Interprétation

Retour à l'article
 
. 272. Réclamation à la Commission

Maladie professionnelle

La jurisprudence établit que l'article 272 s'applique au travailleur qui allègue être atteint d'une maladie professionnelle.

Quant à la récidive, rechute ou aggravation (RRA) d'une maladie professionnelle, peu de décisions traitent de cette question. La jurisprudence établit que la recevabilité de la réclamation d'une RRA d'une maladie professionnelle doit plutôt être analysée sous l'angle de l'article 270 ou 271. 

Récidive, rechute ou aggravation d'une maladie professionnelle

C. N. et Gagnon, [1999] C.L.P. 515.

L'article 272 ne s'applique généralement pas dans le cas d'une RRA d'une maladie professionnelle, puisque le travailleur, à l'époque de la RRA, a normalement connaissance de l'existence de cette maladie professionnelle. Il y a alors lieu d'appliquer l'article 270 ou l'article 271.

Landry et CSST - Soutien à l'imputation, C.L.P. 159891-08-0104, 4 mars 2002, C. Bérubé. 

L'article 272 ne peut recevoir application dans le cas d'une réclamation pour une RRA d'une maladie professionnelle. C'est plutôt l'article 271 qui s'applique, puisque la maladie professionnelle n'est pas à l'origine d'un arrêt de travail.

Thériault et Olymel-Flamingo, C.L.P. 219645-63-0311, 2 juin 2004, J.-M. Charette. 

Lorsque la réclamation est fondée sur une RRA d'une maladie professionnelle, les dispositions de l'article 272 ne sont pas applicables, ce sont plutôt les délais prévus aux articles 270 et 271 qui doivent être utilisés. 

B... B... et Compagnie A, 2013 QCCLP 7431.

L’article 270 traite de la « lésion professionnelle » au sens générique de l’article 2 qui contient une référence explicite à une RRA. D’autre part, l’article 272 mentionne spécifiquement la « maladie professionnelle », laquelle a un sens précis à la loi. Il est fort possible de conclure que dans le cas d’une RRA, peu importe le diagnostic, c’est le délai de six mois tel que décrit à l’article 270 qui doit être utilisé et que dans le cas d’une maladie professionnelle au sens de l’article 2, c’est plutôt le délai de l’article 272 qui doit être utilisé.

Voir cependant : 

Bilodeau et Brasserie Labatt ltée, C.L.P. 362887-62-0811, 11 janvier 2010, L. Couture. 

Produit sa réclamation sur le formulaire prescrit

Le formulaire prescrit n'est pas obligatoire

La jurisprudence majoritaire établit que le formulaire auquel réfère l'article 272 ne correspond pas obligatoirement au formulaire prescrit par la CSST (Réclamation du travailleur).

Manicone et Lajeunesse, [2008] C.L.P. 1159.

Les articles 270 et suivants prévoient qu’un travailleur doit soumettre une réclamation à la CSST sur le formulaire qu’elle prescrit, afin qu’elle se saisisse de sa demande. Cependant, le défaut du travailleur de remplir ce formulaire n’emporte pas déchéance du droit. Rappelons que la loi a un caractère social. Le législateur a clairement exprimé que le formalisme entourant l’exercice d’un droit ne doit pas primer au point de faire perdre des droits. Autrement dit, la forme ne doit pas l’emporter sur le fond.

Simon et Affinerie canadienne Cuivre (Fermée), 2012 QCCLP 6337.

Le fait pour un travailleur de transmettre ses rapports médicaux à la CSST peut correspondre à une demande d’ouverture de dossier. Dans un contexte de justice administrative, le tribunal s’explique mal que la CSST, recevant des documents médicaux sur lesquels il est fait état d’une lésion professionnelle, ne communique pas avec le travailleur pour obtenir les précisions dont elle a besoin ou pour lui indiquer qu’un formulaire de réclamation doit accompagner ces documents médicaux. Il appert que la CSST évite en fait de rendre une décision, en ne donnant pas suite à l’envoi de documents qu’elle ne juge pas conformes à la procédure puisque n’étant pas accompagnés du formulaire de réclamation. Cela revient à rendre une décision défavorable au travailleur puisque ce dernier se fera éventuellement opposer son défaut d’avoir produit un formulaire de réclamation en temps opportun et verra son éventuelle réclamation rejetée pour ce motif. Cela apparaît contraire à l’esprit de la justice administrative et à la Loi sur la justice administrative.

Grands Travaux Soter inc. et Poulin, 2013 QCCLP 969.

Il est reconnu en jurisprudence que le défaut pour un travailleur de ne pas utiliser le formulaire prescrit par la CSST n'emporte pas la déchéance du droit. En effet, le formalisme entourant l'exercice d'un droit ne doit pas primer au point de faire perdre un droit au travailleur. 

Voir également :

Dionne et Simard & Beaudry inc., C.A.L.P. 33779-60-9111, 25 avril 1995, M. Cuddihy.

Metal Laurentide inc. et Rodrigue, C.L.P. 101407-03-9806, 23 novembre 1998, M.-A. Jobidon.

Fréchette et 127798 Canada inc., 2011 QCCLP 8096. 

Au même effet, voir les articles 270 et 271.

Le formulaire prescrit est obligatoire

La jurisprudence minoritaire estime qu’un travailleur qui désire faire reconnaître le caractère professionnel de sa lésion doit déposer sa réclamation sur le formulaire prescrit à la CSST.

Siano et Alimentation Somerled inc., C.A.L.P. 61977-60-9408, 12 janvier 1996, M. Zigby.

Il n'est pas certain qu'un certificat médical puisse tenir lieu de réclamation lorsqu'il s'agit d'une première réclamation pour maladie professionnelle, qu'aucun dossier n'est ouvert à la CSST concernant la travailleuse et que ce rapport ne fait même pas mention de la possibilité d'une maladie professionnelle.

Beaudoin (Succession) et 2858-0702 Québec inc., 2014 QCCLP 2859.

Lorsqu’il s’agit d’une réclamation initiale et qu’aucun dossier n’est ouvert à la CSST, une réclamation sur le formulaire prescrit est nécessaire pour l’ouverture d’un dossier. Le simple dépôt d’un rapport médical n’est pas suffisant.

Blanchard et Volcano inc., 2018 QCTAT 3881.

Le Tribunal considère que le texte de l’article 272 est clair et ne souffre d’aucune interprétation. La réclamation doit être faite sur le formulaire prescrit par la Commission.

Au même effet, voir les articles 270 et 271.

Point de départ de la computation du délai

La jurisprudence établit que la computation du délai commence à courir à compter du moment où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas. 

Toutefois, lorsque le travailleur a déposé sa réclamation en dehors du délai, la question de l'intérêt réel et actuel à déposer sa réclamation pourra être prise en compte lors de l'analyse du motif raisonnable.

Voir :

Article 352.

Verpaelst et Maçonnerie Lavigne & frères inc., [2008] C.L.P. 667.

C'est à compter de la connaissance du travailleur que sa maladie est reliée à son travail que court le délai de l'article 272. Le tribunal est d'avis que la question de l'intérêt réel et actuel à produire une réclamation n'est nullement un critère mentionné au texte de l'article 272, mais qu'elle pourra être considérée dans l'analyse des motifs raisonnables de l'article 352. 

Bégin et Min. Défense Nationale, 2011 QCCLP 3160.

Le délai prévu à l'article 272 commence à courir à compter de la connaissance du travailleur qu'il est atteint d'une maladie professionnelle et non à compter du moment où il a un intérêt à réclamer.

Air Canada et Lafrance, 2012 QCCLP 5968.

Le libellé de l'article 272 indique clairement le choix du législateur quant au point de départ du calcul de six mois, soit le moment où le travailleur acquiert la connaissance d'être atteint d'une maladie professionnelle. 

Trépanier (Succession) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2012 QCCLP 6988.

Le point de départ de ce délai de prescription est le moment où il est porté à la connaissance du travailleur ou de son bénéficiaire qu'il est atteint d'une maladie professionnelle. 

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 3762.

Requête en révision judiciaire rejetée, 2014 QCCS 356.

Air Canada (Ser. des Réclamations) et Pard, 2012 QCCLP 7859.

Le délai prévu à l'article 272 commence à courir à la date où il est porté à la connaissance du travailleur qu'il est atteint d'une maladie professionnelle.

Daoust et BM Manutention inc., 2013 QCCLP 2441.

Le point de départ de la prescription est la connaissance du travailleur qu'il est atteint d'une maladie professionnelle. La notion d'intérêt ne fait pas partie des éléments énoncés par le législateur à l'article 272 et ne doit donc pas faire partie des éléments à considérer au stade de la détermination du délai de production d'une réclamation. Seule la notion de la connaissance doit être analysée en regard du point de départ de la prescription.

Rouleau et Jardinerie Fernand Fortier inc. (La), 2014 QCCLP 3804.

L'article 272 est clair, le point de départ du calcul du délai est la connaissance et non le moment où la travailleuse présente un intérêt réel et actuel à déposer sa réclamation. Cette question pourra, par ailleurs, être évaluée sous l'angle d'un motif raisonnable tel que le permet l'article 352.

Gill et P.P.G. Industries inc., 2014 QCCLP 6261.

Il y a  lieu de déterminer à quelle date il fut porté à la connaissance de la travailleuse qu'elle est porteuse d'une maladie professionnelle, pour ensuite évaluer si elle a déposé sa réclamation à l'intérieur du délai de six mois prévu à l'article 272.

Voir également :

Lévesque et Auto Publique, 2012 QCCLP 4839.

Paré et Forestiers Paré Boily inc., 2013 QCCLP 1899.

Labelle et Entreprise Jacques Despars, 2013 QCCLP 5603.

Robillard et Hôtel Hilton Lac Leamy, 2014 QCCLP 164.

Perron-Dionne et Marché Clément des Forges inc., 2014 QCCLP 2695.

La notion de connaissance

Selon la jurisprudence du tribunal, le seul fait qu’un travailleur soupçonne être atteint d'une maladie professionnelle n'est pas suffisant pour conclure qu'il a la connaissance d'être atteint d'une maladie professionnelle. La jurisprudence retient également que le travailleur n’a pas à avoir la certitude d’être atteint d’une maladie professionnelle pour considérer qu’il a acquis la connaissance requise.  

Puisqu’il s’agit d’une question de fait, les circonstances propres à chaque dossier sont appréciées dans leur contexte.   

Deux tendances se dégagent de la jurisprudence quant au moment où le travailleur acquiert la connaissance d’être atteint d’une maladie professionnelle.    

Selon la première tendance, retenue par un grand nombre de décideurs, la connaissance est le fruit d'un cheminement intellectuel qui permet au travailleur d'en arriver à la conclusion qu'il y a de fortes probabilités que son état de santé, ses symptômes ou sa maladie soient possiblement reliés à son travail. La connaissance est constituée aussi bien d'éléments factuels que médicaux qui permettent à une personne raisonnable de conclure qu'elle est atteinte d'une maladie causée par son travail.    

Par ailleurs, plusieurs décideurs considèrent que cette connaissance doit provenir d'une source externe, puisque l’article 272 énonce qu’il est « porté à la connaissance du travailleur » qu’il est « atteint d’une maladie professionnelle ». Pour la plupart, cette source extérieure est un médecin ou un professionnel de la santé.    

Quant à la deuxième tendance, quelques décideurs considèrent qu’une pathologie doit avoir été identifiée ou diagnostiquée par un médecin et/ou qu’une possibilité sérieuse de relation entre le travail et la maladie ait été avancée, verbalement ou par écrit, par un médecin ou un professionnel de la santé pour établir le moment où le travailleur acquiert la connaissance d’être atteint d’une maladie causée par son travail. 

Entre le simple doute et la certitude

Roy et Alcatel Canada inc. (Fermé),C.L.P. 129915-31-0001, 29 mars 2001, P. Simard.

Le critère de la connaissance ne nécessite pas une certitude médicale découlant d'une opinion professionnelle définitive. Cependant, un simple doute sera insuffisant. 

Cyr et Robert L. Gaudet inc., C.L.P. 313598-01B-0703, 29 mai 2009, R. Arseneau. 

En règle générale, le degré de connaissance n'est ni celui de la simple croyance du travailleur qu'il peut y avoir un lien entre le travail et la maladie dont il souffre ni celui de la certitude d'un lien. 

Asplundh/LDL et Ducharme, C.L.P. 238135-63-0406, 23 juin 2009, F. Mercure.

Bien qu’un simple doute soit insuffisant, cette connaissance ne nécessite pas une certitude médicale découlant d’une opinion professionnelle définitive.

Suivi :

Requête en révision rejetée, 25 octobre 2010, L. Collin.

Bussières et Commission Scolaire des Premières Seigneuries, C.L.P. 391403-31-0910, 21 juillet 2010, Monique Lamarre.

La simple croyance du travailleur qu'il peut y avoir un lien entre ses problèmes de santé et son travail ne permet pas de retenir qu'il a été porté à sa connaissance qu'il était atteint d'une maladie professionnelle. Il n'est pas nécessaire que le travailleur ait une certitude.

Trépanier (Succession) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2012 QCCLP 6988.

Le simple soupçon n'est sans doute pas suffisant et à l'opposé, l'avis médical formel et détaillé n'est pas ce que le législateur visait. Il y a donc, entre le simple doute et la certitude médicale, une marge importante d'appréciation des faits qui appartient au juge. 

Suivi :

Révision rejetée, 2013 QCCLP 3762.

Requête en révision judiciaire rejetée, 2014 QCCS 356.

Air Canada (Ser. des Réclamations) et Pard, 2012 QCCLP 7859.

Les simples soupçons ou les spéculations du travailleur ou de son entourage sur la maladie ou sa relation avec le travail sont insuffisants. Toutefois, la certitude médicale n'est pas requise. 

Pageau et Adrénaline Sports inc., 2013 QCCLP 6814.

Un simple doute est insuffisant. Toutefois, le travailleur n'a pas à avoir la certitude de l'existence d'une relation. 

Robillard et Hôtel Hilton Lac Leamy, 2014 QCCLP 164.

Au sujet de la connaissance que doit avoir le travailleur qu'il peut être atteint d'une maladie professionnelle, la CLP a interprété à plusieurs reprises qu'il faut plus qu'un simple soupçon, mais que la certitude n'est pas requise pour conclure à la connaissance d'un travailleur qu'il est atteint d'une maladie professionnelle. 

Bombardier inc. (Service santé) et Simard, 2016 QCTAT 6115.

Pour le Tribunal, de simples doutes, soupçons, suppositions, extrapolations, conjectures, présomptions, perceptions ou impressions sont insuffisants pour s’assimiler à la notion de connaissance et marquer le point de départ du délai de l’article 272. Il ne doit pas non plus s’agir d’une certitude médicale découlant d’une opinion médicale définitive d’un médecin.

Voir également :

Blanchard et144778 Canada inc., 2013 QCCLP 1188.

M.R. inc. (Supermarché Mont-Joli) et Fournier, 2013 QCCLP 6810.

Gahdban et Bombardier Aéronautique inc., 2014 QCCLP 1839.

Beaudoin et Centre de Physiatrie Val des Arbres, 2014 QCCLP 3836.

Gill et P.P.G. Industries inc., 2014 QCCLP 6261.

Collège Maisonneuve et Delagrave, 2015 QCCLP 6771.

Cheminement intellectuel constitué de plusieurs éléments

Commission scolaire de Val-d'Or et Moreau, [1999] C.L.P. 552.

La connaissance requise par l'article 272 est « le fruit d'un cheminement intellectuel qui permet au travailleur d'en arriver à la conclusion qu'il y a de fortes probabilités que son état de santé, ses symptômes ou sa maladie sont possiblement reliés à son travail ». Cela requiert plus qu'une intuition ou qu'un soupçon d'une relation possible, la première étant une simple perception sans raisonnement et le second une idée relativement vague basée sur des impressions ou des indices.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Abitibi (Val-D'Or), 615-05-000509-996, 18 décembre 2000, j. Goodwin.

Bolduc et Revêtements Mario Jacques inc.,C.L.P. 121233-03B-9907, 10 janvier 2000, G. Marquis.

Le travailleur a la connaissance qu'il est atteint d'une maladie professionnelle lorsqu'il dispose d'assez d'éléments lui permettant d'établir un lien probable entre la maladie qu'il présente et son travail.

Suivi :

Révision rejetée, 19 juillet 2000, G. Tardif.

Roy et Alcatel Canada inc. (Fermé), C.L.P.129915-31-0001, 29 mars 2001, P. Simard.

La connaissance dont il est question à l'article 272 doit se fonder sur une balance des probabilités constituée aussi bien d'éléments factuels que médicaux portant toute personne raisonnable à conclure qu'elle est atteinte d'une maladie causée par son travail.

Goudreault et Commission scolaire Premières Seigneuries, [2003] C.L.P. 1016.

Exiger qu'un diagnostic soit posé sur une attestation médicale émise par le médecin traitant avec des commentaires spécifiques sur la relation causale semble aller au-delà des termes de l'article 272. De plus, cette interprétation est hautement restrictive en ce qu'elle implique uniquement un transfert d'informations entre le professionnel de la santé et le travailleur. Or, la notion de « porté à la connaissance d'un individu » est un processus intellectuel qui réfère à toutes les sources d'informations permettant à l'homme raisonnable de fonder une hypothèse sérieuse, sinon probable.

Adams et Hôpital Douglas, C.L.P. 230180-71-0403, 4 janvier 2007, Y. Lemire.

Avoir la connaissance résulte d'un cheminement intellectuel qui permet d'en arriver à une conclusion. La connaissance peut être fondée aussi bien sur des éléments factuels que médicaux amenant toute personne raisonnable à conclure qu'elle est atteinte d'une maladie causée par son travail. Elle ne nécessite pas une confirmation médicale et permet de distinguer les libellés des articles 270 et 272. De plus, la comparaison entre les termes de l'article 111.1 de la Loi sur les accidents du travail et ceux employés à l'article 272 démontre que le législateur voulait qu'une demande d'indemnités soit déposée à partir du moment où le travailleur a la connaissance qu'il est possible, et non qu'il a la certitude, d'être atteint d'une maladie causée par son travail. Le tribunal privilégie l'interprétation plus large donnée à la notion de connaissance, qui implique toutes les sources d'informations fiables permettant à un homme raisonnable de fonder une hypothèse sérieuse, sinon probable. 

Suivi :

Révision rejetée, 9 janvier 2008, S. Di Pasquale.

Boivin et Extermination P.E. Tremblay & Lemieux inc., C.L.P. 296413-02-0608, 13 janvier 2009, R. Bernard.

Un courant non négligeable de la jurisprudence de ce tribunal établit que la connaissance, telle que libellée à l’article 272, comporte deux conditions préalables, soit la présence du diagnostic d’une pathologie et le fait que cette pathologie soit possiblement reliée au travail. Toutefois, exiger mécaniquement la présence d’un diagnostic formel, étant donné les faits mis en preuve en l'espèce est excessif. Le point de départ du délai de réclamation peut s’apprécier eu égard aux faits mis en cause. Le compte à rebours peut alors être déclenché lorsque l’analyse des faits pertinents permet de conclure que le travailleur avait une connaissance suffisante de la situation pour revendiquer ses droits.

Suivi :

Révision rejetée, 9 juin 2009, C.-A. Ducharme.

Bussières et Commission Scolaire des Premières Seigneuries, C.L.P. 391403-31-0910, 21 juillet 2010, Monique Lamarre.

La « connaissance » est le fruit du cheminement intellectuel selon lequel l'état de santé, les symptômes et la maladie sont possiblement reliés au travail du travailleur. La connaissance doit se fonder sur une balance des probabilités constituée aussi bien d'éléments factuels que médicaux, portant une personne raisonnable à conclure qu'elle est atteinte d'une maladie causée par son travail. 

Thivierge, C.L.P. 383585-03B-0907, 14 octobre 2010, P. Simard.

La notion de « connaissance » ou « d’être porté à la connaissance du travailleur » n’implique pas nécessairement qu’on ait remis au travailleur une attestation médicale, sur formulaire de la CSST, dans lequel il est expliqué que la lésion identifiée est en relation directe avec l’exécution de son travail. Il est suffisant que la preuve démontre que le travailleur a reçu toute l’information pertinente de sources crédibles, mais pas forcément formelles, concernant l’évaluation de son état, l’identification de ses lésions et le fait que celles-ci sont la conséquence directe de l’exécution de son travail.

Stadacona S.E.C. et Tremblay (succession), 2011 QCCLP 4654.

La connaissance implique de déterminer à quel moment un travailleur ou une succession dispose des données factuelles et médicales suffisantes pour établir la possibilité d'une relation entre la maladie ou le décès et le travail, la situation s'évaluant, au terme d'un processus intellectuel évolutif, selon les règles de la probabilité, sans nécessité de certitude médicale.

Labelle et Entreprise Jacques Despars, 2013 QCCLP 5603.

Pour conclure à la connaissance du travailleur, il importe de déterminer à quel moment il dispose des données factuelles et médicales suffisantes pour établir la possibilité d'une relation entre la maladie et le travail. La situation s'évalue donc au terme d'un processus évolutif selon les règles de la probabilité. Ainsi il n'est pas nécessaire de détenir une certitude médicale. 

Cloutier et 9015-8148 Québec inc., 2013 QCCLP 7221.

La travailleuse a connaissance qu'elle peut être atteinte d'une maladie professionnelle lorsqu'elle dispose de suffisamment d'éléments pour établir un lien probable entre sa maladie et son travail. Ce niveau de connaissance n'apparaît pas nécessairement au moment où un médecin lui remet une attestation médicale sur le formulaire de la CSST. Il peut exister avant selon les informations accessibles à la travailleuse.

Tardif et St-Hyacinthe Chrysler Jeep Dodge inc., 2016 QCTAT 7011.

Le Tribunal adhère au courant jurisprudentiel voulant que le délai de l'article 272 court à compter de la connaissance par le travailleur que sa maladie est reliée à son travail. Cette connaissance doit tenir compte de l'ensemble des données factuelles et médicales dont il dispose, et elle s'évalue selon les règles de la probabilité, sans nécessité d'une certitude médicale de sa part. Bien que la question de la connaissance soit essentiellement une question de fait devant être analysée au cas par cas et que cette « connaissance » doive tenir compte d'éléments « médicaux », ceux-ci ne doivent pas avoir pour effet d'écarter le volet « factuel » entourant la prise de connaissance par le travailleur que sa maladie puisse découler de son travail.

Bravenec et Resto Casino (Montréal), 2017 QCTAT 4478.

Les expressions « portée à la connaissance » et « atteint d’une maladie » comportent deux éléments, soit un diagnostic de maladie et une relation avec le travail. Pour ce qui est du diagnostic, ce critère requiert qu’un professionnel de la santé qualifié, soit un médecin, pose un diagnostic. Quant au deuxième critère, il constitue l’aboutissement d’un processus intellectuel qui requiert de se représenter, de percevoir et de comprendre les données ou les faits et d'en tirer une conclusion. La connaissance doit se fonder sur une balance de probabilités et est constituée aussi bien d’éléments factuels que médicaux. Cette connaissance n’implique pas que le travailleur obtienne une certitude d’une relation causale au point de vue médical.

Voir également :

Gauthier et Aciers Trans Rol, 2011 QCCLP 5664.

Daoust et BM Manutention inc., 2013 QCCLP 2441.

Gaumond et Service correctionnel Canada, 2013 QCCLP 3751.

M.R. inc. (Supermarché Mont-Joli) et Fournier, 2013 QCCLP 6810.

Rouleau et Jardinerie Fernand Fortier inc. (La), 2014 QCCLP 3804.

Bernier et Emplois Compétences inc., 2014 QCCLP 5579.

Pelletier et Cap-Chat Hydraulique inc., 2016 QCTAT 6369.

Bombardier inc. (Service santé) et Simard, 2016 QCTAT 6115.

Provient d'une source externe

Cayer et Northern Telecom Canada ltée, C.L.P. 115748-62C-9905, 22 mars 2000, V. Bergeron.

L'expression « porté à la connaissance » suppose que le travailleur soit informé par une source extérieure à lui-même qu'il est possible qu'il soit atteint d'une maladie professionnelle. Cette information peut de toute évidence lui être fournie par son médecin traitant.

Suivi :

Révision rejetée, 8 août 2001, G. Godin.

Succession Napoléon Otis et Société canadienne de Métaux Reynolds Ltée, [2001] C.L.P. 600.

Une information de type médiatique ne peut tenir lieu de connaissance au sens de celle prévue à l'article 272. Cette connaissance doit être personnalisée et provenir d'une source capable d'expliquer le lien qui peut exister entre la maladie diagnostiquée et l'exposition au travail. L'information générale transmise par les médias, qu'il s'agisse de la presse écrite ou parlée, ne peut constituer une preuve de connaissance au sens de la loi.

Chabot et Shermag inc., C.L.P. 116061-04B-9905, 24 janvier 2003, J.-F. Clément.

Le texte même de l’article 272 utilise les mots « où il est porté à la connaissance du travailleur ». Cette expression réfère donc à l’existence d’une source externe d’information puisqu’un travailleur ne peut porter quelque chose à sa propre connaissance. Si le législateur avait voulu qu’il en soit autrement, il aurait utilisé, comme aux articles 270 et 271, la date de survenance de la lésion comme point de départ du délai. Le législateur a prévu spécifiquement une exception à l’article 272 à cause de la nature même de la maladie professionnelle dont l’existence et la relation avec le travail s’imposent moins à l’esprit d’un profane que la survenance d’un accident du travail. Si le législateur avait voulu faire dépendre le départ du délai de l’article 272 de la connaissance propre du travailleur, il aurait inscrit à l’article 272 que le délai commençait dans les six mois de la date où le travailleur a connaissance qu’il est atteint d’une maladie professionnelle plutôt que de l’expression « où il est porté à la connaissance du travailleur ».

Entreprises d'émondage LDL inc. et Rousseau, C.L.P. 214662-04-0308, 4 avril 2005, J.-F. Clément.

Cette connaissance doit être acquise auprès d'une personne qui s'y connaît d'une façon ou d'une autre dans la matière et non pas d'une personne profane formulant des opinions gratuites ou sans fondement. On pourrait admettre que le fait d'être informé par un collègue qui a lui-même déposé une réclamation avec succès auprès de la CSST et qui effectue des tâches similaires à celles du travailleur puisse, à la rigueur, entraîner la conclusion d'une connaissance par ce dernier, puisqu'il ne s'agit plus de la simple opinion profane d'un travailleur, mais d'une opinion basée sur l'acceptation préalable d'une lésion identique dans des circonstances similaires avec les opinions médicales qui sous-tendent un tel état de fait.

Verpaelst et Maçonnerie Lavigne & frères inc., [2008] C.L.P. 667.

C'est à compter de la connaissance du travailleur que sa maladie est reliée à son travail que court le délai de l'article 272. Cette connaissance du travailleur doit provenir d'une source extérieure.

Laliberté & Associés inc. et St-Louis, C.L.P. 298396-64-0609, 17 avril 2009, M. Montplaisir.

Puisque l'article 272 fait référence au concept de maladie professionnelle, la connaissance dont il est question doit manifestement avoir trait au savoir médical, d’où l’introduction de la notion selon laquelle la connaissance qu’il est atteint d’une maladie professionnelle doit être portée au travailleur par le biais d’un avis en provenance d’un professionnel de la santé.

Air Canada (Ser. des Réclamations) et Pard,2012 QCCLP 7859.

L'expression « porté à la connaissance du travailleur » implique une source externe d'informations quant à l'existence d'une relation causale, qu'il doit s'agir d'une possibilité sérieuse de relation causale avancée par un médecin ou, selon le cas, par un professionnel de la santé ou un intervenant du domaine de la santé. 

Pageau et Adrénaline Sports inc., 2013 QCCLP 6814.

La connaissance du travailleur doit être personnalisée et provenir d'une source capable d'expliquer le lien pouvant exister entre la maladie et l'exposition au travail. 

Gill et P.P.G. Industries inc., 2014 QCCLP 6261.

Puisque la présence d'une maladie et sa relation avec le travail doivent avoir été portées à la connaissance du travailleur, ces informations proviennent d'une source extérieure. Cette source extérieure est un médecin ou un professionnel de la santé dont la spécialité est concernée par la maladie du travailleur. On fait donc ici référence à une source fiable. 

Labrecque et 175094 Canada inc., 2016 QCTAT 661

Puisque l'article 272 fait référence au concept de « maladie professionnelle », la connaissance dont il est question doit manifestement avoir trait au savoir médical, d'où l'introduction de la notion selon laquelle il doit être porté à la connaissance du travailleur qu'il est atteint d'une maladie professionnelle au moyen d'un avis en provenance d'un professionnel de la santé. En outre, l'utilisation de l'expression « porté à la connaissance » implique que le travailleur doit être informé de la relation par une source extérieure, laquelle, dans les circonstances, provient habituellement du milieu médical. Cette interprétation doit être privilégiée, car il faut interpréter la loi de manière à ne pas brimer injustement le droit d'un travailleur puisque, s'il ne respecte pas le délai, il y a déchéance de son droit.

Voir également :

Billingsley et Commission scolaire Lester B. Pearson, 2012 QCCLP 7998.

Pathologie identifée et/ou avis médical de relation avec le travail

Gauvin et Ville de Montréal, [1992] C.A.L.P. 406.

Il faut qu'une maladie soit identifiée pour qu'on puisse en relier la cause au travail effectué.

Les Entreprises Loma Ltée et Harvey, [1994] C.A.L.P. 1402.

Le délai de six mois prévu à l'article 272 commence à courir à compter du moment où un médecin pose un diagnostic formel ou informe le travailleur du caractère professionnel de sa maladie, et non à compter du moment où une maladie professionnelle est soupçonnée.

Dupuis et Emploi et Immigration Canada, [1996] C.A.L.P. 1411.

On peut considérer qu'il a été porté à la connaissance du travailleur que sa maladie est ou peut être reliée au travail lorsque la relation entre la maladie et le travail est établie médicalement et où le travailleur est informé de cette relation par son médecin. Peu importe que lui-même ou quelqu'un de son entourage pense qu'il s'agisse d'une maladie reliée au travail.

Structures G. B. ltée (Les) et Fiola,C.L.P. 160639-01A-0105, 18 juillet 2002, L. Desbois.

Une pathologie doit, au départ, avoir été diagnostiquée par un médecin, bien qu'elle n'ait pas nécessairement à être identifiée de façon très précise. En outre, une possibilité sérieuse de relation entre le travail et une maladie doit généralement avoir été avancée, verbalement ou par écrit, par un professionnel de la santé. 

Viger et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu), [2003] C.L.P. 1669.

La définition de maladie professionnelle comporte deux éléments, soit un diagnostic et une relation avec le travail, et ces deux éléments doivent être portés à la connaissance de la travailleuse.

Dufour et Produits Forestiers J. V., C.L.P. 319518-31-0706, 18 avril 2008, C. Lessard.

Le délai de l'article 272 débute à partir du moment où un médecin pose un diagnostic formel ou informe le travailleur du caractère professionnel de sa maladie et non seulement à compter du moment où une maladie professionnelle est soupçonnée. En effet, la définition de « maladie professionnelle » de l'article 2 requiert un diagnostic et une relation causale entre celui-ci et le travail. Or, ces deux éléments doivent être portés à la connaissance du travailleur. Une maladie doit d'abord être identifiée afin qu'on puisse la relier ensuite avec le travail effectué. La seule pensée de produire une réclamation, en raison de douleurs, sans même connaître la nature exacte de la lésion, sans consultation médicale, ou sans confirmation de diagnostic, ne constitue pas une connaissance suffisante pour conclure à une relation probable avec le travail.

Bégin et Min. Défense Nationale, 2011 QCCLP 3160.

On peut conclure que le travailleur a la connaissance requise par l'article 272 à partir du moment où un médecin pose un diagnostic et/ou informe son patient du caractère professionnel possible de sa maladie et non à partir du moment où ce patient soupçonne qu'il est atteint d'une maladie professionnelle. 

Ouimet et 3561631 Canada inc., 2013 QCCLP 949.

Deux éléments doivent être établis pour que l'on puisse conclure à la notion de connaissance de la part du travailleur au sens de l'article 272, soit un diagnostic de maladie et, deuxièmement, une relation entre la maladie et le travail. 

Paré et Forestiers Paré Boily inc., 2013 QCCLP 1899.

La notion de « porté à la connaissance du travailleur »  a donné lieu à différentes interprétations. Pour la CLP, une pathologie doit d'abord être identifiée par un professionnel de la santé et une possibilité sérieuse de relation entre un travail et cette pathologie doit ensuite être invoquée par ce même professionnel de la santé. 

Lamontagne et Autobus Messier Chibougamou inc., 2015 QCCLP 4889.

Le délai de réclamation de l’article 272 débute au moment où il est porté à la connaissance du travailleur qu’il peut être atteint d’une maladie professionnelle. Cette connaissance s’acquiert lorsqu’une pathologie est identifiée par un médecin et que celui-ci invoque une possibilité sérieuse de relation entre la pathologie et le travail. En l’espèce, cette connaissance a eu lieu lorsque le médecin traitant a discuté avec le travailleur de ses symptômes et des emplois occupés et qu’il a complété et remis au travailleur une attestation médicale pour la CSST où le diagnostic de phénomène de Raynaud « probable » y était inscrit.

Rochon (Succession ) et Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail - Salaberry,2018 QCTAT 4096.

La computation du délai peut débuter uniquement lorsqu'un diagnostic de maladie est posé. C'est d'ailleurs l'une des conditions nécessaires pour bénéficier des indemnités prévues à la loi puisque la définition de « maladie professionnelle » prévue à son article 2 comprend tout d'abord la présence d'une maladie.

Voir également :

Casavant et Les rôtisseries Lanaudière, 2012 QCCLP 4560.

Suivi :

Révision rejetée en partie, 2014 QCCLP 1271.

Robillard et Hôtel Hilton Lac Leamy, 2014 QCCLP 164.

Lantin et Hydro-Québec, 2014 QCCLP 1819.

Dupuis et Provigo Québec inc., 2015 QCCLP 5176.

Kostiuk et FPInnovations, 2018 QCTAT 2914.

Faits survenus plus de six mois avant la réclamation

Malgré qu'il existe peu de décisions sur la question, la jurisprudence du tribunal retient que l'article 272 n'empêche pas un travailleur de faire la preuve de faits ou d'événements survenus plus de six mois avant sa réclamation, et ce, particulièrement lorsque des microtraumatismes sont invoqués. Cette situation se retrouve surtout en matière de lésion psychologique.

Voir : 

Article 270, rubrique Interprétation - sous le même titre.