des situations autres que l’accomplissement d’une fraude.

 

Résidence Angelica inc. et Desforges, 2013 QCCLP 4377.

Le fardeau de preuve quant à la mauvaise foi appartient à la partie qui l’allègue et consiste à faire la démonstration d’un certain état d’esprit. Le législateur a fait un choix en optant pour les termes « mauvaise foi » lors de la rédaction de l’article 363 de la Loi. Rechercher une « certaine intention frauduleuse » risquerait d’entrainer un degré de preuve plus élevé que la prépondérance de la preuve normalement exigée en matière civile.

 

Labranche et 2952-0822 Québec inc., 2015 QCCLP 4981.

L’interprétation retenue par la première formation, voulant que la mauvaise foi doive être prouvée par la prépondérance de preuve, ne constitue pas un vice de fond de nature à invalider la décision.

 

Voir également :

Pinsonnault et Agence MD Santé inc., 2014 QCCLP 2842.
St-Pierre et Nahtac Constructions inc., 2017 QCTAT 2300.
Mehrandish et Alison Pharma Manufacturing Inc., 2018 QCTAT 5841.
Suivi:
Révision rejetée, 2020 QCTAT 3366.

L'absence de crédibilité

L’absence de crédibilité du travailleur n’équivaut pas nécessairement à la preuve de mauvaise foi, laquelle doit faire l’objet d’une preuve distincte.

Béland et Industries Racan inc., C.L.P. 153782-72-0101, 6 juin 2003, A. Vaillancourt.

Quand vient le temps d’apprécier la crédibilité d’un travailleur ou d’une travailleuse, la bonne foi  se présume. Il faut donc faire la preuve de la mauvaise foi pour renverser cette présomption, indépendamment de la crédibilité ou non du bénéficiaire. Une décision antérieure du Tribunal qui refuse la réclamation d’un travailleur sur la base de sa non-crédibilité ne veut pas dire qu’il y a une inférence de mauvaise foi. Une analyse différente et complète du dossier doit être faite pour en arriver à cette conclusion.

 

Nefil et Commission scolaire Pointe-de-l’Île, 2013 QCCLP 2324.

La conclusion selon laquelle l’admissibilité d’une réclamation est refusée en raison du manque de crédibilité d’un travailleur n’équivaut pas, de manière automatique, à de la mauvaise foi de celui-ci. En effet, il est possible qu’un travailleur, en raison de ses agissements, de ses contradictions ou encore de sa manière de témoigner ait entaché sa crédibilité jusqu’à empêcher le décideur de croire à sa version des faits, sans être pour autant de mauvaise foi.

 

Voir également :

Breton et Construction Giroux Laterreur inc., 2012 QCCLP 2051.
Pépin et Coffrage CCC ltée, 2012 QCCLP 2671.
Bellerose et René Poirier (division), 2013 QCCLP 3620.
Résidence Angelica inc. et Desforges, 2013 QCCLP 4377.
Fortin et 9085-5842 Québec inc., 2021 QCTAT 3002.

Le salaire versé par l'employeur pour les 14 premiers jours

Le salaire versé au travailleur pour les quatorze premiers jours suivant le début de l’incapacité de ce dernier, en vertu de l’article 60 de la Loi, est expressément exclut de l’application de l’article 363 LATMP. Ainsi, lorsqu’une décision de la Commission ou du Tribunal annule ou réduit le montant d’une indemnité, ces sommes reçues par le travailleur doivent être recouvrées par la Commission.

Pedneault et Légupro inc., 2012 QCCLP 8103.

Le Tribunal est d’avis que c’est à bon droit que la Commission peut réclamer la portion des prestations versées au travailleur ou à la travailleuse qui correspond aux 14 premiers jours de son incapacité étant donné l’article 60 LATMP, exception prévue à l’article 363. Le dernier alinéa de l’article 60 prévoit expressément que la Commission se doit de réclamer cette somme au travailleur dans les circonstances qui s’appliquent.

 

Comptois et Fenêtres Métric inc., 2020 QCTAT 664.

Dans le cas où le Tribunal annule une décision qui porte sur l’admissibilité de la lésion professionnelle ainsi que de l’IRR versé à un travailleur ou une travailleuse, la Commission est en droit de réclamer la somme correspondant aux 14 premiers jours de l’incapacité au bénéficiaire. En effet, l’article 363 de la Loi prévoit que lorsque le Tribunal annule ou réduit une IRR, les sommes ne peuvent être recouvrées, à moins qu’il ne s’agisse du salaire versé par l’employeur pour les 14 premiers jours de l’incapacité.

 

Voir également :

Gauvin et Constructions SLEMK (Fermé), C.L.P. 323530-64-0707, 16 avril 2008, R. Daniel.

Toutefois, le salaire versé par la Commission à un travailleur en vertu de l’article 124 LATMP, soit lorsqu’aucun employeur n’est tenu de verser un salaire selon l’article 60 de la Loi, ne fait pas partie des exceptions à l’article 363 de la Loi. Ces sommes ne sont donc pas recouvrables, à moins que la mauvaise foi ne soit démontrée.

Abdel-Meguid et General Motors du Canada ltée, C.L.P. 175307-61-0112, 15 mai 2002, F. Poupart.

Outre le cas des indemnités obtenues de mauvaise foi, le législateur n'a énoncé à l'article 363 LATMP qu'une exception à la règle du non-recouvrement des prestations, soit le salaire versé à titre d'indemnité par l'employeur en vertu de l'article 60 LATMP. La Commission ne peut donc réclamer au travailleur l'IRR qu'elle lui a versée pour les quatorze premiers jours de son incapacité en vertu de l'article 124 LATMP. Les termes de l’article 363 sont clairs et ne créent pas de confusion : si le législateur avait voulu inclure l’IRR versé en vertu du deuxième alinéa de l’article 124 à titre d’exception, il l’aurait prévu ainsi. Ces sommes ne sont donc pas recouvrables.

 

Voir également :

Laquerre-Côté et Station de Mont Gleason inc., 2015 QCCLP 1164.

L’intérêt de l’employeur à contester le recouvrement

Il arrive parfois qu’un employeur conteste, pour le compte d’un travailleur, la demande de recouvrement de la Commission en vertu de l’article 363 de la Loi. Cette subrogation dans les droits du travailleur survient généralement lorsqu’un accord ou une entente intervient avec l’employeur et qu’une clause en ce sens y est prévue.

Olymel St-Esprit (Viandes Ultra) et Rousseau, 2016 QCTAT 7094.

L’employeur peut avoir l’intérêt suffisant pour agir en lieu et place du travailleur quant à la réclamation de la Commission pour recouvrer des prestations. Cet intérêt existe notamment lorsqu’une transaction intervient entre lui et le travailleur et qu’en vertu de cet accord, l’employeur s’engage à rembourser à la Commission les sommes qui pourraient être exigées de cette dernière. L’employeur, désormais subrogé dans les droits de contestation du travailleur, devient une personne lésée suivant la Loi puisque ses intérêts sont affectés par la décision de la Commission qui réclame des sommes du travailleur.

 

Suivi :
Désistement de la requête en révision. 

Subaru des Sources et Pilon, 2019 QCTAT 1152.

Une délégation de paiement au sens du CCQ s’opère entre le travailleur et l’employeur lorsque ce dernier s’engage, dans le cadre d’une transaction, à rembourser à la Commission les sommes qui pourraient être réclamées par celle-ci. Ainsi, l’employeur détient les droits de contestation du travailleur et possède l’intérêt nécessaire pour les exercer, puisqu’il devient une personne lésée par la décision de la Commission.

 

Voir également :

Association des employeurs maritimes (amarreurs) et Labonne, 2017 QCTAT 2134.
Suivi:
Désistement de la requête en révision.
Olymel Vallée-Jonction et Côté, 2019 QCTAT 1499.
GDI Services (Québec) et Dessources, 2021 QCTAT 827.

Non-application à la Couronne fédérale

L’article 363 LATMP n’est pas applicable lorsque l’employeur est une entreprise de la Couronne fédérale. Il appartient plutôt à l’employeur de décider s’il réclame au travailleur les prestations que ce dernier a reçues.

Syndicat des postiers du Canada c. Société canadienne des postes, [1997] R.J.Q. 1182 (C.A.).

La Loi sur l’indemnisation des agents de l’État ne renvoie qu’à l’indemnité à laquelle peut avoir droit un travailleur agent de l’État fédéral, ainsi qu’aux taux et aux conditions prévues dans la LATMP. Puisque la Couronne fédérale est tenue personnellement au paiement des prestations lors d’une lésion professionnelle et qu’elle ne cotise pas au régime d’indemnisation québécois, elle se substitue ainsi à la Commission dans le versement des prestations et dans son recouvrement, dont celui prévu à l’article 363 LATMP.

 

Suivi :
Requête pour autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada rejetée, 25996, 20 novembre 1997.

Collin et Canada (Ministère du Développement des ressources humaines), C.L.P. 115923-63-9905-R, 28 juin 2001, N. Lacroix.

L'article 363 LATMP ne peut s'appliquer à la Couronne fédérale qui, elle seule, peut décider si elle exigera ou non le remboursement d'indemnités versées à un travailleur régi par les dispositions de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État. Selon cette dernière, le renvoi aux règles provinciales est permis quant aux questions d’indemnisation en cas d’accident de travail de la LATMP, ce qui n’inclut pas le recouvrement des prestations prévu à l’article 363 LATMP.

 

Voir également : 

Soc. Can. Des Postes Santé-Sécurité et Comtois, C.L.P. 185970-71-0206, 23 février 2007, B. Roy.
St-Pierre et Société canadienne des postes, C.L.P. 205902-61-0304, 3 juillet 2007, L. Nadeau.
Suivi :
Désistement de la requête en révision. 

Certains décideurs estiment toutefois qu’il y aurait lieu de revoir ce principe à la lumière de la décision rendue en 2014 par la Cour suprême du Canada dans Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board).

Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board), 2014 CSC 25.

Dans le contexte où le litige initial concerne l’admissibilité d’une lésion professionnelle pour un employé de Parc Canada en Alberta,  la Cour suprême affirme qu’il faut appliquer les dispositions des lois provinciales en matière d’indemnisation d’accident du travail et de maladie professionnelle à un employé de l’état fédéral, dans la mesure où ces dernières n’entrent pas en conflit avec la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État. Cette règle favorise une uniformité entre les travailleurs d’une même province quant à l’indemnisation, son taux et ses conditions d’admissibilité, que ce soit des agents fédéraux ou non.

 

CSSS du Nord de Lanaudière et Jutras, 2016 QCTAT 6408.

Le Tribunal estime qu’il faut revoir l’affirmation selon laquelle l’article 363 de la Loi ne s’applique pas aux employés de l’état fédéral à la lumière de la décision de la Cour suprême Martin c. Alberta (Worker’s Compensation Board) et convient qu’une entreprise fédérale n’est pas assujettie à l’article 363 LATMP pour le recouvrement de prestations, mais plutôt à l’article 346 LATMP.

 

Attraction inc. et Breault, 2017 QCTAT 3625.

Sans se prononcer directement sur la question, le Tribunal énonce qu’il faudra revoir le raisonnement selon lequel l’article 363 de la Loi n’est pas applicable aux entreprises fédérales en fonction de la décision Martin c. Alberta (Worker’s Compensation Board) rendue par la Cour suprême.