Interprétation

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. 429.56 par. 3. Vice de fond ou de procédure

Vice de procédure de nature à invalider la décision

En général, les parties requérantes en révision interne allèguent l’existence d’un vice de fond. Lorsque l'on invoque un vice de procédure, le mot « procédure » réfère aux règles de procédure applicables devant la CLP, par opposition aux règles de droit substantif qu’elle doit appliquer.

Le vice de procédure doit être dénoncé à la première occasion.

Manufacturier de Bas Iris inc. et Furfaro,C.L.P. 187306-71-0207, 28 mars 2007, B. Roy.

Un vice de procédure doit être soulevé à la première occasion, dès qu'il a été porté à la connaissance d'une partie, c'est-à-dire bien souvent à l'audience même.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, [2007] C.L.P. 1357 (C.S.).

Vice de fond de nature à invalider la décision

Généralités

Selon la jurisprudence, la notion de vice de fond de nature à invalider la décision réfère à une erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur le sort du litige.

La décision attaquée pour vice de fond ne peut faire l'objet d'une révision interne que lorsqu'elle est entachée d'une erreur dont la gravité, l'évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

Le recours en révision ou révocation ne peut constituer un appel déguisé, étant donné le caractère final d'une décision de la CLP.

Notion de vice de fond

Le notion de vice de fond réfère à une erreur manifeste et ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.

Bourassa c. Commission des lésions professionnelles,[2003] C.L.P. 601 (C.A.).

La notion de vice de fond peut englober une pluralité de situations, mais l'erreur doit être suffisamment fondamentale et sérieuse pour être de nature à invalider la décision. C'est à tort que la deuxième formation de la CLP a réévalué la preuve et lui a substitué sa propre opinion. Ce faisant, elle a rendu une décision manifestement erronée et déraisonnable.

Suivi :

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, C.S.Can., 30009, 22 janvier 2004, jj. Iacobucci, Binnie, Arbour.

Maltais et Atelier de meubles, C.L.P. 315527-02-0704, 20 mai 2008, J.-F. Clément.

La jurisprudence de la CLP interprète la notion de vice de fond comme référant à une erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue du litige. La CLP siégeant en révision n’a pas à se demander si elle aurait rendu la même décision, mais elle doit se limiter à vérifier si la décision attaquée est entachée d’une erreur à ce point fondamentale, évidente et déterminante qu’elle doit entraîner sa nullité.

L'erreur manifeste

L'erreur manifeste doit être à ce point sérieuse qu'elle est de nature à invalider la décision.

CSST-Laval et Viandes & Aliments Or-Fil (Les), C.L.P. 86173-61-9702, 24 novembre 1998, S. Di Pasquale.

Siégeant en révision, la CLP est d'avis que l'interprétation qu'on retrouve dans la décision n'est pas irrationnelle ou tellement erronée ou farfelue qu'elle pourrait être qualifiée d'erreur sérieuse et fondamentale de nature à invalider la décision. Le présent tribunal n'a pas à se demander s'il aurait rendu la même décision. Dans le cadre d'une révision, la CLP doit se limiter à vérifier si la décision dont on demande la révision est entachée d'une erreur fondamentale et déterminante, qui doit entraîner la nullité de la décision.

L'erreur manifeste est flagrante en ce qu'elle saute aux yeux à la lecture même de la décision.

Provost et Fibrex fibre de verre inc., C.L.P. 83491-63-9610, 8 décembre 1998, M. Duranceau.

C'est l'idée de ce qui est « manifestement déraisonnable » qu'il faut rechercher quand on parle de « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision ». Il s'agit de l'erreur qui saute aux yeux à la lecture même du texte, démontrant l'incongruité qui est manifeste.

Ganotec inc., 2012 QCCLP 2486.

Lorsque la CLP siège en révision, elle doit se limiter à vérifier si la décision initiale est entachée d'une erreur à ce point fondamentale et déterminante qu'elle doit entraîner la nullité de la décision. Il est évident qu’une telle erreur apparaît à la face même de la décision. La CLP ne doit donc pas examiner les paragraphes un à un et déterminer si elle aurait fait la même analyse de la preuve. Elle ne doit pas faire une lecture cloisonnée de la décision.

Il ressort de la jurisprudence relative à la notion de vice de fond que la gravité, l'évidence et le caractère déterminant d'une erreur, en sont les traits distinctifs. La partie requérante doit, par conséquent, démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur grave, évidente et déterminante.

Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

Le tribunal complète un examen extensif de la notion de vice de fond contenue au troisième paragraphe de l'article 429.56 LATMP et retient que le vice de fond peut comprendre une erreur manifeste, de fait ou de droit, qui est déterminante dans les conclusions atteintes, mais ne pouvant servir de prétexte à l'institution d'un appel déguisé de la décision attaquée. La CLP est d'avis qu'en édictant l'article 429.49 LATMP, le législateur a voulu assurer la stabilité et la sécurité juridique des décisions rendues par la CLP.

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine,[2005] C.L.P. 626. (C.A.).

Reprenant les arrêts Godin et Bourassa, la Cour d’appel réaffirme que le juge siégeant en révision doit constater une erreur fatale ou encore un défaut si fondamental qu’il rend la décision invalide. Selon la Cour, c’est cela qui constitue l’irrégularité susceptible de constituer un vice de fond. Une décision présentant une telle faiblesse est alors entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige.

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921. (C.A.).

Tout comme dans l’arrêt Fontaine, la Cour d'appel confirme qu'une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

Victoria et 3131751 Canada inc. (Fermé),C.L.P. 166678-72-0108, 1er décembre 2005, B. Roy.

Il ressort de la jurisprudence relative à la notion de vice de fond que la gravité, l'évidence et le caractère déterminant d'une erreur en sont les traits distinctifs. Il ne saurait être question de substituer une seconde opinion à une première si elle n'est ni plus ni moins défendable que la première. Pour reprendre l'expression de la Cour d'appel, la « faille » que vise la notion de vice de fond est une erreur manifeste voisine d'une forme d'incompétence.

Abboud et Ministère de l'immigration et des Communautés culturelles, 2012 QCCLP 4986.

La notion de « vice de fond » a fait l’objet d’interprétation dans les affaires Donohue et Franchellini. La CLP y a jugé qu’il s’agit d’une erreur manifeste, de droit ou de fait, ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Ces décisions ont été suivies à maintes reprises dans la jurisprudence subséquente. Siégeant en révision judiciaire de certaines décisions de la CLP, les tribunaux supérieurs ont entériné, à plusieurs reprises, l’interprétation des textes législatifs pertinents que celle-ci retient.

Voir également : 

Maltais et Atelier de meubles, C.L.P. 315527-02-0704, 20 mai 2008, J.-F. Clément.

Le tribunal siégeant en révision n’a pas à se demander s'il aurait rendu la même décision. Il doit plutôt se limiter à vérifier si la décision initiale est entachée d’une erreur fondamentale, évidente et déterminante.

C.S.S.T. - Saguenay/Lac St-Jean et Jean-Guy Simard & fils inc., C.L.P. 85891-02-9702, 21 janvier 1999, J.-L. Rivard.

CLP-2 peut être d’accord ou non avec une interprétation retenue par CLP-1 en rapport avec un article précis, mais le seul fait d’être en accord ou non avec une interprétation n’est jamais un motif d’ouverture à la révision.

Amar c. Commission de la santé et de la sécurité du travail,[2003] C.L.P. 606 (C.A.).

L'interprétation d'un texte législatif ne conduit pas nécessairement à dégager une solution unique. Cet exercice exige de procéder à des choix qui, bien qu'encadrés par les règles d'interprétation des lois, sont sujets à une marge d'appréciation admissible de la part de CLP-1. En substituant, comme elle l'a fait, sa propre interprétation à celle retenue par CLP-1, CLP-2 a rendu une décision déraisonnable, car elle n'établit aucun vice de fond pouvant l'avoir fondée à agir ainsi.

Soc. Services Signalisation Sss inc. et CSST, C.L.P. 295537-61-0608, 26 mai 2008, J.-F. Clément.

Suivant les enseignements de la Cour d’appel, la CLP rappelle que l’erreur alléguée par la partie doit être grave, évidente et déterminante. La CLP siégeant en révision doit reconnaître la primauté de la première décision et faire preuve d’une grande retenue pour maintenir la finalité de la justice administrative.

La notion de vice de fond dans d'autres lois

L'expression « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » se retrouve également dans d'autres lois.

Article 24 de laLoi sur la Commission des affaires sociales.

Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733.

Le terme « vice de fond de nature à invalider la décision » a déjà été interprété par les tribunaux. Notamment, la Commission des affaires sociales a mentionné que la notion de vice de fond réfère à une erreur importante et sérieuse qui doit nécessairement entraîner la nullité de la décision elle-même.

Article 154 de la Loi sur la justice administrative.

Moreau c. Régie de l'assurance maladie du Québec,2014 QCCA 1067.

La Cour mentionne que l'article 154 de la Loi sur la justice administrative, s'applique de façon exceptionnelle. Le Tribunal administratif du Québeca suivi l'interprétation des décisions clés en matière de révision interne, notamment les affaires Godin, Épiciers unis Métro-Richelieu etFontaine . Elle réfère également à l'affaire M...L... c. Le Procureur général du Québec.

Article 127 du Code du travail.

Bonnallie c. Caisse Desjardins de l’Ouest de Portneuf,2014 QCCRT 0695.

Selon la Commission des relations de travail, il est bien établi que le recours en révision pour vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision n’est pas un appel sur la base des mêmes faits qui ont été considérés aux fins de rendre la première décision.  Il ne saurait être question de substituer à une première interprétation des faits une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première. La révision pour vice de fond ou de procédure se justifie en présence d’une erreur manifeste de droit ou de fait dont l’effet est déterminant sur le litige, au point de rendre la décision invalide. La révision sert à rectifier ou à corriger cette situation. Elle constitue un recours exceptionnel et d'application limitée, tel que précisé dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4479 c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des Centres jeunesse de Montréal (STTCJM-CSN).

La retenue dans l'application du vice de fond

La jurisprudence mentionne que le tribunal doit faire preuve d'une très grande retenue et il doit interpréter restrictivement l'article 429.56 LATMP pour éviter de nier le caractère final des décisions du tribunal (article 429.49 LATMP). Ceci garantit le respect de la stabilité décisionnelle du tribunal.

CSST-Laval et Viandes & Aliments Or-Fil (Les),C.L.P. 86173-61-9702, 24 novembre 1998, S. Di Pasquale.

La CLP est d'avis qu'il y a lieu de conclure que le recours en révision est un recours exceptionnel qui doit être interprété restrictivement en tenant compte des objectifs visés à l'article 429.49 LATMP, soit d'assurer la stabilité et la sécurité juridique des décisions rendues par ce Tribunal.

Franchellini et Sousa,[1998] C.L.P. 783.

Le tribunal est d'avis que le législateur, en énumérant à l'article 429.56 LATMP, les motifs donnant ouverture à la révision ou révocation d'une décision, a voulu limiter le recours aux seuls cas qui y sont spécifiquement énumérés et ainsi, restreindre la portée de ce recours. Il faut retenir qu'un « vice de fond » est une erreur manifeste, de fait ou de droit, qui est déterminante sur le sort du litige, ce qui exclut l'appel déguisé. La révision pour cause n'est pas un appel et il n'est pas permis à un commissaire qui siège en révision de substituer son appréciation de la preuve à celle qui a été faite initialement.

Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation,C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau.

Le critère du vice de fond, défini dans les affaires Donohue et Franchellini  signifie une erreur manifeste et déterminante. Toutefois, l’invitation à ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère et surtout l’analyse et l’insistance des juges dans les affaires Fontaine et Godin sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitent et incitent la CLP à faire preuve d’une très grande retenue. La première décision rendue par la CLP fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle pourra être révisée.

Savoie et Camille Dubois,C.L.P. 224235-63-0401, 12 janvier 2006, L. Nadeau.

Le critère du vice de fond, défini dans les affaires Donohueet Franchellini comme signifiant une erreur manifeste et déterminante, n’est pas remis en question par les récents arrêts de la Cour d’appel. Lorsque la Cour d’appel écrit que « la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur » sont des traits distinctifs susceptibles d’en faire « un vice de fond de nature à invalider une décision », elle décrit la notion en des termes à peu près identiques. L’ajout du qualificatif « grave » n’apporte rien de nouveau puisque la CLP a toujours recherché cet élément aux fins d’établir le caractère déterminant ou non de l’erreur. Toutefois, la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitent et incitent la CLP à faire preuve d’une très grande retenue. La première décision rendue par la CLP fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.

Jacob et Succession Kenneth McComber, [2008] C.L.P. 1032.

La Cour d'appel insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitant la CLP à faire preuve d'une très grande retenue lorsqu'elle est saisie d'un recours en révision.

Lachapelle et J.M.J. Corbeil enr.,C.L.P. 313833-64-0703, 3 avril 2009, L. Boucher.

La CLP en révision appliquera l'analyse développée par la Cour d'appel. Il faut accorder la primauté à la première décision et insister sur la finalité de la justice administrative en faisant preuve d’une très grande retenue lorsqu’elle est saisie d’un recours en révision ou révocation. La première décision rendue par la CLP fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle pourra être révisée. La loi ne permet la révision ou la révocation d’une décision que dans des situations précises, alors une telle procédure ne peut, en aucun cas, constituer un second appel ou un appel déguisé. 

Voir également :

Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490, (C.A.).

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine,  [2005] C.L.P. 626, (C.A.).

Moreau c. Régie de l'assurance maladie du Québec, 2014 QCCA 1067.

Vice de fond par catégorie

Chose jugée

Voir section « Non-respect du caractère final des décisions ».

Conflit jurisprudentiel

La jurisprudence retient qu’un conflit jurisprudentiel ne permet pas la révision à moins que l’interprétation de la jurisprudence soit erronée.

Domtar Inc. c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles,[1993] 2 R.C.S. 756.

« [...] Si le droit administratif canadien a pu évoluer au point de reconnaître que les tribunaux administratifs ont la compétence de se tromper dans le cadre de leur expertise, je crois que l'absence d'unanimité est, de même, le prix à payer pour la liberté et l'indépendance décisionnelles accordées aux membres de ces mêmes tribunaux. Reconnaître l'existence d'un conflit jurisprudentiel comme motif autonome de contrôle judiciaire constituerait une grave entorse à ces principes. Ceci m'apparaît d'autant plus vrai que les tribunaux administratifs, tout comme le législateur, ont le pouvoir de régler eux-mêmes ces conflits. La solution qu'appellent les conflits jurisprudentiels au sein de tribunaux administratifs demeure donc un choix politique qui ne saurait, en dernière analyse, être l'apanage des cours de justice ».

Côté et Produits forestiers Tembec inc.,[1993] C.A.L.P. 1600.

Le fait qu'une décision ne suive pas un courant de jurisprudence ne constitue pas une erreur manifeste. Tenter, par le biais d'une révision pour cause, de contrôler l'incohérence peut dénaturer l'essence même du recours et empêcher l'élaboration d'un courant jurisprudentiel.

Gaumond et Centre d'hébergement St-Rédempteur inc. (fermé), [2000] C.L.P. 346.

La Cour suprême a statué que le conflit jurisprudentiel ne constitue pas un motif autonome de contrôle judiciaire et la CALP a appliqué ce raisonnement à la révision, à savoir qu'un tel recours ne peut être utilisé pour favoriser ou privilégier une interprétation jurisprudentielle plutôt qu'une autre.

Amar c. Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), [2003] C.L.P. 606. (C.A.).

La divergence d'interprétation, quant au sens à donner au texte du paragraphe 3 de l'article 80 LATMP à partir des seuls débats parlementaires, ne pouvait permettre à CLP-2 de révoquer CLP-1 sous prétexte qu'il s'agissait là d'un vice de fond ayant un effet déterminant sur le sort du litige. Il appartenait d'abord aux premiers décideurs spécialisés d'interpréter ce texte et de lui donner le sens qui, à leur avis, répondait le mieux à l'intention du législateur, à l'objet de la loi et à la situation personnelle du travailleur. Or, l'interprétation d'un texte législatif ne conduit pas nécessairement à dégager une solution unique. Cet exercice exige de procéder à des choix qui, bien qu'encadrés par les règles d'interprétation des lois, sont sujets à une marge d'appréciation admissible. En substituant, comme elle l'a fait, sa propre interprétation à celle retenue par CLP-1, CLP-2 a rendu une décision déraisonnable, car elle n'établit aucun vice de fond pouvant l'avoir fondée à agir ainsi.

Prévost Car inc. et Giroux,C.L.P.160753-03B-0105, 10 février 2004, M. Beaudoin.

Ce n'est pas parce que deux tendances jurisprudentielles sont soumises au recours en révision que la CLP doit nécessairement favoriser une interprétation plutôt qu'une autre. Ainsi, l'interprétation donnée par chacun des décideurs au texte de loi doit être respectée dans la mesure où celle-ci ne contient pas d'erreur manifeste de fait ou de droit ayant un effet déterminant sur le litige.

Hôpital Marie Clarac,C.L.P. 315548-61-0704, 9 juillet 2009, C. Racine.

Or, bien que le courant jurisprudentiel retenu par CLP-1 soit désuet et ait été pratiquement abandonné, ce courant existe et il ne revient pas à CLP-2 de trancher les conflits jurisprudentiels ou de favoriser un courant au détriment de l'autre. CLP-2 doit plutôt respecter cette interprétation dans la mesure où elle ne contient pas d'erreur manifeste de fait ou de droit ayant un effet déterminant sur le litige. Il est également vrai que, selon les textes législatifs déposés par l'employeur, la notion de « contrôle de l'usager par l'employeur » semble erronée. Cependant, cet argument n'est pas le seul considéré par le juge et ce simple élément ne permet donc pas de conclure à la présence d'un vice de fond.

STM - Gestion du patrimoine et S.T.M.,C.L.P. 377010-71-0905, 4 avril 2011, M. Beaudoin.

La question de l'interprétation à donner à cette disposition est clairement au cœur du litige dont CLP-1 était saisie. Dans de telles circonstances, il appartient aux parties de prévoir la possibilité que leurs prétentions ne soient pas retenues. Lorsqu'elles ne le sont pas, elles ne peuvent se plaindre d'un manquement aux règles de justice naturelle. CLP-1 devait trancher le litige qui lui était soumis et interpréter la loi suivant les principes applicables en matière d'interprétation des lois. C'est l'exercice auquel elle s'est livrée en recourant à l'objet de la LSST, tel qu'interprété par la jurisprudence.

L'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, 2014 QCCLP 6257.

Il est établi depuis longtemps que le recours en révision ne peut être utilisé pour favoriser ou privilégier une interprétation jurisprudentielle plutôt qu'une autre. Ainsi, l'interprétation qui est faite d'un texte de loi doit être respectée dans la mesure où elle ne contient pas d'erreur manifeste de fait ou de droit ayant un effet déterminant sur le litige. Par ailleurs, CLP-2 ne peut conclure que la décision rendue par CLP-1 comporte une erreur de droit manifeste et déterminante sur l'issue du litige au motif qu'elle va à l'encontre d’une décision rendue par une formation de trois juges administratifs, puisque la décision de CLP-1 a été rendue avant celle de la formation de trois juges administratifs.

Voir également :

Chabot et Transformateur Delta ltée,  C.L.P. 346348-62B-0804, 10 décembre 2009, L. Boudreault.

Moreau c. Régie de l'assurance maladie du Québec, 2014 QCCA 1067.

Voir cependant : 

La jurisprudence retient cependant que l'application ou l'interprétation erronée d'un courant jurisprudentiel constitue un vice de fond.

Rock of Ages Carrières Canada inc. et CSST, [2008] C.L.P. 1405.

En conséquence, l'application erronée du principe juridique dégagé par la Cour d'appel, jugement que le tribunal cite lui-même dans sa décision, constitue une erreur manifeste de droit. L'application erronée de la jurisprudence constitue un vice de fond.  

Poulin et Corps canadien des commissionnaires, 2014 QCCLP 190.

L'erreur n’est pas le choix de CLP-1 de retenir un courant jurisprudentiel plutôt qu’un autre sur l’interprétation que l’on doit donner à la notion « d’éviter ». C’est plutôt que la décision à laquelle réfère CLP-1 n’illustre pas le courant qu’elle souhaite adopter. C’est donc en se basant sur une interprétation erronée de la jurisprudence, qu'elle accorde un droit au travailleur. Il y a un vice de fond.

Crainte raisonnable de partialité

La jurisprudence considère que la crainte raisonnable de partialité n'est pas un motif de révision. D'une part, elle doit être soulevée à la première occasion et d'autre part, elle ne fait pas partie d'un motif prévu à l'article 429.56 (3) LATMP.

Jobin et Commission scolaire de la Rivière-du-Nord, C.L.P. 250997-64-0412, 12 juillet 2007, S. Di Pascale.

Il est clairement établi par la jurisprudence que la partialité ou la crainte raisonnable de partialité à l’égard d’un décideur doit être soulevée à la première occasion par une demande de récusation et ne peut constituer un motif autonome de révision ou de révocation.

Allard & Émond inc. et Kiriakos Karras, 2015 QCCLP 474.

La crainte raisonnable de partialité n'est pas un motif donnant ouverture à la révision. La jurisprudence du tribunal rappelle que ça ne fait pas partie des motifs de révision prévus par l'article 429.56 (3) LATMP. De plus, lorsqu'une partie considère qu'un membre a eu un comportement partial, elle se doit de demander la récusation de ce dernier dès que possible et non pas par le biais d'une requête en révision puisque la décision ne lui a pas été favorable.

 Voir également : 

PPG Canada inc. c. Carignan, C.S. Montréal, 500-05-074207-026, 30 janvier 2004, j. Grenier.

Côté et Jean-Marc Trudel (fermé), C.L.P. 257018-01A-0503, 12 janvier 2007, L. Nadeau.

Voir cependant : 

A et Agence du revenu du Canada, 2016 QCTAT 1129.

Le Tribunal administratif du travail siégeant en révision considère qu’étant donné que la travailleuse n’est pas juriste, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir soulevé la crainte raisonnable de partialité en cours d’audience. Le Tribunal analyse donc ce moyen, mais le rejette puisque non fondé.

Décision écrite différente de celle prise à l’audience ou rendue oralement

La jurisprudence reconnaît que de rendre une décision écrite contraire à celle rendue oralement à l’audience ou le non-respect d’une entente prise entre la CLP-1 et les parties peuvent constituer un vice de fond. Certains considèrent cette erreur comme étant un épuisement de la compétence, alors que d'autres considèrent cette erreur comme un manquement aux règles de justice naturelle.

Manquement aux règles de justice naturelle
Morin et Commission scolaire des Bois-Francs, 2014 QCCLP 6675.

Lors de discussions préalables, CLP a acquiescé aux demandes communes des parties à l'effet de reconnaître les diagnostics de hernie discale L4-L5 et de radiculopathie C5-C6. Les parties n'ont donc pas présenté leur preuve sur cet aspect. La décision de CLP-1 ne va pas, par contre, dans ce sens-là. Les parties n’ont pas pu faire valoir pleinement leurs moyens ou exercer leur droit d'être entendu. La décision est révoquée puisqu’il y a eu un manquement aux règles de justice naturelle.

Dufour et Rio Tinto Alcan Mét prim (Grande B), 2015 QCCLP 4955.

Il était clairement établi que les parties seraient d’abord entendues sur la recevabilité de la réclamation pour être éventuellement convoquées sur le fond du litige. Rien dans les commentaires de CLP-1 ne laissait croire aux parties qu’une décision sur le fond serait rendue à la suite de la première audience. Il y a eu une violation des règles de justice naturelle entraînant un vice de fond qui justifie la révocation de la décision. Les parties n’ont pu être entendues sur le fond du litige.

Olymel Vallée-Jonction et Paré, 2015 QCCLP 6740.

CLP-1 a rendu une décision écrite contraire à celle rendue verbalement à l’audience de sorte qu’il y a eu accroc aux règles de justice naturelle. CLP-1 a induit l’employeur en erreur en lui laissant entendre qu’il n’était pas nécessaire de présenter ses moyens et ses prétentions et ainsi, ce dernier n’a pu exercer son droit d'être entendu. Un tel manquement aux règles de justice naturelle entraîne la révocation de la décision.

Gastier M.P. inc. et Bertrand, 2016 QCTAT 869.

Le fait de mettre fin à la preuve présentée par une partie en laissant sous-entendre qu'elle est convaincante est un motif permettant la révocation de CLP-1. Les parties n'ont pas pu se faire entendre, car elles croyaient que CLP-1 allait rendre une décision dans le sens souhaité.

Voir également : 

M...A... et Compagnie A, 2015 QCCLP 2725.

Functus officio
Léveillée et Commission scolaire des Affluents, C.L.P. 230669-64-0403, 28 avril 2006, G. Godin.  

CLP-1 ne peut modifier sa décision après l’avoir rendue sauf pour rectifier des fautes matérielles ou des erreurs imputables à un lapsus ou à une omission. CLP-2 doit donc révoquer CLP-1, car celle-ci fut rendue alors que le décideur initial avait épuisé sa compétence et qu’il ne pouvait rendre une décision contraire à celle rendue oralement lors de l’audience. CLP-1 était functus officio. Il s’agit d’une erreur de droit manifeste équivalant à un vice de fond de nature à invalider la décision.

Aspamill inc. et Yee-Ping, 2013 QCCLP 4458.

CLP-1 a rendu une décision verbale valable lors de l'audience. CLP-1 ne pouvait alors rendre une décision écrite contraire, sans enfreindre la règle communément appelée du functus officio reconnue depuis longtemps par la CLP et par les tribunaux supérieurs. Quand CLP-1 rend la décision écrite, elle n’a plus la qualité pour agir puisqu'elle a épuisé la compétence que lui attribue la loi. CLP-1 est révisée.

Voir également :

Gilles Morin Chauffage inc. et Construction Benoît Doyon, C.L.P. 347496-08-0805, 25 juin 2010, C. Bérubé.

Erreur dans l'appréciation de la preuve

La jurisprudence considère qu'en l'absence de lien rationnel entre la décision et la preuve versée au dossier, il peut y avoir un vice de fond de nature à invalider la décision.

Bédard et Cadrin Fleury inc.,C.L.P.142561-32-0006, 3 juillet 2002, M. Carignan.

Les éléments retenus par CLP-1 n'ont pas été confirmés par la preuve. CLP-2 estime que CLP-1 tire une conclusion qui n'est aucunement supportée par la preuve et qu'il s'agit d'une erreur de droit manifeste et déterminante qui donne ouverture à la révision de la décision.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Québec, 200-05-017266-029, 5 décembre 2002, j. Lacroix.

Requête pour permission d'appeler rejetée, C.A. Québec, 200-09-004320-039, 22 janvier 2003.

Verret et Salaisons Brochu inc. (Les),[2004] C.L.P. 1389.

En faisant reposer ses conclusions sur une conjugaison d’éléments, dont l’un n’est pas prouvé, en ignorant d’autres faits prouvés et non contredits et en évacuant la discussion sur un autre élément pertinent, CLP-1 a rendu une décision qui n’a pas de lien rationnel avec la preuve qui lui a été offerte.

Chiasson c. Commission des lésions professionnelles, [2005] C.L.P. 1701 (C.S.).

Il doit y avoir un lien rationnel entre la preuve au dossier et ce que le décideur fait dire à cette preuve. Les éléments de preuve perçus de façon raisonnable doivent étayer les conclusions de faits tirées par le décideur, sinon la décision sera déraisonnable. En principe, une cour de révision n'a pas à intervenir dans l'appréciation de la preuve, mais lorsque l'erreur est à ce point déraisonnable qu'elle donne lieu à un déni de justice, la situation est tout autre. 

Minville et Centre de santé des Haut-Bois, [2008] C.L.P. 892.

Comme CLP-1 a omis de considérer des pans essentiels de la preuve et qu'elle a commis une erreur manifeste d'appréciation de la preuve, il n'y a pas de lien rationnel entre la décision rendue et la preuve versée au dossier. Sa décision est donc entachée de vices de fond de nature à l'invalider et elle est révisée.

Suivi :

Révision rejetée, C.L.P. 191344-31-0210, 7 janvier 2010, C. Racine.

Roland Thibault inc., 2015 QCCLP 6642.

L'absence de lien rationnel entre la preuve offerte et les conclusions qu'en tire le tribunal constitue une erreur manifeste et déterminante correspondant à un vice de fond de nature à invalider la décision. Si CLP-1 fait dire à la preuve le contraire de ce qu'elle dit, il s'agit d'une erreur de droit.

Voir également : 

Sivrais et Armatures Bois-Francs inc., 2015 QCCLP 3672.

Suivi : 

Révision pendante.

Erreur portant sur l'objet du litige

L’omission de se prononcer sur une question faisant l’objet du litige ou de se saisir d’un litige dont le tribunal n’est pas saisi constitue un vice de fond.

Élag (1994) inc. et Courcelles, C.L.P. 85600-07-9701, 29 avril 1999, L. Couture.

Le fait d’entériner une entente alors que celle-ci dépasse l’objet du litige constitue une erreur déterminante équivalant à un vice de fond ou de procédure de nature à invalider cette décision.

Garage Windsor ltée et Michaud,C.L.P. 294594-01A-0607, 29 avril 2008, C.-A. Ducharme.

La jurisprudence considère que l’omission par CLP-1 de se prononcer sur une question qui fait l’objet du litige constitue un vice de fond qui est de nature à invalider la décision.

Lachapelle et J.M.J. Corbeil enr., C.L.P. 313833-64-0703, 3 avril 2009, L. Boucher.

Le fait de répondre à la mauvaise question ou de se saisir d’un litige dont on n’est pas saisi constitue un vice de fond donnant ouverture à la révision de la décision.

Namaoui et Centre Pneus et mécanique Montréal inc. (Goodyear Canada), C.L.P. 328932-61-0709, 3 août 2009, M. Langlois.

CLP-1 a décidé d'une tout autre question que celle qui lui était soumise, à savoir la capacité du travailleur à exercer l'emploi prélésionnel. Non seulement cette question ne faisait pas l'objet de la contestation du travailleur, mais il avait formulé une admission à ce sujet lors de l'audience. De plus, cette erreur est déterminante puisque la question en litige est demeurée sans réponse. Par conséquent, CLP-1 comporte un vice de fond de nature à l'invalider.

St-Ours et Restaurant l'Étoile de Rigaud (2007), C.L.P. 402519-62C-1002, 29 novembre 2010, M. Juteau.

Le fait de statuer sur une question qui n'est pas en litige constitue un vice de fond donnant ouverture à la révision de la décision. CLP-1 a conclu que la travailleuse avait droit aux bénéfices de la LSST, question dont elle n'était pas saisie. La conclusion portant sur le droit aux bénéfices découlant du retrait préventif de la travailleuse enceinte est rayée du dispositif de la décision.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, 2011 QCCS 5436.

Pouyez et La Cage aux Sports (Ancienne-Lorette), 2011 QCCLP 1889.

Répondre à la mauvaise question ou se saisir d'un litige dont la CLP n'est pas saisie constitue un vice de fond donnant ouverture à la révision de la décision.

Lecomte et Automobiles Carella inc., 2015 QCCLP 5487.

CLP-1 est complètement muette sur la question de l'irrecevabilité de la réclamation soulevée lors de l'audience. Elle n'a pas tranché cette importante question qui était de nature à emporter le sort du litige. Or, cette omission constitue une erreur manifeste qui est déterminante puisqu'il s'agit d'une question fondamentale. CLP-1 est entachée d'un vice de fond de nature à l'invalider et elle doit être révisée aux termes du troisième paragraphe de l'article 429.56 LATMP.

Suivi :

Révision rejetée, 2016 QCTAT 3496.

Voir également : 

Centre de soins prolongés Grace Dart de Montréal, C.L.P. 339376-61-0802, 20 avril 2009, C. Racine.

Thériault et (PP) Sylvie Thériault (F), 2015 QCCLP 3372.

Interprétation de la règle de droit

Selon la jurisprudence, une interprétation erronée d’une règle de droit constitue un vice de fond de nature à invalider la décision. C’est une erreur de droit.

Lessard et Meubles Canadel Inc., [2003] C.L.P. 1260.

CLP-2 ne peut substituer sa propre appréciation de la preuve ou du droit à celle de CLP-1 parce qu’elle serait en désaccord avec cette dernière. La décision attaquée ne peut être révisée que s’il est démontré que la conclusion retenue est basée sur une appréciation des faits ou des règles de droit manifestement erronée et que cette erreur est déterminante.

Forestier SMS et Charette, C.L.P. 242229-08-0408, 20 janvier 2010, M. Langlois.

CLP-2 doit s'en tenir à déterminer si l'interprétation de CLP-1 fait partie de la panoplie des interprétations possibles, à savoir, si elle s'écarte à un point tel des principes applicables que cela constitue une erreur. Le droit évolue constamment et une interprétation qui se tient, même si elle ne fait pas nécessairement l'unanimité, ne constitue pas pour autant une erreur de droit. Par contre, une interprétation erronée constituera un vice de fond. 

L’erreur doit avoir un effet déterminant sur le litige.

Hôpital Jean-Talon et C.S.S.T. - Montréal-3,2012 QCCLP 4193.

Que l'on soit en accord ou non avec l'interprétation retenue par CLP-1, pour qu'il y ait révision, l'interprétation doit être erronée et avoir un effet déterminant sur le litige. 

Centre universitaire de santé McGill - Pavillon Hôpital Général de Montréal, 2013 QCCLP 4302.

Une erreur dans l'identification d'une disposition de la loi n'est pas toujours déterminante et n'entraîne pas toujours un vice de fond. 

La CLP a une grande latitude dans l’interprétation des faits et du droit présentée devant elle.

Smith et Coop. de trav. du textile de Newport,C.L.P. 186846-01B-0206, le 16 juillet 2003, M. Carignan.

Un changement au niveau de l’interprétation existante est possible sans que ce soit considéré comme une erreur.

Morin et L.A. Hébert ltée, 2011 QCCLP 3200.

Donner préséance à un article dans une situation bien précise et particulière n’est pas une erreur.

Manquement aux règles de justice naturelle / Droit d'être entendu

La violation des règles de justice naturelle constitue un vice de fond entraînant la révocation de la décision.

Casino de Hull et Gascon, [2000] C.L.P. 671.

La violation des règles de justice naturelle constitue un vice de fond de nature à invalider la décision et à permettre la révocation, et seule la tenue d'une nouvelle audience est de nature à rendre justice à une partie qui n'a pu se faire entendre en raison d'une violation des règles de justice naturelle.

Morin et Commission scolaire des Bois-Francs, 2014 QCCLP 6675.

Il convient de rappeler qu’un manquement à une règle de justice naturelle au moment de l’audience devant CLP-1 peut être associé à un vice de fond au sens du troisième paragraphe de l’article 429.56 LATMP.

Voir également : 

Compagnie A, 2012 QCCLP 2912.

La CLP n’a pas à spéculer sur le sort de l’affaire, n’eût été ce manquement; elle doit plutôt se limiter à en constater la présence.

Casino de Hull et Gascon,[2000] C.L.P. 671.

Seule la tenue d’une nouvelle audience constitue une réparation propre à rendre justice à une partie qui n’a pu se faire entendre.

Dallaire et Jeno Neuman & fils inc., [2000] C.L.P. 1146.

La CLP conclut qu'il y a eu violation des règles de justice naturelle et que la décision est donc entachée d'un vice de fond ou de procédure de nature à l'invalider. Il n'est ni utile, ni pertinent de répondre aux autres motifs invoqués par l'employeur à l'appui de la requête en révision. En effet, lorsqu'il y a manquement à une règle de justice naturelle, le tribunal doit révoquer la décision sans spéculer sur le sort de celle-ci, n'eût été ce manquement.

Jean-Baptiste et Algorithme Pharma inc., 2012 QCCLP 726.

S’il y a un manquement aux règles de justice naturelle, notamment au droit d'être entendu, la décision doit être révoquée puisqu’elle comporte un vice de fond de nature à l’invalider et il n’y a pas lieu d’examiner si ce manquement a eu un effet déterminant sur le sort du litige.

Suivi :

Révision rejetée, 2012 QCCLP 6636.

D’amour et CSSS régional du Suroît, 2014 QCCLP 2302.

La CLP-1 commet un vice de fond lorsqu’elle refuse d’entendre un témoignage. Il s’agit d’un accroc à la règle de justice naturelle, alors CLP-2 doit révoquer la décision pour permettre à la travailleuse d’être pleinement entendue.

M...A... et Compagnie A, 2015 QCCLP 2725.

Que la question du droit d’être entendu, et plus particulièrement de soumettre de la preuve ou des arguments, soit abordée en vertu du second ou du troisième paragraphe de l’article 429.56 LATMP, il s’avère qu’un tel manquement aux règles de justice naturelle entraîne l’invalidité de la décision, sans qu’il ne soit jugé opportun d’exiger du requérant la preuve de l’effet déterminant de ce manquement sur l’issue du litige, ni même de seulement spéculer sur le sort de la décision, n’eût été ce manquement.

Voir également :

Cargill ltée et Commission de la santé et de la sécurité au travail,  2012 QCCLP 7189.

Beausoleil et Dollorama SEC, 2013 QCCLP 641.

Droit de soumettre ses arguments

Si la CLP ne permet pas aux parties de soumettre leurs arguments, il y aura un manquement aux règles de justice naturelle et la décision sera révoquée.

Desjardins et Verreault Navigation inc., 2011 QCCLP 5835.

CLP-1 doit permettre aux parties de soumettre leur preuve et leur argumentation. Le défaut de le faire constitue un manquement aux règles de justice naturelle qui est un vice de fond de nature à invalider la décision.

Cargill ltée et Commission de la santé et de la sécurité au travail, 2012 QCCLP 7189.

La jurisprudence reconnaît que l’empêchement de soumettre des arguments constitue un manquement aux règles de justice naturelle.

Beausoleil et Dollorama SEC, 2013 QCCLP 641.

Le droit d'être entendu comprend celui d’argumenter autant que celui d’apposer une preuve contraire à celle administrée par la partie adverse. Le non-respect de ce droit par la CLP équivaut à un manquement à une règle de justice naturelle.

D’amour et CSSS régional du Suroît, 2014 QCCLP 2302.

La justice naturelle comprend le droit de faire valoir ses moyens. Ainsi, un manquement à ce droit constitue un vice de fond.

Morin et Commission scolaire des Bois-Francs, 2014 QCCLP 6675.

Le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable d’obtenir une convocation, de présenter une preuve, d’interroger ou de contre-interroger et de faire des représentations. En bref, la CLP doit donner le droit aux parties impliquées de faire valoir leur moyen ou leur point de vue.

Voir également :

Azniga et Artitalia inc., C.L.P. 235881-71-0406, 25 juillet 2006, A. Suicco.

Paris et Pièces d’auto Agd inc., 2013 QCCLP 850.

M...A... et Compagnie A, 2015 QCCLP 2725.

Représentations mensongères ou fallacieuses d'un représentant

Pour le tribunal, le principe général est que la faute, l'incompétence et les choix inopportuns du représentant ne constituent pas en soi un motif de révision. Par contre, dans certaines situations où il y a eu des représentations fallacieuses d’un représentant, le tribunal reconnaît qu'il y a un manquement aux règles de justice naturelle.

Ouellet et Ferme St-Zotique ltée (Volailles), C.L.P. 336328-02-0712, 3 avril 2009, Monique Lamarre.

La jurisprudence établit que généralement, la faute, l’incompétence ou les choix inopportuns d’un représentant valablement mandaté par une partie ne constituent pas des motifs de révision ou de révocation. Cependant, la jurisprudence reconnaît également qu’il peut y avoir un manquement au droit d’être entendu dans le cas où il y a une preuve de représentations mensongères ou fallacieuses d’un représentant envers une partie.

Côté et Jean-Marc Trudel inc., 2015 QCCLP 4571.

Le tribunal a rappelé que le droit d'être entendu est un droit fondamental reconnu par la Charte des droits et liberté de la personne. Or, il en va de même pour le droit d'être représenté par un avocat. Le travailleur a démontré des circonstances exceptionnelles justifiant la révocation de la décision rendue par CLP-1. Même s'il n'a pas nécessairement été l'objet de déclarations mensongères de la part de son représentant, il a été victime d'un contexte très particulier et trompeur, qui est assimilable à des représentations fallacieuses. En effet, le travailleur, qui tenait absolument à être représenté par un avocat, a appris, après avoir reçu une décision défavorable, que son représentant avait perdu son statut d'avocat en exercice. Son droit d'être représenté par un avocat et, plus largement, d'être entendu, n'a pas été respecté, ce qui constitue une violation de la charte et est assimilable à un manquement aux règles de justice naturelle. Le seul remède à ce manquement est la révocation de la décision rendue dans ce contexte. Le travailleur pourra mandater un avocat qui préparera son dossier et le représentera dans le contexte d'une nouvelle audience au cours de laquelle toutes les parties pourront être entendues.

Voir également :

Les Viandes du Breton inc. et Dupont, C.L.P. 89720-01A-9707, 18 décembre 2000, M. Carignan.

Portugais et Entreprises Clément Lavoie inc., 2013 QCCLP 1249.  

Utilisation d’une preuve extrinsèque

L’utilisation par CLP-1 d’une preuve extrinsèque qui ne relève pas de la connaissance d’office du tribunal et que les parties n’ont pas pu commenter est une violation des règles de justice naturelle et plus précisément du droit d'être entendu.

Société Canadienne de métaux Reynolds Ltée c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 989 (C.S.).

CLP-1 réfère à l'opinion d'orthopédistes qui n'ont pas témoigné devant elle. Le droit d'être entendu comprend celui de prendre connaissance des données extrinsèques et de la plaidoirie adverse considérées par la CLP dans la prise de décision et d'y répondre afin de s'assurer que cette dernière puisse véritablement avoir devant elle tous les arguments et toutes les autorités nécessaires à une prise de décision éclairée et impartiale. La jurisprudence a établi que le principe de l'autonomie de la procédure et de la preuve administrative n'a jamais eu pour effet de limiter l'obligation faite aux tribunaux administratifs de respecter les exigences de la justice naturelle. La violation des principes de justice naturelle est considérée, en soi, comme un excès de juridiction et il ne fait, par conséquent, aucun doute qu'une telle violation donne ouverture au contrôle judiciaire.

Petit et IAMGOLD - Mine Doyon, [2009] C.L.P. 210.

Lorsqu'une partie invoque un manquement au droit d'être entendu parce que la décision dont on demande la révision est fondée sur des éléments de preuve qui n'ont pas été communiqués aux parties, la question doit être analysée selon le troisième paragraphe de l'article 429.56 LATMP puisqu'un tel manquement constitue un vice de fond. Selon la doctrine, il est aujourd'hui reconnu qu'un tribunal spécialisé peut puiser dans sa connaissance sur un sujet qui relève de son expertise ou de sa spécialisation. Bien que l'étendue de cette connaissance et la manière de l'exercer entraînent des points de vue divergents, il est certain que le tribunal est garant du respect des règles de justice naturelle, ce qui doit se refléter dans le processus décisionnel et la décision. Une décision ne peut donc être fondée sur une preuve obtenue à l'insu des parties, également désignée comme une preuve extrinsèque. Il est de l'essence du droit d'être entendu et de donner à chaque partie l'occasion de faire valoir ses moyens.

Compagnie A, 2012 QCCLP 2912.

La référence que CLP-1 fait à un article de doctrine médicale spécialisée dans une décision alors que cet article n’a pas été porté à la connaissance des parties et que celles-ci n’ont pas eu l’occasion de commenter viole leur droit d'être entendues, constitue un vice de fond et justifie la révocation.

Maloney et C.L.S.C. Montcalm, 2013 QCCLP 1186.

Le droit d'être entendu est une règle fondamentale de justice naturelle et la CLP doit toujours s’assurer de son respect. Un tribunal administratif ne peut fonder sa décision sur des éléments de preuve extrinsèque au litige et qui n’ont jamais été communiqués aux parties puisque le droit d'être entendu comprend celui de prendre connaissance de toute la preuve et des plaidoiries soumises au tribunal afin de pouvoir y répondre.

Voir également :

Duchesne et Michel St-Pierre Couvreur inc.,  [2006] C.L.P. 1559.

Droit au respect des décisions prises lors de l’audience

Si le non-respect d’une décision prise lors de l’audience par la CLP-1 brime le droit d'être entendu d’une partie, il y aura manquement aux règles de justice naturelle.

Voir :

Section « Décision écrite différente de celle prise à l'audience ou rendue oralement ».

Droit à un secours impartial

La mise en œuvre du droit d'être entendu passe par le secours impartial et équitable du juge administratif lorsqu’il est requis. Lorsque ce secours ne sera pas apporté, il y aura violation des règles de justice naturelle.

Boulangerie Repentigny inc. et Goudime, 2016 QCTAT 792.

L'obligation qui est faite au juge administratif dans la Loi sur la justice administrative de s'assurer que les procédures sont conduites de manière à permettre un débat loyal, de mener les débats de façon à faire apparaître le droit, de donner à chaque partie l'occasion de prouver les faits au soutien de ses prétentions et de les débattre, ainsi que d'apporter à chacune des parties, si cela est nécessaire, un secours équitable et impartial pendant l'audience, découle directement de ce droit d'être entendu et en constitue une importante voie de mise en œuvre dans le contexte de la justice administrative. Le droit d'être entendu constitue un droit fondamental qui est même considéré comme la « règle d'or », la première et la plus importante règle de justice naturelle. Lorsqu'il y a violation de ce droit, la décision doit être révoquée.

Voir également : 

Autobus Bouchard & Filles inc. et Lafrance, 2016 QCTAT 867.

Droit à une décision motivée, claire, intelligible

Certains juges administratifs considèrent l’insuffisance ou l’absence de motivation d’une décision comme étant une violation des règles de justice naturelle.

Voir :

Section « Motivation de la décision ».

Motivation de la décision

 Il a été reconnu par la jurisprudence que l’absence ou l’insuffisance de motivation d'une décision équivaut à un vice de fond de nature à invalider la décision.

L’absence de motivation peut être considérée comme une violation des règles de justice naturelle, plus précisément d’équité procédurale. Par contre, dans les cas ou des motifs sont présents, il n’y aura pas d’accroc fondamental aux règles procédurales, mais il devra plutôt y avoir une analyse sur l’intelligibilité du processus décisionnel.

Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 R.C.S. 708.

« [22]     Le manquement à une obligation d’équité procédurale constitue certes une erreur de droit. Or, en l’absence de motifs dans des circonstances où ils s’imposent, il n’y a rien à contrôler. Cependant, dans les cas où, comme en l’espèce, il y en a, on ne saurait conclure à un tel manquement. Le raisonnement qui sous-tend la décision/le résultat ne peut donc être remis en question que dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de celle-ci ».

Beaupré-Gâteau c. Commission des relations du travail, 2015 QCCS 1430.

L’absence de motivation d’une décision d’un tribunal administratif est généralement considérée comme un manquement possible à une règle d’équité procédurale, mais l’insuffisance de motivation est une question différente qui doit être analysée dans le contexte du caractère raisonnable de la décision. La décision doit être raisonnable au sens de l’arrêt Dunsmuir.

Rochon et Pytonga fish & game club, 2015 QCCLP 3699.

L’équité procédurale et les règles de justice naturelle seront violées lorsque la décision de la CLP ne comportera aucun motif à son soutien. Dans les cas où il y a des motifs, mais qu’une partie les considère comme insuffisants, la CLP siégeant en révision analysera la décision pour vérifier si elle rencontre le test de l’intelligibilité et si ce n’est pas le cas, elle pourra conclure à un vice de fond.

Landry et ArcelorMittal Mines Canada inc., 2015 QCCLP 6243.

Lorsqu’une motivation est présente, même si elle n’est pas détaillée, il n'est pas requis d'analyser la décision sous l'angle d'un manquement aux règles de justice naturelle. Il faut plutôt l'analyser sous celui de la raisonnabilité du résultat.

Fonseca Monteiro et Innvest Hotels GP XV ltd, 2016 QCTAT 1811.

Reprenant l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, le TAT siégeant en révision mentionne qu’il y a une distinction à faire entre l’absence et l’insuffisance de la motivation. L’absence de motivation sera considérée comme un manquement aux règles d’équité procédurale. Toutefois, l’insuffisance de la motivation ne peut en soi constituer un motif de révision et doit être analysée en fonction du caractère raisonnable de la décision. Pour apprécier le caractère raisonnable de la décision, il faut utiliser une approche plus globale, à savoir si les motifs et le résultat font partie des issues possibles. Ainsi, les motifs ne doivent pas être étudiés indépendamment du résultat, mais en corrélation avec celui-ci. Il y a donc lieu de se référer au dossier pour déterminer s’il est possible de compléter les motifs plutôt que de réviser la décision. 

Pour analyser la suffisance de motivation d’une décision, le tribunal siégeant en révision doit lire cette décision dans son intégralité.

Mitchell inc. c. Commission des lésions professionnelles,C.S. Montréal, 500-05-046143-986, 21 juin 1999, j. Courville.

C'est la décision dans son intégralité et pas seulement la section intitulée « Motifs de la décision » qu'il faut examiner pour vérifier si la CLP a tenu compte de l'ensemble de la preuve dans son appréciation des faits.

Matériaux Économiques inc. et Thifault,C.L.P. 286593-71-0603, 13 décembre 2007, S. Sénéchal.

Lors de la lecture de la décision, on comprend pour quelles raisons CLP-1 en arrive à cette conclusion. Il ne suffit pas d'isoler un seul paragraphe pour en arriver à la conclusion qu'il y a absence de preuve, absence de motivation ou refus par CLP-1 d'exercer sa compétence. Il faut lire sa décision dans son intégralité.

Lomex inc. et Gonzales, C.L.P. 254852-71-0502, 11 janvier 2008, S. Di Pasquale.

C’est la décision dans son intégralité qu’il faut examiner pour vérifier si la CLP a tenu compte de l’ensemble de la preuve dans son appréciation des faits. De plus, la CLP n’a pas à commenter tous les faits mis en preuve devant elle pourvu que l’on comprenne son raisonnement. En effet, la décision doit être intelligible et suffisamment motivée.

Savard-Michaud et CHSLD de Saint-Lambert-sur-le-Golf inc., 2015 QCCLP 3262.

Une décision peut paraître succincte, mais le tribunal siégeant en révision doit la lire et l’analyser dans son intégralité pour s’assurer de l’intelligibilité du processus décisionnel.

Il est reconnu par la jurisprudence qu’un juge administratif n’a pas à rapporter la totalité de la preuve ou des arguments soumis à son attention.

Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et autres travailleurs (euses) du Canada (TCA-Canada) locaux 187, 728, 1163 c. Brideau,2007 QCCA 805.

L’exigence de motivation laisse beaucoup de latitude au décideur. La perfection n’est pas la norme à laquelle on mesure les décisions. Les motifs d’un jugement peuvent donc être médiocres sans que les conclusions soient erronées. Certaines omissions peuvent être sans faille sur l’issue du litige. De plus, un juge administratif n’est pas tenu de faire état de chaque élément de preuve et de chaque argument afin de les analyser un à un. L’implicite a forcément sa place dans une décision.

Pagui inc. et Groupe Macadam inc., 2015 QCCLP 3817.

Il est vrai que CLP-1 n'a pas fait état de tous les détails relatifs au fait accidentel. Cependant, elle n'a jamais l'obligation de le faire. La Cour suprême a déjà déclaré qu'en présence d'une clause privative, l'insuffisance des motifs doit être tellement importante qu'elle équivaut à une violation des règles de justice naturelle. Il ressort d'une analyse de la jurisprudence sur la question de la motivation d'une décision qu'il faut faire une distinction entre une absence totale de motivation et une décision abrégée. Il suffit qu'une décision soit intelligible et qu'elle ait été suffisamment motivée pour que l'on puisse en comprendre les fondements, tous les faits et les arguments n'ayant pas à être rapportés et analysés.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée,  2015 QCCS 6145.

Gougeon et Garda (division Montréal), 2016 QCTAT 831.

Le fait qu’une décision soit succincte s’explique fréquemment par le fait que le décideur n’y a pas rapporté la totalité des faits soumis à son attention. Bien sûr, un décideur ne peut se limiter à conclure sans s’expliquer, ce qui pourrait entraîner l’arbitraire, mais l’insuffisance de motifs sur un élément donné du litige n’est pas fatale dans la mesure où, par ailleurs, l’implicite a forcément sa place dans le jugement.

Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Commission des relations du travail, 2016 QCCS 2210.

Même si un tribunal siégeant en révision ne retrouve pas dans la décision initiale tous les faits mis en preuve, tous les arguments plaidés ou toutes les dispositions législatives nécessaires à la résolution du litige, il ne peut mettre en doute la validité des motifs ou du résultat. Le tribunal doit d’abord chercher à compléter les motifs avant de les contrecarrer.

Intelligibilité du processus décisionnel.

Blanchard c. Control Data Canada Limitée,[1984] 2 R.C.S., 476.

Il appert donc que les critères à retenir, quand un justiciable invoque une motivation inadéquate affectant la validité d’une sentence arbitrale, seraient de déterminer si la décision est intelligible et si elle a été suffisamment motivée pour qu’on puisse comprendre ses fondements. L’arbitre n’a pas besoin de commenter tous les faits mis en preuve devant lui, ni de trancher tous les arguments que les parties lui ont présentés, et il n’est pas tenu de s’expliquer en grand détail, pourvu qu’une lecture de la décision permette qu’on comprenne son raisonnement.

Boulanger c. Commission des affaires sociales,C.S. Québec, 200-05-002317-902, 11 octobre 1990, j. Moisan.

Il est toujours possible d’améliorer la motivation d’une décision, de la rendre plus claire, plus complète et plus parfaite. La perfection n’est cependant pas le critère de la loi. Il suffit qu’une décision soit suffisamment détaillée pour que le justiciable comprenne les raisons ayant motivé les conclusions. Il faut aussi prendre en compte les motifs implicites d’une décision, et les déductions qu’on doit tirer de l’examen du libellé.

Laprise et Corporation d'Aliments Ronzoni,2014 QCCLP 5596.

Il suffit qu'une décision soit suffisamment détaillée pour que le justiciable comprenne les raisons ayant motivé les conclusions. Il faut aussi prendre en considération les motifs implicites d'une décision et les déductions qu'on doit tirer de l'examen du libellé. Il faut donc appliquer le test de l'intelligibilité, à savoir que les motifs soient intelligibles et permettent de comprendre les fondements d'une décision. Il faut également distinguer une absence totale de motivation d'une motivation succincte ou abrégée.

N'Diaye Papis et CSSS Jeanne-Mance,2015 QCCLP 3433.

L’obligation de motivation des décisions signifie que le tribunal doit expliquer le cheminement intellectuel, factuel et juridique qu’il emprunte pour en arriver à la conclusion qu’il retient. Cette obligation n'impose pas, par contre, que l’adjudicateur expose l’ensemble des faits révélés par la preuve ou encore qu’il réponde à chacun des arguments soulevés par les parties. Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, la Cour suprême du Canada, se penche sur le contenu de cette obligation de motivation des tribunaux administratifs. La Cour mentionne que la justification de la décision, sa transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel sont les principes sur lesquels repose la motivation d'une décision. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), la Cour suprême du Canada établit que les motifs d’une décision doivent être examinés en corrélation avec les conclusions retenues par le juge administratif. Il est possible que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments ou autres détails qu'un autre juge aurait retenu, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent au juge siégeant en révision de comprendre le fondement de la décision et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables. La décision de CLP-1 doit passer le test de l’intelligibilité, c’est-à-dire que prise dans son ensemble, elle doit être compréhensible et explicite, tant dans ses fondements que dans le lien entre ceux-ci et la conclusion retenue.

Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Commission des relations du travail, 2016 QCCS 2210.

Reprenant les enseignements de la Cour Suprême dans l'arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), la Cour supérieure mentionne qu'un exercice global d’analyse des motifs examinés en corrélation avec le résultat, afin de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles, doit être effectué pour s'assurer de la suffisance des motifs. Même si ces derniers qui ont été donnés ne semblent pas tout à fait convenables pour étayer la décision, la Cour doit d’abord chercher à les compléter avant de tenter d'intervenir.

Voir également :

Transport TFI 15, S.E.C. et Bérubé, 2014 QCCLP 60.

Non-respect du caractère final des décisions

La jurisprudence considère que le fait de ne pas respecter le caractère définitif et irrévocable d’une décision et d'en modifier les conclusions a un effet certain sur l’issue du litige et justifie la révision ou la révocation de la décision.

Simard et La Compagnie minière Québec Cartier,[2005] C.L.P. 204.

La décision de la CLP est révisée, car elle comporte une erreur manifeste de droit portant sur la compétence juridictionnelle du tribunal et cette erreur est déterminante sur l'issue du litige. Bien que CLP-1 ait étudié le bien-fondé en droit de l’objection préliminaire relativement à la notion de chose jugée, la question soulevée par l’employeur mettait nécessairement en jeu la notion de décision finale et irrévocable. Ainsi, pour régler cette question, CLP-1 devait étudier l’ensemble de la preuve pour décider s’il s’agissait d’une nouvelle réclamation ou plutôt de l’utilisation d’une nouvelle réclamation pour décider à nouveau d’une question tranchée antérieurement par une décision finale et irrévocable.

Chevalier c. CSST, [2008] C.L.P. 281 (C.A.).

CLP-1 s'est en quelque sorte arrogée un pouvoir de reconsidération de la décision rendue par la CSST, alors que ce pouvoir est plutôt réservé à cette dernière (article 365 LATMP). Cela doit être considéré comme un vice de fond de nature à invalider la décision au sens de l'article 429.56 LATMP, et CLP-2 aurait dû intervenir.

Maltais et Atelier de meubles, C.L.P. 315527-02-0704, 20 mai 2008, J.-F. Clément.

Le fait de ne pas respecter le caractère définitif et irrévocable d’une décision pour en changer les conclusions constitue une erreur manifeste qui entraîne un effet certain sur l’issue du litige. Il en va de même lorsque la CLP répondra à la mauvaise question ou se saisira d’une question qui ne fait pas l’objet de la décision contestée.

Rodrigue et Arcelormittal Mines Canada inc., 2012 QCCLP 1029.

Selon la jurisprudence, le fait de ne pas respecter le caractère définitif et irrévocable d'une décision constitue une erreur manifeste et déterminante donnant ouverture à la révision.

Obiter dictum / motifs subsidiaires

Voir : 

article 429.56, rubrique Interprétation - Sous le titre Révision ou révocation d'un obiter dictum/motifs subsidiaires.

Omission d'appliquer une règle de droit

La jurisprudence a établi qu’en règle générale, l’omission d’appliquer une règle de droit constitue un vice de fond de nature à invalider la décision.

CSST et Del Grosso, [1998] C.L.P. 866.

La CLP a l'obligation d'entériner un accord dans la mesure où il est conforme à la loi. La décision entérinant un accord allant à l'encontre de la loi est donc illégale et doit être révoquée.

Construction PLL et CSST, [2002] C.L.P. 916.

Le défaut d'appliquer les dispositions législatives et réglementaires pertinentes équivaut à méconnaître une règle de droit et constitue une erreur de droit manifeste qui aura un effet déterminant sur le sort du litige.

Terrassements Lavoie ltée et Conseil Conjoint (F.T.Q.), [2004] C.L.P. 194.

Le refus d'appliquer les dispositions législatives ou réglementaires pertinentes à un cas précis équivaut à méconnaître une règle de droit et constitue une erreur de droit manifeste qui a un effet déterminant sur le sort du litige. En l'espèce, le commissaire n'a pas appliqué l'article 3.10.3.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction, qui était clair et qui aurait dû être appliqué . La décision est révisée.

Champagne et Ville de Montréal, C.L.P. 236011-63-0406, 23 février 2006, S. Di Pasquale.

CLP-1 est entachée d'un vice de fond de nature à l'invalider, puisque le tribunal n'a pas appliqué les dispositions de la loi et du règlement prévoyant la revalorisation des sommes d'argent prévues à la loi. Le fait d'écarter une règle de droit applicable, même si c'est un oubli, constitue une erreur de droit manifeste et déterminante.

Centre Miriam et Lemire, 2011 QCCLP 5244.

Ne pas appliquer les bons articles de loi pour trancher le litige constitue un vice de fond.

Beaudoin et Sept-Îles Kia, 2014 QCCLP 4902.

CLP-1 ne s'est livrée à aucune analyse des faits et du droit applicable au sujet de la méthode de calcul du revenu net retenu. Le tribunal en révision ne peut donc pas conclure que les déductions que CLP-1 a autorisées sont le fruit d'une interprétation particulière de la loi. Il s'agit plutôt de l'omission d'appliquer les prescriptions de la loi, ce qui constitue une erreur manifeste. Cette erreur est déterminante, car elle a pour effet de modifier grandement l'IRR réduite à laquelle le travailleur a droit.

L'omission d'appliquer une règle de droit a été considérée par la jurisprudence comme constituant une erreur de droit, et ce, même si elle n'a pas été invoquée par les parties.

Larivière et Produits d'acier Hason inc. (Les), C.L.P. 142509-63-0007, 30 avril 2003, L. Nadeau.

L'omission d'appliquer une règle de droit a été considérée par la jurisprudence comme constituant une erreur de droit, et ce, même si elle n'a pas été invoquée par les parties. Le procureur du travailleur n'a pas soulevé, lors de l'audience, l'application de l'article 51, ce qu'il aurait dû faire. Il ne s'agit pas ici de faire valoir un nouvel argument en révision ou d'une question de connaissance d'office de certains faits, mais plutôt de ne pas avoir tenu compte de l'application d'une disposition de la loi. En l'espèce, l'article 51 ne peut recevoir application et on ne peut donc pas conclure que CLP-1 a commis une erreur de droit déterminante sur l'issue du litige.

Suivi :

Requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Joliette, 705-17-000660-033, 23 février 2004, j. Borenstein.

Voir également : 

Laboratoire Technicolor du Canada et Lagacé Richard, C.L.P. 229241-63-0403, 4 octobre 2006, B. Lemay.

Omettre de citer une disposition législative n’est pas une erreur déterminante si l’analyse a été appuyée sur des éléments tout aussi rationnels.

Lavoie et Gilbro inc., C.L.P. 337373-02-0801, 15 octobre 2009, Anne Vaillancourt.

Même s'il est vrai que l'omission de faire référence à la règle de droit pertinente constitue une erreur de droit manifeste, le raisonnement demeure intelligible et cette erreur, à elle seule, n'a pas d'effet déterminant sur l'issue du litige.  La seule omission de CLP-1 de préciser sous quel article de loi elle analyse et décide que le travailleur a subi une lésion professionnelle ne peut constituer, en l'espèce, une erreur de droit déterminante.

Addad et Alimentation Daniel Germain inc., 2013 QCCLP 5620.

CLP-1 aurait évidemment pu référer à la disposition législative applicable puis à l’approche généralement retenue par le tribunal en semblable matière avant de procéder à l’analyse de la preuve et de conclure comme elle le fait. Cette omission ne peut cependant d’aucune façon être assimilée à une erreur grave, manifeste et déterminante dans la mesure où, malgré son caractère bref, la décision est intelligible et tranche la question soumise de manière rationnelle et compréhensible, et que CLP-1 ne fait aucunement défaut d’appliquer une règle de droit, appuyant son analyse sur des éléments tout aussi rationnels au regard de la notion d’événement survenu à l’occasion du travail et correspondant de surcroît pour l’essentiel aux éléments énumérés dans la jurisprudence comme étant susceptibles d’aider à la prise de décision en la matière. 

Omission de statuer sur un argument

La jurisprudence affirme régulièrement qu'un décideur administratif n'a pas l'obligation de traiter de tous les arguments qui lui sont soumis. Cependant, si un argument est central dans la théorie de la cause d'une partie, le décideur doit en disposer. L'omission de trancher d'un tel argument peut constituer un vice de fond, soit une erreur de droit ou un accroc au droit d'être entendu.

CSSS du Nord de Lanaudière, C.L.P. 346091-63-0804, 2 novembre 2009, C.-A. Ducharme.

Un juge administratif n'a pas à discuter de toutes les prétentions qui lui sont soumises. Par contre, l'omission de discuter d'un argument majeur sur lequel repose la prétention d'une partie peut constituer une erreur de droit qui justifie la révision de la décision. Ainsi, lorsqu'il est impossible, à la lecture d'une décision, de comprendre les raisons pour lesquelles le juge administratif n'a pas retenu les prétentions d'une partie et n'en discute pas et que cette omission est déterminante, il y aura vice de fond .

Casavant et Rotisseries Lanaudière,2014 QCCLP 1271.

Bien que, comme le reconnaît la jurisprudence, un juge administratif n'ait pas à traiter de tous les arguments qui lui sont soumis, il y a toutefois une exception de taille à cette règle puisqu'il est de l'essence même d'un argument subsidiaire d'avoir un sens ou une raison d'être lorsque l'argument principal n'est pas retenu par le tribunal auquel il est soumis. Dans la mesure où cet argument est le seul qui puisse donner gain de cause au requérant, il doit être examiné à son mérite. L'omission de le faire constitue un déni de justice qui porte atteinte aux principes de justice naturelle, soit le droit d'être entendu, et constitue donc un vice de fond.

Yelle et Autobus Transco 1988 inc.,2015 QCCLP 1228.

Pour qu'une décision soit suffisamment motivée, la CLP n'a pas à rapporter ni à commenter tous les éléments du dossier dont elle est saisie ni tous les arguments qui lui sont présentés. Cependant, l'omission de tenir compte d'un élément important de la preuve, comme une expertise médicale produite par la partie qui n'a pas eu gain de cause, constitue une erreur manifeste qui peut donner ouverture à la révision de la décision. L'omission de traiter du principal argument soumis par la partie qui n'a pas eu gain de cause, surtout lorsqu'il s'agit de sa seule prétention, peut également donner lieu à la révision. 

C...B... c. Commission des lésions professionnelles, 2015 QCCS 5082.

Une décision qui omet de traiter d'un argument qui aurait pu avoir un effet déterminant sur le litige ne peut être qualifiée de raisonnable. Il n'y a pas lieu de faire preuve de retenue ou d'une grande déférence à l'égard d'une telle décision.

Voir également :

Leclerc  et ALS Canada ltée, 2014 QCCLP 6340.

N'Diaye Papis et CSSS Jeanne-Mance, 2015 QCCLP 3433.

Omission de tenir compte d'un élément de preuve

Selon la jurisprudence, l'omission de tenir compte d'un élément de preuve est une erreur de droit manifeste. Si l'erreur est déterminante sur l'issue du litige elle constitue un vice de fond.

Avon Canada et Mathieu,C.L.P. 112860-62C-9903, 28 septembre 2000, L. Landriault.

L'employeur allègue que la CLP a ignoré l'expertise médicale de son expert. Cette dernière n'a ni mentionné, ni analysé, ni pris en compte cette expertise pour rendre sa décision. Or, le fait d'ignorer un élément important ou majeur de la preuve constitue une erreur manifeste de droit déterminante sur l'issue du litige.

Métivier et Provigo Distribution inc., C.L.P. 212284-71-0307, 4 avril 2005, N. Lacroix.

En omettant de considérer des éléments de preuve importants au dossier et d'en traiter, la CLP a commis une erreur manifeste et déterminante qui permet de révoquer la décision. De plus, l'omission de se prononcer sur la teneur de ces documents équivaut à un manquement aux règles de justice naturelle.

Lomex inc. et Gonzales, C.L.P. 254852-71-0502, 11 janvier 2008, S. Di Pasquale.

Selon la jurisprudence, négliger un élément de preuve important ou omettre d’analyser et de tenir compte d’une preuve importante constitue une erreur de droit manifeste. Cette erreur peut donner ouverture à la révision de la décision lorsqu’elle est déterminante quant à l’issue du litige.

Corswarem et Commission scolaire Lac-Abitibi, C.L.P. 291308-08-0606, 22 juillet 2008, L. Nadeau.

CLP-1 doit expliquer et motiver sa décision si elle décide d'écarter une expertise. En l'espèce, CLP-1 résume le témoignage d'un médecin expert dans la section de sa décision intitulée « Les faits ». Toutefois, elle n’analyse pas cette opinion dans ses motifs. L’omission de tenir compte d’une preuve importante constitue une erreur manifeste de droit et cette erreur est déterminante, car elle a conduit CLP-1 à conclure qu’il n’y avait pas de preuve permettant le renversement de la présomption.

Voir également :

Rodrigue c. Commission des lésions professionnelles, [2007] C.L.P. 1926.

Frigault et Bonduelle Canada inc., C.L.P. 340168-62C-0802, 17 novembre 2010, C.-A. Ducharme.

Bains Ultra inc., 2012 QCCLP 5986.

Malenfant et Corp. du Séminaire de St-Hyacinthe, 2013 QCCLP 2524.

Cheminée Lining E. inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCLP 3173.