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. 145. La réadaptation

Ouverture du droit à la réadaptation

La jurisprudence établit que le droit à la réadaptation s’ouvre à la date où il devient médicalement possible de prévoir qu’une atteinte permanente résultera de la lésion professionnelle.

Langelier et Les Entreprises André et Ronald Guérin ltée,C.L.P. 126249-01B-9910, 15 mars 2001, L. Desbois.

Le point de départ du droit à la réadaptation physique, sociale ou professionnelle d'un travailleur s'ouvre à la date où il est médicalement possible de préciser l'atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle, et ce, indépendamment de la consolidation de la lésion.

 

Constructions Louisbourg Ltée et Lépine, C.L.P. 250252-71-0412, 19 septembre 2006, L. Couture.

À partir du moment où le médecin traitant a produit un rapport final dans lequel il prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, le droit du travailleur à la réadaptation est acquis et la CSST pouvait, dans le but de faciliter sa réinsertion au travail, convenir de le diriger dans un programme de développement des capacités de travail. Elle n'avait pas à attendre l'issue de la contestation de l'employeur sur l'admissibilité de la réclamation pour amorcer le processus de réadaptation. Le droit à la réadaptation prévu à l’article 145 n’est assorti d’aucune exigence quant à la détermination d’un pourcentage d’atteinte permanente. Il suffit qu’il existe une telle atteinte permanente pour que ce droit naisse. 

 

Labelle et Labelle, [2008] C.L.P. 874.

Il est reconnu que le droit à la réadaptation sociale est subordonné au droit à la réadaptation prévu à l'article 145, lequel est conditionnel à l'existence d'une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique. Ce droit à la réadaptation sociale naît à partir du moment où il devient médicalement possible de prévoir qu’une atteinte permanente résultera de la lésion professionnelle. Cette interprétation répond à l’objet de la loi dont il est question à l’article 1 et qui vise la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. 

 

Groupe Cascades inc. et Désormeaux, C.L.P.  360196-64-0810, 22 décembre 2009, M. Carignan.

À partir du moment où le travailleur a droit à la réadaptation en vertu de l'article 145, il a le droit de bénéficier des mesures de réadaptation professionnelle s'il remplit les conditions énumérées à ces articles. Il n'est pas prévu que la lésion doit être consolidée pour donner ouverture à la réadaptation professionnelle. Si, médicalement, il est prévisible que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles qui le rendent incapable d'exercer son emploi, il peut bénéficier des mesures de réadaptation professionnelle à condition que son état le permette. Par ailleurs, il est souhaitable qu'un travailleur puisse bénéficier le plus rapidement possible de mesures de réadaptation si cela peut l'aider à sa réadaptation sociale et professionnelle.

 

Suivi :

Révision rejetée, 8 octobre 2010, M. Langlois.

Pagé  et Fromagerie de Corneville,C.L.P. 390803-62B-0910, 6 avril 2010, M. Watkins.

Il faut comprendre du libellé de l'article 145 que le droit à la réadaptation est lié strictement au fait que le travailleur a subi, en raison de sa lésion professionnelle, une atteinte permanente et pas seulement à l'obtention d'un rapport médical quantifiant cette atteinte permanente. Le droit à la réadaptation s'ouvre dès qu'il devient manifeste que le travailleur conservera de sa lésion une atteinte permanente. Par ailleurs, bien qu’il soit utile à des fins administratives de connaître précisément la nature d’une atteinte permanente résultant d’une lésion chez un travailleur et qu’en pratique, une telle évaluation soit faite après la consolidation de la lésion, rien n’empêche la CSST, avant même qu’une lésion ne soit consolidée, de mettre en place des mesures de réadaptation qui serviront ultimement, en cours d’évolution de la lésion, à accomplir l’objet même de la loi, soit de pallier les conséquences de la lésion professionnelle. 

 

Voir également :

Gagné et Provigo Distribution inc., [2000] C.L.P. 456.

Guénette et Alpine Entrepreneur général inc., C.L.P. 153844-61-0101, 30 avril 2001, S. Di Pasquale.

Molloy et Compagnie Krispy K Canada, C.L.P. 330744-63-0710, 4 août 2009, L. Morissette.

Reitmans Canada ltée et Gomez Martinez, 2012 QCCLP 7417.

Atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique

Afin de bénéficier du droit à la réadaptation, le travailleur doit avoir subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique à la suite d'une lésion professionnelle.

Chiasson et Société minière du Canada, [1987] C.A.L.P. 671.

Le travailleur qui a subi une atteinte permanente à la suite de son accident du travail a droit à la réadaptation que requiert son état.

 

Nova P.B. inc. c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, [1993] C.A.L.P. 327 (C.S.).

Pour bénéficier du droit à la réadaptation, le travailleur doit subir une atteinte permanente. En l’absence de cet élément essentiel, le droit s’avère inexistant et ne peut revivre par l’interprétation d’autres dispositions qui n’ont pas la même portée que celle de l’article 145. L’esprit de la loi exprimé à l’article 1 se manifeste quant au droit à la réadaptation.

 

Langelier et Les Entreprises André et Ronald Guérin ltée, C.L.P. 126249-01B-9910, 15 mars 2001, L. Desbois.

Seul le travailleur accidenté qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique est admissible à des mesures de réadaptation en vertu des articles 145 et suivants.

 

Marenger et Uniboard Canada (Division Mont-Laurier), C.L.P. 245371-64-0410, 21 avril 2006, J.-F. Martel.

Selon l'article 145, il faut avoir subi une atteinte permanente pour avoir droit à la réadaptation, dont la mesure de réadaptation sociale que constitue l'aide personnelle à domicile.

 

Pagé et Fromagerie de Corneville, C.L.P. 390803-62B-0910, 6 avril 2010, M. Watkins.

Il faut comprendre du libellé de l'article 145 que le droit à la réadaptation est lié strictement au fait que le travailleur a subi, en raison de sa lésion professionnelle, une atteinte permanente et pas seulement à l'obtention d'un rapport médical quantifiant cette atteinte permanente. Ainsi, le droit à la réadaptation s'ouvre dès qu'il devient manifeste que le travailleur conservera de sa lésion une atteinte permanente.

 

De même, la jurisprudence établit qu’une lésion professionnelle entraînant des limitations fonctionnelles, mais une atteinte permanente fixée à 0 % ou encore une atteinte permanente non quantifiable selon le Règlement sur le barème des dommages corporels permet l’ouverture du droit à la réadaptation.

Jolin-Gagnon et Hôpital Marie-Claret, [1989] C.A.L.P. 319.

Le Tribunal est d'avis que les limitations fonctionnelles permanentes de la travailleuse, qui font suite à sa lésion professionnelle et qui l'empêchent de reprendre son travail normal, impliquent nécessairement la présence de séquelles, d'une atteinte permanente à l'intégrité physique.

Le fait qu'une atteinte permanente ne se traduise par aucun pourcentage de DAP selon le Règlement sur le barème des dommages corporels n'est pas un obstacle à ce que le travailleur ait droit à la réadaptation que requiert son état. Le droit à la réadaptation et le droit à l'indemnité pour dommages corporels sont deux droits distincts.

 

Tessier et Scobus (1992) inc.,[1995] C.A.L.P. 1487.

Même si la travailleuse ne s'est pas vu attribuer un DAP quantifiable en vertu du Règlement sur le barème des dommages corporels, elle peut néanmoins bénéficier des dispositions de l'article 145 puisqu'elle présente des limitations fonctionnelles permanentes l'empêchant de reprendre son emploi prélésionnel.

 

Mackeen et Aliments Edelweiss inc. (Les), C.L.P. 213161-61-0307, 19 avril 2004, S. Di Pasquale.

Même en l'absence d'une atteinte permanente quantifiable en vertu du Règlement sur le barème des dommages corporels, un travailleur peut bénéficier des dispositions de la réadaptation s'il présente des limitations fonctionnelles permanentes l'empêchant de reprendre son emploi, la présence ou l'absence de limitations étant un élément objectif pertinent pour déterminer si l'état du travailleur requiert des mesures de réadaptation en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. Cette notion de limitation fonctionnelle est entièrement liée à la notion de capacité à exercer son emploi et doit être considérée pour évaluer les besoins d'un travailleur en réadaptation. 

 

Roland Boulanger inc. et Chassé,C.L.P. 300183-04B-0610, 7 novembre 2008, M. Watkins.

La seule présence d'une atteinte permanente ne permet pas d'inférer que le travailleur ne peut reprendre son emploi prélésionnel. De même, une atteinte permanente évaluée à 0 % ne signifie pas que le travailleur soit capable de le faire si, par ailleurs, il conserve des limitations fonctionnelles de sa lésion.

 

Tremblay et Therapex, division d’E-Z-EM Canada inc., 2012 QCCLP 1883.

Même si aucune atteinte permanente quantifiable en vertu du Règlement sur le barème des dommages corporels n’a été reconnue à la travailleuse, elle conserve une limitation fonctionnelle et pour pallier cette limitation fonctionnelle, elle a droit à des mesures de réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion professionnelle. Le tribunal a reconnu à plusieurs reprises que la présence de limitations fonctionnelles donnait ouverture au droit à la réadaptation.

 

Le Champêtre et Huard, 2012 QCCLP 6343.

Selon la jurisprudence, un travailleur qui conserve une atteinte permanente non quantifiable peut bénéficier des mesures de réadaptation s’il conserve des limitations fonctionnelles.

 

Que requiert son état

Le droit à la réadaptation est conditionnel aux besoins du travailleur considérant qu’il a droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

Air Canada et Dratva, [1995] C.A.L.P. 1780.

L'article 145 assure au travailleur la réadaptation que « requiert son état » en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. L'admissibilité initiale en réadaptation ne constitue pas une décision donnant ouverture à tout l'éventail de mesures prévues à la loi.

 

Suivi :

Révision rejetée, C.A.L.P. 58392-60-9404,15 décembre 1995, P. Capriolo.

Fleury et Boulangerie Gadoua ltée, [2008] C.L.P. 696.

L’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur victime d’une lésion professionnelle ouvre le droit à la réadaptation. L’étendue de ce droit est en fonction de ce qui est requis en vue de la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur.

 

Lebrasseur et Chemins de fer nationaux du Canada, 2012 QCCLP 2615.

Le travailleur qui conserve une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique à la suite d’une lésion professionnelle a droit à la réadaptation. Ce droit n’est toutefois pas absolu, il est conditionnel aux besoins du travailleur, le législateur faisant spécifiquement référence à la réadaptation « que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle ».

 

Inexistence du lien d'emploi

Selon la jurisprudence, ni la rupture du lien d’emploi ni la retraite ou l' admissibilité du travailleur à une rente d’invalidité de la RRQ ne peuvent le priver du droit à la réadaptation dans la mesure où il remplit les deux conditions de l’article 145.

Bombardier Inc. et Côté,C.A.L.P. 35904-60-9201, 17 novembre 1993, Marie Lamarre.

Le travailleur a droit à la réadaptation même s'il a rompu son lien d'emploi avec son employeur. Aucune des dispositions de la LATMP relatives au droit à l'IRR ou à la réadaptation n'assujettit le droit à ces bénéfices au maintien du lien d'emploi. De plus, le statut du travailleur est considéré au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.

 

Boisvert et Ville de Montréal,C.L.P. 243242-04B-0409, 28 février 2005, D. Lajoie.

Ni la retraite du travailleur ni son déménagement ou encore son admissibilité à une rente d’invalidité de la RRQ ne peuvent le priver de son droit à la réadaptation.

 

Ouellet et Michael Rossy ltée, C.L.P. 329021-61-0710, 11 juillet 2008, L. Nadeau.

Même si la travailleuse a été déclarée invalide par la RRQ, cette décision ne lie pas les instances chargées de décider de sa capacité à exercer l'emploi convenable identifié par la CSST. Le régime des rentes est en fonction d'une loi qui diffère de la LATMP et les décisions de la RRQ ne peuvent servir de précédent, ni même de guide, en ce qui concerne l'application de la loi qui régit la santé et la sécurité du travail.

 

Emballages Smurfit-Stone Canada inc. et Lavoie,C.L.P. 319435-01A-0706, 20 février 2009, N. Michaud.

Le Tribunal a reconnu à plusieurs reprises que la retraite n'est pas un élément qui affecte le droit du travailleur à la réadaptation, puisqu'aucune disposition de la loi relative à ce droit n'assujettit ce bénéfice au maintien du lien d'emploi.

 

Voir également :

Bordeleau et Emballage Smurfit-Stone Canada, C.L.P. 375364-04-0904, 22 janvier 2010, D. Therrien.

Société canadienne des postes et Brouillet, 2012 QCCLP 337. 

Droit à la réadaptation et assujettissement à la LATMP

Le travailleur qui veut bénéficier de mesures de réadaptation, alors qu’il a subi une lésion professionnelle sous la LAT, doit avoir subi une RRA en vertu de la LATMP, ayant elle-même entraîné une atteinte permanente.

Maurice et Ministère des Loisirs, Chasse et Pêche, [1995] C.A.L.P. 1014.

Une rechute survenue après l'entrée en vigueur de la LATMP ne donne pas droit à la réadaptation si l'atteinte permanente ou les limitations fonctionnelles résultent d'un accident du travail survenu sous le régime de la LAT. En effet, il n'est pas suffisant que l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles existent à la suite d'une rechute; elles doivent être le résultat de cette rechute. En l'espèce, le travailleur, après sa rechute de 1988, est demeuré porteur de la même atteinte permanente et des mêmes limitations fonctionnelles que celles qui avaient été identifiées sous la LAT et, par conséquent, il n'est pas admissible en réadaptation.

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Lalonde, [1995] C.A.L.P. 1325 (C.A.).

Pour avoir droit à la réadaptation, le travailleur doit démontrer l'existence d'une atteinte permanente résultant de la RRA dont il fut victime après le 19 août 1985. À défaut de cette démonstration, le travailleur ne peut prétendre être incapable de retourner à son emploi à cause de cette RRA.

 

Villeneuve et Excavation GV Démolition ltée, C.L.P. 243606-02-0409, 22 décembre 2004, L. Langlois. 

L'atteinte permanente grave et l'incapacité physique du travailleur à effectuer les travaux d'entretien courant du domicile doivent découler de RRA survenues depuis le 19 août 1985 pour qu'un travailleur puisse bénéficier de l'application de la LATMP. Or, l'incapacité du travailleur à effectuer les travaux dont il souhaite le remboursement et l'atteinte permanente grave dont il est affecté découlent de la lésion professionnelle survenue sous la LAT et non des lésions subséquentes survenues sous la LATMP. Par conséquent, la demande du travailleur est irrecevable. Elle doit être produite conformément aux dispositions de la LAT.

 

Fleury  et Boulangerie Gadoua ltée, [2008] C.L.P. 696.

Le travailleur a été victime d’un accident du travail sous l’empire de la LAT et ultérieurement, d’une RRA en vertu de la LATMP dont il conserve une atteinte permanente. Il est donc assujetti à la loi et peut revendiquer les droits qui y sont prévus, dont la réadaptation.

 

Latulipe, 2015 QCCLP 319.

Même si la lésion professionnelle initiale du travailleur est survenue sous la LAT, le travailleur a droit à la réadaptation conformément aux dispositions de la loi, tel que le veut l’article 555.

 

Réadaptation et assistance médicale

La jurisprudence établit qu’il y a lieu de se référer aux dispositions concernant la réadaptation pour déterminer si la demande de remboursement pour les soins, traitements et aides techniques qui ne sont pas prévus à l’article 189 ou au Règlement sur l’assistance médicale peut être accordée.

Certaines décisions énoncent que le chapitre de la réadaptation et celui de l’assistance médicale sont complémentaires.

Voir :

Article 189

Du Tremble et Toitures Protech, C.L.P. 239633-64-0407, 20 juin 2005, R. Daniel.

En vertu de l'article 145, le législateur a prévu que le travailleur qui, en raison de sa lésion professionnelle subit une atteinte permanente, a droit, selon les conditions prévues, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. Dans certains cas, des mesures non prévues dans le cadre de l'assistance médicale ont été reconnues comme faisant partie des mesures de réadaptation physique prévues aux articles 148 et 149.

 

Fleury et Boulangerie Gadoua ltée, [2008] C.L.P. 696.

Concernant le remboursement d’une aide technique comme un lit électrique, les dispositions du chapitre de l’assistance médicale et celles contenues au chapitre de la réadaptation ne s’opposent pas, mais sont plutôt complémentaires. L’article 189 et le champ d’application du Règlement sur l'assistance médicale couvrent les aides techniques associées à la période de consolidation d’une lésion professionnelle ou des besoins qui sont essentiellement de durée temporaire, alors que le chapitre de la réadaptation couvre les besoins permanents qui découlent de la lésion professionnelle.

 

Longtin et Les Plastiques Reach ltée, C.L.P. 389701-62A-0909, 22 novembre 2010, E. Malo.

Les dispositions contenues au chapitre de l’assistance médicale et les dispositions contenues au chapitre de la réadaptation ne s’opposent pas et sont plutôt complémentaires. Par conséquent, la demande de remboursement de frais associés à l’usage d’un lit orthopédique devrait être traitée selon l’un ou l’autre des chapitres de la loi, selon que le besoin est temporaire ou permanent.

 

Cyr  et Vigneau, 2012 QCCLP 5796.

Les mesures prévues dans le cadre de la réadaptation sont complémentaires à celles prévues dans le cadre de l’assistance médicale et visent les cas où un travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique et a besoin d’une aide technique permanente par opposition à une aide temporaire dans le cadre du traitement ou de l’évolution d’une lésion jusqu’à sa consolidation.

 

Voir également :

Laberge et Musée national des Beaux Arts du Qc., C.L.P. 378770-31-0905, 6 octobre 2009, P. Champagne.

Duval  et Blais & Langlois inc., 2011 QCCLP 696.

Patoine et Cegelec Entreprises 1991 limitée (F), 2012 QCCLP 4250.

Obligation d'accommodement de l'employeur

Récemment, la Cour suprême du Canada dans l'affaire Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail  c. Caron a confirmé un jugement de la Cour d'appel et a établi que l'obligation de l'employeur de prendre des mesures d’accommodements raisonnables s'applique au travailleur victime d'une lésion professionnelle. Le Tribunal doit, lorsque saisi d'une contestation portant sur la détermination d'un emploi convenable chez l'employeur, décider si le travailleur a été victime de discrimination fondée sur son handicap et si l'employeur, dans la recherche d'un emploi convenable, a tenté d'accommoder ce travailleur. Il s'agit alors d'interpréter la LATMP conformément à la Charte des droits et libertés de la personne.

La Cour suprême renverse ainsi la jurisprudence constante du Tribunal qui établissait que les dispositions énoncées au chapitre de la réadaptation prévoient un processus complet pour pallier les conséquences résultant d'une lésion professionnelle.

Opinion majoritaire

La LATMP doit être interprétée et appliquée en conformité avec l’obligation d’accommodement raisonnable imposée à l’employeur par la Charte des droits et libertés de la personne, sous réserve d’une contrainte excessive. L’obligation de prendre des mesures d’accommodements raisonnables en faveur d’un travailleur invalide est un précepte fondamental en droit du travail québécois. La CNESST et le Tribunal possèdent le pouvoir de réparation exclusif d’imposer à l’employeur des mesures d’accommodements raisonnablement possibles à l’égard de la lésion subie par un travailleur invalide. Ainsi, la conclusion du Tribunal selon laquelle le régime établi par la LATMP n’impose pas d’obligation d’accommodements aux employeurs est déraisonnable. Pour ce qui est de l’article 240 LATMP, il appartiendra au Tribunal de déterminer si le délai prévu à cet article doit s’appliquer au travailleur. La Cour renvoie ainsi l’affaire au Tribunal afin qu’il détermine les droits du travailleur au vu de la nouvelle directive de la Cour.

Opinion concordante

Les droits garantis par la Charte au travailleur existent en sus des droits conférés par la LATMP. L’obligation d’accommodement n’oblige pas l’employeur à créer de toutes pièces un nouveau poste pour un travailleur handicapé. Lorsque l’employeur examine les postes disponibles, il doit se demander s’il a un emploi convenable au sens de la LATMP, ce que lui imposent les obligations de la Charte sur le plan de la souplesse dans l’application des normes d’emploi. Si ce qui empêche un emploi d’être convenable tient à un accommodement raisonnable, la Charte oblige l’employeur à prendre les mesures qui s’imposent pour accommoder le travailleur, sans toutefois qu’il en résulte une contrainte excessive pour l’employeur. Le Tribunal (et non pas la CNESST) a compétence pour accorder des réparations fondées sur la Charte, soit ordonner à l’employeur d’accommoder le travailleur au moment de la détermination d’un emploi convenable. Le dossier est retourné au Tribunal afin qu’il décide si l’obligation d’accommodement a été respectée et, le cas échéant, si le délai de prescription fait obstacle à toute réparation dans les circonstances.

Commission de la  santé et sécurité du travail c. Caron,2015 QCCA 1048.

La Cour d’appel a confirmé la décision de la Cour supérieure et retourne le dossier à la CLP afin qu’elle décide si l’employeur avait un emploi convenable disponible pour le travailleur, en tenant compte de son obligation d’accommodement à son égard. L’obligation d’accommodement constitue une norme prééminente qui transcende la loi, le contrat de travail et la convention collective. Cette obligation incombe d’abord à l’employeur qui doit prendre l’initiative de la recherche d’une solution acceptable pour tous. La loi n’impose aucune obligation à l’employeur de mettre un emploi convenable à la disposition d’un travailleur handicapé à la suite d’une lésion professionnelle, mais rien n’empêche qu’il puisse être contraint de tenter de trouver une mesure d’accommodement raisonnable ayant pour limite la contrainte excessive. Il ne s’agit pas, selon la Cour, de créer un régime d’indemnisation parallèle, mais d’intégrer les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne à la loi. 

Quant au délai de deux ans prévu à l’article 240 de la loi à l’intérieur duquel peut être identifiée une mesure de réadaptation permettant à un travailleur d’exercer un emploi convenable disponible chez son employeur, la Cour décide qu’il ne constitue qu’un facteur à considérer dans l’examen individualisé que doit faire la CLP en application de la Charte, sans qu’il ne soit nécessaire de transmettre un avis au Procureur général pour ce faire.

Dans les circonstances, la CLP devait examiner la situation globale du travailleur et décider si le travailleur a été victime de discrimination fondée sur un handicap et si l’employeur, dans la recherche d’un emploi convenable, a tenté d’accommoder le travailleur.

 

Caron c. Commission des lésions professionnelles,2014 QCCS 2580.

La CLP a confondu la conformité à la Charte des droits et libertés de la personne du régime législatif créé par la LATMP avec la conformité à la Charte de l'affirmation de l'employeur qu'il n'a pas d'emploi convenable à offrir au travailleur. Ce dernier a le droit de contester cette affirmation en vertu de la Charte et, dans ce cas, la CLP a le devoir de trancher cette contestation. Si cette carence d'emploi convenable résulte d'une atteinte illicite à un droit protégé par la Charte, en l'occurrence si le travailleur est victime de discrimination illicite en raison de son handicap résultant de sa lésion professionnelle, la CLP a alors le devoir d'exercer les vastes pouvoirs de réparation qui lui confèrent les articles 49 et 52 de la Charte. Or, comme la CLP a omis de trancher cette question fondamentale préalable, la requête en révision judiciaire est accueillie et le dossier lui est retourné afin qu'elle en dispose.

 

Cheng et Aliments McCain (division Wong Wing), 2015 QCCLP 4823.

Lorsqu'un travailleur conserve des limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle, la CSST et la CLP doivent procéder à un examen individualisé de sa situation en tenant compte de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne. La Charte étant d'ordre public, le tribunal doit s'assurer que l'obligation d'accommodement est respectée.

 

St-Pierre et Fortress Specialty Cellulose inc., 2015 QCCLP 4954.

Les principes de l'arrêt Caron s'appliquent au droit de retour au travail progressif. Ainsi, un employeur ne peut s'abriter derrière son pouvoir discrétionnaire d'assigner temporairement ou non un travailleur afin de se soustraire aux obligations découlant de la Charte. Le caractère supralégislatif de la Charte des droits et libertés de la personne impose à l'employeur d'être soumis à cette obligation d'accommodement et la possibilité pour la CSST de vérifier si cet exercice a été réalisé.

 

Suivi :

Requête en révision rejetée, 2019 QCTAT 281.

Tremblay et Bell Solutions Techniques inc., 2016 QCTAT 1614.

Selon les enseignements de l’arrêt Caron, le travailleur disposait du droit à ce que son employeur tente de l’accommoder afin de lui permettre de réintégrer un travail au sein de l’entreprise, et ce, même si la CSST a rendu sa décision portant sur l’emploi convenable avant cet arrêt. En l’espèce, le travailleur présente un handicap au sens de la Charte des droits et libertés de la personne. Tout au long de la période d’assignation temporaire, l’employeur a laissé entendre qu’il pourrait offrir cet emploi au travailleur, mais désire attendre de connaître les limitations fonctionnelles permanentes avant de se prononcer officiellement. Or, à la suite de la décision de la CSST acceptant un partage du coût des prestations en raison d’un handicap préexistant (l’employeur ne doit assumer que 10 % du coût des prestations), l’employeur avise le travailleur et la CSST ne plus avoir d’emploi disponible. L’employeur étant absent à l’audience, la preuve ne révèle pas quels sont les efforts consentis par ce dernier pour accommoder le travailleur en tenant compte de son handicap. Selon le dossier, il n’y a pas eu d’évaluation par l’employeur en collaboration avec le travailleur et son syndicat concernant l’obligation d’accommodement qui lui est imposée. Il y a lieu de retourner le dossier à la CNESST afin que cette démarche soit entreprise, le tribunal ne disposant pas d’une preuve suffisante pour se prononcer. La détermination de l’emploi convenable ailleurs sur le marché du travail est prématurée et le travailleur a droit à la reprise du versement de ses prestations.

 

Suivi :

Requête en sursis de décision accueillie, 2016 QCCS 2211.

Labrecque et Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, 2017 QCTAT 3087.

La demande du travailleur voulant que le processus de réadaptation professionnelle soit repris en tenant compte du droit à l'égalité, est un moyen de mettre en oeuvre un droit prévu à la Charte des droits et libertés de la personne. Les prétentions du travailleur font appel aux articles 10, 16 et 20 de la Charte, soit le droit à l'égalité en emploi, malgré un "handicap" et une obligation pour l'employeur de tenter de l'accommoder bien qu'il ne soit pas en mesure de reprendre l'emploi qu'il occupait avant sa lésion. Ces dispositions se trouvent au chapitre du "Droit à l'égalité dans la reconnaissance et l'exercice des droits et libertés". Or, le deuxième alinéa de l'article 76 C.p.c. (anciennement l'article 95) requiert d'aviser la procureure générale lorsqu'une partie "[...] demande, à l'encontre de l'État, de l'un de ses organismes ou d'une personne morale de droit public, une réparation fondée sur la violation de ses droits et libertés fondamentaux" prévus par la Charte. Le Tribunal conclut qu'il n'est donc pas requis d'aviser la procureure générale pour que le travailleur puisse demander que le processus de réadaptation professionnelle soit repris en considérant son droit à l'égalité en emploi. Quant au fond, le Tribunal conclut que suivant l'appréciation globale de la situation du travailleur, le comportement de l'employeur ne résulte pas d'une atteinte illicite à un droit protégé par la Charte et qu'il a respecté son obligation d'accommodement.

 

Voir également :

Ezzerki et Entreprise Extermination Maheu Ltée, 2016 QCTAT 1627.

Suivi :

Révision rejetée, 2018 QCTAT 1545.