Ouverture du droit à la réadaptation sociale
La jurisprudence considère que l'article 151 faisant partie du chapitre de la réadaptation, un travailleur doit conserver une atteinte permanente de sa lésion professionnelle pour avoir droit à la réadaptation sociale.
Quant à l'existence d'une atteinte permanente, la jurisprudence établit que le droit à la réadaptation s’ouvre à la date où il devient médicalement possible de prévoir qu’une atteinte permanente résultera de la lésion professionnelle.
Voir :
Article 145, rubrique Interprétation.
La non-nécessité de la concomitance des objectifs
La jurisprudence établit que les trois objectifs énumérés à cet article, soit surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, s’adapter à la nouvelle situation découlant de sa lésion professionnelle et redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles ne doivent pas nécessairement être réunis pour qu’une mesure de réadaptation sociale soit autorisée. Le terme « et » de cette énumération doit donc être compris comme disjonctif et signifiant « ou ».
- Chouinard et Boiseries architecturales Rageot inc.,C.L.P. 260417-04B-0504, 29 décembre 2005, D. Lajoie.
Le Tribunal estime qu’il n’est pas démontré par une preuve prépondérante que l’achat du lit électrique puisse aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion ou à s’adapter à sa nouvelle situation ou à redevenir autonome.
- Fleury et Boulangerie Gadoua ltée,[2008] C.L.P. 696.
S’il fallait exiger la preuve de l’existence concomitante de ces trois objectifs pour conclure que le travailleur acquiert le droit à la réadaptation sociale, le travailleur le plus touché par les conséquences de sa lésion professionnelle bénéficierait de moins de droits que celui qui l’est moins. Il peut arriver qu’aucune mesure ne puisse rendre le travailleur à nouveau autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles, mais qu’une mesure puisse l’aider à surmonter les conséquences de sa lésion lui permettant ainsi de s’adapter à la nouvelle situation qui en résulte. C’est la raison pour laquelle, la conjonction de coordination « et » de cette énumération doit être interprétée comme la conjonction disjonctive « ou ».
- Tanguay et CSSS de la Haute-Gaspésie,C.L.P. 375332-01C-0904, 29 septembre 2009, Y. Vigneault.
Les trois objectifs de l’article 151 ne sont pas concomitants; il se peut en effet qu’une aide technique puisse permettre au travailleur de s’adapter à sa nouvelle situation sans qu’il devienne autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles. Le terme « et » de cette énumération doit donc être compris comme disjonctif et signifiant « ou ». Ainsi, le travailleur doit démontrer un besoin en relation avec sa lésion, c’est-à-dire, un besoin d’aide technique pour surmonter les conséquences de sa lésion, s’adapter à sa nouvelle situation ou reconquérir son autonomie.
- Côté et Fonds Courrier & Messagerie,C.L.P. 394619-31-0911, 8 mars 2010, J.-L. Rivard.
Le travailleur a démontré que la mesure qu’il revendique à l’égard des roues d’appoint stabilisatrices destinées à son vélo est susceptible de l’aider à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle ou de lui permettre de s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion, ou redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.
- Leblanc et Corporation municipale de Grosses-Roches, 2014 QCCLP 1937.
La mesure revendiquée par le travailleur, à savoir un vélo électrique, est susceptible de l'aider à surmonter et à atténuer les conséquences personnelles ainsi que sociales de sa lésion professionnelle et de lui permettre de s'adapter à la nouvelle situation qui en découle.
Voir également :
Julien et Const. Nationair, C.L.P. 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif.
Rouette et Produits pour Reprographie Mid-City inc., 2012 QCCLP 3306.
Auger et Thomas Bellemare ltée, 2014 QCCLP 5680.
Voir cependant :
Robitaille et Servisair inc., 2013 QCCLP 2879.
Moreau et Cégep de Limoilou, 2013 QCCLP 3446.
Réadaptation sociale et assistance médicale
La jurisprudence établit qu’il y a lieu de se référer aux dispositions concernant la réadaptation pour déterminer si la demande de remboursement pour les soins, traitements et aides techniques qui ne sont pas prévus à l’article 189 ou au Règlement sur l’assistance médicale peut être accordée.
Voir :
Article 145, rubrique Interprétation.
Respect des limitations fonctionnelles
L'analyse d'une demande de réadaptation sociale ne doit pas se limiter à analyser les bénéfices apportés par une telle mesure, mais doit également tenir compte des risques d'aggravation qu'elle peut entraîner pour la santé du travailleur.
- Rioux et Abitibi-Consolidated inc., C.L.P. 179171-04-0202, 10 juin 2002, J.-F. Clément.
Le Tribunal ne peut faire droit aux prétentions du travailleur en ce qui concerne la réclamation de dispositifs antireculs pour ses fusils de chasse. Ainsi, le travailleur a mentionné que ses propres médecins lui déconseillaient la reprise des activités de chasse. De plus, comme ces dispositifs ne peuvent annihiler totalement les chocs entraînés par la détonation, il n’a pas été démontré que l’installation de ces dispositifs suffirait pour respecter la limitation fonctionnelle qui consiste à éviter les chocs au niveau du rachis cervical et de la ceinture scapulaire. Au surplus, le travailleur doit éviter de manipuler des outils nécessitant une précision d’exécution étant donné la perte de sensibilité de ses pouces et index. Le tribunal ne voit pas comment, avec ces limitations fonctionnelles, le travailleur peut espérer recommencer à se servir d’un fusil de chasse. Il n'est donc pas « dans la mesure du possible », selon les termes de l'article 151, de pallier les séquelles de la lésion professionnelle du travailleur en ce domaine.
- Thériault et Transbois Canada ltée, C.L.P. 318177-03B-0705, 23 mai 2008, R. Savard.
Bien que le Tribunal soit conscient que l’objectif de la loi est de réparer les lésions professionnelles et les conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires, selon l’article 1, il n’en demeure pas moins que, dans le contexte actuel, notamment à cause de la lourde médication prise par le travailleur, le coût d’achat et/ou de modifications d’une arbalète ne peut être autorisé par le tribunal en raison des contraintes de sécurité et surtout de l’absence de consentement de son médecin qui a charge, d’un ergothérapeute ou même de l’obtention d’un permis pouvant lui permettre d’utiliser cette arme sécuritairement.
- Fortin et Lambert Somec inc., C.L.P. 322088-63-0707, 11 septembre 2008, I. Piché.
L'acquisition d'une arbalète à elle seule ne permet pas au travailleur de surmonter les conséquences découlant de sa lésion professionnelle lors de la pratique de la chasse au gros gibier. En effet, le transport des sacs de pommes et de la bête une fois abattue contrevient à la limitation fonctionnelle d'éviter de manipuler des charges de plus de 10 livres avec chaque membre supérieur, et ce, même avec les moyens compensatoires utilisés. En l'espèce, le travailleur se place consciemment et volontairement dans une situation où il devra à plusieurs occasions au cours de sa saison de chasse contrevenir à l'une de ses limitations fonctionnelles malgré l'utilisation de l'arbalète. En conséquence, il ne saurait être question de se limiter à l'analyse individuelle des bénéfices apportés par le remplacement d'un équipement et ignorer que la pratique de l'activité dans son ensemble comporte un risque sérieux de RRA.
- Huberdeau et Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 2012 QCCLP 618.
L’acquisition d’un vélo à mains constitue dans les circonstances le seul moyen pour la travailleuse de surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles. La travailleuse devra cependant voir à se procurer une attestation médicale de son médecin attestant de l’absence de risque d’aggravation de sa condition lors de l’utilisation d’un tel type de vélo.
- Labonté et Centre hospitalier de la région de l'Amiante,2013 QCCLP 1563.
La travailleuse s'est vu reconnaître des limitations fonctionnelles de classe IV. Selon ces limitations, la travailleuse doit éviter d'accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups de la colonne vertébrale et elle ne peut garder la même posture debout ou assise plus de 30 à 60 minutes. La demande de la travailleuse visant le remboursement du coût d'achat d'un quadriporteur est refusée. En effet, l'utilisation d'un quadriporteur implique vraisemblablement des vibrations de basse fréquence ce qui constitue une contre-indication pour la travailleuse. À ce problème s'ajoute la position fixe assise qui se limite de 30 à 60 minutes tout au plus. De plus, le fait de faire usage de narcotique, sur une base quotidienne, à des doses importantes rend la travailleuse inapte à conduire ce type de véhicule.
Voir également :
Pelletier et C.L.S.C. de l'Érable, C.L.P. 310082-04B-0702, 5 juillet 2007, A. Quigley.
Carrier et Abitibi-Consolidated inc., C.L.P. 323911-02-0707, 19 février 2008, J. Grégoire.
Bouchard et Breakwater - Mine Bouchard Hébert, C.L.P. 277666-08-0511, 23 avril 2009, C. Lavigne.
Goudreau et Provigo Distribution inc., C.L.P. 365658-01A-0812, 5 juin 2009, Monique Lamarre.
Mesure de confort
La jurisprudence établit qu’une mesure de réadaptation sociale ne doit pas constituer uniquement une mesure de bien-être, mais plutôt une mesure pour aider le travailleur à surmonter les conséquences directes de sa lésion professionnelle.
- Lefebvre et Carborundum Canada inc., C.L.P. 219710-04-0311, 26 mars 2004, S. Sénéchal.
Le climatiseur ne constitue pas simplement un moyen de bien-être, mais plutôt une mesure pour aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles de sa maladie professionnelle pulmonaire.
- Vézina et R.H.D.C.C. - Direction travail, C.L.P. 296892-04B-0608, 19 décembre 2007, J.-L. Rivard.
La demande du travailleur relativement à un siège chauffant n’est pas fondée puisqu’il s’agit uniquement d’une demande produite spontanément par le travailleur pour rendre sa conduite plus confortable, le tout non confirmé sur le plan médical.
Suivi :
Révision rejetée, 10 juillet 2008, A. Suicco.
- Fleury et Cgl & Cgp, C.L.P. 307895-62A-0701, 31 janvier 2008, J. Landry.
La preuve démontre qu’il ne s'agit pas seulement d'un moyen pour augmenter son confort, mais plutôt d'une mesure pour aider la travailleuse à surmonter les conséquences personnelles de sa lésion professionnelle. Par conséquent, le tribunal conclut que la CSST doit assumer le coût d’achat et d’installation d’un climatiseur dans le domicile de la travailleuse.
- Paquette et Bau-Val inc., C.L.P. 324882-62C-0708, 28 avril 2008, C. Burdett.
Une mesure de réadaptation doit être plus qu'une mesure de confort, elle doit être médicalement nécessaire.
- Robert et Comax Coopérative Agricole, 2012 QCCLP 423.
La preuve ne permet pas d’établir, par une balance de probabilité, que l’utilisation d’un climatiseur permettrait au travailleur de pallier les conséquences de sa lésion professionnelle plutôt qu’à simplement améliorer son confort.
Voir également :
Chouinard et Boiseries architecturales Rageot inc., C.L.P. 260417-04B-0504, 29 décembre 2005, D. Lajoie.
Tessier et Métallurgie Noranda inc. (Horne) (F), C.L.P. 271409-08-0509, 7 mars 2006, S. Lemire.
Roberge et Marché Lafrance inc., C.L.P. 244533-05-0409, 28 juin 2007, L. Boudreault.
Filion et Isolation Confort Co ltée, C.L.P. 334004-64-0711, 21 août 2008, R. Daniel.
Chapados et Camp Louis-Georges Lamontagne, C.L.P. 349183-01A-0805, 19 mars 2009, M. Racine.
Le Tribunal n’est pas lié par une politique de la CNESST
Voir :
Article 152, rubrique Illustrations.
Article 155, rubrique Illustrations - Adaptation du véhicule.
Article 165, rubrique Interprétation - Travaux d'entretien.
- Letendre et Relizon Canada inc., [2004] C.L.P. 1769.
Le Tribunal ne nie pas le pouvoir de la CSST d’adopter des politiques d’application de la loi. Toutefois, il ne peut être lié par une politique lorsque celle-ci impose des critères d’admissibilité à une mesure de réadaptation qui ne sont pas prévus par la loi ni par un règlement adopté en vertu de la loi et qui vont au-delà de ce qu’exige la loi.
- Marenger et Uniboard Canada (Division Mont-Laurier), C.L.P. 245371-64-0410, 21 avril 2006, J.-F. Martel.
Le Tribunal n’est pas lié par des limites ou modalités prévues dans une politique interne de la CSST qui ne trouve pas assise dans une disposition législative ou réglementaire. Toutefois, l’exigence de la CSST dans sa politique, soit que la demande de remboursement soit accompagnée de « reçus originaux » est conforme à la loi. En effet, cette exigence tient tout simplement compte du fait qu’il s’agit bel et bien ici d’un remboursement de frais, une mesure comparable à celles prévues à l'article 152 (4) et ( 5), par exemple.
- Hamelin et J Walter Cie Ltée, C.L.P. 303182-62B-0611, 4 décembre 2007, A. Suicco. (décision accueillant la requête en révision).
Le tribunal n'est pas lié par les politiques de la CSST, mais bien seulement par les dispositions de la loi.
- Pelletier et Legault Déboisement, C.L.P. 346808-64-0804, 10 février 2009, R. Daniel.
Même si la CSST a le pouvoir d’adopter des politiques d’application de la loi, le tribunal ne peut y être lié, lorsqu'une telle politique impose des critères d’admissibilité à une mesure de réadaptation qui ne sont pas prévus par la loi ni par un règlement adopté en vertu de la loi et qui vont au-delà de ce qu’exige la loi.
- Arbour, C.L.P. 375858-61-0904, 3 mars 2010, G. Morin.
Le Tribunal n’est pas lié par une politique interne de la CSST qui ne trouve pas assise dans une disposition législative ou réglementaire.
- Gouger et CSST, 2012 QCCLP 2419.
Les politiques internes de la CSST constituent des guides interprétatifs à l'usage des fonctionnaires de la CSST. Ces politiques visent également à informer les justiciables de l'interprétation donnée par la CSST à une disposition particulière de la loi. Par ailleurs, les politiques internes de la CSST n'ont pas force de loi. Elles ne lient donc pas le tribunal. Celui-ci est toutefois lié par la loi.
Voir également :
Marticotte et Fermes St-Vincent inc., C.L.P. 401664-01B-1002, 10 novembre 2010, J.-F. Clément.
La jurisprudence établit que le Tribunal n’est pas lié par une politique de la CNESST lorsqu’elle impose des critères d’admissibilité à une mesure de réadaptation qui ne sont pas prévus par la loi ni par un règlement et qui vont au-delà de ce qu’exige la loi. Il en est de même des limites monétaires fixées par la CNESST dans ses politiques.
Cependant, certains décideurs considèrent qu'ils peuvent s'en inspirer dans la mesure où l'esprit de la loi est respecté et qu'elles sont raisonnables.