Interprétation

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. 205.1 Rapport complémentaire

Nécessité ou non d'un rapport médical qui infirme

La jurisprudence établit que la procédure d’évaluation médicale ne peut être valablement instituée que dans l’éventualité où le rapport du médecin désigné infirme, à tout le moins partiellement, le rapport du médecin qui a charge.

Par ailleurs, il existe deux positions concernant la nature du pouvoir discrétionnaire du BEM et la possibilité qu’il puisse lui permettre de donner son avis sur un sujet médical ne faisant pas l’objet d’un différend. (À ce sujet, nous vous référons à l’analyse inhérente à l’article 221 de la LATMP).

Huaracha et Riviera Fur Styles inc., C.L.P. 118441-73-9906, 7 janvier 2000, D. Taillon.

Le médecin qui a charge pose les diagnostics d’entorse lombaire, de tendinite des genoux, de syndrome fémoro-patellaire post-traumatique et de tendinite des adducteurs des cuisses. Le médecin désigné de la CSST retient les diagnostics d’entorse lombaire, de douleur aux aines et de contusion du genou gauche. Les mots « infirment les conclusions du médecin qui a charge du travailleur » sont contenus à l’article 205.1. Puisque le diagnostic d’entorse lombaire émis par le médecin qui a charge n’a pas été infirmé par le rapport du médecin désigné, la CSST ne pouvait contester ce diagnostic par la procédure d’évaluation médicale.

Blanchette et Pétroles J.C. Trudel inc., C.L.P. 132329-08-0002, 13 septembre 2001, Monique Lamarre.

Le rôle du BEM est de donner une opinion sur des questions médicales litigieuses. Le pouvoir du BEM est d’« infirmer » ou de « confirmer » les conclusions d’ordre médical, ce qui implique l’existence d’une contradiction entre deux opinions médicales. De même, cette interprétation respecte le principe de la primauté de l’avis du médecin qui a charge. En conséquence, en l’absence de litige sur le diagnostic, la CSST ne pouvait soumettre au BEM ce sujet médical.

Gauthier et Ville de Shawinigan, [2005] C.L.P. 299.

L’avis du BEM fait suite à une procédure de contestation et devient nécessaire afin de trancher une contradiction entre l’avis du médecin qui a charge et l’avis d’un médecin désigné. Le BEM est là pour trancher un litige entre deux médecins et non pour trancher un litige inexistant lorsqu’il y a unanimité entre ceux-ci. La CSST ne peut, par le biais de la procédure d’évaluation médicale, remettre en cause l’un des sujets médicaux n’ayant pas été infirmé par son médecin désigné ou qui a fait l’objet d’un accord par le médecin qui a charge dans son rapport complémentaire. Le but du processus d’évaluation médicale est de régler des litiges d’ordre médical et, lorsque certaines conclusions d’ordre médical ne sont pas infirmées, la CSST demeure liée par les conclusions du médecin qui a charge. En l’espèce, la divergence ne porte que sur le sujet des traitements. En conséquence, il n’y a aucune raison de « judiciariser médicalement » les quatre autres sujets médicaux faisant l’unanimité, et ce, dans la cadre d’un processus voulu par le législateur comme simple, souple et rapide.

Côté et Interim Plus inc., C.L.P. 308246-62B-0701, 10 janvier 2008, N. Blanchard.

Le recours au BEM devient nécessaire afin de trancher une contradiction entre l’avis du médecin qui a charge et l’avis du médecin désigné. Toute autre interprétation amène à conclure que le BEM peut trancher des litiges artificiels, inexistants dans la réalité, alors qu’il est là pour trancher des litiges et non pour en créer. En l’espèce, il n’aurait pas dû y avoir de référence au BEM, car dans son rapport complémentaire, le médecin qui a charge avait clairement exprimé son accord avec les conclusions du médecin désigné.  

Service Travail-Maison et Bélanger, 2011 QCCLP 1915.

Il résulte des dispositions pertinentes de la loi que le rôle attribué au BEM est d’arbitrer des différends d’ordre médical. En l’espèce, bien que le médecin qui a charge et le médecin désigné concluent à un DAP de 3 %, la justification inhérente à celui-ci n’est pas la même. Le médecin qui a charge accorde 1 % pour une perte de rotation externe alors que le médecin désigné attribue ce pourcentage pour une perte d’abduction. Le législateur n’a certainement pas voulu réduire la détermination d’une atteinte permanente à une simple question de chiffres, ce qui pourrait entraîner des aberrations. Étant donné la possibilité d’une réclamation pour une RRA, il est important de déterminer avec exactitude les pertes physiologiques. Considérant l’existence d’un litige quant à l’atteinte permanente, c’est donc à bon droit que le BEM s’est prononcé sur cette question.

Villeneuve et Ressort Idéal ltée, 2012 QCCLP 4923.

Lorsqu’il existe un désaccord entre l’opinion du médecin désigné et le médecin qui a charge, l’article 205.1 permet à la CSST de requérir l’avis du BEM. En l’espèce, quant au diagnostic de la fracture costale, un désaccord existait concernant la consolidation, les traitements, l’atteinte permanente ainsi que les limitations fonctionnelles. La demande d’avis du BEM était donc justifiée. Cependant, le médecin désigné ne s’est jamais prononcé sur la pathologie lombaire affectant le travailleur. Conséquemment, en l’absence d’un différend entre les médecins sur ce sujet, il était inapproprié que le BEM rende un avis relativement à ce diagnostic.

Nécessité de soumettre au médecin qui a charge le rapport du médecin désigné qui infirme

Lorsque le rapport médical du médecin désigné de la CSST infirme une ou plusieurs conclusions du médecin qui a charge quant aux sujets médicaux énoncés à l’article 212 et que la CSST désire le soumettre au BEM, la jurisprudence établit qu’il est nécessaire qu’elle transmette ce rapport au médecin qui a charge afin de lui permettre d’étayer ses conclusions.

La jurisprudence considère que le défaut de soumettre le rapport qui infirme au médecin qui a charge a pour effet d’entraîner l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale et l’annulation de la décision rendue par la CSST suivant l’avis du BEM.

Favre et Témabex inc., C.L.P. 155742-08-0102, 22 janvier 2002, P. Prégent.

La preuve révèle que les conclusions du médecin désigné de la CSST infirmaient celles du médecin qui a charge quant à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. En application du principe de la primauté de l’avis du médecin qui a charge, la CSST avait l’obligation de lui acheminer le rapport du médecin désigné afin de solliciter son rapport complémentaire. L’omission de ce faire de la CSST entache la procédure de contestation médicale qu’elle a elle-même enclenchée. La demande d’avis du BEM était donc prématurée et l’avis de ce dernier doit être annulé.

Domond et Alcatel Câble (Mtl-Est), C.L.P. 156808-61-0103, 29 janvier 2002, L. Nadeau.

L’article 205.1 et l’analyse globale de la procédure d’évaluation médicale ne créent pas d’obligation en soi pour la CSST de requérir du médecin qui a charge un rapport complémentaire chaque fois qu’elle reçoit un rapport du médecin désigné qui infirme une ou plusieurs de ses conclusions. L’article 205.1 prévoit une telle obligation lorsque la CSST désire soumettre au BEM le rapport obtenu de son médecin désigné. Le rapport complémentaire vise alors à permettre au médecin qui a charge d’étayer ses conclusions et constitue une étape préalable à la demande d’un avis du BEM.

Castonguay et Ministère des anciens combattants, C.L.P. 188243-62C-0207, 20 mai 2003, R. Hudon.

Durant la période pendant laquelle la CSST a obtenu le rapport de son médecin désigné, le médecin qui a charge était absent. Malgré ce fait, la CSST aurait dû tenter d’obtenir le rapport complémentaire prévu à l’article 205.1 et adresser sa demande à la clinique médicale où pratique le médecin qui a charge. Que la travailleuse ait consenti ou non à cette façon de faire n’enlève rien à l’obligation de la CSST de solliciter le rapport complémentaire prévu à l’article 205.1. Ce seul élément est suffisant pour invalider l’avis rendu par le membre du BEM ainsi que la décision rendue subséquemment.

Laverdière et Hôpital de Montréal pour enfants, [2003] C.L.P. 1130.

La mécanique de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi impose des conditions qui doivent être respectées afin que cette procédure soit déclarée valide. Ainsi, la CSST devait permettre au médecin qui a charge de fournir un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions et devait donc nécessairement lui faire parvenir le rapport de son médecin désigné, tel que le prévoit l’article 215, ce qu’elle n’a pas fait. En conséquence, la décision rendue par la CSST à la suite de l’avis du BEM est irrégulière et doit être annulée.

R… R… et Compagnie A, C.L.P. 323712-62A-0707, 2 juin 2009, S. Arcand.

Le fait que le suivi médical du travailleur ait été effectué par divers médecins d’un CLSC n’est pas un obstacle à la transmission du rapport en vertu de l’article 215 ni à la rédaction d’un rapport complémentaire. L’opportunité devait être laissée aux médecins d’obtenir, le cas échéant, l’information nécessaire afin de compléter le rapport complémentaire. Aucune demande d’un tel rapport n’ayant été adressée au CLSC, la procédure d’évaluation médicale est irrégulière et, par conséquent, les avis du BEM et la décision de la CSST doivent être annulés.

Lévesque et Systèmes Intérieurs Mistal 1990 inc., 2014 QCCLP 7080.

La radiation du médecin qui a charge ne dispense pas la CSST de son obligation de soumettre le rapport de son médecin désigné à un autre médecin choisi par le travailleur. La radiation du médecin qui a charge est une circonstance exceptionnelle qui ne doit pas priver le travailleur de ses droits dans l’application de la loi. En pareil cas, il y a lieu de suppléer de façon à respecter l’esprit de la loi, qui est de permettre au médecin qui a charge d’étayer son opinion avant que le dossier ne soit soumis au BEM. Ainsi, la CSST aurait pu accorder un délai raisonnable au travailleur afin qu’il se trouve un nouveau médecin qui le prenne en charge. La CSST aurait alors pu faire parvenir à ce médecin le rapport obtenu de son médecin désigné et lui offrir la possibilité de produire un rapport complémentaire au sens de l’article 205.1. La procédure d’évaluation médicale est donc irrégulière et la décision y faisant suite doit être annulée.

Voir également :

Tremblay et Blanchard-Ness, C.L.P. 193609-62-0211, 23 juin 2004, E. Ouellet.

Merida-Vergas et Service Entretien Distinction inc., C.L.P. 224090-71-0401, 30 mai 2005, L. Turcotte.

Umanzor-Flores et DHL International Express ltd., [2005] C.L.P 581.

Boudreau et Construction Dupont & Chagnon inc., 2012 QCCLP 903.

Bartoul et R.H.D.C.C. Direction Travail, 2013 QCCLP 1428.

Absence d’obligation du médecin qui a charge de fournir un rapport complémentaire

Selon la jurisprudence, l’article 205.1 n’impose aucune obligation au médecin qui a charge de fournir un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions. C’est plutôt une possibilité qui lui est offerte.

Autobus Tremblay & Paradis inc. et Tremblay, C.L.P. 336703-31-0712, 25 novembre 2008, H. Thériault.

L’article 205.1 prévoit que le médecin qui a charge dispose d’un délai de 30 jours pour fournir à la CSST un rapport complémentaire afin de commenter les conclusions émises par le médecin désigné de la CSST. Cette disposition ne lui impose pas une obligation de se prévaloir de la possibilité de produire un rapport complémentaire, mais lui en offre plutôt l’opportunité.

Enseignes Néon Otis inc. et Paquet, C.L.P. 368613-31-0901, 1er octobre 2009, J.-L. Rivard.

Le médecin qui a charge a eu l’occasion de produire un rapport complémentaire puisqu’il a obtenu une copie du rapport du médecin désigné de la CSST. L’article 205.1 lui offre la possibilité de produire un tel rapport et non une obligation de ce faire. L’absence de transmission d’un rapport complémentaire par le médecin qui a charge n’entache pas le processus d’évaluation médicale et ne peut entraîner son annulation.

Compagnie carrelage de Montréal ltée et Cyr, 2011 QCCLP 7716.

Le but des articles 205.1 et 212.1 est d’octroyer au médecin qui a charge l’opportunité de répliquer au médecin désigné et de motiver son opinion médicale s’il le désire. Ceci respecte la philosophie de la loi et plus particulièrement de la procédure d’évaluation médicale voulant que l’opinion du médecin qui a charge ait préséance. Obliger le médecin qui a charge à prendre position ou à se justifier s’il est en désaccord avec les conclusions du médecin désigné ne respecte pas la lettre ainsi que l’esprit de la loi. Il peut décider de ne transmettre aucun rapport complémentaire à la CSST.

Therriault et Commission scolaire Région-de-Sherbrooke,2015 QCCLP 4331.

La loi consacre le principe de la primauté et du caractère liant de l’opinion du médecin qui a charge et la procédure d’évaluation médicale prévoit une étape intermédiaire facultative à l’occasion de laquelle le médecin qui a charge peut fournir à la CSST un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions. 

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 6808.

Absence d'obligation d'utiliser le formulaire prescrit

Tant à l’égard de l’article 205.1 que de l’article 212.1, étant donné la similarité des textes, la jurisprudence retient que le médecin qui a charge n’est pas dans l’obligation de répondre au rapport du médecin désigné sur le formulaire prescrit par la CSST. Il peut étayer ses conclusions sur tout autre formulaire ou document.

Centre de soins prolongés de Montréal et Deokie,C.L.P. 125740-71-9910, 22 septembre 2000, M. Zigby.

Ce qui est essentiel, selon l’article 212.1, c’est que le médecin qui a charge puisse répondre au rapport obtenu en vertu de l’article 212. Ce qui s’ensuit n’est que formalité et n’entraîne pas la nullité du processus d’évaluation médicale.

Fortin et Administration Portuaire de Montréal,[2005] C.L.P. 1296.

La seule mention à l’article 212.1 que le médecin qui a charge peut produire un rapport complémentaire sur le formulaire prescrit par la CSST n’implique pas que ce médecin doive attendre un formulaire particulier émanant de la CSST afin d’étayer ses conclusions.

Suivi :

Révision rejetée, C.L.P. 227007-63-0402, 28 juin 2006, B. Lemay.

Commission scolaire des Hauts-Bois et Morin,2011 QCCLP 1175.

Que le médecin qui a charge réponde au rapport du médecin désigné en n’utilisant pas le formulaire prescrit par la CSST n’a aucune importance. Ce qui est essentiel, selon l’article 205.1, c’est qu’il puisse répondre au rapport du médecin désigné et le reste n’est que formalité.

Boudreau et Construction Dupont & Chagnon inc.,2012 QCCLP 903.

L’utilisation par le médecin qui a charge d’un document autre que le formulaire de rapport complémentaire que la CSST lui avait fait parvenir afin de formuler ses commentaires n’a aucune incidence et n’invalide pas le processus de contestation.

Nécessité ou non d’un examen médical contemporain avant la production du rapport complémentaire

La jurisprudence considère que le médecin qui a charge n’est pas tenu de procéder à un examen du travailleur avant de compléter un rapport complémentaire. Cependant, il doit avoir une connaissance suffisante de l’état de santé de celui-ci, et ce, plus particulièrement lorsqu’il modifie une ou plusieurs des conclusions qu’il avait précédemment émises et qu’il se rallie, en tout ou en partie, à l’opinion du médecin désigné.

Aucune nécessité d’un examen médical

Lussier et Berlines RCL inc., C.L.P. 122844-05-9908, 21 septembre 2000, L. Boudreault.

Le fait que le médecin qui a charge de la travailleuse ne l’ait pas examinée lorsqu’il a manifesté dans son rapport complémentaire son accord avec les conclusions du médecin désigné n’invalide pas ce rapport. En effet, ce médecin suivait régulièrement la travailleuse, l’avait référée à divers médecins, avait pris connaissance de l’avis des spécialistes consultés et avait en main le résultat des différents examens radiologiques. En outre, les notes évolutives révèlent que le médecin qui a charge avait pris connaissance de façon rigoureuse de l’examen du médecin désigné. Dans ce contexte, il n’était pas nécessaire qu’il examine de nouveau la travailleuse pour en arriver aux mêmes conclusions.

Dhaliwal et Gusdorf Canada ltée, C.L.P. 168883-72-0109, 10 mai 2002, Y. Lemire.

L’absence d’examen du travailleur par le médecin qui a charge lorsqu’il complète son rapport complémentaire n’entraîne pas la nullité de son rapport. Contrairement à l’article 212, la nécessité d’un examen médical du travailleur n’est pas prévue à l’article 212.1. Il est approprié que cela ne soit pas le cas puisque le médecin qui a charge a une connaissance personnelle du travailleur, dispose de ses notes et doit respecter un délai de 30 jours pour la transmission de ce rapport.

Major c. Commission des lésions professionnelles, 2007 QCCS 6981.

L’article 205.1 ne prévoit aucune obligation légale qu’il y ait un nouvel examen médical avant qu’un rapport complémentaire ne soit produit. Toutefois, s’il n’y a pas eu d’examen, les circonstances devront démontrer que cela était raisonnable. En l’espèce, il n’est pas déraisonnable que le médecin qui a charge n’ait pas examiné la travailleuse lorsqu’il a rempli son rapport complémentaire environ cinq semaines suivant le rapport du médecin désigné puisqu’il avait procédé à un tel examen sept jours après ce dernier rapport.

Nécessité d’un examen médical

Leclaire et Constructions Enfab inc., C.L.P. 199237-62C-0302, 28 mai 2003, R. Hudon.

Dans son rapport complémentaire du 1er juin 2002, le médecin qui a charge exprime son accord avec les conclusions du médecin désigné de la CSST voulant que la lésion n’entraîne aucune atteinte permanente, ni limitation fonctionnelle. Or, ce rapport complémentaire porte à interprétation puisque lors de son dernier examen, effectué un mois et demi antérieurement à ce rapport, le médecin qui a charge notait une diminution de la mobilité de la colonne lombaire. Comment peut-il alors confirmer l’absence de séquelles permanentes? On ne peut donc dire qu’il avait une connaissance personnelle suffisante de la condition du travailleur et la CSST ne devait pas se considérer liée par ce rapport.

Guillemette et Consortium Cadoret, Savard, Tremblay, Casault, C.L.P. 276152-09-0511, 31 mars 2006, R. Arseneau.

Afin d’émettre valablement une opinion quant à l’un des sujets médicaux mentionnés à l’article 212, le médecin qui a charge doit avoir en main toutes les informations pertinentes. En vertu de l’article 205.1, il peut se rallier à l’opinion du médecin désigné de la CSST sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à un nouvel examen du travailleur. En revanche, lorsque le médecin qui a charge modifie sa position initiale, son rapport complémentaire doit être clair, ne pas présenter d’ambiguïté et ne pas porter à interprétation.

En l’espèce, le rapport complémentaire est irrégulier puisque le médecin qui a charge ne pouvait exprimer une opinion éclairée considérant qu’il n’avait pas obtenu le dossier médical du travailleur, lequel était auparavant suivi par deux autres médecins. Ainsi, il ne pouvait connaître avec précision le résultat des examens par imagerie ayant été effectués et il ignorait totalement les observations ainsi que le résultat des examens cliniques de ces deux médecins. En outre, la teneur des rapports médicaux qu’il a produits antérieurement et postérieurement à son rapport complémentaire contredit celui-ci.

Thibault et Canadian Tire, 2015 QCCLP 5389.

L’opinion du médecin qui a charge doit être motivée et établie en toute connaissance de cause, laquelle doit être récente et suffisamment complète. Le jugement professionnel du médecin doit être exercé de façon responsable et ne pas être indûment influencé par un autre médecin ou le travailleur. La preuve révèle qu’antérieurement à la formulation du rapport complémentaire, le médecin n’avait vu le travailleur qu’en deux occasions et qu’il n’avait pas effectué un examen clinique de façon concomitante. En outre, les rapports médicaux produits subséquemment au rapport complémentaire vont à l’encontre de celui-ci puisque la lésion n’est alors pas considérée consolidée et il appert que le médecin qui a charge a été influencé par le rapport du médecin désigné, apparemment plus complet que le sien. En conséquence, il est difficile de considérer que le médecin avait une connaissance suffisamment complète de la condition du travailleur lors de la rédaction de son rapport complémentaire et son opinion n’a donc pas été émise de façon responsable ou rigoureuse.

Absence d'un délai de rigueur de 30 jours

La jurisprudence établit que le défaut du médecin qui a charge de fournir un rapport complémentaire dans le délai de 30 jours prévu à l’article 205.1 n’invalide pas celui-ci, ni les effets qu’il produit, pourvu qu’il soit transmis avant la date de l’avis du BEM.

Dutrisac et Shinei Métaltek inc., C.L.P. 240277-72-0407, 12 juillet 2005, A. Suicco.

Le rapport complémentaire fait postérieurement à l’avis du BEM n’a aucune valeur juridique eu égard à la régularité de la procédure d’évaluation médicale. Son évaluation doit se limiter au mérite de la contestation.

Huard et Société canadienne des postes, C.L.P. 199404-71-0302, 21 février 2007, F. Juteau.

L’employeur prétend que la CSST ne pouvait soumettre le dossier au BEM en l’absence de divergence entre le médecin désigné de la CSST et le médecin traitant. La travailleuse est plutôt d’avis que la CSST n’avait pas à considérer la teneur du rapport complémentaire étant donné que celui-ci n’a pas été produit dans le délai de 30 jours prévu à l’article 205.1.

Bien que l’article 205.1 édicte un délai de 30 jours dans lequel le médecin qui a charge peut fournir à la CSST un rapport complémentaire, rien n’y est énoncé quant aux conséquences résultant du défaut de respecter ce délai. Par contre, d’autres dispositions du chapitre concernant la procédure d’évaluation médicale stipulent un délai et prévoient des conséquences du non-respect de ce délai, tel que l’article 225.

Ainsi, même si le médecin qui a charge a produit son rapport complémentaire à une date postérieure au délai prévu à l’article 205.1, il demeure valide et doit être pris en considération pour déterminer la régularité de la procédure d’évaluation médicale. En l’espèce, elle s’avère irrégulière puisque le médecin qui a charge est d’accord avec les conclusions du médecin désigné.

Suivi :

Révision rejetée, 28 mars 2008, M. Zigby.

Carpentier et Transport DGE inc., 2011 QCCLP 1788.

Postérieurement au délai de 30 jours prévu à l’article 205.1, la CSST reçoit le rapport complémentaire du médecin qui a charge dans lequel il exprime son accord avec les conclusions du médecin désigné de la CSST, à l’exception de la question des traitements. L’avis du BEM n’était alors pas rendu et la CSST aurait pu maintenir sa demande seulement sur le point litigieux. Le tribunal se rallie à la décision rendue dans l’affaire Huard et Société canadienne des postes  voulant qu’un rapport complémentaire du médecin qui a charge reçu postérieurement au délai prévu demeure valide et doit être considéré. Ainsi, l’avis du BEM concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles est irrégulier. La CSST est donc liée par l’avis du médecin désigné qui a été entériné par le médecin qui a charge.

Centre Jardin de l’Aéroport inc. et Granger, 2011 QCCLP 5147.

Un peu plus de 60 jours après que l’employeur lui ait transmis le rapport de son médecin désigné, le médecin qui a charge transmet à la CSST un rapport complémentaire dans lequel il exprime son accord quant à l’atteinte permanente déterminée et l’inexistence de limitations fonctionnelles. Ce rapport est reçu par la CSST le 17 novembre, soit la veille de l’évaluation du BEM, lequel signe son avis le 24 novembre. En outre, le dossier révèle que le 22 novembre, l’agente d’indemnisation a pris connaissance du rapport complémentaire et a considéré qu’il avait été produit hors délai.

L’employeur soumet que le BEM ne pouvait se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles considérant la réception du rapport complémentaire et l’accord alors exprimé par le médecin qui a charge avec le médecin désigné sur ces sujets médicaux.

L’article 212.1 n’impose aucune sanction en cas de non-respect du délai qui y est prévu. Ce n’est donc pas un délai de rigueur ni de déchéance. De plus, le 22 novembre, le BEM n’avait toujours pas signé son avis et si la CSST avait agi en temps utile, soit dès le 17 novembre ou, à la rigueur, le 22 novembre, le BEM aurait pu tenir compte des commentaires exprimés et rendre un avis conforme à la loi. En conséquence, l’avis du BEM relativement à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles est irrégulier.

Voir également :

Tremblay et Greenmar Intermodal inc., 2011 QCCLP 5886.

Lachambre et Hôtel Classique, 2013 QCCLP 3223.

La jurisprudence retient que lorsque la CSST requiert l’avis du BEM antérieurement à l’expiration du délai de 30 jours prévu à l’article 205.1 et que l’avis est rendu alors que ce délai n’est pas écoulé, la procédure d’évaluation médicale est considérée prématurée et irrégulière.

Rona l’Entrepôt et Ducharme, [2004] C.L.P. 718.

Le 5 novembre, la CSST fait parvenir au médecin qui a charge le rapport de son médecin désigné. Néanmoins, le 6 novembre, la CSST adresse le dossier au BEM. Le médecin qui a charge complète son rapport complémentaire le 19 novembre, date à laquelle le travailleur est évalué par le BEM qui signe son avis le 21 novembre.

En enclenchant le processus auprès du BEM alors que le délai de 30 jours prévu à l’article 205.1 n’est pas écoulé, la CSST contrevient aux termes de cet article. Le BEM ne peut être saisi du dossier tant que le médecin qui a charge n’a pas produit, dans le délai requis, un rapport complémentaire ou indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’en produire un. La CSST ne devrait jamais transmettre le dossier au BEM avant que le processus du rapport complémentaire ne soit terminé et si elle le fait afin de gagner du temps, elle devrait demander au BEM de convoquer le travailleur à une date postérieure au délai de 30 jours octroyé au médecin qui a charge afin qu’il puisse fournir son rapport.  Ainsi, le cas échéant, cela lui permettrait d’annuler le rendez-vous. La référence au BEM était donc prématurée.

Mathieu et Hyndman Transport (1972), C.L.P. 350963-03B-0806, 31 mars 2009, G. Marquis.

La transmission du dossier au BEM et l’évaluation du travailleur par ce dernier ont eu lieu moins de 30 jours suivant la date à laquelle le médecin qui a charge a reçu le rapport du médecin désigné de la CSST. Le médecin qui a charge n’a donc pas disposé du délai prévu à l’article 205.1 afin d’étayer ses conclusions par le biais d’un rapport complémentaire. Dans les circonstances, la demande d’avis au BEM est prématurée et irrégulière.

McDermott et Century Mining Corporation, C.L.P. 323224-08-0707, 3 septembre 2010, P. Champagne.

Cinq jours suivant l’envoi du rapport de son médecin désigné au médecin qui a charge, la CSST adresse une demande d’avis au BEM. La CSST n’a donc pas respecté la procédure d’évaluation médicale puisque l’article 205.1 constitue une étape préalable à la demande d’avis de BEM et qu’un délai de 30 jours, à compter de la date de la réception du rapport désigné, est accordé au médecin qui a charge afin qu’il produise un rapport complémentaire. En outre, tant l’évaluation du BEM que son avis ont été effectués antérieurement à l’expiration du délai de 30 jours prévus à l’article 205.1. L’avis rendu par le BEM est donc irrégulier et la décision rendue subséquemment par la CSST doit être annulée.

Nécessité d’étayer les conclusions

Lorsque le rapport du médecin désigné de la CSST infirme les conclusions du médecin qui a charge, ce dernier a la possibilité de produire un rapport complémentaire afin d’étayer ses conclusions. La jurisprudence détermine qu’il peut modifier son opinion et se rallier à l’avis du médecin désigné, mais il doit alors étayer ses conclusions afin de permettre de comprendre, à tout le moins sommairement, les raisons de son changement d’opinion. Ses explications doivent être claires et sans ambiguïté.

Ouellet et Métallurgie Noranda inc., C.L.P. 190453-08-0209, 9 septembre 2003, Monique Lamarre.

Lors de la production d’un rapport complémentaire, le médecin qui a charge ne doit pas être empêché de modifier son opinion. Cependant, dans ce cas, il doit étayer son avis pour permettre de comprendre, du moins sommairement, les raisons qui l’incitent à changer son opinion. Si l’opinion du médecin qui a charge est claire, elle lie la CSST quant aux questions médicales, et ce, même s’il a changé d’avis. S’il n’étaye pas ses conclusions en respect de l’article 205.1 et que l’opinion du médecin désigné infirme celle précédemment émise par le médecin qui a charge, la CSST doit soumettre ces rapports au BEM afin de ne plus être liée par l’avis du médecin qui a charge.

En l’espèce, le médecin qui a charge a changé d’avis sans explication. Dès lors, on ne peut considérer qu’il a étayé ses conclusions. Puisque la CSST n’a pas soumis les rapports au BEM, elle est liée par les conclusions émises par le médecin qui a charge dans son rapport précédent.

Bacon et General Motors du Canada ltée, [2004] C.L.P. 941.

Selon la jurisprudence, la réponse du médecin qui a charge dans un rapport complémentaire doit être claire et limpide. Ce souci de transparence et de clarté s’explique en raison de l’absence de tout recours du travailleur face à l’avis de son propre médecin.

La preuve révèle que des médecins indiquent la nécessité d’une arthroplastie du genou gauche, tout en soulignant les risques associés à cette intervention chirurgicale considérant que le travailleur a déjà présenté une phlébite et qu’il est diabétique. Subséquemment, le médecin désigné de la CSST, un orthopédiste, est d’avis que la lésion doit être considérée comme consolidée puisque le travailleur refuse pour l’instant la chirurgie et qu’il n’y a pas d’autre traitement médical à recommander. Sans revoir le travailleur, le médecin qui a charge émet un rapport complémentaire dans lequel il exprime son accord avec l’avis du médecin désigné. Le tribunal comprend difficilement pourquoi il consolide la lésion alors qu’auparavant et dans les rapports subséquents, il énonce que la lésion n’est pas consolidée et que le travailleur est en attente d’une chirurgie. Le tribunal conclut que le rapport complémentaire n’est pas clair et que les rapports médicaux subséquents du médecin qui a charge ayant déclaré la lésion non consolidée doivent donc prévaloir.

Tremblay et Providence Notre-Dame de Lourdes, C.L.P. 247398-71-0411, 24 février 2006, C. Racine.

Le médecin qui a charge peut soit contredire le rapport du médecin désigné ou se rallier à ses conclusions. S’il adhère aux conclusions du médecin désigné, son opinion à cet égard doit être claire et limpide. Le tribunal constate que n’ont pas été considérées des réponses claires et limpides, les simples mentions « d’accord » et « rien à ajouter ».

En l’espèce, l’expertise du médecin désigné par l’employeur a été transmise au médecin qui a charge qui a énoncé sur le rapport complémentaire : « j’ai bien relu l’évaluation du docteur (…) et je suis tout à fait d’accord avec ses conclusions et ses recommandations qui sont tout à fait exactes et qui correspondent bien à la réalité de ce malade ». Cette opinion est claire, limpide et motivée. Le tribunal note que le médecin qui a charge avait en main le dossier de la travailleuse, dont les rapports de physiothérapie. De plus, à chacune des visites de celle-ci, le médecin semblait peu impressionné par les malaises exprimés, car il a poursuivi les traitements à la demande de la travailleuse et non sur la base de diagnostics ou de signes cliniques objectivés.

Suivi :

Révision rejetée, 19 juillet 2007, M. Zigby.

Requête en révision judiciaire rejetée,  Tremblay c. Commission des lésions professionnelles, C.S. Montréal, 500-17-038220-078, 2 octobre 2008, j. Marcelin.

Guitard et Peinture G. & R. Lachance Inc., 2011 QCCLP 2731.

Bien que la jurisprudence reconnaisse que le médecin qui a charge est libre de modifier son opinion et d’accepter les conclusions du médecin désigné, lorsqu’il contredit ses conclusions antérieures, il doit motiver son changement d’opinion. La nécessité pour le médecin qui a charge d’étayer ses nouvelles conclusions se justifie par le fait qu’elles sont lourdes de conséquences, le travailleur ne pouvant les contester. L’exigence développée par la jurisprudence de produire un rapport clair, ne présentant pas d’ambiguïté et ne portant pas à interprétation, permet de s’assurer que le médecin qui a charge a modifié son opinion en toute connaissance de cause, en considérant toutes les données pertinentes et après avoir sérieusement réfléchi à la question. Son jugement professionnel doit être exercé de manière responsable.

Le médecin qui a charge produit un rapport final dans lequel il consolide la lésion avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Par la suite, en réponse à une demande de la CSST qui désire entreprendre l’étude de la capacité du travailleur, il énonce certaines limitations fonctionnelles. Après avoir constaté que le médecin qui a charge n’a pas évalué les séquelles à la date convenue et dans le but d’accélérer le processus, la CSST désigne un médecin, lequel procède à l’évaluation des séquelles.

Par la suite, le médecin qui a charge produit un rapport complémentaire dans lequel il confirme son accord. Or, ce rapport complémentaire contredit les limitations fonctionnelles précédemment décrites. N’ayant pas procédé à un examen spécifiquement orienté vers la question, le tribunal est d’avis que le médecin qui a charge ne pouvait émettre une opinion éclairée sur les séquelles permanentes. Considérant également qu’il n’a pas motivé son changement d’opinion, le tribunal conclut que le rapport complémentaire ne lie pas la CSST et le dossier est référé au BEM.

Voir également :

Hammami et Fabricants de Plastique fédéral ltée, C.L.P. 376688-71-0904, 1er juin 2010, L. Crochetière.

Simard et Crocs Canada inc., 2014 QCCLP 3931.

Quelques décideurs considèrent que le médecin qui a charge n’a pas l’obligation d’étayer son rapport complémentaire lorsqu’il est d’accord avec l’opinion du médecin désigné.

Paquette et Aménagement Forestier LF, C.L.P. 246976-08-0410, 6 juillet 2005, J.-F. Clément.

L’article 205.1 permet au médecin qui a charge d’étayer son rapport afin de contredire celui du médecin expert. Cette disposition traduit une volonté du législateur de permettre au médecin du travailleur d’expliquer plus longuement son avis que ce qu’il est en mesure de faire sur une petite attestation médicale et ainsi, de faire contrepoids à l’opinion habituellement très détaillée du médecin désigné. Cependant, lorsque le médecin qui a charge se rallie à l’opinion du médecin désigné, il n’est pas nécessaire qu’il étaye son rapport ou son opinion puisqu’en se rangeant à l’avis du médecin désigné, il épouse son opinion ainsi que sa motivation. D’ailleurs, dans le cas d’une contradiction entre le médecin qui a charge et le médecin désigné, l’article 205.1 n’impose pas l’obligation d’étayer le rapport complémentaire, mais plutôt une possibilité de ce faire. Tout ce qui compte, c’est que la réponse du médecin qui a charge à l’avis du médecin désigné soit claire.

Alors que les trois diagnostics de la lésion professionnelle n’ont pas été consolidés par le médecin qui a charge, le médecin désigné de la CSST conclut à la consolidation de deux de ces diagnostics et reconnaît l’existence de séquelles permanentes. Dans son rapport complémentaire subséquent, le médecin qui a charge manifeste son accord avec les conclusions du médecin désigné. L’avis émis par le médecin qui a charge dans son rapport complémentaire est clair et lie la CSST en respect de l’article 224.

Therriault et Commission scolaire Région-de-Sherbrooke, 2015 QCCLP 4331.

Étant donné les conséquences que cette situation entraîne pour le travailleur, afin que l’accord exprimé au rapport complémentaire ait un caractère liant, l’opinion du médecin qui a charge doit être exprimée de façon claire, limpide, exempte d’ambiguïté et ne pas porter à interprétation. Cependant, le tribunal estime que le libellé de l’article 205.1 se prête difficilement à la position adoptée par la jurisprudence quant aux exigences de clarté d’un accord exprimé au rapport complémentaire. Cette disposition accorde au médecin une seconde occasion de répondre à un médecin désigné afin d’étayer, de motiver et d'expliquer les fondements de ses conclusions qui sont dorénavant contredites. De plus, les conclusions du médecin qui a charge sont généralement remises en question par un médecin spécialiste, dont le rapport est habituellement beaucoup plus explicite que les brefs rapports médicaux produits par le médecin qui a charge, lequel est généralement un omnipraticien. Il paraît logique de lui permettre d’étayer une opinion initialement peu étoffée, maintenant contredite, qu’il entend maintenir. Toutefois, il est plus difficilement concevable que le médecin doive faire de même suivant la prise de connaissance du rapport détaillé du médecin expert lorsqu’il partage ses conclusions. À la lecture de l’article 205.1, lorsqu’il partage les conclusions du médecin désigné, l’on conçoit mal que le médecin qui a charge, pour des raisons qui lui appartiennent, soit dans l’obligation d’effectuer une analyse en profondeur afin d’expliquer son opinion dans un rapport complémentaire qu’il pourrait ne pas remplir.

En l’espèce, l’accord exprimé par le médecin qui a charge dans son rapport complémentaire voulant que la lésion professionnelle soit consolidée sans séquelles permanentes additionnelles est clairement exprimé et ne comporte aucune ambiguïté. 

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 6808.

Obligation d’informer le travailleur du contenu du rapport complémentaire

Voir :

Article 203, rubrique Interprétation - sous le titre Obligation d'informer le travailleur du contenu du rapport prévu à l'article 203 

Absence de délai afin de contester l’opinion du médecin qui a charge

La loi n’impose pas de délai à la CSST pour contester un rapport médical du médecin qui a charge. Cependant, la jurisprudence détermine que la CSST doit agir avec diligence et célérité et que sa conduite doit être appréciée selon les circonstances ayant prévalu. Lorsque le délai est injustifié et devient la source d’une injustice, la jurisprudence établit que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière et que l’avis rendu par le BEM ne peut avoir d’effet liant.

St-Yves et Natrel inc,1996 C.A.L.P. 1278.

Opposant les conclusions du rapport du 25 avril 1994 de son médecin désigné à celles du rapport du médecin du travailleur du 30 juin 1993, la CSST transmet le dossier au BEM. Il s'infère de l'abrogation de l'article 214 que la CSST n'est plus astreinte au respect d'un délai de 30 jours pour soumettre un sujet visé à l'article 212 à la procédure d'évaluation médicale. Les modifications apportées par le législateur en 1992 sont muettes quant à un délai imposé à la CSST à cet égard. La CSST doit cependant respecter un délai raisonnable et agir avec diligence, étant donné les circonstances de chaque cas. En l'espèce, les personnes intéressées au dossier n'ont reçu le rapport d'évaluation médicale du 30 juin 1993 qu'au mois d'octobre 1993. Entre ce moment et le 5 avril 1994, date à laquelle la CSST a demandé au travailleur de se présenter chez son médecin désigné pour évaluation, celle-ci a fait des gestes utiles dans le traitement du dossier, notamment en rencontrant le travailleur à trois occasions et en communiquant par téléphone avec lui une dizaine de fois. En conséquence, il y a lieu de conclure à la régularité de la procédure d'évaluation médicale.

Tremblay et Les Coffrages C. C. C. ltée,C.A.L.P. 78853-03-9604, 5 septembre 1997, J.-G. Roy.

L’expression « sans délai » contenue à l’article 217 implique que la CSST doit agir avec célérité et diligence. Aucune sanction en cas de défaut de respecter cette obligation n’est fixée et conséquemment, sous réserve qu’il en résulte une injustice, il faut interpréter cette règle de procédure de façon à ce qu’un droit ne se perde du seul fait de ce défaut. En l’espèce, le délai de deux mois encouru par la CSST afin de requérir l’avis du BEM n’a pas entraîné d’injustice pour le travailleur et l’article 217 est respecté.

Blais,C.L.P. 114971-05-9903, 9 septembre 1999, F. Ranger.

Aucune sanction n’est exposée à l’article 217 advenant le défaut de respecter le délai y étant énoncé. Cet article constitue une disposition procédurale dont l’irrespect ne doit pas être interprété de façon à faire perdre l’exercice du droit qu’elle encadre. En conséquence, le tribunal ne doit pas intervenir sous réserve de l’existence d’un délai injustifiable qui devient la source d’une injustice. L’obtention par la CSST de l’opinion de son médecin désigné cinq mois suivant le rapport d’évaluation médicale ainsi qu’un délai additionnel de trois mois afin de requérir l’avis du BEM n’entraînent pas l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale, d’autant plus que le travailleur n’a pas démontré qu’il en a résulté un préjudice.

Morin et José & Georges inc.,C.L.P. 154442-64-0101, 24 septembre 2001, R. Daniel.

Bien que l’article 217 de la loi ne spécifie pas de délai précis, il comporte cependant la notion de la nécessité d’agir avec célérité. La notion de « sans délai » qui y est énoncée est beaucoup plus contraignante que l’expression « dans un délai raisonnable », et ce, dans un but avoué d’obtenir le plus rapidement possible les conclusions médicales d’un arbitre permettant d’établir les conséquences juridiques résultant de celles-ci et d’éviter de pénaliser indûment un travailleur ou une travailleuse.

En l’espèce, la CSST a soumis le dossier au BEM plus de 10 mois suivant la réception du rapport complémentaire du médecin qui a charge qui manifestait son accord avec l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Il en a résulté un préjudice sérieux pour la travailleuse puisque lors de la transmission du dossier au BEM, elle faisait déjà l’objet de mesures de réadaptation. Ce délai remet en question le processus de réadaptation et, par conséquent, le principe de la stabilité des décisions.

Larue et C-Mac Network System,[2004] C.L.P. 1634.

L’article 204 n’énonce aucunement un délai auquel la CSST serait soumise. Les seuls délais que la CSST doit respecter dans la cadre de la procédure d’évaluation médicale sont ceux prévus aux articles 215, 217 et 219 et, dans chaque cas, on indique « sans délai », sans spécifier un nombre de jours précis. De plus, le pouvoir accordé à la CSST est très large puisque, en vertu de l’article 204, elle peut « exiger » d’un travailleur qu’il se soumette à l’examen du professionnel de la santé qu’elle désigne « même si ce rapport porte sur l’un ou plusieurs des sujets (…) sur lesquels le médecin qui a charge du travailleur ne s’est pas prononcé ». Ces pouvoirs ont été élargis en 1992 lorsque le législateur a modifié la loi et instauré le BEM en remplacement du service d’arbitrage médical. Antérieurement, les pouvoirs de la CSST étaient plus restreints, car elle devait obtenir de son médecin désigné un rapport infirmant les conclusions du médecin qui a charge, et ce, dans un délai de 30 jours de la date du rapport qu’il désirait contester. Le tribunal déduit que par cette modification législative, le législateur voulait permettre à la CSST de contester à tout moment les conclusions du médecin qui a charge dans le cours d’une réclamation.

Archambault Pilon et Place des Aînés de Laval,C.L.P. 271462-64-0509, 9 novembre 2006, D. Armand.

Depuis les modifications législatives de 1992, la CSST n’est plus astreinte au respect d’un délai afin de soumettre au BEM le rapport qu’elle a obtenu en vertu de l’article 204. Le tribunal est d’avis que ce n’est que dans des cas exceptionnels lorsque le délai est injustifiable et devient la source d’une injustice que la CSST doit respecter un délai raisonnable et agir avec diligence.

Suivi :

Révision rejetée, 3 juillet 2007, S. Moreau.

Granit Design inc. et Raycraft,2012 QCCLP 3679.

Le 19 février 2010, le médecin qui a charge rédige un rapport d’évaluation médicale dans lequel il détermine une atteinte permanente, mais aucune limitation fonctionnelle. À l’occasion de son retour au travail, le travailleur éprouve de nombreuses difficultés et une amputation de son doigt blessé est envisagée. Le 17 février 2011, le médecin désigné de la CSST examine le travailleur et conclut à l’existence de limitations fonctionnelles. La CSST soumet une demande au BEM, lequel détermine des limitations fonctionnelles.

La loi ne prévoit pas de délai quant à la possibilité pour la CSST d’obtenir un rapport écrit du médecin qu’elle désigne et le tribunal ne peut retenir l’argument de l’employeur voulant que le délai le plus long soit celui de six mois prévu à l’article 272. Certaines décisions qui reconnaissent l’absence de délai formel soulignent toutefois que la CSST a l’obligation d’agir dans un délai raisonnable, avec diligence et célérité, certaines d’entre elles posant également l’exigence de ne pas créer d’injustice. Chaque situation est unique et doit être analysée d’après le mérite réel et la justice du cas. En l’espèce, la CSST a joué son rôle quant au rapport d’évaluation médicale du médecin qui a charge, lequel concluait étonnamment à l’absence de limitations fonctionnelles chez un travailleur ayant subi un important traumatisme. En outre, les changements répétés d’agents au dossier ont contribué à prolonger le délai. Les circonstances particulières du présent dossier permettent de considérer que la procédure d’évaluation médicale initiée par la CSST est régulière. 

Pouvoir discrétionnaire de référer au BEM

Suivant l’obtention d’un rapport médical de son médecin désigné infirmant l’opinion du médecin qui a charge, l’article 205.1 prévoit que la CSST a la possibilité de soumettre ces rapports au BEM. La jurisprudence établit qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire et que la CSST n’a aucunement l’obligation de requérir l’avis du BEM. Si elle décide de ne pas soumettre ces rapports au BEM, elle est alors liée par l’opinion du médecin qui a charge. Si elle décide de se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale, elle doit alors offrir au médecin qui a charge la possibilité de rédiger un rapport complémentaire.

Étant donné la similarité des textes des articles 205.1 et 206 quant à la possibilité pour la CSST de soumettre une demande au BEM, certaines décisions réfèrent indistinctement à ces articles.

Levac et Métro Richelieu - Jardin Mérite, C.L.P. 137519-72-0005, 12 octobre 2000, L. Crochetière.

Le travailleur subit une RRA relativement à un diagnostic de tendinite à l’épaule droite. De nouveaux diagnostics de discopathie cervicale et de hernies discales sont posés par le médecin qui a charge. La CSST refuse la relation entre le diagnostic de hernies discales et la rechute, mais précise que le travailleur continuera de recevoir des indemnités pour le diagnostic de cervicalgie. Elle requiert l’avis du BEM quant aux questions médicales autres que le diagnostic concernant la tendinite à l’épaule droite.

Le législateur confère à la CSST le pouvoir discrétionnaire de décider de l’opportunité d’exiger du travailleur qu’il se soumette à l’examen de son médecin désigné et ensuite de décider de l’opportunité de soumettre ce rapport au BEM. Aucune disposition de la loi n’exige que la CSST utilise ses pouvoirs pour tous les sièges de lésion. Elle a tout le loisir de décider de se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale que pour un seul siège de lésion.

Domond et Alcatel Cable (MTL-EST), C.L.P. 156808-61-0103, 29 janvier 2002, L. Nadeau.

À la suite de la réception du rapport final du médecin qui a charge consolidant la lésion et concluant à l’inexistence de limitations fonctionnelles, la CSST rend une décision de capacité. N’ayant pas reçu le rapport médical de son médecin désigné, en vertu de l’article 224, la CSST était alors liée par l’opinion du médecin qui a charge quant à ces deux sujets. Subséquemment à la réception du rapport de son médecin désigné et du rapport d’évaluation médicale déterminant respectivement un DAP de 1,75 % et de 1,50 %, la CSST rend une autre décision reconnaissant une atteinte permanente en respect de l’évaluation du médecin qui a charge. Le libellé de l’article 205.1, ainsi que l’analyse de l’ensemble de la procédure d’évaluation médicale permettent de conclure que la CSST n’a aucune obligation de demander au médecin qui a charge un rapport complémentaire chaque fois qu’elle reçoit un rapport d’un médecin désigné qui infirme ses conclusions. L’article 205.1 crée cette obligation lorsque la CSST désire transmettre au BEM le rapport qu’elle a obtenu de son médecin désigné et constitue une étape préalable à la demande d’un avis du BEM. Étant donné le terme « peut » utilisé à l’article 205.1, il est bien établi par la jurisprudence que la CSST n’est pas obligée de s’adresser au BEM et qu’il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire.

Brisebois et C.I.S.P., C.L.P. 191844-71-0209, 8 avril 2003, C. Racine.

Les articles 204, 205.1 et 206 indiquent quand et comment la CSST peut requérir l’avis du BEM. Aucune de ces dispositions n’oblige la CSST à se prévaloir de cette procédure, et ce, malgré l’existence de conclusions contradictoires entre son médecin désigné et le médecin qui a charge. De plus, la CSST n’est pas tenue de poursuivre une procédure amorcée lorsque le BEM n’a pas encore rendu son avis. Les dispositions législatives qui permettent à la CSST d’engager une procédure d’évaluation médicale utilisent le verbe « peut » et non le verbe « doit ». Ainsi, le législateur a voulu donner un certain pouvoir à la CSST sans toutefois la contraindre à agir en toute circonstance. Considérant que le rapport d’évaluation médicale rédigé avant que le BEM n’examine le travailleur ne retient aucune limitation fonctionnelle, la CSST pouvait décider de ne pas donner suite à sa demande d’avis au BEM et, en conséquence, la décision de capacité est régulière et bien fondée. 

Lévesque et Nortel Networks, C.L.P. 168037-71-0108, 9 mars 2004, J.-P. Arsenault.

Malgré les opinions divergentes de son médecin désigné et du médecin qui a charge quant au diagnostic, la CSST ne requiert pas l’avis du BEM sur ce sujet. Elle n’avait aucune obligation de le faire et rien dans la loi n’oblige le BEM à se prononcer sur un sujet à l’égard duquel son avis n’est pas requis. La CSST a plutôt choisi de ne pas reconnaître la relation entre les diagnostics de rupture annulaire discale L4-L5 et de hernie discale lombaire L4-L5 et la lésion professionnelle subie par le travailleur. En conséquence, si le tribunal en arrive à la conclusion que ces diagnostics sont en relation, la CSST devra les considérer.

Béliveau et Chambre de Bébé inc. (la), [2005] C.L.P. 546.

Qu’il y ait ou non des conclusions contradictoires entre le médecin qui a charge et son médecin désigné, aucune disposition de la loi n’oblige la CSST à se prévaloir de la procédure de référence au BEM. En l’espèce, la CSST a décidé de laisser toute la place à l’employeur qui avait formulé une demande de référence au BEM et elle avait le pouvoir et la discrétion d’agir ainsi.

Entretien Ménager Lyna inc. et Julien, C.L.P. 347329-63-0805, 15 mars 2010, J.-F. Martel (décision accueillant la requête en révision sur un autre point).

L'article 205.1 permet à la CSST de soumettre au BEM les rapports de son médecin désigné et du médecin qui a charge; elle n’en a nullement l’obligation. Si la CSST décide de ne pas requérir l’avis du BEM, elle est alors liée par les conclusions du médecin qui a charge, conformément à l’article 224. En l’espèce, c’est le cas puisque la CSST ne s’est pas prévalue de cette procédure. Le premier juge a correctement appliqué la règle de droit.

CSSS du Sud-Ouest-Verdun et Benabdelhak, 2015 QCCLP 2043.

Étant donné les contradictions entre son médecin désigné et le médecin qui a charge quant à la présence de séquelles, la CSST pouvait transmettre le dossier au BEM afin qu’il se prononce sur ces questions. Cette décision demeurait toutefois un choix, car même s’il y a de telles contradictions, rien dans la loi ne l’oblige à le faire. Le mandat du BEM se limitait aux séquelles et son avis s’est limité à ces sujets. En conséquence, les décisions rendues par la CSST à la suite de cet avis sont régulières.

Lorsque plusieurs diagnostics ou de nouveaux diagnostics sont posés par le médecin qui a charge et qu’une divergence en résulte avec le ou les diagnostics retenus par le médecin désigné de la Commission, en l’absence d’une décision quant à la relation entre ces diagnostics et l’événement, une autre approche se dégage de la jurisprudence.

Les décideurs qui adhèrent à cette approche sont alors d’avis que dans l’éventualité où la Commission désire se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale quant à la consolidation, aux soins ou traitements ou aux séquelles permanentes, sa demande doit nécessairement inclure le diagnostic. À défaut, la procédure d’évaluation médicale et l’avis du BEM seront jugés irréguliers. Certains de ces décideurs concluent que lorsque la Commission requiert de son médecin désigné une opinion sur le diagnostic et que s’en suit une divergence, lorsque la Commission exerce son pouvoir discrétionnaire de requérir l’avis du BEM, sa demande doit nécessairement porter sur le diagnostic. 

Place Aylwin My ltée et Paquette, C.L.P. 227923-62-0402, 14 février 2005, R. L. Beaudoin.

La CSST reconnaît que la travailleuse a subi une lésion professionnelle ayant entraîné une contusion lombosacrée. Par la suite, le médecin qui a charge pose les diagnostics de contusion et d’entorse lombaire. À la suite de la demande de la CSST, le médecin désigné de la CSST est d’avis que la travailleuse présente une condition personnelle et chronique de hernie discale L4-L5, retient un diagnostic de contusion lombosacrée et se prononce sur l’ensemble des sujets médicaux. La CSST déclare que les diagnostics de hernie discale et de « syndrome discopathie chronique » ne sont pas en relation avec l’accident du travail. Aucune décision n’exclut une possible relation entre le diagnostic d’entorse lombaire et l’accident du travail. La CSST demande l’avis du BEM concernant l’ensemble des sujets médicaux à l’exception du diagnostic.

La possibilité octroyée à la CSST de soumettre au BEM le rapport de son médecin désigné ne lui permet pas de choisir quelle contestation elle veut soumettre, éliminant ainsi indirectement un diagnostic ou une autre conclusion « contestée » du médecin qui a charge. La CSST ne peut escamoter un diagnostic posé par le médecin qui a charge en refusant de le soumettre au BEM. Considérant que le diagnostic constitue la base sur laquelle on doit s’appuyer pour déterminer la date de la consolidation, la nécessité des soins et les séquelles permanentes découlant de la lésion professionnelle, l’avis du BEM est irrégulier.

Sanchez et Service de main-d’œuvre président, C.L.P. 253136-71-0501, 16 juin 2006, F. Juteau.

Alors que le médecin qui a charge avait retenu plusieurs autres diagnostics que celui de fracture initialement reconnu à titre de RRA et qu’il conclut à l’existence de séquelles permanentes, après avoir obtenu de son médecin désigné une opinion concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, la CSST requiert l’avis du BEM concernant les séquelles permanentes quant au seul diagnostic de fracture de la cheville.

Plusieurs diagnostics ont été émis par le médecin qui a charge et la CSST n’a pas rendu une décision quant à la relation entre l'entièreté de ceux-ci et la lésion professionnelle. Le choix de la CSST de requérir l’avis du BEM plutôt que de rendre une décision sur la relation ne lui permet pas d’écarter des diagnostics et ainsi priver les parties de l’exercice de leur droit de contestation en cas d’élimination d’un diagnostic émis par le médecin qui a charge.

Gougeon et Maçonnerie Marcel Laflamme, 2018 QCTAT 201.

La CSST convient que le travailleur a subi un accident du travail qui lui a causé une entorse de l’épaule gauche. Le médecin qui a charge pose subséquemment différents diagnostics concernant l’épaule gauche, lesquels ne font l’objet d’aucune décision. La CSST requiert l’opinion de son médecin désigné sur l’ensemble des sujets médicaux et, par la suite, demande l’avis du BEM sur tous les sujets à l’exception du diagnostic.

Bien que la CSST a le pouvoir discrétionnaire de soumettre au BEM le rapport de son médecin désigné, lorsqu’elle initie la procédure d’évaluation médicale en mandatant son médecin désigné de se prononcer sur l’ensemble des sujets médicaux, en présence d’un litige quant au diagnostic, elle ne peut alors choisir de ne pas requérir l’avis du BEM sur le diagnostic et ainsi limiter sa demande aux autres sujets médicaux. La procédure d’évaluation médicale et l’avis du BEM sont donc irréguliers. 

Voir également :

Khan et Restaurant Le Taj, C.L.P. 212076-62-0307, 31 janvier 2005, D. Lévesque. 

Dulong et Résidence St-Jean-sur-Richelieu inc., 2012 QCCLP 3618.

Bigras et Paysagiste Saro inc., 2015 QCCLP 62.

Tamang et Courrier L.T., 2017 QCTAT 269.

Pneus Chartrand distribution inc. et Makiadi, 2017 QCTAT 2473.

Limite au pouvoir discrétionnaire de se référer au BEM

Lorsque la Commission rend une décision par laquelle elle s’estime liée par la teneur du rapport final du médecin qui a charge et reconnaît que le travailleur conserve l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles y étant déterminées, la jurisprudence établit qu’elle ne peut subséquemment se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale quant à ces sujets médicaux puisque ceux-ci ont fait l’objet d’une décision finale. Dans ces situations, la procédure d’évaluation médicale sera considérée irrégulière et la décision rendue à la suite de l’avis du BEM sera annulée.

Lorsqu’à la suite de l’avis d’un BEM, la CSST rend une décision finale sur un sujet médical énoncé à l’article 212, la jurisprudence détermine qu’elle ne peut valablement instituer une nouvelle procédure d’évaluation médicale concernant ce même sujet médical. La procédure d’évaluation médicale sera alors considérée irrégulière quant à ce sujet et la décision rendue à la suite de l’avis du BEM sera, à tout le moins, partiellement annulée.

Cependant, quand un nouveau diagnostic est émis postérieurement à cet avis ou si celui-ci ne consolide pas la lésion, la jurisprudence détermine qu’il est alors possible de soumettre de nouveau ces sujets au BEM.

Décision finale de la CSST en respect du rapport final du médecin qui a charge

Thériault et Concordia Protective Covering inc.,C.L.P. 93741-63-9801, 15 juin 1999, H. Thériault.

Dans son rapport d’évaluation médicale, le médecin qui a charge du travailleur détermine que ce dernier conserve un DAP de 2 % ainsi que des limitations fonctionnelles pour une période de trois mois. La CSST s’estime liée par cette évaluation et rend une décision reconnaissant que le travailleur conserve une atteinte permanente de 2,20 %. Par la suite, le médecin qui a charge produit un second rapport d’évaluation médicale dans lequel il énonce que les limitations fonctionnelles sont permanentes. À la suite de ce second rapport, la CSST initie la procédure d’évaluation médicale quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles.

En se prévalant de la procédure d’évaluation médicale, la CSST contournait la décision finale et sans appel qu’elle avait précédemment rendue quant à l’atteinte permanente et elle ne pouvait ainsi invalider de façon indirecte cette décision. Il en va autrement à propos des limitations fonctionnelles puisque le second rapport d’évaluation médicale apportait un nouvel élément, soit le caractère permanent des limitations fonctionnelles. Concernant ce sujet, la CSST pouvait se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale.

Élément et Construction Jeanielle inc.,C.L.P. 184643-62-0205, 18 septembre 2002, L. Boucher.

En juin, le médecin qui a charge fixe à 12 % le DAP conservé par le travailleur des suites de sa lésion professionnelle et énumère les limitations fonctionnelles. Le médecin de la CSST considère que les limitations fonctionnelles énumérées dans le rapport d’évaluation médicale sont temporaires et recommande une nouvelle évaluation dans six mois. Le travailleur est alors redirigé en réadaptation. En novembre, l’évaluation du médecin désigné de la CSST conclut à l’absence de limitations fonctionnelles et le dossier est alors transmis au BEM. Ce dernier conclut à l’absence de limitations fonctionnelles et la CSST entérine son avis.

L’approche de la CSST ne s’appuie sur aucune base légale. Soit la CSST est liée par l’opinion du médecin qui a charge lorsque son opinion est confirmée par son médecin désigné, soit l’opinion de son médecin désigné infirme l’opinion du médecin qui a charge et elle peut alors soumettre ces évaluations au BEM. En estimant que les limitations fonctionnelles de son médecin désigné étaient identiques à celles retenues par le médecin qui a charge du travailleur, la CSST était donc liée par les limitations fonctionnelles établies par le médecin qui a charge. D’ailleurs, elle avait reconnu l’atteinte permanente déterminée par ce dernier. En procédant à une deuxième évaluation des limitations fonctionnelles par un médecin désigné, la CSST agit de façon irrégulière et non conforme à la loi.

Désilets et M.S.S.S. Programme d’insertion sociale,C.L.P. 190071-72-0208, 4 septembre 2003, D. Lévesque.

Considérant que le rapport d’évaluation médicale du médecin qui a charge était conforme, la CSST s’estimait liée par l’avis de ce dernier et reconnaissait l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles y étant décrites. La CSST ne pouvait subséquemment se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale afin d’obtenir une opinion sur les séquelles permanentes, car en rendant sa décision, elle avait épuisé sa compétence quant à ces sujets médicaux.

Rheault et Primeau Romanowski Syndic,C.L.P. 239132-04B-0407, 29 novembre 2004, M. Bellemare.

En rendant une décision déclarant que la lésion professionnelle avait entraîné une atteinte permanente de 35 % ainsi que des limitations fonctionnelles, et ce, en respect du rapport d’évaluation médicale du médecin qui a charge, il faut conclure que la CSST se considérait alors liée par le diagnostic de hernie discale L4-L5 ainsi que les conclusions énumérées à ce rapport. D’ailleurs, elle a également rendu une décision autorisant le remboursement de travaux d’entretien courant du domicile suivant une analyse des limitations fonctionnelles. Elle ne pouvait subséquemment se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale afin d’obtenir un avis sur le diagnostic, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Elle avait déjà rendu des décisions concernant ces trois sujets et avait donc épuisé sa compétence quant à ceux-ci. En se prévalant quand même de la procédure d’évaluation médicale, la CSST utilisait un moyen détourné de contester ses décisions.

Gili et Corporation d’aliments Encore Gourmet,C.L.P. 330659-71-0710, 15 mai 2008, J.-David Kushner.

En respect du rapport d’évaluation du médecin qui a charge du travailleur, la CSST reconnaît que ce dernier conserve un DAP additionnel de 46,30 %. Six semaines plus tard, la CSST reconsidère sa décision au motif qu’elle était prématurée puisqu’elle avait décidé de se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale. En rendant sa décision sur la base de l’évaluation du médecin qui a charge, la CSST avait épuisé sa compétence et était devenue functus officio relativement à l’évaluation de l’atteinte permanente. La preuve ne permet pas de déceler l’existence d’un motif permettant la reconsidération. En agissant de la sorte, la CSST s’est arrogé une compétence qu’elle avait déjà épuisée. Si elle s’interrogeait sur le bien-fondé de l’évaluation du médecin qui a charge, elle devait agir avant de rendre sa décision.

Voir également :

Prescott et Placement Potentiel inc., C.L.P. 310130-62-0702, 26 mars 2008, M. Auclair.

Gosselin et C.S.S.S. Québec-Nord, 2011 QCCLP 2772.

Bernier et Carrefour Bureautique Côte-Nord, 2014 QCCLP 466.

Décision finale de la CSST suivant l’avis d’un BEM

Mojica et CLSC Côte des Neiges,C.L.P. 121563-72-9908, 3 février 2000, L. Crochetière.

Le 18 novembre 1998, un premier BEM conclut que la lésion n’est pas consolidée et que l’investigation médicale doit se poursuivre afin de diriger adéquatement le traitement. La CSST entérine cet avis et cette décision n’est pas contestée. Par la suite, un second BEM est d’avis de consolider la lésion au 27 juillet 1998.

L’avis du second BEM devait tenir compte des effets juridiques résultant de la décision finale ayant entériné l’avis du premier BEM. Dans un tel contexte, le second BEM ne pouvait consolider la lésion à une date antérieure à la date de l’avis du premier BEM.

Ahmed et Tricots Liesse 1983 inc.,C.L.P. 143998-71-0008, 5 octobre 2001, M. Zigby.

La CSST reconnaît que la travailleuse a subi une lésion professionnelle ayant entraîné une entorse lombaire. Un premier BEM retient ce diagnostic et consolide la lésion sans séquelles permanentes. Le bureau de révision modifie la décision ayant entériné cet avis, retient des diagnostics d’entorse lombaire et lombosciatalgie et ne consolide pas la lésion puisque des soins sont toujours nécessaires. Par cette même décision, le diagnostic de hernie discale est exclu. Cette décision n’est pas contestée. Un second BEM maintient les conclusions émises par le bureau de révision. Par la suite, un troisième BEM conclut que le diagnostic est probablement celui de hernie discale L4-L5 et consolide la lésion avec un DAP de 2 % ainsi que des limitations fonctionnelles.

L’avis du premier BEM a donné lieu à la décision du bureau de révision, laquelle n’a pas été contestée et est donc devenue finale et irrévocable. Le processus de contestation quant au diagnostic a donc été mené à terme et la CSST ne pouvait de nouveau soumettre ce sujet au BEM. Par conséquent, les avis du second et troisième BEM sont irréguliers quant au diagnostic. Cependant, l’avis du troisième BEM quant à la date de consolidation et à la nécessité des soins et traitements est valable puisque ces questions lui ont été soumises, car aucune décision antérieure n’avait consolidé la lésion professionnelle ou déterminé qu’il y avait suffisance de soins ou traitements. Par ailleurs, la CSST était également bien fondée de demander l’avis du BEM quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles. Cependant, étant donné que l’évaluation de ces séquelles est étroitement reliée au diagnostic et que l’évaluation faite par le BEM l’a été en fonction d’un diagnostic de hernie discale, lequel avait été écarté par une décision finale et irrévocable, son avis sur ces deux sujets doit donc être considéré irrégulier.

Controlnet Service d’entretien d’immeubles inc. et Martin,C.L.P. 162889-07-0105, 10 juillet 2003, M. Langlois.

Un premier BEM est d’avis que le diagnostic le plus probable de la lésion professionnelle est celui d’étirement musculaire de la fesse droite et que cette lésion est consolidée sans nécessité de soins additionnels. Ces conclusions sont entérinées par la CSST. Par la suite, la CSST requiert l’avis du BEM quant à l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Ce dernier émet l’avis que le diagnostic est une entorse lombaire avec possibilité de hernie discale et que la lésion n’est pas consolidée. La CSST entérine cet avis et déclare que le diagnostic d’entorse lombaire est en relation avec la lésion professionnelle. Subséquemment, elle entérine également l’avis complémentaire complété par le second BEM qui ajoute à son diagnostic celui d’étirement musculaire à la fesse droite et précise que ce diagnostic est consolidé sans séquelles permanentes.

Le deuxième alinéa de l’article 221 ne permet pas qu’un BEM se prononce sur le diagnostic ou les autres sujets de l’article 212 lorsque antérieurement un autre BEM a rendu un avis en regard du même événement. En l’espèce, le second BEM a donné son avis sur le diagnostic alors que le premier BEM avait écarté le diagnostic d’entorse lombaire pour retenir celui d’étirement musculaire de la fesse droite. Il ne s’agit pas d’un cas où le diagnostic est évolutif, ce qui aurait pu justifier de requérir l’avis d’un second BEM. Considérant que le premier BEM avait rendu un avis sur le diagnostic, la date de consolidation et les soins et traitements, l’avis du second BEM ne devait compter que sur l’atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

Groupe Alcan Métal Primaire et Dupéré,C.L.P. 289278-02-0605, 6 juin 2007, J. Grégoire.

Un premier BEM reprend l’avis du médecin désigné de la CSST voulant que la lésion soit consolidée sans atteinte permanente. Cependant, afin de favoriser la réintégration au travail, il recommande des limitations fonctionnelles temporaires pour une période de trois mois et précise l’absence de limitations fonctionnelles permanentes. La CSST rend une décision en conséquence. À la suite de la réception d’un rapport final concluant que le travailleur conserve une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles, la CSST requiert un nouveau BEM. Celui-ci indique que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles permanentes. La CSST entérine cet avis, mais l’employeur soutient que le second BEM est irrégulier.

L’avis rendu par le premier BEM démontre, sans aucun doute, que le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle permanente. D’ailleurs, la décision entérinant cet avis démontre bien que l’ensemble des questions médicales quant à la lésion subie par le travailleur était cristallisé. Cette décision n’ayant pas été contestée a donc acquis un caractère final. Le processus de contestation médicale avait été mené à son terme et, du même coup, la CSST avait épuisé sa compétence. Rien ne la justifiait de requérir un nouveau BEM.

Métoplus inc. et Racine,C.L.P. 350714-31-0806, 22 juin 2009, A. Quigley.

Le médecin qui a charge de la travailleuse pose un diagnostic d’entorse lombaire L5-S1 et ajoute par la suite celui de lombosciatalgie. La CSST reconnaît que le travailleur a subi un accident du travail ayant entraîné une entorse lombaire. Un premier BEM retient le diagnostic de lombalgie associée à un spondylolisthésis L5-S1 avec dégénérescence discale L5-S1. La CSST entérine cet avis et reconnaît une relation entre l’événement et le diagnostic de lombalgie, mais conclut que le diagnostic de spondylolisthésis L5-S1 avec dégénérescence discale L5-S1 est une condition personnelle. Subséquemment, le médecin désigné de la CSST retient le diagnostic d’entorse lombaire associée à un spondylolisthésis L5-S1 et des phénomènes de dégénérescence discale L5-S1. Dans son rapport complémentaire, le médecin qui a charge maintient les diagnostics de lombosciatalgie et d’entorse lombaire. Un second BEM retient le diagnostic d’entorse lombaire, consolide la lésion avec suffisance de soins ou traitements et conclut à un DAP de 0 % avec des limitations fonctionnelles.

Lorsque le BEM s’est prononcé sur l’un des points prévus à l’article 212, la seule façon de remettre en cause la décision qui y fait suite est de produire une contestation conformément à l’article 358. Permettre au BEM de se prononcer à nouveau sur un sujet visé par l’article 212 aurait pour effet de reprendre autant de fois qu’une partie le désir le débat sur l’une des conclusions médicales. Procéder ainsi mettrait en péril le principe de stabilité des décisions. L’avis du second BEM est donc irrégulier quant au diagnostic. Cependant, puisqu’il a spécifié dans son avis que les diagnostics de lombalgie et d’entorse sont pour lui synonymes, ses autres conclusions demeurent valides puisqu’elles sont applicables au diagnostic de lombalgie.

Lemay et Transport A. Laberge & Fils inc.,2012 QCCLP 3007.

Un premier BEM retient les diagnostics de neuropathie du plexus brachial, entorse cervicale sur discopathie et entorse à l’épaule droite sur tendinopathie du tendon supra-épineux et gléno-labral et ne consolide pas la lésion professionnelle. La CSST rend une décision en conséquence. Un second BEM conclut que les trois diagnostics sont consolidés avec suffisance de soins ou traitements, et ce, à une date antérieure à celle du premier BEM.

Le fait que le second BEM ait fait rétroagir la date de la consolidation antérieurement à celle où le premier BEM a conclu que la lésion n’était pas encore consolidée équivaut à une révision du premier. Or, le BEM ne possède pas de pouvoir de révision et doit tenir compte d’un avis précédemment rendu. Afin de respecter ces principes, le second BEM ne pouvait fixer une date de consolidation antérieurement à la date du premier BEM.

Nouveau diagnostic émis postérieurement à une décision finale de la CSST entérinant un BEM

Hôpital Sacré-Cœur de Mtl-Qvt et Baldi,C.L.P. 283760-64-0603, 14 mars 2007, R. Daniel.

À la suite de l’avis d’un premier BEM voulant que les diagnostics de la lésion sont ceux d’entorse dorsale et de tendinite traumatique de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, la CSST a notamment reconnu la relation entre le diagnostic de tendinite traumatique de l’épaule gauche et l’événement. L’employeur a contesté cette décision, mais a produit subséquemment un désistement faisant en sorte que celle-ci est devenue finale et sans appel. Par la suite, le médecin qui a charge a ajouté au diagnostic celui de bursite sous-acromiale sous-deltoïdienne à l’épaule gauche. À la suite d’une procédure d’évaluation médicale instituée par l’employeur, un second BEM a émis un avis quant au diagnostic de la lésion professionnelle.

La seconde procédure d’évaluation médicale initiée par l’employeur est régulière puisque l’ajout d'un nouveau diagnostic par le médecin qui a charge justifie que l’employeur peut en contester la validité.

Outillage de Précision Drummond et Bédard,C.L.P. 337193-04B-0809, 13 août 2009, L. Collin.

Un premier BEM retient un diagnostic d’entorse lombaire avec irritation radiculaire L5 gauche et recommande une investigation par résonance magnétique. Celle-ci révèle de volumineuses hernies discales L4-L5 et L5-S1 et à compter de ce moment, ces diagnostics sont repris par le médecin ayant charge du travailleur. Un deuxième BEM conclut à des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1. L’employeur soulève l’irrégularité du second BEM puisqu’un premier BEM s’était déjà prononcé quant au diagnostic de la lésion professionnelle. En matière de diagnostic évolutif, un nouveau diagnostic peut être posé pour toutes sortes de raisons. La décision rendue par la CSST à la suite du premier avis du BEM n’a donc pas pour effet de figer dans le temps la condition médicale du travailleur. L’avis du second BEM n’est donc pas irrégulier. 

Possibilité pour la Commission de se prévaloir de la procédure d'évaluation médicale malgré une décision antérieure d'admissibilité ou de relation

La jurisprudence détermine qu’il faut distinguer une question de relation avec un événement, laquelle est une question juridique, de la question de l’existence d’un diagnostic, laquelle est une question médicale. En conséquence, le prononcé par la Commission d’une décision d’admissibilité ou de relation d’un nouveau diagnostic avec un événement, alors qu’elle est liée par le diagnostic émis par le médecin qui a charge, considérant l’article 224, ne peut l’empêcher de se prévaloir subséquemment de la procédure d’évaluation médicale afin de contester l’existence du diagnostic. En respect de l’article 224.1, elle sera alors liée par le diagnostic retenu par le BEM.

Perez et Lace Design, C.L.P. 110477-71-9902, 15 juin 1999, C. Racine.

La CSST avait initialement accepté la réclamation du travailleur sur la base d’un diagnostic d’entorse cervicale. Suivant l’avis du BEM, un diagnostic de contusion à l’épaule gauche à la face postérieure du thorax est retenu. Le travailleur soumet, à titre de moyen préliminaire, que l’avis du BEM est irrégulier étant donné la décision initiale d’admissibilité.

Lorsqu’elle se prononce sur l’admissibilité d’une lésion, la CSST est liée par le diagnostic retenu par le médecin qui a charge. Elle détermine donc l’existence d’une lésion professionnelle en fonction de ce diagnostic. Cependant, ceci ne peut la lier et l’empêcher d’obtenir l’avis d’un médecin désigné et, ultérieurement, requérir l’avis du BEM. Les articles 204, 205.1, 206 et 217 lui accordent toute la latitude pour ce faire. De plus, l’article 224.1 stipule que la CSST est liée par l’avis du BEM. En conséquence, suivant cet avis, la CSST avait l’obligation légale de modifier le diagnostic afin de retenir celui établi par le BEM. Le moyen préliminaire est donc rejeté. 

Samuel et Briquelage Marius Dufresne, C.L.P. 224309-01B-0312, 23 juin 2004, L. Desbois.

Suivant l’avis du BEM, la CSST retient un diagnostic d’entorse lombaire sur discarthrose multiétagée. À titre de moyen préliminaire, le travailleur soulève la règle de l’autorité de la chose jugée et est d’avis que le diagnostic de hernie discale antérieurement reconnu en relation avec l’événement ne peut être remis en cause.

La jurisprudence reconnaît, depuis près de 20 ans et de façon unanime, que le bien-fondé d’un diagnostic est une question d’ordre médical qui doit être établi par des médecins dans la cadre de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi alors que la question de la relation entre un diagnostic et l’accident du travail ou la lésion professionnelle est une question d’ordre juridique devant être tranchée par la CSST. En l’occurrence, la décision de la CSST ne concerne pas la nature du diagnostic, mais plutôt la relation entre un diagnostic posé par le médecin qui a charge et la lésion professionnelle. Dès que ce diagnostic n’est plus retenu à la suite de l’avis d’un BEM, la décision de relation prononcée par la CSST ne saurait être invoquée comme constituant chose jugée sur la nature du diagnostic à être retenu eu égard à la lésion professionnelle. Cette décision de relation devient alors plutôt sans objet et sans effet. 

Les Carrelages Centre du Québec et Thibodeau, C.L.P. 230800-04-0403, 28 janvier 2005, J.-F. Clément.

La réclamation du travailleur est acceptée en raison d’une entorse lombaire avec lombosciatalgie gauche et d’une entorse au genou gauche. Par la suite, le diagnostic de hernies discales L3-L4 et L4-L5 est reconnu en relation avec l’événement. À la suite de l’avis du BEM, un diagnostic d’entorse lombaire est retenu. Le travailleur soutient que la CSST ne pouvait référer le dossier au BEM quant au diagnostic de hernies discales puisqu’il avait fait l’objet d’une décision non contestée.

La loi n’oblige pas la CSST à contester le premier rapport médical faisant état d’un nouveau diagnostic et à suspendre entre-temps l’indemnisation. Ainsi, elle peut continuer à verser l’IRR et accepter la relation médicale sans pour autant renoncer à contester l’existence même du diagnostic en temps opportun. Lorsque la CSST rend ses décisions quant au lien de causalité, elle le fait en respect de l’article 224 qui prévoit qu’elle est liée par le diagnostic établi par le médecin qui a charge. Ce faisant, elle ne rend pas de décision sur la reconnaissance de l’existence même du diagnostic, mais ne fait que prendre acte de l’existence présumée de celui-ci. Cela ne l’empêche aucunement d’exercer les droits prévus aux articles 204 et suivants quant à l’existence même du diagnostic, question qui relève du médecin qui a charge ou, subsidiairement, du BEM, dont l’avis lie la CSST. Le lien de causalité entre une pathologie et un événement ne relevant pas du processus d’évaluation médicale met en exergue la différence qui existe entre la question de l’existence d’un diagnostic et celle de la relation avec l’événement initial. On ne peut donc conclure que le prononcé de la CSST d’une décision sur la relation médicale entre un diagnostic et une lésion l’empêchait de contester ce diagnostic par la procédure d’évaluation médicale. En effet, il s’agit là de deux questions distinctes.

Hamza et MRC Gros fruits Canadawide inc., C.L.P. 409115-71-1004, 22 décembre 2010, J.-F. Martel.

La CSST reconnaît que le travailleur a subi un accident du travail qui lui a causé une entorse lombaire. Par la suite, elle déclare en relation avec l’accident du travail le nouveau diagnostic de sacro-iliite posé par le médecin qui a charge. Subséquemment, la CSST se prévaut de la procédure d’évaluation médicale et, en respect de l’avis du BEM, ne retient que le seul diagnostic d’entorse lombaire en relation avec l’événement. De façon préliminaire, le travailleur prétend que la décision reconnaissant l’existence d’une relation entre le diagnostic de sacro-iliite et l’accident du travail est finale et irrévocable et que la CSST, ayant épuisé sa compétence quant à ce diagnostic, ne pouvait requérir l’avis du BEM.

Aux termes de l’article 204, la CSST peut exiger qu’un travailleur se soumette à un examen médical à tout moment, et ce, « sur toute question relative à la lésion ». La décision de la CSST reconnaissant l’existence d’une relation entre le diagnostic de sacro-iliite et l’accident du travail ne l’empêchait pas de se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale et requérir l’avis du BEM. Cela ne va pas à l’encontre du principe de la stabilité des décisions puisque la procédure d’évaluation médicale a pour but, en ce qui a trait au diagnostic, d’identifier la lésion. Il s’agit d’une question médicale qui relève du médecin qui a charge ou, le cas échéant, du BEM saisi d’un différend à cet égard. L’objet de la décision rendue par la CSST est différent. Cette dernière détermine si la lésion diagnostiquée a été causée ou non par l’accident du travail; elle statue sur le lien causal. Il s’agit donc d’une question juridique. Les articles 224 et 224.1 ont été édictés afin de permettre à la CSST de s’ajuster à tout nouveau diagnostic susceptible de s’ajouter au cours de l’évolution du dossier. Ne pas reconnaître à la CSST le droit de prendre l’initiative de demander un examen médical du travailleur en vertu de l’article 204, de solliciter un avis du BEM si les conditions sont remplies, puis de rendre une décision en conséquence de cet avis irait à l’encontre de la volonté expresse du législateur. 

Jérome et Coffrage de la Capitale ltée, 2014 QCCLP 4803.

La CSST accepte la réclamation du travailleur pour une contusion au coude gauche et, par la suite, déclare que les diagnostics de tendinopathie traumatique avec discrète déchirure partielle du tendon commun des extenseurs et d’un léger épanchement intra-articulaire du coude gauche sont reliés à l’événement. Subséquemment, à la suite de l’avis du BEM, seul le diagnostic de contusion au coude gauche est retenu. Le travailleur prétend que l’avis du BEM est irrégulier quant au diagnostic considérant l’absence de contestation de la décision reconnaissant la relation entre les nouveaux diagnostics et l’événement.

Le travailleur confond deux processus distincts privés de la loi, soit celui de poser un diagnostic et celui d’établir la relation entre ce diagnostic et l’événement initial. Le premier processus relève du domaine médical. Il s’agit pour le médecin qui a charge ou le BEM de retenir le diagnostic correspondant le mieux à la condition physique et psychique du travailleur. À défaut d’un avis rendu par le BEM sur la question du diagnostic, celui posé par le médecin qui a charge ne peut être remis en cause. Le second processus est d’ordre juridique et consiste à établir si un diagnostic posé par le médecin qui a charge ou le BEM est en relation avec l’événement. En l’espèce, en l’absence d’un avis du BEM, la CSST était liée par l’avis du médecin qui a charge en vertu de l’article 224. Elle ne pouvait remettre en cause l’existence même des diagnostics et ne pouvait qu’établir la relation avec l’événement initial. Ces décisions sont finales et irrévocables sur cet aspect seulement, soit la relation causale. La décision rendue à la suite de l’avis du BEM est différente puisqu’elle doit identifier le ou les diagnostics qui correspondent le mieux à la condition du travailleur. Puisque le BEM n’a retenu que le diagnostic de contusion au coude gauche et qu’il a écarté les autres diagnostics ayant fait l’objet de la décision de relation, la CSST n’avait donc pas à se prononcer de nouveau sur la relation causale quant au diagnostic de contusion au coude gauche. L’avis du BEM n’est donc pas irrégulier.