Travailleur handicapé
Selon une jurisprudence qui fait consensus, un travailleur déjà handicapé au sens de l'article 329 est celui qui présente une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production ou les conséquences de la lésion professionnelle. Cette déficience peut être congénitale ou acquise. La déficience peut ou non se traduire par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement. La déficience peut aussi exister à l'état latent, sans qu'elle ne se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle.
- Municipalité Petite-Rivière-St-François et C.S.S.T. - Québec,[1999] C.L.P. 779.
Un travailleur déjà handicapé au sens de l'article 329 est celui qui présente une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion. Cette déficience peut être congénitale ou acquise. La déficience peut ou non se traduire par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement. La déficience peut aussi exister à l'état latent, sans qu'elle ne se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle.
- Corporation Steris Canada,C.L.P. 365603-31-0812, 7 octobre 2009, M. Gagnon Grégoire.
Ainsi, le « travailleur déjà handicapé » au sens de l’article 329 de la loi est celui qui présente une déficience physique ou psychique prélésionnelle qui entraîne des effets sur la production ou sur les conséquences de la lésion professionnelle. Se référant à la Classification internationale des handicaps élaborée par l’Organisation mondiale de la santé (Paris, CNTERHI-Inserm, 1988), la Commission des lésions professionnelles a retenu qu’une déficience constitue une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme biomédicale. Cette déficience peut être congénitale ou acquise et elle peut ou non se traduire par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement. La déficience peut exister à l’état latent, sans qu’elle ne se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle. Une fois la déficience démontrée, l'employeur doit prouver le lien existant entre cette déficience et la lésion professionnelle. La déficience peut avoir influencé l'apparition ou la production de la lésion professionnelle ou avoir agi sur les conséquences de cette lésion en prolongeant, par exemple, la période de consolidation.
- Wal-Mart Canada,2011 QCCLP 3795.
Pour conclure qu’un travailleur était déjà handicapé, la preuve doit, dans un premier temps, mettre en évidence une déficience, soit une perte de substance ou une altération d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Dans un second temps, la preuve doit démontrer en quoi cette perte de substance ou cette altération représente une déviation par rapport à la norme biomédicale. Une fois cette étape complétée, la preuve doit démontrer une relation entre la déficience et la survenance de la lésion professionnelle et/ou ses conséquences. La démarche est illustrée par un tableau.
- Alcoa-Aluminerie Deschambault S.E.C., 2017 QCTAT 4434.
Selon la jurisprudence qui fait consensus, le travailleur « déjà handicapé » au sens de l’article 329 est celui qui présente une déficience physique ou psychique qui entraîne des effets sur la production ou sur les conséquences de sa lésion professionnelle. La déficience se définit par une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique qui correspond à une déviation par rapport à la norme biomédicale. Cette déficience peut :
- être congénitale ou acquise;
- se traduire ou non par une limitation des capacités du travailleur de fonctionner normalement;
- exister à l'état latent, sans qu'elle ne se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle.
Lorsque la déficience est démontrée, l’employeur devra établir qu’elle a entraîné un effet sur la production ou sur ses conséquences de la lésion professionnelle. Certains paramètres, identifiés par la jurisprudence, facilitent l’analyse des effets allégués :
- la nature et la gravité du fait accidentel;
- le diagnostic initial de la lésion professionnelle;
- l’évolution du diagnostic et de la condition du travailleur;
- la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle;
- la durée de la période de consolidation étant donné le diagnostic et la nature de la lésion professionnelle;
- la gravité des conséquences de la lésion professionnelle;
- l’âge du travailleur;
- les différentes opinions médicales pertinentes au dossier.
Voir également :
Les Créations Morin inc., C.L.P. 388032-04B-0909, 8 décembre 2010, D. Lajoie.
Parkway Pontiac Buick inc., 2011 QCCLP 2213.
Suivi :
Révision rejetée, 2011 QCCLP 6431.
Déficience
Terminologie
La condition personnelle, la déficience et le handicap ne sont pas des synonymes. Il faut distinguer ces notions. Selon la jurisprudence, la condition personnelle qui dévie de la norme biomédicale constitue une déficience. Si cette déficience a un impact sur la survenance ou les conséquences de la lésion professionnelle, il s’agira d’un handicap. La simple allégation d’une condition personnelle ne permet donc pas de conclure à la présence d’un handicap.
- Sodexho Canada inc., C.L.P. 149700-32-0011, 9 mai 2001, C. Racine.
Une déficience est une altération d’une structure « constituant une déviation par rapport à une norme biomédicale ». Cette définition écarte des déficiences les conditions personnelles retrouvées normalement chez les individus pour ne retenir que celles qui constituent des anomalies. Par ailleurs, la jurisprudence évalue le caractère normal ou anormal de la condition identifiée en la comparant à ce que l’on retrouve habituellement chez des personnes de l’âge de la travailleuse au moment de l’événement.
- Les Entreprises J. P. Larochelle inc. c. Commission des lésions professionnelles, 2010 QCCS 6157.
La Cour supérieure souligne qu'il existe une distinction entre une condition personnelle préexistante et un handicap. Ainsi, dans le cadre d'une demande basée sur l'article 329, il appartient à la CLP d'apprécier globalement le dossier et de décider non pas si le travailleur était porteur d'une condition personnelle préexistante, mais s'il était atteint d'un handicap antérieur à la lésion qui aurait eu une influence sur la survenance de la lésion professionnelle et/ou sur ses conséquences.
- Autobus Granby inc.,2012 QCCLP 6334 (décision sur requête en révision).
Le tribunal rappelle qu'il ne faut pas confondre les termes « déficience » et « handicap ». En effet, selon la jurisprudence, la « déficience » (notion essentiellement médicale) constitue un « handicap » au sens de l'article 329 (notion essentiellement juridique) seulement si elle « a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle et/ou sur ses conséquences ».
- Division Acoustique Deluxe inc., 2013 QCCLP 1931.
La seule mention de la présence de « conditions personnelles préexistantes » n’est pas suffisante pour donner ouverture au partage de coûts en vertu de l’article 329.
- GDI Services (Québec) S.E.C., 2017 QCTAT 4788.
La condition dégénérative, peu importe son degré ou son importance, se manifeste en dents de scie et de manière plus ou moins intense. Conclure de façon automatique à une déficience sans examiner l’importance des altérations à la structure anatomique de la colonne lombosacrée nous apparaît inapproprié, car cela ne respecte pas le sens donné à la définition de déficience, soit de constater s’il y a une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique correspondant à une déviation.
Antériorité de la déficience
Selon la jurisprudence, la déficience doit être antérieure à la lésion professionnelle pour être reconnue puisque l’article 329 vise le « travailleur déjà handicapé ».
- Prym Dritz Canada inc. et Deery,C.L.P. 238257-71-0406, 16 mars 2005, C. Racine.
La déficience doit être objectivée soit par des tests ou des rapports médicaux antérieurs à la lésion professionnelle ou soit par des énoncés, trouvailles ou rapports médicaux postérieurs à la lésion, mais qui reconnaissent l’antériorité de la « perte de substance ou l’altération d’une structure ou d’une fonction ».
- Municipalité de St-Amable,C.L.P. 386062-62-0908, 27 janvier 2010, J.-F. Clément.
La discopathie cervicale invoquée à titre de déficience a été découverte à la suite d’une IRM pratiquée 16 mois après l’événement. Lorsqu’une condition est identifiée radiologiquement dans les semaines qui suivent une lésion, on peut présumer qu’elle préexistait à une telle lésion puisqu’un phénomène dégénératif ne s’installe pas du jour au lendemain. Toutefois, quand un phénomène n’est mis en évidence que 16 mois après un traumatisme et qu’il est qualifié de très léger par le radiologiste, il n’est pas possible d’inférer qu’il existait au moment de la lésion professionnelle.
- Lacroix Automobile ltée,2011 QCCLP 4581.
La nature, le nombre et l'étendue des phénomènes dégénératifs énumérés sur l'IRM attestent de la présence d'un processus dégénératif bien en place, et ce, à peine deux mois après l'accident du travail. Pareille condition ne saurait être apparue et avoir atteint un tel stade de développement à l'intérieur d'un si court délai. Sa préexistence à l'accident du travail est dès lors démontrée par prépondérance de preuve.
- Entreprises Scorpio LB inc.,2012 QCCLP 5018.
Le premier volet de la démonstration requise pour pouvoir bénéficier d’un partage de coûts est celui de la préexistence de la condition alléguée à titre de handicap. Cette exigence découle de l’usage par le législateur du terme « déjà » dans l’article 329.
- Auberge aux Trois Pignons inc., 2012 QCCLP 6359.
L’expert de l’employeur réfère à un IMC de 35,5, sur la base de son examen réalisé plus de sept mois après la survenance de la lésion professionnelle. Cette preuve est insuffisante pour conclure que la travailleuse était obèse avant sa lésion professionnelle puisqu’il peut s’agir d’un cas de prise de poids pendant une convalescence, ce qui n’est pas rare.
Voir également :
Les Constructions Bissonnette MRGC inc., 2011 QCCLP 470.
Simar-Dacon inc., 2012 QCCLP 4293
Les conséquences de la lésion professionnelle ne font pas la preuve de la déficience
La jurisprudence retient que l’importance des conséquences de la lésion professionnelle, dont la prolongation de la période de consolidation, ne font pas la preuve de la déficience. L’appréciation de la relation entre la déficience et les conséquences de la lésion professionnelle se fait après que la preuve démontre une déficience.
- Ikea Canada ltée Partnership,C.L.P. 375436-61-0904, 11 novembre 2009, S. Sénéchal.
L’employeur ne peut pallier l'absence de preuve par le fait que la période de consolidation observée dépasse largement celle que l’on peut habituellement observer pour le genre de lésion en cause. En effet, la preuve d’un handicap doit être faite avant que l’on puisse analyser l’impact de ce handicap sur les conséquences de la lésion professionnelle.
- Les Créations Morin inc.,C.L.P. 388032-04B-0909, 8 décembre 2010, D. Lajoie.
Le tribunal juge qu'il peut y avoir un danger d’inférer des seules conséquences de la lésion la présence d’un handicap. Par exemple, la longue période de consolidation peut parfois être due, du moins en partie, aux délais administratifs, comme ceux reliés à la procédure d’évaluation médicale ou l’obtention d’un rendez-vous médical et non à la condition personnelle préexistante. C’est pourquoi, dans le contexte d’une mesure d’exception en matière d’imputation, il est important qu'il soit démontré d’abord une déficience et ensuite un impact de cette déficience sur la lésion ou ses conséquences pour s'assurer que le partage de coûts accordé le soit réellement dans le cas d’un travailleur déjà handicapé et non pour des raisons indépendantes de la condition du travailleur.
- Transport Réjean Vennes inc.,2011 QCCLP 2675.
Selon une jurisprudence constante, la preuve d'une déficience ne peut s’inférer uniquement à partir des conséquences de la lésion professionnelle, dont la prolongation de la période de consolidation, ceci pouvant s’expliquer par plusieurs autres éléments dont les retards et les délais importants causés notamment par la lenteur du système de santé québécois.
- Bessette & Boudreau inc., 2011 QCCLP 8090.
Contrairement aux prétentions du représentant de l’employeur, on ne peut inférer la présence d’une déficience des suites de la lésion notamment la nécessité d’une chirurgie et la longue période de consolidation. Ce n’est qu’une fois la déficience reconnue que les conséquences de la lésion professionnelles seront analysées pour déterminer le lien avec la déficience.
- CSSS d'Ahuntsic & Montréal-Nord (CHSLD), 2015 QCCLP 6434.
Le caractère déviant d’une déficience ne peut se déduire des conséquences hors-norme d’une lésion ou d’un événement. Au risque d’énoncer une évidence, c’est la déficience qui doit dévier de la norme et non les conséquences d’un événement.
Voir également :
Volaille Giannone inc., 2011 QCCLP 3975.
Centre d'accueil Marcelle-Ferron inc., 2013 QCCLP 328.
Prédisposition
Selon la jurisprudence, l’allégation d’une prédisposition génétique présumée (par exemple, allergie, défilé thoracique) n’est en général pas reconnue comme étant une déficience.
- Deniso Lebel inc.,C.L.P. 212443-01A-0307, 17 mars 2004, L. Desbois.
Chaque individu a un bagage génétique qui lui est propre et il serait pour le moins hasardeux, voire dangereux, de conclure que le bagage génétique d’une personne est déficient, simplement parce qu'il a développé telle ou telle pathologie. Une prédisposition génétique, serait-elle prouvée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ne constituerait qu'un vague, hypothétique potentiel qui ne s’actualisera peut-être jamais. Elle ne peut, de ce fait, être assimilée à une déficience. Un facteur de risque ne constitue pas une déficience en soi.
- IAMGOLD - Québec (Geant-Dormant) et Bolduc,C.L.P. 352090-08-0806, 26 mai 2009, C.-A. Ducharme.
L’argument de l’employeur selon lequel il faut présumer de la présence d’un facteur prédisposant pour développer un syndrome du défilé thoracique est écarté. L’analyse de la littérature médicale soumise montre que la manifestation d’un syndrome du défilé thoracique peut être causée par la seule altération des tissus mous due à une activité de travail qui implique une sollicitation répétée des structures avoisinantes du défilé thoracique. La déficience n’est donc pas reconnue.
- Compagnie A, [2010] C.L.P. 465.
En effet, bien que le comportement à risque ou une habitude de vie néfaste puisse rendre un travailleur plus susceptible de développer une pathologie, un comportement ou une habitude ne peuvent, en soi, être considérés comme une perte de substance ou une altération d'une structure ou d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Ainsi, la seule susceptibilité à développer une pathologie ne correspond pas à la notion de déficience. Toutefois, dans la mesure où une preuve prépondérante démontre que le comportement à risque ou l'habitude de vie néfaste a causé une perte de substance ou une altération d'une structure ou encore d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique, il y aura lieu de conclure à la présence d'une déficience.
- Boiseries Savco inc.,2011 QCCLP 695.
L’argument de l’expert de l’employeur selon lequel le travailleur présentait une prédisposition génétique à développer une alvéolite allergique extrinsèque est écarté. Il ne suffit pas de présumer du fait que peu de personnes exposées développent une maladie pour conclure que ces personnes présentent un bagage génétique déficient. D’autant qu’en l’espèce, aucun antécédent n’est démontré et qu’il est reconnu que l’alvéolite allergique est reliée à l’exposition à la poussière de bois dans le cadre du travail.
- Boulevard Dodge Chrysler Jeep 2000, 2012 QCCLP 6459.
Il faut distinguer entre une activité à risque exercée par le travailleur et les effets de cette activité sur une structure ou une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Même si une activité personnelle peut rendre un travailleur davantage susceptible de développer une pathologie, cette activité ne peut, en soi, être considérée comme une perte de substance ou une altération d'une structure ou d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. La seule susceptibilité à développer une pathologie ne correspond pas à la notion de déficience.
Voir également :
Centre hospitalier de St. Mary, 2016 QCTAT 4197.
Isoconfort (2003) inc., 2016 QCTAT 5098.
Cependant, la preuve d’une condition survenue avant la lésion professionnelle permet au Tribunal de retenir que le travailleur présente une prédisposition à développer une maladie.
- Meubles Laurier ltée,C.L.P. 334463-03B-0712, 12 mars 2009, R. Deraiche.
La travailleuse a présenté, avant sa maladie professionnelle, des épisodes de rhinite ayant nécessité des consultations à l’urgence à deux reprises. Cette condition constitue une preuve prépondérante que la travailleuse présentait une prédisposition génétique antérieure au développement de son asthme professionnel, pouvant être assimilé à un handicap.
- Commission scolaire de la Pointe-de-l’Ile,2011 QCCLP 5546.
L’expert de l’employeur a démontré que la travailleuse souffre d’allergies depuis plusieurs années, ce qui a fait l’objet d’un suivi médical régulier. Cette condition équivaut à une prédisposition génétique qui favorise une immunité anormale augmentant les chances de devenir allergique à n’importe quel agent sensibilisant, dont celui où elle a été exposée au travail (poivre de Cayenne).
- Sécurité-Policiers Ville A, 2018 QCTAT 4837.
Selon la documentation médicale, seulement 15 % des gens développent un état de stress post-traumatique en présence d'éléments traumatisants précis, et certains facteurs les y prédisposent. La travailleuse présentait plusieurs de ces éléments au moment de l'agression, qui l'ont fragilisée. Ses traits de personnalité découlent notamment des expériences vécues dans l'enfance comme les abus verbaux et l'alcoolisme de son père et la séparation de ses parents. Ces expériences défavorables constituent des facteurs de comorbidité appelant au développement d'un état de stress post-traumatique, tout comme l'état dépressif et la phobie spécifique.
Prédisposition psychologique et SDRC
En matière de SDRC, il est souvent allégué que le travailleur avait une prédisposition.
Selon une première approche, la simple allégation d'un profil psychologique invoqué pour expliquer l'apparition d'un SDRC ne constitue pas une preuve objective de déficience.
Selon une deuxième approche, lorsque la preuve établit sur la base d’éléments objectifs, précis et concordants, une condition antérieure à l'événement, le Tribunal accepte de reconnaître le SDRC comme déficience.
La première approche
- Transport Kepa, [2009] C.L.P. 197.
La seule susceptibilité à développer une pathologie, comme dans le présent cas un SDRC, sans appui d’éléments objectifs, précis et concordants, ne correspond pas à une perte de substance ou à une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique.
L’évolution des connaissances médicales a pour effet d’atténuer grandement la portée de la jurisprudence concluant à la présence d’une déficience préexistante sur la base de problèmes psychiques ou d’une perturbation du système sympathique. Le tribunal souligne qu’en l’absence d’éléments objectifs précis et concordants, il n’est pas possible de conclure, par déduction, à une altération d’une fonction ou d'une structure.
Suivi :
Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Abitibi, 615-17-000426-097, 30 septembre 2010, j. Guertin.
- Maçonnerie YLC ltée, C.L.P. 379454-04-0906, 29 juin 2010, D. Lajoie.
Selon la littérature déposée par l’expert de l’employeur, certains individus présentent des facteurs qui les prédisposent à développer un SDRC. Toutefois, aucun de ces facteurs n’est démontré. Par exemple, il n’est pas démontré qu'avant l'événement, le travailleur présentait des signes d’angoisse, de dépression ou d’anxiété. Ces signes sont apparus plus tard en cours de suivis, après que le diagnostic de dystrophie réflexe ait été posé. Dans ce cas, ils en seraient davantage une conséquence que la cause.
- Les Serres du St-Laurent inc., C.L.P. 350607-64-0806, 15 juillet 2010, T. Demers.
Dans la majorité des cas où le tribunal reconnaît la présence d’un handicap, il se fonde sur une preuve médicale objective, claire, précise, spécifique, concordante et probante lui permettant de se convaincre que le travailleur présentait une réelle et tangible condition le prédisposant à développer un SDRC, et ce, avant que cette maladie ne se manifeste. La seule susceptibilité à développer une pathologie ne correspond pas à une déficience.
- Soconex Entrepreneur Général inc.,2011 QCCLP 4528.
La thèse soutenue par l’expert de l’employeur selon laquelle le travailleur a souffert d’un « SDRC en raison de ses caractéristiques intrinsèques, soit une préoccupation à l’égard de sa santé, une anxiété, une mauvaise gestion de sa douleur ou une tendance à surprotéger le bras atteint ne peut être retenue puisque la preuve ne permet pas de conclure qu’une préoccupation au sujet de sa santé constitue une déficience ou que l’anxiété, la mauvaise gestion de la douleur ou la tendance à la surprotection existaient avant la lésion professionnelle ».
- Olymel Vallée-Jonction, 2013 QCCLP 6503.
L'étude de la documentation révèle que la recherche médicale est au stade empirique et qu'il faudra encore plusieurs études pour conclure quant à l'étiologie du SDRC. De plus, les facteurs psychologiques, d'ailleurs non fondés en l'espèce, ne peuvent être retenus comme terrain prédisposant et constituer ainsi la preuve permettant d'établir qu'une déficience du système psychique est en cause dans l'apparition d'un SDRC. On ne peut induire de la simple présence d'un SDRC que la cause est nécessairement une déficience des systèmes neurologiques sans autre preuve scientifique.
- Ville de Sherbrooke, 2018 QCTAT 665.
La preuve ne démontre pas que le travailleur avait un symptôme en lien avec une anomalie du système nerveux central ou périphérique avant son accident du travail. Selon la jurisprudence majoritaire, la seule prédisposition à développer un SDRC ne peut correspondre à une déficience, sans autre preuve.
Voir également :
Lyo-San inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P. 379129-64-0905, 8 avril 2010, L. Nadeau.
Vêtements de sports Gildan inc., C.L.P. 374933-71-0904, 16 avril 2010, C. Racine.
IGA Extra, C.L.P. 412611-71-1006, 15 décembre 2010, F. Juteau.
Centre d'hébergement Champlain Châteauguay, 2012 QCCLP 2684.
Soleno inc., 2017 QCTAT 1632.
Voir cependant :
Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke, C.L.P. 344371-05-0804, 11 mai 2009, L. Boudreault.
Centre hospitalier de l'Université de Montréal, 2011 QCCLP 388.
La deuxième approche
- Services alimentaires Delta Dailyfood Canada inc.,C.L.P. 342884-62C-0803, 23 novembre 2009, P. Perron.
La seule susceptibilité de développer un SDRC ne suffit pas à conclure à un handicap. Toutefois, lorsque la preuve met en lumière un terrain prédisposant spécifique et documenté, il y a lieu de conclure à la présence d’un handicap. Dans le cas sous étude, la preuve révèle que le travailleur souffrait d’un trouble de l'adaptation depuis plusieurs mois nécessitant un suivi médical et une médication. Il s'agit là d’une preuve objective, précise et suffisamment concordante pour conclure à une altération d’une fonction psychologique.
- Emballages Knowlton inc. (Les),C.L.P. 380495-05-0906, 18 mai 2010, M. Allard.
Le dossier médical de la travailleuse démontre qu'elle souffrait de migraines chroniques sous traitement au moment de la lésion professionnelle. Elle souffrait également d’un trouble anxieux dépressif suffisamment important pour avoir nécessité un arrêt de travail d'un mois, une médication et une référence en clinique d’anxiété lorsque la lésion professionnelle est survenue. Les migraines et la condition psychique sont des déficiences qui ont contribué à l'apparition du SDRC. Il s’agit là d’une altération à la structure psychique de la travailleuse qui dévie de la norme biomédicale.
- Centre de santé et de services sociaux - Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke c. Commission des lésions professionnelles,2014 QCCS 921.
Bien que l'étiologie du syndrome douloureux régional complexe (SDRC) ne soit pas parfaitement connue, cela ne signifie pas qu'il faille attendre qu'elle soit connue, dans quelques années ou dans quelques décennies, pour accueillir les demandes d'employeurs dans un cas semblable à celui en l'espèce. L'employeur a présenté une preuve prépondérante d'une déficience préexistante. Il a franchi la barre du 50 % et cela suffisait.
- Société de Transport de Montréal, 2018 QCTAT 862.
Au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle, la travailleuse présentait une déficience sous la forme d'une anomalie du système nerveux central et périphérique, laquelle constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale. Le Tribunal retient l'opinion du médecin de l'employeur, qui affirme que le « handicap préexistant du système nerveux sympathique est donc essentiel à la survenance du syndrome de douleur régional complexe ». Sans cette prédisposition, la travailleuse n'aurait pas développé un SDRC à compter du mois de décembre 2011. L'existence d'un déficit neurologique à l'origine d'un SDRC a déjà été reconnue à titre de handicap par la CLP.
Habitude de vie néfaste
Selon la jurisprudence, une habitude de vie néfaste, comme par exemple, le tabagisme ou l’usage de stéroïdes ne constitue pas, en soi, une déficience. Toutefois, dans la mesure où cette habitude de vie entraîne une perte de substance ou une altération à une structure ou une fonction physiologique, psychologique ou anatomique, il est possible de conclure à une déficience.
- Cantor Cash’n Carry et Commission de la sécurité et de la sécurité du travail - Outaouais,C.L.P. 192291-71-0210, 21 mars 2003, C. Racine.
Le simple fait de fumer ne peut être considéré comme une déficience à moins d’une preuve démontrant une altération à une structure ou une fonction. Dans cette affaire, ni le médecin traitant ni les nombreux pneumologues composant les quatre comités ayant évalué le dossier du travailleur n’ont établi de lien entre la consommation de cigarettes de ce dernier et le développement de son allergie à la farine.
- Toromont Industries Québec (2002),C.L.P. 379381-31-0905, 18 janvier 2010, J.-F. Clément.
Bien qu'il soit exact que le tabagisme constitue une habitude de vie ne pouvant être assimilée à une déficience, il est possible de reconnaître que les conséquences du tabagisme du travailleur se traduisent par une altération à une structure anatomique, tel qu’il ressort du Comité des maladies pulmonaires professionnelles.
- Transformateur Delta ltée,C.L.P. 402486-62B-1002, 24 novembre 2010, M. Watkins.
Le tabagisme est une habitude de vie et non un handicap au sens de la jurisprudence. Ce sont plutôt les conséquences du tabagisme sur la santé de l'individu qui peuvent constituer un handicap.
- Compagnie A,[2010] C.L.P. 465.
En effet, bien que le comportement à risque ou une habitude de vie néfaste puisse rendre un travailleur plus susceptible de développer une pathologie, un comportement ou une habitude ne peuvent, en soi, être considérés comme une perte de substance ou une altération d'une structure ou d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. Ainsi, la seule susceptibilité de développer une pathologie ne correspond pas à la notion de « déficience ». Toutefois, dans la mesure où une preuve prépondérante démontre que le comportement à risque ou l'habitude de vie néfaste a causé une perte de substance ou une altération d'une structure ou encore d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique, il y aura lieu de conclure à la présence d'une déficience.
- Olymel Vallée-Jonction,2017 QCTAT 5660.
Le tabagisme n'est pas en soi une déficience physique. Il s'agit plutôt d'une habitude de vie néfaste qui peut être assimilable à un facteur de risque. Afin de pouvoir conclure que le tabagisme constitue une déficience physique, il faut que celui-ci ait entraîné une altération d'une structure ou d'une fonction physiologique ou anatomique. Selon la preuve, le tabagisme joue un rôle négatif sur la microcirculation cutanée, laquelle est indispensable à une bonne vitalité des tissus afin de permettre la cicatrisation des plaies. La présence d'une déficience physique en lien avec le tabagisme du travailleur a donc été établie puisqu'il y a altération d'une fonction physiologique ou anatomique.
- Travaux d’Acier Pointe-Claire inc., 2018 QCTAT 4729.
En ce qui concerne le tabagisme, il ne peut en soi constituer un handicap, car il s'agit d'une mauvaise habitude de vie. Cependant, il peut entraîner une altération d'une structure ou d'une fonction correspondant à une déviation par rapport à une norme biomédicale qui doit être démontrée en vue de l'obtention d'un partage de l'imputation. En effet, ce sont les conditions médicales résultant du tabagisme qui sont plus susceptibles de correspondre à un handicap au sens de la Loi. Le tabagisme peut constituer un facteur de risque, mais sa seule présence est insuffisante pour démontrer la présence d'un handicap.
Antécédents fréquents
La jurisprudence du Tribunal retient que la seule présence d’antécédents ne permet pas de conclure à la présence d’une déficience. Cependant, si les antécédents ne sont pas survenus chez l'employeur et qu'ils sont démontrés par une preuve objective, ils peuvent représenter une déficience.
- Constructions Seni inc.,C.L.P. 352447-64-0806, 16 novembre 2009, R. Daniel.
On ne peut présumer de la présence d’un handicap sur la seule et unique base de nombreux antécédents d’accidents du travail, quel qu'en soit le nombre.
- Résidence Côté Jardin inc.,C.L.P. 410083-31-1005, 7 octobre 2010, M.-A. Jobidon.
Les nombreux antécédents de douleurs dorsales ne constituent pas une preuve objective de déficience. En effet, il ressort de la preuve que la travailleuse a été exposée à des circonstances susceptibles d’entraîner des douleurs dorsales lors des épisodes antérieurs, sans pour autant qu’une déficience sous-jacente puisse exister.
- Tim Hortons (Beauport), 2013 QCCLP 7062.
Il faut tenir compte des séquelles d’une lésion antérieure survenue chez un autre employeur et qui a occasionné une fragilité au niveau lombaire. Il apparaît évident que la condition d’un travailleur de 39 ans atteint d’importantes limitations fonctionnelles et d’une atteinte permanente en lien avec une lésion antérieure dévie de la norme biomédicale, encore plus si on jumèle le tout à une spondylolyse et à des phénomènes dégénératifs.
- Beaulieu Canada Moquette Div., 2017 QCTAT 3433.
Avant la survenance de la lésion professionnelle du 13 janvier 2014, le travailleur avait subi plusieurs TCC. Le nombre de TCC varie d'un observateur à l'autre, qu'il s'agisse des médecins évaluateurs ou des autres intervenants au dossier. Dans certains cas, il s'agit de traumas crâniens survenus au travail et, dans d'autres, lors d'activités personnelles. Selon le médecin de l'employeur, on peut estimer que le travailleur a subi entre trois et six TCC avant le 13 janvier 2014. Or, ces antécédents personnels de TCC doivent être considérés comme une « déficience » au sens donné à ce terme par la jurisprudence relative à l'application de l'article 329 LATMP.
- Pneus SP inc., 2018 QCTAT 762.
Avant la survenance de sa lésion professionnelle, le travailleur a subi huit ou neuf commotions cérébrales en jouant au hockey et au rugby de même qu'à la suite d'un accident d'automobile. Selon plusieurs médecins au dossier, ces antécédents expliquent le tableau clinique présenté par le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle. Même si le fait accidentel était suffisant pour engendrer un traumatisme crânien cérébral léger, les antécédents de commotions cérébrales ont influé sur les conséquences de la lésion professionnelle.
- Compagnie A, 2018 QCTAT 3140.
Les antécédents psychiatriques d'un travailleur qui sont préexistants à une lésion professionnelle peuvent être reconnus comme une déficience dans la mesure où ils sont démontrés par une preuve probante, précise et concordante. En l'espèce, les nombreux épisodes de trouble de l'adaptation avec humeur dépressive ou anxieuse diagnostiqués au fil des ans et ayant nécessité périodiquement une médication, un suivi en psychologie et des périodes d'arrêt de travail témoignent d'une altération des fonctions psychologiques de la travailleuse antérieurement à sa lésion professionnelle, le tout, en lien avec l'avalanche d'événements traumatisants et malheureux qu'elle a vécus. Il y a donc lieu de reconnaître que la travailleuse était affectée d'une déficience sur le plan psychologique avant la survenance de la lésion professionnelle.
Déficience acquise chez le même employeur
Lorsque la déficience invoquée découle d'une lésion professionnelle antérieure survenue chez le même employeur, la jurisprudence établit que ceci ne peut justifier un partage de coûts. En effet, l'employeur demeure imputé du coût des lésions professionnelles qui se produisent chez lui.
- Hôpital Laval,C.L.P. 132575-32-0002, 23 janvier 2001, M.-A. Jobidon.
L'employeur ne peut invoquer à titre de déficience une lésion professionnelle survenue à l'occasion d'un accident du travail antérieur survenu chez le même employeur. Accepter un tel motif équivaut à faire fi des règles élémentaires d'imputation selon lesquelles chaque employeur doit payer pour ses propres risques.
Suivi :
Révision rejetée, 8 avril 2002, P. Simard.
- Boulevard Dodge Chrysler Jeep (2000) inc.,C.L.P. 354532-62-0807, 3 mai 2010, L. Couture.
Lorsque le handicap dont le travailleur est porteur est dû uniquement à une lésion professionnelle survenue dans le cadre de son travail chez le même employeur, il serait injuste de faire supporter aux autres employeurs le coût de ce handicap.
Suivis :
Révision rejetée, 2011 QCCLP 3962.
Requête en révision judiciaire rejetée, 2012 QCCS 111.
- Ville de Saint-Lambert, 2017 QCTAT 4180.
Les lésions cervicales et les TCC antérieurs semblent résulter de lésions professionnelles survenues chez l'employeur. Or, plusieurs raisons s'opposent à la reconnaissance de ces antécédents à titre de déficiences préexistantes. Ils ont été consolidés sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles plusieurs années avant la survenance de la lésion professionnelle dans le présent dossier. Rien ne confirme non plus l'existence de douleurs ou de problèmes reliés à ces lésions antérieures au moment de la survenance de l'accident du travail d'avril 2014. Même si les antécédents d'entorse cervicale ou de TCC avaient laissé des séquelles chez le travailleur, la jurisprudence majoritaire refuse d'assimiler à un handicap, les séquelles découlant de lésions survenues préalablement chez l'employeur. Il serait injuste de faire supporter à d'autres employeurs les coûts de ce handicap alors que seul l'employeur au dossier est à l'origine de l'émergence de celui-ci. Ces antécédents de lésions professionnelles ne peuvent donc servir de fondement au partage des coûts revendiqué.
- Entreprises Martineau inc., 2021 QCTAT 6019.
En vertu d’une jurisprudence constante du Tribunal, une condition résultant du travail, d’un précédent accident ou d’une précédente lésion professionnelle chez le même employeur ne saurait raisonnablement être invoquée par ce dernier à titre de déficience antérieure pour obtenir de ne pas en assumer les conséquences financières. Il serait injuste de faire supporter les conséquences du travail effectué chez un employeur par l’ensemble des employeurs, outre le fait que cela reviendrait à faire fi des règles d’imputation les plus élémentaires selon lesquelles un employeur doit assumer ce qui est associé à ses propres risques.
- CHU de Québec - Université Laval, 2023 QCTAT 321.
Rappelons qu’en vertu d’une jurisprudence constante du Tribunal, une condition résultant du travail, d’un précédent accident ou d’une précédente lésion professionnelle chez le même employeur ne saurait raisonnablement être invoquée par ce dernier à titre de déficience antérieure.
- Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval - Centre local de services communautaires, 2023 QCTAT 5249.
La jurisprudence constante du Tribunal établit qu’un employeur ne peut bénéficier d’un partage de coûts lorsque la déficience alléguée découle d’une lésion professionnelle antérieure survenue chez le même employeur, celui-ci « devant continuer d’assumer les conséquences de la première lésion professionnelle jusque dans celles de la seconde ».
Voir également :
CSSS Argenteuil, C.L.P. 374184-64-0903, 24 mars 2010, I. Piché.
C.L.S.C. La Source, 2012 QCCLP 106.
Sécurité Kolossal inc., 2013 QCCLP 786.
Le Centre Routier (1994) inc., 2013 QCCLP 2333.
Mine Niobec, 2013 QCCLP 6468.
Avantis Packaging Inc., 2023 QCTAT 3337.
Voir cependant :
- Ville de Montréal - Arrondissement Ville-Marie, 2022 QCTAT 3680.
Le Tribunal ne retient pas le principe voulant que l'article 329 de la Loi ne puisse s’appliquer lorsque la lésion antérieure à laquelle réfère un employeur est survenue alors que le travailleur était à son emploi. En effet, la Loi n’établit aucune distinction à cet égard. Ainsi, lorsqu’un employeur demande un partage de l’imputation des coûts reliés à un nouvel événement affectant l’un de ses travailleurs, il pourra y avoir droit même si le handicap résulte d’une lésion antérieure survenue chez lui.
Déficience et diagnostic de la lésion professionnelle
Règle générale, l’employeur ne peut invoquer, à titre de déficience, la lésion professionnelle elle-même puisque la déficience doit être antérieure à la lésion professionnelle.
Toutefois, lorsque la lésion professionnelle reconnue représente une aggravation d’une condition personnelle préexistante, lorsqu’il est question, par exemple, de hernie discale, de luxation récidivante, de tendinite calcifiée ou de déchirure méniscale, la lésion professionnelle peut être considérée comme étant la déficience.
La déficience n'est pas le diagnostic de la lésion professionnelle
- Produits de Sécurité North ltée,C.L.P. 265673-71-0506, 30 mai 2006, L. Couture.
Le tribunal retient de la jurisprudence soumise par l’employeur qu’il est possible que l’état personnel préexistant associé à une lésion professionnelle reconnue puisse faire partie intégrante du diagnostic retenu à titre de lésion professionnelle. Toutefois, dans le cas sous étude, il est établi par une décision non contestée que le geste posé par le travailleur a causé la hernie discale. Dans ces circonstances, lorsque le diagnostic de la lésion professionnelle n’est pas accolé à un état personnel préexistant, ce même diagnostic ne peut être invoqué à titre de déficience.
- Vêtements de sport Gildan inc.,C.L.P. 374933-71-0904, 16 avril 2010, C. Racine.
Il est depuis longtemps établi que l’employeur ne peut assimiler la lésion professionnelle à la déficience. L’employeur doit plutôt démontrer qu’une condition autre que la lésion diagnostiquée favorise l’apparition de cette lésion ou en aggrave les conséquences. Le SDRC ne peut donc, en soi, être considéré comme un handicap.
- Soconex Entrepreneur général inc.,2011 QCCLP 4528.
L'employeur invoque, à titre de déficience, un SDRC. Le tribunal constate que ce SDRC est une pathologie diagnostiquée après l'accident du travail ayant causé une contusion de la main. Ainsi, le SDRC ne peut être assimilé à une déficience puisque cette condition n'est pas antérieure à la lésion professionnelle, mais en est une conséquence.
- Ancrabec inc.,2014 QCCLP 3770.
L’algodystrophie réflexe a été reconnue comme étant en relation avec l’événement accidentel et le travailleur a été indemnisé pour cette condition. Ce diagnostic ne peut donc constituer en soi une déficience antérieure à la lésion professionnelle, ayant été diagnostiqué à la suite de celle-ci.
- Constructions Bricon ltée, 2015 QCCLP 6587.
La jurisprudence établit que la lésion professionnelle ne peut constituer une déficience. Cependant, il est possible que la condition invoquée à titre de déficience fasse partie intégrante du diagnostic reconnu. Dans ce cas, la preuve doit permettre de distinguer la condition préexistante invoquée à titre de déficience de la lésion professionnelle. L'exemple le plus fréquent consiste en une preuve que la condition préexistante a été rendue symptomatique ou aggravée par la lésion professionnelle. Dans ce dossier, le mécanisme lésionnel est compatible avec une déchirure traumatique et l'employeur a fait le choix de ne pas contester l'admissibilité de ce diagnostic. Il doit donc vivre avec les conséquences de ce choix, dans la mesure où la preuve ne permet pas au tribunal de distinguer la déficience de la lésion elle-même. Ainsi, la déchirure méniscale ne peut être qualifiée de déficience.
- Pales d'éolienne LM (CANADA) inc., 2016 QCTAT 6002.
L'événement accidentel a causé non seulement une entorse lombaire au travailleur, mais également une hernie discale L4-L5. Par ailleurs, l'employeur n'est pas admis à invoquer, au titre de la déficience, le diagnostic accepté à titre de la lésion professionnelle, soit celui de hernie discale L4-L5, puisque la déficience doit être antérieure à la lésion professionnelle. Il est vrai que la jurisprudence reconnaît occasionnellement que ce principe doit être nuancé lorsque la lésion professionnelle reconnue représente une aggravation d'une condition personnelle préexistante. Toutefois, une preuve médicale objective doit démontrer une telle aggravation clinique d'une condition préexistante. Or, dans ce dossier, l'événement accidentel a causé la hernie discale du travailleur, alors que l'allégation du médecin expert voulant que le travailleur ait aggravé sa condition préexistante de hernie n'est soutenue par aucun autre médecin.
- Plessitech inc., 2017 QCTAT 5675.
Il n’est aucunement question d’accepter le diagnostic de hernie discale L5-S1 gauche à titre d’aggravation d’une condition préexistante. Ce diagnostic est en relation avec l’événement, laissant ainsi entendre que c’est l’événement qui l’a créé. L’employeur ne peut invoquer, à titre de déficience préexistante, le diagnostic de la lésion professionnelle surtout lorsque rien dans la décision rendue ou dans les notes médicales au dossier n’oriente vers une acceptation à titre d’aggravation d’une condition personnelle.
Voir également :
CSSS de Port-Cartier, 2011 QCCLP 514.
Hôpital Sainte-Justine, 2014 QCCLP 430.
Transport Morneau inc., 2018 QCTAT 4033.
Le diagnostic d'aggravation d'une condition personnelle peut être la déficience
- Charest Automobile ltée,C.L.P. 225979-04B-0401, 6 mai 2005, J.-F. Clément.
En vertu de la théorie du crâne fragile, le travailleur a reçu pleine indemnisation parce qu’il a subi un événement imprévu et soudain alors qu’il exerçait son travail. L’indemnisation du travailleur ne veut cependant pas dire que la capsulite ne peut être considérée comme l’aggravation d’une condition personnelle ou la conséquence, en tant que complication, d’une condition personnelle ayant interféré dans le processus lésionnel.
L’intention du législateur est d’indemniser le travailleur sans tenir compte de son bagage anatomique personnel. L’intention de ce même législateur n’est sûrement pas de faire supporter par un employeur les conséquences démesurées chez un travailleur d’un traumatisme dénué de gravité.
- A.L.B. Industries ltée,C.L.P. 386555-71-0908, 15 octobre 2010, M.-A. Jobidon.
Selon la CSST, la présence de calcifications ne peut à la fois être reconnue à titre de lésion professionnelle par le biais du diagnostic de tendinite calcifiée et être reconnue à titre de handicap. Cet argument doit être nuancé puisque la reconnaissance d’une déficience n’est pas tributaire d’une décision de la CSST acceptant un diagnostic à titre de lésion professionnelle. La reconnaissance d’un handicap se fait plutôt à partir de la grille d’analyse développée par la jurisprudence. À la limite, la déficience invoquée peut faire partie du diagnostic de la lésion professionnelle reconnue pourvu que la preuve démontre que cette déficience existait avant la survenance de la lésion professionnelle. Il est clair que la déficience elle-même ne doit pas avoir été causée par la lésion professionnelle, auquel cas l’argument de la CSST prend tout son sens. Ainsi, le tribunal est d’avis que l’accident du travail a causé une tendinite de l’épaule tout en rendant symptomatique une condition personnelle préexistante de calcifications. La présence de calcifications constituant une déficience qui dévie de la norme biomédicale est donc reconnue.
- Storex Industries Corporation,2011 QCCLP 3063.
En acceptant de considérer la condition dégénérative dont le travailleur était déjà porteur avant son accident, le tribunal ne fait pas entorse à la règle voulant que la lésion professionnelle elle-même ne puisse être invoquée à titre de handicap au soutien d’une demande de partage de coûts.
Ici, le tribunal ne conclut pas qu’au moment où il a été victime de son accident du travail, le travailleur souffrait déjà de la déchirure méniscale qui a été plus tard reconnue à titre de lésion professionnelle. Le tribunal juge plutôt qu’à ce moment-là, le travailleur était porteur d’une condition dégénérative telle que le ménisque interne de son genou droit s’en trouvait fragilisé au point d’être déchiré par un traumatisme qui n’aurait pu avoir un pareil effet sur une structure anatomique saine. La distinction est importante.
- Groupe ADF inc., 2011 QCCLP 5079.
Il est vrai que le diagnostic de déchirure du croisé antérieur a été reconnu à titre de lésion professionnelle. Généralement, un employeur ne peut invoquer comme déficience la lésion professionnelle elle-même. Toutefois, la reconnaissance d’un diagnostic au niveau de l’admissibilité n’empêche pas qu’on puisse reconnaître qu’une condition personnelle préexistante ait été aggravée ou rendue symptomatique par l’événement accidentel comme la preuve le démontre en l’espèce.
- U.A.P. inc. (Atelier traction),2012 QCCLP 1725.
Le fait que des diagnostics de hernies discales à deux niveaux aient été reconnus à titre de lésions professionnelles ne constitue pas nécessairement un obstacle à la reconnaissance de la condition dégénérative sur laquelle ces hernies se sont formées, voire même de ces hernies qui peuvent n’avoir été aggravées ou rendues symptomatiques lors de l’accident du travail, si tant est que l’antériorité de cette condition soit démontrée de façon probante et prépondérante.
- Jos Ste-Croix et fils limitée,2012 QCCLP 6384.
Bien que la jurisprudence considère que l’employeur ne peut invoquer comme déficience la lésion professionnelle elle-même, il peut y avoir une exception à ce principe lorsque la condition invoquée comme déficience fait partie du diagnostic, comme en l’espèce. L’admissibilité d’un diagnostic n’empêche pas que l’on reconnaisse qu’une condition personnelle ait été aggravée ou rendue symptomatique par le fait accidentel. On doit alors distinguer la condition personnelle de la lésion elle-même et analyser la possibilité qu’elle constitue une déficience.
- Maison des Aînées St-Timothée inc., 2017 QCTAT 4924.
En ce qui a trait à la déficience alléguée, soit l’arthrose trapézo-métacarpienne du pouce gauche, le Tribunal note qu’elle a été reconnue à titre de lésion professionnelle. Or, en principe, un employeur ne peut invoquer le diagnostic de la lésion professionnelle à titre de déficience puisque celle-ci doit être antérieure à la lésion professionnelle. Toutefois, ce principe doit être nuancé lorsque la lésion professionnelle reconnue représente une aggravation d’une condition personnelle préexistante, comme c’est le cas en l’instance. En effet, il ressort clairement de sa note évolutive que c’est sur la base d’une condition personnelle d’arthrose rendue symptomatique et cliniquement aggravée par l’événement qu’une récidive, rechute ou aggravation est reconnue en date du 19 mai 2015.
Voir également :
Prévost Car inc., 2011 QCCLP 1697.
Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe inc., 2011 QCCLP 2992.
Couche-Tard inc. (Dépanneurs), 2012 QCCLP 6987.
Restaurant Fernand Labbé inc., 2013 QCCLP 955.
Chantiers Chibougamau limitée, 2013 QCCLP 1945.
Automobiles Chicoutimi (1986) inc., 2014 QCCLP 2547.
Mac et Fils, 2017 QCTAT 5438.
Cirque du Soleil inc. (Kurios), 2018 QCTAT 2669.
Coopérative forestière La Nord-Côtière, 2018 QCTAT 4644.
Fonderie Laperle, division Bibby Ste-Croix, 2018 QCTAT 6090.
Via-Val Transport inc., 2019 QCTAT 703.
Constructions Yves Lessard inc., 2019 QCTAT 3655.
Exceldor coopérative avicole, 2020 QCTAT 168.
Poissonnerie Odessa, 2020 QCTAT 2097.
Déviation par rapport à la norme biomédicale
La jurisprudence du Tribunal considère que l'altération d'une structure ou d'une fonction ne constitue pas nécessairement une déficience. Il faut établir que cette déficience se démarque de la norme biomédicale.
- Groupe Macadam inc. et Mutuelle de prévention de l’APCHQ, C.L.P. 343197-03B-0803, 14 janvier 2009.
Lorsque la condition identifiée relève d'un phénomène de vieillissement, la preuve doit clairement établir en quoi cette condition dévie de la normalité. Lorsqu'il existe des données épidémiologiques permettant de conclure ce qu'est la norme biomédicale, cette preuve doit être faite. Par contre, lorsque cette preuve n'existe pas, il faut se référer au sens usuel du terme « norme biomédicale ». Ainsi, quand on fait référence à cette norme, il y a deux interprétations possibles, d'une part, la norme qualitative — celle qui réfère à la règle décrivant ce qui est normal — et d'autre part, la norme quantitative qui réfère à ce qui est habituellement retrouvé au niveau de la moyenne des individus dans une catégorie de la population. La population de référence doit alors être celle qui tient compte le plus possible des caractéristiques de l'individu en cause. Ainsi, le sexe et l'âge seront des éléments dont il faudra tenir compte dans la comparaison.
- Les Créations Morin inc., C.L.P. 388032-04B-0909, 8 décembre 2010, D. Lajoie.
En utilisant le mot « handicapé », le législateur vise une condition personnelle préexistante qui va au-delà d’une condition s’inscrivant dans la normalité. En effet, selon la définition la plus récente que donne l’Organisation mondiale de la santé, la déficience est une perte ou une anomalie d’une structure anatomique ou d’une fonction organique. On précise aussi que le terme anomalie est utilisé pour désigner un écart important par rapport à des normes statistiques établies, c’est-à-dire un écart par rapport à la moyenne de la population dans le cadre de normes mesurées.
- Parkway Pontiac Buick inc., 2011 QCCLP 2213.
Quant au concept de déviation par rapport à la norme biomédicale lors de l'analyse de l’existence d’une déficience, il s’agit de la définition au manuel de classification des handicaps : « La déficience correspond à une déviation par rapport à une certaine norme biomédicale de l’individu, et la définition de ses éléments doit être élaborée d’abord par les personnes qualifiées pour juger du fonctionnement physique et mental selon des normes généralement acceptées. L’article 329 est une disposition exceptionnelle qui s'interprète restrictivement, car le principe général en matière d’imputation exige que l’employeur au dossier supporte la totalité des coûts liés à une lésion professionnelle d’un de ses travailleurs, tel que le prévoit l’article 326.
Suivi :
Requête rejetée, 2011 QCCLP 6431.
- Met-Recy ltée, 2014 QCCLP 5048.
La notion de « norme biomédicale » est une création jurisprudentielle qui fait référence au caractère inhabituel ou inusité de l'altération ou de l'anomalie comparativement à l'ensemble de la population; elle est souvent établie en se référant à des études épidémiologiques ou cliniques qui établissent un seuil de prévalence pour certaines pathologies.
- Pales d'éolienne LM (CANADA) inc., 2016 QCTAT 6002.
La jurisprudence a retenu que la définition de « déficience » est, entre autres choses, une « altération d'une structure constituant une déviation par rapport à une norme biomédicale », écartant les conditions personnelles que l'on trouve normalement chez les individus, pour ne retenir que celles qui constituent des anomalies. La jurisprudence évalue le caractère normal ou anormal d'une condition en comparant celle-ci à ce que l'on trouve habituellement chez les personnes de l'âge du travailleur au moment de l'événement. Aussi, lorsque le médecin expert affirme que toute protrusion discale ou toute hernie discale équivaut à une déviation par rapport à la norme biomédicale, cette affirmation est gratuite et non référencée, et elle ne correspond pas aux enseignements de la jurisprudence.
- Résidences Mance-Décary (Pavillon Auclair), 2017 QCTAT 2209.
Toute altération d'une structure anatomique ne constitue pas nécessairement une déficience. Il doit, en effet, être établi qu'elle se démarque de la norme biomédicale reconnue à cet égard. Cette exigence s'impose particulièrement dans le cas d'une altération qui résulte d'un phénomène dégénératif lié à l'âge puisqu'un tel phénomène est généralement considéré, par la jurisprudence, comme un processus de vieillissement normal ne répondant pas à la notion de « déficience », sauf lorsqu'il est démontré que la sévérité de la condition dégénérative, étant donné l'âge du travailleur, revêt un certain caractère d'anomalie par rapport à l'ensemble de la population ou dépasse véritablement la norme reconnue à cet égard. Même en présence d'une condition de discopathie et d'une image radiologique de hernie discale, on ne peut conclure d'emblée à une condition qui dévie de la norme biomédicale.
Altération de la structure liée au vieillissement
Selon la jurisprudence, l’altération d'une structure physique par le simple vieillissement ne correspond pas à une déficience. Il faut comparer la dégénérescence de la structure d'un individu avec celle d'un groupe d'individus d'âge semblable pour vérifier si la dégénérescence est plus importante que celle retrouvée chez ce groupe d'individus et dévie de la norme biomédicale.
- Services de réadaptation l’Intégrale,[2001] C.L.P. 181.
Toute altération d’une structure anatomique ne constitue pas nécessairement une déficience. Il doit être établi qu'elle se démarque de la norme biomédicale reconnue à cet égard, et cette exigence s’impose particulièrement dans le cas d’une altération qui résulte d’un phénomène dégénératif lié à l’âge, puisqu'un tel phénomène est généralement considéré par la jurisprudence comme un processus de vieillissement normal qui ne répond pas à la notion de déficience.
- Sodexho Canada inc.,C.L.P. 149700-32-0011, 9 mai 2001, C. Racine.
Le processus de dégénérescence relève d’un phénomène de vieillissement normal, ce qui ne correspond pas au critère de déviation par rapport à la norme biomédicale puisque c’est le propre de tout organisme de vieillir. En proposant cette définition, le tribunal écarte des déficiences les conditions personnelles retrouvées normalement chez les individus pour ne retenir que celles qui constituent des anomalies. Le caractère normal ou anormal de la condition identifiée est évalué en le comparant à ce que l’on retrouve habituellement chez des personnes de l’âge de la travailleuse au moment de l’événement.
- Piscines Trévi inc., C.L.P. 162579-61-0106, 8 janvier 2003, G. Morin.
La condition de dégénérescence, telle que la discopathie et l’arthrose vertébrale, constituait un phénomène de vieillissement normal qui ne répond pas à la notion de déficience physique sauf s’il est démontré que la sévérité de celle observée, étant donné l’âge du travailleur concerné, revêt un certain caractère d’anormalité par rapport à l’ensemble de la population ou dépasse véritablement la norme reconnue à cet égard.
- Cégep de l'Outaouais, [2004] C.L.P. 750.
Une maladie discale dégénérative, même rendue au troisième stade, n'est pas reconnue comme un handicap pour un travailleur âgé de 62 ans. Le tribunal souligne que la présence de dégénérescence chez un jeune de 18 ans pourrait certainement s'écarter de la norme, alors que cette même condition, chez une personne de 60 ans, est davantage l'expression de l'évolution normale d'une dégénérescence due à l'âge.
- Boismat inc.,2011 QCCLP 3960.
La dégénérescence discale constitue un processus évolutif avec l’âge. Celle-ci peut donc équivaloir à un état physiologique normal selon les situations et l’âge du travailleur.
- Transport TFI 5, S.E.C.,2011 QCCLP 7194.
Dans les cas d’altération liée au vieillissement, l’altération est susceptible d’affecter l’ensemble de la population. On s’est donc demandé à quelle norme il fallait se référer en pareil cas. On a jugé que la déficience ne comprend que les altérations anormales pour l’âge. En effet, il est difficile de se convaincre qu’un état normal puisse correspondre à un handicap et justifier un partage de coûts puisque le vieillissement et les restrictions fonctionnelles qui en résultent sont des processus normaux, en ce sens qu’ils sont attendus, inéluctables et communs à l’ensemble des individus.
- Super Marché Laplante inc., 2016 QCTAT 5372.
La déviation de la norme biomédicale doit être évaluée en fonction de l'âge du travailleur eu égard à ce que l'on trouve chez des personnes du même âge. Il ne suffit pas de l'affirmer : il faut le démontrer.
- Clinique de Réadaptation Universelle Fleury, 2017 QCTAT 2201.
Si la sévérité de la condition dégénérative, étant donné l'âge du travailleur concerné, revêt un caractère d'anomalie par rapport à l'ensemble de la population, le critère de déviation par rapport à la norme biomédicale sera rempli. En corollaire, plus l'individu est jeune, plus la démonstration s'en trouve facilitée.
Voir également :
CAD Railway Services inc., C.L.P. 333678-01C-0711, 27 août 2008, R. Arseneau.
Alimentation Tremblay et Laurencelle inc., 2011 QCCLP 3738.
9141-2833 Québec inc., 2011 QCCLP 5724.
Min. Sécurité Publique, 2011 QCCLP 5747.
Altération de la structure non liée au vieillissement
La jurisprudence du Tribunal considère que lorsque la déficience est une pathologie ou une maladie sans lien avec le vieillissement ou une dégénérescence, il s'agit d’une déviation par rapport à la norme biomédicale, car il n'est pas normal de souffrir d'une maladie ou d'une pathologie même si une bonne proportion de la population peut en être porteuse.
- Université McGill,[2008] C.L.P. 1573.
Il faut faire une distinction entre les altérations de structure ou de fonction qui sont associées principalement au vieillissement de l’individu, comme l’arthrose ou la dégénérescence discale, de celles qui correspondent à un défaut inhérent à l’individu. S’en tenir uniquement aux statistiques dans le cas d’anomalie héréditaire ou de maladie systémique, empêcherait l’application de l’article 329 pour certaines pathologies dont la prévalence est en augmentation constante depuis des années, par exemple, les cas de diabète, alors qu'une telle maladie ne pourrait et ne devrait certainement pas être qualifiée de normale, même si la proportion de gens qui en sont atteints augmente de plus en plus.
- Gestion Hunt Groupe Synergie inc., 2012 QCCLP 3553.
La présence d’un os scaphoïde relève d'une anomalie congénitale ou héréditaire et n'est pas liée au phénomène de vieillissement. Dès lors, cette condition doit être considérée comme une déficience qui dévie de la norme biomédicale sans égard à la question de la prévalence d'une telle condition dans la population en général.
- Goodyear Canada inc.,2013 QCCLP 1889.
Le travailleur est porteur d’une laxité du pouce droit d’origine congénitale. Cette condition constitue en soi une déviation par rapport à la norme biomédicale contrairement à une condition arthrosique par exemple, qui est un phénomène pouvant être lié à un processus normal de vieillissement. Il s’agit ici d’un défaut inhérent à l’individu.
- Commission scolaire Seigneurie-des-Mille-Iles,2018 QCTAT 1102.
La résonance magnétique de la colonne lombosacrée montre un canal rachidien congénitalement étroit, de L1 à L4, avec des diamètres antéropostérieurs de 12 à 13 mm. De plus, cette résonance montre aussi la présence d’une sténose foraminale à L4-L5 bilatérale, les trous de conjugaison étant qualifiés de « relativement petits » par le radiologue. Une anomalie congénitale est, par définition, préexistante et hors norme biomédicale.
- CPE Le Palais des Bouts de choux inc., 2018 QCTAT 4601.
Les conditions personnelles d'hyperthyroïdie et d'asthme sévère constituent une altération d'une fonction physiologique correspondant à une déficience préexistante au sens où l'entend l'article 329. Puisque ces deux déficiences constituent des maladies, il n'est pas nécessaire d'évaluer la prévalence de celles-ci pour déterminer si elles dévient de la norme biomédicale. Cette déviation de la norme biomédicale s'infère de la nature même de ces maladies, et ce, peu importe qu'une proportion importante de la population puisse en être porteuse.
- Béton Crête division Mauricie inc., 2023 QCTAT 717.
Le Tribunal n’a pas une connaissance d’office des cas où une condition médicale dévie de la normalité. C'est à l’employeur de démontrer la prévalence de la condition préexistante du travailleur. Certaines conditions médicales ne requièrent toutefois pas une telle preuve, compte tenu de l’évidence même qu’elles n’affectent qu’une minorité de la population. En l’espèce, l’employeur n’a pas à déposer d’études ou d’expertises afin de démontrer la prévalence de la sclérose en plaques puisqu’elle dévie de la norme par nature. Cette déficience joue un impact dans la survenance de la lésion professionnelle de même que dans ses conséquences. Le partage est accordé.
Condition psychologique
En matière de déficience psychologique, la jurisprudence fait référence à une norme qualitative plutôt que quantitative.
- Compagnie A, 2013 QCCLP 2309.
Plusieurs des décisions traitant d’une déficience d’ordre psychique ne font aucunement référence à la notion de prévalence pour déterminer si la condition psychologique dévie de la norme. Par contre, d’autres décisions font état de la prévalence en matière psychique. Le tribunal considère pour sa part que bien que le critère de déviation par rapport à la norme biomédicale trouve application dans le cas d’une allégation d’une déficience d’ordre psychique, il pourra dans certains cas être démontré sans référence à la notion de prévalence. En effet, la notion de prévalence implique une norme de nature quantitative qui est généralement pertinente lorsqu’une condition de nature dégénérative est invoquée. Dans le cas d’une prétention de déficience psychique, l’appréciation du critère de déviation par rapport à la norme biomédicale prend davantage l’allure de l’évaluation d’une norme qualitative.
- Hydro-Québec,2014 QCCLP 344.
On ne peut référer au DSM IV, qui indique une prévalence, pour affirmer que la déficience alléguée en l'espèce s’écarte de la norme biomédicale. Il faut comprendre que ce manuel en est un de diagnostic des maladies mentales. Les pourcentages auxquels font référence les auteurs, lorsqu’ils parlent de prévalence, sont des pourcentages de personnes porteuses de la maladie identifiée, soit une personnalité obsessive compulsive pathologique.
- Cartons Northrich inc., 2023 QCTAT 616.
L’appréciation du critère de la déviation par rapport à la norme biomédicale ne peut pas être effectuée de la même façon en présence d’une condition de nature psychique que lorsque l’analyse porte sur une lésion physique. En effet, la notion de « prévalence » s’applique beaucoup mieux afin d’évaluer une condition de nature dégénérative. Il ne s’agit pas d’un outil valable pour toutes les situations et doit être appliqué avec discernement. Le Tribunal souligne qu'en présence d’une condition psychique, l’appréciation du critère de déviation par rapport à la norme biomédicale s'analyse davantage selon une norme qualitative, plutôt que quantitative.
Voir également :
B.C.H. Unique inc., C.L.P. 364155- 03-B-0811, 15 octobre 2010, M.-A. Jobidon.
Compagnie A, 2012 QCCLP 5553.
Voir cependant :
Ville de Sherbrooke, 2012 QCCLP 6532.
Prévalence
La prévalence, qui précise le pourcentage de personnes porteuses d’une déficience, est parfois utilisée pour apprécier la déviation par rapport à la norme biomédicale principalement lors de déficience physique de nature dégénérative.
La jurisprudence récente révèle une certaine controverse quant au pourcentage en deçà duquel il est possible de conclure à l'existence d'une déviation. Bien que la jurisprudence majoritaire réfère à un seuil de prévalence de 20% , d'autres ont plutôt exigé un seuil de 10%, 15%, ou 25%.
Seuil de prévalence de 10%
- Ville de Rivière-Rouge, 2017 QCTAT 931.
Le Tribunal est d’opinion que pour se situer en dehors d’une norme, un élément se doit de se démarquer de la normalité. Il doit donc être atypique, aberrant, irrégulier ou déviant. Dans la mesure où un phénomène peut être constaté approximativement chez un sujet sur cinq, la soussignée estime qu’il s’agit d’une récurrence commune plutôt que marginale. Dans les faits, la soussignée considère qu’un pourcentage qui se situe minimalement en deçà de 10 % s’apparente davantage à une déviance par rapport à une norme biomédicale établie.
- GSF Canada inc., 2024 QCTAT 1475.
Le Tribunal considère que sont hors norme les pathologies cliniques et les maladies sans lien avec le vieillissement ou avec un phénomène dégénératif, ainsi que les maladies liées à l’âge et aux conditions dégénératives présentes chez 10 % ou moins des individus du même âge appartenant au même groupe que le travailleur.
Seuil de prévalence de 15%
- Racine Chevrolet ltée, 2023 QCTAT 3836.
La déviation de la norme biomédicale signifie que la condition que l’on évoque comme telle doit être inhabituelle, peu fréquente dans la population, et ce, selon la catégorie d’âge et le genre. Elle doit être inusitée, voire une condition qui se caractérise par son caractère singulier ou atypique. Dans ce contexte, le Tribunal retient qu’il faut écarter une prévalence qui se situerait au-delà de 15 % pour conclure à une condition qui dévie de la norme biomédicale. Un taux de prévalence de 15 % concilie le caractère singulier de la condition évoquée et l’interprétation restrictive que commandent l’application et l’interprétation d’une disposition d’exception au principe général d’imputation, comme l’article 329 de la Loi.
Voir également :
Centre de la petite enfance (CPE) Concordia, 2023 QCTAT 1226.
Sonepar inc., 2023 QCTAT 4373.
Compass (Eurest Chartwell) (Cafétéria), 2024 QCTAT 2276.
Communautés de retraités Massawippi, 2024 QCTAT 379.
Seuil de prévalence de 20%
- Uniformes Premier Choix, 2018 QCTAT 4458.
Depuis quelques années, la jurisprudence reconnaissait qu’un seuil de moins de 25 % constituait une déficience à la norme. Toutefois, la soussignée constate qu’une tendance à la baisse de ce seuil se dessine à la lumière de la jurisprudence plus récente. C’est ainsi que certains décideurs considèrent qu’une prévalence de 20 % ne peut être considérée hors norme puisque « [...] pour se situer en dehors d’une norme, un élément se doit de se démarquer de la normalité. Il doit donc être atypique, aberrant, irrégulier ou déviant. Dans la mesure où un phénomène peut être constaté approximativement chez un sujet sur cinq, la soussignée estime qu’il s’agit d’une récurrence commune plutôt que marginale ».
Voir également :
Groupe BMR inc., 2022 QCTAT 5037.
Atout Recrutement, 2023 QCTAT 5110.
Swissport Canada inc., 2024 QCTAT 1599.
Seuil de prévalence de 25 %
- Océan Remorquage Montréal inc., 2016 QCTAT 5630.
Il ressort de la jurisprudence un certain consensus pour conclure qu'une condition présente chez moins de 20 % de la population de la tranche d'âge d'un travailleur sera considérée comme hors norme biomédicale alors qu'une majorité de décideurs estiment qu'une condition dont le taux de prévalence est supérieur à 30 % ne sera pas considérée comme hors norme. Selon la jurisprudence consultée, la zone grise se situe entre 20 et 30 % de taux de prévalence. Il n'est pas aisé de déterminer un seuil de prévalence uniforme pour décider si une condition médicale dévie de la norme. Il faut analyser globalement la preuve, le seuil de prévalence étant un élément parmi d'autres à retenir pour décider si la condition alléguée dévie de la norme. D'autres variables doivent également être examinées, notamment l'âge, les autres conditions médicales, le degré de dégénérescence et le fait que la condition soit asymptomatique ou non ou qu'elle ait donné lieu à des antécédents pertinents. Il faut aussi prendre en considération le fonctionnement du travailleur avant l'événement accidentel, la gravité de celui-ci et ses répercussions sur la condition personnelle.
- Ville de Rivière-Rouge, 2017 QCTAT 931.
Pour se situer en dehors d’une norme, un élément se doit de se démarquer de la normalité. Il doit donc être atypique, aberrant, irrégulier ou déviant. Dans la mesure où un phénomène peut être constaté approximativement chez un sujet sur cinq, il s’agit d’une récurrence commune plutôt que marginale. Dans les faits, un pourcentage qui se situe minimalement en deçà de 10 % s’apparente davantage à une déviance par rapport à une norme biomédicale établie. Le Tribunal constate de la documentation présentée, et particulièrement de l’étude de Boden, qu’une hernie au niveau L1-L2 est très peu fréquente. Il est question d’environ 5 % des cas. Dans ce contexte, le tribunal retient la dégénérescence discale constatée au niveau L1-L2 à titre de déficience.
- S.T.M. (Réseau des autobus), 2017 QCTAT 1479.
Selon un des textes déposés par le médecin de l'employeur, de telles hernies discales ne touchent que 22 % des individus du groupe d'âge de la travailleuse. Un taux de prévalence de 22 % revêt un caractère inhabituel ou inusité d'une anomalie ou d'une altération d'une structure anatomique. En raison de leur importance et de leur étendue, les hernies discales L3-L4 et L4-L5 peuvent être assimilées à des déficiences préexistantes. Toutefois, la thèse voulant que toute dégénérescence discale soit le fruit d'une génétique particulière et soit d'emblée hors norme, sans égard à l'âge de la travailleuse, doit être rejetée. Les hernies discales L3-L4 et L4-L5 sont hors normes en raison de leurs caractéristiques propres, soit leur étendue et le fait qu'elles viennent en contact avec des racines nerveuses.
- Transcol, 2018 QCTAT 1908.
Une condition existant dans une proportion inférieure à 20 % d'une population donnée constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale. Selon la littérature médicale portant sur des sujets asymptomatiques de 50 ans ou moins, le médecin de l'employeur affirme que la prévalence des hernies discales pour ce groupe d'âge est de 19,9 %. Or, étant donné que les hernies discales chez les personnes asymptomatiques sont d'origine dégénérative et qu'elles augmentent avec l'âge, on peut inférer que cette prévalence est probablement inférieure à ce pourcentage pour le groupe d'âge du travailleur, qui n'est âgé que de 33 ans.
- Ministère de la Sécurité publique, 2018 QCTAT 2229.
La littérature médicale déposée par l'employeur démontre que la valeur moyenne de la variance ulnaire est de 0,9 millimètre. Une variance positive est trouvée dans 16,6 % des cas, une variance négative, dans 23,7 % des cas, et une variance neutre, dans 59,7 % des cas. Étant donné que la variance ulnaire du travailleur est de deux millimètres et qu'une variance positive est beaucoup moins fréquente qu'une variance négative ou qu'une variance neutre dans la population en général, le travailleur présente une déficience physique.
- Villa Tournesol, 2024 QCTAT 257.
La jurisprudence du Tribunal situe le seuil de prévalence en deçà de 25 % pour conclure à une déviation par rapport à la norme biomédicale.
Relation entre la déficience et la survenance et/ou les conséquences de la lésion professionnelle
La jurisprudence du Tribunal retient que la relation entre la déficience et la survenance et/ou les conséquences de la lésion professionnelle s’effectue en fonction d’un certain nombre de paramètres dont la nature et la gravité du fait accidentel, le diagnostic initial de cette lésion, l’évolution des diagnostics et de la condition du travailleur, la compatibilité entre les traitements prescrits et le diagnostic reconnu, la durée de la période de consolidation et la gravité des conséquences de la lésion professionnelle.
Aucun de ces paramètres n'est à lui seul décisif, mais pris ensemble, ils peuvent permettre d'établir ou non la relation.
Voir :
Hôpital Général de Montréal, [1999] C.L.P. 891.
Relation avec la survenance de la lésion professionnelle
Selon la jurisprudence, la relation entre la survenance de la lésion professionnelle et la déficience est basée sur l’analyse du mécanisme de production de la lésion professionnelle et de l’intensité du traumatisme alors subi.
- Groupe Royal Technologie Québec inc.,C.L.P. 316842-61-0705, 8 janvier 2008, G. Morin.
Lorsque la déficience préexistante du travailleur a contribué au mécanisme de production de sa lésion professionnelle, la détermination de la proportion dans laquelle il faut procéder à un partage d’imputation afin de tenir compte de cette interférence doit avant tout se faire en soupesant le rôle joué par la déficience dans la survenance de cette lésion eu égard à celui joué par le fait accidentel en cause. Il en est de même dans le cas d’une maladie professionnelle, eu égard à celui joué par les risques particuliers du travail. Plus la contribution de la déficience à la survenance de la lésion est significative et déterminante, moins importante sera la portion des coûts générés par la lésion que l’employeur devra supporter. À l’inverse, moins la contribution de la déficience à la survenance de la lésion est significative, plus importante sera la portion des coûts générés par la lésion que l’employeur devra assumer.
- Les Constructions L.P.G. inc., 2011 QCCLP 2843.
La sacralisation au niveau L5-S1 constitue une déficience qui dévie de la norme biomédicale. Toutefois, après analyse du mécanisme de production de l’accident, le tribunal conclut que le fait accidentel est suffisant en soi pour avoir causé une hernie discale L4-L5, en présence d’un mouvement de torsion brusque de la colonne lombaire. La déficience n’a donc pas eu d’impact sur la production de la lésion professionnelle.
- Résidence Monastère d’Aylmer 2004, 2011 QCCLP 2999.
Le fait de glisser sur une flaque d’eau et d’atterrir sur le côté de l’épaule est susceptible d’avoir causé la lésion professionnelle et la preuve est silencieuse sur le rôle qu’aurait pu jouer la condition personnelle alléguée sur la survenance de la lésion professionnelle.
- Boulangerie St-Méthode inc., 2013 QCCLP 1925.
Le travailleur, âgé de 42 ans, s’inflige une déchirure du sus-épineux de l’épaule gauche en faisant une chute au travail. Une condition de dégénérescence est reconnue à titre de déficience. En évaluant l’impact de cette déficience sur la survenance du fait accidentel, le tribunal constate que le travailleur est tombé directement sur son épaule gauche avec tout le poids de son corps, ce qui était de nature à occasionner, en soi, une déchirure du sus-épineux. La déficience n’a donc pas eu d’impact sur la production de la lésion professionnelle.
- T.A.T. Express, 2015 QCCLP 2479.
Plus la contribution de la déficience dans la survenance de la lésion est significative et déterminante, moins importante sera la portion des coûts générés par la lésion que l’employeur devra supporter. À l’inverse, moins la contribution de la déficience est significative, plus importante sera la portion des coûts générés par la lésion que l’employeur devra assumer. On ne peut donc procéder par automatisme et chaque cas doit être apprécié à son mérite. Le fait accidentel n’est pas banal. Le travailleur manipulait alors une palette dont le contenu pesait environ 2500 livres, à l’aide d’un transpalette. Même si le docteur affirme qu’aucune lésion significative n’aurait résulté de l’événement initial n’eût été l’obésité, il est aussi vrai qu’aucune lésion au genou droit ne serait survenue si cet événement n’était pas arrivé. Comme la preuve ne permet pas réellement de départager la part attribuable à la condition personnelle de celle attribuable à l’événement accidentel, le partage de coût est établi en parts égales, soit 50 % au dossier de tous les employeurs et 50 % au dossier de l’employeur.
- Manoir du Lac William inc., 2015 QCCLP 6654.
La détermination de l’impact de la déficience sur la survenance de la lésion professionnelle se fait en établissant :
1. La contribution de cette déficience au mécanisme de production de la lésion professionnelle;
2. L’importance de la contribution de cette déficience dans le mécanisme de production de la lésion professionnelle en comparaison de l’importance du fait accidentel.
- Produits forestiers D.G. ltée, 2017 QCTAT 5513.
La détermination du pourcentage de partage du coût doit se faire « en soupesant le rôle joué par la déficience dans la survenance de la lésion professionnelle par rapport à celui joué par le fait accidentel en cause ». Il va sans dire que chaque cas doit s’évaluer au mérite. Il faut donc évaluer l’impact de la déficience ou l’importance de sa contribution sur le mécanisme de production de la lésion professionnelle.
Relation par rapport aux conséquences de la lésion professionnelle
La jurisprudence considère que l’analyse de la relation entre la déficience et les conséquences de la lésion professionnelle s’effectue en vérifiant si les conséquences sont dues à la déficience ou à la lésion professionnelle elle-même. Les conséquences de la lésion professionnelle sont, entre autres : la durée de la période de consolidation, la nature des soins reçus, la présence de limitations fonctionnelles ou d’une atteinte permanente, la réadaptation et la capacité du travailleur de refaire son emploi. La durée de la période de consolidation n’est donc pas le seul critère à considérer pour évaluer la relation entre la déficience et les conséquences de la lésion professionnelle.
- 30924724 Québec inc., C.L.P. 361391-64-0810, 3 septembre 2009, D. Armand.
Dans le calcul de l’imputation des coûts, il faut tenter de départager les conséquences de la lésion professionnelle qui sont reliées directement à l’événement de celles qui sont plutôt reliées au handicap. Le pourcentage assumé par l’employeur doit refléter le rôle joué par le handicap sur la gravité ou les conséquences d’une lésion professionnelle. Plus le handicap a eu une incidence sur les conséquences d’une lésion professionnelle, moins l’employeur devrait être imputé des coûts.
- Excellence Dodge Chrysler inc.,C.L.P. 361285-71-0810, 21 octobre 2009, C. Racine.
La CSST a tort de ne s’en remettre qu'à la période de consolidation pour procéder au partage des coûts générés par ce dossier. En effet, le partage des coûts est un exercice qui ne peut uniquement reposer sur des formules mathématiques précises et uniformes. Ce partage doit tenir compte de toutes les circonstances particulières à une affaire et il doit viser à répartir équitablement les coûts, le but ultime étant que l’employeur du travailleur n’assume que ceux reliés à la lésion professionnelle et soit exempté de ceux se rattachant à un handicap préexistant. Or, les coûts ne proviennent pas seulement de l’indemnité versée durant la période de consolidation. Des coûts sont également générés par l’octroi d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles et lors du processus de réadaptation. Par conséquent, il faut non seulement vérifier si le handicap préexistant affecte la durée de la période de consolidation, mais aussi déterminer s’il a un impact sur l’apparition de la lésion professionnelle, sur l’atteinte permanente, sur les limitations fonctionnelles ou s’il influence la mise en place d’un plan individualisé de réadaptation.
- Commission scolaire English Montreal, C.L.P. 378411-61-0905, 10 novembre 2009, D. Martin.
Afin d’établir le pourcentage du coût des prestations auquel doit être imputé l’employeur, il faut considérer un ensemble de facteurs : la banalité de l’événement eu égard aux conséquences de ce dernier, la nature des soins ou traitements reçus par le travailleur, lesquels se sont échelonnés jusqu’au mois de septembre 2005, la période de consolidation qui s’avère être le 13 décembre 2005, la reconnaissance d’une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles et enfin, l’admission du travailleur en réadaptation. D’ailleurs, le travailleur s’est vu retourner en emploi dans son poste de travail, mais avec des mesures d’adaptation. Toutefois, il faut également prendre en considération que le travailleur a repris le travail en travaux légers dès le mois de février 2005. En raison de ce dernier facteur, il y a lieu de pondérer le pourcentage qui peut être accordé à l’employeur.
- Winners Merchants, 2011 QCCLP 4857.
La période de consolidation a été prolongée en raison de la déficience reconnue, notamment pour permettre de poursuivre l’investigation, et ce, bien que le médecin qui a charge ne proposait plus de traitement pour la lésion professionnelle. De plus, il est approprié de tenir compte de cette déficience dans l’attribution de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
- Le Saint Martin Hôtel et Suites, 2012 QCCLP 655.
Les symptômes au membre inférieur pour lesquels la travailleuse a été traitée semblent davantage reliés à la discopathie lombaire affectant le niveau L5-S1 qu’à l’entorse lombaire découlant de l’événement. De plus, ces symptômes ayant nécessité une investigation radiologique sont attribuables à la discopathie et non à la lésion professionnelle comme telle. L’ensemble des médecins ont retenu le diagnostic d’entorse lombaire sur une discopathie, ce qui milite en faveur de l’impact de cette déficience sur la lésion professionnelle. Enfin, les symptômes reliés à la discopathie perdurent de sorte que la période normale de consolidation attendue de 35 jours pour une entorse lombaire s’est prolongée bien au-delà.
- Bouteilles Recyclées du Québec BRQ inc., 2013 QCCLP 2440.
L’employeur doit assumer sa juste part des frais de la lésion professionnelle. Cette part doit tenir compte du fait que c’est une série d’événements survenus chez lui et impliquant une contremaîtresse et d’autres employés qui ont mené au trouble de l'adaptation reconnu à titre de lésion professionnelle. De plus, bien que le problème personnel d’anxiété reconnu à titre de handicap puisse avoir joué un certain rôle au niveau des conséquences de la lésion professionnelle, il n’en demeure pas moins que ce rôle est limité puisque la longue période de versement d’IRR s’explique aussi par tout un processus de contestation. L’impact du handicap est donc d’une gravité relative. Dans les circonstances, un partage dans une proportion de 75 % à l’ensemble des employeurs et 25 % au dossier de l’employeur apparaît justifié.
- R. Vaillancourt et Fils ltée, 2014 QCCLP 268.
L’atteinte permanente reconnue est certes reliée à la méniscectomie interne pratiquée au genou droit. Toutefois, l’attribution de limitations fonctionnelles est rendue nécessaire non seulement en raison des conséquences de la lésion professionnelle, mais également en raison des phénomènes dégénératifs évoluant depuis la blessure préexistante au genou droit du travailleur et depuis la chirurgie effectuée en 2009. La période d’indemnisation additionnelle générée par l’admissibilité en réadaptation de ce jeune travailleur doit être prise en compte dans le calcul du partage approprié dans un tel contexte.
- Manoir du Lac William inc., 2015 QCCLP 6654.
La détermination de l'impact de la déficience sur les conséquences de la lésion professionnelle en considérant l’influence de la déficience sur :
1. la durée de la période de consolidation de la lésion professionnelle;
2. l’atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle;
3. les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle;
4. toutes les autres dispositions de la loi découlant de la lésion professionnelle, notamment en ce qui concerne le processus de réadaptation.
- Ville de Gatineau, 2016 QCTAT 1970.
Dans l’évaluation du pourcentage du partage du coût des prestations, il ne faut pas seulement tenir compte de la prolongation de la durée de la consolidation, mais il faut aussi évaluer le rôle qu’a pu jouer la déficience dans la survenance ou l’apparition de la lésion professionnelle et dans toutes les autres conséquences qu’a pu entraîner cette lésion, soit le plan de soins et traitements, l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, les limitations fonctionnelles et la réadaptation.
Détermination du pourcentage de partage
Lorsque la déficience a un impact sur la survenance ou les conséquences de la lésion professionnelle, le Tribunal accorde un partage de coût des prestations à imputer au dossier de l'employeur.
- Converpro inc., C.L.P. 308709-62B-0701, 27 mars 2008, L. Couture.
Comme la preuve ne permet pas de départager la part attribuable à la condition personnelle de celle attribuable au défaut de la machine sur laquelle la travailleuse s'est blessée, le partage de coûts est établi en parts égales, soit 50 %-50 %.
- 30924724 Québec inc., C.L.P. 361391-64-0810, 3 septembre 2009, D. Armand.
Dans le calcul de l’imputation des coûts, il faut tenter de départager les conséquences de la lésion professionnelle qui sont reliées directement à l’événement de celles qui sont plutôt reliées au handicap. Lorsque la lésion professionnelle ne se serait probablement même pas produite, n’eût été l’existence du handicap, l’employeur doit supporter une proportion des coûts encore moins élevée.
- Groupe Prodem, 2011 QCCLP 743.
La lecture des décisions qui se prononcent sur le pourcentage du coût à imputer au dossier de l’employeur permet de faire différentes constatations :
1- lorsque le handicap est très sérieux et/ou les conséquences très importantes, un partage de 1 % - 99 % est accordé;
2- lorsque l’apparition de la lésion professionnelle relève entièrement du handicap, un partage total de 0 % - 100 % est accordé;
3- lorsque le handicap entraîne une prolongation de la période de consolidation, un partage proportionnel est accordé jusqu’à concurrence de 10 % - 90 %;
4- lorsque d’autres conséquences s’ajoutent à la prolongation de la période de consolidation, un partage de l’ordre de 5 % - 95 % est accordé.
- Entreprise de construction TEQ inc., 2018 QCTAT 4598.
L’affaire Groupe Prodem, n’est pas liante pour un autre juge de ce même Tribunal. Certes, il existe un argument de cohérence, mais un juge du Tribunal n’est pas tenu à la règle du stare decisis à l’égard de décisions émanant du même Tribunal, mais seulement à l’égard de décisions rendues par les tribunaux supérieurs. D’ailleurs, il est inexact de soutenir que la jurisprudence subséquente à l’affaire Groupe Prodem est unanime à établir qu’un employeur a droit à un partage de coûts 0 % - 100 % dès lors qu’une lésion professionnelle est entièrement attribuable à une déficience, comme si cette décision ne laissait place à aucune argumentation ou interprétation contraire. Le défaut de TAT-1 d’avoir référé et discuté des principes retenus dans l’affaire Groupe Prodem n’est clairement pas déterminant et au surplus, il ne peut être dit que cette décision, bien que fréquemment suivie, ne laisse place à aucune interprétation de la part d’un juge saisi d’une demande de partage de coûts où il est allégué qu’une lésion professionnelle ne serait attribuable qu’au seul handicap dont est porteur un travailleur.
Voir également :
Industries Canatal inc., 2016 QCTAT 4581.
Partage à 100 %
La jurisprudence reconnaît que le partage total ou à 100 % est possible lorsque la déficience est la seule responsable de l’événement ayant causé l’accident du travail.
- Cummins Est du Canada inc.,C.L.P. 225380-71-0401, 12 octobre 2004, C. Racine.
Même si l’article 329 permet un « partage » aussi radical, cette possibilité vise des situations exceptionnelles qui ne correspondent pas à ce qui est retrouvé dans le présent dossier. En effet, pour retirer tous les coûts reliés à une lésion professionnelle du dossier d’expérience d’un employeur, il faut être convaincu que ce dernier ne doit pas supporter même une infime partie de ceux-ci. Il faut presque être devant une situation où le travail qu'il confie au travailleur n’a rien à voir avec la lésion professionnelle subie par ce dernier.
- Transport Lyon inc.,C.L.P. 336087-62-0712, 23 août 2010, L. Couture.
Sans le malaise cardiaque préalable, l’accident de la route ne serait pas survenu et, par conséquent, les traumatismes à la colonne et aux côtes ne seraient pas survenus également. On peut donc conclure que le handicap a joué un rôle prépondérant dans la survenance de la lésion professionnelle. L’employeur a donc droit à un partage du coût des prestations de l’ordre de 100 % aux employeurs de toutes les unités.
- St-Jérôme Chevrolet Buick GMC inc., 2011 QCCLP 4911.
Sans la condition personnelle du travailleur ayant induite le phénomène syncopal provoquant l’accident de la route, la lésion professionnelle ne serait pas survenue ni les conséquences qui ont suivi, à savoir, le traumatisme craniocérébral, la récidive de hernie inguinale et les problèmes au membre inférieur gauche. L’accident subi par le travailleur est uniquement attribuable à sa condition personnelle qui s’est manifestée par hasard au travail sans être attribuable d’aucune façon à l’employeur, son entreprise et aux risques économiques assurés. Dans de telles circonstances exceptionnelles, un partage total d’imputation des coûts est justifié.
Voir également :
CORUS S.E.C., [2004] C.L.P. 1267.
Résidence La Rosière, C.L.P. 333590-62-0711, 22 mai 2009, L. Boudreault.
Services TJPP inc., 2011 QCCLP 96.
Réno-Dépôt inc., 2016 QCTAT 5382.
Nadeau, 2016 QCTAT 6285.
Partage à 99 %
Pour la jurisprudence du Tribunal, le partage à 99 % sera accordé dans les cas où la déficience est très importante et a entraîné de lourdes conséquences allant jusqu’à l’impossibilité de déterminer un emploi convenable, ce qui donne droit à l’IRR jusqu’à l’âge de 68 ans.
- Plomberie Roland Gauthier,C.L.P. 324659-62C-0708, 3 octobre 2008, D. Lévesque.
Le travailleur est atteint depuis plusieurs années d’un handicap, la sclérose en plaques, et est très symptomatique avant l’événement. Il ressent alors des problèmes d’équilibre qui ont eu un impact sur la survenance de l’événement, une chute, laquelle entraîne une commotion cérébrale et une entorse lombaire. Le tribunal retient les conséquences importantes de l’impact du handicap sur la lésion professionnelle : la durée de la période de consolidation d’environ neuf mois pour la commotion cérébrale et d’environ 11 mois pour l’entorse lombaire, l’atteinte permanente de 9,20 %, les limitations fonctionnelles, le fait que le travailleur ne puisse plus exercer son emploi et qu’aucun autre emploi ne puisse être déterminé, les médecins ne pouvant d’ailleurs à ce stade dissocier les symptômes de la sclérose en plaques de ceux propres à l’accident. Dans un tel contexte, le tribunal accorde un partage de coûts de l’ordre de 1 % au dossier financier de l’employeur et de 99 % aux employeurs de toutes les unités.
- Thermofin,C.L.P. 365077-62C-0812, 22 septembre 2009, C. Burdett.
L’invalidité et l’incapacité de retour au travail découlant de la lésion militent en faveur d’un pourcentage de 1 % d’imputation au dossier de l'employeur. Il s’agit d’un partage de coûts conforme à la présence de l’importante déficience présentée par le travailleur et du rôle de ces déficiences dans l’ensemble des conséquences résultant de l’événement banal du 13 mars 2004. Le tout considérant l’influence de la condition personnelle préexistante sur la survenance de la lésion, considérant la présence d’un antécédent pour un même diagnostic et considérant les conséquences importantes découlant de la lésion professionnelle sur la période de consolidation, l’atteinte permanente, les limitations fonctionnelles et l’incapacité pour le travailleur de refaire un emploi.
- Produits industriels de haute température Pyrotek inc., 2017 QCTAT 2073.
La déficience au poignet gauche, soit une ancienne fracture, une pseudarthrose de la styloïde cubitale, une variance ulnaire qui a entraîné une déformation et une déchirure du ligament triangulaire, n’a pas eu d’impact sur la survenance de la lésion professionnelle. Cependant, les conséquences sont importantes. La prolongation de la période de consolidation permet à l’employeur d’obtenir une imputation des coûts de 5 %. En effet, la durée moyenne de consolidation d’une entorse au poignet est de 35 jours alors que la période de consolidation de la lésion professionnelle a été de 1083 jours. La lésion professionnelle a aussi entraîné d’autres conséquences, dont deux interventions chirurgicales au poignet, une atteinte permanente de 10,25 % et des limitations fonctionnelles. Le tribunal impute 1 % des coûts à l’employeur.
- Camions Freightliner Drummond inc., 2018 QCTAT 279.
L’employeur demande de déclarer qu’il devrait être imputé uniquement de 1 % du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle subie par le travailleur et que 99 % devrait être assumé par l’ensemble des employeurs. Le présent Tribunal considère qu’il ne peut faire droit en totalité à la demande de l’employeur puisqu’un tel partage doit être réservé à des cas tout à fait exceptionnels, par exemple, lorsque les limitations fonctionnelles sont à ce point sévères qu’elles empêchent un travailleur de réintégrer le marché du travail et qu’il recevra une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il ait atteint 68 ans.
La jurisprudence considère que l’imputation de 1 % du coût se fait dans des circonstances exceptionnelles. En effet, le Tribunal doit tenir compte de la contribution du travail dans la survenance de la lésion professionnelle et s’assurer que des coûts soient imputés au dossier de l’employeur.
- Ministère des Transports du Québec - Direction Île de Montréal, 2013 QCCLP 7275.
Le tribunal ne retient pas le partage proposé par la représentante de l’employeur, soit 1 % pour le dossier de l’employeur et 99 % à l’ensemble des employeurs, parce que si une condition personnelle a été reconnue en l’espèce, cela n’exclut pas que le travail fait chez l’employeur a joué un rôle dans la survenance des lésions. Une chute est survenue dans les circonstances décrites. Or, en acceptant de n’imputer que 1 % des coûts au dossier de l’employeur, le rôle joué par le travail sur la survenance de la lésion professionnelle serait somme toute occulté, ce qui ne correspond pas à la situation réelle du dossier. Également, ce serait faire fi de l’intention du législateur quand il prévoit à l’article 326 que c’est l’employeur chez lequel la lésion professionnelle est survenue qui doit en assumer les coûts. Ainsi, malgré la reconnaissance d’une condition personnelle, il est juste que l’employeur assume 5 % des coûts liés à la lésion professionnelle.
- Résidence St-Philippe, 2017 QCTAT 2101.
Le Tribunal considère qu’il ne faut pas oublier que l’article 329 de la loi permet un partage des coûts des prestations. Le terme « partage » est différent du terme « transfert » utilisé à l’article 326 de la loi. Si le législateur a utilisé ce terme, c’est qu’il considérait que des coûts doivent demeurer imputés à l’employeur à la suite d’un partage. Un partage, où l’employeur serait imputé de moins de 5 % des coûts, devrait également être accordé de façon exceptionnelle puisqu’il ne faut pas qu’un partage de coûts ait le même résultat qu’une contestation de l’admissibilité même de la lésion professionnelle.
Voir également :
Université McGill, 2012 QCCLP 4368.
Contestation uniquement du pourcentage
Deux approches se dégagent de la jurisprudence quant à l'examen de la seule question du pourcentage lorsque l'employeur ne conteste que ce volet de la décision de la Commission.
Selon une première approche, le Tribunal a le pouvoir de remettre en cause tous les sujets traités dans la décision portant sur l’article 329, bien que l’employeur ne conteste que le pourcentage du partage de coûts accordé.
- Transport V. A. inc.,C.L.P. 332852-03B-0711, 3 juin 2008, J.-F. Clément.
Le tribunal n’est aucunement lié par le fait que la CSST ait reconnu l’existence d’un handicap. Comme l’employeur a contesté la décision de la CSST, le présent tribunal doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu, en vertu de l’article 377. Le tribunal est donc saisi de la question de savoir si l’employeur a droit ou non à un partage d’imputation, sujet dans lequel est inclus celui du pourcentage à attribuer. L’existence d’une déficience, sa présence antérieure à la lésion, la déviation par rapport à une norme biomédicale, le lien entre le handicap et la lésion et le pourcentage à octroyer sont donc tous des éléments intrinsèquement présents dans une décision rendue concernant l’article 329. En conséquence, lorsque la CLP est saisie d’une contestation en cette matière, elle est saisie de tous ces sujets et doit rendre la décision qui aurait dû être rendue à leur égard. Elle n’est donc nullement liée par ce que la CSST a décidé quant à l’une ou l’autre des composantes de la notion de travailleur déjà handicapé.
- Entreprises Lanoix & Larouche,2011 QCCLP 317 (décision sur requête en révision).
L’employeur plaide au soutien de sa requête en révision que la présence d’un handicap déviant de la norme biomédicale a été réglée par la CSST et que devant la CLP, seul le litige relatif à la proportion du partage de coûts devait être traité. Au contraire, l’identification du handicap est une question préalable et intrinsèquement liée à la détermination du partage de coûts. Par conséquent, il appartenait à l’employeur de présenter une preuve complète au soutien de sa contestation.
Suivi :
Requête en révision judiciaire rejetée, 2013 QCCS 4058.
- Banque de Nouvelle-Écosse,2013 QCCLP 2249.
Le tribunal peut, en vertu des pouvoirs qu’il possède, revoir la notion de handicap telle que décidée par la CSST puisque cette notion s’avère la clé de voûte de l’application de l’article 329. Or, en demandant au tribunal de lui accorder les bénéfices de cette disposition, l’employeur doit s’attendre à ce que le tribunal exerce pleinement sa compétence en analysant chacun des critères d’application de cet article, dont celui de handicap.
- Pavillon de la Doré,2013 QCCLP 5447.
La contestation par l’employeur d’une décision rendue en matière d’imputation, selon l’article 329, remet en question tous les sujets relatifs à cette question et non pas seulement ceux soulevés par l’employeur. Bien que le tribunal doive s’en tenir au litige mû devant lui et ne puisse pas se saisir de questions étrangères audit litige, lorsqu’il est question d’un partage d’imputation selon l’article 329, il peut se saisir de l’ensemble de cette question et non seulement d’un ou l’autre de ses aspects sous-jacents.
- Salaison Alpha ltée, 2017 QCTAT 209.
Bien que l’employeur ne conteste que le pourcentage d’imputation accordé par la Commission, le Tribunal considère qu’il possède les pouvoirs de revoir si le travailleur présente bel et bien un handicap avant de décider si l’employeur a droit à un partage d’imputation et, le cas échéant, de quel ordre. En effet, le Tribunal procède de novo et possède tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence pour rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.
- Centre d'hébergement St-François inc., 2018 QCTAT 1028.
Bien que l'employeur conteste seulement le pourcentage accordé, cela n'a pas pour effet de lier le Tribunal qui exerce son pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue selon l'article 9 paragraphe 4 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, soit celui. En effet, l'employeur doit savoir que le tribunal peut se saisir de tous les aspects de la notion de travailleur déjà handicapé en vertu de l'article 329 et non seulement de celle du pourcentage qui doit être attribué. Le Tribunal peut remettre en cause la décision de la CNESST dans sa totalité.
- Excavation Gabriel Gravel inc., 2022 QCTAT 4235.
La Commission reconnaît l’existence d’une déficience et impute à l’employeur 15 % du coût des prestations. L'employeur renonce à la tenue d’une audience mais précise que sa demande ne porte que sur le pourcentage accordé. Il demande ainsi au Tribunal de le contacter s'il envisage de se prononcer sur l’existence d’une déficience. Or, le droit d’être entendu ne s’exerce pas sous condition résolutoire. L’exercice du délibéré ne peut être dicté par une partie qui mettrait en garde l’adjudicateur d’emprunter telle ou telle voie de réflexion sans l’avertir afin qu’il puisse gommer sa preuve alors qu’il sait que le Tribunal peut emprunter différentes avenues pour décider du litige. En l'espèce, l’employeur connaît le courant jurisprudentiel voulant que le Tribunal puisse se pencher sur l’existence d’une déficience même lorsque l’employeur ne conteste que le pourcentage accordé. Le Tribunal déterminera donc s’il y a une déficience pour décider si l’employeur a droit à un partage.
Selon une deuxième approche, le Tribunal peut se saisir uniquement de la question du partage, certains décideurs soulignant qu'il s'agit de la seule question en litige contestée par l'employeur.
- Automobiles E. Lauzon inc.,C.L.P. 350211-63-0806, 23 juin 2009, M.-C. Gagnon.
La CSST reconnaît que le travailleur était porteur d’un handicap, soit une dégénérescence L4-L5 et L5-S1 qui dévie de la norme biomédicale pour une personne du groupe d’âge du travailleur. Il n’y a donc aucun débat à faire sur cette question.
- Marché Clément des Forges inc.,2011 QCCLP 764.
Le tribunal n’entend pas se prononcer sur l’existence antérieure du handicap dont est porteuse la travailleuse, ce qui n’est pas remis en cause ici. La CSST l’a elle-même reconnue dans le cadre de son analyse du 30 juillet 2010, lors de la demande de partage initiale présentée par l'employeur. Seule la proportion des coûts de la lésion professionnelle du 1er septembre 2008 imputée à l’employeur est en litige.
- Cantor Cash’N Carry,2011 QCCLP 8081.
Le tribunal constate que la seule question qui demeure litigieuse réside dans la détermination de la proportion des coûts devant être imputés puisque la CSST reconnaît la présence d’un handicap préexistant.
- Auberge aux Trois Pignons inc.,2012 QCCLP 5614.
La question de l’existence d’une déficience n’est aucunement remise en cause puisque celle-ci fut reconnue par la CSST dans sa décision initiale de même qu'à la suite d'une révision administrative.
- Les Automobiles St-François inc., 2014 QCCLP 255.
La reconnaissance d’un handicap préexistant chez le travailleur ne sera pas remise en cause, puisque l’objet du litige ne se limite qu’à déterminer si le partage devrait être plus élevé.
- Auto Mirage Collision, 2024 QCTAT 1091.
La reconnaissance d’un handicap préexistant et l’établissement du pourcentage à attribuer sont des questions distinctes et dissociables. Le pourcentage des coûts à imputer n’est pas un élément constitutif de la notion de handicap préexistant ni une condition d’application de l’article 329 de la Loi, il en constitue plutôt son accessoire, sa résultante. Dès lors, un employeur peut limiter sa contestation à la proportion du partage qui lui a été octroyée s’il estime être lésé uniquement sur ce volet de la décision d’imputation. Dans un tel cas, le Tribunal ne peut remettre en cause l’existence et la nature du handicap préexistant reconnu, puisque cela ne fait pas partie de l’objet du litige.
Régime de financement
Le pourcentage du partage de coûts ne peut être déterminé en fonction du régime de financement auquel est assujetti l’employeur ou de l’impact de l’imputation du coût des prestations sur le calcul des cotisations futures de l’employeur.
- Carminex inc. et Groupe Fuller Landau inc., syndic,2011 QCCLP 4623.
Un partage de coûts n'a pas à être accordé en fonction de l’impact des conséquences d’une lésion professionnelle sur le calcul des cotisations futures de l’employeur selon le type de régime auquel il est assujetti. Le choix de l’employeur du régime de cotisation auquel il désire être assujetti ou le caractère obligatoire de celui imposé par la loi ne peuvent constituer un critère à considérer lors de l’établissement du partage d’imputation. Si le législateur avait voulu qu’un partage d’imputation particulier soit accordé en fonction du type de régime de cotisation imposé ou choisi par l’employeur, il l’aurait précisé à la loi.
- Hyundai de Mascouche,2016 QCTAT 59.
L’employeur soumet que CLP-1 a commis une erreur de droit dans l’établissement du pourcentage d’imputation qu’il doit assumer, puisqu'il ne tient pas compte du régime de financement auquel est assujetti l’employeur et le pourcentage attribué n’a que peu d’effet sur sa cotisation. Or, le Tribunal estime que rien dans la loi ou dans la jurisprudence ne l’oblige à prendre en compte le régime financier auquel est assujetti l’employeur pour déterminer le partage d’imputation auquel il droit.
Voir également :
Xebec inc., C.L.P. 212200-64-0307, 24 février 2005, R. Daniel.
Transport Lyon inc., 2013 QCCLP 5801.
Valeur probante de la preuve
Connaissance d'office
L'existence d'une déficience ne relève pas de la connaissance d'office du Tribunal.
- Wal-Mart Canada,2011 QCCLP 3795.
Le tribunal précise que de façon générale, l’établissement d’une déficience ne relève pas de sa connaissance d’office. La spécialisation du tribunal le rend certes habile pour apprécier la preuve à caractère médical requise pour démontrer le handicap, mais ne lui permet pas de suppléer à une absence de preuve.
- Hôme Dépôt, 2013 QCCLP 3023.
L'existence d'une déficience ne relève pas de la connaissance d'office du tribunal, même si, par sa spécialisation, celui-ci est certes habile à apprécier une preuve à caractère médical visant à démontrer l'existence d'un handicap.
- Wal-Mart Canada, 2013 QCCLP 6481.
La démonstration d'une déficience et d'une norme biomédicale ne se présume pas et ne relève pas non plus de la connaissance d'office du tribunal.
- Industries de câbles d’acier ltée (Les), 2015 QCCLP 5835.
La démonstration d'une déficience et d'une norme biomédicale ne se présume pas et ne relève pas non plus de la connaissance d'office du tribunal. Si le tribunal dispose d’une certaine connaissance d’office, cette connaissance ne lui permet pas d’inférer que la lésion professionnelle n’a pas causé l’image de hernie discale retrouvée à l’IRM ou qu’elle n'a pas contribué au phénomène de sténose foraminale observée.
- Construction Stéphane Truchon inc., 2017 QCTAT 4927.
Il est bien établi que l’existence d’une déficience ne relève pas de la connaissance d’office du Tribunal. Le présent Tribunal est certes habile pour apprécier la preuve médicale traitant du caractère hors norme d’une condition, mais sa spécialisation ne lui permet pas de suppléer à une absence de preuve et encore moins à spéculer ou interpréter le sens à donner au résultat d’un examen radiologique. La norme biomédicale n’est pas établie par la jurisprudence, mais plutôt par la preuve médicale qu’il apprécie selon chaque cas.
Voir également :
Arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, C.L.P. 341999-64-0802, 25 mai 2010, M. Montplaisir.
St-Léonard Nissan, 2014 QCCLP 4234.
Groupe Hexagone, 2018 QCTAT 716.
Centre hébergement groupe-Santé Arbec, 2019 QCTAT 2007.
Agrivert coopérative agricole régionale, 2020 QCTAT 2595.
Centre de services scolaire de Montréal, 2021 QCTAT 885.
Ferblanterie Ouellet (Québec) inc., 2023 QCTAT 1623.
Preuve médicale
Argumentation
La jurisprudence retient qu'une partie ne peut pallier au manque de preuve médicale par une argumentation.
- Ville de Québec,C.L.P. 339391-31-0802, 29 juillet 2008, J.-L. Rivard.
L’employeur ne fait que soumettre des allégations par le biais de son représentant dans le cadre d’une argumentation écrite. Le représentant n’est pas médecin et les arguments soumis ne constituent aucunement une preuve médicale.
Les représentants ne peuvent, sans avis médicaux à cet effet, spéculer à partir des informations médicales apparaissant au dossier afin d’échafauder une théorie visant à soutenir une demande de partage de coûts.
- Placement Potentiel inc.,C.L.P. 347292-61-0805, 11 juin 2009, S. Di Pasquale.
Une affirmation du représentant de l’employeur ne constitue pas une preuve. Il n’y a aucune opinion médicale dans ce dossier portant sur la présence d’une déficience physique avant la lésion professionnelle. Le tribunal ne peut, à la simple lecture du protocole opératoire, conclure que l’ostéoarthrose grade I notée sur une petite région ou que la déchirure du ménisque interne, bien que qualifiée par le chirurgien de « chronique et dégénérative », correspond à une déviation par rapport à la norme biomédicale, pour un homme dans la quarantaine.
- H.V.A.C. inc.,2011 QCCLP 2348.
Une argumentation ne peut aucunement tenir lieu et place d’une expertise médicale.
- Services Matrec inc.,2012 QCCLP 4656.
Une argumentation doit se baser sur des faits mis en preuve et le droit. Le représentant de l’employeur ne peut se servir d’extraits d’une doctrine médicale pour argumenter en tant que témoin expert sur les diagnostics, les explications sur les mécanismes de production et l’évolution dégénérative en relation avec la survenance d’une lésion professionnelle ou son rôle dans les conséquences de celle-ci. C’est à l’expert d’expliquer la condition personnelle, son importance et son impact sur la lésion professionnelle. C’est aussi son rôle de diriger le tribunal vers les extraits pertinents de la doctrine médicale. Les arguments du représentant de l’employeur, quant aux extraits soumis, sont du ressort du témoin expert. Il est maintenant reconnu dans notre jurisprudence qu’une argumentation ne peut pallier au manque de preuve médicale. Ainsi, une argumentation ne peut aucunement tenir lieu et place d’une expertise médicale quant au rôle d’une condition personnelle sur la survenance ou sur les conséquences d’une lésion professionnelle.
- Laval Fortin Adams, 2013 QCCLP 7125.
Une argumentation doit se baser sur les faits mis en preuve et le droit. L'employeur ne peut se servir d'extraits de doctrine médicale pour argumenter en tant que témoin expert sur les diagnostics et sur l'influence du tabagisme sur le processus dégénératif et son rôle dans la survenance de la lésion professionnelle. Par ailleurs, il est reconnu par la jurisprudence qu'une argumentation écrite ne peut pallier le manque de preuve médicale et qu'une telle argumentation ne peut tenir lieu d'expertise médicale.
Jurisprudence
Selon la jurisprudence du Tribunal, une partie ne peut introduire par le biais d’une jurisprudence une preuve médicale faite dans un autre dossier.
- Grues P.G. inc. (Les),C.L.P. 406410-01A-1003, 14 septembre 2010, M. Séguin.
Le tribunal considère qu’il ne peut s’appuyer sur les décisions citées par la représentante de l’employeur sur le critère de la déviation par rapport à la norme biomédicale pour tirer une telle conclusion dans le cas sous étude. La jurisprudence ne peut constituer une preuve.
- CSSS de Rivière-du-Loup,C.L.P. 410138-01A-1005, 4 novembre 2010, M. Allard.
L’opinion médicale sur les effets de l’obésité contenue dans une décision de la CLP ne peut être importée dans le présent dossier pour suppléer à la preuve que l’employeur devait faire.
- Soucy International inc.,2011 QCCLP 1911.
Il ne suffit pas de se référer à l’opinion donnée par un médecin dans une autre affaire débattue devant le même tribunal pour constituer une preuve de l’existence d’un handicap dans le cas sous étude, et ce, même s’il s’agit du même médecin dans les deux cas.
- CSSS Lac-des-Deux-Montagnes,2012 QCCLP 7843.
Une simple référence à une décision du tribunal ne peut satisfaire le fardeau de preuve requis. En effet, le tribunal n’est pas autorisé à importer des assertions médicales ou encore de la preuve soumise dans un autre dossier, puis rapportées, dans une décision, à moins que le sujet en cause fasse manifestement consensus dans la communauté médicale et que, de ce fait, le principe concerné fasse partie de la connaissance d’office du tribunal spécialisé qu’est la CLP.
- Randstad Interim inc., 2018 QCTAT 372.
L'employeur réfère à l’opinion d’un médecin contenue dans une décision antérieure du Tribunal. La jurisprudence du Tribunal indique depuis longtemps qu’il n’est pas permis d’importer de la preuve au dossier en provenance d’une telle source et qu’il s’agit d’une preuve extrinsèque inadmissible.
- Groupe Hexagone S.E.C, 2018 QCTAT 716.
L'employeur ne peut utiliser la preuve faite dans un autre dossier et se fonder sur des extraits de jurisprudence pour démontrer l'existence d'une déficience. Il est hasardeux de s'appuyer sur la jurisprudence pour démontrer quels sont les facteurs de risques d'une pathologie donnée. Cette question est en effet d'ordre médical ou scientifique et non d'ordre juridique. C'est pourquoi, à moins d'invoquer la connaissance d'office du Tribunal qui est limitée à la connaissance de faits scientifiques généralement admis et non contestés, la jurisprudence ne peut combler les lacunes d'une preuve médicale qui n'a pas été faite. En outre, l'établissement de l'existence d'une déficience ne relève pas de la connaissance d'office du Tribunal.
Toutefois, plusieurs juges se réfèrent à de la jurisprudence, à titre comparatif, pour conclure ou non à la présence d’une déficience qui dévie de la norme biomédicale.
- Commission scolaire de Laval,2012 QCCLP 7706.
La dégénérescence discale dont la travailleuse est porteuse s’écarte de la norme biomédicale étant donné l’âge de cette dernière, soit 47 ans. Dans une décision rendue en 2005, le tribunal s’appuie sur les conclusions retenues dans différentes décisions de la CLP pour conclure à une déficience qui dévie de la norme biomédicale chez un travailleur dans la quarantaine et porteur d’une dégénérescence multiétagée. Or, les faits dans cette affaire sont similaires à ceux du présent dossier.
Voir également :
Cité Rive inc., C.L.P. 366685-71-0812, 1er décembre 2009, M. Racine.
Carrosserie Saint-Raymond inc., C.L.P. 377357-31-0905, 12 janvier 2010, J.-L. Rivard.
Bois Ouvrés Waterville inc., C.L.P. 396553-05-0912, 23 septembre 2010, F. Ranger.
Résidence Berthiaume-Du Tremblay, 2011 QCCLP 1330.
Cégep de St-Jérôme, 2011 QCCLP 3178.
Littérature médicale
La jurisprudence souligne que le Tribunal doit apprécier la valeur probante de la littérature médicale déposée en preuve en tenant compte de sa pertinence, de l’existence d’un consensus scientifique sur la question et du lien entre les faits en litige et la littérature médicale.
- TD Canada Trust, 2011 QCCLP 1769.
L’employeur dépose un extrait provenant de Wikipédia sur le malaise vagal. Le tribunal a des réserves sur la valeur probante de cette documentation. Wikipédia se décrit comme une encyclopédie libre créée et éditée bénévolement par des contributeurs anonymes. On ignore qui est l’auteur de l’extrait produit et notamment s’il s’agit d’un médecin.
- Brasserie Labatt ltée, 2012 QCCLP 4474.
Il ne suffit pas pour un employeur de produire des extraits de littérature médicale. Encore faut-il en expliquer leur pertinence en fonction des questions en litige, à défaut de quoi, le tribunal ne se sent nullement obligé d'analyser en profondeur cette preuve surtout dans un contexte où elle n’apparaît d’aucune utilité.
- Centre de réadaptation Marie-Enfant de Ste-Justine, 2012 QCCLP 6447.
L’expert de l’employeur accompagne son opinion médicale de nombreux résumés d’articles à caractère scientifique. Pour que le tribunal accorde une quelconque valeur probante à la littérature médicale déposée en preuve, encore faut-il que celle-ci soit pertinente, qu’elle reflète un certain consensus au sein de la communauté scientifique et que celui qui la dépose établisse des ponts entre les enseignements de ces articles et les faits et les questions juridiques soulevés par le litige.
- Cégep régional de Lanaudière, 2013 QCCLP 1199.
La CLP n'accorde pas de valeur probante à un extrait de site Internet passeportesanté.net concernant l'indice de masse corporelle pour mesurer l'obésité, notamment parce que les données sont basées sur « la moyenne des répondants depuis 30 jours », ce qui, à première vue, ne semble pas une mesure fiable.
- Pavillon Hôpital Royal Victoria, 2015 QCCLP 11.
Les écrits ayant un contenu médical ne possèdent pas tous la même valeur probante dans le contexte où ils doivent éclairer le tribunal sur une question médicale particulière. La valeur probante d'un article scientifique repose notamment sur les éléments suivants : la notoriété de l'auteur, le fait que l'article ait fait l'objet d'une révision par les pairs, le fait que la revue dans laquelle il est publié soit reconnue et le fait que la thèse avancée soit l'objet d'un consensus au sein de la communauté scientifique. De plus, si l'article porte sur une étude, la méthodologie de celle-ci doit être rapportée, exposée et réputée scientifiquement fondée. Si un article porte sur la recension de plusieurs études relativement à une question précise, il doit contenir la référence à ces études. Par ailleurs, un résumé ou des extraits d'un article pris sur Internet, sans références, devraient être écartés au stade même de la recevabilité de la preuve.
- Groupe Fordia inc., 2016 QCTAT 5304.
En ce qui a trait à la documentation médicale sur laquelle s'appuie le médecin de l'employeur, le Tribunal constate que six articles de doctrine médicale sont cités, mais qu'ils ne sont pas déposés dans leur intégralité, à l'exception d'un seul. Or, pour permettre la bonne compréhension de la doctrine médicale, il est préférable de déposer les articles dans leur intégralité. Par ailleurs, le médecin de l'employeur cite certains extraits de ces articles dans son rapport d'analyse sans toutefois expliquer la pertinence de ces passages et, à la fin de son rapport, fait référence à trois reprises à « la littérature médicale » sans préciser à quel article il fait allusion. Il est préférable que le professionnel de la santé établisse le parallèle entre les extraits de doctrine médicale auxquels il fait référence et les conclusions tirées.
- Résidence Da-Mie inc., 2017 QCTAT 3131.
Certaines observations s'imposent relativement à l'opinion médicale déposée par le médecin de l'employeur. Celui-ci a préparé un document de près de 60 pages comportant une partie qu'il a rédigée à l'aide de collages de certains passages du dossier et d'extraits de littérature médicale. Le reste du document est composé de résumés d'articles avec les commentaires du médecin, sans qu'aucune ligne directrice soit mise en évidence. D'autres articles de littérature médicale sont aussi produits en annexe. La quantité de documentation qui est soumise au Tribunal est disproportionnée par rapport à la nature de l'affaire. La concision et la pertinence sont des éléments importants à prendre en considération par l'employeur et ses mandataires au moment de faire valoir leurs prétentions, et il appartient à la partie demanderesse de bien cibler les éléments à prouver et de faire preuve de modération. En effet, une preuve inutilement laborieuse ne saurait imposer au juge saisi d'une contestation de rechercher les éléments favorables qui y sont dissimulés et surtout, elle ne sert pas les intérêts de la justice. Par conséquent, le Tribunal ne tiendra pas compte d'une grande partie de la preuve médicale produite lorsqu'elle sera redondante ou non pertinente.
Valeur probante de l’opinion de l’expert de l’employeur
La jurisprudence considère que l’opinion non contredite du médecin expert de l’employeur peut suffire pour conclure à une déficience dans la mesure où cette opinion est probante.
- Richard Pelletier & Fils inc.,C.L.P. 406936-01A-1003, 12 octobre 2010, R. Arseneau.
L'opinion non contredite exprimée par l’expert de l’employeur à l’effet que la présence d’ostéophytose est hors norme pour une personne de 55 ans, est retenue.
- Storex Industries Corporation,2011 QCCLP 3063.
Sur la base de l’opinion non contredite de l’expert de l’employeur, le tribunal retient que le travailleur était porteur d’un handicap, à savoir une dégénérescence multiforme affectant plusieurs compartiments du genou droit, ce qui est hors norme pour un homme de 51 ans. D’autres décideurs exigent une corroboration de l’opinion de l’expert de l’employeur.
- Société du groupe d’embouteillage Pepsi Canada,2012 QCCLP 3930 (décision sur requête en révision).
L’opinion émise par l’expert de l’employeur en soulignant que son avis ne repose pas sur la preuve factuelle n'est pas retenue. De plus, le tribunal rappelle sa politique en regard des attentes relatives au rapport d’expertise selon laquelle un expert doit énoncer les références sur lesquelles il s’appuie pour conclure et doit motiver ses conclusions.
- Lussier Pontiac Buick GMC ltée, 2012 QCCLP 6368 (décision accueillant la requête en révision).
Le tribunal, siégeant en révision, rappelle qu’il ne peut se soustraire à son obligation de procéder à l’analyse de la preuve livrée par l’expert, de la soupeser, de la retenir ou de l’écarter, sous prétexte qu’elle n’est pas accompagnée de littérature médicale ou d’études épidémiologiques.
Ainsi, contrairement au témoin ordinaire qui doit s’en tenir à rapporter des faits dont il a une connaissance personnelle, l’expert est autorisé à énoncer une opinion sur tout fait pertinent au litige dans son domaine d’expertise. Son opinion ne constitue dès lors pas une simple allégation, mais au contraire, un élément de preuve. La valeur probante de l’opinion de l’expert doit cependant être soupesée à la lumière de certains critères, dont son impartialité, son indépendance et son autonomie professionnelle, la qualité de son travail, la conformité de son opinion avec les faits prouvés, sa rigueur scientifique, etc.
La littérature médicale et les études épidémiologiques sont des éléments susceptibles d’accroître la valeur probante d’une opinion médicale, mais elles ne sont, ni l’une ni les autres, des prérequis à la prise en considération de l’opinion exprimée par l’expert. La valeur de cette dernière doit être appréciée en elle-même, que des documents aient été déposés à son soutien ou non.
- Centre de santé et de services sociaux-Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke c. Commission des lésions professionnelles,2014 QCCS 921 (jugement accueillant la requête en révision judiciaire).
Bien que l'étiologie du syndrome douloureux régional complexe (SDRC) ne soit pas parfaitement connue, cela ne signifie pas qu'il faille attendre qu'elle soit connue, dans quelques années ou dans quelques décennies, pour accueillir les demandes d'employeurs dans un cas semblable à celui en l'espèce. Le juge administratif écrit que des études statistiques « semblent établir une association entre les migraines et le risque de développer un SDRC ». Il ajoute que le docteur Léger reconnaît que ces études sont incapables d’expliquer pourquoi « les migraines peuvent être associées au SDRC ». Le fait qu’on ne peut s’expliquer le pourquoi ne constitue pas un obstacle à la reconnaissance de l’existence de la déficience. L'employeur a présenté une preuve prépondérante d'une déficience préexistante qui a eu une influence sur les conséquences de la lésion professionnelle. Il a franchi la barre du 50 % et cela suffisait.
Toutefois, selon la jurisprudence, il est difficile d'inférer de la seule affirmation par un médecin, sans aucune explication, qu'une condition dévie par rapport à la norme.
- Pelletier c. Commission des lésions professionnelles, [2002] C.L.P. 207 (C.S.).
L’appréciation du témoignage d’un expert médical est au cœur de la compétence de la C.L.P. Une preuve médicale peut être contredite ou nuancée par autre chose qu’une autre preuve médicale. Elle peut l’être par les faits mis en preuve qui peuvent venir corroborer, nuancer ou encore contredire l’opinion de l’expert. S’il fallait conclure, chaque fois qu’un tribunal ne retient pas l’opinion d’un expert, que c’est parce qu’il se fonde nécessairement sur une autre opinion d’expert, cela aurait pour effet de forcer les tribunaux à retenir dans tous les cas, une preuve d’expert unique qui lui serait présentée. Or, comme on le sait, un tribunal n’est jamais tenu de retenir l’opinion d’un expert, fut-elle non contredite.
- 149520 Canada inc. (Sports Expert),C.L.P. 366992-31-0812, 27 juillet 2009, J.-L. Rivard.
Le tribunal est d’avis qu’il est difficile de faire plus bref que ces quatre lignes pour conclure à l’existence d’une déficience. L’expert de l’employeur n’explique aucunement la nature précise de cette dégénérescence, son ampleur dans le cas de cette travailleuse, en fonction de son âge, soit 34 ans et en quoi cette condition est déviante de la norme biomédicale. L’expert de l’employeur ne fait d’ailleurs aucune référence à une quelconque norme biomédicale permettant d’apprécier le caractère déviant. Il s’agit d’une affirmation qui semble basée uniquement sur l’expérience ou l’intuition du médecin, sans aucune base scientifique. Ces affirmations, sans appui de littérature ou de données scientifiques, ne rencontrent pas le fardeau de la preuve pour démontrer l’existence d’une déficience au sens de l’article 329.
- Sécurité-Incendie (Ville de Montréal),C.L.P. 397503-63-0912, 28 octobre 2010, J.-P. Arsenault.
Le tribunal rappelle que la seule affirmation faite dans une expertise médicale ne suffit pas à prouver ce qui est avancé. Une référence à la littérature médicale ou à une étude épidémiologique est nécessaire.
- Robover inc. (division),2012 QCCLP 5359.
L’expert de l’employeur affirme que la dégénérescence discale observée chez le travailleur « est tout à fait anormal chez ce patient qui est fortement déviant de la norme biomédicale [sic] ». Il s’agit là d’une simple affirmation nullement accompagnée d’une motivation, d’une explication ou de littérature médicale en guise de corroboration. Le seul fait d’affirmer une chose n’en constitue pas la preuve.
- Construction Demathieu & Bard (CDB) inc.,2012 QCCLP 7036.
L’IRM fait état d’une discopathie multiétagée et d’arthrose facettaire L4-L5 et L5-S1. Bien que l’expert de l’employeur affirme que cet état constitue une déviation de la norme biomédicale, il n’appuie ses dires sur aucune littérature médicale, recherche ou étude à ce sujet. Il ne suffit pas d’avancer une opinion, encore faut-il l’étayer et la démontrer. Cette seule affirmation est insuffisante pour conclure que cette condition de dégénérescence est anormale pour un travailleur âgé de 60 ans.
- Olymel Flamingo, 2013 QCCLP 1559.
La CLP n’a pas à donner prépondérance à une opinion médicale du seul fait qu’elle est la seule opinion présentée en preuve. Encore faut-il que les prémisses de base sur lesquelles se fonde cette opinion soient conformes aux éléments de faits mis en preuve.
- Mercier, Industries en Mécanique limitée, 2013 QCCLP 1752.
Il n’est pas suffisant d’affirmer « qu’il n’est pas fréquent chez un homme de 45 ans d’avoir de l’arthrose multiétagée ». Le médecin aurait dû étayer davantage cette affirmation en indiquant si celle-ci découle de sa pratique médicale ou encore si elle provient de littératures médicales. Certes, comme l’a reconnu la jurisprudence, il n’est pas indispensable d’appuyer une opinion médicale par de la littérature ou par des études épidémiologiques. Néanmoins, lorsque de tels éléments sont présents, ils sont susceptibles d’augmenter la valeur probante d’un rapport d’expert, et ce, particulièrement dans un contexte où la sévérité de la condition personnelle invoquée à titre de déficience ne saute pas aux yeux.
- Résidence Floralies Lasalle inc., 2013 QCCLP 2963 (décision rejetant la requête en révision).
La seule affirmation des médecins experts selon laquelle la condition du travailleur constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale, sans explication quant à la norme utilisée et à la nature de la déviation alléguée, ne constitue pas une preuve prépondérante. Lorsqu'un médecin expert émet son opinion, non seulement à la lumière de ce qu'il a constaté chez un travailleur et des conclusions qu'il en tire, mais, de plus, en comparant la condition de ce dernier à celle de l'ensemble, de la moyenne ou d'une tranche de la population, il est approprié pour un tribunal de vouloir connaître minimalement ce sur quoi il fonde son opinion, à qui il compare le travailleur et comment il en vient à conclure comme il le fait.
- C.S. de la Rivière-du-Nord, 2015 QCCLP 1017.
Le fait de procéder par analyse sur dossier de la preuve documentaire ne modifie en rien les règles de preuve applicables, notamment celles portant sur la qualification de l'expert. Il appartient à la partie qui désire présenter une opinion de démontrer que le témoin choisi possède une connaissance particulière, reconnue par la communauté à laquelle il appartient, lui permettant d'éclairer le tribunal sur des faits dont ce dernier ne dispose pas. L'employeur a simplement transmis une opinion sur dossier de son médecin qui, selon le titre qu'il appose à son document, semble être un médecin généraliste. Le simple fait de posséder un diplôme de médecine ne fait pas du médecin de l'employeur un expert à l'égard du sujet visé par le présent litige.
- CSSS Régional du Suroît, 2016 QCTAT 1780.
Il ne revient pas au tribunal d'interpréter la documentation médicale soumise, d'analyser en profondeur les données rapportées dans les études ou de faire des extrapolations pour en tirer des conclusions. Il s'agit du rôle de l'expert et si celui-ci ne fait aucune analyse de la documentation qu'il soumet, surtout si celle-ci porte à interprétation comme c'est le cas en l'espèce, cela peut toucher la valeur probante de son opinion.
- Supermarché Tassé ltée, 2016 QCTAT 3904.
Bien que la preuve qu'une condition dévie de la norme biomédicale puisse s'appuyer sur l'expérience clinique d'un médecin ou d'un expert, il faut toutefois que cette expérience clinique soit mise en preuve et que le statut d'expert soit reconnu au médecin qui soutient une opinion basée sur son expérience clinique. De plus, ce n'est pas parce qu'un litige procède sur dossier, que l’employeur n’a pas à démontrer le statut d'expert du médecin qui produit une opinion médicale. Dans le présent dossier, la médecin de l'employeur est chirurgienne orthopédiste. Cependant, le fait d'être spécialiste dans un domaine ne signifie pas pour autant que ce médecin se qualifie d'emblée à titre d'expert puisque ce statut est reconnu par le Tribunal en fonction du litige dont il est saisi. C'est à l'égard de ce litige que le Tribunal pourra qualifier un médecin d'expert, en tenant compte des qualifications et des connaissances particulières de ce dernier par rapport à la question soulevée devant le Tribunal. Or, l'employeur n'a soumis aucun curriculum vitae ni aucun portrait illustrant la pratique particulière de sa médecin eu égard aux questions touchant l'ostéoarthrose ou encore les phénomènes de dégénérescence du genou.
Voir également :
Arrondissement Côte-des-neiges/Notre-Dame-de-Grâce, 2016 QCTAT 4721.
Pharmacie Jean Coutu 62, 2017 QCTAT 655.
Imagerie
- Villas construction,2011 QCCLP 6373.
Le tribunal accorde une force probante supérieure au protocole opératoire qui qualifie l’acromion de type 2, plutôt qu’au résultat de l’examen par résonance magnétique qui le qualifie de type 3. L’observation visuelle lors d’une intervention chirurgicale est effectivement plus précise que l’interprétation d’une image, quelle que soit la technique utilisée.
- Les Industries de la Rive sud Ltée et CSST, 2014 QCCLP 717.
L'examen de choix pour être en mesure d'évaluer le degré de dégénérescence d'un tendon est une imagerie par résonance magnétique et l'échographie peut également être utilisée pour démontrer des signes compatibles avec une dégénérescence tendineuse.
- Transport Matte ltée, 2016 QCTAT 6970.
Or, par sa connaissance spécialisée, le Tribunal sait que le test d'IRM est beaucoup plus précis et probant que la tomodensitométrie.
Effet d'un accord reconnaissant la condition personnelle préexistante
Même si les sujets traités en financement diffèrent de ceux de la division de l’indemnisation, le Tribunal considère qu’il est lié par le diagnostic mentionné au dispositif de l’accord. En effet, il faut tenir compte des décisions finales rendues en admissibilité lors d’une demande en imputation. Cependant, la condition personnelle identifiée dans l’accord ne correspond pas à un handicap et l’employeur doit prouver les conditions nécessaires à l’application de l’article 329 pour démontrer que le travailleur était porteur d’un handicap.
- Frito-Lay Canada,C.L.P. 246959-32-0410, 23 février 2005, M.-A. Jobidon.
L’entente intervenue entre les parties avait uniquement pour objet la décision d’admissibilité et n’a pas pour effet d’éviter à l’employeur d’avoir à démontrer les conditions d’ouverture prévues à l’article 329 s’il veut obtenir un partage de coûts. Son fardeau de preuve n’est pas allégé par le fait qu’il y a eu reconnaissance de l’aggravation temporaire d’une condition personnelle lors de l’admissibilité. Encore faut-il qu’il en fasse la preuve selon les critères spécifiques prévus à l’article 329 s’il veut obtenir un partage de coûts.
- Les Entreprises J.P. Larochelle inc. c. Commission des lésions professionnelles,C.S., Québec, 200-17-012687-109, 3 décembre 2010, j. Bélanger.
Les parties conviennent, dans une entente entérinée par la CLP, que le diagnostic de déchirure bicipitale droite est en relation avec l’événement du 4 août 2005 et qu’il constitue l’aggravation d’une condition personnelle préexistante. La Cour précise qu’il appartient à la CLP de décider non pas si le travailleur était porteur d’une condition personnelle préexistante, mais s’il est atteint d’un handicap antérieur à la lésion qui aurait eu une influence sur la survenance de la lésion ou sur ses conséquences. Il y a donc une distinction à faire entre une condition personnelle et un handicap.
- Unidindon inc.,2011 QCCLP 7805.
Même s’il est lié par la décision entérinant un accord reconnaissant l’aggravation d’une condition personnelle, le tribunal saisi d’une demande de partage de coûts doit apprécier la preuve dans sa globalité et décider si le travailleur présente un handicap au sens de l’article 329 et non pas s’il est porteur d’une condition personnelle.
- Olymel Anjou, 2013 QCCLP 321.
Cet accord est intervenu dans le cadre de l’admissibilité de la lésion professionnelle, c’est-à-dire dans un contexte d’indemnisation. Le présent recours s’inscrit dans la mise en œuvre des dispositions relatives à l’imputation des lésions professionnelles au chapitre portant sur le financement. Les conclusions en droit que le tribunal tire de la preuve en matière d’indemnisation ne sauraient lier le tribunal dans un débat portant sur le financement. Certes, il s’agit essentiellement de la même preuve, mais de deux questions différentes. De fait, les éléments constitutifs du droit réclamé par l’employeur en matière de partage d’imputation sont distincts des éléments constitutifs du droit d’être indemnisé réclamé par le travailleur.
- C.H. Régional Trois-Rivières, 2013 QCCLP 6834.
L’objet du litige de l’accord entériné le 15 novembre 2011 concerne le diagnostic et l’admissibilité de la lésion professionnelle. La notion de « condition personnelle préexistante » qui y est utilisée n’est pas synonyme du terme « handicap » au sens de l’article 329 de la loi. Ce terme répond à des conditions maintenant bien ancrées dans la jurisprudence et nécessite une étude détaillée de la preuve médicale. C’est dans ce contexte qu’il devient important de se référer à la preuve médicale au dossier dans l’analyse d’une demande de partage d’imputation et non de s’en tenir uniquement à l’énoncé du diagnostic retenu par les parties en conciliation. Sans limiter la valeur juridique de l’accord intervenu entre les parties, il n’en demeure pas moins que la preuve médicale doit permettre de supporter les arguments présentés par l’employeur dans le cadre de sa demande de partage d’imputation.
- Placements Cambridge inc., 2016 QCTAT 5581.
La notion de condition personnelle préexistante ne correspond pas en soi à une déficience au sens de la jurisprudence qui interprète l’article 329 de la loi. On comprendra facilement qu’une personne peut présenter une condition dégénérative, qualifiable de condition personnelle préexistante, sans qu’il s’agisse d’une déficience dans la mesure où elle ne dévie pas de la norme biomédicale, mais correspond au processus normal de vieillissement pour l’âge de cette personne.
- Portes & fenêtres Isothermic inc., 2016 QCTAT 5863.
Il ne suffit évidemment pas de modifier le diagnostic d’une lésion professionnelle dans le cadre d’une entente en conciliation entre le travailleur et l’employeur pour que ce diagnostic atteste d’un handicap préexistant ou encore de son incidence sur la production ou les conséquences d’une lésion professionnelle dans le cadre d’une demande de partage de coûts. La preuve de ces éléments doit être supportée d’une preuve factuelle et médicale prépondérante.
Voir également :
Armoires et Boiseries Rivière-du-Loup inc. et Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2016 QCTAT 4675.
Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île, 2018 QCTAT 4381.
Canton de Gore, 2019 QCTAT 4318.
Résidence les Ficelles, 2020 QCTAT 121.