Interprétation

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. 429.56. Révision

Titulaires du droit au recours en révision ou révocation

Les parties lors de l'audience initiale

Il ne fait aucun doute que les parties à l’audience initiale sont admises à demander la révision ou la révocation de la décision rendue. 

La Commission de la santé et de la sécurité du travail

La jurisprudence établit que la CSST, organisme chargé de l’application de la loi et administrateur du régime de santé et sécurité, est autorisée à demander la révision ou la révocation d’une décision de la CLP, et ce, même si elle n’est pas intervenue à l'audience initiale, en vertu de l'article 429.16 LATMP, ayant mené à cette décision. La CSST a un intérêt suffisant, en tant qu’organisme chargé de l’application de la loi et à titre d’administrateur du régime, pour exercer le recours en révision.

ATTENTION : 
Depuis le 1er janvier 2016, la Commission des normes, de l'équité,  de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a remplacé la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). De plus, le pouvoir d'intervention devant le Tribunal administratif du Québec, octroyé à la CSST, est maintenant prévu à l'article 13 al. 3 LITAT.

CSST et Restaurants McDonald du Canada ltée, [1998] C.L.P. 1318.

L'employeur s'oppose à la requête en révision de la CSST au motif que cette dernière n'est jamais intervenue au dossier. Certes, la CSST n'est pas intervenue au dossier comme le lui permettait l'article 429.16 LATMP. Cependant, il ne s'agit pas d'une fin de non-recevoir à sa requête en révision produite selon l'article 429.56 LATMP, car cet article n'indique pas la qualité de la personne qui peut soumettre une requête en révision par opposition aux articles 358, 359 et 359.1 LATMP, qui indiquent clairement que seule la personne qui se croit lésée par une décision peut la contester. D'ailleurs, selon la jurisprudence, la CSST a un intérêt suffisant, en tant qu'organisme chargé de l'application de la loi et à titre d'administrateur du régime, pour exercer le recours en révision, et ce, afin de s'assurer du respect de la loi. Son intervention, en l'espèce, doit cependant se limiter à faire la preuve d'un motif de révision. Elle ne peut faire la preuve qu'elle aurait pu faire si elle était intervenue.

Systèmes Polymère Structural Canada et Manseau, [2007] C.L.P. 1496.

La requête en révision déposée par la CSST est recevable, car bien qu’elle ne soit pas intervenue au dossier, l’article 429.56 LATMP ne prévoit pas le statut que doit avoir la personne qui dépose une requête et l'article 429.57 LATMP n’impose pas l’obligation d’être déjà une partie à la décision dont on veut demander la révision pour pouvoir déposer une requête.

Entreprises électriques L.M. inc. et Czaffit, 2011 QCCLP 2808.

La jurisprudence constante établit que la CSST peut soumettre une requête en révision même si elle n’est pas intervenue initialement et qu’elle n’était pas partie au premier litige. La jurisprudence énonce à bon droit que la CSST a un intérêt suffisant, en tant qu'organisme chargé de l'application de la loi et à titre d'administrateur du régime, pour exercer le recours en révision, et ce, afin de s'assurer du respect de la loi.

Morin et Ent. Forestière Daniel Morin enr. (F), 2014 QCCLP 3609.

La CLP a maintes fois décidé que la CSST a le droit de demander la révision d'une décision du tribunal même si elle n'est pas intervenue à l’audience initiale. Selon cette jurisprudence, il a notamment été décidé que la CSST a un intérêt suffisant, en tant qu'organisme chargé de l'application de la loi et à titre d'administrateur du régime, pour exercer le recours en révision, et ce, afin de s'assurer du respect de la loi. Ainsi, le fait que la CSST ne soit pas intervenue à l’audience initiale n’est pas une fin de non-recevoir à sa requête en révocation.

Voir également : 

Bérubé et Régie des installations olympiques, C.L.P. 293809-71-0607, 5 février 2008, C. Racine.

M... B... et Compagnie A, 2012 QCCLP 5167.

La jurisprudence considère que la CSST ne peut tenter d’ajouter au dossier une preuve portant sur le fond du litige dont était saisi CLP-1. Son intervention doit se limiter à faire la démonstration de l’existence d’un motif de révision. 

CSST et Restaurants McDonald du Canada ltée,[1998] C.L.P. 1318.

Selon la jurisprudence, la CSST a un intérêt suffisant, en tant qu'organisme chargé de l'application de la loi et à titre d'administrateur du régime, pour exercer le recours en révision, et ce, afin de s'assurer du respect de la loi. Son intervention doit cependant se limiter à faire la preuve d'un motif de révision. Elle ne peut faire la preuve qu'elle aurait pu faire si elle était intervenue.

Cadoret et Quincaillerie R. Durand inc., C.L.P. 250935-03B-0412, 29 novembre 2006, G. Tardif.

La CSST tente d’ajouter au dossier, au stade du recours en révision, une preuve portant sur le fond du litige dont était saisi CLP-1. CLP-2 affirme qu’il est bien établi que le recours en révision ne doit pas être l’occasion pour une partie de bonifier la preuve offerte devant le tribunal. Il n’est donc pas permis de présenter, au stade de la révision, une preuve qui aurait pu être présentée devant CLP-1. 

Voir également : 

Mutuelle de prévention de la CMEQ et Ratté Électrique inc. (F), 2012 QCCLP 1167.

Pour la jurisprudence, le même raisonnement s’applique si la CSST n'est pas intervenue à l’étape de la conciliation.

Gauthier et Proulx,[2000] C.L.P. 994.

La CLP ne peut retenir l'argument selon lequel la CSST, n'étant pas intervenue lors de la signature de l'entente, ne peut remettre en question les faits qui ont conduit à l'entente et à la décision de la CLP. La CSST a le droit de demander la révision d'une décision de la CLP, même si elle n'est pas intervenue à l'étape de la conciliation. Ce droit de la CSST a été reconnu à de multiples reprises par la CALP et la CLP.

Lemieux et Estampro inc.,C.L.P. 311157-03B-0702, 28 juillet 2009, P. Simard. 

Le tribunal retient que la capacité juridique de la CSST de pouvoir intervenir directement en révision relève de l’exercice d’un droit fondamental que reconnaissent tous les principes juridiques de notre système judiciaire, c'est-à-dire le droit d’être entendu. La CSST s’est vue confier par l’État québécois le rôle d’administrer, de gérer, d’être le fiduciaire de cet État quant à l’application de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ainsi, particulièrement lorsque la CSST n’est pas avisée que le processus de conciliation est engagé dans un dossier, le tout menant à une entente dûment entérinée, l’on peut comprendre son intérêt à agir lors de la réception subséquente de cette entente.

Suivi : 

Révision accueillie sur un autre point, 12 avril 2010, M. Juteau.

Autres

Mutuelle de prévention

La jurisprudence retient que la mutuelle de prévention ne détient pas le statut ou l'intérêt juridique pour demander la révision ou la révocation d’une décision initiale de la CLP.

Lévesque et Canadian Tire,2011 QCCLP 2057.

Le droit d’être entendu (paragraphe 2 de l’article 429.56 LATMP) ne permet pas au gestionnaire d’une mutuelle de prévention dont fait partie l’employeur de déposer une requête en révision. Ce paragraphe se limite aux seules parties du litige. De plus, la mutuelle de prévention ne dispose pas d’un intérêt juridique suffisant pour agir à titre de partie requérante ou intéressée. La mutuelle de prévention n’a donc ni le statut ni l’intérêt juridique pour agir à titre de partie requérante pour présenter une requête en révision ou en révocation au nom de la mutuelle de prévention.

Automobile Jalbert inc. c. Commission des lésions professionnelles, 2011 QCCS 4829.

Le raisonnement de CLP-2 se situe dans les limites de la norme de la décision raisonnable. Il est conforme à l'état du droit, tel qu'il a été décidé dans l'affaire Vibert et Excavation Bernard & Gene Cahill inc. À la suite de l'analyse de la loi et du règlement-cadre, l'absence de personnalité juridique d'une mutuelle a été confirmée par l'omission du législateur de faire une mention à ce sujet. Depuis cette décision, la CLP a de nouveau eu à se prononcer quant au statut juridique d'une mutuelle de prévention et a confirmé majoritairement qu'elle ne possède pas la personnalité juridique lui permettant d'agir en son propre nom. CLP-2 a constaté l'évolution de la jurisprudence et adopté celle-ci en citant plusieurs décisions quant à l'analyse de l'absence de personnalité juridique d'une mutuelle de prévention, ainsi que tout ce qui concerne le questionnement entourant son absence d'intérêt juridique. Dans le présent cas, CLP-2 a décidé raisonnablement en concluant qu'il n'y a aucun motif raisonnable permettant de croire que la loi s'applique différemment à la division de la prévention et de l'indemnisation des lésions professionnelles et à celle du financement. La loi s'applique de façon uniforme, peu importe la division qui est visée. Le législateur n'a aucunement prévu, quelle que soit la division en cause, d'accorder un statut particulier à une mutuelle de prévention.

Syndicat

La jurisprudence reconnaît le droit d'un syndicat de déposer une requête en révision dans certaines circonstances.

Systèmes de Contrôle Goodrich ltée et A.I.M.A.T.A., [2008] C.L.P. 1042.

Les motifs invoqués par le syndicat sont suffisants pour lui donner le statut de partie au débat portant sur la qualification constitutionnelle de l’entreprise. En effet, les membres représentés par le syndicat et le syndicat lui-même sont visés par les conséquences de la détermination du statut constitutionnel de l'employeur, notamment l’application des dispositions de la LSST et de certaines dispositions de la LATMP. Ayant l'intérêt suffisant, même si le syndicat n'était pas intervenu lors de l'audience initiale, on lui reconnait le droit de déposer une requête en révision.

Par contre, il a déjà été reconnu qu'un syndicat n'avait pas l'intérêt juridique suffisant.

Mac Intosh et Ganotec inc.,2015 QCCLP 664.

C'est le préjudice subi par une personne qui lui confère l'intérêt pour intervenir au recours. Les syndicats sont certainement intéressés par la décision rendue par CLP-1, mais leur qualité de représentants de l'intérêt des travailleurs de la construction n'en font pas automatiquement des personnes lésées. Les syndicats en l'espèce ont un intérêt théorique à ce que la capacité d'un travailleur de la construction à exercer son travail prélésionnel s'apprécie en tenant compte de la description d'un emploi dans le domaine général de la construction, plutôt que dans l'emploi tel qu'exercé chez l'employeur au moment de la survenance d'une lésion professionnelle, mais ils n'en subissent aucun préjudice. Même si les syndicats estiment qu'il est de leur devoir de veiller à l'interprétation de la loi, il n'en découle pas qu'ils soient lésés par l’interprétation retenue par CLP-1.

Délai pour demander la révision ou la révocation

L'article 429.57 LATMP prévoit qu'une demande de révision ou de révocation doit être déposée dans un délai raisonnable. 

ATTENTION :
Depuis le 1er janvier 2016, c'est l'article 50 LITAT qui prévoit qu'une demande de révision ou de révocation doit être déposée dans un délai raisonnable.

Voir :

Article 429.57

Audience en révision

Composition de la formation

À compter du 31 décembre 2015, les membres issus des associations nommés en vertu de la LATMP cessent d'être membres du tribunal. Les requêtes en révision ou révocation déposées le 1er janvier 2016 et celles pendantes sont entendues par un membre seul. Voir l'article 260 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail.  

Pour les audiences tenues avant le 1er janvier 2016, la composition de la formation suivait les mêmes règles que celles applicables à la décision initiale.
 
Ainsi, en matière de réparation, règle générale, la formation en révision était composée d’un juge administratif assisté de deux membres issus des associations.  

En matière de financement, le juge administratif réviseur siégeait seul.

Lorsqu'une partie attaque la décision initiale en alléguant le paragraphe 3 de l'article 429.56 LATMP, soit l'existence d'un vice de fond ou de procédure de nature à invalider cette décision, le deuxième alinéa de l’article 429.56 LATMP édicte que la requête ne peut être entendue par le juge administratif qui a rendu cette décision, cet ordre ou cette ordonnance.

Valois et Services d’entretien Macco ltée (fermé), [2001] C.L.P. 823.

Lorsqu'une erreur est reprochée à un juge administratif, la requête en révision doit être analysée en regard du troisième motif prévu par l'article 429.56 LATMP, soit la notion de vice de fond qui est de nature à invalider la décision. Le deuxième motif de l'article 429.56 LATMP concerne le cas où une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre. Les cas de violation de règles de justice naturelle commise par un juge administratif ne doivent pas être analysés sous l'angle du deuxième motif puisque le juge administratif à qui l'on reproche un tel manquement pourrait, à la limite, être saisi de la requête en révision ou en révocation de sa propre décision, situation qui ne peut se présenter si ces cas sont analysés dans le cadre du troisième motif de l'article 429.56 LATMP.

Voir également :

Lauzon et Rolf C. Hagen inc., C.L.P. 185289-61-0206, 21 juillet 2003, D. Beauregard.

Jean-Baptiste et Algorithme Pharma inc., 2012 QCCLP 726.

Suivi :

Requête en révision rejetée, 2012 QCCLP 6636.

Pour la jurisprudence du tribunal, le droit fondamental des parties à l’impartialité du décideur sous-tend le deuxième alinéa de l’article 429.56 LATMP. Ainsi, le fait pour un juge administratif de statuer sur ses propres décisions et agissements aurait pour effet de préjudicier l’image de la justice et de miner la confiance des justiciables à l’égard des instances décisionnelles.

Brazeau et Sonoco Flexible Packaging Canada Co, 2011 QCCLP 8265.

Lorsque les manquements allégués sont à l’endroit du premier juge administratif personnellement, notamment en raison des décisions qu’il a prises et qui auraient eu pour effet d’entraver l’administration de la preuve du travailleur, il s’agit d’une situation visée par le troisième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 LATMP. Cet alinéa prévoit que « dans le cas visé au paragraphe 3, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu ». Il s’agit d’une disposition législative qui consacre le droit fondamental des parties à la complète impartialité du décideur. Il apparaît clair que le législateur n’a pas voulu qu’un juge administratif soit appelé à statuer sur ses propres décisions, non plus que sur son propre comportement. L’intention du législateur est de préserver l’image d’une justice exempte de tout conflit apparent d’intérêts chez le juge administratif et ainsi, maintenir la confiance de l’administré dans les institutions judiciaires.

À l'inverse, lorsque le deuxième paragraphe de l'article 429.56 LATMP est mis de l'avant, l'affaire peut être portée devant le juge administratif qui a rendu la décision initiale.

Martin et Société de Gestion Télé-Ressources, C.L.P. 250233-71-0411, 19 décembre 2006, M. Zigby.

L’employeur demande la révocation de la décision de la CLP parce que le fait qu’un juge administratif puisse réviser sa propre décision dans le cadre d’une requête en révision est une pratique inappropriée, entachée d’un vice de fond. C’est le deuxième paragraphe de l’article 429.56 LATMP qui s’appliquait en l’espèce. Comme il ne s’agissait pas d’un cas d’application du troisième paragraphe de l’article 429.56 LATMP, le juge administratif qui avait rendu la décision initiale pouvait fort bien entendre la requête de l’employeur et en disposer. D’ailleurs, il était normal qu’il en soit ainsi puisqu’il avait entendu toute la preuve. Il n’y avait pas lieu de recommencer l’audition de l’affaire devant un autre juge administratif du simple fait que l’employeur n’avait pas eu l’occasion de soumettre ses arguments.

La révision n’est pas un appel

La jurisprudence du tribunal établit que la révision n’est pas un appel. 

Le caractère final des décisions du tribunal, tel qu'énoncé par l'article 429.49 LATMP, doit être respecté.

Franchellini et Sousa,[1998] C.L.P. 783.

La révision n’est pas un appel et ne doit pas donner lieu à un appel déguisé. Il n’est pas permis à CLP-2 de substituer son appréciation de la preuve à celle qui a été faite par CLP-1.

Tribunal administratif du Québec c. Godin,[2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

Une divergence d’opinions quant à la façon d’interpréter une disposition législative ne constitue pas un vice de fond de nature à invalider la première décision, car l’article 154(3) Loi sur la justice administrative (ou 429.56 LATMP) ne crée pas de droit d’appel. 

Bourassa c. Commission des lésions professionnelles,[2003] C.L.P. 601 . (C.A.).

La Cour d'appel mentionne que :

« [22] Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments. »

Suivi :

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 22 janvier 2004.

Perreault et Atlas Construction inc., 2012 QCCLP 4226.

Bien qu’il soit possible de présenter plus d’une requête en révision devant la CLP, ce recours n’est pas un appel.

Voir également : 

Moreau c. Régie de l'assurance maladie du Québec, 2014 QCCA 1067.

Requêtes en révision multiples

Selon la jurisprudence, la requête en révision ne doit pas être une répétition de la procédure et ce n'est pas un processus de contestations à plusieurs volets.

Industries Cedan inc. et CSST - Montérégie, C.L.P. 75963-62-9512, 26 mai 1999, N. Lacroix.

La requête en révision n’est pas un processus de contestations à plusieurs volets dans lequel les parties peuvent multiplier les requêtes en invoquant un nouvel argument chaque fois. Le tribunal considère que multiplier ainsi le nombre de requêtes aurait pour effet de vicier le caractère final des décisions du tribunal.

Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

La notion de vice de fond doit être interprétée largement, mais elle ne doit pas servir de prétexte pour une répétition de la procédure initiale ou pour un appel déguisé sur la base des mêmes faits et arguments.

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine,2005 QCCA 775.

Le recours en révision « ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits » : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de faits ou de droits habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu’une partie ne peut « ajouter de nouveaux arguments » au stade de la révision.

Voir également : 

Perreault et Atlas Construction inc., 2012 QCCLP 4226.

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 4957.

Requête en révision judiciaire rejetée, 2014 QCCS 125.

Requête pour permission d'appeler rejetée, 2014 QCCA 539.

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 25 septembre 2014.

Le recours en révision n'est pas l'occasion pour une partie de déposer de nouveaux arguments ou de bonifier sa preuve. 

Lessard et Les Produits Miniers Stewart inc., C.L.P. 88727-08-9705, 19 mars 1999, J.-G. Roy.

Le législateur a voulu assurer la stabilité des décisions de la CLP. Ainsi, toute requête en révision qui viserait, en pratique, à faire réévaluer par un autre juge administratif la preuve dont disposait le tribunal au moment de l'audience initiale doit être rejetée. Il en est de même si une partie tentait, à l'occasion d'une telle requête, de compléter ou de bonifier la preuve qu'elle avait précédemment présentée. Conclure autrement viderait de son sens le troisième alinéa de l'article 429.49 LATMP qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la CLP

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, [1999] C.L.P. 825 (C.S.).

Claudel Desbiens Construction inc. et Bodart,C.L.P. 294305-71-0607, 9 juin 2008, S. Sénéchal.

C'est au moment de l'audience devant CLP-1 qu'une objection peut être soumise. En invoquant l'illégalité de la preuve lors du recours en révision, la partie se trouve à introduire un nouvel argument visant à réorienter le débat présenté devant CLP-1.

Bossé et Mirinox, C.L.P. 352202-31-0806, 6 novembre 2009, C. Racine.

Le recours en révision n’est pas une occasion de bonifier une preuve ou de peaufiner une argumentation. 

 La CLP siégeant en révision ne peut substituer son opinion à celle de CLP-1. 

Billard  c. Commission des lésions professionnelles,2006 QCCS 3301.

En annulant la conclusion voulant qu'il y ait un lien entre la déchirure radiaire et la lésion professionnelle, CLP-2 a substitué son opinion à celle de CLP-1, qui elle, avait entendu toute la preuve et était beaucoup plus à même de conclure que CLP-2. 

Commission scolaire des Phares c. Commission des lésions professionnelles, 2007 QCCS 1875.

Eu égard au caractère parfaitement intelligible du raisonnement de CLP-1, CLP-2 n’avait pas à intervenir en révision puisqu’elle ne se trouvait aucunement en présence d’un vice de fond ou de procédure qui soit de nature à invalider la décision. En substituant son appréciation des faits à celle de CLP-1, malgré les balises strictes que lui imposait la loi, CLP-2 s’est arrogé un pouvoir qu’elle ne possédait pas et a elle-même prêté le flanc à révision par un autre juge administratif pour vice de fond.

Écoute de l'enregistrement de la première audience

La jurisprudence considère que la CLP agit en révision et non en appel. Si elle écoute l'enregistrement de la première audience sans en aviser les parties, il ne s'agit pas d'une violation de la règle audi alteram partem.

CBC/Radio-Canada c. Commission des lésions professionnelles, 2014 QCCS 3093.

La Cour supérieure est d’avis que, dans les circonstances, l’écoute par CLP-2 de l’audition devant CLP-1 portant sur un moyen préliminaire ne constitue pas un accroc à la règle audi alteram partem. Donc, il n’y a pas eu excès de compétence.  De plus, quelles représentations auraient fait les parties devant CLP-2, après qu’elle eût écouté l’audition antérieure, qu’elles n’ont pas déjà faites? Encore une fois, l'employeur ne nous éclaire pas. Il n'a fait aucune représentation à l'effet que de la preuve n'aurait pas dû être entendue.  De toute façon, le processus de révision interne de la CLP est prévu à l’article 429.56 LATMP et  implique que « la Commission révisera au complet le dossier et rendra une décision basée sur le dossier tel que constitué. Il s’agit d’une révision et non d’un appel ».

Beaupré-Gâteau c. Commission des relations du travail, 2015 QCCS 1430.

La Commission des relations de travail siégeant en révision peut se permettre d'examiner le dossier puisque son rôle est de déterminer si la décision contestée est entachée d'un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision. Un tel exercice peut effectivement rendre nécessaire la consultation du dossier et la transcription des notes sténographiques de l'audition.

Interprétation restrictive

Puisque l'article 429.56 LATMP est une disposition qui diverge de la règle générale voulant que la décision de la CLP soit finale, la jurisprudence énonce qu'il doit être interprété restrictivement.

Cela, en tenant compte des objectifs visés à l'article 429.49 LATMP afin d'assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le tribunal.

 Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

En édictant l'article 429.49 LATMP, le législateur a voulu assurer la stabilité et la sécurité juridique des décisions rendues par la CLP. L'article 429.56 LATMP qui permet la révision d'une telle décision doit donc être interprété restrictivement, en tenant compte des objectifs visés à l'article 429.49 LATMP. De plus, par l'énumération des motifs donnant ouverture à la révision ou révocation d'une décision, le législateur a voulu limiter le recours aux seuls cas qui y sont spécifiquement énumérés. Ce faisant, le législateur a manifesté son intention de restreindre la portée de ce recours.

Lopraino et Systèmes de Contrôle Goodrich ltée, 2012 QCCLP 8195. 

L’article 429.56 LATMP a une portée limitée. Son application doit tenir compte des objectifs de l’article 429.49 LATMP d’assurer la stabilité juridique des décisions de la CLP.

S'appuyant sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, la jurisprudence a aussi déterminé qu'elle doit faire preuve d'une très grande retenue. 

La première décision faisant autorité, ce n'est qu'exceptionnellement qu'elle pourra être révisée.

Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau. 

Le critère du vice de fond, défini dans les affaires Donohue et Franchellinicomme signifiant une erreur manifeste et déterminante, n’est pas remis en question par les récents arrêts de la Cour d'appel. Toutefois, l’invitation à ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère et surtout, l’analyse et l’insistance des juges dans les affaires CSST c. Fontaine et TAQ c. Godin sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitent et incitent la CLP à faire preuve d’une très grande retenue. La première décision rendue par la CLP fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle pourra être révisée.

Bellerose et Manufacture de Vêtements St-Félix (Fermé),2012 QCCLP 3569.  

« [29] Ainsi, les principes retenus dès 1998 ont été analysés par la Cour d’appel et ils demeurent. Elle invite la Commission des lésions professionnellesen révision à continuer de faire preuve d’une très grande retenue et de ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère. Elle insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. En d’autres termes, la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée. »

Voir également : 

Jacob et Succession Kenneth McComber, [2008] C.L.P. 1032.

Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, (SAPSCQ) et Établissement de détention de New Carlisle, 2013 QCCLP 190.

Suivi : 

Requête en révision judiciaire rejetée, 2013 QCCS 6205.

Rabouin et Société canadienne des postes, 2015 QCCLP 5884.

La divergence d’interprétation

Selon la jurisprudence, le simple désaccord avec le raisonnement, l’interprétation de la législation et les conclusions de CLP-1 n’est pas suffisant pour permettre la révision ou la révocation.

Tribunal administratif du Québec  c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

L'article 154 de laLoi sur la justice administrative ne permet pas au Tribunal administratif du Québec siégeant en révision de révoquer la décision d'une première formation simplement parce qu'il voit différemment les faits ou la législation applicable. En conséquence, le Tribunal administratif du Québec commet une erreur révisable quand il révoque ou révise la décision d'une première formation au seul motif qu'il est en désaccord avec ses conclusions, son raisonnement ou son interprétation de la législation. 

Amar c. Commission de la santé et de la sécurité du travail,[2003] C.L.P. 606 (C.A.).

La divergence d'interprétation quant au sens à donner au texte du paragraphe 3 de l'article 80 LATMP à partir des seuls débats parlementaires ne pouvait permettre à la CLP de révoquer la première décision sous prétexte qu'il s'agissait là d'un vice de fond ayant un effet déterminant sur le sort du litige. Il appartenait d'abord aux premiers décideurs spécialisés d'interpréter ce texte et de lui donner le sens qui, à leur avis, répondait le mieux à l'intention du législateur, à l'objet de la loi et à la situation personnelle du travailleur. Or, l'interprétation d'un texte législatif ne conduit pas nécessairement à dégager une solution unique. Cet exercice exige de procéder à des choix qui, bien qu'encadrés par les règles d'interprétation des lois, sont sujets à une marge d'appréciation admissible. En substituant, comme elle l'a fait, sa propre interprétation à celle retenue par la première formation, la deuxième formation de la CLP a rendu une décision déraisonnable, car elle n'établit aucun vice de fond pouvant l'avoir fondée à agir ainsi.

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine,2005 QCCA 775.

« [51] […] L’interprétation d’un texte législatif « ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique.

[...]

[53] Mais, comme il appartient d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter un texte, c’est leur interprétation qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit prévaloir. Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision) […]. »

Ricard et Liquidation Choc, C.L.P. 217112-62C-0310, 10 février 2006, C.-A. Ducharme.

CLP-2 a commis une erreur manifeste et déterminante de droit qui justifie de révoquer sa décision. Elle ne pouvait écarter l'interprétation de CLP-1, parce qu’elle n’était pas d’accord, et y substituer la sienne. En conséquence, la décision de CLP-1 déclarant que l’emploi de caissière de billetterie ne constitue pas un emploi convenable pour la travailleuse est rétablie.

I.M.P. Group ltd (Innotech-Execaire Aviation Group) c. Zigby,2008 QCCS 6051.

Ce n’est pas l’interprétation duRèglement concernant la classification des employeurs, la déclaration des salaires et les taux de cotisation contenue dans la décision en révision qui est en soi déraisonnable, mais sa conclusion selon laquelle la première décision est entachée d’un vice de fond ou de procédure parce que cette décision retient une interprétation différente. CLP-2 substitue son interprétation à celle de CLP-1, ce que ne permet pas l’article 429.56 LATMP. La requête en révision judiciaire est accueillie, la décision en révision est cassée et la décision initiale de la CLP est révisée pour corriger une erreur d'écriture dans son dispositif.

Suivi :

Appel rejeté, 2010 QCCA 1940.

Voir également :

Couture et Les Immeubles Jenas (fermé), [2004] C.L.P. 366.

Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau. 

Distinction entre révision et révocation

La révision a un caractère modificateur alors que la révocation a un caractère abrogatoire.

Hôpital Sainte-Justine et Gravel,[1999] C.L.P. 954.

« [41] En effet, il apparaît que le vocable «révision», et son verbe « réviser », visent les situations où l’on veut modifier ou corriger la décision initiale sur la base de la preuve déjà consignée au dossier, en prenant en considération soit des éléments de preuve nouveaux inconnus au moment de l’audition, soit le vice de fond ou de procédure (l’erreur de fait ou de droit) ayant pu entacher la décision du commissaire initial ou soit le défaut ou la déficience de la décision initiale relative à l’application d’une règle de justice naturelle, lequel défaut ou déficience pourra être corrigé sans que l’on ne reprenne toute la preuve.

[42] Quant au terme révocation, il fait plutôt référence aux situations où l’on doit annuler la décision et l’audience ayant conduit à cette décision afin de remettre les parties dans l’état où elles étaient avant cette audience et cette décision. On pense notamment aux cas où une partie aurait été dans l’impossibilité de se faire entendre. Un manquement à cette règle de justice naturelle pourrait, dépendant du cas particulier, exiger que l’on reprenne l’audience pour permettre au justiciable de faire valoir sa preuve. Les définitions font d’ailleurs état de déclaration de nullité, de mise à néant, de suppression, d’abolition, d’abrogation, de dédit, d’invalidation. » 

Mervilus et Skytex Knitting Mills inc.,C.L.P. 90859-73-9708, 28 octobre 1999, Anne Vaillancourt.

Lorsque des décisions sont révoquées, cela a pour effet de remettre les parties dans l’état où elles étaient avant l’existence de ces décisions. Ces décisions n’existent plus.

Les Industries J. Hamelin et Laramée, 2011 QCCLP 3687.

Lorsque toutes les questions sont liées et que la décision forme un tout, il n’est pas possible d’accueillir en partie la requête. La décision doit donc être révoquée de manière à ce que la décision initiale n'existe plus.

Voir également :

Gaggiotti  et Domaine de la forêt (fermée), C.L.P. 86666-71-9703, 22 janvier 1999, M. Duranceau.

Révision d'une décision rendue à la suite d'une demande de récusation

La jurisprudence retient qu'il n'est pas permis de demander la révision ou la révocation d'une décision en matière de récusation.

Statuer sur une demande de récusation est un pouvoir qui appartient exclusivement au président de la CLP ou à un membre désigné par lui, et ce, en vertu de l'article 429.43 LATMP. Si la demande de révision d'une décision du président était permise, cela ferait en sorte qu'une partie pourrait faire indirectement ce que la loi lui interdit de faire directement, soit faire décider une demande de récusation par n'importe quel juge administratif de la CLP.

Rancourt et Centres Jeunesse de Montréal, C.L.P. 134815-61-0003, 5 juillet 2002, L. Boucher.

La décision rendue en vertu de l’article 429.43 LATMP ne peut faire l’objet d’une requête en révision ou révocation. En effet, le pouvoir de disposer d’une demande de récusation d’un membre est un attribut exclusif du président qu’il peut cependant déléguer à un commissaire. Permettre la révision ou la révocation d'une décision portant sur une demande de récusation ferait en sorte que n’importe quel commissaire pourrait disposer d’une demande de récusation.

Larochelle et Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier, C.L.P. 378587-05-0905, 21 juin 2010, L. Nadeau.

Dans l’affaire Rancourt et Centres Jeunesse de Montréal, la CLP énonce qu’une décision portant sur l’article 429.43 LATMP ne peut être révisée. Permettre ce recours ferait obstacle à l’objectif de l’article 429.43 LATMP en ce sens que n’importe quel juge administratif serait habilité à traiter une demande de récusation. La requête en révision portant sur une décision du président ayant statué sur la récusation d’un membre du tribunal est irrecevable.

Révision ou révocation à la suite d’un désistement

Pour le tribunal, l’annulation d’un désistement ne peut s’effectuer par l’entremise d’une demande en révision ou révocation. 

C’est plutôt en vertu des articles 377 et 429.20  LATMP que le tribunal peut statuer sur la validité d’un désistement. 

Markareh et Essilor Canada ltée, 2012 QCCLP 7357.

La travailleuse demande au tribunal de révoquer les désistements qu’elle a signés. De son côté, l’employeur demande l’annulation de son désistement, dans le cas où la requête de la travailleuse soit accueillie. La CLP ne rend pas de décision, d’ordre ou d’ordonnance dans le cas du désistement puisque, selon l’article 6 du Règlement sur la preuve et la procédure de la Commission des lésions professionnelles, il s’agit d’un acte unilatéral qui émane d’une partie au recours. Les effets du désistement se produisent par eux-mêmes, sans que le tribunal n’ait à prendre une décision. La CLP considère que ce sont plutôt les articles 377 et 429.20 LATMP qui donnent ouverture au droit du tribunal de se prononcer sur la validité d’un désistement.

Révision d'une décision, d'un ordre ou d'une ordonnance

L'article 429.56 LATMP permet la révision ou la révocation d'une décision, d'un ordre ou d'une ordonnance qui a été rendu par la CLP

La jurisprudence considère que c'est par son dispositif qu'une décision, un ordre ou une ordonnance produit des effets juridiques. 

Une partie ne peut demander la révision d'un énoncé dans les motifs de la décision sans demander la révision ou la révocation du dispositif.

Recycan inc. et Simon, C.L.P. 181756-61-0204, 16 juillet 2004, B. Roy.

Par l’entremise de l'article 429.56 LATMP, le travailleur demande qu'un paragraphe de la décision de CLP-1 soit rayé. La requête en révision ou en révocation doit porter sur le dispositif de la décision, de l’ordre ou de l’ordonnance. Bien que pertinent pour expliquer la décision, le texte en soi ne constitue pas la décision. Les faits et motifs justifient la décision, mais ce sont les conclusions tirées des faits et du droit qui sont contenues dans le dispositif. Seuls ces derniers produisent des effets juridiques. Le texte que le travailleur veut faire enlever ne correspond pas à la « décision » de CLP-1. N'apparaissant pas dans le dispositif, le paragraphe ne peut faire l’objet d’une requête en révision ou en révocation.

Voir également : 

Telus Communications inc. c. Leclerc, 2012 QCCS 2792.

Suivi :

Requête pour permission d'appeller rejetée, 2012 QCCA 1453.

Révision ou révocation d'une décision interlocutoire

La jurisprudence considère que le recours prévu à l’article 429.56 LATMP n’a pas pour seul objet les décisions rendues sur le fond d’une affaire, il vise aussi les décisions interlocutoires. La loi permet de demander la révision ou la révocation d’une décision interlocutoire.

Desrochers et Marché Bel-Air inc.,C.L.P. 90831-63-9708, 13 décembre 1999, P. Brazeau.

Le recours en révision ou révocation n’est pas restreint aux seules décisions finales.  Il n’y a pas lieu d’interdire l’exercice de ce recours à l’encontre d’une décision interlocutoire.

Compagnie A et F... C..., C.L.P. 290556-62A-0605, 7 octobre 2008, R. L. Beaudoin.

Les décisions interlocutoires rendues par la CLP peuvent faire l’objet d’une requête en révision ou révocation.

Pour donner ouverture à une requête en vertu de l'article 429.56 LATMP, certains décideurs exigent que la décision interlocutoire visée ait un effet déterminant sur les droits des parties.

Chretien et Ville de Verdun, C.L.P. 178234-72-0202, 20 avril 2004, B. Roy.

La travailleuse demande la révocation d’une décision de la CLP qui a rejeté son moyen préliminaire. Ce moyen concerne la régularité de l’avis d’un membre du BEM. Étant donné les aspects médicaux fort importants du dossier et que la décision sur la régularité du BEM pourrait avoir un effet certain sur les droits de la travailleuse, le tribunal considère que la requête en révocation est recevable. 

Lesieur et Centre Réadaptation L'Envol (F), C.L.P. 306031-04-0612, 14 septembre 2009, J.-A. Tremblay.

Le recours en révision ne se limite pas aux seules décisions qui portent sur le fond du litige. La décision interlocutoire portant sur une demande de remise refusée peut faire l’objet d’une requête en révision en vertu de l’article 429.56 LATMP. Elle doit toutefois avoir un effet déterminant sur les droits des parties.

Voir également :

Mazzaferro et Confection de Vêtements Nadia inc., C.L.P. 150945-72-0011, 18 décembre 2003, L. Boucher.

Peris et Casino du Lac-Leamy, C.L.P. 290163-07-0605, 10 juin 2009, L. Collin.

Voir cependant : 

En règle générale, la révision judiciaire de décisions interlocutoires n'est pas permise. 

Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashman, [1984] C.A. 633.

Dans un contexte d’arbitrage de grief, des arbitres ont refusé d’appliquer une exception fondée sur l’autorité de la chose jugée. On a demandé, en vain, à la Cour supérieure d’intervenir en évocation sur cette décision interlocutoire d’irrecevabilité. La Cour d’appel, saisie de l’affaire, considérant la célérité qui doit gouverner l’arbitrage de grief, estime que le recours à l’évocation à l’encontre des décisions interlocutoires (litispendance, chose jugée, incapacité, absence de qualité ou d'intérêt des parties) doit être proscrit. Dans le but louable d’éviter la guérilla judiciaire, la Cour, sous la plume du juge Vallerand, écrit : « Je m’en tiendrais aux seuls cas manifestes d’irrecevabilité et encore là, uniquement lorsqu’il y a perspective d’une longue instruction que ne justifie pas le mal-fondé évident et incontestable du droit. Pour le reste : au plus vite au fond où l’on règlera le tout d’un seul jet sans risquer de provoquer deux évocations et deux pourvois. Et au diable la guérilla! ».

Voir également :

Cascades Conversion inc. c. Yergeau, 2006 QCCA 464.

La Cour supérieure, sans doute inspirée par l’approche qui gouverne les tribunaux judiciaires dans la révision judiciaire des décisions interlocutoires, a déjà conclu à l'erreur manifestement déraisonnable lorsque la CLP, agissant en révision, est intervenue sur une question préliminaire. Cette approche ne semble pas être suivie à la CLP.

Grenier c. Commission des lésions professionnelles,2007 QCCS 1752.

Le travailleur demande la révision judiciaire d’une décision de CLP-2 portant sur un moyen préliminaire. La Cour supérieure souligne qu'elle doit normalement s’abstenir de procéder à la révision judiciaire d’une décision interlocutoire provenant d’un tribunal administratif. La Cour considère que l’intervention de CLP-2 empêche le tribunal d’exercer pleinement sa compétence et qu'elle omet de faire une analyse contextuelle des faits. Il est vrai que CLP-1 avait convoqué les parties afin de leur permettre d’être entendues sur le fond. La Cour supérieure conclut que CLP-2 a commis une erreur manifestement déraisonnable en intervenant sur une question préliminaire. Le dossier est retourné à CLP-1 afin qu’elle puisse exercer sa compétence.

À  l’époque de la CALP, toutefois, le tribunal conclut à la prématurité d'un recours en révision qui attaquait une décision sur un moyen préliminaire. Cette décision adopte l'approche retenue par la Cour d'appel dans l'affaire Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashman.

Bourque et Centre hospitalier Pierre-Boucher, [1991] C.A.L.P. 484.

Il s’agit d’une requête en révision d'une décision de la CALP, rejetant un moyen préliminaire qui attaque sa propre compétence et convoquant les parties sur le fond du litige. Le recours en révision est jugé prématuré. L’affaire Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashmanest invoquée. Pour la CALP en révision, il ne sert à rien de multiplier les recours sans connaître le sort de l'appel. La requête pourra être sans intérêt une fois le sort de l'appel connu.

Ailleurs :

Il semble que l’approche retenue par les tribunaux judiciaires à la suite de l’affaire Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashman soit également retenue et appliquée par d’autres tribunaux administratifs, notamment la Commission des relations de travail et le Tribunal administratif du Québec. La Commission des relations de travail statuera, en reprenant les termes de la Cour d’appel, que seuls les cas manifestes d’irrecevabilité, et là encore, uniquement lorsqu’il y a perspective d’une longue instruction qui ne justifie pas le mal-fondé évident et incontestable du droit, seront considérés aux fins de la révision interne.

Ville de St-Jérôme c. Coupal,2005 QCCRT 0579.

Afin de déterminer si une décision interlocutoire est susceptible de révision interne, le tribunal se pose la question suivante : est-ce qu’une telle décision, interlocutoire, rendue en cours d’instance, est susceptible de « révision immédiate? ». Depuis le jugement de la Cour d’appel dans l’affaire Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashman, la règle est bien établie. L’objection à la preuve soutenue par la commissaire n’empêche pas nécessairement l’employeur d’avoir gain de cause. Si le recours du travailleur est accueilli, l’employeur pourra demander la révision de la décision finale sous prétexte que le refus d’apprécier sa preuve a été déterminant. Procéder autrement ne respecterait pas l’objectif de célérité de la Commission des relations de travail.

Syndicat des employés(es) des Centres Marronniers (CSN)  c. Gagnon,[2006] QCCRT 0337.

La révision interne de décisions provenant d’organismes administratifs n’est pas restreinte aux seules décisions qui portent sur le fond du litige. La Commission des relations de travail reprend les termes de la CLP dans l’affaire Desrochers et Marché Bel-Air inc., lorsque le tribunal énonce « [qu’il] n'y a pas lieu de restreindre ce recours aux seules décisions finales et d'en interdire l'exercice à l'encontre d'une décision interlocutoire ». La Commission des relations de travail peut, elle aussi, entendre les requêtes en révisions à l’encontre de décisions interlocutoires. Toutefois, seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier ce genre d’intervention avant que la décision finale soit rendue. Les moyens préliminaires ne seront susceptibles de révision que dans les cas manifestes d’irrecevabilité. En révision, la Commission des relations de travail  fait preuve d’une grande retenue afin de déterminer s’il est préférable d’intervenir ou d’attendre qu’une décision sur le fond soit rendue. La Commission des relations de travail reprend les principes émis dans l’affaire Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashman.

Commission scolaire des Chênes c. Lemire, 2011 QCCRT 0054.

La Commission des relations du travail conclut que les principes énoncés par la Cour d’appel dans l’affaire Cégep de Valleyfield c. Gauthier-Cashman, qui s’appliquent aux tribunaux supérieurs saisis d’une demande de révision judiciaire d’une décision interlocutoire, doivent s’appliquer aux demandes de révision interne d’une décision interlocutoire rejetant un moyen d’irrecevabilité, et ce, notamment, afin d’éviter de paralyser la saine administration de la justice par une multiplication des recours incidents.

9056-5425 Québec inc. (Resto-bar L’Évasion) c. Régie des alcools, des courses et des jeux, 2011 QCTAQ 03146.

En règle générale, les décisions interlocutoires ne sont pas sujettes à la révision. Toutefois, il y a exception lorsque la décision met en cause des droits et libertés fondamentaux, ce qui dépasse largement la saine discrétion administrative. La révision de décisions interlocutoires devant le Tribunal administratif du Québec  n’est pas possible à moins de circonstances exceptionnelles ou de décisions interlocutoires qui mettent en jeu une violation sérieuse des règles de justice naturelle ou de principes fondamentaux de notre droit et des chartes.

Voir également :

Club de hockey Canadien inc. c. Association des joueurs de la Ligue nationale de Hockey, 2005 QCCRT 0621.

Garderie A (La) c. Ministre de la Famille,  2009 QCTAQ 04735. 

Révision ou révocation d'un obiter dictum

La jurisprudence établit qu'il n'y a pas lieu de réviser ou de révoquer une opinion incidente ou subsidiaire du tribunal. Même dans le cas où une erreur existerait, elle ne sera pas considérée déterminante.

Concordia Construction inc. et C.S.N. Construction Montréal,C.L.P. 224947-72-0312, 8 novembre 2004, B. Roy.

Le texte, qui est de la nature d’un obiter dictum, ne peut être l’objet d’une requête en révision puisque même si une erreur existait, celle-ci ne pourrait être qualifiée de déterminante.

Paradis et Location Val ltée,C.L.P. 270373-02-0509, 3 juillet 2008, J.-L. Rivard.

La révision d’une partie de la décision qui porte sur une question purement secondaire n’est pas justifiée. Il en est de même pour l’opinion incidente émise par CLP-1 qui n’était même pas tenu de statuer sur ce sujet en premier lieu.

T.B.C. Constructions inc. et Bradette, 2016 QCTAT 1187.

Même si un motif ou une conclusion subsidiaire contient une erreur, cette dernière ne saurait être déterminante et emporter la révision de la décision. Habituellement, une conclusion subsidiaire ne change pas le fondement de la première décision. Elle ne fait que bonifier des motifs principaux.

Ganotec inc., 2016 QCTAT 1299.

Les motifs ajoutés par CLP-1 sont une réflexion n'ayant pas d'impact sur la ratio decidendi. Le tribunal ne peut réviser une décision en raison d'un texte qui est de la nature d'un obiter dictum.

Révision d’une décision en révision

Pour le tribunal, le recours en révision d’une première décision en révision sera jugée recevable dans la mesure où la partie allègue un motif prévu à l'article 429.56 LATMP à l’encontre de la première décision en révision.

Rivard et C.L.S.C. des Trois Vallées,C.L.P. 137750-64-0005, 31 juillet 2001, S. Di Pasquale.

Bien que des requêtes en révision ne puissent être présentées ad infinitum, il n'est pas inconcevable qu'une deuxième requête en révision dans un même dossier puisse être jugée recevable, s'il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec cette deuxième décision. Le législateur n'a certes pas voulu que le tribunal ne puisse se réviser à nouveau dans un tel cas. 

Canadien Pacifique et Scalia,  C.L.P. 147844-72-0010, 2 juin 2005, L. Nadeau.

La CLP rappelle qu’en vertu de l’article 429.56 LATMP, la notion de vice de fond correspond à une erreur manifeste, de droit ou de faits, qui est déterminante sur l’issue du litige. Rien ne soutient une distinction découlant du fait qu’il s’agisse d’une seconde requête en révision. Pour avoir gain de cause, l’employeur doit démontrer qu’il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec la décision rendue en révision.

Commission scolaire des Phares c. Commission des lésions professionnelles,2007 QCCS 1875.

La décision rendue en révision sous l'empire de l'article 429.56 LATMP peut elle-même donner ouverture à une demande au même effet, et ce, à condition qu'il ne s'agisse pas, pour l’une des parties, de faire valoir à nouveau un moyen qu'elle aurait déjà tenté sans succès d'invoquer lors de la première révision. Ainsi, bien que la décision en révision de la CLP soit finale et sans appel, elle pourra être sujette à révision ou révocation, par exemple, si elle est elle-même affectée d'un vice de fond ou de procédure de nature à l'invalider.

Succession Roland Bouchard et Forage Dominik (1981) inc., C.L.P. 210650-08-0306, 18 juin 2009, Anne Vaillancourt.

En présence d’une seconde requête en révision, la vigilance est de mise. Dans l’affaire Rivard et C.L.S.C. des Trois Vallées, la CLP rappelait qu’il n’est pas inconcevable qu’une deuxième requête puisse être jugée recevable, mais en autant qu’il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec cette deuxième décision. Et dans Industries Cedan inc. et C.S.S.T .- Montérégie, le tribunal rappelait qu’une requête en révision ne constitue pas « un processus de contestation en plusieurs tomes », signifiant par là qu’on ne peut multiplier les requêtes en révision sans motif valable. 

Minville et Centre de santé des Haut-Bois, C.L.P. 191344-31-0210, 7 janvier 2010, C. Racine.

La CLP rappelle que le recours en révision n’est pas une occasion de bonifier sa preuve ou de soumettre de nouveaux arguments, et cela reste vrai, même lors d’une seconde requête en révision.

Sivrais et Armatures Bois-Francs inc., 2015 QCCLP 3672.

Il n’est pas fréquent qu’une seconde requête en révision ou révocation soit produite dans un même dossier. Une seconde requête est toutefois possible dans la mesure où la partie qui exerce son recours est en mesure de démontrer une nouvelle cause de révision par rapport à la première décision rendue en révision.

Suivi :

Requête en révision pendante.

Voir également :

Sanscartier et Logidec inc., 2011 QCCLP 2425.

Stamatopoulos et Provigo Distribution (division Loblaws Québec), 2015 QCCLP 5789.

Martin et Ministère des Transports du Québec, 2015 QCCLP 6394.

Pierre-Louis et Centre de santé et de services sociaux de la Montagne, 2016 QCTAT 721.

Afin de respecter la finalité de la première décision rendue par le tribunal, la jurisprudence précise que le recours en révision ou en révocation d’une première décision en révision doit présenter des motifs à l’encontre de cette dernière et non reprendre un argument sous une autre forme à l’endroit de la première décision. 

Le fait de se contenter en seconde révision ou révocation de réitérer les motifs allégués lors de la première demande de révision ou révocation entraînera le rejet de la demande.

Dieudonné et Garages des Promenades inc., C.L.P. 191830-63-0210, 31 octobre 2005, D. Lévesque.

Puisque les « erreurs » soulevées par le travailleur concernant la première décision de la CLP sont les mêmes que celles ayant fait l'objet d'une première révision refusée par la CLP, il y a lieu de déclarer non fondée la présente requête en révision.

Beaulieu et Commission scolaire des PharesC.L.P. 128786-01A-9912, 24 février 2006, C.-A. Ducharme.

La situation que dénonce la jurisprudence en indiquant que les requêtes en révision ou en révocation ne peuvent être multipliées à l'infini est principalement celle où une partie insatisfaite du résultat d'une première requête en révision en présente une seconde en invoquant sensiblement les mêmes motifs. Ce n'est pas le cas dans la présente affaire. La travailleuse reproche à CLP-2 d'avoir substitué son appréciation de la preuve à celle de CLP-1. Contrairement à la prétention de l'employeur, la requête de la travailleuse vise essentiellement la décision en révision du 30 septembre 2004 et elle ne constitue pas une seconde requête en révision de la décision initiale du 4 février 2002. Pour ces raisons, la CLP-3 estime avoir les pouvoirs de se prononcer sur la requête en révocation et rejette la requête en irrecevabilité de l'employeur.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, 2007 QCCS 1875.

Voir également :

Lacerte et Cadorette Marine Co. (F), [2008] C.L.P. 788.

Suivi :

Révision rejetée, C.L.P. 327617-04-0709, 21 juillet 2010, P. Simard.

Malgré la reconnaissance par la CLP de la possibilité de permettre la révision d'une décision elle-même rendue en révision, permettre aux parties de multiplier indûment les requêtes en révision ou en révocation vicierait le caractère final des décisions du tribunal prévu à l’article 429.49 LATMP.

Industries Cedan inc. et C.S.S.T. - Montérégie, C.L.P. 75963-62-9512, 26 mai 1999, N. Lacroix.

Une requête en révision ne constitue pas un processus de contestation en plusieurs tomes et on ne peut multiplier les requêtes autant de fois qu'on le juge à propos en invoquant chaque fois un nouvel argument ou un argument présenté sous une autre forme. C'est vicier le processus de finalité des décisions et celui de la révision que de multiplier indûment le nombre de requêtes en révision.

Zoom réseau affichage intérieur et CSST - Montréal-4,[2000] C.L.P. 774.

Une requête en révision d'une décision en révision doit invoquer une circonstance qui soit inusitée en regard même des motifs donnant ouverture à la requête prévue à l'article 429.56 LATMP, sans quoi son caractère n'aurait finalement rien de vraiment inusité. En l'espèce, la partie requérante n'a aucune preuve à présenter de nature à justifier une modification de la décision, mais tout ce qu'elle veut en définitive, c'est remettre en force la décision rendue initialement par la CALP qui lui donnait raison, avant que soient rendues les deux décisions en révision ultérieures. Or, la doctrine et la jurisprudence démontrent clairement que la seule façon de contester de telles décisions consiste à présenter une demande de contrôle judiciaire. Bien que la révision d'une décision dans un contexte de droit administratif doive s'inspirer des règles propres à ce droit, soit celles de la flexibilité et de l'équité, l'exercice de ce recours n'est certes pas indéfiniment extensible et ne peut être répété ad infinitum. Il aurait fallu que l'employeur démontre l'existence de circonstances à ce point inusitées que leur seule démonstration aurait permis de constater que le fait de refuser la requête en révision entraîne un réel déni de justice.

Compagnie de Chemin de fer St-Laurent & Hudson et Marin,[2001] C.L.P. 579. 

L’employeur présente une requête en irrecevabilité à l’encontre de la requête en révision au motif que le contexte de cette deuxième requête ne contient aucune circonstance inusitée et déterminante qui pourrait exceptionnellement donner ouverture à une seconde requête. En l'espèce, la CLP déclare la première requête en révision irrecevable parce qu’elle est présentée en dehors du délai et que les motifs pour expliquer ce délai ne peuvent être qualifiés de raisonnables. La CLP est d’avis de rejeter la requête en irrecevabilité présentée par l’employeur. Il n’y a jamais eu de décision de la CLP concernant la question de savoir s’il y avait lieu de réviser ou non la décision initiale puisque la CLP a décidé que cette requête en révision était irrecevable parce que présentée en dehors du délai prévu à la loi. Ainsi, l’objet de la présente requête diffère en tous points de celui de la requête précédente. On ne peut donc conclure être en présence de requêtes multiples.

Dansereau et Home Dépot,C.L.P. 194806-62A-0211, 4 juillet 2005, L. Nadeau.

Comme l’a déjà souligné la CLP, on ne peut pas multiplier les requêtes autant de fois qu’on le juge à propos. Une requête en révision d’une décision en révision doit démontrer qu’il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec cette deuxième décision. En l’espèce, le travailleur adresse le même reproche à CLP-1 et à CLP-2. Il soumet qu’elles ont négligé un élément de preuve important, constituant une erreur manifeste. Le tribunal conclut que CLP-2 a exercé pleinement sa compétence et qu’elle a analysé l’erreur alléguée par le travailleur. CLP-3 estime qu’il y a lieu de rejeter la requête en révision.

La révision judiciaire de la décision en révision

Interruption de la prescription en révision judiciaire

La demande de révision en vertu de l'article 429.56 LATMP n'interrompt pas la prescription de la demande de révision judiciaire visant la même décision. 

Ce sont des recours distincts. Les règles propres à chaque recours doivent être respectées, dont celle de l’extinction d’un recours pour défaut d’agir.

Cascades inc. c. Larochelle,2006 QCCS 5479.

Bien que des recours en révision puissent encore être disponibles au sein d’un organisme, la Cour supérieure peut entendre une demande de révision judiciaire dans la mesure où le droit de recours n’est pas éteint. La demande de révision devant la CLP n’interrompt pas la prescription reliée à un recours en révision judiciaire devant la Cour supérieure.

La norme de contrôle

Les tribunaux judiciaires depuis l'arrêt Dunsmuir retiennent que la norme de contrôle applicable aux décisions de la CLP, tant la première décision que la décision en révision, est celle de la décision raisonnable. 

La pondération des critères émis par la Cour suprême dans l’arrêtDunsmuir donne lieu à l’application de la norme de la décision raisonnable aux décisions de la CLP en révision qui sont entendues en révision judiciaire. 

La norme de contrôle de la décision raisonnable est empreinte de déférence. Elle requiert le respect de l'intention du législateur de s'en remettre à des décideurs administratifs, le respect de décisions fondés sur une expertise et une expérience spécialisée, ainsi que de la différence entre les fonctions d'une cour de justice et celles d'un organisme administratif.

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.

La Cour suprême réévalue le contenu des normes de contrôle ainsi que la démarche qui précède le choix de la norme applicable dans une situation donnée. La distinction que devaient faire les tribunaux entre la norme de la décision manifestement déraisonnable et celle de la décision raisonnable simpliciter n'est plus d'actualité. La Cour réduit le nombre de normes de contrôle à deux, soit la norme de la décision correcte et celle de la décision raisonnable.

Le tribunal qui applique la norme de la décision correcte entame sa propre analyse des faits pour enfin déterminer s’il est d’accord ou non avec la décision contestée. Dans la mesure où il y a désaccord, les conclusions de la décision contestée sont substituées par celles du tribunal chargé de la révision. Sous la norme de contrôle de la décision correcte, la Cour en révision rend la décision qui s’impose. Lorsque la question de droit revêt d’une importance capitale pour le système judiciaire dans son ensemble et qu’elle dépasse le domaine d’expertise du décideur spécialisé, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique. Elle s’applique également dans les cas où la question touche la compétence du tribunal administratif en tant que tel, à savoir quelles sont ses limites. D’autre part, les questions constitutionnelles reliées au partage des pouvoirs sont également assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte.

En ce qui concerne la norme de contrôle de la décision raisonnable, la Cour en révision évalue si la décision contestée est raisonnable. Afin d’évaluer son caractère raisonnable, la Cour en révision examine la justification de la décision contestée ainsi que la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel qui l’accompagnent. De plus, la Cour en révision détermine si la décision contestée appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier en regard des faits et du droit. La Cour suprême souligne que la norme de la décision raisonnable commande le respect de la volonté du législateur de déléguer certaines choses à des décideurs administratifs qui ont une expérience particulière dans un domaine spécialisé. Ainsi, la Cour en révision doit faire preuve de retenue, cette norme étant empreinte de déférence. L’existence d’une clause privative conduit, la plupart du temps, à la norme de la raisonnabilité puisqu’elle atteste la volonté du législateur d’octroyer plus de déférence au décideur administratif afin que le contrôle judiciaire demeure limité. Lorsqu’il s’agit d’une question de fait pure ou lorsqu’il s’agit d’une question de droit et de faits mixtes qui est difficilement dissociée, un grand degré de retenue s’impose. Ceci milite en faveur de la norme de la décision raisonnable. C’est le cas également lorsque le décideur interprète sa propre loi constitutive.
Chevalier c. Commission de la santé et de la sécurité du travail,2008 QCCA 1111.

Le législateur a prévu un organisme spécialisé qui répond aux besoins particuliers des travailleurs par l’entremise de la LATMP. La CLP a la compétence exclusive d’entendre les demandes provenant de la CSST. La clause privative demande que les tribunaux judiciaires exercent une certaine retenue à l’égard de décisions prises par la CLP. La pondération de facteurs tels que la présence d’une clause privative, un régime administratif particulier avec une expertise spéciale ainsi que la nature de la question de droit donne lieu à l’application de la norme de la décision raisonnable.

Collins et Aikman Canada inc. c. Commission des lésions professionnelles,2008 QCCS 4462.

Conformément au nouveau test établi par la Cour suprême dans l'arrêt Dunsmuir et repris par la Cour d'appel dans Chevalier, où il s'agissait d'une décision de la CLP, la norme de contrôle applicable aux deux décisions de la CLP faisant l'objet du litige (première décision et décision en révision) est celle de la décision raisonnable.