Interprétation

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. 203. Rapport final

Utilisation du formulaire prescrit par la CNESST

La jurisprudence établit que l’utilisation des formulaires « rapport final » et « rapport d’évaluation médicale » n’est pas obligatoire et qu’un document médical contenant les éléments requis par l’article 203 constitue un rapport final valide.

Savard et Industries FDS inc., C.L.P. 90552-03A-9708, 15 avril 1998, P. Brazeau.

À l’occasion d’une conversation téléphonique initiée par le médecin régional de la CSST, le médecin qui a charge communique les conclusions d’ordre médicales requises à l’article 203. Ses conclusions sont reproduites dans un bilan médical préparé le jour même par le médecin de la CSST et transmis au médecin qui a charge. Ce bilan n’a pas été signé par le médecin qui a charge, mais celui-ci en a confirmé la teneur lors d’une conversation téléphonique intervenue subséquemment avec une préposée de la CSST.

Bien que ce rapport final soit dans une forme différente de la forme usuelle, il n’en satisfait pas moins aux exigences de l’article 203. En outre, en vertu de l’article 353, ce rapport ne saurait être considéré comme nul pour vice de forme ou irrégularité.

 

Rufiange et Payge International inc., C.L.P. 109300-73-9901, 22 juillet 1999, C.-A. Ducharme.

Le rapport médical rédigé par le médecin qui a charge contient suffisamment d’informations pour conclure à la consolidation de la lésion, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. L’utilisation d’un document autre que le formulaire prescrit à cette fin par la CSST ne rend pas invalide le rapport final.

 

Nécessité de compléter le rapport final par un rapport d’évaluation médicale

La jurisprudence établit que lorsqu’une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles résultent de la lésion professionnelle, afin de rencontrer les prescriptions de l'article 203, le rapport final doit être accompagné d'un rapport d'évaluation médicale qui indique le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, selon le Règlement sur le barème des dommages corporels, et qui décrit les limitations fonctionnelles.

Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît que le rapport final peut être en soi complet s’il contient les éléments exigés à l’article 203.

Pouliot et Imprimerie Montréal Magog,C.A.L.P. 21283-05-9008, 18 novembre 1992, M. Cuddihy.

Le « rapport final » ne contenant que l'affirmation ou la négation de l'existence d'une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles ne respecte pas les exigences de l'article 203 qui stipule que le médecin ayant charge du travailleur doit préciser le pourcentage d'atteinte permanente d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement et décrire les limitations fonctionnelles. Étant donné que la CSST est liée par l'avis du médecin qui a charge, il en résulte que l'avis liant concerne un sujet sur lequel la loi demande au médecin ayant charge de se prononcer. « De plus, au point de vue pratique, il est très difficile de pouvoir contester l'existence d'une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles si celles-ci ne sont pas précisées ».

 

Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin, [1995] C.A.L.P. 1201.

Dans le but d’obtenir l’opinion du médecin traitant sur les sujets prescrits par la loi suivant la consolidation de la lésion, la CSST a élaboré deux formulaires nommés « rapport final » et « rapport d’évaluation médicale ». Le formulaire « rapport final » ne respecte pas les prescriptions de l’article 203 qui prévoit l’existence légale d’un rapport final et en détermine le contenu.

L’affirmation ou la négation pure et simple de l’existence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, requise par la CSST au formulaire « rapport final », ne concorde avec aucune des étapes de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi. L’article 203, 2e et 3e paragraphes, spécifie qu’à la suite de la consolidation de la lésion, le médecin ayant charge du travailleur doit indiquer le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur d’après le barème des dommages corporels adopté par règlement, et décrire les limitations fonctionnelles du travailleur résultant de cette lésion. « La limitation fonctionnelle, tout comme l’atteinte permanente, ne devient réelle, et donc applicable ou contestable, que lorsqu’elle est décrite dans sa nature ».

 

Bussières et Abitibi Consolidated (division La Tuque), C.L.P. 215582-04-0309, 13 avril 2004, S. Sénéchal.

L’affirmation ou la négation de l’existence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ou de limitations fonctionnelles sur le formulaire de rapport médical final ne respecte pas les exigences énoncées à l'article 203 de décrire le pourcentage de l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. « Ce que le législateur a voulu à l’article 203, on le retrouve donc en combinant le formulaire de rapport médical final et le rapport d'évaluation médicale ».

 

Trudel et Transelec/Common inc., C.L.P. 257302-01B-0502, 24 février 2006, L. Desbois.

Le bref formulaire « rapport final » ne suffit pas et doit être complété par un rapport d’évaluation médicale, à moins qu’il ne contienne les éléments requis par l’article 203. La pertinence des questions de la CSST quant à l’existence d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sur le bref rapport final que doit compléter le médecin, bien que ne correspondant pas exactement à ce qui est exigé à l’article 203, s’explique car la réponse à ces questions permet de déterminer s'il sera nécessaire de procéder à une évaluation exhaustive. Dans le cas d'une réponse négative, le dossier est en effet fermé. Cette façon de procéder respecte le libellé de l’article 203 selon lequel le médecin indique « le cas échéant […] le pourcentage d’atteinte permanente […] la description des limitations fonctionnelles […] ». Ainsi, si le médecin énonce qu’aucune atteinte permanente et aucune limitation fonctionnelle ne résulte de la lésion professionnelle, il n’y a pas lieu d’aller plus loin puisque les exigences de l’article 203 sont respectées. Dans le cas contraire, une évaluation de l’atteinte permanente ainsi qu'une description des limitations fonctionnelles est requise.

 

Suivi :

Révision rejetée, 13 juillet 2007, C.-A. Ducharme.

Hamilton et Toyota Pie IX inc., 2011 QCCLP 1532.

Dans un rapport complémentaire, le médecin qui a charge confirme son accord avec le médecin désigné de l'employeur voulant que la lésion professionnelle était consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Par la suite, il produit un rapport final confirmant l’absence de séquelles. Puisque le médecin qui a charge n'a pas retenu que la lésion professionnelle était consolidée avec une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles, il a entièrement satisfait aux obligations de l'article 203 et n'avait pas à référer la travailleuse à un autre médecin évaluateur pour procéder à l'évaluation des séquelles dont il ne reconnaît pas l'existence. Le rapport final était complet en soi et aucun rapport d'évaluation médicale n'était donc nécessaire.

 

Morin et Agence du revenu du Canada, 2011 QCCLP 6132.

Afin d'atteindre sa finalité, le rapport final doit nécessairement être complété par un rapport d’évaluation médicale dans lequel le pourcentage de l’atteinte permanente est déterminé et les limitations fonctionnelles décrites.

 

Maçonnerie André Desfossés inc. et Truchon, 2014 QCCLP 3295.

Le rapport final ne respecte pas intégralement les dispositions prévues à l'article 203 puisqu'il indique la présence d'une atteinte permanente, mais n'en précise pas le pourcentage. Cependant, dans ce rapport, le médecin qui a charge mentionne que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles et il en fait une description. Généralement, un médecin indique dans son rapport final si la lésion professionnelle engendrera une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ou encore des limitations fonctionnelles, et ce, en cochant la case « oui » ou la case « non ». Il est particulièrement rare que dans ce rapport, un médecin précise le pourcentage d'atteinte permanente et décrit les limitations fonctionnelles. Ces informations se trouvent habituellement dans le rapport d'évaluation médicale que le médecin remplit, en même temps que le rapport final ou ultérieurement. En l'espèce, le médecin qui a charge a décrit dans son rapport final les limitations fonctionnelles qu'il retenait. En conséquence, ce rapport était complet en soi relativement à l'existence et à l'évaluation des limitations fonctionnelles.

 

Suivi :

Désistement de la requête en révision.

Voir également :

Côté et Gestion Rémy Ferland inc., C.L.P.175597-03B-0201, 20 juin 2002, J.-F. Clément.

Lambert Somec inc. et Boulanger, C.L.P. 353797-02-0807, 6 août 2009, R. Bernard.

Marché A. Desrochers inc. et Gagnon, C.L.P. 381200-04B-0906, 2 septembre 2010, Marie Lamarre.

Gazaille et Isoporc inc., C.L.P. 400303-62B-1001, 14 septembre 2010, M. Watkins.

McKelvey et Entreprises Wilfrid Côté inc., 2013 QCCLP 1397.

Contradictions entre le rapport final et le rapport d’évaluation médicale

Lorsqu’il y a contradiction entre le rapport final rempli par le médecin qui a charge du travailleur et le rapport d’évaluation médicale élaboré subséquemment par ce même médecin, la jurisprudence établit qu’il y a lieu de donner préséance aux conclusions contenues dans le rapport d’évaluation médicale puisque ce rapport est celui qui respecte les exigences de l’article 203.

Larivière et Hôpital du Haut Richelieu, C.A.L.P. 38310-62-9203, 9 mars 1994, Marie Lamarre.

Dans son rapport final du 2 mai 1991, le médecin qui a charge conclut à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Dans son rapport d’évaluation médicale du 27 juin 1991, ce médecin détermine une atteinte permanente de 0 % pour une entorse sans séquelles objectivées et précise que les limitations fonctionnelles attribuées le sont à titre préventif en raison de l’existence d’une condition personnelle. Lorsqu’il y a contradiction entre le rapport final rempli par le médecin traitant et le rapport d’évaluation médicale qui accompagne ou complète ce rapport final, il y a lieu de donner préséance au contenu du rapport d’évaluation médicale puisque celui-ci est le rapport qui est véritablement conforme aux prescriptions de l’article 203.

 

Garand et Résidences Angelica inc.,C.L.P. 297886-04B-0609, 8 novembre 2007, L. Morissette.

Le médecin qui a charge remplit un rapport final indiquant que la travailleuse conserve une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles. Subséquemment, après avoir examiné la travailleuse, il soumet un rapport d’évaluation médicale dans lequel il estime que cette dernière ne conserve aucune limitation fonctionnelle. Le seul fait pour un médecin de cocher une case sur un rapport final est insuffisant pour lier la CSST et établir que la travailleuse conserve une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles. De plus, il est tout à fait vraisemblable qu'après un examen physique minutieux et approfondi effectué deux mois suivant son rapport final le médecin qui a charge ait conclu à l’inexistence de limitations fonctionnelles.

 

Suivi :

Révision rejetée, 12 mars 2008, A. Suicco.

Marcil et Entreprise Dominion Blueline inc., 2015 QCCLP 672.

Lorsqu’il y a une distinction entre les informations contenues au rapport final et au rapport d'évaluation médicale d’un même médecin, c’est le rapport d'évaluation médicale qui a préséance. En l’espèce, même si le médecin qui a charge prévoyait une atteinte permanente dans son rapport final et qu’après l’examen physique du travailleur, il fixe cette atteinte à 0 % dans son rapport d'évaluation médicale, c’est ce dernier rapport qui prévaut.

 

Voir également :

Rauck et St-Martin Shell 2000, C.A.L.P. 87879-60-9704, 19 janvier 1998, B. Lemay.

Voir :

Article 192, rubrique Interprétation - sous le titre Droit au professionnel de la santé.

La jurisprudence a déterminé qu’un travailleur ne peut avoir qu’un seul médecin qui a charge à la fois, en raison notamment de l’effet liant de leurs constatations médicales et du risque de l’émission d’avis contradictoires. Ainsi, lorsque le médecin qui a charge ne procède pas à l’évaluation de l’atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles et réfère le travailleur à un médecin évaluateur, dans les limites de ce mandat et strictement à l’égard des sujets médicaux n’ayant pas été réglés par le médecin qui a charge, il a été établi que le médecin évaluateur est alors considéré le médecin qui a charge du travailleur. Il en va de même lorsque le médecin qui a charge ne réfère pas le travailleur à un médecin évaluateur, lequel est alors désigné par le travailleur.

En cas de contradiction entre le rapport final complété par le médecin qui a charge, lequel, bien que concluant à l’existence d’une atteinte permanente et/ou des limitations fonctionnelles ne procède pas à leur évaluation ou description et réfère ou non le travailleur à un médecin-évaluateur, et le contenu du rapport d’évaluation médicale produit par le médecin-évaluateur, la jurisprudence établit que l’opinion de ce dernier a préséance quant à ses sujets médicaux, car ce rapport est celui qui respecte la teneur de l’article 203. Dans ce contexte, le médecin évaluateur peut contredire la conclusion du médecin traitant voulant que le travailleur conserve une atteinte permanente et/ou des limitations fonctionnelles.

Beauchemin et Hôpital Christ-Roi, C.L.P. 193400-04B-0210, 11 août 2003, D. Lajoie.

Bien que le médecin qui a charge affirmait que la lésion professionnelle entraînait des limitations fonctionnelles, il n’en a pas fait la description au rapport final et a délégué cette compétence à un orthopédiste. Par cette délégation, l’orthopédiste est devenu, aux fins de l’évaluation des limitations fonctionnelles, le médecin qui a charge de la travailleuse. L’existence d’un désaccord entre ces deux médecins quant aux limitations fonctionnelles ne rend pas le rapport d’évaluation médicale invalide. Le mandat confié à l’orthopédiste était d’évaluer les limitations fonctionnelles. Il était de sa compétence de déterminer que la lésion professionnelle n’entraîne pas de limitations fonctionnelles et que ces dernières résultent plutôt d’une condition personnelle. 

 

Trudel et Transelec/Common inc., C.L.P. 257302-01B-0502, 24 février 2006, L. Desbois.

Le médecin-évaluateur ne peut remettre en cause et infirmer les sujets médicaux complètement réglés par le médecin qui a charge dans son rapport final. Lorsque le médecin qui a charge n’évalue pas l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles et dirige le travailleur vers un médecin-évaluateur, ce dernier a toute liberté pour les évaluer, y compris conclure qu’il n’y en a pas, l’article 203 ne référant pas seulement à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, mais aussi au pourcentage d’atteinte permanente et à la description des limitations fonctionnelles. Un médecin de famille dans le doute et n’étant pas familier avec le barème des atteintes permanentes et les usages en matière de reconnaissance et de rédaction des limitations fonctionnelles n’aurait qu’à répondre « oui » aux questions concernant l'existence d'une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles afin qu’une évaluation faite par un médecin plus compétent en la matière soit subséquemment complétée. Conséquemment, il apparaît raisonnable de privilégier l’opinion de ce second médecin lorsque le premier n’a pas indiqué le pourcentage d’atteinte permanente, ni décrit les limitations fonctionnelles et qu’il s’est limité à énoncer à la CSST qu’il en subsisterait.

 

Suivi :

Révision rejetée, 13 juillet 2007, C.-A. Ducharme.

Gauthier et Hamel Construction inc.,C.L.P. 297042-01A-0608, 26 juillet 2007, J.-F. Clément.

Le médecin qui a charge consolide la lésion sans limitation fonctionnelle, mais avec une atteinte permanente. Il indique qu’il ne produira pas le rapport d’évaluation médicale et réfère le travailleur à un autre médecin. Subséquemment, le travailleur avise la CSST qu’il a choisi un autre médecin pour procéder à l’évaluation de ses séquelles. Dans le rapport d’évaluation médicale, un DAP de 0 % pour une entorse lombaire sans séquelles objectivées est accordé et des limitations fonctionnelles de classe 1 sont émises. Le rapport final n’est pas tout à fait complet et ne respecte pas les prescriptions de l’article 203 puisque le médecin qui a charge conclut à l’existence d’atteinte permanente sans en donner le détail. En conséquence, pour ce qui est de l’atteinte permanente, c’est le médecin-évaluateur, choisi par le travailleur, qui doit être considéré comme étant le médecin qui a charge. Or, ce médecin a constaté que le travailleur ne conservait aucune atteinte permanente. Par ailleurs, le rapport final était complet et valide quant au diagnostic d’entorse lombaire résolue, la date de consolidation et l’absence de limitations fonctionnelles. L’avis du premier médecin, quant à l’absence de limitations fonctionnelles, est conforme à l’article 203, car ce n’est que lorsqu’une réponse affirmative est énoncée concernant l’existence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles que ce rapport doit être complété par un rapport d’évaluation médicale afin de devenir conforme à cet article. Comme le premier médecin a conclu qu’il n’y avait pas de limitations fonctionnelles, aucun autre rapport n’avait à être produit et son avis concernant ce sujet médical devenait liant en respect de l’article 224.

 

Marché A. Desrochers inc. et Gagnon, C.L.P. 381200-04B-0906, 2 septembre 2010, Marie Lamarre.

Dans son rapport final, le médecin qui a charge indique que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et il la réfère à un chirurgien orthopédiste pour l’évaluation. Il a ainsi délégué à celui-ci sa compétence d’évaluer le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique d’après le Barème des dommages corporels, de même que les limitations fonctionnelles, au sens de la procédure d’évaluation médicale prévue par la loi, particulièrement aux paragraphes 2 et 3 de l’article 203. Ce sont donc les conclusions du chirurgien orthopédiste qui sont liantes et, de ce fait, la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de sa lésion professionnelle.

 

Une autre approche se dégage de la jurisprudence en présence d’une contradiction entre la teneur du rapport final et le contenu du rapport d’évaluation médicale. Ainsi, lorsque le médecin qui a charge conclut dans son rapport final à l’inexistence d’une atteinte permanente, mais à l’existence de limitations fonctionnelles ou inversement et réfère le travailleur à un médecin-évaluateur pour l’évaluation des limitations fonctionnelles ou de l’atteinte permanente, quelques décisions accordent préséance à la teneur du rapport d’évaluation médicale qui, contrairement au rapport final, détermine une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles. Ces décisions énoncent qu’il faut privilégier le rapport d’évaluation médicale puisque c’est ce rapport qui est conforme aux prescriptions de l’article 203. Cependant, elles ne discutent pas des limites du mandat confié au médecin évaluateur ni le fait que le rapport final puisse être considéré complet sur tous les sujets médicaux, à l’exception de celui à l’égard duquel une évaluation est demandée.

Leclair et Ressources Breakwater-Mine Langlois, C.L.P. 138655-08-0004, 23 juillet 2001, P. Prégent.

Le médecin qui a charge du travailleur soumet un rapport final dans lequel il consolide la lésion avec atteinte permanente, mais sans limitation fonctionnelle. Le rapport d’évaluation médicale rempli par le médecin évaluateur désigné par le travailleur indique le pourcentage d’atteinte permanente ainsi qu’une description des limitations fonctionnelles conservées par le travailleur. Le « rapport final » ne rencontre pas les conditions de l’article 203, car il doit être complété d’un rapport d’évaluation médicale qui précise les éléments prévus à cet article. S’il y a contradiction entre le rapport final complété par le médecin traitant et le rapport d’évaluation médicale subséquent qui accompagne ou complète ce rapport, il y a lieu de donner préséance aux conclusions retenues par le médecin qui soumet le rapport d’évaluation médicale puisque c’est ce rapport qui est conforme à l’article 203.

 

Voir également :

Rivard et Roxboro Excavation inc., 2014 QCCLP 4434. 

Suivi :

Révision rejetée, 2015 QCCLP 4047.

Chavez et Les Aliments Bercy inc., 2018 QCTAT 182.

Voir cependant :

Dans l’affaire Lapointe, rendue en 2004, la Cour d’appel a accueilli la requête en révision judiciaire à l’encontre d'une décision de la CLP. La Cour d’appel conclut qu’un travailleur n’est pas lié par le contenu du rapport médical préparé par un spécialiste à la demande du médecin qui a charge lorsque ce rapport contredit le rapport final de ce dernier et qu’il n’a pas été communiqué au travailleur. Le litige devant la CLP avait porté sur la notion de « médecin qui a charge » lors de la formulation d’un rapport d’évaluation médicale. La CLP avait déterminé que lorsque le médecin qui a charge délègue à un médecin-évaluateur l’évaluation des séquelles permanentes ainsi que la rédaction du rapport d’évaluation médicale, celui-ci devient le médecin qui a charge concernant ces sujets. Il est à noter que dans cette affaire, le médecin-évaluateur avait retenu un diagnostic différent de celui qui avait été déterminé par le médecin qui a charge dans son rapport final et que cet aspect du dossier n’a pas fait l’objet d’une discussion par la Cour d’appel. L’approche retenue par la Cour d’appel dans ce jugement a été peu suivie par la CLP.

Lapointe c. Commission des lésions professionnelles, C.A. Montréal, 500-09-013413-034, 19 mars 2004, jj. Forget, Dalphond, Rayle.

L’article 351 rappelle que la CSST doit rendre ses décisions suivant l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas. Lorsque le médecin qui a charge soumet un rapport final dans lequel il conclut à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles et réfère la travailleuse à un médecin-évaluateur afin que soit confectionné le rapport d’évaluation médicale, il n’y a que deux façons possibles de traiter le dossier. La première est de considérer que le médecin qui a charge est en tout temps celui qui produit le rapport final et que le médecin-évaluateur est un mandataire chargé de rédiger le rapport final. Ainsi, aux fins de l’article 203, le rapport final complet est alors constitué du rapport final soumis par le médecin qui a charge et par le rapport complémentaire complété par le médecin-évaluateur. Advenant que le rapport final et le rapport complémentaire soient contradictoires, la CSST peut se prévaloir de l’article 204 et requérir l’avis du BEM. La deuxième possibilité est de considérer que le médecin qui a charge est désormais le médecin-évaluateur. Dans les deux cas, en vertu de l’article 203, le médecin qui a charge a l'obligation d’informer le travailleur du contenu du rapport d’évaluation médicale.

 

Das et Plastiques Balcan ltée, C.L.P. 228495-72-0402, 25 octobre 2005, F. Juteau.

Aucune disposition de la loi ne prévoit explicitement la démarche à suivre lorsqu’il y a contradiction entre le rapport d'évaluation médicale fait par le médecin évaluateur à la demande du médecin qui a charge et le rapport final de ce dernier. La démarche proposée par la Cour d’appel voulant que dans une telle situation la CSST puisse se prévaloir de l’article 204 et soumettre ce rapport au BEM aurait pour conséquence de permettre au travailleur de se prévaloir d’un recours pour établir sa véritable condition médicale. En plus de protéger le droit du travailleur de choisir son médecin qui a charge, cette approche de la Cour d’appel s’harmonise avec les articles 205.1 et 212.1 qui prévoient que lors de contradictions entre l’opinion du médecin qui a charge et le médecin désigné par la CSST ou par l’employeur, le dossier peut être soumis au BEM pour trancher le différend. En l’espèce, considérant l’existence d’une contradiction entre le rapport final et le rapport d’évaluation médicale, la CSST aurait dû requérir un examen en vertu de l’article 204. Puisque cela n’a pas été fait, le rapport d’évaluation médicale n'a pas d'effet liant.

 

Safi et Les Pétroles Super Écono inc., C.L.P. 390470-71-0909, 26 avril 2010, M. Larouche.

Lorsque le médecin traitant délègue ses responsabilités à un autre médecin afin que soit complété le rapport d’évaluation médicale final prévu à l’article 203, on ne doit pas retrouver de contradiction entre l’opinion du médecin qui a charge et celui qui complète le rapport. Un rapport d’évaluation médicale final qui ne respecte pas cette règle ne peut être liant aux fins de l’application de la loi. 

 

Voir également :

Leblanc et Hydro Arbre enr. (fermée), C.L.P. 258392-62B-0503, 10 septembre 2007, M.D. Lampron.

Therrien et Menuiseries Nouveau Style inc., C.L.P. 396488-71-0911, 17 août 2010, M.-A. Roiseux.

Nécessité ou non d’un examen médical contemporain avant la production du rapport final

La jurisprudence établit que lors de la rédaction du rapport final, le médecin qui a charge du travailleur doit s’assurer d’avoir toutes les informations pertinentes et nécessaires à la détermination de la consolidation de la lésion ainsi qu’à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

Un examen contemporain du travailleur par le médecin qui a charge est généralement requis, mais une analyse des faits peut démonter que cela n’est pas nécessaire.

Nécessité d’un examen médical

Cliche et Les Gicleurs Eclair inc., C.L.P. 248046-32-0411, 29 mars 2005, A. Tremblay.

La preuve contenue au dossier permet d’établir que le rapport médical final complété par le médecin traitant, en rapport avec la lésion professionnelle initiale, l’a été à partir d’informations inexactes transmises par la CSST ou par d’autres sources qui confirmaient le retour à temps plein du travailleur à son emploi régulier. Le médecin qui a charge n’a pas procédé à un examen du travailleur, et ce dernier n’a pas bénéficié d’une évaluation complète de la part de son médecin traitant avant qu’il consolide la lésion, sans limitations fonctionnelles ni atteinte permanente. Dans ce contexte, en l’absence d’examen et d’entrevue avec le travailleur, le rapport médical final ne comporte qu’un aspect administratif et ne peut être déterminant quant à l’octroi ou non de limitations fonctionnelles ou d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique découlant de la lésion professionnelle initiale. Il appartiendra au médecin traitant de déterminer si en rapport avec la RRA, le travailleur conserve une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles.

 

Boudreau et Ministère des Transports, C.L.P. 292495-09-0606, 28 juin 2007, J.-F. Clément.

En décembre 2005, la médecin qui a charge du travailleur avait fait évaluer ce dernier par un orthopédiste, lequel recommandait de procéder à des investigations supplémentaires. Le 16 mars 2006, sans rencontrer ni examiner le travailleur et malgré qu’elle n’avait pas obtenu le résultat de l’ensemble des examens en cours, dont le résultat d’une imagerie par résonance magnétique, la médecin qui a charge complète un rapport final dans lequel elle modifie son opinion en se basant sur l’examen d’un autre médecin. Elle consolide alors la lésion rétroactivement en décembre 2005 et conclut à l’inexistence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

« Avant de poser un jugement sur l’atteinte permanente, les limitations fonctionnelles ou la date de consolidation, le médecin qui a charge doit s’assurer de connaître toutes les données pertinentes et nécessaires à l’évaluation de ces questions puisque le travailleur ne peut contester son avis ». N'ayant pas examiné le travailleur, la médecin ne possédait pas tous les renseignements nécessaires à l’émission de son rapport sur ces questions.

L’article 203 est contenu dans un chapitre intitulé « Procédure d’évaluation médicale », et il est donc implicite qu’une telle évaluation doit se faire selon les règles de l’art, notamment par le biais d’un examen clinique objectif et subjectif.

Afin de confirmer la présence ou l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, il est manifeste qu’on doit avoir procédé à un examen du travailleur à l’occasion de la production du rapport ou peu de temps auparavant, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le processus de production du rapport final de l’article 203 n’a pas été respecté au détriment des droits du travailleur, et les circonstances sont suffisamment sérieuses pour qu’on annule le rapport final.

 

Lemelin et Entreprises LG, 2012 QCCLP 6182.

En novembre 2010, le travailleur subit une RRA. Du 26 avril au 5 décembre 2011, il est incarcéré. Dans l'intervalle, soit le 30 août, la médecin qui le suivait depuis la survenance de la RRA de novembre 2010 produit un rapport final dans lequel elle consolide la lésion à cette date, en précisant que le travailleur l'avait consultée pour la dernière fois en mars 2011 et qu'elle était sans nouvelles de lui depuis. Elle indique dans son rapport que le travailleur conserve une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles, mais que celles-ci n'ont pas été aggravées à la suite de la dernière RRA.

Lorsqu’un médecin détermine la date de consolidation d’une lésion professionnelle ou lorsqu’il établit s’il y a existence ou non d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, il décide de questions d’ordre médical et il ne s’agit pas d’un acte de nature administrative. Dans ce contexte, un médecin ne peut décider de consolider une lésion professionnelle parce que le travailleur ne l’a pas consulté depuis plusieurs mois.

En outre, un rapport final ne peut être valide en l’absence d’un examen médical contemporain qui permet de comprendre les conclusions retenues par le médecin. Cet élément est absent du présent dossier puisque de l’aveu même du médecin, elle n’a pas revu le travailleur depuis plus de cinq mois lors de la production de son rapport final. On ignore pourquoi la lésion a été consolidée le 30 août 2011 alors qu’elle ne l’était pas lors de son dernier examen du 29 mars 2011.

Bien que les dispositions de l’article 203 n’exigent pas expressément qu’un examen médical soit effectué avant la production du rapport final et que la jurisprudence de la CLP n’est pas unanime à ce sujet, il est plus conforme à l’esprit de la loi d’exiger qu’un examen médical contemporain soit effectué avant la production d’un tel rapport. En conséquence, le rapport médical final est irrégulier et est annulé.

 

Aucune nécessité d’un examen médical

Charette et Transport GJY Piché 1984 inc. (fermé), C.L.P. 297051-64-0608, 23 octobre 2007, S. Di Pasquale (décision sur requête en révision).

Chaque cas doit être analysé afin de déterminer s'il est nécessaire pour le médecin qui a charge d’évaluer le travailleur avant d’émettre son rapport final. Dans le présent dossier, il n’était pas nécessaire pour le médecin qui a charge de procéder à un examen approfondi du travailleur avant de produire un rapport final puisqu’il le suivait régulièrement. Il pouvait donc se baser sur ses notes antérieures pour compléter le rapport.

 

Suivi :

Requête en révision judiciaire accueillie (sur un autre point), C.S Labelle, 560-17-000885-076, 6 juin 2008, j. Landry.

Requête pour permission d’appeler rejetée, C.A. Québec, 500-09-018845-081, 27 août 2008, j. Chamberland.

Levasseur et Sécurité-Policiers, 2012 QCCLP 3129.

Dans certains cas, il a été jugé que pour être valide, un rapport final doit être complété à la suite de l’examen clinique du travailleur. Il n'est pas nécessaire que la date de cet examen corresponde au jour de la confection du rapport final. Il peut s’écouler quelques jours ou quelques semaines entre la date de consolidation de la lésion et la date du rapport final.

En l’espèce, les notes du médecin qui a charge du travailleur font état de nombreux examens cliniques pendant tout le suivi médical du travailleur, dont le jour de la consolidation de la lésion. Bien que le rapport final ait été confectionné près de 3 mois suivant la consolidation, le médecin qui a charge du travailleur connaissait bien la condition du travailleur puisqu’il l’avait examiné à plusieurs reprises depuis sa prise en charge. Le rapport final est donc valide.

 

Obligation d’informer le travailleur du contenu du rapport prévu à l’article 203

L’article 203 prévoit que le médecin qui a charge du travailleur l’informe sans délai du contenu de son rapport. Une obligation similaire est également imposée au médecin qui a charge concernant le rapport complémentaire qu’il peut fournir à la CSST en respect des articles 205.1 et 212.1.

Bien que la finalité de ces rapports soit différente, la jurisprudence établit que l’obligation d’information qui y est énoncée est identique. Ceci permet de référer aux décisions qui analysent cette obligation prévue aux articles 203, 205.1 et 212.1 sans distinguer la disposition en cause.

Lapointe c. Commission des lésions professionnelles, C.A. Montréal, 500-09-013413-034, 19 mars 2004, jj. Forget, Dalphond, Rayle.

Après avoir référé à l’obligation d’information prévue à l’article 203, la Cour d’appel souligne la similitude de cette obligation énoncée à l’article 205.1. « Il en va de même du rapport complémentaire préparé à la demande de la CSST par le médecin qui a charge du travailleur (art. 205.1). »

 

Lemieux et Otis Canada inc., 2013 QCCLP 736.

Bien qu’il s’agisse de rapports différents, le tribunal constate que l’obligation d’information prévue à l’article 212.1 concernant le rapport complémentaire est identique à celle prévue à l’article 203 ayant trait au rapport final. Le tribunal note que cette obligation d’information n’est pas prévue dans le cas d’un rapport sommaire (article 200), d’un rapport d’évolution (article 201) ou d’un rapport d’information médicale complémentaire (article 202).

 

Suivi : 

Révision rejetée, 2014 QCCLP 1513.

L’obligation d’informer ne constitue qu’une formalité

La jurisprudence établit que l’obligation du médecin qui a charge d’informer le travailleur du contenu d’un rapport produit en vertu des articles 203, 205.1 ou 212.1 est une formalité et que le défaut de la respecter n’altère pas son effet liant ni n'invalide une décision rendue en fonction de celui-ci. Deux motifs sont particulièrement réitérés, soit :

- Cette obligation d’information ne constitue qu’un aspect technique qui ne contrevient pas à l’article 192 et ne peut engendrer un mode de contestation non prévu à la loi;

- Cette obligation constitue un simple rouage dans la transmission de l’information au travailleur pour l’aviser de la continuité ou de l’interruption du processus   d’indemnisation.  

Raymond et Transformation B.F.L.,C.L.P. 230973-04-0403, 25 février 2005, A. Gauthier.

Le médecin qui a charge du travailleur complète un rapport final dans lequel il conclut à l’existence d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et dirige la travailleuse vers un autre médecin évaluateur. Ce dernier réitère les limitations fonctionnelles émises dans le rapport final, mais conclut que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente des suites de sa lésion. Le défaut du médecin évaluateur d’avoir fait parvenir à la travailleuse et/ou au médecin qui en a charge une copie de son rapport, comme prévu à l’article 203, ne constitue qu’un « aspect technique » qui même s’il n’est pas respecté intégralement n’a pas pour effet d’attribuer au travailleur des droits n’étant pas prévus à la loi. Bien que le législateur permette au travailleur de choisir le médecin de son choix pour les traitements et pour l’évaluation d’une atteinte permanente, la loi ne lui permet pas de « contester les conclusions de ce médecin lorsqu’il en est insatisfait sinon cela conduirait à une surenchère inacceptable ».

 

Vézina et Entreprise d’électricité NT ltée,C.L.P. 247694-71-0411, 21 février 2006, C. Racine.

Le fait pour le travailleur d’avoir était avisé du contenu du rapport d’évaluation médicale environ deux semaines suivant sa production n’est pas déraisonnable et ne peut à lui seul invalider ce rapport. Le fait d’avoir été avisé ou non des conclusions du médecin qui a charge n’a aucune incidence sur le droit du travailleur de choisir son médecin traitant en respect de l’article 192, et cela ne saurait davantage autoriser en faveur du travailleur un mode de contestation non prévu à la loi. Bien que cet article permette à un travailleur insatisfait du suivi médical dont il fait l’objet de changer de médecin en cours de traitement, cette disposition ne prévoit pas qu’il puisse contester le rapport final ou le rapport d’évaluation médicale de son médecin ni de décider que son médecin traitant perd cette qualité puisqu’il est en désaccord avec ses conclusions.

 

Suivi :

Révision rejetée, 9 novembre 2006, A. Suicco.

Trudel et Transelec/Common inc.,C.L.P. 257302-01B-0502, 24 février 2006, L. Desboies.

L’obligation d’informer prévue à l’article 203 doit se lire en corrélation avec l’article 133. Cette disposition prévoit que la CSST doit recouvrer le montant de l’IRR qu’un travailleur a reçu sans droit postérieurement à la date de consolidation de sa lésion lorsqu’il a été informé par son médecin de la date de celle-ci, du fait qu’il n’en garde aucune limitation fonctionnelle et qu’il a fait défaut d’informer, sans délai, son employeur en respect du premier alinéa de l’article 274. Dans un tel contexte, l’employeur peut alors immédiatement envisager le retour au travail et la CSST, la fin du versement de l’IRR. Le travailleur n’a pas le droit de contester le rapport d’évaluation médicale du médecin qui en a charge. Dès lors, il apparaît nettement excessif que le défaut de communiquer directement et sans délai ce rapport au travailleur entraîne sa non-validité. Ce défaut constitue un aspect technique « dont le non-respect ne peut donner de droits exorbitants au travailleur. »

 

Suivi :

Révision rejetée, 13 juillet 2007, C.-A. Ducharme.

Ranger et Asphalte ST,[2009] C.L.P. 180.

L’obligation d’information prévue à l’article 203 ne peut créer en faveur du travailleur un motif de contestation des conclusions du médecin qui en a charge puisque cela contrevient aux libellés des articles 224 et 358. Cette obligation constitue plutôt un « rouage dans la transmission de l’information médicale concernant le travailleur, quant à savoir si le processus d’indemnisation doit être poursuivi ou interrompu ». L’article 274 impose au travailleur d’informer sans délai son employeur lorsqu’il a connaissance que son médecin qui en a charge consolide sa lésion professionnelle sans limitation fonctionnelle. Ainsi, lorsque le travailleur est informé de sa situation médicale, il s’expose, en vertu de l’article 133, à devoir rembourser le montant de l’IRR qu’il peut avoir perçu sans droit s’il a fait défaut d’aviser l’employeur de sa nouvelle condition médicale. L’article 437 prévoit la possibilité d’une remise de dette, en raison notamment de la bonne foi du débiteur, pour des prestations reçues sans droit. La bonne foi du travailleur quant aux sommes reçues sans droit est donc tributaire de la communication de l’information médicale pertinente.

 

 Gendron et Transport Week N inc. (F), C.L.P.305153-04-0612, 9 décembre 2009, J. A. Tremblay.

Suivi : 

Révision accueillie sur un autre point, 19 juillet 2010, Monique Lamarre.

Hamilton et Toyota Pie IX inc., C.L.P. 312268-63-0703, 4 mars 2010, P. Perron.

Suivi :

Révision rejetée, 2011 QCCLP 1532.

Desrosiers et Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue, C.L.P. 375761-08-0904, 13 mai 2010, P. Champagne.

Bernard et Constructions Scandinaves inc., 2012 QCCLP 2618.

Mallet et Popote roulante Salaberry Valleyfield, 2013 QCCLP 1723.

Demirtas et Mesure de form. de la main-d’œuvre, 2013 QCCLP 3640.

Côté et Remorquage St-Michel inc., 2018 QCTAT 3735.

Cependant, quelques décideurs sont d'avis que l'obligation du médecin qui a charge d'informer le travailleur de la teneur d'un rapport médical aux termes des articles 203, 205.1 ou 212.1 constitue une exigence de fond, dont le non-respect fait en sorte que ce rapport est irrégulier et qu’il ne peut avoir d’effet liant. Les principaux motifs au soutien de cette interprétation sont :

- Les « conséquences engendrées par la production de ces rapports » sur les droits du travailleur sont importantes et il a le droit d’être informé du contenu de ces rapports;

- L’obligation d’information favorise « la transparence et la transmission d’informations » afin d’éviter que le travailleur ne soit pris par surprise par le contenu du rapport final ou d’un rapport complémentaire. 

Poulin et CRT-Hamel, 2011 QCCLP 5996.

Le travailleur est informé par son médecin que son genou « était fini à 80 % » et qu’il conserve des limitations importantes de sa lésion. Alors qu’il croit conserver une importante atteinte permanente, le travailleur reçoit subséquemment une décision de la CSST faisant suite à un rapport d’évaluation médicale de son médecin dans lequel une atteinte permanente de 1,10 % lui est octroyée. De plus, il constate que les limitations fonctionnelles établies sont différentes de celles annoncées précédemment par son médecin. La preuve démontre que le travailleur ne disposait pas des informations pertinentes lui permettant de saisir adéquatement la portée de l’évaluation de son médecin. L’obligation d’information énoncée à l’article 203 ne constitue pas une simple formalité, mais une exigence de fond considérant les conséquences que cela peut avoir sur les droits d’un travailleur. De plus, la procédure d’évaluation médicale ne doit pas prendre un travailleur par surprise.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2012 QCCLP 3078.

Lemieux et Otis Canada inc., 2013 QCCLP 736.

Le législateur impose une obligation d’information au médecin qui a charge du travailleur aux articles 203, 205.1 et 212.1, et non aux articles 200 (rapport sommaire), 201 (rapport d’évolution) ou 202 (rapport d’information médicale complémentaire). En fonction de l’importance des effets juridiques qui se rattachent aux différents rapports prévus à la loi, « le législateur impose au médecin qui a charge une obligation d’information au travailleur pour les rapports ayant les effets juridiques les plus importants alors qu’il ne l’impose pas pour d’autres ». Le tribunal ne peut souscrire à l’interprétation voulant que l’obligation d’information ne soit qu’une formalité qui peut être ignorée et retient qu’elle constitue une condition de fond qui détermine la validité du rapport final ainsi que son caractère liant au sens de la loi. En conséquence, le rapport est irrégulier et nul.

 

Suivi :

Révision rejetée, 2014 QCCLP 1513.

Bourgeois et Les Jardins Ducharme inc., 2015 QCCLP 5368.

En raison des conséquences d'un rapport final sur les droits d'un travailleur, l'obligation du médecin qui a charge d'informer celui-ci ne constitue pas qu'une simple formalité; c'est plutôt une exigence de fond. En effet, cette obligation d'information diligente vise à permettre à un travailleur, lequel ne peut contester les conclusions médicales du médecin qui a charge, d'en discuter avec ce dernier. Le respect de cette obligation permet à un travailleur d'éviter d'être pris de court par la procédure d'évaluation. En l'espèce, le défaut du médecin qui a charge est suffisamment grave pour considérer comme irrégulier son rapport.  

 

Absence de formalisme

Pour les juges administratifs qui adhèrent au courant voulant que l’obligation d’information soit une exigence de fond, cette obligation n’est néanmoins soumise à aucun formalisme. Ainsi, bien qu’il soit essentiel que le médecin qui a charge informe le travailleur du contenu de son rapport, il n’est pas nécessaire que le partage d’information se fasse obligatoirement par la remise d’un écrit.

Perron et Transport Marcel St-Pierre, C.L.P. 163232-08-0106, 25 juin 2003, P. Prégent.

Puisque le médecin qui a charge du travailleur avait partagé avec ce dernier ses conclusions avant de produire son rapport complémentaire, l’obligation d’information était satisfaite. Le seul fait de transmettre ce rapport à la CSST sans en aviser le travailleur ne constitue pas une omission grave qui est en soi suffisante pour entraîner la caducité du rapport.

 

Duchesne et Michel St-Pierre Couvreur inc., C.L.P. 198132-63-0301, 28 juillet 2008, M. Gauthier.

Il n’est pas indiqué dans la loi que le fait d’informer le travailleur doit obligatoirement s'effectuer par la remise d’un document écrit. La loi prévoit seulement un devoir de partage d’information. En l’espèce, le travailleur a été avisé, à tout le moins le 24 avril 2002, de la teneur du rapport final et du rapport complémentaire datés du 2 avril 2002. Par la suite,  il a continué de consulter ce médecin et plusieurs discussions ont alors eu lieu. Dans ces circonstances, il ne s’agit que d’une « légère entorse procédurale » qui n’affecte pas la validité de ces rapports.

 

Plante et Commission scolaire des Samares, 2011 QCCLP 909.

L’obligation d’information du médecin qui a charge a été remplie par la remise au travailleur d’un rapport final mentionnant qu’il conserve une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, mais pas de limitations fonctionnelles. L’obligation du médecin qui a charge n'implique pas que ce dernier doit fournir une description détaillée des déficits retenus et des codes correspondant au Règlement sur le barème des dommages corporels.

 

Modification du rapport final

La jurisprudence établit qu’en présence de circonstances exceptionnelles, le médecin qui a charge peut modifier son rapport final. De telles circonstances se traduisent par le fait que le rapport final comporte une erreur matérielle manifeste ou que la condition du travailleur a évolué de façon inattendue.

Une analyse des faits et des circonstances ayant mené à la modification de l’opinion médicale est alors requise afin d’apprécier la validité de la nouvelle opinion.

Talbot et C.H. La Pieta, [1991] C.A.L.P. 492.

En vertu de l'article 224, la CSST était liée par les conclusions du médecin qui avait charge de la travailleuse émises dans son rapport final. Le terme « final » indique l'intention du législateur d'encourager ce médecin à émettre, dès que possible, une conclusion définitive dès que la lésion est consolidée. En l'espèce, le médecin qui avait charge a réitéré à plusieurs reprises avant de produire un second rapport final qu'il n'y avait pas d'atteinte permanente consécutive à la lésion professionnelle, de sorte que l'on ne peut conclure qu'il a fait une erreur dans son premier rapport final.

Il ne peut s’agir non plus d’un changement d’opinion fondée sur une évolution inattendue de la pathologie suivant l’émission d’un premier rapport final.  Il apparaît plutôt que le second rapport final, émis après la décision de la CSST concluant que la travailleuse n’a pas droit à la réadaptation, a été obtenu afin de faire annuler cette décision. La travailleuse a ainsi fait usage d'un moyen détourné pour contester l'avis du médecin qui en avait charge, ce qui n'est pas permis par la loi. En conséquence, le seul rapport final valable est le premier rapport final.

 

Lab Chrysotile inc. et Dupont, [1996] C.A.L.P. 132.

Le droit du médecin qui a charge du travailleur d'émettre un rapport final modifié ou autrement corrigé est limité par le caractère « final » attribué au rapport selon l'article 203. La lecture de cet article révèle qu'il est de la nature de ce rapport d'être final et de faire état, en conséquence, des conclusions définitives du médecin ayant charge du travailleur quant aux questions prévues au second alinéa. Ce rapport ne peut donc être modifié, comme le mentionne l'affaire Talbot et C.H. La Pieta, qu'en raison d'une erreur matérielle manifeste ou en raison d'une situation inattendue, ce qui est le cas en l'espèce. Il ressort de la preuve que l'absence de limitations fonctionnelles constatée lors de l'examen ayant donné lieu au deuxième rapport final constitue une amélioration tout à fait exceptionnelle et pour le moins « inattendue » des limitations fonctionnelles mesurées par le même médecin lors de l'examen du mois précédent ayant justifié le premier rapport final.

 

Lévesque et Foyer Chanoine Audet inc., C.L.P. 136386-03B-0004, 18 juillet 2001, M. Cusson.

Le médecin qui a charge émet un rapport final dans laquelle il indique que la lésion de la travailleuse est consolidée sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles. Ses notes manuscrites de la même journée précisent que l’état de lombalgies est stable, que la travailleuse présente une récupération satisfaisante, mais qu’il subsiste une douleur persistante résultant d’une pathologie sous-jacente d’arthrose. Il réfère alors la travailleuse en orthopédie pour la question des limitations fonctionnelles et de la capacité de travail puisqu’il considère que ses limitations fonctionnelles sont attribuables à sa condition personnelle, laquelle n’aurait pas été aggravée de façon permanente par l’événement. Par la suite, après discussion avec le spécialiste en orthopédie qui l’informe d’un fait accidentel plus important que ce qu’il croyait, le médecin qui a charge modifie son opinion et déclare que la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles découlant d’une aggravation permanente de sa condition personnelle causée par le fait accidentel.

On doit procéder à une analyse des faits et des circonstances ayant incité le médecin qui a charge à modifier son opinion afin d'apprécier la validité de sa seconde opinion. En l’espèce, les circonstances sont suffisamment sérieuses pour que l’on retienne la seconde opinion du médecin qui a charge quant à l’existence de limitations fonctionnelles résultant du fait accidentel. En aucun temps, cette modification ne résulte d’une quelconque complaisance vis-à-vis la travailleuse. De plus, ce n’est pas dans un esprit de magasinage que la travailleuse a rencontré l’orthopédiste, mais plutôt sous la recommandation de son médecin qui a charge.

 

Suivi :

Révision rejetée, 30 novembre 2001, C. Lessard.

Bouchard et Nettoyage Docknet inc., [2003] C.L.P. 1240.

Le rapport final du médecin qui a charge ayant un caractère définitif quant à l’état de santé du travailleur ne peut être modifié que pour corriger une erreur matérielle manifeste ou en raison d’une situation inattendue. En l’espèce, ce n’est pas le cas puisque la médecin du travailleur a émis un second rapport final dans lequel elle ne retient plus que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles, et ce, en se basant sur ses impressions résultant de deux rencontres fortuites avec le travailleur dans un endroit public. Bien qu’elle soit dorénavant d’opinion que le travailleur semble en bonne condition physique, qu’il est en mesure de se pencher et de soulever des charges, elle ne précise pas le degré de flexion ni la nature des charges manipulées.

Avant de poser un jugement ou d’émettre une opinion, le médecin qui a charge doit s’assurer d’avoir en main toutes les données pertinentes et nécessaires à l’évaluation d’une question puisque le travailleur ne peut contester son avis. Ses observations ne sont toutefois pas assez précises afin de pouvoir considérer que le travailleur a accompli des actes en contradiction flagrante avec l'état objectivé antérieurement. En outre, de simples impressions ne permettent pas de supprimer l'opinion médicale émise antérieurement. Une observation visuelle ne remplace pas un goniomètre et un examen aurait dû avoir lieu avant de nier le droit du travailleur de se faire reconnaître une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Cet examen aurait pu être accompagné de tests croisés, lesquels auraient permis de vérifier la fiabilité du travailleur lors de l'examen objectif. Les allégations imprécises et incomplètes du médecin qui a charge ne peuvent convaincre le tribunal de l’existence d’une situation inattendue ou imprévisible. Rien de nouveau ou d’exceptionnel n’a été prouvé par prépondérance de preuve permettant de ne pas respecter la règle établie par la jurisprudence voulant qu’un rapport final doit rester final et définitif. En conséquence, le premier rapport final est liant.

 

Morin et Forage Orbit inc., C.L.P. 225507-08-0401, 9 juillet 2004, G. Morin.

Suivant la jurisprudence bien établie, un rapport final peut être modifié en présence de circonstances particulières que représentent une erreur matérielle manifeste ou une évolution exceptionnelle et inattendue de l'état de santé du travailleur. Bien que cette jurisprudence ait été développée dans le contexte particulier d’un nouveau rapport final qui modifie les conclusions relatives aux séquelles permanentes résultant de la lésion professionnelle, celle-ci s'applique, en faisant les adaptations nécessaires, lorsque le nouveau rapport final modifie le diagnostic déjà retenu.

En l’instance, le nouveau rapport final ne peut être retenu puisqu'il ne résulte pas d'un élément nouveau ayant un effet déterminant sur le diagnostic à retenir ou d'une évolution inattendue de l'état de santé du travailleur. La lecture d'ensemble du nouveau rapport final permet de constater que celui-ci a été produit dans le seul but de permettre au travailleur de faire annuler le premier rapport final, et ce, en raison du mécontentement exprimé par le travailleur à l’égard du diagnostic alors retenu et du pourcentage d’atteinte permanente correspondant à cette lésion.

 

Suivi :

Révision rejetée, 28 octobre 2004, M. Carignan.