Interprétation

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. 212. Contestation par l'employeur

Nécessité d'un examen du travailleur

Afin de valablement contester le rapport du médecin qui a charge, la jurisprudence reconnaît la nécessité d’un examen du travailleur par le médecin désigné de l’employeur.

Beaulieu et Coopérative Fédérée de Québec, C.A.L.P. 25854-62-9101, 27 mai 1993, M. Zigby.

Afin d’initier le processus d’arbitrage, le médecin de l’employeur doit examiner la travailleuse en respect de l’article 212. Vu son défaut, la décision rendue par la Commission est annulée et celle-ci est liée par le rapport du médecin qui a charge.

Parent et 2841-1585 Québec inc., C.A.L.P. 38497-60-9204, 25 mai 1994, L. Thibault.

Puisque le médecin désigné de l’employeur n’a pas examiné la travailleuse, son rapport ne pouvait permettre une contestation en vertu de l’art 212. Par conséquent, la décision rendue à la suite de l’avis du BEM est annulée et la Commission demeure liée par les conclusions du médecin qui a charge.

Commission Scolaire des Mille Îles et Robillard, [1995] C.A.L.P. 139.

Contrairement à l’arbitre médical pour lequel, selon l’art 220, l’examen du travailleur est facultatif, le médecin désigné de l’employeur a l’obligation impérative de ce faire aux termes de l’art 212.

Voir également  :

Redburn et Ville de Montréal, C.L.P. 107119-63-9811, 25 novembre 1999, J.-L. Rivard.

Possibilité de contester un rapport médical qui réitère des conclusions

La jurisprudence du tribunal établit que l’employeur peut contester le rapport médical du médecin qui a charge du travailleur qui réitère des conclusions émises dans un rapport précédent, bien que ce dernier n’ait pas alors fait l’objet d’une contestation.

Corneau et Purdel Coop agro-alimentaire, [1988] C.A.L.P.791.

De la même manière qu’il est possible pour le médecin qui prend initialement charge du travailleur ou tout médecin qui en prend charge subséquemment de reprendre ou modifier ses conclusions médicales quant à un ou plusieurs des sujets énoncés à l’article 212, l’employeur a la possibilité de contester conformément à cet article toute attestation ou rapport médical rempli par le médecin qui a charge.

L’absence de contestation par l’employeur d’une conclusion médicale contenue antérieurement dans un rapport du médecin qui a charge du travailleur ne l’empêche aucunement de contester cette même conclusion lorsqu’elle est reprise dans un rapport subséquent.

Il importe de distinguer le caractère final d’une décision rendue par la CSST en respect de l’article 224 des conclusions émises par le médecin qui a charge, lesquelles peuvent être modifiées à chaque rapport.

Blais et Centre Hospitalier Jacques Viger, C.A.L.P. 04117-60-8708, 28 avril 1993, T. Giroux (décision sur requête en révision).

Un employeur n’est pas tenu de contester le diagnostic ou une autre conclusion contenue dans un rapport du médecin qui a charge du travailleur la première fois que cela apparaît dans un rapport médical. En vertu de l’article 212, il peut contester toute conclusion médicale à condition de soumettre une opinion contraire dans les 30 jours suivants.

De prime abord, il peut paraître injuste de remettre en question une situation reconnue de fait depuis un certain temps lorsque l’évaluation n’est contestée que plusieurs mois plus tard, mais ceci respecte le texte de l’article 212.

Barrette et Coca-Cola ltée, C.L.P. 150691-62C-0011, 18 décembre 2002, V. Bergeron.

L’article 212 n’impose aucune obligation à l’employeur de contester, à la première occasion, une ou des conclusions établies par le médecin qui a charge du travailleur.

L’employeur peut donc contester un diagnostic déjà retenu par le médecin qui a charge lorsqu’il est repris dans un rapport médical subséquent de ce médecin.

Varisco et Levinoff-Colbex, S.E.C., 2012 QCCLP 4759.

L’article 212 ne précise pas que le rapport du médecin désigné doit être postérieur au rapport que l’employeur veut contester. D’ailleurs, la jurisprudence du tribunal retient la possibilité d’utiliser une opinion du médecin désigné émise antérieurement au rapport du médecin traitant. De plus, l’employeur peut contester une conclusion que le médecin traitant a déjà tirée antérieurement.

Possibilité que le rapport qui infirme soit antérieur

La jurisprudence considère de façon constante que l’article 212 n’impose pas à l’employeur d’obtenir de son médecin désigné un rapport médical à une date postérieure à celle du rapport médical du médecin qui a charge du travailleur qu’il désire contester. Le seul délai que l’employeur doit respecter est de transmettre le rapport de son médecin désigné dans les 30 jours de la réception du rapport médical qu’il désire contester.

Winter et Centre d’accueil Louis Riel, [1986] C.A.L.P. 107.

Afin de permettre à l’employeur de contester le rapport du médecin qui a charge, le rapport de son médecin désigné doit infirmer les conclusions du médecin qui a charge. Que le rapport qui infirme soit antérieur ou postérieur au rapport du médecin qui a charge ne modifie pas la signification du mot « infirmer ». Cependant, la durée écoulée entre les deux rapports peut entraîner une diminution de la force probante du rapport du médecin désigné.

Empire Steevedoring Co. LTD et Tremblay, [1986] C.A.L.P. 30.

L’article 212 ne précise aucunement que le rapport contredisant celui du médecin qui a charge doive être postérieur à ce dernier afin que la contestation de l’employeur soit valable.

Lazare et Hôpital Saint-Charles Borromée, C.L.P. 114696-73-9904, 19 novembre 1999, R. L. Beaudoin.

Aucun délai n’est mentionné à l’article 212 concernant l’examen du médecin désigné par l’employeur. La seule exigence à ce sujet est que l’employeur conteste le rapport du médecin qui a charge du travailleur dans les 30 jours de sa réception. L’employeur peut donc utiliser un rapport antérieur de son médecin désigné afin de contester un rapport postérieur du médecin qui a charge.

Garcia et Oratex inc., C.L.P. 108141-73-9812, 27 avril 2001, D. Taillon.

L’article 212 ne requiert pas de l’employeur qu’il fasse examiner le travailleur chaque fois qu’il désire se prévaloir de la procédure d’évaluation médicale. En vertu de cet article, ses obligations sont de faire examiner le travailleur et de transmettre le rapport infirmant le rapport du médecin qui a charge dans les 30 jours suivant la réception de celui-ci. Même si le rapport du médecin désigné de l’employeur a déjà servi à entreprendre un processus d’évaluation médicale et ainsi obtenir l’avis du BEM, l’utilisation par l’employeur de ce même rapport en vue de solliciter l’avis d’un second BEM ne peut entraîner l’irrégularité de cette autre procédure d’évaluation médicale.

Voir également :

Lalonde et Groupe Alcan Métal Primaire (Alma), C.L.P. 303981-02-0611, 5 juin 2007, L. Vallières.

Varisco et Levinoff-Colbex, S.E.C., 2012 QCCLP 4759.

Nécessité d'un rapport qui infirme

La jurisprudence établit que la procédure d’évaluation médicale ne peut être valablement instituée que dans l’éventualité où le rapport du médecin désigné infirme, à tout le moins partiellement, le rapport du médecin qui a charge.

Par ailleurs, il existe deux courants jurisprudentiels concernant la nature du pouvoir discrétionnaire du BEM et la possibilité qu’il puisse donner son avis sur un sujet médical ne faisant pas l’objet d’un différend.

Voir:Article 221, rubrique Interprétation.

Loblaw Québec ltée et Durocher, C.L.P. 147370-71-0010, 12 avril 2001, Anne Vaillancourt.

Considérant le libellé de l’article 212, l’employeur ne pouvait engager une contestation au BEM qu’à l’égard des sujets médicaux dont son médecin désigné contredit l’opinion du médecin qui a charge. Ce pouvoir est plus restreint que celui octroyé à la CSST qui peut, en respect des articles 204, 205.1 et 206, soumettre au BEM le rapport de son médecin désigné même s’il porte sur des sujets médicaux sur lesquels le médecin qui a charge ne s’est pas prononcé. En l’espèce, l’employeur ne pouvait engager une contestation concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles puisque le rapport de son médecin désigné n’infirmait pas le rapport du médecin qui a charge, lequel ne s’était pas encore prononcé sur ces sujets.

Simmons Canada inc. et Bourdon, 2013 QCCLP 3767.

Ce n’est qu’en présence d’une contradiction entre les conclusions du médecin désigné par l’employeur et celles du médecin qui a charge du travailleur sur l’un ou plusieurs des sujets énoncés à l’article 212 que le dossier doit être transmis au BEM afin qu’il tranche le litige.

En instance, en posant le diagnostic de « déchirure pathologique du ménisque interne », le médecin désigné par l’employeur n’a pas retenu un diagnostic différent de celui retenu par le médecin qui a charge, soit celui de déchirure méniscale interne. En qualifiant de pathologique le diagnostic de déchirure, le médecin désigné émet implicitement une opinion quant à l’absence de relation entre cette déchirure et l’événement. Or, la relation est une question d’ordre juridique et ne constitue pas l’un des sujets pouvant être soumis au BEM.

Robertson et Centre Transition le Sextant inc., 2014 QCCLP 3666.

La CSST ne peut, par le biais de la procédure devant le BEM, remettre en cause l’un des éléments prévus à l’article 212 qui n’est pas infirmé par le médecin qu’elle a mandaté. Comme le but du processus d’évaluation médicale est de régler des litiges, il n’est pas permis à un membre du BEM de se prononcer sur l’un ou l’autre des sujets prévus à l’article 212 alors qu’une conclusion médicale n’est pas infirmée par le médecin désigné. La procédure d’évaluation médicale ne peut donc servir à créer des débats là où il n’y en a pas.

Contestation circonscrite par la teneur du rapport du médecin qui a charge

La jurisprudence détermine que la contestation de l'employeur est limitée aux sujets médicaux faisant l'objet du rapport du médecin qui a charge.

Rondeau et Société en commandite PH Entreprises, C.L.P. 125130-71-9910, 5 mai 2000, Anne Vaillancourt.

La loi prévoit que la CSST peut obtenir un rapport de son médecin désigné sur toute question concernant la lésion. L’article 206 accorde le droit à la CSST de soumettre au BEM le rapport obtenu en vertu de l’article 204 concernant des sujets à l’égard desquels le médecin qui a charge ne s’est pas prononcé. Ces articles confèrent un pouvoir plus large que celui octroyé à l’employeur.

S… R… et Compagnie A, 2011 QCCLP 2363.

Tel qu’énoncé à l’article 209, l’employeur peut exiger du travailleur qu’il se soumette à l’examen d’un médecin qu’il désigne afin d’obtenir un rapport sur un ou plusieurs des sujets énoncés à l’article 212. Contrairement à ce que prévoit l’article 204, lors d’un examen exigé par la CSST, ce rapport ne peut porter sur toute question relative à la lésion. De plus, l’employeur peut exiger que le travailleur se soumette à un examen uniquement lorsque le médecin qui a charge fournit un rapport à la CSST sur un ou plusieurs des sujets énoncés à l’article 212. L’article 212 permet à l’employeur de contester un rapport du médecin qui a charge du travailleur à la condition que le rapport de son médecin désigné infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à un ou plusieurs des sujets énoncés à l’article 212. Cela implique qu’il doit s’agir de sujets sur lesquels le médecin qui a charge s’est nécessairement prononcé, et ce, contrairement aux droits que la CSST possède en vertu de l’article 206. Ainsi, lorsque l’employeur initie la procédure d’évaluation médicale, l’intention du législateur est d’encadrer plus étroitement l’exercice de ce droit que lorsque la procédure est entreprise par la CSST.

Voir également :

Larue et C-Mac Network System, [2004] C.L.P. 1634.

Bino et Tricots Azzurri Bleu (Les), 2015 QCCLP 2902.