La portée de l'article 15
L’article 15 LITAT est le corollaire de l’ancien article 429.19 de la LATMP
L’article 15 de la LITAT adopté le 1er janvier 2016 est le corollaire de l’ancien article 429.19 de la LATMP, maintenant abrogé. Cet article permet au TAT de prolonger un délai ou de relever une personne de son défaut de l’avoir respecté. Il confère au TAT les mêmes pouvoirs que ceux auparavant octroyés à la CLP. Ces pouvoirs s’appliquent à toutes les divisions du TAT.
- Yargeau et Ressource en entretien ménager, 2016 QCTAT 4502.
L’'article 15 de la LITAT, qui remplace l'ancien article 429.19 de la LATMP, permet au TAT de relever une personne des conséquences de son défaut d'avoir respecté le délai de contestation.
- Hôpital de Matane et Centre de santé et de services sociaux de la Côte-de-Gaspé, 2016 QCTAT 5978.
L’article 15 de la LITAT, qui est semblable à l'ancien article 429.19 de la Loi permet, dans certaines circonstances, de relever une personne des conséquences de son défaut de respecter le délai de l’article 359.
- Cegerco inc. et Julien, 2017 QCTAT 2460.
L’article 15 de la LITAT réitère le principe de l’ancien article 429.19 de la LATMP, à savoir qu’il est possible pour le Tribunal de prolonger un délai ou relever une personne de son défaut de l’avoir respecté, pourvu qu’on lui démontre un motif raisonnable et qu’aucune autre partie n’en subisse de préjudice grave.
Une interprétation large et libérale
L’article 15 de la LITAT doit être interprété de façon large et libérale afin de favoriser l’exercice des droits dans le contexte d’une législation à caractère social.
- Cormier c. Commission des lésions professionnelles, 2009 QCCS 730.
Il faut que les organismes administratifs cessent d’être plus rigides que les tribunaux de droit commun quant à la procédure. En effet, il est rare qu’un justiciable perde un droit à cause de la procédure.
- Fortier 2000 Itée et Noël, 2016 QCTAT 3424.
L’un des objectifs de la Loi est de remédier aux lésions professionnelles et aux conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. L’interprétation des dispositions doit être large et libérale afin d’atteindre l’objectif premier de la Loi. L’article 351 vient, par ailleurs, définir les paramètres qui doivent encadrer la notion «d’interprétation» des dispositions de la Loi, soit l’équité, le mérite réel et la justice du cas. Ces règles doivent trouver application lorsqu’il doit être déterminé si un motif raisonnable a été présenté.
Suivi :
Révision rejetée, 2016 QCTAT 5793.
- Arseneault et Scierie Saguenay Itée (F), 2016 QCTAT 4567.
La CSST est soumise à une obligation d’équité procédurale envers les travailleurs dans le cadre de sa mission de réparation des lésions professionnelles. Cette obligation se traduit par certaines exigences particulières qui doivent être définies au mérite de chaque cas afin que la justice administrative soit pleinement rendue.
- Hôpital de Matane et Centre de santé et de services sociaux de la Côte-de-Gaspé, 2016 QCTAT 5978.
Il faut éviter de faire preuve de trop de sévérité ou d’avoir des attentes démesurées dans l’évaluation des motifs raisonnables soulevés par une partie. L’article 15 de la LITAT ne doit pas recevoir une interprétation tatillonne, mais doit au contraire être appliqué de manière généreuse.
- Ross et Logistec Arrimage inc., 2016 QCTAT 6053.
Le Tribunal considère qu'une corrélation doit généralement être faite entre l'importance du délai écoulé avant qu'une partie remédie à son défaut et la rigueur avec laquelle on doit apprécier le motif raisonnable invoqué. Ainsi, plus ce délai est court, plus il faut faire preuve de souplesse dans l'analyse du motif invoqué.
- Paré et Gesfab inc., 2016 QCTAT 7212.
L’examen des motifs permettant de relever une partie de son défaut doit se faire d’une façon large et libérale. Agir autrement entraînerait des conséquences graves, voire parfois irrémédiables pour une partie.
- Torres c. Commission des lésions professionnelles, 2016 QCCS 119.
La Cour supérieure estime que la CLP adopte une interprétation tatillonne du droit d’une personne qui se sent lésée par une décision de la CSST de requérir la prolongation du délai de révision ou d’être relevée de son défaut pour un motif raisonnable. La Cour rappelle que le régime est à caractère social et remédiateur. L’objectif est de réparer les lésions professionnelles et non de priver les personnes visées de droits. Ces considérations exigent une interprétation généreuse des dispositions de la Loi et, en particulier, du droit de demander une prolongation du délai de révision. L’intérêt et l’efficacité de la justice administrative justifiait que la CLP s’attarde au mérite du dossier au lieu de bloquer le recours du travailleur sur une base procédurale.
- Alas Penas et Garderie Olamsheli inc., 2017 QCTAT 290.
Au principe de la stabilité des décisions s'oppose celui d'une interprétation libérale de la Loi pour favoriser l'exercice d'un droit. Le Tribunal est d’avis que le deuxième principe devrait avoir préséance sur le premier, car agir autrement entraînerait des conséquences graves, voire irrémédiables, et équivaudrait à un déni de justice pour la travailleuse. De plus, l’article 14 de la LITAT précise que le Tribunal peut accepter un acte de procédure même s’il est entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité. Il faut favoriser l’exercice d’un droit et non le contraire. Les organismes administratifs doivent cesser d’être plus rigides que les tribunaux en droit commun.
- Boissonneault c. Constructions Marquis Laflamme inc., 2017 QCCA 826.
La LATMP, législation d’ordre public à vocation hautement sociale, doit recevoir une interprétation large et libérale, qui assure l’accomplissement de son objet et l’exécution de ses prescriptions suivant leur véritable sens, esprit et fin. En matière de déchéance de droit, il paraît raisonnable d’interpréter les dispositions de la Loi de manière à protéger les droits du justiciable. C’est le cas lorsque la législation dont il s’agit en est une à vocation sociale.
- Pignataro et Régie des installations olympiques, 2019 QCTAT 5265.
Il importe de tenir compte du caractère social de la Loi et d’interpréter la notion de motif raisonnable de façon large et libérale en favorisant, dans la mesure du possible, l’exercice des droits des justiciables plutôt que leur déchéance.
La notion de motif raisonnable
Définition
Un motif raisonnable est un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion et de bon jugement. Cette expression confère une grande discrétion au décideur, qui doit examiner les circonstances propres au cas qui lui est soumis. Selon la jurisprudence majoritaire, l’examen des motifs permettant de relever une partie de son défaut doit se faire de façon large et libérale. La jurisprudence ne distingue pas l’interprétation de ce que constitue un motif raisonnable, quel que soit l’article visé (art. 352, 358.2 LATMP et art. 15 LITAT).
- CPE Bobino Bobinette et Content, 2016 QCTAT 4715.
Cette notion de «motif raisonnable» est vaste et, de ce fait, sujette à beaucoup d’interprétations ainsi qu’à l’exercice d’une discrétion importante de la part du décideur, lequel doit examiner toutes les circonstances du cas particulier qui lui est soumis.
- Tremblay et Gicleurs automatiques Beaudoin inc. (F), 2016 QCTAT 5234.
La LITAT ne définit pas ce qu’est un motif raisonnable. Il convient alors de s’en remettre à la jurisprudence qui considère qu’un tel motif s’analyse selon un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture et des circonstances si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bons sens, de mesure et de réflexion.
- Osses et Hotellus Canada Holdings inc., 2016 QCTAT 6079.
Les faits particuliers d’un dossier sont très importants afin d’évaluer les motifs raisonnables invoqués. Le Tribunal doit éviter tout automatisme en cette matière, et évaluer le ou les motifs proposés avec largesse et vérifier si ceux-ci ne sont pas farfelus, sont crédibles et font preuve de bon sens, de mesure et de réflexion.
- Paré et Gesfab inc., 2016 QCTAT 7212.
Afin d’être relevée de son défaut, une partie qui dépose un recours en dehors du délai imparti par la Loi doit fournir une explication raisonnable et sérieuse justifiant de manière satisfaisante son retard.
- Sabbagh et Commisssion scolaire de Montréal, 2017 QCTAT 2732.
La détermination de l’existence d’un motif raisonnable repose avant tout sur une appréciation des faits propres à chaque affaire, et ce, dans leur globalité. Ainsi, la présence de similitudes avec une autre affaire ne mènera pas nécessairement à des conclusions identiques.
- Loiselle et Coffrage de la Capitale Itée, 2017 QCTAT 3340.
Le motif raisonnable est un critère vaste dont l’interprétation pourra varier dans le temps tout comme celle de la notion du bon père de famille, de l’homme prudent et diligent.
L'impossibilité d'agir
La démonstration d’un motif raisonnable n’exige pas la preuve d’une impossibilité d’agir.
En effet, l’impossibilité d’agir réfère à des contraintes extérieures empêchant une personne d’agir, ce qui évoque un critère plus exigeant que la démonstration d’un motif raisonnable
- S.B. et Compagnie A, 2016 QCTAT 5783.
La notion de «motifs raisonnables» n’exige pas une démonstration d’incapacité à agir, mais uniquement un motif raisonnable qui est distinct de la négligence.
- Centres d’hébergement du CSSS du Suroît (Centre Docteur-Aimé-Leduc) et Giguère, 2016 QCTAT 7063.
La partie qui fait défaut de respecter un délai ne doit pas démontrer qu’elle était dans l’impossibilité d’agir, mais plutôt qu’elle a un motif raisonnable de ne pas l’avoir fait.
Diligence de la partie
Il appartient d’abord et avant tout à la partie de veiller à la sauvegarde de ses intérêts, de demeurer alerte et de réagir selon le critère de l’homme normalement prudent et diligent, eu égard aux circonstances. Lorsqu’une personne fait preuve de négligence, de désintéressement ou d’insouciance dans le traitement de son dossier, on ne peut conclure à l’existence d’un motif raisonnable.
- Turcot et Pavillon Pierre-Péladeau inc., 2016 QCTAT 3668.
Pour être relevé de son défaut, le travailleur doit démontrer qu’il a adopté un comportement empreint de vigilance comme l’aurait fait une personne raisonnablement prudente. La diligence repose essentiellement sur les actions et intentions d’un travailleur de s’assurer du bon exercice de ses droits.
- Osses et Hotellus Canada Holdings inc., 2016 QCTAT 6079.
Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la travailleuse. Celle-ci doit démontrer non seulement un motif raisonnable expliquant le délai observé, mais également qu’elle a fait preuve de diligence à chacune des étapes de son dossier.
- Alas Penas et Garderie Olamsheli inc., 2017 QCTAT 290.
Le Tribunal doit apprécier le comportement de la travailleuse en fonction du comportement d’une personne prudente et diligente, mais aussi en tenant compte des caractéristiques particulières d'une personne. Il ne saurait être question de la simple négligence.
- Tremblay et Joints Ruby, 2017 QCTAT 2491.
La partie qui désire être relevée de son défaut doit démontrer qu’elle a fait preuve de diligence, par opposition à une négligence qui lui serait imputable. Le TAT ne saurait sanctionner la négligence d’une partie.
- Danstok Intl c. Tribunal administratif du travail, 2018 QCCS 1780.
La Cour supérieure croit qu’il est erroné en droit de ne considérer que le comportement de l’employeur entre l’expiration du délai et le dépôt de la demande de révision. La période avant la date butoir doit être considérée. La conclusion de diligence doit être examinée en fonction des faits. Le TAT doit appliquer à ceux-ci une norme flexible, adaptée à la nature du délai, aux objectifs poursuivis par la Loi et des circonstances de l’affaire. La Cour supérieure ajoute par ailleurs que la justice ne peut avoir des conclusions différentes, à l’égard de dispositions similaires d’une même loi selon que la partie est le travailleur ou l’employeur.
La notion de préjudice grave
Avant de prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de l’avoir respecté, le Tribunal doit d’abord s’assurer que les autres parties n’en subissent aucun préjudice grave.
Peu de décisions du Tribunal réfèrent à cette notion. Selon la jurisprudence, il s’agit d’une situation où, en raison de l’écoulement du temps (ou, en d’autres mots, en raison du non-respect du délai), une partie ne peut plus constituer sa preuve ou se défendre.
Le critère de préjudice grave est examiné par le Tribunal une fois que la partie en défaut a démontré un motif raisonnable. Dès lors, cet exercice est inutile lorsque le Tribunal juge qu’il y a absence d’un tel motif.
- CPE Bobino Bobinette et Content, 2016 QCTAT 4715.
Pour déclarer recevable la requête en révision ou en révocation de la travailleuse, et ainsi prolonger le délai prévu par la loi pour son dépôt, le Tribunal doit, comme l’énonce l’article 15 de la LITAT, conclure non seulement à la démonstration d’un motif raisonnable, mais également à l’absence de préjudice grave.
- Hôpital de Matane et Centre de santé et de services sociaux de la Côte-de-Gaspé, 2016 QCTAT 5978.
L’article 15 de la LITAT énonce qu’une partie ne pourra recourir à la notion de motif raisonnable si l’autre partie subit un préjudice grave. Cette notion de préjudice grave réfère à des situations où à cause du délai, une partie ne peut plus constituer sa preuve ou se défendre adéquatement.
- Osses et Hotellus Canada Holdings inc., 2016 QCTAT 6079.
La notion de préjudice grave dont il est question à l’article 15 de la LITAT ne peut être le risque de perdre le bénéfice d’une décision favorable, puisque toute prolongation de délai entraîne une telle conséquence. Ce préjudice réfère plutôt à des situations où, à cause du délai écoulé, une partie de ne peut plus constituer sa preuve ou se défendre. Par exemple, il pourrait s’agir de la disparition de témoins essentiels ou des litiges fondés sur des preuves qui ne sont plus disponibles à cause de l’écoulement du temps.
- Nazarian et Hôpital général juif Sir Mortimer B. Davis, 2018 QCTAT 5430.
Le préjudice grave dont il est fait mention à cet article réfère aux situations où, en raison du délai, une partie ne peut plus constituer sa preuve ou se défendre adéquatement, par exemple la disparition de témoins essentiels ou des litiges fondés sur des preuves qui ne sont plus disponibles en raison des délais observés.